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 [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie

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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



[Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie Empty
MessageSujet: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyMer 17 Nov 2021 - 11:48



17 Avril 1167.
[Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie Ot2c
Une étrange matinée s’était déroulée en ce jour d’avril alors qu’un des plus hauts représentant du temple invitait une presque inconnue à deviser avec lui. Il n’avait suffi que de quelques heures pour que l’étrange personnage ne remette en question les assurances austères et fondamentales qui avaient régit tout l’apprentissage de la jeune fille, lui offrant la perspective d’un monde bien plus ancien et complexe qu’elle n’aurait pu l’imaginer alors. Et qui pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, paraissait bien plus en harmonie avec sa perception qu’il ne l’aurait dû. Comme si enfin, quelqu’un avait décidé d’ôter un voile devant ses yeux pour lui permettre de découvrir des couleurs qu’elle imaginait déjà au plus profond d’elle-même.

Elle avait de plus senti une alchimie avec un inconnu. Un homme qui l’encourageait à se questionner, à douter, à espérer et peut-être même à aimer. La sensation d’une âme apte à comprendre la sienne avait quelque chose de réconfortant. Plus encore quand cette âme semblait tout autant apprécier la vôtre.
Cela avait tout d’un rêve. Un rêve très agréable, mais un rêve tout de même. Et peut-être Angélique, jeune prêtresse de son état put se questionner sur la réalité de celui-ci alors que les minutes s’égrenaient. Un quart d’heure avait passé depuis que la septième cloche avait sonné, et le haut-dignitaire n’était pas encore reparu pour leur rendez-vous. L’avait-il oublié ? S’était-il joué d’elle ? Ce genre de questions aurait pu venir à n’importe qui. Des prêtres et prêtresses membre des ordres, ou autres badauds l’observait en passant, elle qui attendait visiblement quelque chose qui ne voulait pas venir. Quelqu’un commença à se diriger vers elle, surement pour lui proposer son aide ou la questionner. Les gens n’aimaient pas ce qui sortait de l’ordinaire. Mais des bruits de pas plus bruyant que les autres attirèrent l’attention et un Père Altan portant de gros volume s’avança a travers la petite foule droit vers Angélique, un fin sourire au lèvre.

- Désolé, j’avais perdu ma plume ! s’excusa-t-il en levant victorieusement sa main pour en effet dévoiler une plume noire et effilée dont la pointe avec était renforcée d’un structure d’argent finement sculptée. L’insouciance et la bonne humeur avec laquelle il lui confia cela balaya tout doute qu’elle aurait pu avoir envers le fait qu’il s’était peut-être joué d’elle en lui faisant cette proposition ce matin. Il était juste, comme il l’avait d’ailleurs lui-même dit, peu intéressé par les conventions. Ponctualité incluse.

Il lui fourra un gros volume dans les bras par-dessus la cape qu’elle tenait avec un sourire.

- Pour t’entrainer ! dit-il, fier de sa taquinerie. Il l’invita à la suivre d’un signe de tête, et s’élança sous l’arche pour rejoindre la ville sans accorder aucune attention aux nombreux regards curieux qui les suivirent. Ils auraient aussi bien pu n’être que tous les deux.

Si un haut-dignitaire avait surement droit à une calèche avec chauffeur pour se rendre où que ce soit en ville, visiblement, Lucian lui, avait accordé ses faveurs à la marche à pied. Heureusement pour la jeune femme, il cala son pas sur le sien plutôt que de l’encourager à faire l’inverse, lui évitant ainsi de courir derrière ses grandes enjambées.
Cela donna aussi à leur voyage un faux air de promenade, renforcé encore par la lumière déclinante du soleil.

- Comment a été ta journée ? la questionna-t-il simplement. Et ils se remirent à discuter aussi naturellement qu’à leur dernière entrevue, bien qu’aucun secret ou intimité ne fut dévoilé à proximité des oreilles des passants.

Il évoqua ses propres occupations, des entretiens pour les prochaines messes, des articles de confères à relire. Il s’enthousiasma bien plus en évoquant quelques heures passés dans un vieux livre sur l’études des différentes techniques de traductions de langues disparue. Livre qu’elle tenait d’ailleurs entre ses mains à présent, puisqu’il comptait approfondir le sujet.

Ils s’arrêtèrent devant un étal et Lucian acheta plusieurs pommes après avoir minutieusement étudié chacune d’elle. Du à sa haute taille, il avait dû s’accroupir devant l’étal et son visage joyeux et avide lui donnait plus l’air d’un gamin des rues ayant hâte de croquer dans sa prise plutôt qu’un saint représentant du temple.

