Marbrume


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 Chasseur ou chassé

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Alfred BernicourtCharlatan
Alfred Bernicourt



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MessageSujet: Chasseur ou chassé   Chasseur ou chassé EmptyLun 23 Déc 2019 - 2:13
Des yeux par milliers, fourmillaient dans la pénombre, braqués sur le moindre signe de faiblesse, prêts à fondre comme des charognards dès que l’opportunité se présentait. L’obscurité paraissait se muer en une nuée de mains, agrippant les égarés qui s’immisçaient trop loin dans les ténèbres. Le vent hurlait en s’engouffrant dans les ruelles, claquait les volets délabrés contre les murs maculés, balayait les immondices souillant le sol. Une odeur nauséabonde retournait les sens. Quelques chiens errants sortaient de nulle part, puis disparaissaient aussitôt. Des chats de gouttière se dissimulaient sous les charpentes, se crispant et feulant dès qu’une âme s’approchait d’un peu trop près de leur territoire. Quelques orphelins nageaient au milieu des amas de détritus, glanant ce qu’ils pouvaient trouver pour combattre les premières fraîcheurs de l’automne ou assouvir cette faim, éternelle.

Survivre, ou mourir en essayant. Tel était l’adage des sombres quartiers de la citadelle, abandonnés des dieux. Mangé ou être mangé, dans ces recoins malfamés, c’était la règle, la seule règle à suivre. L’altruisme, la moralité, le sens de l’honneur, ce n’étaient que des principes bourgeois, rapidement engloutis par la violence des bas-fonds. Les abîmes voraces de la cité s’étaient repus de bien des braves aux fils des années, tant et si bien qu’elle n’était aujourd’hui qu’une fosse funeste où ne survivait que la pire engeance de l’humanité. Dans les enchevêtrements sans fins, jonchés de battisses délabrées, d’âmes damnées ou de vermines infectées, le rôdeur y était à sa place, presque à on aise. Dès son jeune âge, le vile serpent avait appris à dompter ce lieux hostile, à redoubler de prudence, à se débarrasser de toute éthique, tuant, volant, à faire de cet endroit, sa propre demeure.

Pourtant, le purificateur savait que sans son défunt homme de main, il était (re)devenu une proie vulnérable. Son nouveau statut de « fidèle » avait beau l’entourer de nouveaux partisans, le vaurien ne s’était jamais senti aussi seul. Combattre perpétuellement sa maladie et les difformités qui en découlaient lui réclamaient une énergie conséquente. Plus le temps passait, plus la lutte avec ses propres démons semblaient l’affaiblir. Ni les onguents, ni les remèdes, encore moins les drogues ne lui rendraient un jour, la fougue d’un homme de son âge. Sans les services de son molosse, ses chances de rester en vie venaient de chuter drastiquement. Il avait dû cesser de jouir de ce confort quotidien et subvenir à ses besoins – essentielles - était devenu une véritable odyssée.

Bien que blessée, la bête s’était remise en chasse. Scrutant, sous son voile, une pauvre créature à dépouiller. Dans l’une des artères principales de l’arrondissement, l’homme battait du regard tous les quidams, prenant le temps de choisir celui qui serait sa prochaine victime. Sa dégaine branlante et son allure de bossu n’exhibaient guère la prestance d’un prédateur, lui permettant toutefois de pas inspirer la crainte et de ne pas faire ainsi, fuir le gibier. Tenant fermement sa dague rouillée, dissimulée dans l’amplitude de ses manches, ses yeux écarlates se fixèrent sur une silhouette se surélevant naturellement parmi les autres passants. Ce n’était pas son imposante stature qui l’avait interpellé, mais la démarche boiteuse qui désaccordait ses pas, rappelant quelques traits communs au traqueur. Les traits d’un homme d’un âge avancé vinrent corroborer son choix. Patient, discipliné, le désaxé attendait, dans son dos, que l’homme s’éloigne des rues les plus fréquentées, attendant qu’il finisse par s’enfoncer par mégarde, dans une ruelle plus nébuleuse et propice à ses projets funestes.

Le charlatan veillait à se faire discret, mussant ses intentions en feignant de mendier à quelques habitants, surjouant une quinte de toux et des râles pénibles, forçant la courbe de son échine et sa posture branlante. Il suppliait pour quelques vivres d’une main creuse et insistante jusqu’à que le destin se décide à l’écouter. Les âmes finirent par se dissiper, ne laissant que le malheureux et le psychopathe au milieu de cette ruelle étroite et sans vies. Un sourire lugubre tranchait son visage, sa langue léchait ses incisives, savourant d'avance le festin à venir.

