Saletés de sectaires [Léonie et Mariotte]

C'est une sale journée aujourd'hui. Le ciel est tellement gris que les nuages vont pas tarder à nous pisser dessus, pour sûr ! Et dire qu'y faut encore que je me traîne toute la route jusqu'à chez moi... Quelle idée que j'ai eue d'aller vendre au Labourg c'te jour hein ? Elle-a-t-y toute sa tête la Mariotte ? Pis avant ça, faut qu'je finisse de vendre la poiscaille qui reste sur ma charrette.

- Il est beau mon maquereau ! Poiiisson fraiiis ! Fraiiis le poisson !

- Hé la Mariotte ! As-tu d'la sardine aussi ?

- Qu'est-ce que tu crois la mère Georgette ? Bien sûr que j'en ai ! Une douzaine, belles comme le jour ! Veux-tu que j'te les prépare ?

- Oui, j'peux point me salir les mains ce matin, j'ai un ouvrage à terminer en vitesse.

Je prends le petit couteau que j'ai dans l'étui à ma ceinture et je commence à me mettre au travail.

- Alors, quelles nouvelles chez toi ?

- Ah ! Tu fais ben de l'demander, c'est une histoire bizarre qu'on m'a racontée ! La mère Michelle, tu sais, celle qu'habite dans la ruelle là, elle dit que son fils, il habite vers le puits aux grenouilles je crois bien, il lui a dit que son voisin faisait des bruits bizarres la nuit.

Je m'esclaffe avec force.

- Ah ça ! Tu crois donc que les jeunes gens ont point de loisir bruyant la nuit ? Serait-y du genre farouche le fils de la Michelle ?

La Georgette se fâche et rouspète :

- Mais non ! Pas ce genre de bruit ! Des bruits plutôt religieux, tu vois ? Des chansons comme au temple. Sauf que c'est pas un temple ! Et qu'il savait même pas que des gens habitaient là ! Tu t'rends compte ?

Alors là, ça m'fait moins marrer. Parce que les illuminés religieux, on sait ce qu'ils font, ils font rentrer les Fangeux. J'finis de lier les sardines et je tends la ficelle à la mère Georgette.

- C'est douze sous. Mais comme j't'aime bien, je t'en demande que onze !

- Mais t'as encore augmenté tes prix ? C'était pas si cher la dernière fois !

Je hausse les épaules en lui faisant un grand sourire.

- Eh ben tu comprends rien au commerce ma pauvre ! J'y peux rien moi si les prix ont augmenté, faut ben que j'récupère l'argent que j'ai dépensé pour les acheter !

Elle finit par me donner l'argent et embarque les sardines. Une vraie grippe-sou celle-là. Je reprends ma route, j'vais aller sur la placette au bout de la rue, parce que c'est plus vendeur les places quand même, c'est grand, on se sent comme dans les magasins pour riches, alors c'est plus facile de mettre la main au porte-monnaie.

Même pas besoin de me remettre à crier ma ritournelle, ya déjà deux femmes et un homme qui se dirigent vers moi.

- Un maquereau je vous prie.

Pendant que je prépare les poissons et que je sers les clients, ma langue tourne pour les faire patienter. Je parle fort, parce que plus on est nombreux, plus faut hausser la voix pour se faire entendre, c'est bien connu ça. Pis ça attirera ptêt d'autres clients, qui sait ?

- Je viens d'entendre une sacrée histoire Messieurs Dames ! J'aurais jamais pu l'inventer toute seule, alors croyez bien que c'est la vérité vraie ! Paraît-il que des membres d'une secte font leurs rituels maléfiques dans une maison près du puits aux grenouilles. Oui ! Sur l'honneur ! Même que ces enfants de salaud forniquent toute la nuit pour attirer le malheur sur nous ! Si ça se trouve ils égorgent même des enfants ! Qui peut savoir avec ce genre de vermine ?

J'vois bien que ça les laisse pas indifférents. J'ai fini de servir les deux femmes, et elles repartent ensemble en parlant d'une manière agitée, et d'aut' gens sont venus se grouper autour de moi. C'est bon pour les affaires ça !

Aujourd’hui Léonie était en patrouille dans le Labour, un quartier bordant celui du temple vers la muraille extérieure. Elle revenait justement du temple dans lequel elle était venue offrir deux dagues finement forgées par ses soins à Rikni, la troisième quant à elle fut bénie par un prêtre et se trouve désormais dans un étui en cuir à la hanche de la milicienne, devant son fourreau. Ainsi elle espérait pouvoir pallier aux désavantages de son épée longue en milieu confiné mais aussi pouvoir utiliser la dague pour des opérations plus discrètes comme l’intimidation d’un homme un peu trop entreprenant.

Aujourd’hui sa Coutilerie n’avait pas eu de mission particulière et elle se retrouvait à « patrouiller » au Labour, profitant de ce quartier libre pour éventuellement dépenser un peu d’argent auprès de marchands ambulants. Elle se baladait d’un air décontracté la capuche de maille en arrière et le bouclier attaché dans le dos, les mains ballantes. Son casque était resté à la caserne bien trop encombrant que ce soit pour les missions simples de patrouille ou de maintien de l’ordre par contre elle ne quittait jamais son harnois ni ses armes.

