Tenter le Baron ou le Diable ? [Hector] [Terminé]

Dans les bras d'Hector, Grâce semblait retrouver un peu de force.

- Il suffirait de le convaincre...

Elle réfléchissait tout haut et Hector retrouvait le sourire.

- C’est ça, il suffirait de lui montrer que de toute façon je ne pourrais pas prétendre à mieux. Que mon passif est trop important pour qu’on puisse en faire abstraction. Ce qui n’est pas forcément faux.
- Vous ne pourriez prétendre à mieux ? Merci chère baronne ! Je suis flatté !

Le rire sonore du baron résonna dans les termes abandonnés. Hector caressa lentement le dos de Grâce.

- Tout se passera bien, Grâce, vous verrez...

Et lorsqu'elle s'écarta de lui, il ne put s’empêcher de laisser une main glisser le long la hanche de la jeune femme. Il aurait préféré rester un peu plus longtemps contre son corps... C'était dans cette étreinte, après tout, qu'elle semblait avoir puisé la force d'envisager cette belle aventure.

- Vous êtes vraiment sérieux ? Le questionna-t-elle tout de même.
- On ne peut plus sérieux, Grâce ! Je sais que cette proposition peut paraître folle mais, je suis persuadé qu'elle nous ira... Et qu'avec votre aide, je trouverais les arguments pour convaincre votre père.

Hector était impatient de trouver Anthime et de lui demander la main de sa fille. Son propre père n'étant plus, c'était à lui d'assumer cette responsabilité ... Mais ne croyez pas qu'il en était anxieux. Son optimisme légendaire ne lui laissait présager que d'une issue positive à cette demande ! Il était juste assez lucide pour ne point en parler à Grâce ; cela ne pouvait que l'affoler et mieux valait ne pas la brusquer.

- Nous pourrons enfin passer un peu plus de temps ensemble... ne plus nous cacher... Ajouta-t-il en se baissant galamment pour porter ses beaux vêtements à la baronne. Avez-vous besoin d'aide ?

Évidemment, il ne s'agissait pas d'une proposition désintéressée. Hector avait envie d'un dernier contact avec celle qui l'avait tant fait vibrer précédemment... Il se souvenait pêle-mêle de ce baiser dans les jardins du duc, de ses caresses sous la belle tablée familiale, de leur entrevue derrière la grille de son habitation, de ces lèvres qu'elle avait déposé sur son épaule nue... Le froid qui venait tout juste de disparaître entre eux avait-il eut le temps de tuer la flamme qui , entre eux, avait brûlé si intensément?

Heureusement, la maladresse de sa pensée à voix haute l’avait fait rire, il n’avait pas pris la mouche de la petite pique involontaire qu’elle avait dit en formulant ses pensées si rapidement.

Il semblait si sûr de lui. Mais Grâce pensait tout de même, au fond, qui agissait trop impulsivement et qu’au fond s’était-elle qui risquait d’en payer les pots cassés. Cependant, si il lui offrait bien cette liberté de faire ce qui lui plaisait cela ne valait-il pas le coup ?

Seul le futur pourrait leur dire.

« Vous avez l’air plutôt certain de vos intentions. »

Dit-elle simplement un peu pensive.

La proposition sur le fait de l’aider à s’habiller fit sourire la demoiselle. Elle n’était pas dupe de l’intention sous-jacente. Une chose était sure, pour le moment, il était tous les deux attirés, intéressé, l’un par l’autre, qui savait jusque quand cela allait tenir. Autant en profiter tant que cela durait.

« Savez-vous lacer un corset Hector ? Où n’avez-vous d’expérience que dans l’art de les délacer ? »

Lança la demoiselle attrapant une petite pièce de tissu brodée assez rigide. Elle l’enfila facilement, il fallait dire qu’il était grand ouvert sur le devant. Le lacer qui permettait de la fermer était attacher au dernier passant sur le bas. La demoiselle défit le nœud qui le retenait et commença à remonter avec le laçage. Une fois qu’elle aurait fini, il finirait juste en dessous de son décolleté.

C'était elle, c'était bien elle. Grâce ! Grâce et son sourire, sa voix, ses yeux coquins...

- Savez-vous lacer un corset, Hector ? Où n’avez-vous d’expérience que dans l’art de les délacer ?