« Il n’est pas prudent que l’agneau s’éloigne du troupeau lorsque le loup rôde, murmura le carnassier en ricanant avant de tenter de glisser sa lame oxydée sous la gorge du vieil homme. »


Dernière édition par Alfred Bernicourt le Jeu 26 Déc 2019 - 11:50, édité 1 fois
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Alexandre de TerresangVicomte
Alexandre de Terresang



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MessageSujet: Re: Chasseur ou chassé   Chasseur ou chassé EmptyLun 23 Déc 2019 - 12:19
La mort, la mort rôde partout dans la Cité de Marbrume, elle se faufile aussi aisément qu'un ver dans une fromage, elle vous happe dans l'obscurité sans crier gare et parfois, elle use même de stratagème pour que vous vous donniez la mort et ainsi la mort vous récupère sans avoir à lever le petit doigt … Alexandre n'en revenait toujours pas, nous étions le 4 septembre 1166 et cela faisait maintenant trois jours que la cérémonie de crémation avait eu lieu pour Adélaïde de Rougelac née Frayer et ancienne Rougesoleil … le malheur était tombé sur trois maisons nobles mais celui qui semblait le plus s'en vouloir était votre distingué serviteur, le Vicomte Alexandre, Seigneur de Terresang.

Depuis trois jours, il n'arrivait plus à dormir, il avait pourtant repris ses quartiers à sa résidence uniquement pour régler les affaires courantes quant à la disparition de cette pauvre demoiselle qui avait était son amante, sa confidente et même son ennemi.

*Que t'es t-il passé par la tête ma douce amie... *[I] pensa alors le vieil homme qui déambulait dans la Cité tel un fantôme, une âme errante en peine et qui cherchait des réponses.

[i]*Mourir ainsi alors que tu avais retrouvé la joie et le sourire… *
Se disait-il en longeant une ruelle qui était habitée seulement par les rats … il faisait cela depuis trois jours, trois longs jours à essayer de chercher des réponses, à essayer de se mêler à la population des bas-fonds pour glaner une ou deux informations qui pourraient l'intéresser.

Le Vicomte ne croyait pas à la thèse de l'assassinat mais le Comte de Rougelac avait diligenté une enquête sur la mort de son épouse et si il y avait le moindre doute … il devait savoir, il savait que quelque part dans son esprit usé par la vieillesse, une petite voix lui disait qu'elle aurait pu éviter de mourir ainsi si son suzerain l'avait écouté … si il s'était marié avec elle tel qu'il aurait dû le faire … il savait que quelqu'un en voulait à Alexandre pour avoir ordonné à l'ancienne baronne de Nerra d'épouser le Comte de Rougelac … oui mais qui ?!

Qui ? Aymeric de Beauharnais ? Jamais il ne ferait cela ! Roland de Rivefière ? Bah ! Il était mort de toute façon ! Qui ? Un membre de la noblesse ? Peut être mais si il y avait eu assassinat, ça aurait été un membre du peuple, les petites mains des nobles … il se disait que si meurtre il y avait eu, ça serait dans les bas-fonds.

Il avait donc décidé d'arpenter ces ruelles avec pour seule protection sa prothèse et sa canne … point d'armure mais une simple tunique de lin délavée … il ressemblait nettement plus à un vieil homme qui revenait de son fardeau journalier plutôt qu'un noble qui dirigeait un Ordre humanitaire.

Spoiler:

Son esprit était quelque peu embrumé par ses pensées mais il avait bien entendu quelque chose un instant avant mais une chose était certaine, personne ne pouvait pas prendre par surprise le guerrier qu'il était aussi embrouillé qu'il était.

Spoiler:

C'est alors que sans crier gare et sans vraiment laisser le temps au soit disant mendiant de mettre sa dague qui semblait un peu mal en point, de quoi attraper une bonne vieille saloperie des familles, il se baissa prestement et lui asséna un coup de poing de sa prothèse métallique dans le visage ... évidemment, impossible d'éviter le monstre de muscles que Alexandre de Terresang était et le toucha presque immédiatement, il se recula et arbora un énorme sourire aux lèvres.

 « Et il n'est pas prudent de tenter d'abattre le bouc lorsque ce dernier est en rut ... » Il réfléchit quelque instants avant de se rendre compte qu'il venait de dire ça ?  « J'ai vraiment dit ça ? » Dit-il en haussant un sourcil.
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Alfred BernicourtCharlatan
Alfred Bernicourt



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MessageSujet: Re: Chasseur ou chassé   Chasseur ou chassé EmptyVen 3 Jan 2020 - 14:44
Un prédateur avait toujours tendance à négliger le danger lorsque la faim le rongeait. Les appels incessants de ses appétits carnassiers le conduisaient souvent à fondre sans précautions sur sa proie, parfois trop imposante pour lui. Dans cette rixe pour la survie, les rôles venaient brutalement de s’inverser, le traqueur devint le traqué. Inexpérimenté, la bête avait pourtant jeté son dévolu sur un animal aux allures plutôt frêles, de prime abord, d’un âge assez avancé pour ne pas être pris au dépourvu. Sa position était idéale et malgré sa patience et sa précision, ses crocs ne purent atteindre sa victime. L’agressé s’effaça rapidement de l’amplitude de son coup létal, comme si un sixième sens l’avait averti du danger imminent, laissant le Serpent, amorphe, surpris, désarmé. Ses chances d’alléger le vieillard de cette morne existence venaient de s’éloigner. La faim, elle, restait.

