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 [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]

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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



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MessageSujet: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyVen 8 Fév 2019 - 15:38
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[Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] Deco10


Donne-moi ta main que je ne la prenne pas

La journée avait un goût étrange dans la bouche d’Estelle de Chantauvent, elle s’était levée encore plus tôt que d’habitude, n’ayant pas réussi à fermer l’œil de la nuit. Culpabilisait-elle d’avoir été beaucoup trop loin avec Merrick Lorren, le milicien qui s’était mis en tête de la courtiser depuis plusieurs pour obtenir un quelconque réconfort charnel. Levé bien avant que le jour se lève, la rousse avait astique du sol au plafond son établissement, repositionnant la totalité des bouteilles, nettoyer jusqu’au fond de la dernière marmite, de la dernière poêle, même Brigitte n’avait jamais été aussi séduisante et brillante. Le travail lui avait pris des heures entières sans qu’elle n’y trouve un quelconque réconfort, une quelconque satisfaction, la fatigue n’avait pas cru bon de venir lui tenir compagnie si bien que c’est résigné à ne pas dormir de la nuit que la rousse avait fini par s’installer à même le sol devant sa cheminée. Emmitouflée dans le drap de son lit, elle avait dû néanmoins finir par s’endormir là, sur le plancher, les danses des flammes se reflétant dans sa crinière particulièrement désordonnée. La promesse du rendez-vous hanté ses pensées, ses songes, en ayant cette certitude que l’homme d’armes ne se présenterait pas. L’écho de la conversation n’avait de cesse de se répéter en boucle dans sa tête, dans ses oreilles, épousant jusqu’à la forme de ses lèvres dans des prononciations silencieuses : avait-elle était trop loin ?

La rouquine avait été si tourmentée qu’elle en avait presque envisagé d’aller frapper à la porte de la demeure de son frère avant de renoncer et c’est donc finalement, juste devant l’astre encore chaud, à même le sol que le sommeil avait fini par l’emporter. L’établissement resta ainsi plongé dans l’obscurité un long moment et les premiers rayons du soleil traversant les volets en bois, ou les fenêtres encore ouvertes n’avaient guère semblé être en mesure de sortir de son état de fatigue la tenancière qui n’avait pas bougé d’un millimètre et dont les légers mouvements pouvaient témoigner de sa difficulté à obtenir un sommeil véritablement réparateur. Les bruits de pas s’approchant ne semblèrent pas la faire émerger non plus, ce ne fut que l’énorme choc de la cagette en bois s’écrasant sur le plancher et l’empressement de la voix de son frère hurlant son prénom qui la fit tirer un gémissement semi-endormi.

- « Estelle, Estelle, tu vas bien ?! Tu te sens mal ? Qu’est-ce que… »
- « Adrien tais-toi.. » fit elle en se redressant doucement et frottant ses yeux.
- « Tu as dormi là ?! »
- « Ça ne se voit pas ? » rétorqua presque instinctivement la rousse qui ne semblait pas avoir le réveil facile.

Roulant les yeux au ciel, l’homme avait fini par se redresser, soulagée de voir que sa sœur n’était pas mal en point, néanmoins inquiet de la circonstance un peu troublante de son endormissement. La rouquine n’avait pas l’air d’avoir le réveil alcoolique, ni même d’avoir eu une soirée mouvementée, du moins le pensait-il naïvement en ramassant les aliments sur le sol et en constatant petit à petit à quel point l’établissement était impeccable. S’engouffrant dans la cuisine, la surprise n’en fut que beaucoup plus grande et c’est là que l’aîné comprit qu’il se passait quelque chose de grave dans la vie de sa sœur. Estelle avait la même manie que sa mère, lorsqu’elle n’allait pas bien, elle rangeait, elle lavait le sol et tout ce qui pouvait être nettoyé n’avait aucune chance d’y échapper. S’appliquant à faire chauffer de l’eau, l’homme n’avait pu que revenir vers elle, particulièrement dubitatif, une tasse et des plantes à l’intérieur en main, il tendit à celle qui s’était avachie sur une table, la main trifouillant son intense chevelure rousse.

- « Tu as une tête à faire peur Estelle. »
- « Merci mon cher frère, moi aussi je te trouve très beau. »
- « Dis-moi » souffla-t-il en tirant une chaise et déposant l’infusion devant elle.

La Chantauvent avait fini par se redresser légèrement, laissant tomber sa tête en arrière et autorisant sa chevelure à cascader le long de son dos, les yeux rivés sur le plafond, ses dents rongeant sa lèvre inférieure, elle ne savait pas réellement par où commencer ni comment en arriver à la conclusion qu’elle avait tirée. Il était presque évident qu’Adrien n’allait pas voir Merrick d’un très bon œil, c’est que les deux hommes étaient en opposition parfaite : la droiture et autre chose de non découvert, mais qui criait tant aux yeux qu’il était impossible de passer à côté.

- « J’ai un rendez-vous ce soir, je crois… Je crois que c’est un rendez-vous oui. »

Son frère avait d’abord dévoilé un visage surpris, avant d’afficher un sourire et d’éclater dans un fou rire qui en aurait presque pu devenir contagieux si Estelle n’était pas dans un état si désespéré. Redressant la nuque pour le scruter avec une contrariété tenace dans le fond des yeux, l’aîné avait fini par avaler sa salive et à faire silence.


- « Allons, allons, ne me dis pas que tout ça, c’est parce que mademoiselle ma sœur a décidé d’accepter un rendez-vous ? »
- « Je n’ai pas accepté. »
- « Tu n’as pas accepté ? »
- « Enfin si mais… Mais… Arrête avec tes questions Adrien. Tu n’auras cas dire que je suis malade. »
- « Alors la mademoiselle de Chantauvent, c’est interdit. Même pas dans tes rêves, tu as une journée entière pour te préparer, tu vas bien trouver de quoi te mettre et surtout de quoi rendre ton visage un semblant agréable à l’œil. Et puis… Je le connais ? »
- « Non… »

Adrien avait froncé légèrement les sourcils, le caractère protecteur du frère n’avait pas tardé à rapidement refaire surface et devant la mine désormais boudeuse de sa cadette il n’avait pas osé poursuivre l’interrogatoire. C’était bien la première fois depuis la mort du mari de sa sœur qu’Estelle acceptait de sortir un orteil dehors, pour autre chose que la gérance de la chope, l’homme en question devait donc être particulier doué ou particulièrement inconscient de s’attaquer à une femme aussi imprévisible. Se relevant, il alla trappa un tissu aux couleurs de la chope pour le glisser à sa ceinture, ne pouvant s’empêcher de poser une nouvelle question :

- « C’est un homme bien au moins ? »
- « Un beau salopard il paraît » répondit presque instinctivement la rousse
- « HEIN ? »
- « Adrien…. » souffla-t-elle en se massant les tempes.

L’aîné resta un long moment immobile à la détailler de ses grands yeux aussi bleus que ceux de sa sœur. Il aurait voulu un prénom, un nom, un âge, un métier, n’importe quoi qui lui permis de faire jouer ses sources pour obtenir les informations sur le prétendant en question. Se retenant de poser la suite de son interrogatoire, il prit une grande inspiration, préférant faire silence et faire en sorte que ça sœur ne prenne pas la poudre d’escampette, pas tout de suite.

- « Dans notre famille, on tient toujours nos engagements, alors Estelle tu vas te faire belle, encore plus qu’habituellement, mettre une belle robe, de détendre et profiter pleinement après. Promet moi. Estelle de Chantauvent fais-moi la promesse. »
- « Ca va… Garde tes belles phrases pour ta femme, je vais faire un effort. Ne lui fais pas peur ce soir, d’accord ? Il est milicien, il s’appelle Merrick Lorren et je t’interdis de faire jouer tes contacts. »

Voilà comment la décision définitive avait fini par être prise. Estelle accepterait le rendez-vous si Merrick venait, même si elle gardait cet espoir douloureux de le voir renoncer lui aussi à cette entrevue, elle n’en était pas moins impatiente de voir la tournure que prendrait cette nouvelle rencontre. S’enroulant dans son drap, avalant son infusion la Chantauvent avait fini par faire les choses bien, se rendant chez sa belle-sœur qui s’était fait un malin plaisir de la préparer des pieds à la tête, expliquant également à la rousse l’importance de porter de très jolis dessous, Estelle n’était pas certaine de comprendre le sous-entendu, mais c’était-elle laissé faire comme une marionnette. Sa coiffure fut brossée, lavée, brossée et encore lavée puis être rebrossé, avant d’être semi-attaché pour laisser les boucles rousses retomber parfaitement. La suite n’en fut que plus douloureuse, le temps des essayages et de la soi-disant tenue parfaite qu’il fallait trouver, juste milieu entre provocation et élégance, c’était toujours d’après sa belle-sœur, particulièrement essentielle. Après de nombreux supplices de la tenancière, la femme de son frère avait fini par céder à la simplicité, optant pour une robe au jupon rose et au haut blanc souligné à la taille par un renforcement légèrement plus foncé. Ce fut dans cette robe qu’Estelle eut l’impression de pouvoir le mieux respiré, mieux se mouvoir, cela lui ressemblait plus que tout ce qu’elle avait pu essayer auparavant. Prenant une légère inspiration, le milieu de la journée arrivait déjà et la jeune femme ne put malheureusement pas échapper à l’étape du maquillage. Les miracles n’existaient et la fatigue devait être encore visible sous ses yeux, mais sa belle-sœur avait fait néanmoins du bon travail puisque la demoiselle était plus que présentable.

Quittant la demeure de la famille, elle avait traversé les ruelles bien emmitouflées dans une fourrure pour rejoindre la chope. Poussant la porte, elle ne put qu’être surprise par le monde s’y trouvant déjà, son regard s’arrêta sur le comptoir, pour y trouver avec surprise Merrick Lorren. Même de dos elle l’avait reconnu, semblait-il discuter avec son frère ce qui lui tira un quelconque sourire, s’imaginait-elle volontiers Adrien offrir de multitude de recommandations à Merrick, peut-être même pousser jusqu’à instaurer un horaire pour la ramener. S’approchant doucement, elle crut voir une légère surprise dans le regard de son frère qui avait cessé de discuter à son approche :


- « Estelle tu es… toute en simplicité » fit-elle « Ça te va très bien… J’ai eu le temps de discuter un peu avec celui qui va te distraire ce soir… Je ne vais pas vous retenir plus longtemps. »

Faisant un léger signe de tête à Merrick il s’éclipsa pour servir un ou deux clients, non pas sans venir déposer un bisou sur la joue de sa sœur qui se contenta de le pousser gentiment d’un geste de la main.

- « Eh bien.. Bonsoir, Merrick, je crois que je suis prête. J’espère que mon frère ne vous a guère trop importuné… »

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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyLun 11 Fév 2019 - 4:50
Estelle de Chantauvent n'avait pas été la seule à mal dormir, tandis que Merrick Lorren avait lui aussi eu une nuit trop courte, trop difficile. Pour autant, la cause de ses tourments n'était pas les mêmes que ceux de la tenancière de la Chope Sucrée. En effet, alors que la jeune femme avait du mal avec l'idée du rendez-vous, le milicien affrontait quant à lui les tourments des réminiscences de son passé. Tandis qu'il avait travaillé pour soulager la rouquine de la charge de tenir l'auberge seule, Lorren n'avait presque point consommé un quelconque alcool ou spiritueux. De fait, cette sobriété lui rendait la nuit particulièrement ardue, âpre et difficile. C'est dans cet état de sobriété peu commune, qu'il s'était esquivé de l'établissement, après que leur conversation ait gagné en sérieux, après que son masque se soit fendillé devant le questionnement de la dame de Chantauvent. Pour autant, bien que la nuit fut courte pour le jeune homme, il ne le regretta pas le moins du monde. Après tout, c'était devenu une habitude douloureuse de peu ou mal dormir, de voir les cauchemars l'étreindre et l'atteindre, et à contrario, le bénéfice semblait en valoir le coup.

Ainsi, à l'aube de la nouvelle journée, la date fatidique, la récompense de ses efforts était enfin là; une soirée avec Estelle. Ainsi satisfait, le milicien s’était réveillé aux aurores pour se rendre aux thermes du temple. Ayant une journée de congé, chose bien rare, Merrick avait pris son temps pour se délaisser dans l'eau chaude, laissant son esprit vagabonder ici et là, tentant de dresser une liste exhaustive de se qu'il comptait et désirait faire pour la soirée. C'est la tête renversée vers l'arrière, les yeux fermés et les bras, ainsi que la nuque, appuyés sur le bord du bassin que Merrick Lorren se permit de sourire, s'attendant à une soirée qui s'annonçait des plus intéressantes... Intéressantes en quoi, vous demandez-vous ? Ça, même lui n'avait pas la réponse, tandis que la rouquine avait le don pour le surprendre et le brusquer rapidement dans ses retranchements. Réussirait-il à la vaincre, ou à nouveau, Estelle de Chantauvent partirait avec les lauriers du triomphe ? Il ne put s'empêcher de penser qu'une couronne de laurier n'irait pas si mal dans la crinière rousse de son opposante. Pour autant, cette pensée n'était en aucun cas une raison d'abandonner la victoire, de la laisser s'échapper d'entre ses mains.

Alanguit par l'eau chaude, ses pensées vagabondes finir par le tirer de sa rêvasserie comateuse, tandis qu'une question germa dans son esprit embrumé. Ainsi, la relaxation laissa place à la réflexion. Que désirait-il d'elle ? Était-ce toujours ce réconfort charnel, qui le tiraillait et qu'il cherchait ardemment, qui lui faisait vouloir côtoyer la jeune femme ? Il était évident qu'il y avait de cela, mais nonobstant cette envie qui l'assaillait et qu'il ne pouvait réfuter, le milicien n'était jamais allé si loin pour conquérir les faveurs d'une demoiselle... Alors, qu'elle était ce petit plus, qu'est-ce qui berçait réellement ses aspirations ? Pourquoi se sentait-il aussi heureux de la revoir ce soir...?

Peut-être qu'il aurait dû pousser l'investigation de cette interrogation plus loin. Peut-être qu'il aurait dû repartir des bains avec une réponse, apte à affronter la soirée en sachant ce qu'il désirait profondément. Or, Merrick Lorren, étant celui qu'il était, il fut on ne-peut plus simple pour lui de repousser négligemment la réflexion. Force de caractère lui permettant de passer outre de nombreuse déconvenue, cette mise de côté pouvait aussi être une faiblesse, une façon de se leurrer et d'éviter une question attendant une réponse compliquée.

---


Sifflotant avec entrain, marchant d'un bon pas dans la caserne, Merrick Lorren était à la recherche de son ami et frère d'armes. Passant la tête dans les entrebâillements et ouvertures qui se présentaient sur son passage, le milicien ne ralentissait pas le moins du monde, saluant ici et là quelques connaissances. Habitué à arpenter son lieu de vie d'une démarche lente et paresseuse, l'ivrogne de la caserne détonait en cette journée, troquant ses fidèles et vieilles manières pour une rapidité et une jovialité qui faisait germer l'incompréhension chez les quelques autres miliciens le connaissant. Enfin, il vit celui qu'il cherchait; Marius. Le lascar en question était attablé à l'une des grandes tables du réfectoire, occupé à parler avec quelques collègues de profession.

Merrick claqua de la langue, satisfait, avant de marcher rapidement vers celui-ci, le sourire aux lèvres et les yeux pétillants. Concentré dans la conversation qui battait son plein, Marius ne vit pas tout de suite l'approche de son partenaire. Du moins, jusqu'au moment où celui-ci se dressa à ses côtés. Relevant enfin les yeux, le milicien croisa le regard de Merrick, avant de froncer les sourcils et de secouer négativement de la tête.

-''Non, j'refuse.'' Dit-il en rivant à nouveau ses yeux sur la table.

Écartant les bras, gardant la superbe de son sourire dressé, Merrick l'interrogea : ''Je n'ai rien dit encore, mon ami !''

-''Justement, j'n'ai même pas b'soin de t'entendre pour savoir que t'as une mauvaise idée.
T'beaucoup trop...''
Dit-il dans un geste de la main qui pointait Lorren de pied en cape.

Il avait surement voulu dire beaucoup trop sobre, le regard trop alerte, trop amusé et le sourire beaucoup trop vif. Mais Marius n'était guère bon avec les mots. Toujours est-il que cette façon d'être chez Merrick Lorren était généralement un mauvais signe. Un très mauvais signe, tandis qu'un plan farfelu germait dans son esprit paresseux et flémard. ''Fais-moi au moins le plaisir de m'écouter mon ami...''

- Reniflant avec mépris, Marius secoua la tête de nouveau : ''Jamais !''
---


Les mains enfoncées dans ses poches de manteau, Merrick Lorren se dirigea vers la Chope Sucrée avec un peu d'avance. Marchant rapidement, autant à cause de la fraîcheur de la journée déclinante qu'à cause de l'impatience qui l'étreignait, le milicien ne se départissait aucunement de son sourire. Sa propre préparation n'avait guère été difficile. Après tout, essayant toujours de paraître à son meilleur au plan physique, le jeune homme n'avait que très peu changé ses habitudes. Ses cheveux placés avec distinction et sa barbe fraichement taillée du jour s'accordaient comme à leur habitude l'une à l'autre. Ne possédant aucunement une garde de robe très étendue, le milicien avait opté avec une tunique bien simple, propre et d'une qualité acceptable. Par ailleurs, il portait aussi une cape assez chaude pour résister aux bourrasques du vent et à la fraîcheur de la saison. Au final, un seul détail sortait de son habitude; son teint. Généralement, Lorren passait ses journées à cuver son alcool de la veille, prêt à recommencer le lendemain. Or cette fois-ci, il s'était couché sobre. Ainsi, aucun lendemain de veille ne venait l'assaillir, amortissant quelque peu son teint résolument blême. Oui, les cernes violacés en dessous de ses yeux étaient toujours présents. Pour autant, il était notable qu'il semblait moins malade que généralement.

Enfin, il arriva sur les lieux. Poussant la porte sans attendre, il se glissa bien tranquillement à l'intérieur. Prenant le temps de sonder la salle, il ne vit aucune crinière rousse en train de travailler et il en fut fort aise. Cela aurait été, après tout, un très mauvais signe qu'Estelle de Chantauvent ne fasse qu'attendre son arrivée pour ''accrocher son tablier'' et partir. Bon d'accord, il s’était un peu attendu à ce que cela soit le cas. Or, de s'être trompé le rassura. Cela voulait dire qu'elle prenait probablement un peu au sérieux cette escapade auprès de l'un des pires miliciens de Marbrume.

Marchant directement vers le bar, lieu qu'il affectionnait particulièrement en temps normal pour contempler et échanger avec la tenancière, le jeune homme se dirigea vers un homme qui était, sans qu'il n'en doute le moins du monde, le frère d'Estelle; Adrien de Chantauvent. Ce n'était pas réellement l'air de famille qui lui avait mis la puce à l'oreille, plutôt le fait qu'il avait déjà mainte fois entendu parler de ce dernier, ainsi que de l'aide qu'il apportait à l'établissement de sa sœur.

-''Bienvenue à la Chope Sucrée ! Que puis-je pour vous, monsieur ?'' Lui demanda-t-il avec un entrain tout en jovialité.

Se passant une main dans ses cheveux, Merrick avait été tenté de répondre qu'il voulait Estelle de Chantauvent. Or, il doutait que le frère apprécie de se faire mentionner que son nouveau ''client'' désirait sa sœur...''Bonsoir, l'ami ! Je me nomme Merrick Lorren. Je...''

-''Ah ! Le beau salopard.'' La bonne humeur qui marquait les traits d'Adrien frémit quelque peu, laissant plutôt place à un sourire de circonstance et un regard pénétrant qui sondait le milicien en face de lui.

Lui offrant une moue modeste, comme si le qualificatif de ''beau salopard'' était un compliment, le jeune homme enchaîna : ''Et bien, les nouvelles vont vite dans la famille ! Est-ce qu'Estelle est ici, Adrien ?''

Probablement qu'entendre son nom sortir de la bouche de l'inconnu qu'était Merrick ne lui fit pas nécessairement plaisir. Par ailleurs, il était aussi possible que la familiarité avec laquelle le jeune homme utilisait le prénom de sa sœur n'était pas non plus de son goût. Mais après tout, ne venait-il pas de donner du ''salopard'' à Lorren ?

-''Pas encore, mais elle ne devrait pas tarder.'' Dit-il en haussant les épaules, et détournant le regard vers une chope qui nécessitait son attention pour être convenablement astiqué.

Le milicien ne put empêcher son sourire de s'agrandir, revoyant un peu d'Estelle dans la gestuelle de son frère. ''Parfait, j'attendrais. Oh, je vous prendrais aussi une bouteille de vin rouge pour la route. Celle que votre sœur affectionne particulièrement, je vous pris.''

Déposant la chope qui avait retrouvé de son éclat suite au frottement incessant du torchon aux couleurs de l'établissement, Adrien déposa ses deux mains sur le bar et transperça le jeune homme du regard. '' Écoutez, je ne sais pas ce que vous avez fait, ni comment vous vous y êtes pris pour lui faire accepter ce rendez-vous. Mais, je m'attends à ce que vous faisiez attention à elle, que vous soyez respectueux et que vous ne débordiez en aucun cas des bonnes manières. Aussi, je m'attends à la voir revenir avant la fermeture de l'auberge. Est-ce clair, Merrick ?''

-''Bien évidemment, monsieur de Chantauvent ! Pour qui me prenez-vous ?'' Demanda-t-il, faisant comme s'il était outré. '' Imaginez-vous que je suis un coureur de jupons ? J'espère que vous ne pensez pas que je ne veux que m'abandonner dans les bras de votre sœur ! J'estime suffisamment Estelle pour faire preuve de la plus grande des civilités. Après tout, je ne brusquerais en aucun cas la chose, n'espérant rien d'autre que passer une agréable soirée en sa compagnie. Convenance et bonne manière seront les mots d'ordre de la soirée ! Après tout, ma relation avec votre sœur s’est toujours inscrite autour de ces deux mots. Jamais elle n'aurait accepté que je lui manque de respect en la courtisan de façon éhontée, non ?''

La tirade avait le mérite d'être aussi belle que fausse. Adrien avait le mérite de connaître sa sœur, mais aussi de ne pas sous-estimer le milicien qui semblait maître du baratin et cacher une allure de canaille, de crapule et de malandrin. Pour autant, est-ce que ses mots avaient été suffisants pour acheter, ne serait-ce qu'une once de confiance envers l'héritier du nom de Chantauvent et le milicien Lorren ? Impossible à dire, car au moment où Adrien se penchait vers le beau parleur, son attention fut attirée ailleurs. Ou plutôt, vers quelqu'un d'autre.

Entendant les mots de son homologue, comprenant l'arrivée de celle qu'il attendait, Merrick Lorren se retourna sur sa chaise. Il ne s’était pas attendu à cela. Comme il avait déjà été mentionné, le jeune homme pensait que la rouquine quitterait son établissement à la dernière minute en rechignant à le suivre, préférant rouler des yeux et user de ses paroles habilement perfides pour le faire languir et douter. Or, elle s’était préparé et arrangée, faisant honneur à la récompense du milicien. Le sourire de Lorren avait disparu, tandis que sa mâchoire s’était affaissée devant l'incongruité de ce qu'il n'attendait point certes, mais aussi devant la beauté de celle qu'il avait sous-estimée en ce jour. Perdu dans la contemplation admirative, mais aussi interrogative, il n'entendit guère les mots de l'homme de Chantauvent. Se levant de son assise, se passant une main dans les cheveux et retrouvant ''l'admirable'' sourire qu'il arborait continuellement, Merrick Lorren salua la nouvelle arrivant d'un lent et bien bas mouvement de la tête.

-''Estelle de Chantauvent, vous êtes sublime.''
Dit-il en tentant de prendre sa main pour lui offrir un baisemain qui était probablement aussi étranger à ce fils de paysan qu'à cette tenancière veuve. Merrick s'attendait bien évidemment à une rebuffade, ou une esquive de la rouquine dans sa gestuelle amorcée. Si tel était le cas, si Estelle prenait l'initiative de refuser cette marque de politesse et de courtoisie nobiliaire, le jeune homme ne s'en offusquerait guère, renvoyant cette main qui s’était fait éconduire en direction de sa chevelure.

Adrien de Chantauvent n'était en aucun cas stupide. Connaissant son heure, sachant quand il fallait mieux disparaitre, le frère de la belle s'esquiva. Avant de partir, celui-ci déposa ses lèvres sur le la joue de sa sœur et mis la commande de vin du milicien sur le comptoir, sans lui demander une quelconque rétribution pécuniaire. Gage de sa bonne foi ou de sa gentillesse, ce geste était on ne-peut plus magnanime. Toujours est-il que Lorren ne manquait pas de comprendre la salutation fraternelle qu'il avait donnée à Estelle. Cela devait être une façon de rappeler à Merrick l'attachement qu'il vouait à sa sœur, la protection familiale qu'il liguerait contre les bassesses et maux que pouvait potentiellement créer le ''beau salopard''. Agissement réfléchit ou non, cette façon d'agir ne tomba pas dans l'oreille de sourd. Récupérant la bouteille, le milicien la glissa sous sa cape.

-''Votre frère est aussi charmant que vous l'êtes, Estelle.'' Répondit-il à ses salutations, continuant à la regarder sans la lâcher des yeux. '' Vous ai-je dit que vous étiez sublime ?''

N'attendant pas réellement une réponse, ou du moins n'en quémandant guère une, Merrick proposa son bras à la tenancière. L'accepterait-elle ou le refuserait-elle ? Dur à dire, difficile à savoir. Pour autant, il n'était guère un simple quidam qui allait abandonner pour si peu. Retenterait-il plus tard dans le pire des cas, descendant, tout simplement, son bras dressé bêtement s’il essuyait un refus. ''Après vous, MA dame.''

La laissant ouvrir la marche vers l'extérieur de la Chope Sucrée, le jeune milicien embrassa une dernière fois du regard l'assemblée d'ivrogne de la salle principale. Rapidement, il put lire dans les regards de l'interrogation, de la jalousie et de l'incompréhension. Par ailleurs, à chaque fois qu'il réussissait à décrypter une émotion quelconque chez les clients, le sourire de Lorren
s'agrandissait, prenant le temps de perdre ses yeux dans ces regards vitreux. Depuis l'arrivée de la rouquine, drapé dans les plus beaux atours que les quidams ne lui avaient jamais vu porté, le silence avait supplanté le brouhaha de la Chope. Lorsqu'elle avait salué son frère et le nouvel habitué des lieux, le silence s’était renforcé et lorsqu'elle s’était dirigée vers la sortie avec lui, le non-bruit s’était accru encore et toujours plus. Forcément, Estelle de Chantauvent risquait de s'en rendre compte. En mettant les pieds dehors, Merrick offrit un clin d'œil à Adrien...

-''Et bien, vous avez fait fort impression à vos clients ! Était-ce un stratagème pour s'assurer de leur fidélité, ou bien cet effort m'était-il destiné ?'' Dit-il en faisant référence à son accoutrement et sa coiffure.

Tranquillement, mais surement, le duo marchait en direction du lieu sur lequel Merrick avait jeté son dévolu. Le milicien ne considérait pas forcément de passer la soirée dans son intégralité en cet endroit, mais il n'avait pas non plus préparé un horaire chargé à outrance ni ficelé des impératifs à l'avance. Il agirait en lui laissant le choix et la laissant elle aussi mettre son grain de sel dans cette sortie qu'il voulait aussi plaisante pour lui que pour elle.

-'' Aujourd'hui, mademoiselle de Chantauvent, j'ai décidé de vous faire découvrir mon monde. Nous avons toujours évolué dans le vôtre, et chez vous, à la Chope Sucrée. En cette soirée, je vais essayer de vous faire voir ce qui constitue mon univers. J'espère que cela vous plairait autant qu'à moi !'' Dit-il simplement, laissant planer un voile de mystère sur leur destination.

En quittant l'auberge, il était tout de même évident que leurs pas les guidaient en direction de l'esplanade plutôt qu'en direction des bas quartiers ou du port. Laissant le silence s'égrener, ou bien les réponses ou questionnements de son accompagnatrice aller, le jeune homme garda son regard fixé vers l'avant, marchant à un rythme décent, mais en aucun cas rapide. ''Vous semblez avoir eu une nuit bien courte. J'espère que ce n'est pas à cause de moi.'' Cette tirade avait été dite sans qu'il ne change de point de focalisation, c'est-à-dire droit devant lui. Le ton était savamment calculé et maitrisé.