Hector sourit... Peut-être n'était-ce que la peur de l'inconnu qui, tout à l'heure, avait rendu la jeune femme anxieuse. A présent il la retrouvait telle qu'il l'aimait : joueuse et maligne.

Il posa le reste des vêtements au sol avant de rejoindre la baronne qui commençait à remonter les passants un à un.

- Vous me connaissez trop bien, mademoiselle... Mais... si je n'y arrive pas, montrez-moi... murmura Hector en passant ses mains sous celles de Grâce.

C'était une activité agréable mais ô combien compliquée. Ses mains épaisses ne semblaient guère faites pour manipuler les fin lacets noirs et les étroits passants. Mais le noble guerrier était appliqué. Il tentait d'imiter les gestes agiles de la baronne. Heureux, Hector parvenait à faire monter les lacets de 3 ou 4 rangs avant de ... rencontrer quelques difficultés. En effet, une certaine fébrilité s'était emparée de lui à mesure qu'il montait. Il faut savoir qu'Hector dépassait Grâce d'une tête et que, proche d'elle comme il était, il avait une vue imprenable sur le décolleté offert par les 3 boutons qu'elle avait négligemment laissé ouverts à sa chemise. Et, évidemment, plus Hector montait les lacets, plus la poitrine de la demoiselle, soutenue par l'armature du corset, se galbait sous ses yeux.

- Ça se complique, chuchota Hector en arrivant bon gré mal gré aux derniers rangs du corsage.

Ces mains étaient à présent séparées des seins de la jeune femme que par l'épaisseur du lin... Il sentait leur poids, leur forme, leur chaleur sur le revers de ses mains quand il conclue ce laçage, en faisant le nœud à la cime du corset.

- Et voila ! Dit-il avec une fierté légèrement surjouée, qu'en dites-vous ?

Il recula d'un petit pas pour admirer son œuvre... mais, à vrai dire, c'était surtout l’œuvre de la nature qui méritait l'admiration... La femme qui se tenait face à lui était plus belle que toutes celles qu'Hector avait pu rencontrer par le passé. Ses longs cheveux détachés, sombres et brillants, ses yeux profonds, ses lèvres rouges au dessin parfait, sa poitrine fièrement soutenue par ce corset brodé et, plus bas, à peine cachées par une chemise à la longueur indécente, des jambes aux lignes parfaites, longues et dorées...

Hector plongea à nouveau son regard dans les yeux de Grâce. C'était un regard plein d'admiration et d'envie ; un regard comme la séduisante jeune femme avait dû en sentir souvent...

- Et maintenant ? Demanda Hector sans plus de précision.

Le manque d’adresse d’Hector dans l’exercice que la jeune fille lui avait proposée, arracha à cette dernière un petit souffle amusé. Même si elle le guidait dans la façon de croiser les liens pour qu’ils résistent a là pression qu’on allait y imposer.

Elle se divertit du trouble que provoquèrent ses charmes sur l’homme, sentant une certaine fébrilité s’en parer de lui à mesure qu’il remontait.

« Pas mal pour un débutant, cependant, vous auriez pu serrer plus. »

Répondit-elle quand Hector lui demanda son avis.
Il était vrai qu’elle avait plus l’habitude des domestiques du manoir, dont on se demandait si elle ne voulait pas vous achever par suffocation, tellement elles seraient.

L’admiration et surtout l’envie qu’elle percevait dans les yeux du Baron face à son physique, elle les avait souvent vus, mais s’en délectait toujours autant. Elle avait follement envie d’attiser un peu cette étincelle avec un baiser. Juste effleure les lèvres de Sombrebois avec les siennes, pour lui faire tourner encore un peu plus la tête. Cependant, elle n’en fit rien, se contentant de se mordiller discrètement la lèvre inférieure.

« La robe. Pour ne pas nous tenter encore plus… »

Annonça-t-elle attrapant la lourde pièce de tissu d’un vert, légèrement bleuté sombre. Pour sortir aux thermes, la demoiselle avait choisi des vêtements qu’elle pouvait passer seule, au risque de perdre un peu de superbes. Sa robe en était un parfait exemple, elle se fermait sur le devant, avec un rabat de tissu comme un coche cœur. Le seul défaut de cette toilette était qu’il fallait ajuster le décolleté avec une broche pour qu’on ne devine pas le haut de son sous-vêtement.
Quelques broderies aux motifs floraux, égayait la monotonie du tissu, au niveau du col et des manches.