Comme si un premier avertissement ne suffisait point, l’ancêtre répliqua instantanément, logeant sa main de bois sur le visage livide du désaxé. Sans avertissement, ni sommation, l’impacte le désarçonna, sa fragile carcasse titubant sur plusieurs pas avant de retrouver son équilibre, fracassant - par la même occasion - son arcade qui se teintait, de plus en plus, au fil des secondes, d’un liquide rouge écarlate. La douleur, entravée par son esprit désorienté, apparût quelques instants plus tard. Un sifflement persistant résonna plusieurs minutes dans son esprit. Sa vue se troublait et le vaurien dû s’agripper au mur délabré de la ruelle pour ne pas succomber à la force du choc. Secouant sa tête pour retrouver sa lucidité, léchant l’hémoglobine qui coulait sur ses lèvres avant de rompre la tension et le silence d’un rire démoniaque.

« Tu sembles plutôt vif pour un vieux bouc à l’agoni, dit-il en crachant le sang qui s’accumulait dans sa bouche. Nul malheureux ici-bas ne pourrait s’offrir une telle pièce pour remplacer un membre perdu, ajouta-t-il en fixant la prothèse de bonne facture du vieil homme. Que viens-tu foutre ici, si loin de ta demeure, grand-père ? Te délecter de la misère ? »

Pour le va-nu-pieds, caresser la mort était devenu fréquent, trop fréquent, ces temps-ci. A tel point qu’il se surprenait de pas avoir encore été occis. Il encaissait les coups, tombait et s’étalait dans la boue, mais jamais il ne sombrait. Aujourd’hui, l’être sadique s’était débarrassé de cette crainte inutile du trépas, cette angoisse qui, vu l’allure que prenait son périlleux quotidien, finirait tôt ou tard par le conduire à sa perte. Qu’importe, il préférait mourir en tentant d’élever sa piètre condition que de patauger toute sa vie dans les immondices des quartiers malfamés. Sa quête commençait là, à cet instant, où simplement se nourrir était devenu un combat. Bien que son entrée en lice fut quelque peu laborieuse, le miséreux s’arma de conviction avant de fondre une nouvelle fois, sans calculs ni précautions, cette fois là.

« Laisse moi te désencombrer de tes deniers, vieux bouc ! Dit-il en ployant ridiculement face à son adversaire dans une révérence grotesque. On évitera ainsi les effusions de sang et nous pourrons nous quitter bons amis, conclue t-il en ricanant avant de s’élancer frénétiquement sur le vieillard. »

Le couteau à la main, le bras tendu, ses iris rubis fixaient, déterminés – ou désespérés ? - une nouvelle fois la gorge de son belligérant. Le purificateur le forcerait à se soumettre, à le faire souffrir s’il le fallait. Peu lui en importait le coût, le Spectre repartirait avec cette bourse, ou ne repartirait pas. Il comblerait sa faim, ou signerait sa fin.




Dernière édition par Alfred Bernicourt le Sam 4 Jan 2020 - 20:12, édité 1 fois
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Alexandre de TerresangVicomte
Alexandre de Terresang



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MessageSujet: Re: Chasseur ou chassé   Chasseur ou chassé EmptySam 4 Jan 2020 - 16:00
Et voilà, voilà, pourquoi faut-il toujours que le sang coule ? Bon sang, à croire que cette cité est devenu une arène de combat à ciel ouvert … et voilà qu'en le débile en face de lui l'insulte malgré son arcade explosée et sûrement sa vue brouillée … bon, au moins, il n'avait perdu de sa puissance même si c'était par le biais d'une prothèse en bois ce qu'il avait deviné aisément, ça risquait de le mettre d'autant plus en colère de se faire fracasser par un noble qui n'était pas vêtu tel quel et cela se ressentait dans sa voix.

Pas manqué ! Le jeune homme se lança à corps perdu dans la mêlée … Alexandre ne savait pas si c'était parce qu'il avait été concentré sur ce qu'il venait de lui faire mais il l'évita au dernier moment en faisant un pas de côté sur la droite.

Spoiler:

Il n'allait pas se laisser faire, loin de là, c'est alors que sans crier gare, il laissa le miséreux continuer sur sa lancée mais la canne du vieillard vint le happer dans sa course, elle fendit l'air et le bras armé de ce dernier fut victime du choc, un violent coup sur l'avant bras lui fit lâcher sa dague et à en entendre le bruit sourd, quelque chose s'était fendu.

Spoiler:

La dague était tombée mais il restait toujours un danger : lui. Le tant qu'il était debout même désarmé, un homme qui vous voulait du mal risquait d'être dangereux. C'est alors que d'un simple geste, il envoya son pied vers son agresseur et le fit tomber sur le sol boueux du quartier mal-famé … bon sang, ce qu'il n'aimait pas faire ça, vous savez, se battre avec un homme qui n'avait même pas la force de combattre, qui était amaigri … qui n'était même pas un guerrier, pourquoi fallait-il qu'il tombe sur lui ?