-''Nous y sommes !'' Éructa-t-il après quelque temps, une fois qu'ils se trouvèrent devant la porte des anges. Souriant à pleine dent, il offrit un clin d'œil à la rouquine, avant de l'inviter d'un signe de la main à la suivre. Longeant la façade de la muraille séparant la noblesse des petites gens, Merrick s'arrêta enfin devant une porte qui prenait racine au pied d'une tour de garde de la fortification défensive. Levant une main, il cogna trois fois sur le battant avant d'attendre sagement. En réponse, la barrière de bois livra passage sur une ouverture. Si engouffrant sans hésiter, le milicien attendit qu'Estelle le suive pour refermer derrière elle.

-''Merci, Marius.''

-''J'n’aurais jamais dû t'écouter, crevard ! '' Puis se retournant vers la nouvelle arrivante : ''Enchanté, m'dame. J'ai d'jà beaucoup trop entendu parler d'vous pour votre propre bien... Si j'étais vous, j'm'enfuirais loin de lui.'' Termina-t-il dans un sourire pour la rouquine, avant d'offrir un regard noir à son frère d'armes.

-''Allons, vieux frère, sois gentil, veux-tu ? Un accord est un accord !''

Grommelant dans sa barbe, Marius roula des yeux. ''Faites attention à vous, m'dame.'' Sur ces mots ponctués d'un clin d'œil amical, celui-ci abandonna le duo, sur le premier étage de la fortification, pour retourner vaquer à sa surveillance sur la muraille.

-''J'espère que vous n'avez pas peur de l'interdit, Estelle de Chantauvent ?'' Commença un Merrick Lorren particulièrement amusé. '' Je voulais vous montrer la seconde plus belle vision de Marburme après vous, bien évidemment. Je vous laisse la chance de la découvrir en première !'' Dit-il en pointant de la main l'escalier puis l'échelle qui menait au rempart et à la vision périphérique des environs.

Habitué à côtoyer les remparts de la cité de Marbrume lors de ses rondes, que ce soit ceux à l'entrée de la cité ou bien ceux séparant l'Esplanade du reste de la ville, Merrick avait choisi cette seconde fortification pour plusieurs raisons. Premièrement, ce mur-ci était moins surveillé par la milice que la muraille extérieure. En effet, la priorité du bras armé du Duc était de protéger la ville de la Fange à son entrée. Ainsi, la surveillance était moindre en cet endroit, permettant de s'y glisser pendant quelque temps ni vu ni connu. Deuxièmement, le milicien avait aussi choisi cette muraille en sachant que son frère d'armes était de faction ce soir. Dès lors, Marius pouvait lui livrer le passage au niveau des remparts.

C'est ainsi que Merrick Lorren livrait Estelle de Chantauvent à l'interdit. Bien évidemment, la majeure partie des risques reposaient sur ses épaules, plutôt que les siennes. Or, il possible que celle-ci n'aille guère l'âme aventureuse, n'aille peu ou point trop le goût du risque. Pour autant, le milicien était convaincu que la vision qui s'offrirait à eux vaudrait le détour. Après tout, ne lui avait-il pas mentionné hier soir qu'il désirait la rencontrer en fin de journée ? En l'occurrence, au moment du coucher du soleil ? Si la rouquine se risquait sur les fortifications, elle aurait la chance d'embraser le décor du regard et de déguster une bouteille de vin directement au goulot avec l'un des pires miliciens de Marbrume. Accepterait-elle ? Si oui, se feraient-ils prendre par la garde, ou se ferait-elle prendre au jeu du milicien ?

Ça, cela restait à voir !









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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyLun 11 Fév 2019 - 18:49


Estelle détaillait son frère d’un œil curieux, la rousse ne semblait pas particulièrement très à l’aise, si elle aurait pu se glisser dans un trou de souris aucun doute qu’elle l’aurait fait. Ses grands yeux gris détaillaient le membre de sa famille, puis coulait presque naturellement un regard sur la silhouette masculine qu’elle reconnaissait bien. Merrick avait fait un effort aussi, du moins, c’est ce qu’elle avait cru percevoir en remontant ses yeux de ses pieds jusqu’à son visage et sa chevelure plaquée sur l’arrière. Les doigts de celle à la chevelure de feu trifouillaient nerveusement les jupons roses qui camouflaient ses cuisses. Visiblement nerveuse la gérante ne savait pas réellement comment réagir, ses lèvres c’étaient entrouvertes une première fois avant de rapidement se refermer, son attention c’était déposé sur Adrien. Alors qu’enfin rassurée par son compliment, elle prenait la parole pour saluer les deux hommes, bien qu’un peu plus le milicien. Il était agréable à l’œil, elle n’en avait jamais douté, mais n’avait pas pu s’empêcher de se sentir gêné d’avoir ce type de pensée à son égard. Prenant une légèrement inspiration, Estelle n’avait pas pu s’empêcher de sourire alors que Merrick lui avait attrapé la main pour déposer ses lèvres dessus et elle l’avait laissé faire sans trop se questionner. La rousse avait eu cette envie de le taquiner, sans réellement oser le faire devant son frère. Se contenta d’elle d’étirer ses jupons sur la droite et la gauche, de laisser son pied droit passer devant l’autre, pour se pencher légèrement en avant dans une agréable référence parfaitement non maîtrisée. Se redressant elle lui offrit un clin d’œil qui se voulait complice, avant de reporter son attention sur son frère et Merrick qui venait d’attraper la bouteille de vin.

- « Non, je ne crois pas, peut-être qu’une troisième fois serait fort agréable à mon oreille, je pense » elle détailla Adrien « Je reviens dans la nuit, si jamais il y a un problème, Brigitte est sous le comptoir et si »
- « Estelle. »
- « Bon, bon… Bonne soirée »

Adrien s’était approché pour serrer doucement sa sœur dans ses bras, déposant ses lèvres sur son front, puis sa joue. Une manière de la protéger, de la mettre en garde, mais surtout de provoquer un peu Merrick et ses possibles envies non avouables. La dame de Chantauvent avait fini par glisser sous bras sous celui de son partenaire de soirée, s’appliquant à lui pincer malicieusement le poignet lorsqu’il avait insisté sur le « ma » dame. L’atmosphère de l’établissement et les regards se déposant sur cet étrange binôme l’avaient mis profondément mal à l’aise. Ses joues s’empourpraient, avec cette envie de s’enfuir dans un minuscule trou de souris, elle ne regrettait pas d’avoir accepté ni de se laisser entraîner. Mais, ses mains étaient devenues quelque peu tremblantes, ses pieds plus hésitants avait-elle la sensation d’étouffer, d’avoir très chaud. Presque immédiatement après avoir échappé à cette ambiance un peu lourde, à l’extérieur, elle avait dû sembler beaucoup plus à l’aise, beaucoup plus détendue. Pinçant doucement ses lèvres, la rousse avait fini par rire, presque silencieusement, avec ce petit mouvement de tête et cette main qui se glisse devant sa bouche.

- « Vous m’avez percé à jour Merrick, c’était en effet une façon de faire prendre les rumeurs pour amener de nouveaux curieux… Une stratégie comme une autre n’est-ce pas ? Puissiez-vous me pardonner. »

La gérante d’établissement se laissait entraîner en dehors de ses zones de conforts, l’homme semblait l’emmener vers le quartier de l’esplanade, sans qu’elle ne comprenne réellement ce qu’il avait en tête. Ses yeux détaillaient les quartiers qu’elle ne connaissait pas plus que ça, trouvant visiblement un petit plaisir dans cette sortie somme toute précipité. Ce qui sautait aux yeux de la rouquine, c’était cette différence d’habitation, plus la proximité de l’esplanade se faisait, plus les demeures semblaient belles et coûteuses, c’était presque risible quand on savait que dans les bas quartiers, les gens s’entassaient et mourraient. La voix de l’homme d’armes avait fini par se faire entendre, tirant un regard à celle qui semblait subjuguée par la beauté du quartier. Ainsi, Merrick avait en tête de l’amener dans son quotidien, de partager son univers à lui, cela avait quelque chose de touchant, mais pour autant, la rouquine ne semblait guère avoir envie d’instaurer un dialogue trop sérieux entre eux.

- « Attention, je ne veux pas encore découvrir toutes les facettes de votre quotidien et caractère… Faut-il toujours conserver une part de mystère n’est-ce pas. » puis de manière plus malicieuse elle ajouta « Et si jamais ce que je découvre ne me convient pas ? » piqua-t-elle

Les pas du duo avaient fini par se définir plus clairement dans l’esprit de la rouquine, qui, sans grande surprise découvrait au loin les portes de l’esplanade. Pour la première fois, Estelle se prit à rêver, elle imaginait un peu naïvement que Merrick allait l’entraîner dans les grands jardins ducaux, visiter de l’extérieur les beaux domaines nobles, mais quand il l’entraîna non loin, pour arriver juste devant la petite porte de la tour, elle ne put s’empêcher une petite pique.

- « Visiter un escalier, Oooooh Merrick, vous me faites rêver, j’étais très loin de m’imaginer ce type de visite… »

Estelle ne crut pas si bien dire, le milicien s’appliquant à jouer un code secret à coup de trois coups sur le bois avant de la voir s’ouvrir devant un autre homme, visiblement un ami à lui qui plaisanta allégrement entre eux. La rousse fut de nouveau quelque peu déroutée par l’échange, se sentant un peu gênée, elle avait resserré ses mains devant elle. Il ne faisait aucun doute que loin des murs protecteurs de a chope la jeune femme était beaucoup plus réservé, presque timide, d’autant plus quand un nouvel intervenant qu’elle ne connaissait pas venait s’insérer dans la conversation. Le dénommé Marius s’appliquait déjà à la mettre en garde sans que la tenancière ne puisse avoir la certitude que ce soit de l’humour et c’est presque de cette manière détourné qu’elle lui donna raison. En haut des marches, elle fixa le second milicien avant d’ajouter :

- « Vous avez raison, je devrais repartir. »

Jetant un regard à l’un, puis à l’autre, elle était presque immédiatement redescendue, ralentissant son rythme petit à petit jusqu’à s’arrêter en bas de la porte, elle avait compté dans sa tête jusqu’à 10, avant de remonter pour découvrir, non pas avec un certain amusement au fond des yeux la tête des deux miliciens.

- « Ça va, je plaisante, ne faites pas cette tête, mais attention à vos paroles, Marius, la prochaine fois je vous prends au mot et je disparais, vous laissant avec la fureur de Merrick Lorren sur les épaules. » taquine, elle lui fit un petit clin d’œil avant de le voir s’éloigner en souhaitant la bonne chance.

De nouveau seule avec l’homme, la rouquine sembla un peu hésitante, de nouveau gênée, c’était vraiment étrange, vraiment nouveau, certainement beaucoup trop pour que l’ensemble paraisse complètement naturel. Avisant le petit chemin en hauteur, la rousse s’était déjà approchée du vide pour observer les demeures de cette manière différente. C’était beau, vraiment beau. Pour la première fois, le visage d’Estelle avait trouvé sa neutralité, pas de sourire forcé, pas de faux semblait, juste ce petit pétillement au fond de ses prunelles claires.

- « Pour être honnête je suis terrifiée Merrick » souffla-t-elle visiblement sincère « Je ne sors jamais de ma zone de confort, c’est la première fois que je viens jusqu’ici et la première fois que je me retrouve sur les remparts à cette hauteur… C’est impressionnant, le vide. »

Elle était restée là un long moment à détailler ce qui semblait autant l’attirer que l’effrayer. Ce vide. Presque naturellement après un petit temps elle avait pivoté vers lui, tendant une main vers le milicien, il semblerait que celle à la chevelure flamboyante soit sujette à un petit vertige et que avancer le long des remparts même si cela semblait parfaitement sécurisé l’angoissait un peu. Si il lui avait pris les mains elle avait avancé lentement très lentement sans le quitter des yeux, vérifiant à chaque pas que rien n’allait s’effondrer, si au contraire il avait choisi de reculer au fur à mesure qu’elle s’approchait pour l’obliger à affronter sa père, elle sembla d’abord contrariée puis ensuite se détendre et jouer le jeu, si il n’avait rien pris du tout, elle n’aurait pas bougé d’un centimètre. Après plusieurs minutes de progression, la rouquine avait fini par le lâcher pour évoluer seule, ce n’était pas une peur fulgurante, juste une inquiétude furtive qu’elle pouvait contrôler, du moins, par moment.

- « Alors c’est ici que vous avez prévu de passer un moment en ma compagnie ? C’est plutôt une bonne idée… Vous venez ici souvent alors ? je dois dire que cela ne m’étonne pas, j’imagine parfaitement un homme comme vous regardez les petits couples de nobles se faire et se défaire en bas… »

Arrivant finalement et plutôt rapidement jusqu’à l’endroit qui lui semblait destiné, la jeune femme détaillait de ses grands yeux clairs la mer, celle qu’elle n’avait pas pu voir depuis si longtemps. C’était étrange d’être là, en hauteur, d’avoir l’impression d’être si petit, si insignifiant, de tourner le dos à l’esplanade pour se concentrer pleinement sur le liquide dont le vent créait quelques mouvements, quelques vagues. C’était beau. Simplement, bêtement. Le vent avait commencé à se lever et la fraîcheur l’obligeait à croiser ses bras pour s’enrouler davantage sur sa petite fourrure. Estelle eut alors ce geste étrange, elle s’était rapprochée de Merrick, l’avait tiré jusqu’à elle pour qu’il s’approche en sa compagnie du vide, elle avait glissé ses mains jusqu’à ses hanches avant de pivoter pour regarder encore la mer. Dans cette proximité, sa voix s’était teintée dans un murmure, comme pour justifier son acte :

- « Ne me lâchez pas Merrick, j’ai peur de tomber. Et ne vous amusez pas stupidement ou je vous fais la promesse de vous jeter par-dessus le petit mur. » si il avait le moindre doute, son regard laissait prédire qu’elle ne plaisantait pas. Soucieuse de réintégrer le jeu entre eux elle ajouta « J’ai réfléchi à un petit surnom. Je ne voulais pas vous présenter comme le salopard, ou le coureur de jupons, ou bien encore comme le séducteur de jeunes pousses… » elle étira ses lèvres dans un petit sourire alors que le soleil semblait débuter sa chute « Et puis je n’ai rien trouvé. »

La réalité n’était peut-être aussi juste que ce qu’elle disait, la vérité c’est qu’Estelle percevait l’homme comme un espoir, mais comme l’espoir était quelque chose de rare, il allait aussi vite disparaître qu’il était apparu, c’était une certitude. Ne souhaitant pas paraître trop sentimentale, ou simplement faible, ou offrir quelque chose qu’elle n’était pas prête à lui offrir, elle avait préféré ne pas le lui dire et simplement le laisser imaginer le surnom atroce qu’elle aurait pu lui trouver.

- « Alors, vous et Marius, vous êtes des collègues ? Qu’est-ce que vous lui avez promis pour me laisser ici ? Et qu’est-ce qu’on risque si je me fais prendre avec vous là ? »

Sans réaliser ce que son geste allait entraîner, Estelle avait légèrement pivoté et se retrouva un peu malgré elle dans une proximité importante. Quasiment l’un contre l’autre, elle avait lentement relevé les yeux vers lui, avant de le repousser en s’éclaircissant la gorge.

- « Vous tenez un peu trop chaud, je ne me demande comment vous faites par cette température hivernale » tenta-t-elle de se rattraper « Bon, jouons, si vous devinez à quoi je pense maintenant tout de suite, j’accepte de vous offrir une récompense. »

C’était presque aussi soudain que tout le reste et c’est dans un large sourire victorieux qu’Estelle avisa Merrick. Certaine qu’il n’irait jamais jusqu’à supposer qu’elle pensait bêtement à lui.

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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyMar 12 Fév 2019 - 6:00
Merrick Lorren était peut-être en meilleure position qu'il ne le croyait. Alors qu'il se pensait sur le bord du gouffre, sur le point de tomber et de ne pouvoir se relever, Estelle de Chantauvent avait réussi à souffler ce sentiment, lui donnant l'envie de rêver qu'une victoire lui était possible. Après tout, l'espoir fait vivre, non ? Ainsi, en réponse à son baise-main, le milicien eut le droit à une révérence aussi parfaite et charmante que non maitrisée et amusante. Répondant au clin d'œil de la rouquine par un sourire, le jeune homme était resté silencieux, tentant d'additionner et de faire le cumul des signes et des efforts que faisait celle qui l'accompagnait. De fait, ragaillardi par l'idée que tout n'était pas encore joué, qu'il lui fallait redoubler d'ardeur et d'efforts, Lorren offrit son bras à celle qui semblait consentir à jouer le jeu. C'est ainsi qu'elle l'accepta, faisait du jeune homme le plus heureux énergumène de la salle.

Il fallait cependant ne pas oublier, ne pas sous-estimer la dame de Chantauvent qui était autant son accompagnatrice que son adversaire. Ainsi, poussant trop loin en la présentant comme sienne par le simple mot qu'il avait prononcé, Merrick connut la morsure des doigts de la jeune femme, qui pinça avec amusement son poignet. Bien évidemment, maître des apparences, l'ivrogne ne laissa rien paraître. Au final, le plaisir de la bravade méritait bien l'attaque en découlant. En route vers la sortie, Lorren ne put que contempler, et sentir, le changement qui s'opéra chez Estelle. Accroché à son bras, il sentit le tremblement qui s'empara de sa main, tandis qu'ils étaient tous deux le centre de l'attention. Continuant à fixer la meute de loups qui les dévorait du regard, le milicien accéléra quelque peu la cadence de son propre pas pour ne pas vouer la tenancière de l'endroit au supplice de l'observation intempestive de la masse.

Enfin dehors, la normalité était revenue s'installer chez la jeune femme, lui rendant son amusement et le venin perfide et plaisant de sa répartie. Devant cet état des faits, croyant percevoir l'ensemble des changements qui berçaient Estelle, Merrick Lorren ne put s'empêcher de se féliciter de sa qualité d'observateur. Or, était-ce normal qu'il soit aussi alerte des réactions et actions de sa partenaire ? De toute façon, il n'était pas inusité qu'elle soit le centre de son intérêt, tandis qu'il marchait tous les deux vers la destination qu'il avait choisie, non...?

-''Vous allez devoir faire un effort, si vous voulez que je vous pardonne. Je ne cautionne pas l'idée de n'être qu'un instrument, qu'un outil de vos machinations !''
Dit-il faussement affecté par le mensonge d'Estelle.

Puis riant à la répartie suivante qu'elle lui offrit, alors que la dame de Chantauvent mentionnait qu'elle ne voulait pas tout découvrir de sa personne, Merrick ne put s'empêcher d'enchaîner avec une réponse du même acabit. Comme une vieille habitude, pourtant assez récente, Lorren contre-attaqua aux dires de son homologue : '' Ne vous inquiétez pas, un seul rendez-vous ne sera pas suffisant pour apprendre l'ensemble des détails me concernant.'' Subtilement, le milicien avait glissé le mot ''rendez-vous'' dans sa sentence. '' Devrons-nous, alors récidiver ce genre d'activité pour que vous puissiez mieux me connaître !'' dit-il, satisfait de son idée. Bien évidemment, elle ne resta pas muette, se fendant d'une attaque en mentionnant qu'il se pouvait qu'elle n'apprécie pas ce qu'elle découvrirait. Merrick se passa une main dans la barbe avant de lui offrir une réponse. '' Je n'ose même pas imaginer ma déception et ma tristesse si votre découverte de moi vous déçoit... Mais, j'en douterais. Après tout, vous êtes ici, non ? Votre frère m'a mentionné à demi-mot que c'était déjà tout un exploit de réussir à vous faire accepter cette rencontre...''

Enfin ils étaient arrivés à destination. Ne coulant qu'un sourire en coin et un regard qui signifiait son amusement à Estelle lorsqu'elle mentionna que la visite d'un simple escalier la faisait rêver, le jeune homme franchit le seuil pour rejoindre Marius. La gêne de la femme devant celui qui avait entrebâillé le battant ne manqua pas d'être aperçue par Merrick. S'en étonnant, mais ne faisant aucun commentaire, le milicien tenta de dissiper ce léger malaise qui pouvait et devait probablement étreindre celle qui rencontrait son ami et compagnon. Souriant aux dires de Marius, le tançant amicalement pour ses mots, le plus jeune des deux miliciens perdit de son bagout et de sa superbe lorsque son accompagnatrice mentionna qu'elle partait. Le souffle coupé par le revirement de la situation, la mâchoire tombant de plus en plus bas tandis qu'il voyait Estelle descendre marche après marche, Merrick resta pour autant silencieux, interdit.

Seuls des amis pouvaient se comprendre silencieusement dans ce genre de situation. Marius agrandit précipitamment les yeux, pointant le dos de celle qui s'esquivait du menton. Merrick secoua la tête de gauche à droite, levant les mains en signe d'incompréhension. L'ami lui répondit en désignant à nouveau Estelle du menton, avec un mouvement un peu plus brusque que le précédent. En réponse, les traits de Lorren se plissèrent entre indécision et incertitude. Oui, il était possible pour les deux lascars de se comprendre silencieusement. Or, cela ne voulait pas dire que c'était suffisant, qu'il ne fallait pas plus. Ainsi, Marius se racla la gorge avec exagération pour sortir son ami de la torpeur. À dire vrai, le plus vieux des deux hommes ne comprenait aucunement cette façon d'agir chez celui qui ne doutait généralement jamais dans ce genre de situation.

Merrick Lorren prit enfin une décision, avançant d'un pas vers l'escalier, ouvrant la bouche et tendant une main bien vaine. Il ne savait pas encore ce qu'il allait dire, mais par la Trinité, il allait devoir trouver rapidement ! Or, il n'en est guère besoin, alors qu'Estelle de Chantauvent remontait l'escalier, revenant sur ses pas. Le milicien se déporta sur la droite pour lui laisser le passage, redescendant lentement son bras dressé, commençant à comprendre qu'il c'était fait prendre. Les yeux de Marius passèrent de la rouquine au brun, puis du brun à la rouquine. Enfin, écoutant les paroles qu'elle clamait et déclamait, il ne put s'empêcher de se fendre d'un grand rire contagieux.

-''J'comprends pourquoi il vous aime bien !''
Dit-il en pouffant, puis retrouvant son souffle, mais gardant un sourire de circonstance dressé : '' N'vous inquiétez pas pour moi, il me fait pas très peur...''

Être l'objet de la conversation, d'être la victime de l'amusement avait le don de l'horripiler. Non pas qu'il s'en offusquait généralement, mais en ce moment, Merrick était quelque peu déstabilisé par la fausse fuite de la tenancière de la Chope Sucrée. Ainsi, il offrait une moue puérile et contrariée à ses deux comparses. ''Voulez-vous que je vous tienne la chandelle, pour que vous puissiez vous moquer de moi...?'' Devant le sourire qui s'agrandit sur le visage de Marius, il ne put résister à l'envie de lancer une perfide attaque. ''Garde tes moqueries pour toi, vieillard. Sinon, je risquerais de dévoiler tes... ''problèmes''.''

-''Tu n'oserais pas faire cela à un ami !''
-''En effet, je n'oserais pas faire cela à un ami. Mais un ami se moquerait-il de son ami devant l'amie de son ami, l'ami ?''

Grognant, hésitant entre amusement et suspicion -et incompréhension-, Marius disparu enfin, laissant le duo à nouveau seul. Gardant le silence, Merrick regarda Estelle, la voyant se rapprocher des créneaux pour observer les demeures en contre bas. Cette dernière reprit la parole, lui annonçant qu'elle avait peur des hauteurs. Étonné et surpris, le milicien n'avait en aucun cas pensé que la jeune femme pouvait avoir peur du vide. Loin de se moquer ou de la tancer avec amusement, alors qu'il connaissait trop bien la morsure de la frayeur, Lorren se pinça les lèvres.

-''Je ne savais pas ! Désolé...Préférez-vous descendre ? ''

Demanda-t-il réellement prêt à reculer dans l'idée qu'il avait eu de monter ici. Pour autant, il remarqua que celle à la chevelure de feu était autant attiré que déchiré par la vision qui s'ouvrait à elle. En quelque sorte, celle-ci devait lutter contre sa peur alors qu'elle était aspirée par la vision qui s'offrait à ses yeux. Se courage d'affronter, de lutter contre les tourments et l'apeurement en lui-même, attendrit un peu le milicien. Un peu. Lorsqu'elle lui tendit la main, il n'hésita pas un instant. Comment aurait-il pu profiter de la petite peur de la dame de Chantauvent, comment aurait-il pu passer outre cette chance d'entrelacer leurs doigts ? En profitant, sans pour autant pousser l'audace à en tirer un quelconque avantage, Merrick laissa la main de la rouquine quitter sa paume lorsqu'elle le désira, lorsqu'elle fut apte à avancer par elle-même.

-''Je suis content que cela vous plaise. De temps en temps, mais principalement lors de mes rondes. Je profite de la vue pour laisser mon esprit vagabonder et pour réfléchir.'' Puis avec un peu plus d'amusement taquin : ''Moi, observer les couples ? Vous me décevez Estelle... Je croyais que vous alliez me demandez si j'amenais ici toutes mes conquêtes.'' Laissant le silence s'égrener durant d'infime seconde il enchaîna: ''C'est la première fois que j'amène quelqu'un ici.''

C'est sur ces paroles qu'ils arrivèrent là où Merrick Lorren avait escompté amener la jeune femme. La vision qui s'offrait à eux, celle de la mer en contrebas, avait le mérite d'être splendide alors que le soleil déclinait à l'horizon, teintant la voute céleste d'une couleur mordorée. L'eau en dessous se peignait aussi des couleurs de l'astre solaire sur le déclin, alors que le vent ballotait ses flots, faisant se soulever l'écume. Satisfait du cadre du lieu, le jeune homme ne remarqua pas le mouvement amorcé par Estelle de Chantauvent, qui se rapprocha de lui avant de le tirer vers elle, s'agrippant à ses hanches. Surpris, le milicien chercha le regard de la tenancière, mais celle-ci continuait simplement à regarder le panorama. Ne la lâchant aucunement des yeux -n'avait-il pas dit que la vision en haut des murailles n'était que la seconde plus belle chose de Marbrume ?- Merrick écouta les mots qui furent envoyés en sa direction. Voltigeant d'étonnement plaisant en surprise voluptueuse depuis le début de cette soirée, Lorren ne savait plus sur quel pied danser avec la jeune femme...

-'' Je ne vous lâcherais pas. Jamais.'' Pour continuer à le désarçonner, Estelle s'attaqua à prétendre qu'elle avait cherché à lui trouver un surnom. Entrant dans le jeu, le milicien enchaîna : ''Vous savez, n'importe lequel des diminutifs que vous me donnerez m'irait comme un gant, sachant qu'il vient de vous, Princesse.'' Lui n'avait pas eu à penser bien longtemps. Et puis, ce n'était pas la première fois qu'il lui donnait de ce titre. Pour autant, Lorren se doutait qu'elle apprécierait modérément ledit diminutif.

Finalement, la jeune femme lui demanda ce qu'il avait promis à Marius pour que celui-ci l'aide. Se faisant, Estelle de Chantauvent avait rapporté son attention vers celui qui n'avait pas arrêté de la regarder. Dès lors, ils se retrouvèrent très proches l'un de l'autre, dans une promiscuité physique qui électrisait les sens de l'ivrogne. Il lui suffirait de se pencher, là maintenant, pour l'embrasser. Ne put-il s'empêcher de penser, poussant la réflexion sur la chose, se demandant si c'était une bonne ou une mauvaise idée. Avant qu'il ne statue sur cela, les yeux bleus de sa partenaire étaient venus à la rencontre des siens, s'y perdant pendant de trop infimes secondes. Puis, il avait été temps d'être repoussé, d'être renvoyé au loin par celle qui avait pourtant instauré ce climat, ce rapprochement.

Interpellé dans tous les sens, ne sachant plus quoi penser ou que dire, Merrick décida de répondre à la question précédente de la tenancière, comme si de rien n'était. '' J'ai promis de prendre deux de ses tours de garde, ni plus ni moins.'' Dit-il en haussant les épaules. Cela signifiait que Merrick perdrait deux jours de congé, mais pour le moment ce ''sacrifice'' en valait particulièrement le coût. Et puis, cela permettrait aussi à Marius d'aller courtiser sa belle... ''Si nous nous faisons prendre ? Je ne sais pas... Tout dépend de qui nous tombe dessus, non ? Par ailleurs, je ne pense pas qu'il vous arrive quelque chose. Je risque d'être la victime des récriminations et des conséquences. Mais, évitons de nous faire prendre et tout ira pour le mieux.'' Termina-t-il dans un clin d’œil.