- Vous voulez que’chose pour votre jeune épouse messire ? demanda le marchand d’un ton mielleux en laissant son regard balancer entre Angélique et lui. Sans le détromper le moins du monde, le haut gaillard répondit tout de même d’un air distrait.

- C’est déjà pour elle.

Il régla son achat et ils reprirent leur route avec un petit sachet de pommes sur ses livres, que le prêtre regardait en luttant visiblement pour ne pas en piocher une et croquer dedans tant elle lui paraissait juteuse.

- Alice fait la meilleure tarte aux pommes de la ville, il faut vraiment que tu goute cela ! Mais si elle apprends que j’en ai pris une avant… dit-il d’un air boudeur mais aussi amusé.

Ils dépassèrent bientôt les hauts quartiers du bourglevant pour se présenter aux portes de l’esplanade et on les laissa passer sans discuter, le visage du père visiblement bien assez connu des gardes de la milice. Il n’était pas vraiment surprenant que Lucian vive dans les plus beaux quartiers de la ville. Sa position autant que sa prestance le rendaient tout à fait digne d’évoluer ici. Pourtant il détonnait avec l’ensemble aussi surement que l’on reconnait un loup parmi une meute de chien. Ils avancèrent sur les pavés impeccables et ne tardèrent pas à arriver en vue d’un édifice qui, tout comme lui, semblait en décalage avec le reste.

C’était un manoir, plus petits que ses congénères ou du moins, moins tape à l’œil. La pierre sombre et rugueuse qui composait sa façade avait moins d’allure que celle polie et blanchie de ses camarades, mais aussi, de fait, un peu plus de caractère. A l’exception de la salle la plus à l’est qui possédait de haute vitre en obus pour faire pénétrer la lumière, les autres fenêtres étaient d’une taille tout à fait raisonnable, plus fonctionnelle que vantarde.
Là ou les autres prônaient une symétrie ou une sensation de hauteurs par de hautes flèche au sommet de ses tours, cette habitation-là semblaient plus… désorganisée.
Un gros bloc central sur lequel on aurait greffé des appendices à mesure que le besoin s’en faisait sentir. Cela lui donnait un air tordu, un peu comme un dragon faisant la sieste replier sur lui-même.

Une seule tour dépassait de l’ensemble, à tel point que l’on pouvait se questionner sur la solidité de sa structure. Son sommet était ouvert et aplatit rappelant plus un château fort qu’un manoir. La muraille qui entourait l’endroit arrivait à peine à la taille, et bien que réhaussé de grille en fer forgé sombre, ne servait clairement pas à la défense. Tout juste à se garantir une certaine intimité. Ce que venait renforcer les hautes haies qui séparaient l’entrée du bâtiment lui-même. Soigneusement taillée, elles semblaient formées une sorte de labyrinthe coupé en deux par l’allée centrale pavée qui conduisait jusqu’aux escaliers de la demeure. Lucian poussa le portail ouvert et l’entraina jusqu’au bâtiment.
Les deux portes de bois noir évoquèrent presque trop celle de l’entrée du bureau du haut dignitaire que la jeune femme avait vu le matin même. Il en tourna la poignée et pénétra à l’intérieur, la jeune femme à sa suite. A peine le battant s’était-il refermer qu’une voix vindicative s’éleva dans maisonnée.

- Ne vous ai-je pas dit une centaine de fois au moins que vous deviez fermer votre fenêtre avant de partir pour le temple ?! Une de ses nuits vous allez retrouver vos affaires trempées et il ne faudra pas…

La voix s’interrompit alors qu’une femme émergeait d’un couloir et découvrait les non pas un, mais deux arrivants. Si cela était possible, elle était plus petite encore qu’Angélique, ronde mais pleine d’énergie, son visage doux était contrasté par les éclairs d fulminations qu’envoyaient ses yeux noisette et qui cessèrent aussitôt qu’ils se posèrent sur Angélique.

- Nous avons une invitée pour le repas. dit un Lucian détendu. Angélique, je te présente Alice, ma gouvernante. Alice, Angélique, une prêtresse et ma nouvelle assistante.

Le visage de la rondelette dame s’éclaira, et un grand sourire barra son visage, inondant la pièce de joie et de douceur avec une facilité surprenante. Alice avait des allures de soleil chassant les ombres à l’aurore avec calme et habitude. Elle devait être assez âgée pour que Lucian et elle n’atteigne pas son âge même en additionnant le leur, mais elle dégageait une énergie infinie, qui se confirma alors qu’elle accourrait par de petit pas étonnamment rapide jusqu’à eux.