Il soupira et lorsque le gamin (oui vu la différence d'âge avec le vieux bouc, c'était un gamin) se retourna pour s'en doute tenter de se relever, la canne d'Alexandre l'accueillit au niveau de la gorge avec un porteur qui semblait attristé par ce qu'il voyait … il reçut une goutte puis deux… oh mais non, pourquoi ? Il releva la tête une demi seconde et vit la pluie. Pourquoi cet effet mélo-dramatique ? Voilà qu'il se mettait à pleuvoir ! Les Dieux avaient un sens de l'humour douteux.

Il reporta son attention sur sa victime au sol et commença tout en dégageant l'arme blanche se trouvant proche de sa main avec son pied?

 « Les formules de politesse voudraient que l'on se présente avant de tuer un congénère. Le vieux bouc se prénomme Alexandre de Terresang et comme tu l'as assez aisément deviné … ou plutôt ton visage l'a deviné, je suis effectivement un noble et toi comment te prénommes-tu ? »
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Alfred BernicourtCharlatan
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MessageSujet: Re: Chasseur ou chassé   Chasseur ou chassé EmptyVen 10 Jan 2020 - 23:25
Je suis destiné à ramper dans la merde des bas-fonds, songeait le vaurien, souriant, ironiquement. Il avait beau tant de fois s’être relevé pour tenter d’inverser son triste sort, la providence semblait à chaque fois le rabaisser à s’incliner dans la bourbe, aux pieds des puissants. La violence et la vélocité du coup l’avait projeté à terre, sans qu’il ne puisse en atténuer l’ampleur, encore moins les dégâts. Sa tête percuta le sol, ses espoirs de s’enrichir, eux, s’envolèrent. Le misérable luttait pour tenter de rester conscient, son regard perdu admirait la pluie se fracasser dans la boue, s’entremêlant avec le sang qui s’écoulait de sa plaie à la tête, s’écoulant dans la crevasse qui servait d’égout. Tout était allé trop vite, beaucoup trop vite. L’agilité du vieil homme l’avait, une fois de plus, surpris. Comme son premier assaut, celui-ci fut vain, sans même égratigner son destinataire. La riposte fut sans détours, brisant ce qui survivait de sa hargne, de sa férocité.

Devrais-je demeurer à terre ? Cette fois-ci ? Encore une fois, le serpent voulut se redresser, usant de sa volonté de fer pour altérer l’acharnement cruel du destin. Voulant s’appuyer sur son bras blessé, celui-ci ne put supporter le poids de sa carcasse qui s’effondra malgré l’effort, enlisant un peu plus son corps atrophié dans la vase putride qui jonchait le sol. Sa main la moins endommagée tenta péniblement de se saisir de sa lame, arrêtée dans son mouvement par le vieux belligérant, enterrant, définitivement, la fin de la rixe, de ses ultimes espoirs. L’extrémité de la canne du vieillard posée sur sa pomme d’Adam, le misérable abdiqua, résigné qui, dans un ricanement étouffé recracha ensuite la gerbe de sang qui entravait sa respiration, aux bottes du vainqueur. Sa marque de courtoisie, sa façon, propre à lui, d’adresser ses respects.

« Bourgeois, sangs bleus, du pareil au même à mes yeux, répondit-il en riant. Vous ne devez pas descendre nous voir souvent, ô seigneur, pour penser que l’on se présente poliment avant de s’entre-tuer ici-bas, ajouta t-il avant de reprendre difficilement son souffle. Les manières ne nous remplissent pas le ventre. »

Même vaincu, la provocation et l’insolence restaient profondément encrées dans son cortex singulier. A la merci de son adversaire, implorer la clémence ou la pitié n’était pas dans ses mœurs. Son seul regret était de n’avoir put vivre, un jour, la situation inverse. Un délicieux moment que le désaxé concédait avoir rêvé des centaines de fois. Sa lame oxydée pourfendant la noblesse, à genoux. Un fantasme, sublime. La triste ironie des trois, ruminait-il, intérieurement, en regardant la victime de ses songes prêt à occire ses savoureuses chimères. Après tout, si les dieux jugeaient de mettre fin à ces jours, qu’il en soit ainsi, pensait-il, résigné. Le purificateur avait passé sa vie à chercher le pardon, offrir sa mort était le moins que le damné pouvait faire.

« Mon nom ? Voilà bien longtemps que votre monde m’a enlevé tout ce qui faisait de moi un homme, dit-il en se léchant les incisives avant d’agripper son voile de lin, dans un baroud d’honneur. Voleur, Coupable, Assassin, Fou, Victime, Misérable, Malheureux, nomme moi comme tu le souhaites, une bête n’a pas de nom. Cependant, si je puis me permettre, ô grand seigneur, à quoi vous servirait le nom d’un mort ? »
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MessageSujet: Re: Chasseur ou chassé   Chasseur ou chassé EmptyMar 14 Jan 2020 - 22:04
Alexandre soupira, la pluie lui donnait la chair de poule mais il resta tout de même en position de combat, sa canne était sur le cou du jeune homme et au moindre geste suspect… il lui exploserait la jugulaire comme il l'avait fait avec ce pauvre milicien au Tournoi des Preux… une hallebarde de bois en pleine carotide, il était mort sur le cou(p) et il n'hésiterait pas -même si cela l'emmerderait au plus haut point, si c'était pour sauver sa propre vie.

