Se jeter à l'eau [PV Léandre]

En t'cas princesse, Anür n'a pas b'soin d'envoyer des fangeux pour nous punir. Elle pourrait raser la moitié d'la cité d'une seule vague. Idalie pencha légèrement la tête en observant Léandre, songeuse. Elle n'avait jamais vu les choses de cette manière, et peut-être avait-il raison. Peut-être avait-il tort, aussi. Elle préférait cependant espérer qu'il disait vrai, qu'Anür n'était pas en colère contre l'humanité au point de tenter de l'éliminer à l'aide d'une force aussi destructrices, d'un mal qui n'épargnait personne, les pécheurs comme les âmes les plus innocentes. Elle détourna le regard et contempla un instant la statue de la déesse devant eux. Silencieusement, elle lui demanda de la pardonner de se questionner sur ses actons et ses motivations. Anür agissait comme elle le devait et n'avait de comptes à rendre à personne.

Idalie reporta son attention sur Léandre et écouta le marin avec un intérêt non feint.C'tout l'intérêt d'un dieu non ? De voir sans êt'es vu, j'veux dire. Elle sourit et hocha doucement la tête. Les réflexions de Léandre continuaient de la surprendre, et elle était étonnée qu'il les partage avec elle avec autant d'aisance. Elle ne s'était certes jamais retrouvée en compagnie d'un équipage, mais elle se doutait qu'entre marins, les conversations étaient d'un tout autre ordre. Et Léandre paraissait être du genre plutôt renfrogné. Elle lui était donc étrangement reconnaissante de s'ouvrir ainsi à elle, de la laisser voir des aspects de lui qu'il ne montrait probablement pas à beaucoup.

Lorsque Léandre émit l'hypothèse qu'Anür ne se montrait qu'à ceux qui en étaient dignes et qu'elle devrait peut-être monter sur un navire, Idalie secoua la tête, un léger sourire au coin des lèvres.

« Vous voyagez constamment à ses côtés, bravez sa colère lorsqu'elle sa manifeste, répondit-elle à voix basse. Je doute être plus digne d'elle que vous. »

Idalie lui sourit avec sincérité, puis reposa son regard dans le sien alors qu'il lui posait une question à son tour. Si elle ne releva pas l'erreur de vocabulaire qu'il s'apprêtait sans doute à faire, elle comprit qu'il se détournait d'elle par embarras. Il ne parlait pas comme un gentilhomme, mais pourquoi en avoir honte? Idalie trouvait beaucoup plus de sens dans les paroles de Léandre que dans celles de plusieurs de ses compères, qui voilaient parfois leur manque de profondeur et d'intelligence en enjolivant leurs propos de mots complexes dont ils ignoraient souvent la signification. De belles paroles dépourvues de sens. Idalie préférait encore le direct parfois intimidant du marin qui, s'il n'était pas poète, avait bien d'autres connaissances – comme celle de la navigation, par exemple. Non, il n'avait aucune honte à avoir d'après elle. Elle ne fit toutefois aucun commentaires. Les hommes étaient souvent fiers, et elle pouvait dire sans trop le connaître que Léandre faisait partie de ceux qui n'aimaient pas particulièrement être maternés inutilement, qui n'appréciaient pas qu'on leur pointe leurs faiblesses, même pour leur dire qu'elles n'étaient pas réellement des faiblesses.

« Il n'y a aucun mal à demander, se contenta-t-elle ainsi de répondre en continuant de le regarder, comme pour qu'il vienne retrouver son regard d'instinct et qu'il constate qu'elle ne le juge pas à la qualité de son vocabulaire. Je crois... Je crois que je n'ose pas m'attendre à quoi que ce soit d'eux. Ils ont leur propre volonté et je me verrais mal tenter de leur imposer la mienne. Ainsi, je demande et j'espère, parfois... mais sans plus. Enfin, j'essaie. »

Idalie haussa légèrement les épaules en souriant en coin, l'air de dire qu'elle était, comme tout le monde, imparfaite, même dans sa foi pourtant inébranlable.

« Je leur demande principalement de protéger ceux à qui je tiens, en particulier mon frère, compléta-t-elle. Et de me guider lorsque je sens que je m'égare. »

La noble marqua une pause, retombant dans la contemplation de la statue d'Anür.