- J’aurais chauffé du thé, si quelqu’un m’avait prévenu ! lança-t-elle en foudroyant Lucian du regard pour revenir à une vitesse surprenante à de la gentillesse en se posant sur Angélique.

Avec des gestes experts et rapide ses mains volèrent au-dessus deux, le livre que portait Angélique disparu de ses bras pour retrouver sa place sur la pile de ceux de Lucian. La cape finit accrochée à une attache près de la porte, et les pommes dans la main de la gouvernante.
Elle poussa doucement Angélique en avant.

- Venez ma chère, j’ai allumé un bon feu, vous allez être bien. dit-elle d’un ton doux avant de lancer de façon nettement plus autoritaire un : Vous, rangez ça, et débarbouillez-vous, on dirait un cochon sorti de son enclos !

Elles avancèrent toute deux vers une autre porte alors que Lucian levait les yeux aux ciels et se dirigeait vers des marches proches. La voix d’Alice éclata de nouveau, presque menaçante.

- Rangés ne veut pas dire posés dans l’escalier !

Un soupir se fit entendre, puis le bruit de marche qu’on grimpe.

- Alors Angélique, vous êtes ordonnées depuis longtemps ? Elles ne sont pas beaucoup à recevoir leur confirmation si jeune, vous devez être très assidue ! la questionna sans flatterie apparente la gouvernante.

Elles entrèrent dans la pièce aux hautes vitres vue de l’extérieur qui devait servir à la fois de salle de repas et de salon, puisque qu’une partie était occupée par une grande table garnie de chaises et que l’autre était structurée en demi-cercle devant une large cheminée, des petites banquettes confortables où Alice l’installa autour d’une table basse et ronde, le tout sur un large tapis.

- Buvez-vous ? J’ai chauffé du vin aux herbes cet après-midi, il est fameux !


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AngéliquePrêtresse
Angélique



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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyJeu 18 Nov 2021 - 6:16

Le soleil amorçait son lent déclin tandis qu’adossée négligemment contre la pierre du porche, la prêtresse fraichement promue assistante d’un Haut-dignitaire –et dire qu’il osa trouver là un manque de panache !– patientait le temps que son rendez-vous « imposé » daignât se présenter. Des religieux et des badauds trop nombreux défilaient sous ses yeux, franchissaient la troisième porte en lui lançant des regards interrogateurs ou la dévisageant aussi curieusement qu’ils l’eussent fait d’une bête de foire. Elle remarquait à nouveau à quel point l’humain mésestimait la différence. Mais n’était-ce pas ainsi depuis son enfance ? Et si elle les ignora magistralement à tour de rôle, d’autres, quelques rares courageux qui n’eussent probablement pas toujours les meilleures intentions, tentèrent néanmoins une approche auprès de la jeune fille. Elle rejetait alors par de franches rebuffades ceux que son air ennuyé ne suffit à éloigner. Encore à moitié perchée sur le petit nuage créé par cette étrange matinée, Angélique demeurait dans un rêve éveillé dont elle refusait être tirée. Ni ici, ni maintenant.

De fait, la rousse s’interrogeait pour savoir si, oui ou non, elle devait aller chercher elle-même l’objet de cette attente. Pour une raison mystérieuse Angélique ne pouvait l’imaginer être ponctuel… Suffisamment peu pour qu’elle écarta ses doutes quant à sa sincérité, du moins jusqu’à maintenant. De ce qu’elle en avait perçu, Lucian Altan lui semblait être de ces personnes tout aussi bien capable de s’être oubliées le nez dans un livre qu’accaparées par un quelconque autre problème de dernière minute. Pas qu’à ses yeux il fut étourdi. Non, seulement particulièrement passionné. Les nombreux et vastes sujets de conversations dont ils devisèrent ce matin-même suffisaient à la conforter dans cette idée. Bien que cela ait soulevé de nombreuses autres questions qui la préoccupèrent toute la journée. Angélique continuait donc d’attendre le responsable des bouleversements de son esprit. Et de son cœur, quoi qu’elle refusât y penser à nouveau.

La jeune fille rajustait la broche dans ses cheveux plaqués sur sa nuque, quand quelque chose dans la foule éparpillée capta son attention ; une tête plus haute que toutes les autres, dont elle ne saurait confondre le propriétaire avec qui que ce soit, se dirigeait droit dans sa direction. Son pas bruyant attirait l’attention, si ce n’était sa présence, si bien que les regards se rivèrent sur eux deux quand le Haut-dignitaire rejoignit une Angélique qui détestait être le centre d’une quelconque attention. Ses yeux, qui prirent étrangement la couleur de l’acier et la froideur de la glace, foudroyèrent quelques curieux particulièrement insistants qu’elle entendait déjà bavasser sur leur hypothétique relation.