 « Mon nom n'est pas signe d'opulence, jeune homme. Au lieu de t'apitoyer sur ton triste sort tu devrais apprendre que tous les nobles ne sont pas des personnes qui se plaisent dans leur maigre richesse. Je suis de ceux qui descend plus que tu ne le crois dans ces bas-fonds, petit rat. »

Il se rendit compte que l'homme ne semblait pas avoir peur de la mort … bon sang, ces hommes étaient les pires. Ils ne croyaient en rien, ils ne croyaient même pas en eux mais en leur appétit insatiable de sang, de violence … celui là devrait être un fervent opposant à la noblesse pour parler ainsi au Vicomte. Il était un persécuté, un martyrisé de cette cité corrompue … un homme invisible à la société qui ne l'était que pour être un parfait bouc émissaire. Le genre d'homme que Alexandre de Terresang avait en pitié mais dont l'agressivité lui faisait redoubler de méfiance.

 « Tu aurais au moins pu avoir ton nom au temple. » Dit-il alors sur un ton las.

D'un geste rapide, l'air siffla et la canne se planta là où se trouvait le criminel dans un bruit spongieux, un liquide lui gicla sur les chausses, le léger vent qui se levait lui amener l'odeur de la merde des bas quartiers aux narines et cela le fit grimacer. Il retira sa canne de la zone boueuse et se recula tout en observant le mécréant toujours au sol.

 « Un noble normal t'aurais tué à l'instant, jeune anonyme mais tu as de la chance je n'en suis pas un. »

La canne changea de main et de la valide le Vicomte délivra sa bourse entremêlée à sa taille. Il en sorti une pièce d'argent et la montra à l'homme.

 « Cette pièce si tu me dis ton nom, la bête. »
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Alfred BernicourtCharlatan
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MessageSujet: Re: Chasseur ou chassé   Chasseur ou chassé EmptyJeu 16 Jan 2020 - 15:06
Malgré la fin des violentes présentations, la tension ne semblait pas redescendre, bravant même la froideur de la pluie diluvienne qui ne semblait pas faiblir, elle non plus. Chaque goutte s’effondrait brutalement depuis l’éther monochrome, lavant les parcelles de sa peau maculées de sang. Elles laissaient de nouveau entrevoir son cuir livide, orné de ses multiples peintures éternelles. Le sol compact s’était transformé en une marre putride, paraissant vouloir engloutir le vaurien, toujours l’esprit engourdi par la succession de coups. Son corps peinait à s’articuler sans réveiller les nombreuses ecchymoses douloureuses, causées par le vieillard. Ainsi, l’effort pour se relever fut coûteux, trop coûteux pour accomplir ses ambitions, présomptueuses vu son état. A la moitié de son épreuve, la souffrance le fit ployer à genoux, une fois de plus.

Sa main la plus valide soutenait l’avant bras brisé, son regard vide et pensif scrutait la boue dans laquelle s’enfonçait ses genoux, évitant de croiser les yeux austères du vainqueur. Il ne pouvait accepter la honte de sa piètre condition, de son impuissance à s’élever nonobstant sa volonté, inébranlable. Les sermons du vieil homme, d’ordinaire, auraient profondément ennuyés, plutôt agacés d’ailleurs, le damné. Le noble qui se dédouanait de sa responsabilité sur la misère des bas-fonds en lui balançant sa vertu et son passé difficile à la gueule, une ritournelle que le désaxé avait entendu de nombreuses fois. Pourtant celle fois ci, elles semblaient l’atteindre, peut être parce que ces déclarations n’étaient pas dites sous la menace ? Songeait le va-nu-pieds. Peut être que, cette fois-ci, il n’y avait pas d’intérêts à montrer son intégrité et sa morale à quelqu’un que l’on allait tuer ? Frustré, le maraud ne daigna rétorquer la moindre provocation, le moindre signe d’acquiescement se content d’écouter, désespéré, les paroles du guerrier au sang bleu.

Son incompréhension fut à son apogée, lorsque l’homme sillonné par les âges, lui tendit une pièce, redorant ses espoirs de survis, réanimant une nouvelle fois, son envie de vivre. Pourquoi l’épargner ? Pourquoi ne pas l’avoir simplement occis ? Le récompenser ? Qu’est ce qu’un simple nom lui aurait apporté, en particulier celui d’un moins que rien ? Une marée de questions se bouscula soudainement dans son crâne tourmenté, habitué à être méfiant quand la réalité semblait trop alléchante. Ses coutumes macabres auraient habituellement extirpé de son cortex, quelques provocations dont il avait le secret, lui proposant de disposer de sa pièce dans le fondement ; préférant mourir plutôt que de s’imposer la honte de lui donner ses origines, de remuer son passé mélancolique. Cette fois-ci, il ne savait guère quoi répondre, abasourdi, étonné, troublé. Était-ce là une opportunité ? Dans cette cohue d’interrogations, le maraud n’eut pour seul réponse, qu’un rire étouffé.