Puis, la jeune femme expliqua son mouvement pour l'éloigner parce qu'il était soi-disant trop chaleureux . Souriant d'abord à ce qu'elle lui dit, l'amusement qui peinturait ses traits se figea, se suspendant sur son faciès, alors qu'elle le livrait à un nouveau jeu, alors qu'il ne pouvait pas perdre. Respirant haut et fort, avant d'expirer par la bouche, Merrick Lorren se passa les deux mains sur le visage. '' Vous me tentez dangereusement...'' Avant d'amorcer ce geste, l'ivrogne avait déposé la bouteille de vin sur un des créneaux, l'oubliant ni plus ni moins, alors que son ivresse trouvait sa source dans une nouvelle accompagnatrice nocturne.

Comment pouvait-il le deviner, comment le milicien pouvait s'immiscer dans l'esprit de la tenancière pour comprendre, pour définir les pensées qui l'habitait ? En ce jour, il avait lui-même du mal à expliquer ce qui l'animait, à trouver ce qui le poussait à agir et à se languir de celle qu'il ne quittait plus depuis trois jours. Comment pouvait-il dès lors mettre des mots sur ce qui traversait l'esprit de la dame de Chantauvent, encore plus dans une telle situation ? Il ne pouvait qu'abandonner, tenter une réponse au hasard, croisant les doigts en espérant que la Trinité soit de son côté pour qu'il tombe sur la bonne réponse...

Oh, du moins c'est possiblement ce qu'un autre énergumène que Merrick Lorren aurait fait. Or, le jeune homme n'était-il pas un ''beau salopard'' ? Il voulait la victoire, il désirait par-dessus tout cette récompense qu'elle lui avait fait miroiter. Abandonner ou laisser le destin décider ? Jamais. Il vaincrait, il aurait ce qu'il espérait et ce à quoi il aspirait. Elle voulait jouer sur ce registre ? Très bien. Mais, l'adversaire n'allait pas participer en respectant les règles.

Se plaçant face à elle, laissant son regard se perdre sur l'ensemble de la jeune femme, celui-ci finit par remonter et se positionner dans les bleus prunelles de sa compagne. Avançant très tranquillement, avec une lenteur excessive vers Estelle, Merrick était sur le point de la ''capturer'', de l'enfermer entre son corps d'un côté et les créneaux de l'autre. '' Vous êtes sublime.'' Ne lui avait-elle pas dit qu'une troisième fois serait fort agréable à ses oreilles ? Disant cela, il avait posé son bras gauche sur le créneau se trouvant à la droite de la rouquine, et la main droite sur le créneau opposé. Ainsi, il enferma la tenancière, ne lui laissant plus aucune échappatoire possible. ''Vous me rendez fou, Estelle.'' Levant la main droite, il attrapa doucement le menton de la dame de Chantauvent, ne lui laissant aucune chance de s'esquiver, de ne pas le fixer dans les yeux. ''...Allez-vous me jeter par-dessus le mur si je vous emb...'' Suspendant sa tirade, il ponctua la fin de sa phrase d'un lent mouvement d'approche de son visage vers le sien. Risquait-il gros en faisant cela ? Qu'importe. Parfois, il fallait prendre des risques, non ? Ses doigts qui tenaient son menton vinrent délicatement remonter vers la joue de la femme. Il n'était plus qu'à une infime distance de ses lèvres...alors, son visage bifurqua pour se perdre dans la crinière rousse de sa partenaire, pour que ses lèvres se situent non loin de l'oreille droite de celle qu'il avait ''attaquée''. ''Estelle de Chantauvent, vous êtes en train de penser à moi.'' Murmura-t-il tout doucement. ''Ai-je raison ?''

Se décollant, mais tout en gardant cette promiscuité entre eux, le milicien vint de nouveau sonder les traits de la tenancière de la Chope Sucrée. Dans les faits, Merrick Lorren n'avait eu aucune idée que c'était bel et bien ce qui trônait dans les pensées de la jeune femme, alors qu'elle lui avait proposé le défi, l'alléchant à participer en lui promettant une récompense. Or, ne voulant pas perdre, le milicien n'avait eu d'autres choix que d'instaurer par lui-même une image dans son esprit, de s'assurer de pouvoir deviner à ce qu'elle pensait. Ainsi, avait-il fomenté son attaque, son rapprochement physique et le dévoilement de ce qu'il ressentait pour l'astreindre à penser à lui. Dès lors, il pensait être capable de croire en la victoire... ''Si tel est le cas, que comptez-vous m'offrir comme récompense ? Je suis à votre merci, Princesse.'' Termina-t-il en se mordant la lèvre inférieure, sachant très bien ce que lui désirait.

Il était l'heure des comptes, il était le temps de la réaction. Ayant joué effrontément et avec ardeur, tout pouvait dès lors arriver pour le milicien. Aussi bien une gifle monumentale, qu'une répartie moqueuse et venimeuse. Par chance, le duo ne se trouvait pas dans la Chope Sucré, ainsi Brigitte n'était pas là pour l'assommer. Or, le vide en contrebas assurerait une mort aussi douloureuse qu'un coup de poêle... Passerait-elle à l'attaque ainsi ? Ne sachant pas ce qu'il allait goûter, Merrick Lorren décida pour autant de ne pas reculer. De fait, il était prêt à recevoir le juste châtiment pour ses actes, ou bien la précieuse récompense. Car, n'y avait-il pas une chance que ses espoirs soient concrétisés, qu'il ai réussi à deviner, mais aussi à devenir, la pensée d'Estelle de Chantauvent ?

Juste gain ou perte malhonnête ? Cette décision ne lui revenait plus.
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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyMar 12 Fév 2019 - 17:51


- « Mes machinations ? Ne suis-je pas moi-même un outil de vos viles manigances ? »

La réponse s’était presque faite naturellement, comme-ci soudainement Estelle prenait conscience que si de son côté il n’y avait jamais eu une quelconque machination bien au contraire, mais de son côté à lui, n’y avait-il pas eu dès le départ un objectif pas si joli que ça. Pour autant et étrangement, la dame de Chantauvent ne sembla guère s’en offusquer, elle l’avait accepté, tout comme elle avait accepté le principe même de cette relation, le danger aussi, peut-être inconsciemment que consciemment. La conversation s’était enchaînée presque naturellement, la taquinerie s’était installée une nouvelle fois entre eux, sans que la rouquine ne s’en offusque. Du moins, jusqu’à ce qu’il évoque le mot ‘rendez-vous’, ses sourcils s’étaient légèrement froncés, alors que son cœur avait loupé un battement, puis un deuxième. Nerveusement son regard avait effleuré la silhouette masculine, sans comprendre, alors qu’elle se répétait en boucle le mot avec qu’une seule et simple envie : revenir sur ses pas, rentrer dans la chope, claquer la porte et s’enfermer dans sa chambre. Déglutissant, celle à la chevelure flamboyante avait dû légèrement pâlir, avant de s’autoconvaincre que ce n’était pas un rendez-vous, évidemment que non, c’était autre chose. Une sortie, voilà. Une simple sortie.

- « Mon frère parle beaucoup trop, je crois, cette sortie n’est que…. » quoi, le vide, aucune répartie, aucun mot à rajouter, ce qui trouva un soupçon d’agacement sur le visage de la jeune femme « Passons. Ce n’est qu’une sortie ne vous emballez guère Merrick Lorren, il serait triste de voir la déception sur votre visage. »

Se pinçant la lèvre inférieure Estelle avait fini par ronchonner mentalement, se maudissait-elle de ne pas avoir trouvé une meilleure pique, un meilleur échange à fournir pour déstabiliser son interlocuteur. Comme une enfant un peu boudeuse, la rouquine avait gonflé les joues, préférant se concentrer sur le petit sentier que le duo empruntait, c’était beau, il fallait l’admettre et Estelle avait cette fascination pour l’évolution des habitations. Plus l’esplanade se faisait proche, plus l’ensemble était beau, harmonieux, plus cela donnait envie, plus on pouvait presque oublier que dans les bas quartiers les petites gens se mouraient. La porte de l’esplanade fut passée, sans entrer et le milicien l’emmena au pied d’une grande tour avant de prendre les escaliers pour se retrouver en haut des remparts. C’est à ce moment que la rousse fut la rencontre de Marius, un autre milicien visiblement proche de Merrick. La conversation sembla gêner la jeune femme, si bien que rapidement, malicieusement sans que cela ne s’aperçoive elle avait fini par opiner et redescendre les marches.

Volontairement, la rousse avait fini par descendre doucement les marches, une à une, jusqu’en bas avec ce petit espoir de voir Merrick lui courir derrière, la retenir, mais il n’en fit rien. Remontant les marches, elle avait fini par retrouver les deux hommes, avec ce visage fermé et presque déconfit, ce qui fallait-il bien l’avouer l’amusa grandement. Dans un petit rire, elle avait fini par clarifier les choses, avant de laisser son regard détailler ses deux interlocuteurs. Alternant tour à tour son regard de Merrick à son ami, elle crut percevoir un soupçon de jalousie qui ne put que davantage l’amuser. L’homme avait fini par disparaître laissant le «couple » seul à seul. La dame de Chantauvent s’était approchée des remparts pour détailler le vide, la vue, la ville de cette hauteur, le constat fut aussi agréable que désagréable, puisque ce fut le moment où elle comprit avoir une véritable peur du vide.

Merrick lui avait proposé de redescendre et Estelle n’avait pu s’empêcher de secouer la tête de droite à gauche. Au lieu de revenir sur leurs pas, le duo progressa sur les remparts main dans la main, doigt entrelacé sans qu’elle ne s’en offusque. Elle avait besoin de lui pour trouver suffisamment de confiance seule et le l’homme d’armes fut un soutien sans faille dans cette épreuve un peu particulier. Les deux jeunes gens avaient légèrement plaisanté , l’une en piquant vis-à-vis de l’observation perverse que pouvait avoir Merrick sur les jeunes couples, lui en précisant qu’il préférait amener ses conquêtes ici et avant même d’avoir le temps d’évoquer qui que ce soit, avait ajouté avec sincérité qu’elle était la première.
Estelle fut touchée sans le montrer, étirant ses lèvres dans un sourire simple et sans faux semblants. Ils avaient fini par arriver à l’endroit désiré, Estelle ne pouvait s’empêcher d’abandonner Merrick pour s’approcher au plus près du vide qui l’attirait autant qu’il la terrifiait, elle avait détaillé quelques secondes la mer, l’eau, le ciel et se soleil se couchant, l’odeur aussi qui était différente ici. Puis sa crainte avait de nouveau fait son apparition et ses sans arrières pensés aucune, qu’elle avait attiré le milicien jusqu’à sa petite personne pour glisser ses mains sur ses hanches. Ainsi rassurée, elle put reprendre sa contemplation de la vue. Le silence avait repris sa place, ses deux prunelles claires s’amusaient à passer sur le mouvement des vagues, sur les sensations, sur ses envies. Un fin sourire avait pris possession de ses lèvres, alors qu’elle s’émerveillait comme une enfant devant un magnifique cadeau. C’est dans ce moment de plénitude qu’elle avait réinstauré un petit jeu, prétendant simplement avoir réfléchir à une multitude de surnoms, prenant le soin d’évoquer tous ceux qui soulignait un défaut chez le milicien. Ce fut néanmoins qui parvint à la piquer au vif en l’appelant princesse et la gérante de la chope sucrée avait hésité à venir de nouveau lui pincer le poignet, d’ailleurs, elle n’avait pas dû hésiter longtemps avant de le faire.

Avec cette facilité propre à leur échange, la jeune femme avait fini par le questionner sur ce qu’il avait proposé à Marius pour ainsi obtenir la faveur de l’amener ici. Estelle eut cette mauvaise idée de se retourner, se retrouvant malgré elle très proche de Merrick. Les mains du milicien se trouvant toujours sur ses hanches, son regard plongea bien malgré elle dans celui de l’homme d’armes et sa poitrine avait dû effleurer son torse parfaitement couvert. Cette proximité sembla profondément la déstabiliser et ce fut un peu trop rapidement à son goût qu’elle le repoussa en déposant sa main sur son torse pour le pousser légèrement. Justifiant l’ensemble par cette vague de chaleur qui émanait de son interlocuteur. Conservant la distance plutôt légère, Merrick avait repris la parole, expliquant qu’il avait offert deux tours de gardes à son ami. L’évocation des risques, ne sembla pas l’alarmer plus que ça, si Marius faisait suffisamment bien son travail, le duo ne devrait être pas dérangé. De là, toujours dans l’idée de conserver la main sur la conversation, Estelle lui proposa spontanément un jeu, un jeu qui lui semblait parfaitement aller avec le moment présent. Deviner sa pensée.

Tout sourire, elle le détaillait, s’attendant à le voir s’amuser avec elle, il avait abandonné une bouteille non loin des remparts, avait mis ses mains sur son visage murmurant qu’elle le tentait dangereuse, ce qui tira un nouveau sourire à la rouquine. Si elle n’avait pas peur de sa propre réaction, la rouquine lui aurait bien murmuré qu’il fallait provoquer le danger pour mieux le savourer, mais ses lèvres restèrent parfaitement fermées. À moins que ce ne soit à cause du comportement de Merrick qui devenait soudainement dangereux oui. Il était venu se placer en face de la rouquine, l’obligeant à reculer d’un pas et se retrouvant complètement dos au mur –héhé-, Merrick était venue déposer une main à sa droite, murmurant qu’elle était sublime, puis son autre main sur son côté gauche, murmurant qu’elle le rendait fou. Immobile la tenancière n’avait pas pu quitter des yeux le visage et le regard du milicien, sans pour autant dévoiler un véritable malaise. Ses joues s’étaient rapidement empourprées, avait-elle mordillé sa lèvre inférieure alors que son cœur tambourinait soudainement très fortement dans sa poitrine. Estelle avait détourné les yeux, se faisant rattraper par une main qui était venu relever son menton pour le soulever l’obliger à conserver son regard dans celui de l’homme d’armes.

Il avait murmuré une question, alors qu’il approchait dangereusement son visage du sien, alors que ses lèvres s’étaient approchées des siennes, alors que son souffle avait presque pu s’imprégner sur la peau de Merrick que ses lèvres eurent presque la chance de goûter aux siennes et lorsque le contact fut quasiment accompli, l’homme se décala légèrement pour venir lui murmurer une réponse au jeu premier. Le souffle court, inerte, Estelle ne sembla pas réagir immédiatement, elle était comme dans un état second, alors que ses mains étaient devenues moite que son rythme cardiaque s’amusait à ralentir puis accélérer brutalement. Il lui susurrait une nouvelle question « avait-il raison ? » oui… Non, non. C’était ce qu’elle s’était dit, alors qu’elle semblait encore un peu perdue lorsqu’il s’éloignait d’un petit pas. Il fallait réagir, il fallait et pour autant le regard de la jeune semblait rester fixe sur les lèvres qui l’avaient effleuré. Passant une main dans sa chevelure, un peu dans le même geste que Merrick n’avait eu de cesse de faire jusqu’ici, il trahissait sa nervosité, ses doutes, mais aussi le trouble qui venait de faire naître pour la première fois en elle. Secouant doucement son visage pour retrouver constance, elle finit par étirer ses lèvres dans un sourire.


- « Vous n’êtes qu’un vil tricheur » murmura-t-elle sans bouger, mais en relevant les yeux vers lui « C’est faux, je ne pensais pas à vous » mentit-elle habilement et plutôt fièrement, fallait-il encore trouver qu’est-ce qu’elle allait bien pouvoir dire et une idée peu recommandable germa dans son esprit « Je pensais à Marius. »

C’était stupide, complètement, mais c’est l’unique idée lumineuse qui lui vint à l’esprit et elle put lire dans le regard de Merrick, qu’en effet, il ne devait pas s’y attendre. Gagné, c’était ce qu’elle avait dû se dire naïvement, néanmoins une autre sensation moins agréable sembla s’instaurer dans son esprit : et si cela le blessait et s’il décidait de la laisser seule ici, parce que trop touché dans sa fierté et ce fut cette crainte soudaine de se retrouver abandonné qui la poussa à reprendre rapidement la parole.

- « Enfin, non, peut-être pas dans le sens que vous l’entendez… » s’engouffra-t-elle « Je pensais… Je pensais lui proposer de lui payer les deux jours promis… Vous savez, pour qu’il travaille.. Pour.. C’est ça ! Que vous ne soyez pas obligé de ne pas venir me voir à la chope sucrée pendant deux longs jours… »

Niveau mensonge improvisé, il fallait bien l’avouer, hors de son terrain de jeu habituel Estelle était bien mauvaise. Une nouvelle fois, elle se mordilla la lèvre inférieure, une nouvelle fois elle se questionna sur la raison de son agissement. Ses joues étaient encore rouges de gêne à cause des dernières actions de Merrick, elle triturait nerveusement ses doigts avant de détourner le regard. Que pouvait-elle dire, que pouvait-elle faire ? Il l’avait troublé profondément, jusqu’à lui faire perdre le sens de ses réflexions, de ses pensées et c’est presque naturellement qu’elle s’était lentement approchée de lui. Il avait voulu jouer ? Elle allait jouer et elle fit exactement la même chose que lui, elle l’obligeait à reculer jusqu’à se retrouver coincer contre le petit mur, elle déposa d’abord une main à sa droite, une puis une main à sa gauche, se hissa sur la pointe des pieds pour atteindre son visage, abandonna sa posture pour déposer la paume de ses mains sur son torse. Là les yeux dans les yeux, elle étira ses lèvres dans un joli sourire.

- « Vous savez ce qu’il y a de bien avec la folie Merrick ? » fit-elle lentement en effleurement réellement ses lèvres aux siennes « C’est qu’elle peut perdurer dans le temps, perdurer jusqu’à se consumer, mais je ne sais pas encore de quelle manière nous allons-nous consommer. »

La fin avait été murmurée à son oreille alors qu’elle se remettait parfaitement à plat. Elle était gênée, d’ailleurs le tremblement de ses mains devait indiquer à quel point elle jouait à contre-courant de ce qu’elle faisait habituellement. Sa voix n’était pas aussi assurée que lors des autres échanges, loin de là. Néanmoins bonne joueuse, ses lèvres s’étaient déposées avec une certaine tendresse sur sa joue et pour s’assurer qu’il ne détourne pas le visage pour lui voler un baiser, elle avait déposé une de ses mains sur le bas de son menton. Le bisou fut beaucoup plus délicat, n’avait-il pas été brusque, elle avait d’abord laissé son souffle nerveux caresser sa joue, puis la proximité de ses lèvres sur sa peau faire monter son rythme cardiaque, avant de déposer ses lèvres définitivement sur sa joue. Un petit temps, avant de le relâcher et de s’éloigner de deux pas.

- « Vous avez raison, c’est dangereux… Mais… je crois que vous me faites prendre goût au danger. » elle fit une pause « Allons, jouons encore…Autrement… On a le droit à une question chacun en regardant le coucher du soleil.. Interdiction de mentir… » souffla-t-elle

Estelle avait fini par se retourner volontairement pour lui faire dos, c’était une manière de le fuir un peu, de respirer. La jeune femme détaillait le ciel et le soleil se couchant définitivement offrant ce moment d’apaisement et de beauté. L’instant était parfait et même si elle ne put s’empêcher de penser à son défunt mari, ce qui lui provoqua un petit pincement au cœur, elle ne put s’empêcher de se dire qu’elle était heureuse que Merrick accepte de partager l’ensemble en sa compagnie. Les yeux rivés sur le soleil, elle poursuivit d’une voix plutôt réaliste :

- « Je vous apprécie Merrick Lorren, mais je sais pertinemment que le jour où je vous céderai la moindre petite chose, vous allez disparaître pour une nouvelle proie. » Elle n’avait jamais été stupide et ce n’était pas si douloureux que ça –du moins elle essayait de s’en convaincre « Ce n’est pas grave… » là aussi elle essayait de s’en convaincre « Alors, pour ma question, est-ce que vous êtes capable ou pas capable de me révéler votre plus beau souvenir depuis votre naissance ? »

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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyMar 12 Fév 2019 - 23:50
Merrick Lorren passa à l'offensive. Balloté de tout bord et tout côté, alors qu'Estelle de Chantauvent jouait si facilement avec ses émotions, le milicien ne put rester immobile. Voué à une tentation lancinante et douloureuse, il n'était plus capable de ne rien faire, ou de ne dresser que des mots face aux maux et tourments qu'elle lui faisait subir. Le supplice du désir prendrait fin, ou alors il la vouerait au même fardeau, lui faisant ressentir ce déchirement qui virait à l'acharnement et à l'obsession pour le jeune homme. La fièvre de l'envie et de l'attirance l'avait gagné jusqu'à atteindre le seuil de la rupture, sa propre limite. La tenancière voulait jouer ainsi, elle voulait se risquer à le tenter, puis à le tancer vertement parce qu'il '' donnait trop chaud'' ? Très bien. Mais alors, il participerait à ce jeu taquin, apportant sa propre tactique pour vaincre, pour lui amener à vivre ce qui le chamboulait lui; l'homme ayant généralement la draguée haute, le haut du pavé dans la compétition du désir et de l'attirance.

Ainsi, il fomenta son coup avec perfidie, se glissant derrière les défenses de la rouquine, usant de sa carrure et du mur en arrière d'elle pour la prendre et l'enfermer dans une prison d'où elle n'aurait pas la chance de s'esquiver, vouée à goûter à sa propre médecine. Se faisant, profitant de ce supplice qu'il escomptait lui faire subir, Lorren n'oubliait pas le moins du monde la rançon de la gloire qu'il attendait; le triomphe qu'il recherchait dans le duel que la dame de Chantauvent avait instauré. De fait, il pouvait faire d'une pierre de coup, il avait la chance de découvrir ses pensées, mais aussi de les infiltrer.

Prenant l'avantage, osant hausser le niveau de la trame osée à laquelle tous deux s'adonnaient et se donnait, Merrick Lorren se pencha lentement, très -mais non trop- doucement vers les lèvres de sa partenaire, ne lui laissant aucune chance de s'esquiver, allant jusqu'à rattraper et tenir le menton de la fuyarde. L'assiégée n'avait aucune chance d'organiser le repli face à l'attaque éclair de l'agresseur. Aucune défense ne lui résisterait en cette heure. La victoire était acquise... Détournant à la dernière seconde le coup fatal, le milicien alla perdre son visage dans la crinière rousse de la vaincue, prenant le temps d'apprécier l'odeur et le parfum d'Estelle. Aussi doucement que son approche, Merrick clama fièrement savoir à quoi pensait celle qui c'était fait prendre à son propre jeu.

Se reculant enfin, lâchant de ses griffes la proie, il attendit la concupiscence de l'affirmation qu'il attendait. Après tout, il n'avait aucun doute en sa victoire. Le teint rougi de la belle le prouvait, non ? Mais, ce désir d'avoir raison, cette volonté de triomphe allait de pair avec un autre sentiment, qui tout aussi lancinant, commençait à l'assaillir à son tour. Jouer à ce jeu dangereux avait aussi affaibli le milicien. Ainsi, il avait réellement été proche de succomber à sa propre stratégie, de laisser ses lèvres terminer leur course sur celle de la rouquine. Or, il s’était ressaisi, se rappelant l'idée ainsi que l'idéal qui l'avait fait mener la charge...

Par ailleurs, il fallait aussi avouer qu'il redoutait le retour de flamme, la contre-attaque de celle qui n'avait pus que se défendre. Allait-il goûter une vengeance âpre et douloureuse ou une répartie cinglante ? Dur à dire, mais Merrick Lorren était certain d'une chose; cette initiative le laissait à découvert, alors qu'il était l'heure de la riposte. Au final, il ne fallait pas oublier qu'Estelle de Chantauvent n'était en aucun cas une personne qui abdiquerait face à lui. Du moins, pas aussi facilement...

-''Qui est la plus vile créature ? La tentatrice ou le fou qui se risque aux flammes du désir ?'' Demanda-t-il bien savamment, à ses propres yeux. Puis lorsqu'elle dit que c'était faux, il partit d'un petit rire : '' Et bien, est-il pire d'être un tricheur ou une menteuse ?'' Lorsqu'Estelle mentionna qu'elle parlait de Marius, Lorren perdit de sa superbe et de la répartie qui venait avec.

Entrouvrant les lèvres, alors qu'il perdit de son sourire, le milicien se permit de froncer les sourcils, indécis, déçus et froissés. Était-ce vrai ? L'esprit conspirationniste de l'ivrogne fit bien vite des amalgames douteux entre les mots qui furent prononcés et la très brève rencontre de son ami et de sa partenaire. Elle avait semblé gênée lors de leur rencontre. Peut-être qu'elle le connaissait déjà ? Est-ce que la dame de Chantauvent aurait un faible pour les miliciens ? Non, impossible. Après tout, son ami n'avait pas eu l'air de réagir en la voyant. Avait-elle eu un coup de foudre ?! Voyons, c'était tout aussi impossible... La trogne de Marius face à la physionomie alléchante de son faciès ? Il ne pouvait pas perdre ! Et si...

finalement ses bien vains et futiles questionnements dans son esprit furent coupés par la suite des phrases de celle à la chevelure de feu. Ainsi, il était plutôt question de payer ce dernier pour que Merrick ne soit pas obligé de travailler deux jours. Intéressant... Son sourire revint, tandis que sa main retournait se perdre dans sa chevelure. Il avait eu chaud ! Tellement satisfait et heureux d'avoir mésestimé la portée de ces paroles, le milicien ne réalisa pas directement que la tenancière de la Chope Sucrée dansait sur la corde raide, tentant tant bien que mal de garder la tête hors de l'eau, de ne pas sombrer avec son mensonge.

- '' Oh, je pense que l'argent l'intéresserait bien moins que la chance de ne pas travailler pendant deux jours... et puis, je refuse que vous payiez pour une simple sortie. S'il aurait été question d'un rendez-vous, pourquoi pas, mais pour une sortie, il ne faut pas trop se forcer, non ?'' Puis après quelques secondes de silence... '' À moins, qu'il soit dorénavant question d'un rendez-vous ?''

Lorren n'en perdait pas une, écoutant et analysant l'ensemble de ce qu'elle pouvait dire tandis qu'il passait du temps ensemble. Ainsi, réactualisant des mots qui avaient été dits à leur sortie de l'auberge, le milicien usait de ses palabres pour la ramener sur un terrain glissant, pour lui faire dévoiler un peu plus son jeu. Car il devait le dire; en ce moment, l'ivrogne se sentait balloter dans tout les sens, mais il n'arrivait pas pour autant à définir parfaitement et complètement les aléas des sentiments et émotions d'Estelle... Et puis, mieux valait battre le fer lorsqu'il était encore chaud ! Toujours est-il qu'il ne put pousser son avantage plus loin, alors que la contre-offensive était enfin amorcée.

Reculant rapidement, acceptant d'être cloisonné entre le désir et la fortification défensive, Merrick se laissa faire, ne bougea pas, ne la fuyant aucunement du regard. Ce fut un doux sentiment amer qui s'empara de lui, lui vrillant l'estomac. Par la Trinité qu'elle était dangereuse... Goûtant au rapprochement, sentant cette main qui venait se perdre sur son torse, puis ses lèvres se rapprocher des siennes, le jeune homme resta figé, immobile, par peur de la voir partir et rompre cette promiscuité physique. Poussant le jeu jusqu'à venir déposer ses lèvres sur sa joue, doucement et lentement, après l'avoir fait attendre jusqu'au supplice ce baiser, Lorren ne put tourner son visage, alors que la seconde main d'Estelle le maintenait en place. Fasciné par son regard, assommé par son geste, il écouta les mots qui furent prononcés à son encontre.

Merrick Lorren était resté maître de son expression faciale. Or, il ne pouvait en dire autant de ses émotions et de son cœur. Évidemment, ce dernier s’était emballé, accélérant rapidement encore et toujours plus. Ses yeux c'étaient illuminés d'une lueur brûlante et fiévreuse, alors qu'il succombait peu à peu à la folie de la tentation. Se retenant tant bien que mal, sachant qu'il n'était pas encore question, qu'il n'était pas l'heure où Estelle s'offrirait à lui de son plein gré, l'ivrogne réussit à réfréner l'impossible de peine et de misère. Alors que la dame de Chantauvent reculait de seulement deux pas, Merrick se racla la gorge, se passant une main dans les cheveux à deux reprises pour retrouver contenance. Car oui, il en avait bien besoin !

-''Laissez-vous donc tenter par le danger. Prenez le risque de seulement essayer.'' Lorren n'avait pas encore retrouvé la pleine maitrise de ses palabres et de ses émotions après ce qu'il avait subit. Or, il tenta tout de même une attaque modérée, essayant de la vouer au vice, de la faire se damner auprès de lui.