« Je les prie aussi pour les remercier de leurs bienfaits, surtout lors des jours plus sombres, où ils me semblent moindres, reprit-elle tout bas. C'est en me retrouvant ainsi face à eux que je me rends compte qu'ils ne laissent jamais un jour défiler sans y semer du beau. »

Idalie se retourna une nouvelle fois vers Léandre et lui sourit avec gentillesse.

« Aujourd'hui, je les remercierai de notre rencontre et de notre conversation, dit-elle. Il est agréable de discuter avec vous, Léandre. »

Elle fit ensuite légèrement la moue et ajouta :

« Je leur poserai aussi une question d'une importance capitale... Pourquoi "princesse"? À moins que vous ayez une réponse pour moi, bien entendu... »

Idalie laissa tomber sa moue pour sourire au marin. Les Trois lui pardonneraient bien ce brin d'espièglerie...

Le point de vue de la duchesse le surpris quelque peu. Il n'avait jamais vu ça sous cette angle. Lui qui croyait aux dieux, lui qui ne comprenait pas pourquoi ils le laissaient répandre sa colère où son cœur le désirait. Il n'était pas plus brave qu'un autre, il n'était pas courageux non plus. Il se connaissait suffisamment bien, c'était peut-être sa plus grande qualité, celle qui l'empêchait de se noyer dans la honte et de le dégoût de lui même, de s'élever au-dessus de ça même, sa franchise envers lui-même. Il n'était pas brave, en mer peut-être un peu plus, car il ne voulait pas perdre la face devant les autres, alors, il n'hésitait pas à prendre des risques si besoin, mais c'était par fierté, par orgueil. Il agissait toujours par intérêt, c'est ce qui faisait ce qu'il était. D'ailleurs, alors qu'il était là avec cette jeune noble à parler de manière détaché, une partie de lui voulait quelque chose d'elle. Quelque chose qu'elle ne lui donnerait pas, alors devait-il le prendre ce quelque chose ? Avec violence au besoin ? Peut-être était-ce ça être brave, après tout, il n'avait jamais ouvert un dictionnaire pour en lire la définition.

« Mhh.. P'tete ben qu's'avait raison... Mais j'serais vous, j'me compa'rai pas à moi hein. Vous êtes une bonne personne. »

Il la regarda quelques instants, toujours avec détachement, comme s'il lui demandait un pain au chocolat avec sa baguette. Toutefois, les traits de son visage était détendu, ses lèvres moins serrés. Il était en confiance et détendu. Elle lui inspirait la confiance. Il avait envie de parler mais il ne lui en dirait jamais plus qu'elle ne devait en savoir, nul doute qu'elle s'enfuirait. Puis par son seul récit, il perdrait plus que la vie. On ne bannissait pas les pirates, leur place était sur la Place des Chevaliers. Un nom entouré de prestige pour y pendre les criminels. Malgré qu'il appréciait réellement la présence de la demoiselle, il appréciait davantage sa tête.
En tout cas, quand ils se quitteraient, cette délicatesse lui manquerait. Cette attention à ne pas se conduire avec lui de manière condescendante, à ne pas le traiter avec déférence ou pitié à cause de sa cicatrice ou de sa condition. Et encore une fois, elle avait ce côté candide, cette pureté qui était amusante et qui, selon les circonstances, pouvaient peut-être se révéler niaise. Demander aux dieux était la raison principale pourquoi les gens venaient ici. Ils venaient et demandaient. Devant la mine désolé de la baronne, il eu du mal à réprimer son léger rire. De surcroît elle demandait pour de bonnes raisons, où du moins, c'est ce qu'elle laissait entendre et il avait tendance à la croire, rien depuis qu'il discutait avec elle ne laissait penser que c'était quelqu'un de faux. Alors, il la croyait quand elle demander la protection de ses proches, car après tout, si ce n'est les dieux, qui pouvait le faire ?