« Gardez votre pièce, vieux bouc, dit-il, toujours en regardant le sol, esquivant une confrontation du regard. Je vous dirai mon nom, mais je veux que vous m’aidiez. Je veux apprendre, je veux que l’on m’enseigne l’histoire des dieux, je veux savoir lire, je veux m’instruire, je ne veux plus être dans la boue, je veux pouvoir aller dans la grande bibliothèque, je veux soigner mon mal, me repentir de mes erreurs. Être aimé de mes dieux, retrouver mon salut, déclara le rôdeur, sans laisser le temps à son interlocuteur de répondre. Sinon, ne vous défilez pas, tuez moi, je ne passerai pas une vie de plus à ramper, conclue t-il dans un ricanement. La mort serait une douce récompense à mes yeux, en comparaison de ce que la vie peut m’offrir. »
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Alexandre de Terresang



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MessageSujet: Re: Chasseur ou chassé   Chasseur ou chassé EmptyVen 17 Jan 2020 - 21:45
 « Ah ! »

Ce fut la seule réaction du Vicomte avant plusieurs autres secondes voire une minute entière, il venait vraiment d'entendre ce que le miséreux venait de dire ? Il voulait que Alexandre lui serve d'instructeur ? Il voulait que le noble manchot serve de précepteur au gamin qui voulait lui trancher la gorge il y a quelques instants ? Il voulait qu'il lui apprenne l'arithmétique, l'histoire du duché, l'écriture alors qu'il venait probablement de lui casser le bras il y a un instant ? Ha...ha…ha. Il voulait tellement se crever de rire et c'était ce qu'il voulait faire, sa pièce tomba à terre et il secoua sa trogne comme si il avait entendu que Serus était apparu ici même.

 « J'ai … bien entendu ? »

Il se faisait vieux, oui.mais l'ouï ne se faisait pas défaut ça c'était certain mais … c'était complètement dingue, il voulait tuer Alexandre il y a quelques minutes et voilà … ouais, bon. Il radotait un peu là !

 « Euh ... »

Il remit sa bourse à sa taille et reprit appuie sur sa canne … sa jambe lui faisait un mal de chien, il avait dû faire un mauvais geste. Il s'approcha doucement du gamin, il n'en avait pas peur, il avait encore ses réflexes et il l'avait prouvé. Il avait un demi sourire mais il ne s'amusait pas de cette situation.

 « Tu veux une instruction ? Et pourquoi ? Je croyais que les gens du bas peuple se fichaient bien de savoir écrire ou lire. Pourquoi ? Tu m'as l'air intelligent mais cela ne suffit pas, pourquoi veux-tu connaître l'histoire des dieux alors que tu sembles les avoir renié ou du moins détourné d'eux en attaquant l'un de leur élu ? Réponds à mes questions et j'y réfléchirais peut être. »

Il se mit à soupirer, le jeune homme semblait quelque peu déterminé et il ne parlait sans cesse de mort ... il semblait réellement briser mais Alexandre n'était pas dupe.

"Si tu avais voulu mourir, jeune anonyme, tu aurais déjà sauter le pas, tu n'aurais pas attendu que quelqu'un ne s'en charge. Si tu es toujours là c'est que les Dieux ont tracés un tout autre chemin pour toi."
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MessageSujet: Re: Chasseur ou chassé   Chasseur ou chassé EmptyMar 21 Jan 2020 - 0:01
La voix du purificateur raisonnait encore dans son crâne, vide de toute humanité. Il se souvenait encore des mots qui se fracassaient sans cesses dans son esprit, comme l’air d’une chanson se repassant en boucle, indéfiniment. Tel le flux et le reflux de la mer se répétant inlassablement, tourmentant la roche la plus dure, finissant, finalement, lentement, par la consumer. Se rapprocher du clergé, se faire pardonner aux dieux, devenir digne de la confrérie qui l’avait accueilli en son sein. Mais comment ? Comment trouver le moyen de s’approcher d’une caste dont le spectre avait passé toute son existence a la renier, la dénigrer ? Longtemps le serpent s’était posé la question, torturé l’esprit, entravé ses nuits pour ne pas décevoir ses maîtres. Aujourd’hui, malgré la situation litigieuse dans laquelle il se trouvait, une lueur d’espoir vint éclairer sa piètre position. Dans les yeux de cet homme, surchargé d’un sens moral et de pitié, le déviant vit une étroite brèche, où tenter d’y engouffrer son venin.

Les coups reçus paressèrent moins douloureux, tant ses pensées se focalisèrent sur de nouvelles opportunités, sur ces prémices d’une renaissance. Le rôdeur savait qu’il devrait user de toute sa ruse pour duper la méfiance du vieux bouc, affûtée par les âges. Aussi, il résista tant bien que mal à ne pas éveiller les soupçons, plus que de raison. Dissimuler son éternel sourire macabre, fantasmant face aux appétissants projets à venir, était un exercice caduque. Masquer des pulsions qu’il avait exhibé librement ces dernières années semblaient plus dur qu’il ne l’imaginait, sachant pertinemment qu’il devrait s’y résoudre s’il voulait infiltrer les hautes sphères. Malgré l’excitation qui ravivait soudainement son envie de vivre, le désaxé continuait d’exhiber une mine vaincue, un visage défait. Ainsi, il buvait attentivement les paroles du noble, circonspect et abasourdi, cherchant habilement ses mots pour confondre ses désirs véritables ; entremêlant son discours hypocrite des seules vérités que le sang bleu devait entendre, étalant généreusement sa palette d’éloquence et de baratineur.