Peut-être qu'il n'était point le seul à avoir besoin d'un temps de repos, d'une façon de retrouver l'aplomb qu'il avait perdu. Car la jeune femme se retournant, offrant son dos à l'appréciation du milicien, ainsi que quelques secondes de silence salvatrices après l'infernal enchaînement des mots et des actions tentatrices. Elle finit tout de même par poursuivre ses élucubrations, sous-entendant que Merrick disparaîtrait après avoir eux ce qu'il voulait, terminant cela en disant que ce n'était pas grave. Cette tirade eux le mérite de lui faire froncer les sourcils et pousser la réflexion.

Était-ce vrai ? Est-ce qu'il disparaîtrait après avoir assouvi sa passion et son désir ? Il avait envie de dire que non. Cette prise de position ne s'articulait pas derrière l'idée de passer son existence à côté de cette dernière, car après tout, celle-ci était encore amoureuse de son défunt mari, c'était évident. L'ivrogne appréciait sa compagnie, sa joie de vivre et sa répartie sauvage. Ce n'était guère qu'une question de désir charnel. Or, que pouvait-il lui promettre ? Son amour et sa fidélité ? Il fallait être honnête; qui voudrait cette promesse de la part du milicien ? Et puis, ils se connaissaient à peine ! Comment pourraient-ils se promettre plus que ce que le milicien cherchait, alors que tous deux ne s’étaient pas ouvert sur leurs douleurs du passé ? Cette prise de position le déchirait. Il la désirait, d'une façon plus forte que le simple besoin de courir après une quelconque femme. Merrick était capable d'être jaloux d'un autre quidam, comme Lissandre, de ne penser qu'à la tenancière et de s'en vouloir lorsqu'ils s’étaient tous deux envoyé paître. Incapable de passer à autre chose, le jeune homme était englué dans cette histoire. Ne pouvant espérer plus, mais se refusant à vouloir moins.

-''Je ne suis pour autant pas en chasse d'un simple besoin à assouvir.'' Dit-il tout bonnement, ne sachant comment dire ce qui trottait dans son esprit. '' Il m'est...difficile de savoir, de comprendre ce que vous pensez de moi, Estelle. Ne faites-vous que jouer, ou y a-t-il un fond d'attirance ? Je veux dire...'' Soufflant il chercha quoi dire, comment le prononcer. Le trop sérieux des mots était difficile, ne lui allait pas... ''Bref, allons-y pour votre jeu.'' Termina-t-il, vaincu.

Allant s'appuyer au créneau à côté de la jeune femme, Merrick Lorren perdit à son tour son regard sur l'horizon, murissant l'interrogation qui c'était envolé vers lui. Entre réflexion sur le passé et méditation sur ce qu'il se passait dans le présent, l'ivrogne partit à la recherche de ce qui était son plus beau souvenir depuis la naissance. Cette question bien simple avait le mérite d'être claire, honnête et intéressé. ''Je dirais...'' Commença-t-il tranquillement, prenant le temps de mûrir sa réponse. ''Lorsque j'ai été accepté dans la milice.'' Un sourire narquois venait de peinturer ses traits, alors qu'il regardait sa compagne. '' Non pas par amour du devoir, c'est évident. Mais lorsque j'ai été accepté, j'ai enfin pu vivre à mon propre rythme, profiter de l'existence qui m'allait mieux que les travaux de la ferme. Mon père...'' Se raclant la gorge, il reprit. ''Mon père n'était pas très favorable à l'idée, mais il préférait encore que je me bouge dans la vie plutôt que je ne fasse rien. Cela m’a permis de m'émanciper, et de connaître une existence qui me convenait mieux...'' Puis haussant les épaules : '' Je ne sais pas si c'est réellement mon plus beau souvenir, surement pas, mais s'en est un qui a eu le mérite d'impacter ma vie.''

Puis, faisant face à Estelle, déposant son coude sur le créneau, il allait lui retourner la question, se retenant à la dernière seconde. Était-ce réellement ce qu'il voulait savoir ? Après tout, n'avait-elle pas dit que ce jeu allait se jouer cartes sur table, sans mensonge ni faux-semblant ? Il pouvait -et devait- en profiter. Perdant une main dans sa barbe, Merrick se mit à réfléchir, à se demander ce que serait son questionnement. Au moins, le jeune homme savait où il voulait amener la conversation. Non pas vers le passé et la douleur, mais vers le présent et le désir...

-''J'ai envie de savoir...'' Laissant planer ces quelques mots en cherchant son interrogation, le milicien mit enfin le doigt dessus. Ni trop poussé, ni n'allant pas assez loin. Et puis, il pourrait être intéressant de potentiellement gagner...''Aviez-vous vraiment pensé à Marius plutôt qu'à moi, tout à l'heure ? Je vous rappelle qu'il vous est interdit de mentir.''

La regardant fixement, n'étant plus impacté par des émotions contradictoires, Merrick pouvait analyser et pousser l'investigation des réactions de la dame de Chantauvent. '' Si vous avez menti, vous me devez une récompense, je crois, bien. ''Se redressant, s'approchant à nouveau d'elle, bien qu'ils n'étaient guère loin l'un de l'autre, le milicien n'alla pas jusqu'à se coller à la tenancière. Après tout, il ne voulait la forcer à rien, et peut-être qu'elle avait réellement pensé à Marius, alors... '' qu’elle est donc le milicien qui berce l'esprit de la dame de Chantauvent ?''

Attendant une réponse, ou un quelconque agissement, Merrick ne bougea pas d'un pouce, ne voulant pas la brusquer. Or, sans qu'il ne s'en rende compte, alors que son esprit était occupé dans la recherche d'expressions faciale chez la rouquine, des mots s'échappèrent malencontreusement de sa bouche, tandis que son regard passait sur les lèvres d'Estelle de Chantauvent : '' Embrassez-moi.''

Un moment de silence passa entre eux. Analysant enfin ce qu'il avait dit, ce qui lui avait échappé, Lorren en fut le premier interdit. Il devait neutraliser cette phrase qui avait l'allure d'un ordre ! '' Je... enfaite, je...'' Se passant une main dans les cheveux, il tenta tant bien que mal d'arriver à une explication. '' Je regardais vos lèvres et...'' La vérité ne le sauverait pas ! '' Ce n'est pas de ma faute si vous me livrez à la tentation...'' Maintenant, il était l'heure de lui mettre cela sur le dos ? Ce n'était guère mieux. Bon sang, ne pouvait-il par réfléchir convenablement ?! '' Navré, cela m'a échappé.'' Maintenant des excuses. Cela avait au moins le mérite d'être mieux que rien.

-''Alors, quelle est votre réponse ?'' Tenta-t-il de relancer la conversation en faisant mention de la question qu'il avait posée précédemment, se raclant la gorge et se forçant à retrouver son sourire vacillant. Or, il y avait aussi une petite partie, une infime parcelle de son esprit, qui faisait plutôt référence à sa demande...
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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyMer 13 Fév 2019 - 16:15


Fébrile, Estelle essayait de conserver la tête hors de l’eau, de ne pas dévoiler l’émotion qui pouvait la déstabiliser. Comment avait-il pu deviner ? Et pourquoi par la trinité avait-elle pensé à lui, qu’est-ce qu’il lui avait pris ? Triturant les plis de sa robe, la tenancière tentait de baragouiner une raison, de se sortir de ce mauvais pas et du trouble qu’elle lisait parfaitement sur le visage de son interlocuteur. Marius. Par les trois pourquoi avait-elle dit ce prénom ? S’accrochant à un fil parfaitement invisible, elle baragouina qu’elle voulait le payer, de mieux en mieux, pour, soit disant éviter au milicien de faire deux jours supplémentaires. Impossible de savoir par quel miracle Merrick sembla la croire, la prendre au mot. L’homme d’armes avait retrouvé un sourire, une constance, il avait laissé ses doigts retrouver sa chevelure, replaçant convenablement les moindres cheveux. Là il reprit la parole visiblement rassurée, expliquant que cela n’intéresserait pas son collègue, qu’il allait préférer conserver deux jours de repos. Évidemment. Merrick s’autorisa même un petit pique, évoquant que ce n’était qu’une sortie sans la moindre importance, après tout, ne fallait-il pas se forcer, c’est ce qu’il avait dit et la rousse n’avait pas pu s’empêcher de rouler des yeux. Ne perdait-il jamais le nord, jamais. Il fallait l’admettre, elle ne s’était certainement pas attendue à ce type de réaction, ni même ce type de réponse.

Le bec dans l’eau, elle s’était pincée les lèvres sentant son ventre se tortiller en tous sens. Jamais Merrick Lorren ne devrait être en mesure de la perturber à ce point. Et jamais cela ne devait réellement se produire. Fronçant les sourcils, l’observant, l’avisant le détaillant avec cette étincelle de défi au fond des yeux, l’aubergiste avait fini par s’approcher d’un pas, puis de deux, elle était venue flirter avec le danger, faire frôler les corps, le coincer, le mettre dos au mur, déposer une main de chaque côté pour l’empêcher de fuir. Prise à son propre piège, elle avait senti le feu la gagner, ses sens s’imprégner de ce jeu dangereux, elle avait rapproché les lèvres des siennes son visage du sien, ses doigts s’étaient infiltrés dans les poils de sa barbe, son souffle s’était mélangé au sien et le désir, celui de clôturer cette stupidité de tentation avait fini par naître dans son bas ventre. Pour autant, la rousse avait détourné le visage après avoir effleuré sa bouche de la sienne, tournant le visage du milicien, jusqu’à déposer ses lèvres sur sa joue avec cette tendresse et cette tentation plus qu’importante. Détourner l’attention, ne plus penser à ce cœur qui tape si fort dans ses parois intérieures, ignorer ce souffle qui se saccade pour succomber à des pulsions qu’elle ne se connaissait plus. Murmurant à son oreille les règles d’un nouveau, une constatation presque évidente, elle avait fini par le fuir.

La fuite était-ce bien la bonne définition de ce qu’elle venait de faire, elle avait chaud, atrocement chaud, et ses joues étaient rose de gêne, mais aussi d’envie, de plaisir. Un délicieux mélange explosif d’émotion qui ne semblait pas connaître d’aboutissement, peut-être ne souhaitait-elle simplement pas connaître d’aboutissement. Détaillant de nouveau cette mer si belle, ce mouvement de vague, la jeune femme cherchait à canaliser ses émotions, son souffle, son rythme cardiaque. Elle s’enfermait dans cette bulle, ressentait cette culpabilité vis-à-vis de son mari qui était pourtant mort. Devait-elle réellement culpabiliser ? Passant une main dans sa propre chevelure, à la façon Merrick Lorren, elle cherchait ses mots, cherchait à comprendre, à détourner ce moment qu’elle jugeait gênant, trop intime, trop provocant. Par la trinité qu’est-ce qui avait bien pu lui prendre ? Il lui avait dit d’essayer de s’attaquer au danger et elle avait eu un sourire comme unique réponse. Qui des deux allaient prendre le plus de risque ? Et puis n’avait-il pas eu un premier bisou déjà, aussi furtif soit-il ? Estelle ne savait plus vraiment. Jouait-elle encore ou la réalité était-elle venue prendre possession de l’échange.

Comme pour se remettre les idées au clair, comme s’effrayer elle-même, elle évoqua ce qui lui semblait être une évidence. Une fois satisfaction obtenue, le milicien disparaîtrait vers une autre chasse, vers une plus plaisante compagnie d’une nuit ou de plusieurs nuits. Ce qui aurait dû la calmer immédiatement, la faire revenir à la raison n’offrit qu’un soupir à la jeune femme, elle qui ne savait plus réellement si l’idée de ce rendez-vous avait été aussi bonne que ça. Laissant ses doigts jouer sur la pierre, laissant ses yeux se fixer sur le lointain, un lointain qu’elle ne pouvait pas elle-même percevoir, elle l’écouta. Attentivement d’abord, puis moins attentivement ensuite, prenant le temps d’écouter, de réfléchir, de s’effrayer aussi. Merrick Lorren lui avait semblé sincère, réellement sincère, lui renvoyant la balle et son propre comportement. Que pensait-elle de lui ? Jouait-elle simplement ou tombait-elle dans le propre piège qu’elle lui avait allégrement tendu ? Ses lèvres s’étaient pincées, encore, ses dents étaient venues mordiller l’intérieur de sa joue, alors qu’un nouveau vent de culpabilité semblait l’animer.

Il aurait pu l’achever en poursuivant sur cette voie, il aurait pu lui mettre le nez dans ses agissements, mais Merrick abandonna et l’absence de réponse de la gérante de la chope sucrée lui donnait pleinement raison. Le milicien avait fini par s’installer à ses côtés, ni trop éloigné, ni trop proche, la juste distance. Aucun contact, simplement deux regards qui se perdent beaucoup plus loin, pendant que les deux réfléchissent à des choses bien différentes. Puis Merrick avait de nouveau joué la corde sensible, celle qui semblait toucher plus que de raison la jeune femme, l’honnêteté. Il s’était livré un peu, évoquant cette liberté, le choix de la milice et son père, oui son père et Estelle n’avait pas pu s’empêcher de l’écouter, jusqu’à tourner le visage vers lui. Presque naturellement la rouquine s’ouvrit également :


- « Mes parents auraient aimé que je sois une autre personne, je pense, plus sage, peut-être auraient-ils apprécié que j’épouse un homme bon et au niveau financier tout aussi respectable que notre famille… Quand j’ai choisi mon mari, je crois que je n’ai jamais vu ma mère faire une tête si déconfite » elle c’était mis à rire, c’est vrai que la tête de sa mère avait été magistrale « Elle pensait que je lui faisais une farce… J’ai cru qu’elle allait tomber dans les pommes. Mon frère a passé des heures entières à la consoler… »

Un nouveau rire avait fui ses lèvres, il ne lui avait pas posé la question, mais elle avait quand même souhaité partager cela avec lui et ce n’était pas un mensonge, loin de là. Pivotant légèrement vers lui, la rousse n’avait pas pu s’empêcher de laisser son regard se perdre sur lui, affichant un petit sourire, elle le laissait réfléchir, l’observait trifouiller sa barbe, notant que pour une fois ce n’était pas sa chevelure. Le milicien avait fini par trouver, se redressant légèrement pour lâcher son coup fatal, revenant sur l’échange, revenant sur LA question. Avait-elle réellement pensé à Marius, n’avait-elle pas le droit de mentir. Évidemment. Pivotant définitivement vers lui, elle était restée silencieuse, elle n’avait pas le droit de mentir, mais admettre ce petit mensonge ne serait-il pas avouer qu’elle avait pensé à lui. Silencieuse, elle s’était contentée de le regarder encore et encore, ne sachant pas comment elle voulait, ou devait se positionner, la rousse semblait bien incertaine. Comme pour augmenter ce sentiment de gêne grandissant, il avait fini par s’approcher, pas de la même façon que peu de temps avant, mais suffisamment proche pour qu’elle sente une nouvelle fois son cœur s’emporter.

Les regards se croisaient, puis se fuyaient et puis ce fut cet ordre, cette exigence presque soudaine. « Embrassez-moi ». Elle était devenue immobile, rouge de gêne, d’incompréhension, de tentation et de cette envie, oui cette envie. Néanmoins encore méfiante, la jeune femme avait fini par réfléchir, silencieuse, elle laissait Merrick reprendre la parole, justifier, s’enfoncer dans son argumentation sans trouver vraiment quoi redire, quoi faire. Ooooh elle aurait voulu fuir, s’échapper, revenir sur ses pas, descendre les marches et retourner dans sa chope pour oublier tout ça et le doute qui s’insérait dans son esprit, mais ce n’était pas réellement possible n’est-ce pas ? Il était revenu sur sa question, sans qu’Estelle ne comprenne de quelle question il voulait parler avant d’interpréter l’ensemble convenablement.


- « Non » la réponse avait fui ses lèvres brutalement, brusquement sans qu’elle ne parvienne à retenir le mot, puis réalisant qu’elle c’était exprimé, elle avait senti l’obligation de poursuivre « Je n’ai jamais pensé à Marius… Vous aviez la bonne réponse depuis le début…. » elle détourna les yeux un instant.

Estelle aurait pu se sentir libérée d’un point quelconque, mais ce ne fut pas le cas, au contraire, elle avait la sensation d’être prise au piège, ne pas avoir de solution, pas de phrase humoristique pour s’en sortir. Son ordre la hantait, l’avait fait frissonner et ce fut finalement inconsciemment qu’elle avait fini par se rapprocher, poursuivant de dialoguer, comme pour se rassurer, comme pour se donner l’illusion d’avoir encore parfaitement la main sur la situation.

- « Je ne pensais néanmoins pas que vous alliez mordre à l’hameçon du paiement… C’était ridicule… Merrick vous m’aviez caché être un grand naïf. »

Elle était maintenant en juste face de lui, sa main s’était déposée sur le torse de l’homme d’armes, ses doigts étaient remontés lentement jusqu’à son visage, elle s’était hissée un peu maladroitement sur la pointe des pieds, ses mains s’étaient appuyées sur ses épaules et ses lèvres étaient venues se déposer sur celle du milicien. Son cœur avait dû louper un battement, puis un autre, et la phrase n’avait de cesse de se répéter. À quoi est-ce qu’elle jouait ? Ce n’était pas une invitation à aller plus loin, ce n’était pas un échange langoureux, non, un simple baiser chaste, du moins au début, parce que rapidement, ce fut tout autre chose qui anima l’esprit de la Chantauvent. Ses yeux avaient fini par se fermer, ses lèvres à se faire plus désireuse, son souffle plus saccadé, la chasteté avait dérivé vers un autre désir, jusqu’à ce que les bouches s’entrouvrent pour se découvrir, s’apprivoiser, que les langues se chatouillent sans réellement aller à la rencontre de l’autre. Ce fut plus doux que brutal, plus désireux que particulièrement fougueux et quand l’air sembla manquer, quand la raison sembla reprendre le contrôle, elle s’était reculée, avait fui ses bras et le contact qu’elle avait eu jusque-là.

Encore une fois ses joues étaient roses, légèrement et au lieu d’admettre que ce n’était qu’une envie, une pulsion, elle préféra mentir, ou du moins, justifier son acte par le jeu, pour le jeu, parce qu’il ne s’agissait que de ça n’est-ce pas un jeu ?

- « Je pense que votre récompense était largement suffisante n’est-ce pas ? Vous avez donc remporté notre premier jeu, félicitations Merrick Lorren » souffla-t-elle alors que ses lèvres avaient encore le goût des siennes « Aviez-vous prévu autre chose pour ce soir ? J’ai cru voir une bonne bouteille de vin… Peut-être pourrions-nous la partager… Peut-être pourriez-vous de me parler de votre vie à la ferme, cela doit être agréable, enfin cela devait être agréable d’être loin des murs étouffants de Marbrume… n’est-ce pas ? »

Parler pour camoufler son malaise, parler pour changer de sujet, pour ne pas analyser ce qui venait de se passer, parler pour faire diminuer la tension qui semblait régner dans son corps, parler pour ne pas y retourner. Estelle n’est pas bien loin de lui, sa main trifouille toujours les plis de sa robe, son regard est légèrement fiévreux, brillant alors qu’elle cherche à retrouver un bon comportement, se fait violence pour ne pas amener ses doigts à ses lèvres, se fait violence pour ne pas détaler comme une lapine. Secouant doucement la tête, elle n’arrivait pas à supporter le silence, l’inaction qui la ramenait à son action, à ce geste, à cet échange si particulier. Elle en était l’instigatrice, cela faisait la deuxième fois finalement. Un jeu dangereux, c’était ça, rien que ça, juste un jeu, c’est dont elle voulait se convaincre.

- « Auriez-vous été jaloux, monsieur Lorren, que je puisse penser à votre ami ? Après tout aurais-je pu avoir un coup de foudre pour cet homme, peut-être même que c’est le cas, qui sait n’est-ce pas ? »

Jouer encore, le chercher encore avec la certitude que ce n’était pas une bonne idée, la certitude que cela n’amènerait que davantage de complication à cette mer d’incertitude. Et maintenant Merrick, à quoi allez-vous jouer ?

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Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyJeu 14 Fév 2019 - 7:04
Les règles du jeu avaient évolué. Depuis qu'il avait rencontré Estelle de Chantauvent, Merrick Lorren s'essayait à la conquête, essuyant refus et rebuffade. En cette heure, cette constante n'avait guère changé, tandis que la jeune femme n'acceptait aucunement ses avances, ne succombait pas encore à ses attaques. Or, il était évident que tout n'était pas comme avant, que le jeu en lui-même était devenu plus sérieux, plus âpre et plus difficile. Tandis qu'à leurs premiers échanges la tenancière de la Chope Sucrée rivalisait d'adresse pour repousser le fieffé courtisan, en répliquant avec acharnement, cela n'était plus réellement le cas. Était-ce à cause que l'homme était devenu trop coriace, trop dangereux pour être arrêté ? Aux yeux de l'ivrogne, ce n'était point cela. Ou du moins, ce n'était pas la première raison de cette mutation.

La nouveauté qui se cachait derrière leurs échanges qui rythmaient précédemment leur duel était la tentation, le désir. De fait, par le passé, Merrick réussissait à palabrer et déblatérer sans subir la morsure pernicieuse des pulsions lancinantes de l'envie. Or, cela n'était plus le cas, finalement voué à ce tourment qui le brûlait à petit feu. Ainsi, son esprit perdait en clarté et en logique, transformant le milicien en un être d'action plutôt que de réflexion. Par ailleurs, il ne semblait pas être le seul impacté par cette vague de désir, tandis qu'Estelle rougissait et réagissait aux tentations qui se nouaient et se dénouaient entre eux. Dès lors, tous deux devaient lutter contre cette nouvelle tangente du jeu, face à cette réalité qu'ils n'avaient pas prise en compte. Car oui, il avait été facile de dire tout et n'importe quoi, d'agir et de jouer dangereusement lorsque cela n'impactait pas ses propres émotions. Or dorénavant, tout ce qui se faisait entre eux créait une tentation et une tension extrême chez les deux opposants. Il n'était plus simplement question de se fendre d'une attaque ou de la subir. Désormais, le moindre assaut impactait autant l'assiégeant que l'assiégé. Et à cause de cela, Lorren était sur le bord de la rupture, se contenant bien difficilement.

Mais après tout, n'était-ce pas ce que cherchait Merrick ? De se rapprocher de l'ébat charnel à tout prix ? Dans un sens, oui. Par contre, jamais il n'aurait pensé devenir lui aussi une victime de son propre jeu, de ''souffrir'' à son tour des charmes de la dame de Chantauvent. Non, le milicien avait cru mener la danse, être en position de forcer les défenses et le barrage de la jeune femme, de vaincre et de connaître l'assouvissement de ses sens. Mais désormais il nageait à contre-courant, goûtant littéralement à sa propre médecine. Au départ, de voir la rouquine jouer et acter comme lui l'avait amusé. Aujourd'hui, en cette soirée, il éprouvait chèrement l'ensemble des actions qu'elle faisait. Est-ce que Merrick Lorren était en train de succomber aux charmes de la femme à la chevelure de feu ? Sans aucun doute. Et ça, même lui en avait conscience.

Pour autant, après que chacun aille été agressif à outrance, depuis qu'ils étaient montés sur la muraille, le calme revint peu à peu reprendre sa juste place dans leur échange. Ainsi, Estelle lui avait demandé son souvenir le plus heureux. Ainsi, Merrick avait répondu, se prêtant à l'exercice de bonne foi, trouvant des plus étrange que le plus simple entre eux fussent dorénavant de maintenir une conversation honnête, chose dont-ils ne se risquaient aucunement avant, plutôt que le jeu, qui semblait être devenu beaucoup trop dangereux pour l'un et l'autre. Se livrant sur son acceptation dans la milice, il l'écouta par la suite présenter la déconvenue qu'avait subie sa mère lorsqu'elle avait choisi feu son mari.

-''Je suis certain que vous avez fait un bon choix.'' Il était évident que le couple avait été heureux, alors que la dame de Chantauvent semblait si impactée par le départ, par la mort de son époux. Ce petit rire, qui trouva racine dans une ouverture vers le passé quasiment inconnu de sa partenaire, eu le mérite de lui plaire, de lui faire sentir qu'en un sens, il gagnait peut-être une infime parcelle de confiance l'un et l'autre, l'un pour l'autre.

Par la suite, il aurait peut-être été possible de continuer dans ce registre platonique, mais infiniment intéressant pour parfaire la découverte de sa partenaire. Or, le calme qui c'était installé entre eux n'était qu'une façade, qu'un interlude. Après tout ne parle ton pas continuellement et habituellement du calme avant la tempête ? C'est ainsi que la question du milicien, celle à laquelle Estelle ne pouvait mentir, fut sur le mensonge qu'elle lui avait offert en ce qui concernait la personne à laquelle elle pensait. C'est ainsi qu'il crut discerner la réponse avant qu'elle ne lui soit offerte. Merrick Lorren avait-il triomphé ?

Puis, ce fut le drame. Ou plutôt l'erreur. Porté par l'application avec laquelle il analysait les réactions de la rouquine, laissant son regard vagabonder sur son visage, définir mentalement le contour de sa mâchoire puis de ses lèvres, Merrick ne put retenir deux simples mots qui avaient possédé son esprit. Lâché sans réfléchir, cet ordre de l'embrasser était certes ce qu'il désirait comme récompense, mais il ne s'attendait aucunement à le formuler de vive voix. Estelle eut le mérite de ne pas rester de marbre, alors que la rougeur se lisait en tandem avec l'incompréhension sur son visage. Et puis, une lueur vorace s'éveilla dans ses yeux...Que voulait-elle dire ? Qu'importe. Le jeune homme devait s'expliquer, tenter de trouver une répartie qui lui permettrait de ne pas être mis en échec ou de ne point essuyer une rebuffade trop vicieuse et venimeuse. Au bout de son babillage intempestif qui couvrait sa retraite, il ne reçut qu'un seul et unique mot ; ''Non''. La brutalité et la brusquerie de l'élocution le heurtèrent. Évidemment, à quoi s’était-il attendu ? Il fallait dès lors cacher la blessure qui l'impactait.

-''Tant mieux, tant mieux, si ce n'était pas Marius !'' Répondit-il au quart de tour, pensant qu'apporter la conversation plus loin lui permettrait de ne plus penser à ce non qu'elle avait formulé. ''Il est vrai, j'ai été naïf. Mais tout le monde peut avoir des faiblesses, non ? Vous semblez être la mienne, Estelle.'' Tenta-t-il en ramenant le discours sur une note plus amusée et habituelle de leur discussion. ''Il faut dire
que...''
.

Enfaite, il fallait plutôt ne rien dire.

Estelle s’était rapprochée, déposant une main sur son torse avant de remonter vers son visage. Et si...et si le ''non'' qu'elle lui avait dit n'était pas si négatif que cela ? Tel fut le cas, alors que leur lèvre se rencontra pour une seconde fois, commençant ce lent échange de manière bien chaste et prude. Les yeux ouverts, étonné, Lorren ne savait que faire ou quoi penser. Puis, au moment où leur baiser aurait pu -et possiblement du- se terminer, il gagna en ardeur, les consumant sur le brasier de l'envie qui n'avait eu de cesse d'être attisé par l'ensemble de leurs actions. L'échange transformé par la flambée du désir se mua en tempête, alors que les sens du milicien perdaient de leur acuité pour ne se focaliser que sur une seule et unique chose; Estelle de Chantauvent. Là, alors que les agissements prenaient le pas sur la pensée, il ferma les yeux, goûtant à l'instant. L'enserrant dans ses bras, Merrick plaça ses mains dans le creux de ses reins, laissant sa langue partir dans une lente exploration de celle de sa partenaire, dans un apprivoisement qui s'enchainait quasiment comme un énième jeu entre les deux.

Or, la réalité les rattrapa, la fugacité de l'instant ne fit pas le poids face au retour d'un bref éclaircit de conscience. S'écartant, des bras de Merrick, qui ne fit pas un effort pour la retenir, pour l'emprisonner à perpétuité, bien que l'idée s'astreigne à son esprit pour un temps. Évitant le regard d'Estelle, ayant peur de lire quelque chose qu'il ne voulait pas voir au fond de ses yeux, le milicien se racla la gorge, se passant une main dans la chevelure. S'accoudant aux créneaux il se permit de regarder en vers le sol, les habitations et le lent mouvement des quelques passants. Puis, devant la reprise de parole de la tenancière, il se permit de la regarder à nouveau, d'attendre qu'elle aille finit de s'exprimer, alors que le milicien la dévorait complètement du regard.