La Coutilière arriva sur une petite place, il y avait quelques marchands, surtout des marchands de produits agricoles, de la chasse ou de la pêche. En effet en ces temps sombres même si la nourriture devenait une denrée rare elle restait bien moins rare que le reste.
La place était bondée, en même temps c’était l’endroit pour les badauds d’assister au spectacle des commerçants qui haranguaient la foule en leur racontant des informations exclusives sur l’actualité et les rumeurs qui couraient. Parfois plus proches de légendes mais parfois aussi pas très éloigné de la réalité, une source d’informations pour celui qui saura déceler le vrai du faux et la seule source pour le commun des mortels. L’un des seuls divertissements accessibles au peuple et gratuit - pour celui qui ne se laisserait pas tenter -, faisant oublier un peu les tracas du quotidien.

La Coutilière observait tout ce petit monde adossée à un mur qui faisait le coin d’une des rues menant à la placette. Elle scrutait la foule à l’affût d’un éventuel larcin mais rien ne semblait se passer. En même temps, la jeune femme en armure ne passait pas inaperçue et avec les bras croisait elle mettait involontairement en valeur ses attributs féminins mais aussi son écusson caractéristique de Coutilière. Très peu risqueraient de commettre un méfait face à un Coutilier puisque pour les petits crimes il est à la fois juge et bourreau.

Une jolie femme passa devant la milicienne avec sa charrette chargée de poisson, l’odeur semblait forte pour être du poisson très frais mais les techniques de conservation étant ce qu’elles sont cela ne choquait personne. Une jolie femme comme ça ne tarde pas à attirer l’attention et voilà déjà deux femme et un homme qui arrivaient devant son étale alors qu’elle l’installait non loin de Léonie. La milicienne déduisit que celle-ci devait avoir plus d’un tour dans son sac et savoir se défendre car un si joli minois sans protection aurait déjà connu assez déconvenues, si ce n’est pire, pour abandonner la vente itinérante.

Alors que Léonie jetait un œil ailleurs, la nouvelle arrivante commença à haranguer les gens autour d’elle à son tour. Elle parlait d’une rumeur concernant des membres d’une secte qui s'adonnaient à des rituels sombres la nuit, il ne faisait aucun doute que la milicienne fanatique s’y intéresse pour ensuite investiguer.
Elle s’approcha alors contourna la charrette de la poissonnière pour se trouver face à elle. Les passants qui étaient venu s’attrouper autour en entendant la nouvelle s’écartaient du passage de la femme en armure. Elle décela dans la foule un gamin qui s’enfuya immédiatement à la vue de la Coutilière mais il était bien trop tard pour agir et l’attention de Léonie était ailleurs. Devant elle se tenait un homme qui avait commandé un maquereau. La marchande semblait manier le couteau avec aisance et très professionnelle de surcroît. La partie forgeron de Léonie ne put s'empêcher de regarder la lame effilée se planter dans le poisson et trancher avec essence arrêtes, chair et peau. Quand ce fut à son tour la milicienne se planta devant le charrette, inspectant rapidement son contenu histoire de voir s’il y avait quelque chose d’illicite dans celle-ci avant d’interpeller la marchande.

Coutilière Leonie Lefebvre, j’aimerai m’entretenir avec vous une fois que vous aurez un moment.

Si Léonie voulait des informations il serait mieux de ne pas gâcher le business de la marchande. Elle même ayant été en quelque sorte marchande à la forge elle connaissait la rudesse du métier et le fait que son interlocutrice soit une femme aidait à la sympathie.
La Coutilière se retourna et se trouva face à un grand homme baraqué qui semblait ne pas vouloir bouger. Sa main se posa sur la garde de son épée prête à asséner un coup de pommeau dans les parties de l’intéressé histoire de lui faire comprendre qui était le dominant, mais elle réprima cette envie - nevoulant faire de vagues comme convenu dans son plan initial - au prix de quelques secondes d’efforts mentaux avant de faire un pas sur le côté et de retourner à sa place initiale adossée au mur derrière la marchande, les bras croisés.

Eh ben ça alors, j'l'aurais pas cru mais il y a du monde ce matin. Pas l'temps de chômer ! Les mains et la langue fonctionnent de concert, donnant une politesse tantôt à l'un, tantôt à l'autre.

- Eh oui, tout frais, voyez comme il a l'oeil encore vif ? A croire qu'il va encore nous remuer une nageoire ! C'est-y le vôtre ce poupon joufflu ? L'est aussi joli que sa mère dites-donc ! Eh, gamin, va-t-en courir ailleurs, j'veux point de drôle à courir dans mes pattes ! J'voudrais pas que ton père te r'trouve avec un doigt en moins... Et avec ça ? C'est tout ?

Et alors là, vlà-t-y pas que je vois se planter devant moi un sacré morceau de bonne femme en armure. J'crois bien qu'elle était déjà là quand je suis arrivée sur la placette, mais j'pensais que c'était un homme vu de loin ! Ah, j'espère que ça veut pas dire que mes yeux sont en train de m'lâcher, j'en ai encore besoin. Mais non, mes yeux vont plutôt bien, j'vois sans problème son insigne. Et aussi l'arme qu'elle trimballe. Et son armure. C'est bien ma veine ça ! La milice qui commence à s'mêler des affaires des honnêtes gens !