« Je pense que chaque enfant du « bas-peuple », dit-il en insistant sur le patronyme défini pour indiquer sa caste, comme vous dites, troquerait volontiers la misère de son existence par l’éducation et le savoir des jeunes nobles des « hauts quartiers ». Quand bien même la connaissance de la lecture ne serait pas une fin en soit, s’arrêta t-il pour ricaner, un bref instant, elle reste un socle idéale pour des ambitions plus saines, moins sanglantes, moins blasphématoires. On ne peut brimer un peuple que l’on ne considère pas mieux que la fange qui nous assaille, continua t-il avant de soutenir son bras endommagé, dans une grimace à demi-voilée. Ce, même si vous êtes une vertueuse exception, ne pouvait contredire le dédain qu'il nous est injustement attribué. Et, cette intelligence, que vous semblez m’accorder, n’est en fait que l’illusion d’une ruse et d’un instinct sauvage que j’ai aguerri dans ce monde, me faisant passer pour un survivant et non un érudit. Quel intellect tenterait de dépouiller un homme, alors qu’il en est incapable, aussi âgé soit-il ? N’est-ce pas plutôt là le geste d’un homme désespéré ? »

A défaut d’être un combattant efficace, le misérable concédait s’être doté d’un sens de la rhétorique plus affiné que la plupart des vauriens des quartiers délestés. Son corps atrophié lui avait obligé à se forger un sens de la persuasion aiguisé, qui d’ordinaire envoûtait les plus viles créatures, espérant ardemment que cette fois-ci, son talent se déploie de tout son art pour convaincre les sens aigus de son interlocuteur. Afin de sublimer la force de ses ultimes mots, le démon daigna tenter de se lever, luttant, souffrant pour ne pas tomber, une fois de plus. Ses jambes frêles tremblaient, une sueur vorace s’empara soudainement de lui, les multiples chocs se réveillèrent sauvagement, seul le mur pour s’appuyer à proximité put atténuer son mal, incommensurable. Parler devint plus complexe, trouver les mots justes, plus ardu. Un long moment de silence coupa le rythme de la discussion, avant que le va-nu-pieds ne se décide, muet, à découvrir sa trogne livide, fétide et pestilentielle, dévoilant tout ce qui faisait de lui, la misérable créature qu’il était.

« Est-ce là le chemin que les dieux m’ont tracé ? Une route d’ombre et de ténèbres ? Une vie de misère et de souffrance ? Demanda le maraud en tendant les bras pour exhiber son piètre acabit. Si les trois ont décidé de me punir, je veux savoir pourquoi. Si mon sort est de vivre ainsi, je veux en connaître les raisons et trouver le pardon qui apaisera mon âme damnée. »

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Alexandre de TerresangVicomte
Alexandre de Terresang



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MessageSujet: Re: Chasseur ou chassé   Chasseur ou chassé EmptyMer 22 Jan 2020 - 13:34
 « Tu sembles avoir un peu plus d'intelligence que tes semblables, jeune homme. Tu manies aussi bien les mots que moi l'art de la guerre mais quelque chose cloche en toi. »

Il fit un moulinet avec sa canne de son membre valide, cela l'aidait à réfléchir, il observait toujours le jeune délaissé avec un demi sourire triste tout en faisant un pas ou deux vers la droite puis la gauche, il y avait un truc qui ne sonnait pas correctement, c'était le sixième sens du vieil homme qui le disait.

 « Chaque homme à son importance dans ce monde, j'ai été désigné pour diriger les terres de Terresang et me voilà à Marbrume dans un quartier pauvre de la Cité à débattre sur ceux que les dieux ont prévu pour les hommes alors que la Fange est à nos portes. Tu ne trouves pas que les Trois ont un curieux sens de l'humour ? »

Il agita sa main prothétique pour enlever le surplus d'eau sur sa tunique, il commençait doucement à cailler et l'eau de la pluie n'arrangeait pas les choses, il était peut être temps de rentrer mais il fallait finir cela avant tout.

 « A l'origine les dieux ont crées les hommes pour qu'ils représentent leur image, crois-tu que Serus aurait aimé voir un fermier le prier toutes les dix minutes pour lui demander de faire pousser son blé ? Crois-tu que Rikni aimerait voir un guerrier le prier à chaque coup d'épée qu'il met ? Non, les Dieux sont nos créateurs, ils nous bénissent de leur présence en nos coeurs mais ne sont pas des chaperons.