Pendant un infime instant, l'ivrogne fut tenté de récidiver sans la moindre raison. La tentation était forte, alors que le désir était tout aussi puissant. Or, il s'abstient de le faire. Après tout, il n'était pas incapable de se contrôler...non ?

-'' Je n'irai pas jusqu'à parler de jalousie mademoiselle de Chantauvent, mais...'' Dit-il en doutant avant de hausser les épaules. '' Mais, j'ai eu quelques doutes, c'est évident. Qui aimerait, après tout, se voir potentiellement supplanter par son ami ?'' Glissant un coup d'œil rapide vers la tenancière, mais n'osant l'observer plus, il ne put s'empêcher de se corriger lui-même. Fronçant du visage. ''J'imagine que c'est une sorte de jalousie...'' Finit-il tout bas. Après ce qu'il venait de lui ''voler'', il préféra ne pas relever le sous-entendu de coup de foudre avec Marius.

Il y avait un nouveau problème.

Les agissements et rapprochement qu'ils avaient chacun perpétrés sur la muraille flottaient encore autour d'eux, réminiscence d'actes doucereux, mais dur à comprendre, à définir et a expliqué. Ne sachant plus sur quel pied danser, que dire ou ne pas dire pour ne pas être mal interprété, Merrick Lorren ne trouva qu'une seule et unique échappatoire pour briser, pour empêcher l'instauration d'un lourd silence contraignant. Il n'était plus question de souffler à nouveau sur les braises du jeu, qui le vouait de plus en plus au supplice. Le seul refuge qu'il restait à leur discussion était l'honnêteté. Les paroles sur leur passé et les questionnements intéressés pour partir à la découverte de l'autre. Or, même cette façon d'échanger, cette franchise peu commune entre eux, ne recelait-elle pas un soupçon de danger elle aussi ? Après tout, cette ouverture ne risquait-elle pas de les faire s'attacher et se rapprocher ?

-''Je détestais travailler à la ferme, je haïssais la vie de paysan et de fils des campagnes.'' Dit-il, un sourire se peignant sur son visage. '' Je rêvais d'honneur et de gloire, d'une vie de beuverie et de complaisance dans une ville. Pas d'être entouré par les champs et la nature. Aujourd'hui, je donnerais tout pour retrouver cela, pour retrouver la liberté loin de la pourriture de Marbrume.'' Termina-t-il en perdant son sourire. ''Quoique je ne le mérite guère...''

L'autre difficulté avec cette sorte de conversation était de penser et ressasser le passé, de frôler les agissements qui l'avait rendu amoureux de la bouteille. Soufflant pour chasser ses élucubrations le rapprochant de ces pensées, il préféra lancer à son tour une question, histoire de donner la parole à Estelle et s'éloigner de lui-même et de son échec. '' Comment êtes-vous devenue propriétaire de la Chope Sucrée ? Est-ce un lègue familial ?'' Demanda-t-il, réellement intrigué.

Au moment où sa question s'envola, il se rendit compte qu'il allait peut-être être question de son époux décédé. En un sens, il n'avait pas réfléchi, car Lorren aurait probablement espéré dévier la conversation sur un sujet plus bénin, moins souffrant pour celle qui goûtait encore chèrement à la disparition de l'être aimé. L'ivrogne aurait du parlé de sa jeunesse, la questionner sur comment elle était enfant, plutôt que se risquer sur un sujet qui pouvait amener des réflexions douloureuses. Ouvrant la bouche pour se corriger, se retournant pour la regarder, il resta muet alors qu'il croisa à nouveau le regard qu'il évitait depuis qu'il l'avait embrassé. Il en oublia ce qu'il voulait dire. Restant muet en la contemplant.

Renouant avec son regard, n'offrant aucun mot de plus ou de moins, Estelle de Chantauvent avait le temps de répondre, ou de rester en silence. Si elle parlait, il l'écouterait. Sinon, tant pis. Assiégé à nouveau par le désir, qui revenait de manière incessante, Lorren était balloté par le flot de ses émotions. Que faire, que dire, ou que répondre ?

Il était irrécupérable...

-'' Non, la récompense n'était infiniment pas suffisante. Pas le moins du monde.'' Dit-il rapidement et avec ardeur, en faisant référence au baiser qu'il avait eut. Non, il avait voulu plus, il voulait encore infiniment plus. Ou plutôt, Merrick désirait réitérer la chose, ne pas laisser cela se finir ainsi, aussi abruptement. Terminé de s'offrir à la passivité et à l'attente d'un besoin ou d'une quelconque récompense. Il irait chercher ce qu'il voulait, il ne pouvait faire autrement, ne se maitrisant plus. Avançant brusquement de deux pas, les yeux fixés sur l'objet de son désir, sur les lèvres de la dame de Chantauvent, l'ivrogne n'en démordait pas, prêt à affronter les conséquences de ses actes. De toute façon, rien n'aurait pu l'arrêter en cette heure, pas même la terrifiante Brigitte.

C'est donc le regard fiévreux qu'il se pencha rapidement sur Estelle, avant de suspendre son geste un infime instant, alors que leurs lèvres n'étaient plus qu'à quelques millimètres de la récidive. Goûtant cet instant de tentation et d'hésitation, Merrick Lorren osa affronter le regard de la jeune femme avant de finalement passer à l'attaque. Instigateur du baiser, le milicien changea complètement de registre, préférant s'abandonner à la caresse de manière infiniment doucereuse. Lentement, le contact de ses lèvres sur les siennes ne fut point aussi bénin que celui que le duo avait échangé à la Chope Sucrée. Or, moins fougueux et fiévreux que celui qui venait de se jouer, l'enchaînement fut beaucoup plus langoureux...mais aussi nettement plus bref pour éviter toutes représailles possible. Quittant le contact de ses lèvres qui l'électrisait, avivant l'ensemble de ses sens et le remplissant d'ivresse, le milicien récupéra la bouteille de vin qui l'attendait sur le créneau. D'une certaine manière, d'être allé chercher ce besoin impérieux sans raison valable et de façon si... douce, rendait la chose encore plus confuse.

-''Je pense qu'elle l'est maintenant.'' Termina-t-il enfin, au sujet de la récompense. ''Juste punition pour votre mensonge, ne trouvez-vous pas ?''

Lui aussi se livrait au jeu, mettant ses actions et articulant ses dires autour de cela. Belle excuse, infâme simplicité, pour éviter de penser et de pousser la réflexion trop loin. Il espérait que la rouquine accepterait cet agissement sans trop de quiproquos... Il avait été prêt à payer le risque pour pousser la récidive, mais s'il pouvait l'éviter, Lorren en serait plus que satisfait. Débouchant la bouteille il se permit une rasade à même le goulot pour s'éclaircir l'esprit. Il tendit la bouteille à sa compagne, la déposant à nouveau sur la fortification défensive si elle ne le prenait pas.

-''Et merde. Au diable cette histoire de jeu ! Estelle, je pense que..''

Qu'allait-il dire ? Lui-même ne le savait guère. Mais, cela lui avait semblé important. Toujours est-il qu'il fut coupé par l'ouverture de la porte par laquelle ils étaient arrivés ici... Qui était-ce ? Marius qui venait leur signaler qu'il était temps de s'éclipser, ou un milicien à même de dénoncer leur présence ? Dur à dire, mais le cœur de Merrick Lorren manqua un battement. Par chance, ce dernier avait eu la chance de s'entraîner à battre avec irrégularité toute la soirée durant...





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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyVen 15 Fév 2019 - 13:17


Il n’y a pas de sentiments plus agréables que de celui de se retrouver dans les bras d’un homme, Estelle avait pu sentir ses mains glisser sur ses hanches, la pressant contre lui, alors que ses lèvres découvraient les siennes, sa bouche. Il n’y pas de sentiments plus agréables que la sensation de lâcher prise, lorsque le chaste le devient moins, lorsque la fougue s’empare des actes, lorsque le feu consomme intérieurement un corps. Oui, la dame de Chantauvent avait l’impression de brûler sur place, des sensations qu’elle n’avait plus ressenties depuis bien trop longtemps à son goût, ses lèvres s’étaient entrouvertes naturellement, sa langue était venue titiller gentiment celle du milicien, les salives avaient pu se mélanger pour former un nouveau goût, unique à chaque couple, duo d’un soir ou non. Ses doigts s’étaient légèrement cramponné au bas de sa chemise, alors que ses yeux s’étaient fermés pour savourer pleinement l’instant, son cœur s’était mis à tambouriner plusieurs fois dans sa poitrine, dans une nouvelle mélodie bien irrégulière et les souffles s’entremêlant, s’étouffant, s’apprivoisant n’avaient pu que se joindre à cette nouvelle danse. C’était fort, intense, retournant, déconcertant, assourdissant. Même un aveugle comprendrait que le jeu était dépassé, largement, allégrement, mais l’amour ne rendait-il pas aveugle après tout, complètement ?

Quand elle avait senti ses joues s’empourprer, quand le désir d’en vouloir plus se fit tout autant ressentir, quand son souffle avait semblé lui manqué, Estelle s’était échappée, reculant, s’éloignant, terminant l’échange qu’elle aurait pourtant tant voulu voir perdurer. Il était là, pas bien loin, peut-être aussi troublé qu’elle sans qu’elle ne le remarque réellement. Ce n’était qu’un jeu, oui, c’est ce qu’elle aurait voulu croire en passant sa main dans sa chevelure rousse, défaisant ainsi quelques créations capillaires. Là ce fut un premier silence, son visage lui donnait l’impression d’être à une température qui n’avait rien à envier à un feu de cheminée. Là, elle réalisa réellement et la gérante dut se faire violence pour ne pas laisser ses doigts effleurer ses lèvres, pour ne pas déglutir, pour ne pas savourer ce délicieux goût de désir qui restait à l’intérieur de sa bouche. Il fallait faire quelque chose, obligatoirement, oui, ne pas perdre pied, ne pas… Oui, parler.

Naturellement, ou presque, elle avait donc réinstauré un climat moins tendancieux, moins tentateur, elle avait savouré ce petit vent ce levant légèrement sur sa peau, alors que ses prunelles faisaient tout pour ne plus retomber dans celle de son interlocuteur, avait-elle peut-être même pivoté légèrement pour détailler la mer, se concentrant largement, elle avait évoqué plusieurs faits, le premier n’était d’autre que l’évidence même du gain, prétendre que l’échange ne faisait que partie du jeu, oui, il le fallait. Puis ensuite, elle s’autorisa une question vis-à-vis de la ferme, oui, se concentrer sur cette vie d’avant et non sur le moment présent. Merrick avait repris la parole, et même si ce n’était pas forcément le cas, la rousse eut la sensation que c’était plus simple pour lui, il parlait de jalousie, de non-jalousie, pour conclure que si peut-être avait-il réellement sentie un petit besoin de possession. Cela ne tourmenta que davantage la tenancière de la chope sucrée qui réfléchissait à une manière de fuir maladroitement le moment.

Par la suite ce fut un léger silence, alors qu’elle sentait le poids de la culpabilité s’étaler sur ses épaules. Par deux fois, elle avait embrassé un homme, par deux fois elle avait embrassé Merrick Lorren, l’homme qui disparaîtrait après s’être glissé entre ses cuisses. L’évidence même du ridicule de la situation la frappa, de sa propre naïveté, de ses propres désirs imbibés de stupidité. Lâchant un bref soupir, ses yeux fixèrent le lointain, alors qu’un léger vent de tristesse animait son esprit. Elle n’avait fait que jouer, ce n’était qu’un jeu, alors pourquoi ressentait-elle le besoin de retourner dans ses bras ? De goûter une nouvelle ses lèvres et… Merrick avait repris la parole, évoquant sa vie à la ferme, la rousse avait simplement coulé un regard vers lui, légèrement déstabilisé par le sérieux retrouvé de la situation. La ferme donc.

Les paroles furent touchantes et malgré son jeune âge, Estelle semblait réaliser à quel point il disait vrai. On ne prenait jamais conscience de notre chance, que lorsque tout finissait par s’envoler en éclat. Ses lèvres se pincèrent, alors que ses doigts se crispaient sur les pierres, faisant blanchir ses articulations. La jeune femme fut submergée par ce vent de tristesse, de nostalgie, de remords et de regret. Elle avait définitivement l’impression d’avoir trompé son défunt époux, sans y trouver pourtant quelque chose à redire, ne changerait-elle rien si c’était à refaire. Elle était vivante après tout. Vivante. Secouant la tête, elle chercha à se réfugier dans la question.


- « Non c’est mon… » elle s’arrêta… « Non c’était un achat, je crois que c’était un de mes nombreux caprices pour me détacher de ma famille… J’aime la proximité du peuple, des gens, j’aime voir les sourires, les couples se faire et se défaire, j’aime être au courant des dernières rumeurs et ramasser l’ivresse des hommes ou des femmes d’ailleurs… Cela m’amuse, je trouve ça fait vivant. Oui c’est le mot, vivant. »

Estelle était sincère, son établissement c’était toute sa vie, ce n’était pas une contrainte loin de là, très loin de là, elle aimait voir les rires, voir les personnes ivres, elle aimait observer, écouter discuter, elle aimait quand le silence ne s’installait jamais, d’ailleurs, elle n’appréciait pas le silence. Relevant doucement ses yeux vers lui, les regards se croisèrent une nouvelle fois, elle tenta de poursuivre une explication qui ne trouva aucun sens dans sa formulation quand il reprit la parole pour prétendre que ce n’était pas suffisant. Non. Encore ce non. Le même qu’elle avait usé elle-même pour s’exprimer maladroitement. Même si la suite était plutôt équivoque, elle fut plutôt floue dans l’esprit de celle à la chevelure de feu, dont les gestes de Merrick ne faisaient qu’accentuer cet état de fait. Brusquement il c’était approché d’elle, de deux pas, là il s’était penché pour venir effleurer ses lèvres s’arrêtant, laissant son souffle caresser l’ensemble, laissant le temps à la dame de Chantauvent de sentir une multitude de frissons la parcourir, une multitude de battements s’emporter si fortement qu’elle était certaine qu’il devait pouvoir les entendre. Puis ce fut doux, étrangement doux et lent, les bouches se retrouvaient pour la deuxième fois de la soirée. La fièvre était présente, mais comme canalisée, ne s’emportait pas, le contact fut agréable, si bien que les mains qui se déposèrent sur le torse du milicien n’eurent pas le courage de le repousser. Les yeux c’étaient à peine fermé que déjà, le contact fut interrompu, laissant une tenancière presque affamée, presque en état d’ivresse de cet homme qui avait fini par lui faire un peu trop tourner la tête.

Immobile, elle avait fini par rouvrir les yeux, laissant ses doigts effleurer ses lèvres, laissant cette sensation imprégner sa bouche. Impossible pour elle de déterminer le sens de sa phrase, de sa voix, elle était dans un état second, incapable de comprendre les mots pourtant simples qui furent prononcés. Il parlait de punition et elle se retournait pour détailler la bouteille qu’il avait entre les mains, elle l’évitait soigneusement lui, son visage, ses lèvres, son regard qui devait trahir le fond de ses pensées. N’avait-elle encore une fois de cesse de se murmurer qu’il ne s’agissait que d’un jeu et que le feu de ses joues n’était un signe que de… d’amusement. Parce que comme lorsque l’on rit, il fait soudainement plus chaud. Vraiment ?


- « C’est une belle revanche en effet » souffla-t-elle « Avez-vous eu de la chance que l’effet de surprise soit total, sans quoi, aucun doute que votre pied et votre entrejambe s’en souviendraient encore… » murmura-t-elle en n’osant pas remonter son regard vers lui « Ce n’est pas une menace, quoique. »

Fuir était une option encore tout à fait envisageable, parfaitement même, elle trottait encore dans sa tête, comme un écho plus ou moins lointain qui se rapprochait au fur et à mesure que la soirée avançait. La bouteille ne fut pas attrapée, mais plutôt refusée poliment par un petit mouvement de poignet. L’idée de boire était très mauvaise, suffisamment pour qu’elle n’ose pas tenter l’expérience, bien que très tentante. S’approchant du vide pour s’appuyer sur les pierres, elle croisa légèrement les bras, attendant sagement de trouver une solution, de déterminer un nouveau sujet de discussion, peut-être même de réinstaurer le petit jeu de taquinerie et d’éviter toutes mauvaises formes de tentations. Alors qu’elle entrouvrait les lèvres pour prendre la parole Merrick sembla déterminer à mettre fin à quelque chose, ou éclaircir une situation se faisant interrompre par un bruit de pas, là elle pivota vers une silhouette masculine qu’elle ne connaissait pas. L’homme était grand, imposant, la chevelure noir de jais parfaitement coupée, un début de barbe d’un jour ou deux, très légère, des oreilles un peu décollé et des yeux marron tout aussi banals que le reste de son visage. Sa tenue de milicien se fondait parfaitement dans sa carrure, et son épée courte à sa ceinture laissait entendre qu’aucun sang de noble ne coulait dans ses veines. Un ami à Merrick encore ? Peut-être pas, silencieuse, elle l’avisa détailler tour à tour le couple, fronçant légèrement ses sourcils. Mh, peut-être pas un ami finalement, peut-être pas. Pointant du doigt Lorren, il reprit la parole d’une voix grave et autoritaire :

- « LORRREN, vous êtes impossibles, par la Sainte Trinité pourquoi cela ne m’étonne guère, une femme sur nos remparts, où avez-vous la tête voyons, mon garçon ! »

Estelle sembla presque dubitative, elle n’était pas femme à se laisser catégorisée dans la case ‘vulgaire’ femme et pour la première fois, elle sembla avoir envie de jouer sur sa réputation et son ancien grade de noble, l’était-elle encore ? Certainement, pour autant vivait-elle plus comme une bourgeoise indépendante qu’une sang bleu. Les lèvres pincées, elle s’était mordillé l’intérieur de la joue pour faire silence et son regard dû se faire si froid, que le coutilier ou peut-être sergent, ne le savait-elle pas plus qu’il ne c’était pas présenté jugea bon de reprendre la parole.

- « Devriez-vous rapidement retrouver votre demeure dans les quartiers » ronchonna-t-il « Bas quartier, je suppose ? »

Ooooh était-il en train de la rabaisser à cette vulgaire catin ne sachant guère vivre convenablement. Son regard se fit soudainement plus dur, plus soudain et prenant une légère inspiration.

- « Vous voulez dire ma demeure de ce côté de Marbrume ? » elle démontra le côté de l’esplanade, alors qu’un fin sourire se dessina sur ses lèvres « Oh pardon, monsieur ? Je ne me suis guère présentée. Estelle, Estelle de Chantauvent, mais je suppose que vous devez être plus familier du nom de Miratour. »

Elle laissa un petit silence s’installer, léger, furtif, cela lui fit mal de donner son ancien nom, celui qui devait néanmoins faire écho dans l’esprit de celui qui semblait suffisamment âgé pour définir ou non la provenance et l’origine de ce nom. La famille n’avait jamais été véritablement des nobles, mais la fréquentation des parents était telle, qu’elle avait fini par être un peu affiliée à la noblesse. La demeure familiale se trouvait bien du côté de l’esplanade, mais Estelle ne s’y rendait jamais, son frère acceptant cet état de fait avait fini par la louer à un couple de nobles exilés.

- « Madame, n’allez pas sur ce terrain-là » tenta de reprendre le sergent « Je suis le responsable de votre… partenaire d’un soir, je suppose ? Vous n’avez rien à faire ici. »

- « Pardonnez le, ce n’est qu’un de mes nombreux caprices dont je suis capable, mon frère a voulu me faire un cadeau pour mon anniversaire voyez-vous… Monsieur Lorren devait m’amener ici pour la vue… Nous venions simplement d’arriver…»

L’homme sembla hésiter devant le visage de celle qui ne laissait percevoir qu’un sérieux surhumain, il lui fit un signe de tête pour lui ordonner de circuler. Allait-il réellement risquer de froisser une famille anciennement influente, rien n’était moins sûr. Estelle avait coulé un regard un peu désolé à Merrick, elle aurait voulu faire plus, lui éviter une sanction, une punition, mais sa condition de femme aussi noble soit elle l’empêchait d’avoir un véritable impact, ses mots n’étaient pas suffisamment forts, ou puissants que s’ils avaient été formulés par un homme. Récupérant discrètement la bouteille, ou plutôt la faisant tomber dans la mer aussi discrètement que ce fut possible, elle quitta les deux hommes pour prendre la sortie. À peine fut-elle éloignée que l’homme reprit la parole en direction de celui qui était sous ses ordres.

- « Lorren, vous êtes inconscients, nobles ou pas nobles, grande tenancière ou non, vous ne devez pas ramener une femme ici. Vous m’entendez ? Ce méfait ne fait qu’allonger une liste déjà bien trop grande à votre encontre, je vais réfléchir à une sanction convenable, vous connaissez le règlement non ? »

Ce fut un bruit presque discret, mais néanmoins dérangeant qui fit stopper l’homme d’armes dans son sermon, pivotant légèrement pour détailler avec stupeur la silhouette féminine étalée de tout son long contre le sol en pierre des remparts, sans mouvement, elle semblait tout juste de s’effondrer dans une inconscience. Par la Trinité, si cela venait à se voir, il en risquait de perdre son propre grade, sa propre influence, il était responsable de Lorren, qui avait lui-même ramené une femme ici qui était peut-être morte à présent sur les remparts. Était-il donc responsable à cause de cet inconscient. Se précipitant vers la bonne femme, il s’agenouilla pour la remettre sur le dos, déposant sa main au niveau de son nez, elle respirait. Il sembla soudainement soulagé, malin il vérifia que son bras était plutôt moue et que ce ne fut aucunement une mauvaise farce ou un moyen de faire échapper Merrick à sa sanction. Là encore le bras retomba mollement et le visage de la rousse ne tira vers aucune expression aucune émotion.

- « Lorren, je ne sais pas… Emmenez-la au temple, débrouillez-vous pour que son frère ne l’apprenne pas. Si jamais j’entends la moindre plainte, croyez-moi que votre sanction sera sans appel. Vous allez vraiment toutes me les faires, la moindre connerie n’échappe pas à votre tentation ! Allez plus vite que ça, réagissez bon sang ! Vous allez attendre qu’elle tire son dernier souffle ?! »

L’homme s’était redressée, détaillant toujours la silhouette féminine étalée sur le sol froid, Estelle ne faisait pas le moindre mouvement et semblait maîtriser un souffle lent à la perfection. Même lorsque son milicien avait glissé ses mains sous elle pour la porter, la transporter, elle avait laissé le moindre membre retomber, sa tête également avait basculé légèrement en arrière, provoquant cette petite douleur. Cependant, lorsque l’homme avait avancé d’un pas rapide, lorsqu’elle avait perçu le bruit des marches et que de ce fait l’obscurité fut un peu plus présente, la rousse était venue pincer discrètement l’intérieur de l’avant-bras de Merrick, lui faire comprendre qu’elle allait bien, très bien même, mais que définitivement, elle n’avait pas pu se résoudre à le laisser se faire sanctionner. En bas des marches, le responsable avait fini par abandonner Merrick pour prendre une autre direction, non pas sans le menacer une dernière fois d’arranger la situation. Après plusieurs minutes, la tenancière avait fini par ouvrir un œil en murmurant :

- « C’est bon, il est parti ? Vous avez eu de la chance il me semble » chuchota-t-elle lentement « Vous avez le droit de me reposer maintenant… »

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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptySam 16 Fév 2019 - 9:07
Merrick Lorren l'avait écouté. D'une oreille certes quelque peu distraite, mais tout de même, l'effort était là. Or, l'analyse et la réflexion découlant des dires d'Estelle de Chantauvent durent attendre, car la distraction l'aspira dans une spirale de désirs et de vices qui oblitérèrent tout le reste. Fixant les lèvres de la jeune femme, qui s'animait et se mouvait pour livrer ses paroles, qui frisaient une honnêteté souvent repoussée entre les deux, la teneur de ses mots perdit leur sens, alors que la signification des phrases perdait en clarté et en netteté dans l'esprit du milicien. N'ayez aucun doute, ce n'était en aucun cas une mauvaise élocution de la tenancière qui venait rendre difficile ce passage d'information de l'un à l'autre. De fait, l'unique complication était l'appel de la tentation qui était revenu au galop. Ou plutôt, qui n'était jamais partie, flottante entre eu, et fluctuante certes, mais toujours présente. C'est ainsi appelé par son désir, que le couard prit son courage à demain et passa à l'offensive, plongeant vers les lèvres de la Chantauvent.

Il était temps de partir en guerre.

Profitant de l'effet de surprise pour éviter toute contre-offensive aussi douloureuse qu'infructueuse à sa conquête, le milicien resta alerte, aux aguets, prêt à décrocher de l'échauffourée à tout instant. Du moins, aux prémices de la bataille...Car alpagué par le flot tumultueux de la mêlée et par l'ivresse ainsi que l'exaltation du contact, l'homme d'armes en oublia sa stratégie, laissant aux oubliettes l'idée d'une attaque éclaire. Que cet accrochage se transforme en croisade, en guerre de longue haleine, qu'importe. L'adversaire était simplement trop fort, trop désirable, pour que ce ne soit qu'un vol, qu'un larcin de bas étage. Du moins le pensa-t-il pour un temps, goûtant à la douce caresse qu'il avait fomentée, s'abreuvant du rapprochement et de l'intimité de l'acte. Or, il ne fallait pas oublier que le preux chevalier ne l'était que pour un temps, alors que le milicien n'était au final, que piétaille bien peureuse face aux répercussions de ses agissements. Ainsi, Merrick Lorren se détacha de la duelliste de Chantauvent, contre qui il venait de ferrailler, pour le meilleur et pour le pire...

Était-ce la fin de la lutte pour autant ? Loin s'en fallait. Dès lors, Merrick devait s'activer pour expliquer son casus belli, pour définir les raisons l'ayant poussé à fomenter cet acte, cette attaque. Les agissements laissaient de nouveau place aux mots, phrases qui n'étaient en aucun cas faciles à prononcer, alors que le mensonge s'articulait derrière ces dernières pour tenter d'expliquer le jeu plutôt que l'inexplicable amour qui le tenait corps et âme. Se voilant la face, et faisant face à la tempête de ses émotions, Lorren tenta de circonvenir à Estelle en présentant cela comme le juste gain et apport à sa récompense qui aurait été moindre et insuffisante.

-''Une extraordinaire revanche.'' Ajouta-t-il, donnant du synonyme au mot ''belle'' qui lui semblait quelque peu dérisoire pour définir le délice du baiser. ''Si cela n'est pas une menace, est-ce l'invitation à une potentielle récidive...?'' Tenta le jeune homme, sans pour autant qu'une pointe de malice ou d'amusement ne viennent ponctuer ses dires.

Car, fronçant les sourcils, Merrick s'interrogeait. Il était évident qu'Estelle aurait eu le temps de mettre sa menace en action. Après tout, il se rappelait avec délectation du contact de ses mains sur son torse. Ainsi, le pied aurait dû avoir le temps de remonter jusqu'à son entrejambe pour le meurtrir. Oh, il ne désespérait aucunement de n'avoir été attaqué, c'était d'ailleurs bien évidemment le contraire, mais le jeune homme cherchait à comprendre. Est-ce que la rouquine...? Non, probablement que non. Mais pourtant, la rougeur de son visage, et les doigts qui s'égarèrent sur ses lèvres ne trahissaient-ils pas quelque chose de positif pour le milicien...? Et si, le jeu était arrivé à son dénouement ? Était-il l'heure de jeter à bas les masques ? C'est engoncé dans les entrelacs de cette question que Lorren s'apprêtait à se positionner sur ce qu'il ressentait, mettre un terme au jeu, sans pour autant que cette prise de position soit réfléchie. Or, ne il ne le put, alors que le duo fut dérangé par nul autre qu'Arthur, son coutelier et supérieur hiérarchique...

-''Heu...'' Ce n'était peut-être pas sa meilleure répartie, mais qu'aurait-il pu dire ? Après tout, il se savait en faute. Néanmoins, une part de son esprit se fit la remarque qu'il allait toucher deux mots à Marius... il était censé les couvrir, le bougre ! Laissant voltiger les premiers mots de son chef, l'ivrogne tentant de baragouiner une réponse avec un minimum de bon sens. Son visage devait renvoyer son exaspération de voir Arthur débarquer pour les déranger. Toujours est-il que la venue de son coutilier avait le mérite de lui permettre de remettre en ordre et de classifier les aléas de son esprit. Après tout, celui-ci était beaucoup moins entêtant et enivrant que sa tenancière... '' Je suis vraiment désolé, mais vo...''

