[Terminé] Le jeu du chat et de la souris [Aeryn]

Le temps pressait cruellement pour le malheureux malfaiteur piégé à l'extérieur de la bâtisse. Si, extérieurement la rouquine semblait calme, ce n'était nullement le cas à l'intérieur. Son instinct la pousserait presque à courir jusqu'à la porte pour ouvrir à cet idiot autant pour lui sauver la vie que pour empêcher les créatures de s'intéresser à la maison de l'étrange éleveuse. Le sourire de la rouquine s'étira doucement lorsque la jeune femme déclara que l'argent n'était pas toujours la meilleure chose à suivre. De cela, chacun des Monclar en était parfaitement convaincu. C'est d'ailleurs ainsi que leur père les avaient élevés, dans le respect, l'honneur, la réflexion. Mais pour la veuve, il ne s'agissait nullement d'honneur, seulement de survie. La sienne… La leur… Difficile à dire alors même qu'elles semblaient toutes indéniablement liées.

Le choix n'était pas si compliqué que cela. Aucune créature ne semblait s'approcher de la bâtisse pour l'instant, mais il ne fallait pas se leurrer, plus ils attendaient, plus ils prenaient le risque de les attirer par ici. Était-ce qu'Amélise cherchait, justement ? Impossible, il faudrait être sacrément tordu pour souhaiter à ce point vengeance… Aeryn ignorait encore bien des choses sur les humains et leur esprit, et jusque-là, elle ne s'y était jamais réellement intéressée, la veuve allait changer la donne. Tous notèrent son agitation maîtrisée sans réellement la comprendre… Qu'était-ce ? De la contrariété ?

En tout cas, celle-ci décida d'ouvrir au pauvre bougre, à condition qu'aucune créature ne soit à ses trousses. Il fallait donc se hâter. Elwin resta à l'étage pour surveiller les alentours tandis que les autres descendirent pour accueillir cet invité inattendu. Tout ce temps, la rouquine cherchait à comprendre ce qu'avait voulu dire la veuve Lamer en employant l'expression "ce type de personne". De quel "type" parlait-elle ? Il ne s'agissait-là que d'un idiot. Ses crimes n'étaient pas si effroyables que cela. Il n'avait tué personne, contrairement à la grande majorité des personnes présentes dans la bâtisse. Il ne s'agissait que d'une banale histoire de vandalisme, contrariante pour sa victime, il est vrai, mais rien qui ne mériterait une condamnation à mort pour autant… Comment pouvait-elle dire une telle chose alors que la situation exigeait pardon et entraide ?

Lorsqu'Elwin leur assura que la voie était libre, Kaël ouvrir la porte tout en attrapant l'homme pour le forcer à entrer au plus vite avant de refermer le battant. L'homme s'écroula, mais personne ne prêta attention à son état. Il y avait plus urgent, il fallait de nouveau condamner la porte au plus vite.

- « Il n’est pas libre ici .Après tout, je ne suis pas un monstre, mais je ne supporterai pas de voir celui qui m’insupporte et qui abîme le peu que je possède fanfaronner juste par sa présence. Faites en ce que vous voulez, mais je veux avoir la certitude qu’il ne recommencera plus aucun méfait… Qu’est-ce que vous feriez vous à ma place ? »


En silence, les mercenaires s'échangèrent quelques regards surpris avant qu'Ivaad prenne la parole, sourire carnassier aux lèvres.

-Mais rien de plus simple, chère madame, auriez-vous une corde ?

L'homme implorait le pardon de la veuve, s'excusant encore et encore avec la sincérité de la crainte. Il avait peur de se retrouver de nouveau dehors pour "affronter" les effroyables créatures… Cet homme-là, ne présentait aucune menace. Il devait sa vie sauve à la femme qui se tenait devant lui et qui l'observait avec un regard froid... Vide… Elle rappelait la Mort et toutes les gravures que les prêtres aimaient offrir au peuple pour lui rappeler que la fin n'était jamais bien loin…

- « Bien, suis-je curieuse, jouons à un jeu. Si je gagne, vous devrez réaliser ce pour quoi je vous ai fait venir : trouver et faire passer l’envie au responsable des dégradations de recommencer par tous les moyens possibles… Si je perds, j’accepte les excuses et je vais faire semblant de les croire, le contrat prendra fin, vous serez bien évidemment rémunéré quand même. »

Un jeu ? Voilà un mot qui ne trouverait certainement pas sa place dans un contexte tel que celui-ci. Les mercenaires se regardèrent de nouveau tandis que leur méfiance à l'égard de la veuve s'intensifiait encore…

-Un jeu, madame, l'interrogea l'archer dans les escaliers. Êtes-vous sérieuse ?

Oui, elle l'était, ce qui s'avérait d'autant plus inquiétant. Aeryn s'empara discrètement de sa dague qu'elle plaça dans sa main, la tenant par la lame elle-même.

-Mais votre coupable, n'est-il pas juste ici ? Si l'honneur ne lui est pas inconnu, je doute qu'il recommence à vous nuire par la suite. C'est une incroyable chance que vous lui offrez-là, madame,affirma Aeryn alors que son regard se planta dans celui - aussi glacial qu'inquiétant- de la veuve.

Le sourire qu'elle leur offrit alors tenait plus de la démence que de l'amusement… Une joie macabre...