Il fut aussi touché, laissant entendre que leur rencontre et leur conversation revêtait une certaine importance pour elle. Pas forcément sur l'importance du contenu mais plus sur l'échange, du moins, c'est comme ça qu'il le percevait. En tout cas, il ne pu rien répondre à ça, ne sachant s'il devait la remercier pour cet égare, s'il devait se remercier lui pour la qualité de sa personne ou s'il devait aussi remercier les dieux pour ce heureux hasard. Il choisit de ce taire, sans s'empêcher de jeter un regard à la demoiselle. Encore un.
Son rire franchit ses lèvres, un rire fugace, qu'il retint aussitôt qu'il était sortit. Un rire soudain, qui sonnait bizarrement à ses oreilles, mais il était tellement surpris par la question qu'il ne pu l'empêcher. Ce revirement soudain dans la conversation et dans le ton de celle-ci, il ne s'y attendait pas.
Pourquoi princesse ? Il la regarda quelques instants, laissant planer le suspense. Aptès tout, il devait peut-être laisser ça aux dieux, ils seraient bien plus à même de répondre. Toutefois, il ce devait d'y répondre.

« C'est en rien d'la moquerie hein, juste qu'le « demoiselle » ça m'fait bizarre, puis, par chez nous, chez les pécores, « princesse » c'est un compliment hein, 'fin, ça peut être aussi moqueur, mais pas là. Plus maintenant quoi... J'dois dire que ça l'était un peu au début. Maintenant j'trouve que ça vous correspond bien en fait. »

Il ce cala au fond du banc, étendit ses jambes devant lui pour faire circuler un peu le sang. Puis le sujet étant plus léger, plus décontracté, il se laissait aller, oubliant la posture en rigueur dans l'endroit. D'ailleurs, il avait même commencé à parler un poil fort et lorsqu'il s'en rendit compte il regarda autours de lui, s'attirant les regards courroucés de quelques adorateurs. Il reporta son attention sur Idalie sans ce soucier plus que de ça de ses voisins, mais en reprenant sur un ton plus bas cette fois.

« Mais si ça vous d'range, j'arrête hein, trouverais autre chose pour parler de vot' grandeur et de vot' beauté. »

Il la regarda quelques instants avant de détourner le regard, une partie de lui ravie de la voir rougir de la sorte.

Les paroles de Léandre interpellèrent quelque peu Idalie. J'serais vous, j'me compa'rai pas à moi hein. Vous êtes une bonne personne. Elle avait compris qu'il avait certains péchés à se reprocher, mais ceux-ci faisaient-ils de lui une mauvaise personne pour autant? Se jugeait-il trop durement, comme beaucoup avaient tendance à le faire? La question resta en suspens dans l'esprit de la noble. Elle ne connaissait pas grand-chose de l'homme assis près d'elle. Peut-être était-elle naïve, mais elle peinait à croire qu'il était une « mauvaise personne ». Il était beaucoup trop complexe pour être relégué dans une catégorie aussi définie... Peut-être était-il une bonne personne qui, parfois, faisait de mauvaises choses... ou le contraire. Une mauvaise personne qui, parfois, faisait de bonnes choses. Elle n'en savait rien. Et c'était aux Trois d'en juger, surtout alors qu'ils se trouvaient entre ces murs sacrés.

Idalie poursuivit, parlant de ce qu'elle demandait aux Trois et indiquant à Léandre qu'elle prendrait le temps de les remercier pour leur échange. Le rire qui s'échappa des lèvres du marin à la question qu'elle posa la surprit, et elle ne put s'empêcher de l'accompagner tout bas. Un rire, c'était banal, mais venant d'un homme comme Léandre, dont les traits étaient toujours un peu froncés, comme s'il pouvait se mettre en colère d'une seconde à l'autre, c'était étonnant. Étonnant, mais plaisant.

Léandre la fixant en silence pour la faire mariner, Idalie plissa les yeux, comme si elle usait d'un pouvoir mental quelconque pour lui soutirer une réponse. Lorsqu'il déclara qu'il ne se moquait pas, elle arqua légèrement un sourcil. Plus maintenant quoi... Ah, voilà qui était mieux, déjà. Il était après tout passé par une foule de sobriquets avant de s'arrêter sur celui-là, et tous avaient eu pour dénominateur commun de marquer l'écart de classes qui existait entre eux. Elle trouvait ironique qu'il ait décidé d'employer l'un des plus prestigieux alors qu'elle était simple fille de banneret et qu'elle avait même techniquement perdu son titre lorsque son frère s'était engagé dans la milice.