Ah, mais j'pourrais bien lui raconter cette histoire de cultistes, parce que ça, faut qu'ils soient au courant à la milice, parce qu'on pourrait bien tous se retrouver comme la dernière fois, au Chaudron, avec toutes ces tripes à l'air et cette odeur... Et ça pourrait bien être moi cette fois. Alors j'dis trop rien quand je vois qu'elle s'intéresse à mon chariot, j'la laisse faire, je sais faire des concessions parfois vous savez ? Et même que je suis capable de tourner ma langue sept fois dans ma bouche avant d'parler, même si c'est pas un exercice que je recommanderais à tout le monde, et puis moi-même je le fais pas trop souvent de toute façon parce que j'en vois pas bien l'intérêt.

Et la coutilière finit par s'adresser à moi. Elle a vraiment pas l'air commode, et ptêt même qu'elle a un balai dans l'cul si vous voulez mon avis, et c'est bien normal, parce que c'est comme ça qu'ils sont à la milice, et au temple aussi, vous imaginez même pas. Bon, d'accord, ptêt pas dans la milice. Mais au temple, ah, ça ! Me suis confessée la semaine dernière à une soeur brune aux yeux bleus, coincée comme pas possible !

- Bien sûr M'dame la Coutilière ! Je fais au plus vite !

Le respect c'est important pour ces gens-là, même si eux nous en accordent pas beaucoup. On est bien obligés de faire avec ! Je continue à m'activer, la matinée est décidément bien bonne ! Un grand costaud s'avance après le départ de la coutilière.

- Eh la poissonnière, tes maquereaux sont bien jolis... Tu les vends combien ?

Croyez pas qu'j'ai les idées mal placées ou quoi... Mais quand un gars me demande ça en louchant sur mon décolleté je sais bien qu'il pense pas plus à mes maquereaux qu'à sa femme qui l'attend sans doute à la maison. Ca fait trois ans que je traîne dans les rues, et j'ai eu le temps de me rendre compte que même les moins subtils se croient ingénieux. Parfois, quand je sens qu'ils aiment juste se faire des illusions, je joue le jeu, parce que ça fait vendre ! Mais là, le type a l'air sérieux. J'peux pas vous dire comment j'le sais, vous avez qu'à appeler ça l'intuition féminine. Alors je l'arrête tout de suite.

- Mes maquereaux j'les cache pas dans ma robe grand benêt ! Les seuls qui sont à vendre ils sont juste ici ! Alors si tu veux rien acheter, tu vas me faire le plaisir de dégager vite fait, ou sinon tu vas m'entendre gueuler et là, crois-moi qu'tes pauvres oreilles elles vont pas tenir le coup !

Le costaud se met à rougir comme une pivoine. Encore un qui s'était imaginé des choses stupides dans sa petite caboche et qui assume même pas ! Eh oui, il est pas tout seul sur la place, ptêt même qu'il habite dans le quartier ? Les choses se savent vite dans les petites ruelles du Labourg, et pour un peu que sa femme soit aussi commode que l'armoire à glace adossée au mur derrière moi... Il repart tout penaud, mais c'est jamais bon ce genre de choses. Faut qu'je plie boutique rapidement et que j'aille voir ailleurs s'il y est pas. J'essuie mes mains sur mon tablier, et mes couteaux aussi, avant de les glisser de nouveau dans l'étui que je porte à la ceinture. Je m'approche de la coutilière et je m'dépêche de lui dire tout d'une traite :

- Bon, dites, j'crois que le moment est venu pour moi de partir d'ici. Alors j'sais pas c'que vous vouliez me dire, mais avant ça, il faut que j'vous prévienne : ya des saletés de sectaires pas loin, dans une maison. Alors faut qu'la milice elle fasse son boulot pour une fois ! J'sais bien que vous êtes une femme et que toute seule vous pouvez ptêt pas faire grand'chose, mais vous pouvez ptêt donner l'information à des gars plus balèzes que vous à vot' caserne, ou j'sais pas comment vous appelez ça, voyez ? Moi j'dis ça, mais après c'est plus mes affaires ! Mais c'était quoi que vous vouliez me d'mander si j'peux vous aider M'dame ?

Le gros lourdaud, non content d’avoir défié une Coutilière, semblait maintenant vouloir faire du rentre-dedans à la marchande. Ses yeux lubriques parcourant le corps de la jeune de la poissonnière ne cachant aucunement leurs intentions. Léonie n’allait pas laisser les événements déborder, soucieuse d’une part que l’ordre soit respecté - surtout en sa présence - mais surtout d’autre part elle ne supportait vraiment pas ce genre de comportement. Elle n’était peut-être pas très agréable au premier regard mais quand il s’agissait d’autres femmes elle avait toujours tendance à vouloir les aider, une sorte de solidarité féminine en somme.

La main à l'épée la Coutilière quitta son mur pour s’approcher de la scène prête à punir tout geste déplacé mais à sa grande surprise la marchande à la langue bien pendue le remit en place comme il se devait. L’homme sûrement surpris par une telle réaction ne demanda pas son reste repartant avec une mine honteuse.