- « Je vous laisse choisir votre groupe, les règles du jeu sont simples deux épreuves imposées par les adversaires. En cas d’égalité, une troisième épreuve identique plus complexe sera à réaliser, simple non ? »

- « Elle est folle… »

Folle… Elle l'était sans aucun doute, mais il semblait être un peu tard pour s'en rendre compte. Pour tous, la veuve représentait une menace, une menace bien plus proche que celle des fangeux à l'extérieur, mais toute aussi imprévisible…

-Navré, madame, mais nous ne sommes pas très joueurs, voyez-vous, déclara l'aîné en prenant sa voix la plus douce pour ne pas brusquer l'étrange femme.

La veuve tenait encore son verre à la main, et tous guettaient le moment où celle-ci trouvera-t-elle une cible sur laquelle le jeter.





-Il ne recommencera pas, lança la rouquine avec un ton ferme tout en dévisageant l'importun. Dés qu'il sortira d'ici, il agira comme si cette maison et son occupante n'existait pas. Il ne posera plus jamais un regard, ni sur votre ferme, ni sur vous… N'est-ce pas ?

"Fille de meurtriers", "Le fruit ne tombe jamais bien loin de son arbre"... Tout cela résonnait aux oreilles de la mercenaire. L'homme agita vivement la tête, visiblement plus effrayé encore que ce qu'il devrait l'être en présence d'une personne décisionnaire bordée de bienveillance. Il la craignait elle, tout en la provoquant… Pourquoi ?

- Quelle idée stupide de venir vandaliser ainsi la ferme d'une veuve. N'avez-vous pas honte de vous en prendre à une femme seule et innocente ? Pourquoi ? demanda la rouquine en choisissant soigneusement ses mots.

Que cherchait-il au juste ? Aeryn commençait à se dire que la présence de la femme dans le village dérangeait ses habitants, du moins, celui-ci. Mais pourquoi ? Était-ce réellement une question de rivalité déplacée ? La rouquine commençait à en douter fortement. N'essayait-il pas de la faire simplement fuir pour éloigner une potentielle menace… Était-ce simplement justifié ? Que savait-il sur cette femme qu'eux ignoraient ? Cette lueur étrange, dans son regard, ne pouvait sortir de nul part… Cette envie de jouer la vie d'un homme dans une situation aussi périlleuse n'était certainement pas saine… Tous le savaient et tous se méfiaient à présent… L'atmosphère déjà alourdie par la menace grouillant à l'extérieur s'épaissit encore…

À qui avaient-ils réellement affaire ?

Des hurlements percèrent de nouveau le lourd silence présent à l'intérieur. La fange n'était décidément pas loin. Elwin et Ivaad remontèrent dans la chambre, arc à la main.

-Nous devrions aller nous mettre à l'abri à l'étage, dit soudainement Kaël en mesurant l'intensité de sa voix tout en invitant la propriétaire des lieux d'un geste de main courtois. Quant à vous, jeune homme, je ne saurais trop vous conseiller de vous taire jusqu'à ce que vous puissiez regagner votre foyer.
-Après vous, lança la mercenaire, peu désireuse de tourner le dos à ce petit monde… Un regard à son frère lui fit comprendre qu'il pensait exactement la même chose.

Tous grimpèrent, la veuve en tête, suivit de Kaël assurant sa sécurité tandis qu'Aeryn fermait la marche tout en veillant à ce que le fermier se tienne tranquille.

-La milice ! cria Elwin depuis la chambre tandis qu'Ivaad et lui appuyaient les hommes d'arme à l'aide de leur arc et de leurs flèches.

A l'extérieur, le carnage. L'une des créature venait de déchiqueter une femme en armure tandis que des hommes armés d'épées longue et d'armes d'hast en tous genres lui portaient coup vif et vigoureux. Mais le monstre se montrait plus rapide, même après que l'un des miliciens lui ait coupé un bras. Des archers, restés à l'arrière, tiraient quelques traits hésitants, probablement par crainte de toucher l'un de leur compagnon par accident.

- Combien sont-ils ? interrogea Aeryn.
- J'en ai compté douze…
- Et malgré leur nombre, ils sont en difficulté ?
- Apparemment… Bon sang, ces créatures sont de vraies saloperies...

Stupéfaite, la rouquine observait le macabre spectacle sans savoir comment agir… Elle réfléchissait aux multiples possibilités qui s'offraient à elle, peu semblaient réalisables et encore moins viable. Leur prêter mains fortes lui paraissait plus que nécessaire, mais comment ? Pas le temps de réfléchir plus que de raison, le temps pressé. Ainsi, la mercenaire alla se placer à la fenêtre pour crier de tout son coffre pour attirer l'attention du monstre. Celui-ci releva la tête dans sa direction, lui montrant une mâchoire garnie de dents affûtées dégoulinantes du sang de sa plus récente victime.

- Viens ici, saleté ! Viens ! On a de la bouffe pour toi !

Je monstre hurla avant de repousser l'un de ses assaillants qui atterrit bien plus loin… Quelle force… Sans se préoccuper des miliciens, le fangeux couru vers la bâtisse toutes griffes dehors.

-Mais tu es devenues folle ?? gronda Ivaad qui ne comprenait visiblement pas le but de la manœuvre… Aussi la rouquine se senti obligée de crier.
- TIREZ !

Là, une salve de flèches s'abattit sur le monstre qui s'écroula à plat ventre tandis que les miliciens le rejoignirent en courant. Sans perdre de temps, l'un d'eux acheva la sinistre créature en un coup puissant qui fit rouler sa tête.

- La menace est écartée, c'était le dernier. Descendez nous rejoindre, il y a nombre de corps à brûler. Il ne faut pas perdre de temps.
-Allons-y, déclara l'aîné en se tournant vers l'ensemble des survivants présent dans la pièce. Nous ne pouvons courir le risque de voir l'un des cadavres se relever.