« Au lieu de me regarder, vous ne voudriez pas un peu l’aide pour enfiler vos vêtements. »

Proposa la jeune fille qui s’était approchée tout contre Hector, laissant ses mains courir sur la peau encore nue de son torse, en appréciant la chaleur.

"Nous tenter encore plus" avait-elle dit, provocante. Le corps d'Hector s'emplit d'une agréable chaleur en entendant ces mots et en voyant Grâce se mordiller la lèvre inférieur.

Malheureusement, la demoiselle semblait tenir à ce que cette délicieuse rencontre aux thermes de Marbrume ne soit pas l'occasion de succomber totalement à cette tentation. Elle prit, en effet, sa lourde robe verte et l'enfila seule, avec dextérité. Après avoir assagit son décolleté à l'aide d'une broche, elle s'avança vers Hector.

- Au lieu de me regarder, vous ne voudriez pas un peu d’aide pour enfiler vos vêtements ?
- Je n'ai guère l'occasion d'assister à de si beaux spectacles, alors j'en profite... commença Hector.

Quant à sa proposition, Grâce montrait tant de douceur et d'envie en caressant le torse d'Hector que celui-ci ne put qu'accepter sa requête - ce qu'il aurait fait même sans ces caresses soit dit en passant.

Il prit donc sa chemise enfila ses bras dans les manches et ne ferma aucun bouton.

- Et bien sûr que vous pouvez m'aider, c'est si... compliqué, murmura-t-il, taquin, à l'oreille de Grâce.

A vrai dire, Hector était, malgré toute l'assurance qu'il montrait, très troublé par la présence si proche et si sensuelle de celle qu'il tenterait bientôt d'épouser. Dire que tout à l'heure encore elle nageait, nue, à ses cotés... qu'elle lui avait embrassé l'épaule, qu'elle lui caressait maintenant le torse... Comment se faisait-il qu'il n'avait encore pu découvrir le goût de ses lèvres ? Comment se faisait-il qu'il risquait de sortir de ces thermes sans avoir commis le pêcher de luxure ? Voilà les questions qui assaillaient le baron, lui, souvent si prompt à dérober la vertu de ces dames... Il y avait là un mystère trop grand pour son esprit embrumé.

La remarque que fit Sombrebois fit rire la jeune fille. Cependant, elle entreprit une de fermer la chemise de son rendez-vous, commençant par les boutons le plus proche du col pour descendre.

Pourtant, elle se fit moins provocante, faisait seulement ce qu’elle avait promis, sans petit regarde taquin, petits geste déplacés, ou remarque provocatrice. Elle sentait qu’elle avait fait suffisamment fait monter l’envie du Baron et qu’il fallait un peu relâcher la pression sous peine de le laisser déborder.

« Maintenant que nous sommes quittes, peut-être pourriez-vous enfiler votre veste seul ? »

Dit-elle doucement en sortant de son petit nécessaire une brosse de métal argenté et finement ouvragée. Délicatement elle passa toute sa chevelure d’une seul côté pour la brosser. Dans l’atmosphère chaude et humide, les boucles de la jeune fille se reformaient plus ou moins régulières se défaisant et se refaisant à le rythme irrégulier des coups de peigne.

Lorsqu’elle se mit eut fini, elle tressa cette longue masse brune qui pouvait presque paraitre noir ainsi mouillée.

Pendant tout ce temps elle jetait de temps à autre un regard légèrement taquin à Hector.

Il en fut de même quand elle rangea précautionneusement son nécessaire. Elle plia soigneusement les langues qu’elle avait utilisé pour les déposer la pochette qu'elle venait de mettre en ordre.

Se penchant pour enfiler ses chaussures. Dans un bruissement de tissu froissé, la demoiselle allait bientôt partir. Retourner à sa vie horriblement monotone depuis qu’ils étaient arrivés à Marbrume. Elle avait hâte que son père trouve enfin un plan, quelqu’un a vraiment visé, qu’elle puisse à nouveau sortir, faire ce pour quoi on l’avait élevée.
Néanmoins, elle n’oubliait pas, cette sorte de promesse que Sombrebois lui avait faite quelque instant plus tôt. Malgré le fait qu’elle doutait encore un peu qu’il passe à l’acte quelque part elle l’espérait.