Le jeune homme fut coupé par Estelle. En un sens, tant mieux, sachant qu'il n'allait nulle part et n'avait rien à dire pour se couvrir. Or, perplexe, il se demandait bien ce que pourrait bien dire son accompagnatrice. Il ne doutait aucunement de la haute qualité des répliques et de la répartie d'Estelle. Mais, que pourrait-elle dire ou faire pour convaincre Arthur d'épargner de sa fureur l'un des plus exécrables et indolent milicien de Marbrume ? L'écoutant l'aider, Merrick Lorren en perdit de sa superbe... ''...de Miratour ?'' murmura-t-il alors qu'il l'apprenait lui aussi. Dès lors, son esprit se permit de voguer sur les aléas du drame, tandis qu'il laissait la dame l'extirper du damne de son supérieur.

Merrick Lorren n'avait jamais imaginé que de Chantauvent était le nom de son défunt mari. Pour autant, là n'était pas le problème. Après tout, Estelle de Miratour sonnait aussi bien à ses yeux. Non, la nouvelle donnée qui venait le déranger était plutôt la notion de noblesse, si ce n'est de haute bourgeoise, qui découlait de ces appellations. En effet, l'ivrogne avait imaginé que la jeune femme avait épousé un simple milicien, comme lui. Prenant l'époux pour un fils de personne, il avait pensé à tort que le mariage n'avait point été consumé entre deux familles de même hiérarchie sociale. Où était le problème dans tout cela ? Et bien lui, Merrick Lorren, était bel et bien personne, un quidam de la plèbe. Comment pouvait-il espérer quelque chose d'une bourgeoise qui avait probablement et véritablement une demeure sur l'esplanade ? Mais surtout, pourquoi cela le heurtait et le touchait amèrement ? Après tout, il n'était qu'à la recherche de l'apaisement de son désir charnel pour Estelle, non ? Cette déconvenue dans la découverte marqua ses traits, lui donnant un visage long et grave qu'il n'avait pas l'habitude de présenter.

-''Non, ce n'est pas de sa faute !''
Tenta-t-il, reprenant contenance et pied dans la réalité. Futilité, broutille qui ne valut qu'un coup d'œil dédaigneux de son supérieur qui finit par n'en faire aucun cas. En quelque sorte, les savants mensonges d'Estelle de Ch... d'Estelle l'avait mis sur la touche. Dès lors, Merrick ne pouvait que réagir à ce qui arrivait, plutôt qu'agir. ''Oui monsieur, je connais le règlement...'' Répondit-il mécaniquement en regardant la rouquine partir, le quitter, sans qu'il ne puisse la retenir. Par la Trinité, que pouvait-il bien faire ? Il ne voulait pas la laisser aller maintenant ! La contemplant du regard, comme s'il pouvait la retenir seulement et simplement par sa volonté, Merrick Lorren fut le premier à la voir tomber, le premier à bondir à ses côtés, paniqués, n'ayant pas compris que cette dernière jouait son évanouissement.

-''Estelle !'' Proféra-t-il en proie à une panique hautement perceptible et discernable dans son ton de voix.

Bondissant jusqu'à elle, il se laissa glisser au niveau de son visage, avant de suspendre son aide, paniqué. Et si elle ne respirait plus ? Il ne pourrait pas... Bien vite, Arthur le rejoignit, réagissant avec une rapidité exemplaire. S'occupant de la retourner et de s'assurer qu'elle n'était pas passée de vie à trépas, ni qu'elle se moquait de lui en tentant de protéger son sous-fifre, Arthur prit sur lui de relâcher le condamner pour qu'il puisse amener la souffrante consulter. De toute façon, avant que l'ordre ne soit donné, Lorren avait pris dans ses bras la jeune femme, soulevant avec précaution celle qui ballotait comme une poupée inanimée. Avec une infinie douceur, encore en proie à la panique et à l'incompréhension de l'état de sa partenaire, le milicien soutint le cou de la rouquine, appuyant sa tête contre son épaule. Une main dans son dos, l'autre en dessous de ses jambes, la soulevant comme une jeune mariée.

-''Je vais le faire, ne vous inquiétez pas Arthur.''
Répondit-il, faisant fit des convenances, en ne respectant guère la hiérarchie en appelant son coutilier par son nom. Pour autant, le sérieux du regard du jeune homme et la lourde conviction de ses mots suffirent à surprendre, et à rendre muet de stupeur le gradé. Où était disparu le flegmatique Merrick Lorren, ne pouvait s'empêcher de se questionner le nouvel arrivant ? Puis tout bas, à l'intention seulement de celle qu'il croyait véritablement assommée : '' Je vais m'occuper de vous Estelle, je vous le promets.'' Poursuivit-il en déplaçant avec douceur une mèche de cheveux de sur son visage. ''Je ne vous laisserais pas tomber.''.

Ni une ni deux, le duo de milicien c'était mis à avancer, le plus jeune alourdit par la femme en tête. Derrière lui, il ne pouvait voir le regard intrigué et suspicieux de son compatriote. Concentré à éviter tout soubresaut inapproprié au corps inanimé de la tenancière, et focalisant son attention sur le visage de marbre de celle-ci, l'ivrogne faillit pousser une exclamation de surprise excessivement volubile lorsqu'il sentit la morsure du pincement sur son avant-bras. Se contenant de peine et de misère, Merrick comprit enfin le stratagème déployé par la rouquine. Ouvrant la bouche bêtement, il la referma tout aussi vite. Il espérait qu'elle garde les yeux fermés, qu'elle ne les entrouvre pas, alors qu'une rougeur s'agrippait à son visage. Lui, l'homme de marbre et au contrôle exemplaire de ses émotions venait de se perdre dans l'embarras de sa réaction devant la chute, de ses mots à celle qu'il croyait inconsciente, ainsi que des actions qu'il avait prise pour la soulever et la porter.

-''Non, gardez les yeux fermés. Il est juste derrière !'' Mentit-il en chuchotant, alors que son chef s’était éclipsé et que la rousse venait de chuchoter.

En quelque sorte, le mensonge qu'il venait d'offrir prenait racine derrière l'idée de ne pas la laisser découvrir qu'il était gêné -si elle ne l'avait pas déjà remarqué-. Par ailleurs, il fallait aussi avouer et affirmer que Merrick Lorren profitait de cette chance qui lui était offerte de tenir dans ses bras celle qu'il traquait à l'aide de ses charmes. Pour autant, croirait-elle dans ce mensonge ? Penchant la tête par-dessus celle de la dame de Chantauvent, qui avait la joue appuyée à son épaule et son visage vers son cou, le milicien marchait d'une démarche lente, plus ou moins en direction du temple. '' Vous m'avez fait peur, Estelle de Chantauvent.'' Commença-t-il en ronchonnant. ''Mais je n'ai pas eu besoin de chance, alors que je vous ai, vous... Merci.'' Termina-t-il, réellement épris de gratitude et attendri par le geste qui lui évitait une quelconque punition. Pour l'heure. ''Je vais vous devoir un service. Avez-vous une idée de ce que je pourrais vous offrir, en échange ?'' enchaîna-t-il tout bas, d'un ton dénué de sarcasme ou d'humour, la bouche non loin de son oreille enfouie sous la crinière à la couleur de feu, tentée de proposer lui-même la juste récompense à l'effort consentit.

Encore une fois, la tenancière de la Chope Sucrée était au plus proche de lui. Installé dans ses bras, Merrick ne pouvait empêcher de se dire qu'elle devait entendre les battements furieux de son cœur. S'abreuvant de l'ivresse que lui impactait sa présence, le milicien en profitait pour sentir le parfum qui lui était propre. Longeant la muraille de laquelle ils étaient descendus, le duo se retrouvait seul dans la rue. Cette fois-ci, ayant suivi un autre chemin pour retrouver le parterre, le duo se retrouvait du côté noble de la cité de Marbrume. Or, bien que le cadre soit idyllique, et que ses émotions soient toujours en proie à des fluctuations excessivement dangereuses pour son cœur, tout n'était pas rose pour autant dans son esprit.

En effet, ainsi installé, l'ivrogne, le va-nu-pieds qu'il était, était encore capable de repousser pour un temps la découverte de la noblesse de la dame de Miratour, mais aussi du rang social du défunt époux de Chantauvent. C'était comme si, alors qu'elle avait les yeux fermés -ou qu'il ne les voyaient pas ouverts-, Estelle était encore ''sa'' Estelle. Loin de la dure réalité qu'il pensait concevoir, celle qui faisait qu'il n'avait aucun lien commun. Il préférait pourtant ne pas s'appesantir sur cette déception. Car après tout, il n'était pas là pour l'amour de la belle...non ?

-''Je...je crois qu'elle ne respire plus ! Je vais devoir faire du bouche-à-bouche, chef !'' Quitte à s'enfoncer dans les mensonges concernant la présence du coutilier, autant en profiter, non ? Se penchant doucement vers le visage de sa partenaire, il s'arrêta à quelques centimètres de ses lèvres, lui laissant présager le pire -ou le meilleur- avant de se redresser brusquement. ''Ah non ! J'ai oublié que c'était une princesse...'' enchaîna-t-il joueur . '' Il faudrait donc un baiser amoureux pour la réveiller de son long sommeil... J'espère être le bon pour cette tâche ! '' Se penchant encore une fois au-dessus du visage de la jeune femme, Merrick déposa doucement ses lèvres sur le front de celle qui était ''inconsciente''. Une fois que cela fut fait, il la déposa tranquillement sur ses deux jambes laissant sa main traîner encore d'infimes secondes dans le dos de la tenancière de la Chope Sucrée.

-''Êtes-vous bien réveillé, Princesse ?''
Continua-t-il en lui offrant un sourire qui lui était plus coutumier que l'embarras précédent. ''Je me voyais mal vous voler encore un baiser sans votre consentement...'' Poursuivit-il en se frottant la nuque, évitant d'ajouter que ce n'était pas l'envie qui manquait. ''Il semblerait que nous avons été relâchés dans votre monde, mademoiselle.'' Dit-il en présentant d'un geste de la main les maisons cossues aux alentours. ''Que diriez-vous d'une petite promenade ? Je serais bien curieux d'aller voir où vous avez grandi ! '' voyait-elle au travers de son masque ? Comprenait-elle qu'il se demandait comment il pourrait rivaliser face à leur condition qu'il pensait les différencier et les impacter ? Comprendrait-il que ce questionnement était dès lors important pour lui, parce que le jeu avait été dépassé, parce qu'Estelle de Chautavent avait gagné ? Lui tendant le bras pour qu'ils continuent leurs pérégrinations, Merrick lui offrit un énième sourire.

-''Je m'en remets à vous pour le reste, Estelle.''

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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptySam 16 Fév 2019 - 13:49


Immobile, s’appliquant à se concentrer sur son ventre, Estelle avait appris à devenir la reine des mises en scène, enfant elle s’amusait beaucoup à faire ce genre de plaisanterie. Oh, cela n’avait jamais fait rire, ni Adrien, ni son père, ni sa mère, mais en agissant ainsi la cadette avait toujours de l’attention, toujours des regards sur elle et fallait-il bien admettre que ce petit jeu lui plaisait beaucoup. Aujourd’hui encore, ses compétences de comédienne semblaient avoir été particulièrement efficaces. Les membres particulièrement mous, se laissant ballotter en fonction des mouvements du milicien, elle conservait néanmoins une certaine emprise sur sa tête qui restait contre l’épaule de l’homme d’armes. Discrètement, ses doigts venaient effleurer son poignet, discrètement elle s’amusait à pincer sa peau, lui faire comprendre qu’elle allait bien. Avait-elle senti son rythme cardiaque s’accélérer ? Très certainement ? Avait-elle senti la pression sous ses muscles ? Très certainement aussi. La dame de Chantauvent avait été touchée par la réaction, ne s’était elle pas attendue à autant de sincérité, autant d’inquiétude, avait elle-même très certainement culpabilisé un peu.

Merrick avait fini par se déplacer, les yeux fermés, Estelle était bien incapable de déterminer la direction que l’homme prenait, les idées qui pouvaient lui traverser l’esprit ou la présence et non présence du responsable. Il lui avait dit de conserver les yeux fermés et elle l’avait fait docilement. Prise à son propre piège, prise à son propre petit manège, la rousse n’était pas en mesure de comprendre quand la manipulation devait s’arrêter, elle était entièrement dépendante des indications de son milicien, à tel point qu’elle n’était plus très à l’aise vis-à-vis de la situation. Estelle pouvait sentir son emprise sur elle, ses doigts le long de son corps, sa force dans les avant-bras, oui elle était en mesure de visualiser parfaitement ce qu’elle n’aurait jamais dû visualiser. Pire, elle en arrivait même à apprécier cette proximité qui, n’arrêtait-elle pas se répéter : ne devait plus jamais se reproduire.

Estelle avait perçu le ralentissement de la marche, ses sourcils s’étaient légèrement froncés alors qu’elle était incapable de savoir si oui ou non, elle pouvait bouger, communiquer, ou si elle était toujours dans l’incapacité de démontrer quoi que ce soit. Merrick était venu enfouir presque sa tête dans sa longue crinière rousse, murmurant à son oreille quelques paroles, quelques murmures. Il était inquiet, elle l'avait inquiété et sans pouvoir réagir la rouquine ne savait guère quoi trop lui répondre, il admit par la suite avoir eu de la chance qu’elle soit là, puis propose une récompense. Récompense. Merde. Ça, c’était une mauvaise idée, très mauvaise idée. L’homme d’armes avait néanmoins poursuivi sa progression, ballottant dans ses bras la tenancière de la chope sucrée. Ce ne fut qu’après un sacré moment que la jeune femme sentie que le duo c’était immobilisé, peut-être même était-elle installée sur le sol avec lui ? Alors qu’elle avait ouvrir les yeux, elle fut repris par une phrase qui ne s’adressait pas à elle, mais à son chef ?

Fronçant les sourcils, elle avait dû légèrement contracter ses muscles, signe de cette petite contrariété qui l’animait, Merrrick était un adversaire coriace qui ne perdait définitivement pas le Nord. Elle sentit son visage s’approcher, puis se reculer, puis ne put retenir un sourire alors qu’elle comprenait qu’il l’a manipulait lâchement avant de déposer ses lèvres sur son front et de lui rendre son autonomie. Debout, immobile, Estelle détaillait Merrick et son sourire, laissant ses yeux s’acclimater de nouveau à sa vision, elle ne savait plus trop comment réagir, n’était plus capable de définir quand il jouait ou quand il ne jouait, quand elle jouait et quand elle ne jouait pas. Se pinçant les lèvres, elle n’avait pas pu s’empêcher de penser qu’elle aurait apprécié ressentir une nouvelle fois ses lèvres contre les siennes, sans pour autant le formuler. Le milicien s’aventura ensuite sur un terrain très glissant, prétendant qu’ils étaient du côté de son monde. Son monde ? Qu’est-ce que cela signifiait exactement ? Fronçant davantage les sourcils, la rouquine n’avait néanmoins pas pu s’empêcher de glisser sa main sous son bras.


- « Premièrement Merrick, vous me décevez, il me semblait que le goût du risque était quelque chose d’inné chez vous… Je sais à présent qu’il n’en est rien » piqua-t-elle gentiment en laissant son regard s’attarder sur ses lèvres avant de remonter à ses yeux « Deuxièmement, monsieur Lorren, il me semble que depuis la fange, il n’existe que deux mondes, celui des hommes et des monstres, si vous estimez que je ne vais pas parti du votre alors… Dois-je comprendre que je vous fais penser à ses horribles créatures ? »

Elle laissa un léger silence s’installer, un brin pensive, la rousse essayait néanmoins de comprendre ce qui semblait tourmenter son interlocuteur. Il voulait qu’elle lui fasse visiter le lieu où elle avait grandi et Estelle n’était pas très à l’aise avec ce fait, elle ne s’était jamais considérée comme une privilégiée. Pour autant, ses pas avaient fini par se mettre en marche, d’une lenteur sans pareille, l’esplanade avait changé, oui, beaucoup plus rempli qu’avant, beaucoup plus surchargé, peut-être même que l’ambiance lui donnait la sensation d’étouffer, comment pouvait-on encore se fondre de nos jours dans cette forme d’opulence et de privilège ?

- « Qu’est-ce que vous voulez savoir Merrick ? » souffla-t-elle alors qu’elle traversait une petite ruelle.

C’était beau, magnifique même, il fallait l’admettre, les demeures agréables à l’œil, l’herbe verte. Le silence plaisant, pour autant désagréable à l’oreille de la tenancière. Silencieuse, elle avait fini par continuer par avancer encore un peu, jusqu’à s’arrêter devant une demeure imposante, avec des grilles protectrices. Impossible d’y entrer, un couple d’étrangers y vivait désormais.

- « C’est là » souffla-t-elle « Adrien à fait le choix de la louer, il a choisi une femme du peuple, ne sommes-nous finalement pas bien différent » murmura-t-elle « J’ai grandi ici, j’ai fait mes premiers caprices ici, mes premiers faux malaises aussi. » Poursuivit-elle en le lâchant pour croiser ses bras sous sa poitrine « Je suis la cadette de deux enfants, nous avons six ans de différences avec Adrien. »

Estelle ignorait ce que Merrick voulait savoir, aussi essaya-t-elle de rester le plus simple possible, la plus large possible dans les informations qu’elle lui livrait.

- « Mon père était un forgeron de renom, ma mère une couturière des grandes dames. Mes parents aspiraient toujours à plus, la réputation a fini par prendre et on s’est installé ici avec les grands de notre ville. » elle lâcha un soupir « [color=#ff99ff]On n’avait pas à se plaindre, on avait ce qu’on voulait dans l’instant de notre caprice, on pouvait se rendre au grand événement, dialoguer avec des personnes qui ne savaient même pas ce que la faim pouvait signifier, je ne le savais pas non plus d’ailleurs. »

Pour autant, cela ne lui avait jamais plus, n’avait-elle jamais été à tous les grands évènements, avait-elle toujours passé la plupart de son temps dans les autres quartiers, avait-elle caché à ses amis son nom, avait-elle refusé une multitude de fois de se lier à qui que ce soit de la noblesse. Pour autant, conserva-t-elle tous ses aspects sous ses silences, laissant simplement son regard qui s’assombrissait détailler les contours de cette demeure qui ne lui rappelait pas forcement que des bons souvenirs.

- « C’est tout Merrick, il n’y a rien de plus à savoir, ou à dire, rien de très croustillant, navré de vous décevoir. » souffla-t-elle simplement.

Aurait-elle pu le rassurer, lui expliquer qu’elle n’était qu’Estelle de Chantauvent, tenancière de la chope sucrée qui aimait rire, s’amuser, jouer, observer ses clients, danser, agir stupidement parfois, offrir de la soupe dans les bas quartiers. Cependant elle n’en fit rien, conservant un silence qui en devenait presque douloureux. Secouant doucement la tête, laissant un énième soupir s’échapper de ses lèvres, elle avait fini par glisser sa main dans la sienne, l’entraînement beaucoup plus loin d’un pas plutôt rapide, relevant de son autre main les plis de sa robe pour éviter toute glissade malencontreuse.

- « Suivez-moi. »

Aucune gêne dans son action, Estelle venait d’avoir soudainement une idée, une envie, elle l’entraîna sagement dans les petites ruelles au pavé impeccable, contournant le jardin ducal jusqu’à se glisser entre deux buissons, tout en déposant un doigt sur ses lèvres pour lui indiquer de faire silence. Le couple avait fini par se déplacer à l’intérieur du labyrinthe de plantes avec une aisance qui laissait entendre qu’Estelle le connaissait par cœur. Pour autant cela faisait plus d’une année qu’elle n’y avait pas mis les pieds, pourtant ses souvenirs de petites filles semblaient particulièrement présents. Après un long moment, alors que Merrick devait avoir l’impression d’être complètement perdu elle s’arrête devant une des multitudes fontaines du lieu, l’eau était gelée, signe que la température n’était pas très chaude, escaladant le banc qui se trouvait juste devant, elle déposa ses mains sur les épaules de Merrick pour le faire pivoter de façon à ce qu’il lui tourne le dos, puis glissa ses doigts devant ses yeux. Se penchant légèrement elle vin lui murmurer à l’oreille dans une certaine douceur.


- « Imaginez l’odeur des fleurs, de l’herbe fraîchement coupé, imaginez le rire des couples qui viennent se perdre ici à l’abri des regards, imaginez Merrick, laissez-vous saisir par le lieu, fermez les yeux » un souffle simplement, un murmure d’une infinie douceur « Imaginez le bruit de l’eau de la fontaine derrière nous, imaginez la beauté du lieu avec une multitude de fleurs, d’odeur, d’insecte aussi… »

S’assurant que Merrick jouait bien le jeu en fermant les yeux, elle était descendue de son perchoir, pour venir se glisser devant lui, elle lui avait murmuré de conserver ses yeux fermés, le menaçant avec fermeté si jamais il osait ouvrir les yeux. Elle attrapa ses mains pour les glisser sur ses hanches, insistant bien sur son interdiction d’ouvrir les yeux, la rouquine relâcha son emprise sur les mains de Merrick, elle glissa ses bras autour de son cou à lui, alors qu’elle se hissait sur la pointe des pieds elle était venue coller ses lèvres à celle de Merrick, volontairement et en pleine possession de sa conscience. Lentement elle avait laissé ses doigts s’enfouir dans sa chevelure sombre, puis glisser le long de son cou, pour laisser ses mains encadrer son visage.

L’échange fut beaucoup plus doux et tendre que les précédents, sa bouche ne s’était entrouverte qu’après un petit instant, sa langue était venue caresser celle de son milicien avec une timidité nouvelle, alors que lentement ses mains abandonnaient son visage, pour se retrouver sur ses épaules, pour maintenir son équilibre encore précaire. La baiser fut petit à petit plus gourmand, plus intense, sans pour autant se faire plus violent, puis après un temps qui sembla trop court –et pourtant qui fut beaucoup plus long que l’impression-, elle abandonna l’échange, reste non loin de lui, les joues encore un peu roses.


- « Vous me plaisez Merrick Lorren » fit-elle spontanément « Vous en faites ce que vous voulez, jouer ou non, plaisir ou non-plaisir, mais vous me plaisez monsieur Lorren, c’est stupide, particulièrement stupide n’est-ce pas ? Oui je sais… Mais vous me faites du bien, un peu, alors si ça vous arrange oubliez cette information si ça vous arrange faites comme si je n’avais rien dis… Et pour le reste, je vous assure de ne pas vous passer la corde au cou… Je suis de toute façon convaincue que votre intérêt pour moi s’envolera aussi rapidement qu’il est arrivé n’est-ce pas ? »

La réponse n’avait pas besoin de réponse, elle n’en attendait de toute façon par réellement, à quoi bon confirmer ce qu’elle savait déjà. Étirant ses lèvres dans un sourire un peu maladroit, un peu nerveux aussi, elle avait passé une main dans sa chevelure. À quoi bon actuellement renoncer à ses envies, la fange était là, la mort était omniprésente, il était grand temps de vivre un peu et si la souffrance venait ce joindre à la danse n’en serait-elle que plus agréable encore.

- « J’ai hâte de faire votre connaissance monsieur Lorren, de découvrir qui est l’homme derrière le séducteur, qui est l’âme derrière cette apparence enjôleuse, qui êtes-vous réellement, Merrick Lorren, fils de fermier qui n’a jamais vraiment aimé ça ? »

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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyLun 18 Fév 2019 - 5:29
-''Ou alors, est-ce moi le monstre et vous l'humaine ? Je serais donc l'horrible créature essayant de vous attraper et vous la fuyarde qui tente de s'esquiver.'' Commença-t-il en réponse, perdant sa main dans sa barbe, tandis qu'il réfléchissait. ''Qui finirait par remporter la traque, pensez-vous ? Le fangeux que je suis, prêt à tout pour vous faire mienne, ou la sublime femme que vous êtes, œuvrant pour ne pas tomber dans mes bras ?'' Puis après quelques secondes de silence, il enchaîna malicieusement : '' Je voulais parler de mes griffes, et non de mes bras, évidemment.''

Estelle de Chantauvent venait de quitter les bras de Merrick Lorren. Retrouvant enfin le droit de parole qui lui avait été enlevé alors qu'elle se risquait à jouer l'inconscience pour protéger l'homme d'armes, la jeune femme était déjà repassée à l'attaque à l'aide de ses mots. Merrick ne perdait pas le nord ? Estelle non plus, c'était évident ! Souriant avec malice à ses paroles, répondant rapidement, il haussa les épaules lorsqu'elle lui mentionna qu'elle était déçue qu'il n'aille pas été assez ambitieux envers le risque. Une petite moue orna son faciès lorsqu'il entendit ces mots. Ainsi, il aurait put -et peut-être du- l'embrasser à nouveau ? Ce n'était pas l'envie qui avait manqué...

-''Je vous rappelle que vous m'avez menacé la dernière fois que j'ai fait preuve d'audace. Maintenant vous désespérez de ne pas me voir récidiver en mentionnant votre déception ? Vous êtes dur à suivre, Princesse !''

À l'écoute des dires du jeune homme, il était possible d'affirmer que tout allait pour le mieux, que le jeu guidait encore le débat et les échanges entre eux. Or, il serait réducteur de penser et de présumer que tout s'articulait autour de cela. Car les mots qu'il prononçait tentaient de cacher les maux qui l'assaillaient. Son regard était surement moins pétillant, son sourire certainement moins grand qu'habituellement. L'idée que sa tenancière soit une noble, qui fut mariée avec un autre membre de cette espèce quelque peu à part de la société, venait le mordre directement au corps et au cœur. Cela était étrange et étonnant pour celui qui n'était guère habitué à ce genre d'émotion, alors qu'il pensait qu'uniquement chercher la complaisance dans les bras de la rouquine.

Ainsi, pour son propre bien, ou plutôt par frayeur de découvrir la raison de ce tourment, il tentait de repousser le malaise qui l'étreignait. Par ailleurs, l'ivrogne tentait aussi de se convaincre qu'il faisait cela pour la soirée, pour ne pas impacter ce rendez-vous qui était hautement délectable. Depuis combien de temps Lorren n'avait-il pas autant profité de son existence sans être impacté par l'ivresse ? Dur à dire, mais il était évident que cela faisait longtemps. Au final, peut-être qu'Estelle de Chantauvent était encore plus exquise et enivrante que la boisson ? Ensemble, il avait commencé à se mouvoir, alors que la jeune femme avait accepté le bras du jeune homme.

-''Qu est ce que je veux savoir ?'' Dit-il en répétant lentement les mots de sa partenaire. Cette question était évidente, et si simple à répondre. Merrick Lorren voulait savoir s’il pouvait l'embrasser là, maintenant. Il se demandait vers quoi ils se dirigeaient, qu'est-ce qui les attendait. Il aurait aimé comprendre ce qui le meurtrissait, pourquoi il se sentait aussi désuet face à la noble de Chantauvent et puis, il s'interrogeait sur l'intérêt qu'il avait pour elle, ce qu'elle pensait, ce qu'elle voulait et désirait. Il voulait aussi savoir si elle accepterait une seconde escapade, et pourquoi pas une troisième. Si Estelle appréciait sa soirée, si elle ne faisait pas d'effort, si ils étaient encore sur la même longueur d'onde concernant le jeu, si c'était le début ou la fin de quelque chose. Et puis, valait-il mieux trouver des réponses ou poser des questions ? Fallait-il lâcher prise ou combattre et lutter pour ne pas tomber, pour ne pas chavirer ?

Bref. Cette question était évidente et simple à répondre...non ?

Engoncé, enfermé dans un silence méditatif, Merrick se laissa guider par la cause de l'ensemble de ses interrogations. Le duo s'arrêta enfin devant leur destination. C'est la tête penchée vers l'arrière pour apercevoir la demeure dans son ensemble et la bouche entrouverte devant le faste de la maison que Lorren découvrit le lieu où Estelle avait grandi. Cette résidence était drastiquement différente de la mensur familiale où lui-même avait été élevé et où il avait vécu toute sa vie ! Frappé et à la fois choqué par la découverte, s'enfonçant encore et toujours plus dans un marasme qui pouvait être perceptible sur son visage, il écouta d'une oreille attentive les phrases déclamées par la tenancière. Tandis qu'elle commençait à s'ouvrir sur sa jeunesse, Estelle lui lâcha le bras. Merrick eut l'étrange sensation de la voir s'éloigner encore plus. Il n'était plus question d'une quelconque promiscuité physique, et les réminiscences de son enfance la distançaient du simple milicien qu'il était. Du moins, à ses yeux et dans son esprit...