Princesse. Il trouvait que cela lui correspondait bien. Elle secoua doucement la tête en souriant, l'air de dire qu'elle était loin de trouver avoir la prestance d'une princesse. Le geste lui permit de voir que Léandre avait attiré quelques regards. Il parlait effectivement un peu fort, mais elle n'émit au commentaire puisqu'il sembla s'en rendre compte de lui-même. S'ils n'étaient pas les seuls fidèles à discuter à voix basse, la discrétion et le respect des lieux restaient de mise.

Mais si ça vous d'range, j'arrête hein, trouverais autre chose pour parler de vot' grandeur et de vot' beauté. Idalie rougit et baissa les yeux avec une certaine gêne. Elle avait toujours eu du mal à accepter les compliments, surtout lorsque ceux-ci étaient particulièrement directs.

« Je... C'est juste que... qu'il m'est un peu étrange d'être surnommée ainsi, mais j'imagine que... »

Ce fut tout ce qu'elle répondit. Le surnom était audacieux, quelque peu embarrassant, mais elle s'y était pratiquement habituée, au fond. Au point où ils en étaient, il lui serait presque plus étrange de l'entendre prononcer son prénom. C'était sans compter qu'elle craignait ce qu'il pouvait trouver pour « parler de sa grandeur et de sa beauté ». Après les titres de noblesse, il était sans doute capable de passer à travers tous les noms de fleurs qu'il connaissait et de choisir de la surnommer « joli coquelicot »...

« Vous avez le mérite d'être original, se reprit-elle finalement en relevant les yeux sur Léandre. Quoique la compétition n'est pas très féroce. Seul mon frère me donne un surnom, parfois. »

Idalie fit mine de réfléchir, l'air sérieux.

« Vous devriez en avoir un aussi... Question de justice. Capitaine? Non. Capitaine Lélé. Ah! Beaucoup mieux. Beaucoup plus mignon. »

Elle glissa un regard vers Léandre. Le surnom ne le ravirait pas, elle en était certaine. Elle imaginait déjà ses traits et sa mâchoire se durcir pour marquer sa désapprobation. Aussi leva-t-elle discrètement les mains devant elle en signe de paix, lui montrant ainsi qu'elle n'avait aucune intention de l'appeler autrement que par son prénom, qu'il s'agissait simplement d'une blague dépourvue de malice.

« Vous avez un surnom de marin? demanda-t-elle, toujours à voix basse. Et votre navire, il a un nom? »

 
La réaction de Léandre fut plus violente que celle à laquelle Idalie s'était attendue. Glacial, le marin la fixait maintenant avec une colère complètement démesurée pour l'offense. La noble perdit lentement son sourire, quelque peu troublée par la tournure des événements. Elle avait cru agacer Léandre un brin, sans plus, mais elle sentait qu'elle l'avait profondément insulté. Elle ignorait pourquoi il réagissait aussi mal, mais le moment était mal choisi pour le lui demander. Intimidée, peut-être un peu effrayée, aussi, elle baissa les yeux un instant, les relevant ensuite sur son interlocuteur, s'excusant silencieusement. Elle semblait réellement désolée que cette plaisanterie dépourvue de malice ait pu jeter ce froid entre eux. Et elle l'était.

Léandre reposa son attention sur la statue d'Anür et elle fit pareil. Elle attendrait de voir s'il voulait réengager la conversation. Autrement, elle le laisserait en paix et partirait, d'autant plus qu'Ilda devait maintenant s'inquiéter. Idalie savait qu'elle n'avait rien manqué des expressions du marin et celles-ci n'étaient pas des plus rassurantes.

La voix hivernale de Léandre s'éleva. Les hommes m'appellent Le Rouge. Idalie pivota doucement vers lui. Il la fixait froidement et, cette fois, elle soutint son regard, sans agressivité aucune. Elle lui répétait ainsi qu'elle était navrée, qu'elle ne lui voulait évidemment aucun mal. J'vous laisse deviner pourquoi, princesse. Elle sourit un peu en coin. Elle devinait bien pourquoi on lui attribuait ce surnom, oui, mais elle n'allait pas lui poser de question sur le sujet. Inutile de raviver sans raison des souvenirs qui devaient être douloureux, surtout après sa première bévue.