La tension étant passée Léonie se positionna à nouveau en arrière adossé au mur. Elle faisait attention aux nouveaux arrivants car il n’était pas impossible que l’homme précédemment remis à sa place ne vienne pas se venger avec des collègues. Léonie connaissait bien le « courage » des hommes surtout face à une femme forte comme celle qui se tenait devant elle. Jusque là tous ceux qui se sont retrouvés en duel d’ordalie contre Léonie ont montré ce courage caractéristique, se finissant souvent en supplications avant que la main du voleur ne soit coupée ou la vie ne soit retirée au violeur, l’assassin ou l’hérétique.

La poissonnière commençait à plier bagages comme si elle aussi avait pressenti des représailles possibles. Elle rangea avec soin son matériel, c’était un plaisir pour la milicienne de voir quelqu’un prendre soin de ses lames.

Une fois cela fait elle se retourna et déballa tout ce qu'elle avait à dire ne manquant pas par la même occasion de piquer à plusieurs reprise la fierté de la Coutilière. Malheureusement la vision qu’elle dépeignait des femmes dans la milice n’était pas loin de l'opinion générale. Serrant les dents et les poings, levant un sourcil par crispation, Léonie s’efforça de réfréner son envie subite de lui montrer par la pratique qu’elle n’était pas si faible que son interlocutrice l’affirmait. Heureusement sa haine des sectaires pris le dessus tournant sa colère vers ces hérétiques responsables des événements du Chaudron.

Elle posa une main ferme sur l’épaule de la vendeuse en soupirant pour laisser redescendre la pression. Puis elle lui jeta un regard froid et sérieux. Si ce qu’elle disait était vrai, il n’y avait pas de temps à perdre. Se cachant parmi la population, osant même se faire passer pour de pieux croyants, les hérétiques devaient être purgés dès qu’on les découvrait.

Je voulais en savoir plus sur ces sectaires mais c’est chose faite. Montrez moi l’endroit où il sont.

A la prononciation du mot sectaire on pouvait ressentir une haine non contenue, sa main se serra encore plus fort sur l’épaule de la poissonnière avant de la relâcher. Elle s’approcha de la charrette pour aider la jeune femme à finir de ranger son étale.

Alors qu’elles commençaient à se déplacer hors de la placette, la milicienne se fit la réflexion qu’avoir quelques alliés dans les commerçants pourrait être utile vu que ce sont souvent eux qui colportent informations et rumeurs auprès de la population.

Je ne crois pas connaître votre identité. Ça fait longtemps que vous commercez?

L’idée était surtout de jauger le nombre d’informations que le jeune femme détenait et aussi sa capacité à survivre en ce monde hostile.

Ayant quitté la place et la foule désormais, la milicienne n’en restait pas moins sur ses gardes ayant équipé son bouclier sur son avant bras gauche et se tenant prête à dégainer de la main droite à tout moment.

- Ah ! Ca fait plaisir de voir quelqu'un qui prend ces menaces-là au sérieux ! Vous pouvez compter sur moi pour vous l'montrer l'endroit, ah ça oui !

Je réarrange rapidement ma charrette, je cache les poissons et les paiements sous une toile. J'avais réussi à troquer plutôt bien ce matin, j'ai pas mal de choses sur ma charrette pour le coup : une miche de pain, une jarre de vin et quelques babioles. J'essaie de demander des sous quand même, parce que si tout le monde payait avec ce genre de choses j'aurais plus qu'à ouvrir une boutique pour les revendre, mais moi j'suis vendeuse de poissons c'est tout !

Et là, on part, moi avec ma charrette, la milicienne reste à côté de moi. En fait, j'commence à me dire que je devrais peut-être avoir un peu peur d'elle, parce qu'elle a l'air plutôt sûre d'elle... Et elle commence à me questionner. Faut que j'réponde bien !

- Ben, ça fait depuis que la Fange est arrivée que je tourne dans la ville, mais c'est vrai que je bouge beaucoup, alors c'est possible que j'vous aie jamais croisée M'dame la Coutilière. C'est grand ici quand même, c'est même tellement grand que trouver ces sectaires du démon ça doit pas être facile pour vous non ?

Au bout de la ruelle, je tourne à droite, puis à la deuxième à gauche...

- En tous cas si vous vous d'mandez si je sais bien où je vais, ça oui ! Je connais la ville comme ma poche maintenant, et là on va au puits aux grenouilles, ya pas d'grenouilles parce que les rares qui restent elles se font capturer tout de suite et manger, mais avant ça, paraît qu'il y avait des grenouilles tout plein autour du puits, alors que c'est assez mystérieux quand même, les grenouilles, ça vit dans les flaques, pas dans les puits !

Hum, en fait je ne sais pas trop si ça intéresse la coutilière, alors j'enchaîne sur autre chose.

- Bon, donc vous vous sentez d'attaque pour les expulser ces saletés de vermines de sectaires ?

En effet mener l’enquête parmi les citoyens concernant les sectaires était une tâche ardue. Certains miliciens avaient à cœur de découvrir le vrai du faux car souvent la délation visait plus à simplement calomnier un nuisible sans fondement qu'à refléter une once de réalité. Léonie pour sa part était plus directe, si il y avait un doute l’ordalie déciderait du sort du malheureux mais dans tous les cas elle partait du principe que si elle arrivait à ôter la vie de quelqu’un c’est que les dieux en avait décidé le sort. Une vision pour le moins pragmatique mais qui faisait que depuis la révélation faite par la marchande la milicienne avait la main droite posée sur la garde de son épée prête à apporter la justice divine.
Menant la marche,Mariotte lui faisait part de sa propre aversion des sectaires.

