Nashley sourit pensivement aux derniers mots du soldat puis lesta son regard trouble sur le gus quelques longues minutes sans rien dire. Les engrenages du cerveau, rouillés par la potion traitresse de la gargote, comme pris dans un calcul savant derrière le joli minois. Puis la blonde sortit de sa rêverie et lança à l’homme, avec un temps de retard comique, les bras grands écartés et le sourire vissé aux lèvres :
- Eh bien t’en as de la veine ce soir, soldat ! Moi, j’suis pas prise !
L’arsouille se plaça debout devant cette eau calme d’Anton et déversa impunément le vinaigre de sa chope sur le semblant de parquet qui avait, sans conteste, connu des jours meilleurs.
- Mon verre est vide et tu trouveras jamais cette foutue histoire d’ivrognes, je l’sais. Alors, je voudrais essayer un autre jeu, plus simple je crois.
Sur ces mots, le Gunof se retrouva la pogne prisonnière de celle de l’escamoteuse et fendit l’océan tumultueux de buveurs à la suite de la magicienne. Que cette canaille de milicien pense ce qui lui chante ! Ce n’était pas (que) l’alcool qui poussait la jeune femme à l’entrainer dans ses draps. Mais c’eut été perdre son temps en futilités que de le lui expliquer et puisqu’il était dans son dos, elle se moquait bien de son sourire triomphant et ô combien masculin.
Le duo déboucha dans une réserve sombre et infecte où s’entassaient bocaux et sacs en tout genre ravagés par la moisissure. Mais heureusement, la pestilence se dissipa – ou l’alcool ne la fit jamais apparaitre. A tâtons dans le noir ou presque – Nashley avait chapardé une bougie mourante – la jeune femme chercha l’échelle qui menait à un grenier dans un état plus lamentable encore, si ce n’était. Grimper les barreaux branlants fut une épreuve mais Anton, ce chevalier servant, s’assurait que l’équilibriste suive le droit chemin. Tout en haut, un soûlard, sûrement échoué là par hasard, ronflait comme un sonneur. Peu au goût de notre saltimbanque bouillonnante, le pauvre homme fut tiré sans ménagement par les chevilles puis basculé par le trou qu’ils avaient emprunté pour monter. Le réveil se révéla d’une efficacité redoutable.
Enfin, Nashley se retourna vers son camarade, la bougie entre eux deux. D’une voix soudainement méchante et pleine de défi, en passant par-dessus sa tête la chemise tâchée, exposant la zébrure laissée par sa seule et première rencontre avec une créature des marais.
- Essaie de ne pas me faire mourir de plaisir. Je risquerai de me relever de la plus déplaisante des façons.