« Vous vouliez confirmer le dicton "mieux vaut tard que jamais" ? Il suffisait de le demander, plutôt que de le mettre en pratique. » plaisanta-t-elle comme si, déjà, il n’y avait plus qu’eux.

Son propre sourire, peu de leurs observateurs le lui connaissaient, passa de la joie simple à un grand et vibrant éclat de rire devant l’air triomphant qu’il arborait, plume en main victorieusement dressée. Tous les doutes concernant son retard s’étaient déjà effacés de l’esprit d’Angélique. Rien dans l’expression du religieux ne la laissa supposer qu’il nota son changement de tenue, ou tout du moins se montrait-il assez indéchiffrable pour qu’elle ne le remarqua pas, et cette indifférence apparente ne la troubla qu’à peine. Après tout, elle ne l’avait pas fait dans le souci de lui plaire, même si par la suite la jeune fille avait soigné sa toilette ; ce fut seulement parce qu’il y trouva une toile d’araignée et toujours plus de poussière qu’elle avait troqué sa robe pour la seule ‘’moins ordinaire’’ qu’elle possédait, d’un bleu pâle légèrement décoloré –qui avait l’avantage de mettre ses yeux en valeur, soit dit en passant.

Elle s’apprêtait à proposer son aide afin de prendre quelques ouvrages dont il portait une haute pile quand Lucian, tout souriant, la devança –une fois n’est pas coutume comme qui dirait– et posa d’office un épais volume par-dessus la cape qu’elle tenait pliée sur ses bras. La surprise visible sur son visage céda aussitôt la place à une moue boudeuse et, pour la peine, l’espiègle rouquine décida de ne pas l’aider plus. Toutefois, curieuse…

« De quoi traite-t-il ? » demanda-t-elle d’une petite voix excitée.

La réponse ne fut pas exactement celle attendue par Angélique mais elle n’en obtint pas d’autre, aussi interpréta-t-elle la taquinerie comme une petite vengeance à sa propre plaisanterie. Et la joie évidente que cela lui procurait, d’avoir un compagnon de farces, emplie ses yeux de multiples étincelles. D’humeur légère, elle feuilletait la première page aussitôt en marche, dont Lucian adapta heureusement le rythme à celui de ses courtes jambes. Qu’ils fissent la route à pied n’étonna pas la prêtresse, ça correspondait à l’idée qu’elle se faisait du personnage caché dans le rôle Haut-dignitaire. Ou du moins ce qu’elle s’en faisait depuis leur escapade dans les murs du Temple, une autre promenade dont la marche actuelle reprenait quelques faux airs de romantisme malgré les banalités échangées.

« Ma journée… Je dirais qu’elle a été dans la lignée de la matinée, un peu étrange mais pas aussi incroyable. Ni palpitante ! Mais pas si mauvaise. J’ai subi un interrogatoire presque immédiatement après être redescendue, mais ce n’est pas vraiment une surprise. J’ai aussi entendu des bribes de conversation au sujet du sermon de père Magelus. Je rêvais y assister mais c’était avant que vous ne me convoquiez ! Enfin peu importe. Le sermon était "remarquable"... » Elle résuma néanmoins ce qu’elle en avait appris d’une voix sans entrain, peu persuadée de l’objectivité des avis glanés. Pour sa part, la seule chose qui l’intéressait était sa rencontre avec Anür. « Ensuite mon responsable a tenu à me faire essayer de nouvelles choses… Ce qui, à la réflexion, est bien plus inquiétant. »

Angélique gloussa en se remémorant ledit prêtre s’agiter et la traiter comme si elle avait à présent un ami haut placé auquel se plaindre, et ainsi s’exerça-t-elle à l’élaboration d’onguents qu’elle ne connaissait alors que par leur utilisation. Elle passa ensuite très rapidement en revue le restant de sa journée, sans aborder les rumeurs émergeantes les concernant déjà trop nombreuses mais dont certaines prêtaient à rire, après quoi il raconta la sienne lorsqu’elle lui retourna la question. La rousse l’écouta avec un intérêt sincère, même quand il aborda une première série d’occupations curieusement insipides et mais qui devaient aller de pair avec la fonction. La seconde partie, en revanche la captiva bien davantage, et l’enthousiasme qu’il manifestait en l’évoquant, tant dans son expression qu’à l’intonation de sa voix, se propagea à la jeune fille que mille et unes questions assaillirent.