C’est pas peu dire mais heureusement qu’on a encore des bons croyant comme vous!

Elle tapota l’épaule de la marchande avec sympathie mais fermeté. Elle esquissa même un sourire à son encontre avant de refermer son visage, remettant son masque froid si caractéristique de la Coutilière.

Elles progressaient dans les dédales du Labour, l’idée vint à Léonie que c’était peut être un piège, après tout elle ne connaissait pas cette jeune dame. Elle scrutait chaque recoin essayant de trouver un signe d'embuscade, laissant la marchande lui expliquer le sort des batraciens qui peuplaient un puits vers lequel elles semblaient se diriger. Elle portait une oreille attentive toujours sur ses gardes, prête à dégainer si jamais elle sentait la moindre hostilité venir de son interlocutrice.

Tuer des hérétiques, tous les jours!

Elle frotta son poing dans sa paume avec enthousiasme. Le petit groupe arrivait sur une place dont le centre était occupé par un puits. Toujours sur ses gardes, la milicienne scruta les rues adjacentes sans rien trouver de suspect. Elle se retourna alors vers son informatrice.

Et vous vous êtes prête? On vous appelle comment?

Une information relativement importante ne sait on jamais il est mieux de connaître qui on tente d’interpeller, surtout que les forces en face étaient inconnus mais elles n’étaient que deux.

Si j'suis prête à regarder des sectaires se faire découper en rondelles comme ils le méritent ? Bien sûr que j'suis prête !

- Ah ça oui, prête de prête ! Moi, c'est Mariotte, la Vive qu'on m'appelle parce que certains trouvent que je pique un peu trop, mais bon, ça c'est leur problème !

J'gare mon chariot le long d'un mur, et je désigne à la coutilière une maison à étage, un peu isolée des autres, et seulement collé à une autre maison basse, dont la porte d'entrée est un peu en dessous du niveau de la rue.

- Voyez cette maison ? C'est là qu'il habite le gars qui a entendu les sectaires. Alors c'est sûr, ils sont dans cette espèce de trou à rat à côté !

Je jette un oeil autour, ya pas grand monde sur la place. C'est pas un quartier très fréquentable ici, alors sectaires ou pas, la milice est pas toujours bien vue. Et c'est bien normal, parce que moi aussi j'aime pas trop ça quand les miliciens viennent traîner à côté de chez moi, mais bon, je vais quand même pas essayer de les planter avec mes petits couteaux à poisson, ce serait vraiment trop dangereux pour moi ! Enfin, j'essaierai pas sans une bonne raison en tout cas...

C'est à ce moment qu'un grand gaillard arrive devant nous. Quand j'dis grand, c'est juste... plus grand qu'moi, voyez ?

- Si vous cherchez les ennuis, vous en trouverez pas ici, parce que nous on veut pas d'ennuis. J'ai dit ! Alors vous partez, et vous emmenez vos ennuis avec vous, compris ?

Il termine avec un sourire qu'il aurait pas dû faire, parce que ses dents sont sacrément pourries, enfin, le peu qu'il lui en reste...

HRP:

Vive elle devait l’être car un si joli minois en ces temps sombres n’aurait pas survécu longtemps sans savoir se défendre par elle-même. La Coutilière devina sans difficulté qu’elle devait user de ses couteaux - dont elle semblait prendre grand soin - à cet effet.
Léonie resta silencieuse plus préoccupée par les regards qui semblaient se poser sur elles alors que Mariotte garait le chariot. Elle connaissait ce genre de petites ruelles, des endroits où la milice n’était pas bienvenue, parfois même des embuscades étaient tendues afin de dépouiller les malheureux de leurs vies et de leurs équipements. La milicienne pris le bouclier qu’elle portant dans le dos pour l’attacher à son avant bras gauche et enfila la capuche de maille qui surplombait son harnois.

La vendeuse de poisson désigna la maison du délateur en expliquant que les sectaires devaient se trouver juste à côté dans le logement mitoyen. L’œil de la poissonnière sembla ensuite s’attarder sur la place, ce qui provoqua un mouvement de côté rapide de la milicienne afin de faire face à une place presque vide.

Revenant à sa position initiale et relâchant la poignée de son épée elle se retrouva face à un homme bien plus grand qu’elle l'obligeant à reculer d’un pas pour pouvoir poser son regard froid dans le sien.
Il semblait vouloir en découdre malgré son « intention de les laisser partir. Par sécurité Léonie fit un pas de côté pour pouvoir s’interposer entre lui et Mariotte.

Sinon?

La question partit aussi vite que le coup de dague qui se planta dans l’entrejambe du malheureux. Le mettant tout de suite hors de combat. La Coutilière dégaina son épée et fit signe à Mariotte de récupérer ses couteaux avant de s’avancer vers la porte d’entrée.
Au autre loubard fonça sur la milicienne profitant du fait qu’elle s’assurait que Mariotte la suivait avant d’entrer. Chargeant sur son bouclier, il la fit chuter en mettant tout son poids sur celui-ci. Au sol Léonie n’arriva pas à se défaire de l’homme qui se tenait au-dessus d’elle, la bloquant en dessous de son bouclier. Durant la chute elle avait lâché son épée, l’homme pour sa part s’apprêtait à abattre son couteau sur la milicienne en plein visage. Pour la première fois elle ferma ses yeux ne voulant faire face à la mort.