-''Vous ne m'avez encore jamais déçu...'' Ne put-il que formuler à la fin de sa tirade, lui offrant un petit clin d'œil. Pour autant, le cœur n'y était pas, alors que les dires de la jeune femme venaient de creuser une sorte de fossé entre eux. Il n'avait pas compris que cette existence n'était en aucun cas une complaisance et un élément de plénitude pour celle-ci. Il finit par pousser à son tour un soupir, levant une main en direction de sa chevelure, avant de suspendre son geste et de la laisser choir. À quoi bon, après tout ?

Lorren fut surpris de sentir la main de la femme à la chevelure de feu venir se glisser dans la sienne. Avant qu'il ne puisse proférer un mot, elle l'invita à le suivre, ponctuant sa tirade en se mettant en mouvement. Interdit et interloqué durant un bref moment, le milicien finit par enserrer les doigts de sa partenaire. Peut-être un peu trop fort, mais était-ce en quelque sorte un moyen de s'assurer qu'elle ne le fuirait pas. Du moins, pas encore. Se laissant guider, il fut étonné de la voir les mener dans un buisson. Que mijotait-elle ? Piqué par la curiosité de la chose, l'homme d'armes retrouva le sourire en coin qui le caractérisait. Il hocha tout simplement la tête pour lui assurer qu'il garderait le silence.

Complètement perdu, Merrick comprit tout de même qu'ils se trouvaient dans les jardins du duc. Laissant la rouquine le guider, il se permit de laisser vagabonder son regard sur les alentours, sur les plantes et buissons qui décoraient l'endroit. Le tout s'agençait avec harmonie, rendait le lieu aussi charmant et idyllique que la muraille quittée précédemment. Et puis, ici, le duo semblait un peu plus à l'abri des regards. Enfin, ils arrivèrent en un lieu un peu moins labyrinthique et plus dégagé. Là, au centre de la sorte d'alcôve formé par la végétation avoisinante se trouvaient de nombreuses fontaines dont l'eau était gelée par la fraicheur de la saison. Laissant la dame de Chantauvent jouer selon les règles de son jeu, il la regarda monter avec amusement sur le banc qui se trouvait là. Puis Lorren fut forcé à se retourner. Acceptant cette énième restriction docilement, il finit par perdre la vision lorsque les doigts de la jeune femme vinrent lui voiler les yeux.

À la perte de son sens de la vue, il se concentra sur son ouïe, écoutant attentivement ce que lui disait Estelle. Joueur de nature, Lorren ne savait pas trop où elle voulait en venir, mais il se prêtait aux règles qu'elle mettait en place. Sentant son souffle non loin de son oreille, ainsi que le son doucereux de sa voix, l'ivrogne en eut un frisson qui remonta le long de son échine. Acceptant d'imaginer ce qu'elle lui présentait, osant laisser son esprit vagabonder dans un monde qu'il n'avait jamais vu, jamais connu, le milicien s'abreuva de cette ''vision'', donnant le plus de clarté possible à la pensée. Toutefois, il se permit une digression, un ajout à la resplendissante peinture que peignait la tenancière dans son imaginaire. Ainsi, en plus des fontaines qui crachait une eau cristalline, avec l'été qui battait son plein et le décor floral extraordinaire, il la vit-elle, Estelle de Chantauvent, en face de lui, souriante et belle à s'en damner. De fait, la scène n'en était que valorisée.

Couplé à cela, il la sentit passer devant lui, l'entendit le menacer s'il trichait. Hésitant, tenté d'ouvrir les yeux pour voir cette possible punition, Merrick se retint. Pourquoi ? Un pressentiment lui soufflait qu'il serait vainqueur à l'écouter. Elle lui prit les mains, déposant ces dernières sur ses hanches. Sans la moindre hésitation, il s'y tint fermement, la rapprochant tout naturellement de lui, goûtant avec satisfaction à ce geste. Sentant les bras de la jeune femme venir s'enrouler autour de son cou, Lorren comprit où tout cela menait. Pour autant, il ne tricha point, gardant les yeux fermés, allant même jusqu'à serrer un peu plus fort des paupières pour éviter de ne pas avoir accès à la douceur de ce qui allait arriver. Dès lors, les lèvres d'Estelle de Chantauvent revinrent trouver celle de Merrick Lorren.

S'abandonnant dans l'échange, goûtant aussi bien au contact de ses mains dans son cou, puis dans ses cheveux, qu'au baiser en lui-même, le milicien ne laissa pas ses doigts cloisonnés au niveau des hanches de sa tenancière. Alors qu'une main remontait tranquillement le long du dos de celle-ci, pour aller se perdre dans sa crinière qui l'attirait plus que de raison, la seconde descendit jusqu'à la cambrure de ses reins, s'arrêtant à la limite de ceux-ci. En proie au désir ardent de l'acte, mais goûtant aussi à la douceur de l'échange, le jeune homme répondit avec envie au baiser. La laissant mener la danse, vivant cette tension qui l'habitait et transportée par l'action, la flamme de la passion finit par prendre le relais. Ce qui avait été plus doux devint plus insistant, amenant les agissements à prendre le pas sur la pensée. Leurs langues se rencontrèrent réellement pour la première fois, partant à la découverte l'une de l'autre avec timidité. Finalement, enfin ou malheureusement, Estelle mit un terme à l'échange, mais ne s'éloigna pas pour autant. Celle-ci prit la parole. Là-dessus, Merrick ne la laissa en aucun cas quitter ses bras. Elle s’était enfermée d'elle-même dans cette étreinte, il allait décider quand il voudrait la relâcher. Ouvrant enfin les yeux, il contempla le visage de la jeune femme, lui offrant un sourire pas tout à fait identique à celui d'habitude...

-''Vous me plaisez aussi depuis le premier regard, Estelle de Chantauvent. Mais ça, vous le saviez déjà. Vous trouvez cela stupide que nous soyons intéressés l'un par l'autre ? Pourtant, moi je le vis très bien. Merveilleusement bien...'' Continua-t-il en soulevant l'une de ses mains, et laissant doucement effleurer du pouce la lèvre inférieure de la rouquine, pour faire référence à leurs baisers. '' Je n'oublie aucune information lorsqu'il est question de vous. Par exemple, n'aviez-vous pas dit que je perdrais mes dents avant d'avoir quoi que ce soit ?'' Finit-il tout d'abord, avec la pointe d'amusement qui le caractérisait.

Il croyait en avoir terminé avec sa réponse. Or, inconsciemment, sans réfléchir, il enchaîna. Merrick en ressentait le besoin, sans chercher à s'expliquer. '' J'ai toujours fonctionné, agis, avec l'idée que la personne qui ne tente rien n'a rien. Pourquoi en serait-il autrement ici ? Osez agir et lutter pour ce que vous voulez, pour ce que vous désirez, Estelle...'' Qu'essayait-il de lui faire comprendre ? Quel sous-entendu se glissait-il derrière ces mots ? Lui-même ne le savait pas vraiment. Du moins, il s'évertuait à le penser.

Puis, avec beaucoup moins de contrôle dans sa voix, plus rapidement que précédemment, et évitant son regard lorsqu'il répondit au possible envol de son intérêt pour elle: ''Je ne suis pas un beau salopard pour rien. Néanmoins, vous semblez avoir le tour avec les membres de mon espèce. Vos charmes et votre répartie me plaisent énormément... alors pourquoi cet intérêt s'essoufflerait rapidement ? Ce n'est pas qu'un appel charnel, après tout...''

Gêné suite à ses mots, le milicien alla perdre son visage dans les boucles rousses de la chevelure de la dame de Chantauvent, les mains perdues dans son dos, le front allant s'appuyer sur son épaule droite. Merrick Lorren prenait ses aises ? Complètement. Toujours est-il qu'il ne voulait pas parler d'une relation amoureuse. Du moins, pas encore. Et puis, il ne le méritait pas, lui celui qui risquait d'abandonner à nouveau ceux qui comptaient vraiment pour lui... Mieux valait se convaincre qu'Estelle de Chantauvent n'était pas aussi importante que cela. Car, s'il s'interrogeait réellement sur ses sentiments, si le milicien se rendait compte de la place de plus en plus prononcée que prenait la jeune femme sur et dans sa vie, il prendrait peur. Effrayé de l'abandonner, en proie à la terreur de ne pas être là pour elle, de ne pouvoir accomplir son devoir. Non. Mieux valait repousser cette idée, il le valait mieux pour elle et pour lui.

Pour autant, Lorren n'estimait pas qu'elle n'était qu'un simple passage éclair, qu'un appétit à combler avant de partir et de repartir en chasse. Il se plaisait à ses côtés. Aussi longtemps que cela serait le cas, pourquoi irait-il ailleurs ? Proche de son oreille, il murmura la suite avec une pointe d'humour: ''Est-ce que cela fait de moi le vainqueur du jeu ?''

S'éloignant d'elle, la libérant de l'emprise de ses bras, il se laissa choir sur le banc en arrière. La concupiscence qui l'habitait et l'animait désormais n'était pour autant pas complète. Il avait besoin de se rassurer. Cette fois-ci, il était prêt à s'ouvrir. Du moins, un peu. Merrick l'invita d'un geste de la main à s'assoir avec lui sur le banc. ''Merrick Lorren n'est véritablement qu'un piètre milicien et que le fils d'un piètre fermier. Alors que vous êtes...'' Dit-il désignant nébuleusement les alentours. Tentant de faire référence à l'opulence de l'esplanade et de l'endroit. Essayant de la désigner comme une noble, ou du moins une bourgeoise. ''...Alors que vous êtes beaucoup plus.''

C'était difficile à avouer pour lui. Ardu de s'ouvrir sur ses faiblesses, sur les pensées qui le tiraillaient et le hantaient. Après tout, il ne fallait pas oublier que Lorren n'était pas le genre d'homme à confesser ses craintes, aussi futile soit-elle. Jamais il n'avait parlé de ses peurs, de la teneur et de la cause de ses cauchemars. Évidemment, l'ouverture qu'il fit preuve pour sous-entendre que le rang social de la jeune femme était quelque chose qui l'impactait était bien moindre, comme frayeur, comparativement à la pléthore d'autres qui le formait en temps qu'individu. Pour autant, c'était déjà plus que tout ce qu'il n'avait jamais fait. Beaucoup plus. Évitant son regard, il se passa une main dans les cheveux. Merrick Lorren était maître de son image bon sang ! Qu'il haït se fragiliser de lui-même, s'ouvrir sur les doutes et les peurs qui le consumaient ! En quelque sorte, qu'il le fasse signifiait beaucoup...

-'' N'ayez pas trop hâte. J'ai le pressentiment que vous serez déçu par la découverte...'' Dit-il en baissant la tête vers le sol. Il en avait trop dit. À quoi jouait-il bon sang ? C'était ça son problème. Aimant tellement parler et proférer son babillage intempestif, il se perdait dans la brèche qu'il ouvrait sur ses émotions. Merrick ne voulait pas s'attarder sur cela. Après tout, son passé était trop douloureux. Et puis, si la rouquine apprenait sa couardise, l'abandon de sa famille devant la fange, elle ne le regarderait plus de la même façon. Ne le regarderait-elle peut-être tout simplement plus...

Retrouvant un peu de sa superbe, s'approchant de la tenancière, qu'elle soit restée debout ou qu'elle se soit assise à ses côtés. ''Que m'offre le fait que je vous plais, Estelle ?'' Question logique et hautement intéressante. '' Un sourire de temps en temps, ou bien un baiser lorsque l'envie vous prend ? Une liberté d'action sans menace de rencontrer Brigitte, ou une épée de Damoclès au-dessus de tous mes mots et tentatives ? Un affichage public ou une complaisance secrète ? Que désirez-vous réellement et vraiment de cela, de moi ?'' Franc, droit au but et direct à la Merrick Lorren. ''Peut-être devrais-je faire plusieurs tentatives, plusieurs tests pour le découvrir sur le terrain...''

Se penchant, il déposa ses lèvres sur la joue, à la commissure des lèvres de la jeune femme. ''Cela semble acceptable. Mais pour le reste ?''








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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyMar 19 Fév 2019 - 22:24


Lèvres contre lèvres, bouche contre bouche, sensation étrange, agréablement presque douloureuse. La Chantauvent s’abandonne, réellement pour la première fois, elle laissait les doigts de Merrick parcourir sa silhouette, longer ses côtes, appuyer derrière sa nuque, se perdre dans sa chevelure rousse. Ses propres mains font de même après tout, parcourent ses mèches rebelles, l’arrière de son cou, la naissant de son épaule. Elle s’imprègne de son goût, de sa manière de faire, de cet apprivoisement mutuel aussi agréable qu’inconscient. Les yeux fermés elle laissa son imagination vagabonder un instant, avait-elle peut-être envie de plus, elle qui connaissait déjà les joies du mariage et les relations qui pouvaient en découdre, pour autant, aussi plaisant soit l’échange, il avait fini par trouver une fin, sans qu’elle ne puisse se défaire des bras protecteurs de l’homme d’armes. Estelle n’avait pas la sensation d’étouffer ni envie de se débattre ou de fuir, elle savait qu’ici c’était un endroit calme, un endroit un peu perdu où tout était possible sans qu’un œil indiscret ne vienne déranger qui que ce soit. Honnête, elle avait fini par l’être dévoilant un peu son état d’esprit et sa stupide naïveté. Il fallait l’admettre, elle avait toujours eu un goût prononcé pour l’interdit, pour ce qui n’était pas pour elle, pour les défis qui ne peuvent être atteints. Finalement n’était-ce peut-être bien qu’un jeu, un jeu où elle perdrait une multitude de plumes. Lucide, certainement trop pour l’instant présent, elle avait fini par étirer ses lèvres, par l’écouter.

Merrick avait déposé son pouce sur sa bouche, effleurant les craquelures du froid sans qu’elle ne s’en offusque. Elle l’avait embrassé, elle l’avait enlacé, elle l’avait testé sans aucun doute possible et maintenant ? Maintenant il lui parlait de sa première menace, avant de sous-entendre qu’elle devait se battre pour obtenir ce qu’elle voulait et inconsciemment la rouquine avait simplement détourné les yeux, persuadée qu’il n’avait même pas conscience lui-même de la fin de cette relation. Parce qu’elle ne serait pas belle cette histoire, elle ne finirait pas bien et l’un des deux finiraient sans aucun doute avec un cœur un peu moins beau et tendre à la fin. Néanmoins, elle n’en dit rien, préférant ne pas y penser, préférant peut-être oublier ce détail, cette finalité qu’elle voulait juste repousser encore un peu, un tout petit peu. Elle conserva un sourire, laissa ses doigts ébouriffer sa chevelure foncée avant de suspendre son geste à sa dernière parole. Ce n’était que charnel. Était-ce à cause de ses pensées négatives qu’elle comprit mal le sens de la phrase, ou avait-elle au contrairement parfaitement compris ce qu’il venait de dire ? Ce n’était que charnel se répéta-t-elle une deuxième fois, puis une troisième avant de retirer sa main.

Silencieuse, immobile, elle ne l’avait pas repoussé, savourant le contact de son visage dans les boucles de sa chevelure, savourant pleinement la proximité de ses mains sur sa peau, ce rapprochement, sincères, ou réalisées par intérêt elle ne savait guère. Passant ses mains autour de lui, elle avait émis cette légère pression, cette légère envie d’être là, de vouloir être là. Néanmoins la phrase était douloureuse, néanmoins cette évidence qu’elle avait pourtant acceptée lui provoque ce premier petit pincement maladroit. Il avait raison, ce n’était que charnel après tout, il n’avait pu que dire ça de toute manière. Il l’avait questionné sur sa réussite du jeu, sur le vainqueur de ce petit amusement et tout en s’éloignant d’un pas de lui –puisqu’il l’avait libéré- elle se contenta d’oser légèrement les épaules. Avait-il voulu être honnête et transparent, alors elle piqua, peut-être maladroitement, peut-être pour savoir si ça lui ferait mal à lui aussi.


- « Notre jeu n’est pas fini Merrick, je pense que le perdant sera celui qui développera des sentiments. Nous n’en sommes pas là après tout, comme vous l’avez justement souligné. Ne criez pas victoire trop vite, l’attachement peut s’envoler aussi rapidement qu’il survient, peut-être serais-je la première à trouver nos échanges lassants ? »

S’installant sur le banc, elle laissa un nouveau silence s’installer, alors qu’elle l’avisait évoluer plus loin, sans savoir quoi dire ou formuler de plus. Merrick semblait avoir envie de parler, d’échanger, si bien qu’elle préféra se taire pour écouter, réellement sans l’interrompre, sans rien rajouter, dans ses hésitations ou non. La rouquine n’avait pas pu s’empêcher de froncer les sourcils, de le détailler soudainement avec ce brin d’incompréhension, qu’est-ce qu’elle était ? Beaucoup plus que quoi ? Cela ne l’amusait pas de jouer aux devinettes, surtout pour essayer de comprendre ce genre de stupidité. Prenant une inspiration, elle n’avait pas pu s’empêcher de réajuster.

- « Merrick, ne soyez pas stupide voulez-vous, je suis tenancière d’une auberge, rien de plus. » Siffla-t-elle avec cette voix qui trahissait son agacement « J’ai deux bras, deux jambes, un torse, je ris comme vous, je parle comme vous et pire si vous voulez tout savoir il est possible que j’urine même de la même manière, c’est fou n’est-ce pas ? »

Ses mains s’étaient mises à gesticuler autour d’elle, il était évident qu’elle n’allait pas uriner comme un homme, mais l’image l’amusait beaucoup. Et puis, il avait fini par dire qu’elle finirait pas être déçu, sans parvenir à comprendre de quoi exactement ? Avait-elle peur de ne pas comprendre, avait-il peur de la blesser ? Avait-il peur qu’elle ne prenne pas suffisamment conscience des risques en s’engageant dans une ‘’’’relation’’’’ aussi surprenante ? Elle était grande pourtant, et ce fut naturellement qu’elle passa une main nerveuse dans ses boules rousses. N’eut-elle cependant pas le temps de répondre que le milicien avait fini par se rapprocher, osant poser des questions auxquelles elle n’avait même pas encore songé. Debout face à lui, la jeune femme l’avait laissé encore s’approcher, jusqu’à sentir sa bouche sur la commissure de ses lèvres, sans pouvoir s’empêcher d’étirer un sourire, le repoussant du bout des doigts, elle avait fini par reprendre la parole.

- « Pour commencer, monsieur le tentateur Merrick Lorren, il y a plusieurs points à noter. Je ne sais pas pourquoi vous avez si peur que je vous découvre, ou que je sois déçu » elle roula un peu des épaules « Nous avons tous nos défauts et nos qualités, chaque décision est prise pour une raison et dans le fond, n’est-ce pas souvent pour notre propre intérêt, notre propre survie ? Je crois qu’il ne faut rien regretter et que je ne suis personne pour vous juger Merrick Lorren. Je ne vous trouve pas piètre milicien ni piètre fermier, je suis certaine que vous maniez la fourche mieux que moi. »

Elle déposa une main sur son épaule avant de s’éloigner petit à petit de lui, lui tournant le dos, croisant les bras sous sa poitrine, réfléchissant réellement au reste de son interrogation.

- « Je ne veux rien Merrick, je n’ai pas d’idée en tête, je n’ai pas prévu d’être ou ne pas être, d’officialiser quoi que ce soit ou de me cacher comme la femme veuve que je suis. » elle laissa doigt jouer avec une boucle rousse « Je ne peux pas vous dire que Brigitte ne vous menace plus, ni que je n’aurais plus jamais envie de vous repousser. » elle se retourna vers lui « Alors, je pense qu’il ne faut simplement pas y réfléchir, n’est-ce pas, agissons simplement de façon à ne pas avoir la moindre culpabilité vis-à-vis de la trinité. Elle n’interdit pas à deux jeunes gens de se fréquenter, elle interdit de consommer… Votre besoin charnel devra être repoussé, je me demande combien de temps vous allez tenir ? »

Son regard se fit plus joueuse, plus taquine, plus malicieuse alors qu’elle s’approchait lentement vers lui.

- « Ce qui me plaît chez vous, c’est votre fragilité Merrick Lorren, votre manière de passer votre main dans votre chevelure, votre manière d’être possessif, votre manière d’éviter ce qui ne vous plaît, et votre façon de fermer les yeux sur des points qui devraient pourtant vous gêner. Ce sourire qui peut se transformer en bien des sourires, ce regard qui peut vous trahir sans même que vous n’arriviez à vous en apercevoir… J’apprécie tout ça, même ce masque et cette manière de jouer pour ne pas vous attacher, pour ne pas être abandonné aussi certainement. C’est vous, avec tout ça Merrick qui me plaît, pas juste votre beau minois, ni votre sourire ou votre répartie… Qui admettons là, mériterez parfois d’être revu en type d’approche… »

Elle étira ses lèvres en un fin sourire, alors qu’une autre idée lui venait en tête.

- « Et puis, vous oubliez une difficulté plutôt importante, mon frère, connaissant la bête, je suis convaincue qu’avec lui, tous les coups vont être permis pour vous faire abandonner et je vous admets volontiers que je suis très curieuse de voir votre stratégie vis-à-vis d’un adversaire de ce type, monsieur le preux chevalier. »

Elle vint se glisser juste devant lui, glissant sa main dans la sienne, amenant l’ensemble jusqu’à ses lèvres pour déposer un baiser sur ses doigts. Estelle était tentée de le tester, de le taquiner, de le provoquer, néanmoins la craindre de céder la première devenait beaucoup trop présent dans son esprit.

- « Je crois que cette première soirée touche à sa fin, la prochaine fois, si vous l’acceptez, je vous propose un tout autre endroit à découvrir. Les thermes du temple, nous pourrions prier un peu ensemble, avant de profiter d’une eau chaude et agréable ? Sans vouloir vous offenser, je suis convaincue que cela ne pourrait que vous faire du bien ? » taquina-t-elle dans un charment clin d’œil. « Je me demande si vous allez être capable de retrouver la sortie… À moins, que monsieur accepterez un nouveau défi ? » elle fit une pause « Fermez les yeux… Allez, allez… »

Elle le fit tourner plusieurs fois sur lui-même, tout en expliquant les règles de ce nouveau petit jeu :


- « Le jardin du duc est un magnifique labyrinthe, alors je veux bien vous offrir un nouveau cadeau si vous parvenez à me retrouver dans cette multitude de buissons… Et si vous ne me retrouvez pas, nous nous retrouverons plus tard à la chope sucrée ? » elle fit une petite pause « C’est trop facile si vous vous retournez tout de suite.. Il faut attendre un petit peu… Êtes-vous prêt Merrick Lorren ? »

Elle le fit encore tourner plusieurs fois sur lui-même, plus vite avant de s’éclipser dans la multitude de passages existants dans le jardin, elle le connaissait par cœur ou presque et elle laissait ses pas la guider, en s’amusant à abandonner toujours un petit quelque chose dans les feuilles, des petits morceaux de tissus qu’elle s’amusait à déchirer, elle n’irait pas jusqu’à pousser à retirer réellement ses vêtements, mais l’idée lui avait véritablement traversé l’esprit. La situation l’amusait beaucoup, fallait bien l’avouer et sa petite course fut plus rapidement jusqu’à finir par se stopper entièrement devant une situation qui lui monta le rouge aux joues. Immobile, elle n’avait pas perçu les pas de Merrick s’approcher, les deux prunelles claires observaient les deux corps qui s’entrelaçaient plus loin encore et encore dans cet amour équivoque : deux femmes, c’était plutôt surprenant, deux femmes filles de nobles d’autant plus. Penchant légèrement la tête sur le côté, la rouquine sembla sursauter légèrement à la proximité de pas qui s’approchaient jusqu’à pivoter pour se retrouver avec une troisième personne qu’elle ne connaissait pas.

- « Madame, puis-je vous aider ? » fit-il sans voir encore la scène bien indélicate qui se jouait derrière
- « Mh… Non, non, vraiment… Je… J’attends mon… » elle hésita réellement « Mon compagnon. » fit-elle dans un large sourire
- « Il est tard pour être toute seule ici, vous savez… »
- « C’est pourquoi il ne devrait plus tarder… »
- « Devrais-je l’attendre avec vous, je ne puis laisser une si charmante jeune femme toute seule. »

Estelle fit silence, le regard qui se déplaçait sur sa silhouette n’avait rien de charmant, n’avait rien de protecteur non plus. Il ne se montrait pas encore agressif, néanmoins la lueur du fond de ses yeux n’était pas inconnue à la dame de Chantauvent. Bouger serait trahir l’ébat qui se jouait derrière elle, ne pas bouger serait prendre un risque réel pour sa propre personne.

- « Je n’ai guère besoin de vous, monsieur… En revanche, votre insistance commence à être déplaisante, sachez-le. » insista-t-elle en forçant un peu sur sa voix « Je pourrais hurler, savez-vous ? » Brigitte lui manquait déjà, Estelle ignorait qu’il fallait toujours la prendre avec elle.

Derrière elle le couple de femmes semblait avoir pris la fuite, ne restait donc plus qu’Estelle et l’inconnu qui venait de lui agripper le poignet avec une force purement masculine.

- « Allons, allons, mademoiselle la sorcière, avez-vous vu la couleur de votre chevelure ? Elle n’est qu’un pêché à elle toute seule et tout pêché doit être puni, n’est-ce pas ? »

Dardant son regard beaucoup plus sombre, elle se pinça les lèvres.

- « Je ne vais pas me répéter je déteste ça, croyez-moi, soit vous me lâchez soit la sorcière que vous pensez percevoir en moi vous fera regretter durement votre geste et votre pensée. »

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Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyMer 20 Fév 2019 - 18:12
La suite de l'échange voltigea entre plaisir et déplaisir, entre des propos houleux et des dires apaisés, entre des mots douloureux et d'autres doucereux. Ne sachant plus à quel esquif s'accrocher, Merrick Lorren naviguait à vue sur les tourments de la discussion. Les brimades, qui s'articulaient en réponse aux bravades, n'étaient fomentées par nul autre qu'Estelle de Chantauvent. La tenancière avait la main mise et la maitrise de la conversation, tandis que le milicien réagissait plus qu'il agissait, tandis qu'il tentait de suivre et survivre à ses mots. Bien évidemment, ces dires doux-amers prenaient racine à cause de l'inévitable salopard qu'il était, à cause des doutes et des questionnements qui l'assaillaient, lui l'énergumène qui n'avait pas l'habitude d'être chamboulé par une femme, d'être forcé à réfléchir et à fléchir.

La preuve de cela ? Alors que leurs lèvres venaient de se quitter, tandis que la tenancière restait dans ses bras, elle fit l'usage du venin des mots pour répondre à une quelconque erreur qu'il avait dû prononcer. Qu'avait-il mal dit ou non-dit ? Où se cachait cette bévue qui amenait cette morsure ? Qu'importe, le fait est que l'attaque porta. Preuve que le jeu n'était pas terminé, exemple évident que l'amusement des premières heures laissait peu à peu place à un attachement empreint de difficulté. Ainsi, le duel qu'ils se livraient tous deux n'avait fait qu'évoluer. Estelle le fit remarquer, présentant le perdant comme celui qui s'attacherait, et se positionnant comme la possible première lassée de ces échanges. Qu'aurait-il pu répondre à cela ? Et pour une rare fois, il resta silencieux.

Vint ensuite l'agacement. Elle n'était que la propriétaire d'une auberge ? Ses gesticulations avaient le mérite de retranscrire plus que convenablement son déplaisir. Chose qu'il aurait trouvé amusante en temps normal. Ses dires eurent au moins le mérite de lui arracher un petit éclat de rire et un coup d'œil à la fois moqueur et calculateur. Il aurait été trop facile de relever et de répondre un sous-entendu graveleux avec l'image d'Estelle de Chantauvent urinant comme un homme. Lorren préféra alors jouer en finesse, mettre au clair un élément aussi important. ''La seule chose que je trouve fou, c'est que vous puissiez imaginer que vous parler comme moi. Personne ne parle comme moi. C'est un art inatteignable ! '' dit-il tout simplement, offrant une fausse moue d'autosatisfaction, en profitant même pour perdre ses doigts dans sa tignasse.

Pour autant, Merrick décida de poursuivre sur un autre sujet, préféra changer la direction prise par la conversation. Il était évident que ce sujet n'était pas en odeur de sainteté chez la rouquine. Bien qu'elle se soit présenté comme une simple tenancière, les perceptions du jeune homme n'avaient guère changé. Elle était plus que cela. Bien plus. Or, avant qu'il ne puisse s'épancher dans un discours un peu moins risqué, Estelle se permit un commentaire à propos de la possible déception qu'il pouvait être. Il était étonnant que ces mots aussi communs soient aussi proches de la réalité qu'elle ne connaissait pas. Par ailleurs, ces paroles qui auraient pus sonner comme des encouragements ne le furent pas compris ainsi par l'ivrogne. Ce n'était à ses yeux qu'une désolidarisation, tandis qu'il pensait qu'elle mentionnait qu'il n'y avait aucun problème à ce qu'elle le découvre ou qu'elle soit déçut, alors qu'il n'y avait rien entre eux. En un sens, cette façon de pensée était logique... Et dans ce genre de situation, Merrick Lorren n'était pas du genre à ne pas réagir.