La suite interpella Idalie. La Sterne, un navire de la flotte du Dauphinat. Le Dauphinat... N'était-ce pas le nom de cette organisation de pirates qui donnait du fil à retordre à la milice? Elle resta immobile, surprise, perturbée. Léandre n'était pas un simple marin. Léandre était un pirate, de ceux qui terrorisaient les honnêtes gens dont la mission était d'assurer le convoyage des marchandises circulant entre le Labret et Marbrume. Léandre était un criminel.

Idalie aurait pu crier, lancer un appel à l'aide afin que l'on capture cet homme sans attendre. Il devait bien avoir quelques miliciens – en service ou non – dans l'enceinte du temple, après tout. Pourtant, elle n'en fit rien. Il ne lui voulait aucun mal, juste partir. Il paraissait terriblement résigné. Presque triste, en fait. Elle le sentait, elle le voyait dans son regard. Ce fut ce regard qui la freine, sans qu'elle sache exactement pourquoi.

Lorsque Léandre se leva, elle n'avait toujours rien dit, mais elle n'avait pas détaché son regard de lui non plus. Quand il esquissa le geste de partir, elle murmura :
« Attendez. »

Elle le regarda droit dans les yeux et, après quelques secondes de silence, demanda :

« Pourquoi?... »

Pourquoi avait-il choisi cette voie? S'il ne l'avait pas choisie, pourquoi ne tentait-il pas d'en changer? Pourquoi avoir pris le temps de discuter ainsi avec elle? Pourquoi lui avoir révélé son identité? Pourquoi?

Pourquoi? Une question à la fois simple et infiniment complexe. Une question qui fut suivie d'un silence pendant lequel Idalie et Léandre se dévisagèrent. Allait-il répondre, tenter d'expliquer? Allait-il se contenter de tourner les talons pour se fondre dans la foule et disparaître à jamais? Cette attente était étrangement insoutenable pour la noble. Elle voulait savoir – elle ignorait quoi exactement, sa question étant floue et englobant tant, mais elle voulait savoir. Il haussa les épaules.

Savez... On peut pas tous avoir vot' bonté. Il pivota vers les dieux et elle continua de le regarder. Ce n'était pas réellement une réponse à ses yeux, mais elle sentait qu'elle n'en aurait pas d'autre. Qu'avait-elle espéré, au fond? Il n'allait tout de même pas se rasseoir pour lui expliquer tranquillement pourquoi il était ce qu'il était ou même pourquoi il avait choisi de lui révéler son identité. Non, il allait, dans quelques secondes probablement, la laisser sur cette révélation, aux prises avec mille et une questions. Cette journée de détente avait pris une tournure des plus inattendues.

Lorsque le regard de Léandre se détourna, Idalie le suivit. Elle constata qu'Ilda s'était rapprochée et sut immédiatement que la domestique avait été interpellée par le caractère inhabituel de la scène. Elle tâcha de lui offrir un sourire rassurant avant de se retourner vers Léandre, qui fit l'effort curieux de s'incliner devant elle. Merci Princesse. Idalie. Elle ouvrit la bouche, comme pour lui demander pourquoi il la remerciait, mais elle la referma aussitôt. Elle n'aurait pas de réponse à cette question. Elle le regarda simplement dans les yeux, perturbée par la situation, par son attitude, par ses mots.

« Au revoir, Léandre », murmura-t-elle finalement.

Cette fois, il se détourna et s'éloigna. Elle le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse de son champ de vision. Ilda s'approcha aussitôt, la mine préoccupée.

« Tout va bien, Mademoiselle d'Auvray? demanda-t-elle à voix basse. Vous semblez troublée... Que vous a-t-il dit? »

Idalie laissa planer un court silence, reportant son attention sur Anür. Il fallait dénoncer Léandre. Pourtant, elle se sentait incapable de répéter ce qu'il lui avait dit. Il s'appelle Léandre le Rouge. Il navigue à bord d'un navire qui s'appelle La Sterne. Un navire de pirates. Les mots restaient coincés dans sa gorge. Il lui avait fait confiance. C'était un criminel, mais il lui avait fait confiance.

« Mademoiselle d'Auvray? intervint de nouveau Ilda.

- Rien que je devrais savoir », répondit finalement Idalie.

La noble continua de fixer Anür. Elle avait des tonnes de questions pour la déesse, mais une seule lui vint en tête: pourquoi?