La milicienne se met entre le sale type et moi. C'est presque parfait, mais il est pas question que j'me retrouve dans une bagarre moi, j'voulais juste lui montrer la maison où que se cache la vermine, j'ai pas envie de finir en rondelles moi-même. Alors je me mets doucement à reculer pour m'éloigner de ce bazar, mais ça, c'était sans compter que la bonne femme lui plante directement une dague dans les roubignolles, aussi rapide que l'éclair ! Elle se r'tourne vers moi, comme si que j'avais une importance à ce moment-là de l'histoire, mais non, pas question que j'y aide, c'est plus mes oignons ! J'me mets à courir vers la direction opposée, avec la ferme intention de me cacher quelque part et de ressortir seulement quand tout ce grabuge sera terminé ! J'ai à peine commencé à fuir que j'me heurte à deux miliciens qui faisaient leur ronde dans le quartier, ça c'est étrange, pour sûr ! Mais ce sont bien deux verts. En temps normal, j'aurais juste continué à fuir, mais là, faut pas oublier qu'il y a des sectaires dans cette maison de la mort. Alors j'leur déballe tout, qu'il y a une de leur collègue qu'est en train de s'faire assassiner juste là, et tout le tintouin. Ils partent en courant alors que j'ai même pas terminé de leur raconter toute l'histoire, et j'les suis, parce que faut bien qu'il y ait quelqu'un pour raconter tout ça après aux petites gens. Pas d'imprudence quand même, je reste cachée derrière un petit muret de pierre pour observer la scène.

Les deux miliciens, yen a un grand et gras, et un petit tout fin, ils arrivent juste à temps pour empêcher un gars de poignarder la coutilière. Le grand se jette sur lui et ils partent en roulé-boulé tous les deux, pendant que le petit ramasse le couteau tombé avant d'aller aider son collègue à maîtriser le gaillard. A deux, ils ont vite fait de le plaquer à terre.

Il n'y a plus personne sur la place à part ces deux miliciens, la coutilière et les deux gaillards. Celui qui s'est pris un coup de dague chiale comme un gamin en se tenant l'entrejambe, il m'a plus l'air si dangereux. Celle qu'il va falloir garder à l'oeil par contre c'est cette coutilière, parce qu'elle a l'air sacrément rapide à dégainer. Ya pas intérêt à l'embêter de trop apparemment. C'est ce qui me fait hésiter quelques instants avant de sortir de ma cachette. Ça, et aussi être vue avec des verts. Je pourrais très bien partir en catimini, mais je ne dois pas oublier que le peuple mérite de savoir tout ce qu'il se passe dans cette ville ! Je ne peux pas me dérober à mon devoir comme ça ! C'est pas de la curiosité malsaine, c'est du courage, comprenez ?

Je finis par me relever et me rapprocher du groupe hétéroclite.

- Du beau boulot ! Vous y allez pas avec le dos de la cuillère M'dame la Coutilière !

Oh, ça oui, je saurais m'en rappeler de sa manière de faire...

Alors qu’elle se voyait déjà rejoindre les dieux qu’elle avait tant prié, totalement tétanisée par la peur de mourir. Un grand homme en armure légère sauta sur son assaillant le faisant lâcher son emprise sur Léonie. Un autre plus petit vint tout de suite porter assistance à son collègue. La Coutilière ne s’y trompait pas il s’agissait de miliciens.

Elle se releva et passa devant les deux miliciens qui firent un salut tout en se présentant. Le grand c’était Laurel, un homme très en embonpoint pour la période, et le petit Hardy. Ils manquèrent dans la manœuvre de laisser s’échapper leur prisonnier mais Léonie s’approcha de lui et le frappa avec la tranche de son bouclier, juste assez pour qu’il perde connaissance. L’homme était inconscient et l’autre gémissait en se tenant l’entrejambe. Elle les aurait bien abattu sur place s’il n’y avait pas de témoins mais elle ne voulait pas faire plus de remous et surtout pas effrayer sa nouvelle connaissance.
Les deux agresseurs hors de combat Léonie scruta les alentours pour n’y voir personne. Le reste ayant sûrement fuit devant le petit contingent de la milice. Elle se tourna alors vers les deux miliciens pour les saluer à son tour.

Coutilière Lefebvre, le reste de votre Coutilerie doit être dans les parages?

Alors que les miliciens lui répondaient qu’ils rentraient de permissions et étaient donc seuls, une voix féminine l’interpella, elle se retourna brusquement avant de s’apaiser en voyant Mariotte. Hardy désigna Mariotte comme celle qui était venue les chercher directement alors que Laurel partait chercher le reste de sa Coutilerie. Léonie s’approcha alors et posa une main ferme sur l’épaule de la vendeuse de poisson.

Vous avez pris la bonne décision.

Elle se tourna ensuite vers les deux miliciens.

Derrière cette porte il y a des sectaires, je ne vous refait pas l’histoire du Chaudron. On ne rigole pas avec eux, si ils opposent résistance tuez les! Hardy je vous confie la protection de Mariotte, vous allez nous suivre, Laurel devant avec moi.