Faisant les quelque pas qui l’avait séparé pendant ces quelques moments du Baron, elle se tenait face à lui.

« J’espère vous revoir bientôt Hector… »

Déclara-t-elle sobrement, avec une voix douce, tendant le bras pour caresser doucement la joue de l’homme.

Étonnant que la jeune femme n'ait rien fait de plus. Elle devait pourtant avoir une idée derrière la tête en lui proposant de l'aider. Peut-être avait-elle finalement changé d'avis. Hector en fût bien déçu. Évidemment il ne dit rien. il ne souhaitait pas la brusquer. Elle n'était pas la caricature que l'on faisait d'elle. Elle était peut-être un peu plus joueuse que la moyenne, un peu plus indépendante... Mais elle n'en restait pas moins une jeune femme avec des peurs et des principes bien ancrés. Malgré elle - peut-être - la bonne éducation de ses parents avait laissé des traces indélébiles dans sa façon d'être.

Hector la regardait se coiffer avec une certaine mélancolie. Elle était belle mais inaccessible. Elle lui offrait le spectacle de son intimité mais, comme derrière une vitre infranchissable, elle lui demeurait interdite. Hector mis silencieusement ses bottes et sa veste, se sécha encore une fois les cheveux, les coiffa d'une main pressée et...

- J’espère vous revoir bientôt Hector.
- Moi aussi, chère Grâce, je l'espère.

Elle tendit le bras et caressa la joue du baron. Celui-ci hésita un instant à répondre à ce geste plein de gentillesse mais il n'en fit rien. Peut-être avait elle sentit la mélancolie d'Hector ? Toujours est-il que c'est sans un mot de plus qu'il la guida jusqu'aux portes des thermes. Hector poussa l'une d'entre elle pour laisser passer la jeune femme mais lorsque celle-ci passa devant lui, il posa une main sur la taille de Grâce et, l'attirant à lui, l'embrassa un instant derrière la lourde porte de bois entrouverte.

Le doux soleil d'automne donnait à la peau de Grâce des reflets dorés. Hector frissonna. Le visage angélique de la jeune femme dans ce clair-obscur était envoutant.

- Excusez mon geste... mais... j'ai besoin de forces avant de vous voir me quitter...

Hector sembla devenir triste d’un coup, comme si il venait de réaliser quelque chose qui le contrariait d’une certaine façon.
Grâce s’en sentait curieusement touchée.

Il ne s’était rien passé, en grande partie parce qu’elle ne l’avait pas voulu. Le qu’en dira-t-on, les ragots, la réputation étaient certes des freins en une certaine mesure. Cependant, ce n’était pas cela qui l’avait poussé à taquiné le Baron sans jamais lui donner l’espoir qu’elle cède dans les instants qu’il avaient passés ensembles. Une certaine appréhension peut-être.

Elle récupéra des affaires et tous deux marchèrent en silence vers l’entrée des thermes. Galamment, il ouvrit la porte. Cependant, alors qu’elle passa devant lui, qu’elle allait sortir, elle sentit la main du Baron sur sa taille. Il la tira contre lui et l’embrassa. Surprise Grâce se laissa faire, appréciant aussi bien la douceur de l’instant que sa brièveté.

Elle ne rougit pas, contrairement à ce que son rang de jeune fille apparemment bien sûr tout rapport l’aurait voulu.

Sombrebois s’excusa, ce qui arracha un sourire amusé à la demoiselle.

Elle profita un moment du contact, n’ajoutant rien. Elle n’allait pas l’excuser parce qu’elle ne pensait qu’il y avait matière à, après tout il en avait eu tout les deux envie, même si seul lui en avait clairement formulé le désir.

Juste avant de partir et de quitter cette brève étreinte, Grâce posa à son tour ses lèvres sur celle d’Hector. Puis elle s’en fut sans un mot.

Cet entretien dans les thermes était comme leur baiser, un instant volé. Quelque chose qui, à part pour eux, n’avait pas vraiment existé.