De fait, peut-être qu'une personne touchée dans son amour propre aurait préféré se refermer dans un mutisme ayant pour but de protéger le peu de fierté restant. Mais pas lui. Devant une déconvenue, face à l'âpreté de la déception, le sourire s'agrandissait, le masque reprenait le dessus et se refermait sur ses émotions et états d'âme. En contrepartie, il repartait à la conquête des mots et des phrases, usant de leur sens pour circonvenir l'échange sur un terrain moins hostile, moins négatif. Lui en voulait-il pour ce qu'il avait mal compris ? Pas le moins du monde. Ne faisait-elle que lui rappeler qu'il jouait. Encore et encore.

Ainsi Merrick demanda ce qui les attendait, les droits qu'il avait ou n'avait pas. La réponse signifia tout et rien à la fois. Qu'ils agissent selon leurs envies, tout simplement. Sans pour autant enlever le risque de rencontrer Brigitte si se faisait trop envahissant... Cet élément pouvait le choquer, mais moins que l'idée qu'il était strictement interdit de satisfaire l'appétit charnel qui le vrillait. '' Vous me refusiez tout avantage par le passé. Et maintenant, vous vous permettez d'accepter que je vous plaise.'' Commença-t-il en haussant les épaules amusées. ''Il me suffit donc de continuer à lutter et combattre pour que votre vision sur... la ''consommation'' avant le mariage ne change. J'ai bien réussi à vous faire changer d'idée une fois, et sans perdre mes dents ! Alors, pourquoi pas deux ?'' Il voyait cette tirade comme un défi. Et les défis l'intéressaient autant que la récompense finale. ''Alors à votre question Estelle de Chantauvent, je répondrais tout simplement que je tiendrais et résisterais jusqu'à la victoire. ''

Puis, il fut l'heure pour la dame de Chantauvent de porter aux oreilles du fils de fermier les mots les plus doux de la soirée, mais en un sens, ceux qui furent les plus durs à encaisser. Aucunement ne déplaisant, ces dires avaient le mérite d'être honnêtes. Or, là était le problème. Estelle le comprenait bien. Trop bien peut-être. Est-ce qu'à force de jouer à ses côtés elle percevrait tout ce qui faisait de Merrick Lorren un échec ? Alors qu'elle déclamait les raisons de son appréciation pour sa personne, une main fébrile s’était levée pour se perdre dans ses boucles brunes. Or, cela aurait été lui donner raison, alors cette main termina son voyage dans sa barbe, après avoir hésité puis avoir bifurqué. Il fit tout de même l'effort de ne pas détourner le regard, l'observant se mouvoir et avancer, bien qu'Estelle aille mentionner que ses yeux pouvaient le trahir. Le faisaient-ils en ce moment ? Si oui, la tenancière de la Chope Sucrée devait voir le méli-mélo d'émotion qui l'étreignait. Entre l'envie de l'écouter et de déguerpir, le désir de l'enlacer et de la faire taire.

Si elle avait continué dans ce registre, le milicien aurait implosé. Pour le meilleur ou pour le pire, qui sait ? Toujours est-il que la rouquine enchaîna en mentionnant son frère, le vicieux adversaire qu'il représenterait pour Lorren. Cela n'inquiéta guère Merrick. Le sous-estimait-il ? Probablement. Mais narcissique et imbu de lui-même, il ne pouvait concevoir le frère Chantauvent comme une lourde menace. Personne ne se mettait entre Merrick et sa ''proie''. Haussant les épaules, il lui sourit avec conviction : '' Je n'abandonnerais pas à la première difficulté. Je suis probablement aussi têtue que vous, Estelle.'' Se glissant devant lui, elle lui prit les mains, les approchants de sa bouche et de ses lèvres pour déposer un baiser sur ses doigts. Cet acte réveilla en lui un désir, la vile tentation qui ne sommeillait, à proprement parlé, guère loin. Se mordant la lèvre inférieure, la laissant agir et mener la danse, il s'accrochait à son bleu regard, perdant ses yeux dans les courbes de son visage et de sa crinière.

-''Déjà...?'' Ne put-il que dire, déçu lorsqu'elle mentionna la possible fin de la soirée. ''Va pour les thermes. Mais pour ce qui est de la prière... Je m'abreuve assez de votre présence divine pour ne pas avoir à m'épancher d'encore plus de respect envers la Trinité !'' Puis en riant lorsqu'elle mentionna le nouveau défi, il enchaîna : '' Ai-je réellement le choix ?'' Termina-t-il alors qu'elle le forçait à fermer les yeux et tourner sur lui-même.

Bien vite, Merrick comprit l'idée derrière la manœuvre, tandis qu'elle déclamait les tenant et aboutissant du défi. Par ailleurs, bien rapidement, il perdit tout sens de l'orientation, en plus de se retrouver avec la tête qui tournait. ''Je suis prêt à tout, Estelle de Chantauvent.'' Elle faisait mention du jeu ? Lui aussi, mais pas seulement. C'était d'une évidence même...'' Sauvez-vous, allez. Je vous rattraperais sans le moindre doute.'' Les yeux encore fermés, mais offrant un sourire dans la direction d'où provenait la voix de sa rouquine il enchaîna : '' Préparez convenablement la récompense, je ne perdrais jamais !'' Bravade plus que possible réalité. Ça aussi, c'était une certitude flagrante.

C'est sur ces derniers mots qu'Estelle de Chantauvent s'éclipsa. Aucunement bon joueur, le milicien lança un coup d'œil par-dessus son épaule pour apercevoir la direction prise par la rouquine. L'important était la victoire, non ? Souriant en la voyant s'éclipser par un chemin différent de celui de leur arriver, il prit le temps de s'assoir sur le banc, histoire que sa tête cesse de tourner. Regardant à droit puis à gauche, se sachant enfin seul il se permit de soupirer et de perdre son sourire. Comment pouvait-il catégoriser cet interlude dans les jardins du Duc ? Positif ou négatif ? Douloureux ou agréable ? Un entre-deux certainement. Et puis, qu'importe. Tout n'était pas terminé. Merrick Lorren devait encore rattraper Estelle de Chantauvent.

Après tout, il ne la laisserait pas fuir sa présence. C'est ainsi que le chasseur se mit à la traque de sa proie.


---


La piste était assez simple. Effectivement, en connaissant le point de départ d'Estelle, Merrick n'avait eu qu'à remonter le long des indices que la jeune femme laissait expressément pour lui. Le défi aurait probablement été tout autre s'il ne l'avait pas vu par où elle avait déguerpi. Mais, la triche avait du bon, ayant tendance à faciliter les défis et jeux. Remontant tranquillement la piste, Lorren se fit de plus en plus silencieux, voulant surprendre sa victime au détour d'un croisement. Faisant attention où il mettait les pieds, il réussit enfin à arriver jusqu'à elle. Encore loin, le milicien se glissa dans un passage latéral pour pouvoir remonter parallèlement jusqu'à sa tenancière. Ainsi, il ne se ferait pas voir, et il pourrait capturer de ses bras la proie qui se sauvait de lui. Tout sourire à l'idée de fomenter cette attaque surprise, Merrick remonta jusqu'au niveau de la dame de Chantauvent, jusqu'à ce que celle-ci s'arrête.

Séparé par les buissons plus ou moins touffus, il ne pouvait voir les traits de sa partenaire, et encore moins l'ébat qui se jouait entre deux femmes. Bien qu'il aurait pu profiter de cet arrêt sur image pour sauter au travers de la végétation et surprendre celle qui se croyait maître du jeu, il ne le fit guère. Après tout, la densité des broussailles risquait de lui déchirer vêtement et peaux. Autant attendre le prochain croisement pour s'attaquer proprement et convenablement à la jeune femme. Du moins, c'est ce qu'il avait pensé, avant qu'un nouvel acteur ne rentre en scène. Si proche, mais si loin à la fois, le milicien entendit l'ensemble de la conversation entre le nouvel arrivant et Estelle. Ne voyant aucunement le faciès ni le regard du quidam et encore moins les gestes qu'il posait, il pouvait dire et assurer que ce dernier ne voulait pas du bien à la jeune femme. Il suffisait d'entendre le ton d'Estelle de Chantauvent ou les mots de l'assaillant pour comprendre où tout cela se dirigeait.

Merrick Lorren était un couard et un peureux. Pour autant, ce n'était pas en toute circonstance. Effrayé par la mort ou la rixe, il n'était pas forcément du genre à fuir à cause de la présence d'un vil profiteur. Pour autant, il serait faux d'imaginer qu'il était un preux chevalier qui agissait avec confiance. Déjà, bien qu'il sache qu'il allait se risquer à intervenir, ses paumes étaient moites et une sueur froide coulait dans son dos. Mais, il ne croyait en aucun cas que cela finirait mal ou en affrontement. Après tout, lui n'avait pas vu le regard du lascar... Déglutissant et se passant une main dans les cheveux, il s'élança au-devant du ''danger''. Traversant la futaie d'un bond, les bras couvrant son visage, Merrick Lorren fit une entrée remarquée. Probablement que des feuilles et des branchages se retrouvaient dans sa chevelure. Alors, arrivé sur les lieux de la ''rixe'', il se permit de se passer les doigts dans la tignasse. Ce n'était pas à cause de la nervosité, évidemment...!

La surprise de l'apparition fit reculer d'un pas l'énergumène qui lâcha le bras d'Estelle de Chantauvent. Se positionnant entre l'inconnu et la jeune femme, il plongea dans les yeux de l'individu. Ce qu'il vit ne lui plut guère. La lueur agressive, ainsi qu'imbibé d'alcool était un mélange explosif qui ne promettait pas une fin heureuse... Dans quoi s’était-il embarqué...?

-''Vous voilà enfin, madame.'' Commença-t-il en jetant un coup d'oeil excessivement rapide à Estelle par-dessus son épaule, préférant ne pas lâcher trop longtemps du regard le quidam agressif. Probablement qu'elle avait eu le temps de voir qu'il n'en menait pas large... '' Je vous ai cherché partout ! Merci, monsieur, de l'avoir retrouvé.'' Termina-t-il en remerciant d'un hochement de tête celui qui ourdissait des manigances guère positives, se passant encore une fois la main dans la chevelure. ''Maintenant, nous allons-y aller Si vo...''

-''Attendez une minute. Nous étions en pleine conversation elle et moi. Vous feriez mieux de nous laisser entre bonnes gens, serviteur.''

Cela n'allait en aucun cas bien finir... Merrick comprit que l'inconnu n'était pas n'importe qui. Après tout, il devait être un sang bleu proche de la maisonnée du duc pour se promener dans ses jardins. Aucunement stupide, ce dernier avait bien remarqué que les frusques du milicien n'étaient pas à la dernière mode mondaine. Évidence même de son rang, de la triste réalité. Dès lors, à ses yeux, Lorren ne pouvait être qu'un serviteur. Comparativement, la robe d'Estelle de Chantauvent était certes simple, mais somme toute de qualité, et agréable au regard. Ainsi, il était possible d'estimer qu'elle devait être de la petite noblesse pour errer ici. Une victime parfaite pour celui qui dégageait un faste exubérant par sa tenue. Pour celui qui n'imaginait pas que les deux s’étaient faufilés en douce en ce lieu. Par chance...

Dansant d'un pied sur l'autre, Merrick s'enfonça dans le jeu du serviteur. Il devait à tout prix éviter l'affrontement. Jamais il ne vaincrait l'armoire à glace. '' Je...je suis désolé, mais...''

-''Savez-vous qui je suis ?'' Éructa l'homme en question, fier comme un paon et parlant haut et fort. ''Je su...''

-''Et vous, savez-vous qui elle est ?'' Coupa un Lorren qui devait reprendre l'ascendant de la discussion pour ne pas perdre. Usant des mots comme d'une arme, des phrases comme d'un bouclier.

Une lueur de doute vrilla le regard du lascar. ''Éclairez-moi donc ?'' Dit-il, tout de même convaincu que le titre d'Estelle ne pouvait être supérieur au sien, alors qu'il ne la connaissait pas, tandis que sa robe était si simple. Croisant ses deux énormes bras, il sourit méchamment au ''serviteur'', certain de sa prochaine victoire.

-''Elle est... la ''préférée'' d'Henri d'Orsay.'' Dit-il après quelques secondes de silence.
-''Le bailli et... elle ?''
-''Tout juste.''

La problématique qui avait frappé Merrick Lorren était bien évidemment qu'il ne connaissait aucun nom de noble. La seule idée qui lui était venue à l'esprit était de présenter Estelle de Chantauvent comme l'amante d'un grand et puissant. Or, comment faire lorsqu'on ne connaissait pas les noms des résidants de l'Esplanade ? Par chance, la milicienne connaissait au moins le diminutif de celui qui avait un contrôle sur la milice et qui était proche du Duc. Toujours est-il que le mensonge eut l'air de fonctionner. Était-ce à cause de l'alcool qu'avait ingurgité le salopard, ou bien à cause de la scène où se jouait cette rencontre ? Après tout, être au milieu des jardins la nuit ne pouvait signifier qu'une chose... C'était un moyen de rencontrer, de se donner rendez-vous à l'insu de tous...

Indécis et interdit, le lascar ne savait plus quoi faire ou que dire. Grognant, il reprit finalement la parole. ''Navré, madame. Je ne savais pas'' Dit-il sans avoir l'air le moins du monde désolé, mais croyant au mensonge.

Satisfait, Lorren se permit de tourner le visage vers la dame de Chantauvent et de lui offrir un clin d'œil et un sourire. Puis, il rapporta son attention vers celui qu'il venait de flouer... Et là, au lieu de voir son regard croiser le sien, Merrick n'aperçut qu'un poing venir terminer sa course sur son visage. Sonné, mais tenant debout grâce à la poigne de l'opposant qui le maintenait par le col, le milicien reçut un deuxième coup sur le nez, puis un troisième sur le côté gauche du visage. Incapable de se tenir, Merrick Lorren tomba mollement sur le sol, sonné.

-''Vous devriez apprendre à votre serviteur à se taire, ou du moins à parler convenablement à la noblesse, madame.'' Dit-il en perforant Estelle de son regard. Puis, dressant un sourire charmant, comme s'il ne venait pas de mettre au sol l'accompagnateur de la jeune femme. ''Vous saluerez pour moi le bailli. Au plaisir de vous revoir et d'échanger à nouveau avec vous. ''

Au sol, l'esprit vacillant, Merrick n'entendit pas la suite, ne vit pas ce que fit Estelle de Chantauvent. Toujours est-il que lorsqu'il retrouva une certaine emprise sur son esprit, le salopard qui venait de lui faire mordre la poussière était parti pour de bon. Tentant de se relever, Merrick retomba lourdement sur les fesses. La bouche en sang, le nez sanglant et la pommette ouverte, le jeune homme n 'en menait pas large. Alors que sa tête tournait, il cherchait de son regard comateux les yeux de la tenancière. Lui offrant un très infime sourire sanguinolent, il prit la parole d'une voix pâteuse. ''Il...il est parti ? J'ai gagné, alors...'' Drôle de façon de gagner, me direz-vous. Mais, en un sens c'était le cas. Du moins, aux yeux du milicien.

Peut-être qu'Estelle s’était penchée vers lui. Si tel était le cas, Merrick l'avait attrapé avec lenteur de ses deux bras. Si elle était restée debout, Lorren avait capturé mollement sa cheville de sa main. ''Attrapé...Je vous avais dit que je ne perdrais pas.'' Fermant les yeux. S’appuyant sur ce qu'il avait capturé, il enchaîna. '' N'aviez-vous pas parlé d'une récompense ?'' Puis soufflant, il cracha le sang qu'il avait en bouche. ''...Laissez-moi quelques instants pour souffler je vous pris.'' À dire vrai, sa tête tournait méchamment. Le milicien n'en menait pas large, et cela se voyait. Pour autant, il essayait de cacher tout cela derrière son discours, honteux d'avoir été maitrisé aussi simplement et facilement. N'était-il pas un milicien bon sang ?! Ne devait-il pas envoyer ses ennemis au sol, ou du moins répondre à la violence par la violence ?

Levant une main vers sa chevelure, il suspendit son geste voyant que celle-ci était tachée de son sang. Soupirant il préféra se cacher derrière sa seconde alternative pour protéger sa fragilité. La prise de parole. '' Ce n'est pas à proprement parlé comment agirait un vrai et preux chevalier n'est-ce pas ? Généralement, ceux-ci gagnent les affrontements, non ?''

Riant avec douleur -à cause des stigmates de l'affrontement ou de son amour-propre blessé?-, le milicien resta au sol.







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Estelle LorrenAubergiste
Estelle Lorren



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MessageSujet: Re: [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick]   [Terminé] Donne moi la main que je ne la prenne pas [Merrick] EmptyJeu 21 Fév 2019 - 21:40


À chaque phrase Estelle n’avait pas semblé réagir, conservant simplement ce silence qu’il devait avoir appris à connaître. Dubitative, la rousse ne semblait pas toujours convaincue par les propos du milicien, n’aimait-il pas la trinité ? Espérait-il réellement parvenir à la priver de sa foi et de son respect des traditions en la faisant succomber à des rencontres charnelles plus poussées. Sans réponse, elle c’était contenté de simplement le détailler, sans chercher à rentrer dans un quelconque débat, la soirée était beaucoup trop agréable pour voler ainsi en éclat et puis après tout, ne pouvaient-ils pas être toujours d’accord sur tous les sujets. Préférant oublier, tout ce qui pouvait la tracasser, préférant fermer les yeux sur les maladresses mutuelles, la gérante de la chope sucrée avait proposé un nouveau jeu, un nouveau rythme, imposant à son interlocuteur de fermer les yeux, de tourner, tourner, tourner encore et encore alors qu’elle expliquait les quelques règles.

Estelle de Chantauvent était une joueuse, depuis sa tendre enfance, aimait-elle percevoir la vie comme un immense défi fait d’échec et de réussite aimait-elle s’octroyer des épreuves, des petites quêtes personnelles qu’elle devait atteindre par étape, ou qu’elle repoussait simplement jusqu’à parfois même les oublier. Pour l’heure, elle avait un peu trop conscience des envies de Merrick, un peu trop conscience des risques qu’elle prenait, un peu trop conscience de tout ce qui risquait de lui arriver et rien qu’une fois, ne souhaitait-elle que fermer les yeux.

Abandonnant l’homme d’armes, la rouquine avait lâchement cherché à fuir le milicien pour se perdre dans le grand labyrinthe ducal. Le jardin était agréable, même à cette saison, même lorsque le froid venait mordre la peau, les joues, même lorsqu’il faisait rougir les joues ou même le nez. Habituée, elle s’était surprise à retracer le même chemin, la même promenade que ce qu’elle faisait à son jeune âge, jusqu’à se stopper devant l’étrange danse charnelle qui se jouait un peu plus loin. Deux femmes, deux femmes à moitié nues s’abandonner l’une à l’autre à l’abri des regards. Immobile, elle était restée là, à observer comme la voyeuse qu’elle n’avait jamais été, se questionner sur la fraîcheur des peaux qui devaient s’entrelacer encore et encore, fallait-il être fou pour s’abandonner ainsi de cette saison, fallait-il être inconscient pour risquer d’attraper une maladie de l’hiver.

Ce fut des bruits de pas, puis une voix inconnue qui avait fini par la faire relever la tête vers celui qu’elle ne connaissait. L’homme semblait noble, ou en tout cas, d’un niveau de vie plutôt convenable, son regard était vitreux, signe qu’il avait dû boire ou prendre des substances étranges, qu’elle n’identifiait pas. L’inquiétude la gagna, alors que comme à son habitude, elle faisait preuve d’un sang-froid particulier, avisant, repoussant plus ou moins habilement celui qui avait des idées bien sombres derrière la tête. Dénigré, comparée à une sorcière à cause de sa chevelure qu’elle avait appris à assumer, la gérante avait fini par se faire plus déterminée, plus menaçante alors que l’individu venait de lui agripper le poignet avec une force typiquement masculine. Son cœur avait frappé plusieurs fois dans sa poitrine, alors que sa respiration s’était faite plus intense. Aurait-elle pu réagir, avait-elle appris quelques techniques, s’apprêtait-elle-même à réagir, quand la voix de Merrick ce fit entendre, la rassurant presque immédiatement.

Cependant, la réaction ne fut pas celle qu’elle avait espéré, libérée de son entrave, elle se recula d’un pas, alors que ses sourcils de fronçaient une première fois, une puis une seconde. Se faisait-il passer pour un domestique, un serviteur ? Et puis ses lèvres se pincèrent alors que l’autre imbécile le confortait dans sa stratégie. Silencieuse, le regard de la dame de Chantauvent se gorgèrent d’une certaine colère, d’une certaine incompréhension alors que les deux hommes échangeaient comme si elle n’était pas là, alors que Merrick sous-entendait qu’elle était une des maîtresses du bailli en personne. Elle avait manqué de prendre la parole, manqué de gifler l’un et l’autre avant de s’en aller, oui, la tentation avait été forte et ses ongles avaient dû agripper le tissu de sa robe. L’homme s’était excusé et Chantauvent s’était fait violence pour ne pas répondre, relevant légèrement le menton, vrillant ses deux prunelles vers la silhouette qui l’avait malmené.
Puis les événements s’étaient enchaînés, un coup avait fini par être porté, Merrick s’était retrouvé à terre et l’homme s’était éloigné. Estelle avait ressenti cette douleur particulièrement dans sa poitrine, alors qu’elle s’était précipitée sur le sol pour vérifier que son milicien allait aussi bien qu’il pouvait l’être après un coup aussi fort. La dame était en colère et son regard devait s’animer de cette étincelle aussi intense que le reste de la chevelure, néanmoins, elle le prit dans ses bras, le serrant légèrement contre elle, avant de vérifier l’état de son nez et les légers hématomes, silencieuse elle écoutait Merrick marmonner qu’il avait gagné.

- « Vous êtes un idiot Merrick Lorren » grogna-t-elle alors qu’il évoquait la récompense et puis son besoin de repos. « Vous mériteriez que je vous en colle une aussi pour la peine, vraiment » ronchonna-t-elle en pensant un bras derrière lui pour l’aider à se relever « A trois, un, deux trois. »

Doucement, elle l’avait aidé à se relever, l’obligeant à s’appuyer sur elle si besoin. Estelle était confuse, confuse qu’il se soit fait agresser par sa faute, en colère parce qu’il s’était fait passer pour un domestique, en colère parce qu’elle avait été relayée à un statut qui ne lui convenait guère. La mâchoire contractée, elle avait fini par arracher le bas de sa tenue, l’humidifiant du bout de la langue et de sa main libre pour venir tapoter sur la blessure de l’homme d’armes, et retirer les traces de sang. Prenant son rythme, Estelle avait pris la direction de la sortie de l’esplanade, passant par les petits passages qu’elle connaissait sur le bout des doigts. Silencieuse, toujours, elle n’avait pas dit un mot depuis que le duo avait quitté les jardins, rancunière un peu, elle ne parvenait pas à passer outre la maladresse volontaire du milicien, elle était inquiétude pour lui, pour sa blessure et pour les pertes d’équilibres qu’elle sentait durant la marche.

- « Vous pensez réellement ne valoir rien de plus qu’un domestique Merrick ? » claqua-t-elle de cette manière bien sec, bien dur.

Elle ne l’avait pas regardé ni même glissé la moindre attention à son égard, lui avait-elle abandonné le morceau de tissu déchiré, sans revenir vers un quelconque jeu ou une quelconque récompense. Elle était irritée réellement.

- « Vous êtes vraiment un imbécile, à vous attarder sur des détails qui n’ont pas la moindre importance, vous m’avez fait passer pour une catin, une catin qui se glisse dans la couche du bailli c’est ça ?! » sa voix montait dans l’aigu sans atteindre des hauteurs particulièrement forte « C’est ça, oui c’est ça, non, ne répondez même pas, je ne veux rien savoir, pas de justificatif, pas de « mais », non vraiment pas de « mais » »

C’était la deuxième fois, la deuxième fois qu’il dégradait son image en faisant ce type de sous-entendu déplaisant, deux fois qu’il lui offrait des aventures qu’elle n’avait pas, comme si une phrase n’était définitivement bonne qu’à ça, qu’à écarte les cuisses, car hurler pour laisser entendre au partenaire qu’elle prend un plaisir monstre, puis à s’endormir en se demandant si l’acte avait réellement commencé avant de se terminer. Et puis elle s’arrêta alors qu’ils étaient en train de descendre la ruelle menant à un des quartiers de la ville.

- « On peut faire ça maintenant, si tu veux Merrick, tu as juste à soulever mes jupons, à me pousser contre le mur, je t’offrirais quelques gémissements, quelques soupirs et puis tu pourras repartir satisfait. Te vanter si le cœur t’en dit à qui voudra bien entendre ton histoire.»

Elle avait repris sa marche, resserrant son emprise sur le milicien, l’empêchant de s’éloigner, de repartir, de vagabonder ou de s’imaginer une seule petite seconde qu’elle n’allait pas le ramener à la chope sucrée pour soigner sa blessure et pour l’obliger à y dormir afin qu’elle puisse surveiller qu’il reste bien vivant jusqu’au lendemain matin. Elle s’appliquait à respirer par le nez, à chercher à calmer cette colère qui s’agitait en elle, à se concentrer sur la délicieuse soirée qui était intéressante jusque-là et puis, finalement, elle s’arrêta une nouvelle fois.

- « Laissez tomber, oubliez, ce n’est pas grave… L’importance c’est que vous allez bien Merrick… Vous avez certainement raison, un chevalier aurait remporté la victoire, mais je ne cherche pas un chevalier ni un noble, ni que sais-je. » elle avait pivoté vers lui, cherchant à atteindre son regard, cherchant à attirer son attention « Voilà ce qu’on va faire, avant d’aller aux thermes, la prochaine fois, vous allez m’apprendre à me défendre, rien de bien complexe, juste à me soustraire de certaine emprise et si vous ne savez pas vous-même vous allez avoir quelques jours pour apprendre. »

Elle laissa un doigt, effleurer le visage de Merrick, avant de caresser doucement sa joue.

- « J’ai eu peur Merrick, vous auriez pu être blessé davantage… De ce fait, vous perdez le point et la possible victoire… Pas de récompenses, jusqu’à que je sois certaine que vous repartez vivant demain matin… On va rentrer à la chope sur la petite porte sur le côté, on devrait pouvoir remonter jusqu’à la chambre, vous dormirez là… Non, je ne veux rien savoir, c’est oui et puis c’est tout. »

Elle glissa une nouvelle fois son bras sous celui de Merrick pour prendre la direction de la chope, jusqu’à entrevoir l’établissement, jusqu’à passer doucement par la petite porte qu’elle avait indiquée pour se retrouver directement juste à côté de l’escalier à emprunter, elle fit un bref petit signe de la main à son frère avant de monter marche par marche avec Merrick à l’étage. Poussant la porte de sa chambre, elle l’invita à s’installer. La pièce n’était pas particulièrement rangée, plutôt bordélique même vis-à-vis du reste de l’établissement, des vêtements traînaient à droite à gauche, un peu de poussière se trouvait sur les meubles. La chambre était pourtant grande, un lit important, deux petites tables de chevet de chaque côté, des bougies, une armoire imposante, une coiffeuse face au lit et un tapis particulièrement agréable à l’œil dans des couleurs propres.

- « Installe-toi, je vais regarder pour récupérer une bassine, est-ce que ça saigne encore ? Il ne t’a pas loupé quand même.. Je vais le retrouver avec Brigitte, il va voir qui va apprendre à parler à qui »

Estelle alternait involontairement le « tu » et le « vous », cherchant à trouver son positionnement face à celui qu’elle avait vu prendre un coup inutilement. La colère était retombée aussi vite qu’elle était arrivée, après tout avait-elle su dès le départ les intérêts de Merrick.

- « J’espère que vous n’avez pas mal à la tête au moins ? Je peux aussi faire venir un prêtre… »

Surprotectrice, elle était sans aucun doute et si Merrick ne parvenait pas à la rassurer un minimum, aucun doute qu’elle reviendrait avec une bassine, une bouteille d’alcool et qu’elle le veillerait toute une partie de la nuit si ce n’est toute la nuit pour s’assurer qu’il allait bien. Ce n’était qu’un coup pourtant, mais le sang, les combats, Estelle avait donné et trop perdu pour ne pas se montrer surprotectrice.

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