Démontrant tout son charisme, elle obtint l’exécution rapide de ses ordres par ses deux subordonnés.
Toute la troupe étant prête, elle ouvrit la porte et laissa passer Laurel, suivie de Hardy qui restait en retrait comme ordonné.

La coutilière Léonie s'approche alors de moi. Qu'est-ce qu'elle me veut ? Est-ce que je devrais pas me remettre à courir ? Nom d'un poisson, trop tard ! Je sursaute quand elle me pose la main sur l'épaule, un peu trop rudement à mon goût. Mais en fait, non, elle veut juste me remercier. Intérieurement, je pousse un long soupir de soulagement.

- Merci M'dame ! C'est souvent ce que je me dis, mais bon, c'est vrai que le jour où j'me dirai le contraire c'est que j'serai pas loin d'être raide morte alors je sais pas trop si j'aurai le temps d'y penser...

Je m'tais quand je vois qu'elle s'adresse aux deux nouveaux miliciens. J'aime bien ses ordres, pas de pitié pour ces illuminés ! Enfin, j'aime bien jusqu'au moment où elle parle de les suivre dans la maison... Malheureusement j'ai pas tellement le temps de protester contre cette drôle d'idée qu'elle s'engage aussitôt dans la maison avec les deux miliciens. Je fais mine de suivre, mais, alors que j'arrive au seuil de la porte, je m'arrête. D'ici je peux voir ce qu'il y a dans la maison, ça me semble être déjà assez risqué comme ça. J'entends encore ma mère me dire "Ta curiosité te perdra ma pauvre !", et j'ai pas envie de lui donner raison aujourd'hui !

J'aperçois un homme et une femme portant un bébé qui sont debouts devant une table, comme s'ils venaient de se lever. En même temps, moi non plus je resterais pas assise si n'importe qui rentrait comme ça chez moi ! Ya trois gosses accroupis dans le coin opposé à la porte et deux autres qui sont en train de courir vers les jupes de leur mère. Enfin, je suppose que c'est leur mère, ça me paraîtrait logique à moi.

- Qu'est-ce que vous voulez ? qu'il demande l'homme.

J'arrive pas bien à distinguer le fond de la pièce, c'est trop obscur pour moi depuis la porte. Au moment même où j'me dis ça, les nuages qui menaçaient depuis tout à l'heure se lâchent tout à coup. Une pluie comme on en avait pas vu depuis longtemps, elle rigole pas Rikni aujourd'hui. Alors, voyant qu'il y a pas trop de danger à rentrer, je m'avance un peu pour être à l'abri. En fait, ça semble être une espèce d'escalier vers le sous-sol au fond de la pièce. Vu la taille, ça doit être un escalier sacrément raide quand même. Pas très étonnant, c'est bien d'avoir un sous-sol quand on a pas d'étage.

HRP:

La Coutilière entra brusquement dans la maison suivit de ses deux sous fifres. Elle se tenait prête à dégainer en cas de danger direct faisant face à un homme et une femme qui tenait un bébé. Un silence pesant s’installait de la pièce. Jetant un œil au fond Léonie aperçut un groupe de 3 enfants dont deux couraient vers celle qui était sûrement leur mère. Elle relâcha tout de suite son arme et d’un signe de main ordonna aux deux autres de rengainer la leur. On n’allait quand même pas effrayer des enfants, leur âme était encore pure même si leur parents pouvaient être des sectaires mais cela restait à confirmer. Il ne s’agissait pas de nuire à la réputation de la milice et en plus ils étaient observés. L’homme, courageux, posa une question qui avait tout son sens.

Coutilière Lefebvre, on fait un simple contrôle de routine, rien à cacher?

Les deux nigauds derrière semblaient un peu désemparés mais l’ambiance pesante les faisait rester sur leur garde même si, ils n’arrivaient pas à déterminer si c’était leur intervention qui avait causé cela. Léonie s’approcha alors de la table et lança un sourire bienveillant aux deux enfants qui étaient dans les jupes de leur mère avant de s’attarder ensuite sur les 3 autres au fond puis de revenir au père avec un regard cette fois-ci bien plus froid.

Vous avez de beaux enfants, l’avenir de Marbrume est assuré, vous êtes de bons citoyens n’est-ce pas?

La menace était très peu subtile mais l’attention de la milicienne s’attarda sur l’escalier menant au sous-sol qui se dessinait dans la pénombre. Il n’y avait rien pour le moment qui pouvait infirmer ces pauvres gens mais cela ne coûtait rien d’aller vérifier le sous-sol. Elle eut un sursaut d’attention lorsque Mariotte fit irruption dans la pièce, se retournant main à l’arme avant de s’apercevoir qu’aucune menace n’était présente.
La Coutiliere fit alors signe aux deux autres miliciens d’avancer puis passa devant le père pour commencer a s’approcher de son objectif.

J'vois que la coutilière Léonie est vraiment trop diplomate. Pas que j'ai des doutes sur ces gens là, pour sûr c'est des sectaires ! Moi j'y aurais menacé de façon un peu plus... convaincante. Elle a quand même une épée, elle pourrait s'en servir ! Mais j'me tais, parce que j'ai vraiment pas envie de m'faire remarquer pour une fois. Enfin, la coutilière a dû juger que ces gens là étaient pas une menace, mais elle s'approche de l'escalier, je me demande bien pourquoi !