Nous devons nous débrouiller seuls pour avancer dans cette misérable vie. Je ne suis pas né directement pour hériter de mes terres, je suis avant tout passé par une vie de combat, de dur labeur aux champs jusqu'à la récompense ultime. Penses-tu que te morfondre en pensant que les dieux t'ont possiblement abandonné cela arrangera les choses. »


Il posa alors l'extrémité de sa canne dans la bouillasse et son expression se fit plus sérieuse.

 « Tu souhaites être éduquer ? Tu souhaites savoir lire et compter ? Tu souhaites connaître notre histoire et celle des dieux ? Rends toi au Temple, le 3 octobre 1166 à la septième heure du matin. Attends moi sur le parvis et nous rejoindrons la bibliothèque. Cela te vas t-il pour l'instant ? »
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Alfred BernicourtCharlatan
Alfred Bernicourt



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MessageSujet: Re: Chasseur ou chassé   Chasseur ou chassé EmptyJeu 23 Jan 2020 - 15:20
La pluie ne paraissait pas s’étioler, continuant d’inonder le décor de ses eaux, indéfectiblement. Les nuages masquaient la lumière solaire, plongeant les bas-fond dans une ambiance, plus lugubre que d’ordinaire. Le soleil s’était fait engloutir par la voracité de la voûte cendrée, ne laissant place qu’à une alternance de rafales et de bourrasques, emportant avec elle, l’atmosphère humide et froide de l’automne. La confrontation avait été si virulente et intense, des coups en passant par les mots, que tout ce qui environnait la scène avait été omis, balayé de ce qui était essentiel. La ruelle était déserte, si ce n’était les quelques rats qui s’exilaient brusquement des égouts engorgés par les précipitations. De temps à autre, un battement de semelle dans les flaques, nauséabondes et putride, de la ruelle adjacente se faisaient entendre.

Le désaxé épongeait attentivement les longues palabres interminables du vieux bouc, priant que les aspirations perfides qui gangrenaient chacunes de ses phrases ne soient pas révélées. Bien que l’immonde créature avait pris soin de soigneusement musser ses intentions dans un verbiage méticuleux et sournois, cette rencontre inattendue lui avait réservé trop de surprises pour crier à la victoire, trop hâtivement. Chaque pause dans ses tirades le faisait douter, lui faisait remettre en question la moindre de ses phrases, la moindre émotions qu’il aurait involontairement divulgué. Le paria ne se faisait guère d’illusions, sachant pertinemment que le vicomte garderait un œil attentif aux infimes écarts qu’il percevrait de ses yeux expérimentés. Une rixe de l’esprit s’annonçant épique, appétissante, alertant les instincts malicieux du damnés. Voilà longtemps qu’il n’avait point trouvé un belligérant de taille, pour ces joutes spirituelles qu’il affectionnait farouchement.

« De l’humour ? Questionna le serpent en citant ses propos avant d’étouffer un sourire. Je dirais qu’ils ont une manière, bien à eux, de nous éprouver, de voir si nous sommes dignes de survivre, ou non. De ce que je vois, nous avons tous les deux été mis à rude épreuve, ah ah, nous ne sommes pas si différents, finalement. Pourtant vous ne semblez pas en vouloir à notre trinité… constata t-il dans les propos cléments, qu’il exprimait à l’égard de la Trinité. »

Peut être était-ce cela la vertu ? Pensa le va-nu-pieds, espérant que cette confrontation s’achève avant que ses ultimes forces ne le consument, le faisant sombrer de nouveau dans le néant. Sa posture arc-boutée encensait cette douleur et le coût de l’effort. Les ecchymoses de son bras s’élançaient et raisonnaient dans tout son for intérieur, donnant l’impression que l’homme allait s’effondrer, avant de se retenir in-extremis sur les briques glissantes et verdâtres du mur délabré. Pendant quelques secondes, le misérable tombait un genoux dans la bourbe, avant de se redresser, immédiatement, péniblement, dans un cri de souffrance explicite, regardant les cieux – en priant- pour le faire tenir quelque secondes, juste encore un peu, seulement ce qu’il fallait pour entendre cette invitation, tardant à venir.

« Ô croyez bien que je ne m’abaisserais jamais à me fourvoyer des dieux, rétorqua t-il d’une voix fébrile. Je les aime, autant qu’ils me haïssent, je les crains, autant qu’il me font souffrir, je les pris, autant qu’ils me dénigrent. Cela fait-il de moins le meilleur croyant ? Ou le pire ? Questionna t-il sans attendre une quelconque réponse, concluant d’un rire laborieux. Si vous m’aidez à être digne de mes créateurs, à me montrer aussi droit et respectueux que vous l’êtes, je serais votre éternel obligé, mentit-il, solennellement. »

Lorsque son vieil interlocuteur daigna finalement lui apporter la réponse qu’il attendait, il réajusta sa capuche pour masquer son visage satisfait, avant de s’effondrer, sans pouvoir se relever, cette fois-ci. Sans avoir pu apporter sa confirmation, il tomba dans la boue souillée, usant du peu de lucidité pour admirer l’astre diurne s’élever à nouveau dans l’océan céleste. Tiens, il s’est arrêté de pleuvoir ? Constata t-il, avant de plonger dans le royaume des songes, inconscient.
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