- Ben non m'dame la coutilière, on a rien de caché ici.

Je secoue la tête de déception... Bien sûr qu'il va pas dire qu'il cache son matériel de sectaire dans sa maison ! Il est pas si bête le bougre. Mais quand la coutilière ajoute une petite menace, là, j'approuve ! C'est pas une coutilière pour rien finalement. L'homme me semble faire une sorte de grimace, mais j'ai du mal à lire son expression dans cette pièce sombre et enfumée.

- Nnnnon... Enfin, oui ! On est des honnêtes gens m'dame, on a rien fait de mal ! Les Trois soient loués de nous avoir accordé ces enfants !

Sa femme bouge alors et va s'agenouiller aux pieds de Léonie qui est toute proche de l'escalier maintenant. Elle a un petit air larmoyant, et avce son bébé dans les bras, même moi j'aurais pu verser une petite larme. Elle jouait bien la comédie la bougresse, sans doute aussi bien que moi quand j'avais fait mon numéro à Kalam !

- J'vous en prie, vous devez nous croire ! Je sais pas c'que vous êtes venue chercher, mais ya rien à trouver ici ! Les gosses ont peur, partez !

Un court instant, et j'entends un gros bruit suivi d'un juron, ça vient du sous-sol !

HRP:

L’homme paraissait mal à l’aise, pas comme d’habitude lorsque Léonie jetait son regard froid sur ceux-ci, on aurait dit qu’il y avait quelque chose qu’il ne voulait pas que l’on découvre. Le problème restait les enfants, pensive, la milicienne s’était arrêtée non moins de l’escalier menant au sous-sol. L’escalier était désormais bien visible, il ne semblait pas très dangereux mais le bois montrait des signes d’usures avancées. Du bas semblaient provenir des voix mais à cette distance le bruit était presque inaudible et pouvait aussi s’apparenter à un courant d’air.

Elle ne resta pas longtemps dans sa torpeur car la femme se jeta à ses pids. La milicienne sans broncher fit nonchalamment un pas de côté par réflexe comme pour esquiver l’attaque. Le problème dans cette situation était qu’elle avait un bébé, sans ça la Coutilière aurait balayé la pleureuse sans ménagement d’un coup de pied bien placé mais au temple on lui avait après que les enfants étaient purs et bénis de la lumière des trois. Il était donc hors de question d’en blesser un même si ses parents étaient sectaires mais cela restait à vérifier.

Restant dans son mutisme, elle fit signe à Laurel de vérifier l’entrée et à Hardy de descendre avec elle en dégainant son arme. La Coutilière prit sa dague en main, ayant cru avoir entendu un juron venu d’en bas.

A mesure qu’ils descendaient une forte odeur de chair se faisait sentir. En bas dans la pénombre il y avait un homme attaché sur un pilori en forme de croix. Des balafres ouvertes parcouraient son torse ensanglanté, son pied semblait avoir été amputé et le pauvre souffrait de spasmes pendant lesquels il semblait tenter de faire partir ses assaillants, leur assénant un ou deux jurons avant de perdre à nouveau connaissance. En dessous de « l’autel » il y avait des crânes et autres ossements humains et un homme encapuchonné immobile qui semblait visiblement se faire dessus au vu du bruit de liquide qui semblait provenir de sa toge. Sans perdre de temps Leonie s’approcha de lui et lui asséna un coup direct de dague dans la gorge ne laissant même pas le temps au cultiste de parler, quand au « sacrifice humain » elle récita une prière à Rikni avant de l'achever.

La coutilière se dirige vers l'escalier, contournant la bonne femme comme si elle n'avait pas existé ! Enfin, si, puisqu'elle la contourne, mais j'aurais pu jurer qu'elle lui aurait marché dessus si ça n'avait pas été aussi peu pratique de marcher sur quelqu'un. Cette Léonie me fait froid dans le dos décidément ! Je la vois qui descend les escaliers en me laissant avec la famille et Laurel. Pendant un instant, il ne se passe pas grand'chose, du moins en apparence, mais j'entends que ça s'agite en bas.

C'est alors que le père de famille, si c'en est bien un, saute soudainement sur Laurel, brandissant une dague prête à frapper. Le milicien esquive le premier assaut, mais ne peut pas éviter le retour de la dague qui lui entaille l'arrière du genou. Le sang gicle, et moi j'me mets à hurler, comme paralysée par la suprise. Mais quand je vois les yeux de l'homme se tourner vers moi, je retrouve soudain l'usage de mes jambes et j'essaie de m'enfuir. Peine perdue, j'ai trop tardé, j'ai à peine fait un pas que je sens qu'on agrippe mon col et qu'on me tire en arrière. Je perds l'équilibre, je me prends les pieds dans ma robe et je chute lamentablement par terre.

- Pitié ! Je sais même pas comment j'me suis r'trouvée mêlée à tout ça ! Voyez j'suis pas milicienne moi !

Les moutards sont tous en train de hurler ou de chialer, yen a même un qui court en rond dans la pièce, c'est vraiment pas la meilleure ambiance pour essayer de me faire entendre. J'espère juste que ma dernière heure a pas sonné, qu'il me reste encore une chance...