Aux yeux extérieurs il ne faisait aucun doute que tous deux formaient un couple tant ils donnaient l’impression d’être dans leur petite bulle d’intimité. Ils semblaient partager chaque émotion, se rendre sourire pour sourire, être en osmose et, somme toute, nager dans un bonheur presque contagieux. Nonobstant un fond de vérité, les apparences étaient trompeuses.

Outre qu’ils n’entretenaient pas ce genre de relation –quoi que l’idée ne déplût pas à la rouquine–, il était encore bien des choses qu'Angélique ignorait au sujet de son nouveau supérieur. L'une d'entre elle fut ce visage presque enfantin qu'il pouvait prendre devant des pommes ; le même qu’elle arborait dès que ses yeux se posaient sur des sucreries, plus encore lorsqu’elles étaient légèrement acidulées. Un sourire doux aux lèvres, d'une tendresse dont elle-même s'ignorait capable, elle se félicita d’avoir accepté l’invitation et patienté après lui rien que pour cette vision.

La seconde était jusqu’à quel point les protocoles et autres conventions le désintéressaient. Ce qu’elle découvrit à son insu. Il fut évidemment bouleversant et savoureux de se faire appeler sa « jeune épouse », elle en rougit d’ailleurs jusqu’au haut de ses oreilles, mais il le fut davantage quand Lucian, en plus de ne pas détromper le marchand, confirma implicitement le présumé lien. Elle s’offusqua, le feu aux joues, mais son « époux » l’ignora juste et préféra vanter des tartes aux pommes dont la seule mention suffit à la faire saliver —et, par conséquent, se taire. L’air amusé qu’il arborait la fit capituler.

La troisième fut, non pas de se diriger vers l’Esplanade ; la jeune fille y avait réfléchi et le fait que sa résidence s’y trouva fut une évidence, aussi n’eut-elle pas l’air étonné en s’y rendant ; mais la demeure elle-même. Elle était étrange et curieusement en décalage au milieu du reste, exactement de la même manière que son propriétaire. Plus sobre, plus sombre, bien plus biscornu, le manoir donnait l’impression d’être plus petit et tassé que les autres des alentours. Angélique y voyait une habitation ancestrale, agrandie au fur et à mesure des besoins et des générations d’occupants. Et bien qu’elle ait un aspect un peu inquiétant, elle était pourvue d’un charme auquel la rouquine ne fut pas insensible. Observait-il les étoiles du haut de cette tour ?

« Je ne m’attendais pas exactement à ça. » souffla-t-elle en observant autour d’elle d’un air ébahit alors qu’il s’apprêtait à entrer . « Mais ça vous ressemble ! Bien plus que les autres résidences toutes bien ordonnées et rangées avec leurs pierres impeccables. »

Enfin, la quatrième et dernière chose qu’Angélique ignorait, ce fut à quel point la prénommée Alice était une femme adorable. Et il ne lui fallut que quelques instants pour comprendre l’affection que son hôte paraissait lui vouer. A ses yeux d’orpheline, elle était la parfaite représentation qu’elle se faisait d’une grand-mère ; stricte mais juste, chaleureuse et bienveillante ; et une fois son angoisse passée, la jeune fille ressentit instantanément une profonde sympathie pour elle.

« Bonsoir. » toussota la prêtresse d'une petite voix. Elle retint un rire alors que le petit bout de femme foudroyait du regard le grand gaillard. « Ne vous dérangez-pas pour moi. »

Mais Angélique eut meilleur temps de ne rien dire. Alice débarrassa livre et cape de ses bras aussi promptement que son humeur et son expression étaient capables de changer. Et déjà la boule d’énergie la poussait à avancer en direction d’une porte tandis qu’elle tançait le propriétaire des lieux comme un enfant.

« Quelqu’un devrait arrêter de soupirer. » ricana Angélique avant d’entendre monter les escaliers. « Non, ça ne fait que quelques mois seulement. Quatre, si je ne me trompe pas. Le temps passe vite ! Mais je n’ai pas vraiment de mérite ! A vrai dire j’ai juste la chance de n’avoir connu que le Temple, et d’aimer apprendre. D’ailleurs je doute que les prêtres partagent votre avis. » ses lèvres formèrent un pâle sourire, comme empreint de nostalgie. « En dehors de ça, je suis plutôt un vilain garnement indiscipliné. »

Pendant qu’elle parlait, la gouvernante l’avait entrainée jusqu’à un salon chaleureux où un feu était effectivement allumé. Angélique s’installa timidement sur une banquette, les jambes croisées car elle se sentait soudain plus tout à fait aussi à l’aise. A bien y réfléchir, c’était la première fois qu’on l’invitait chez soi.

« Rarement. » répondit-elle ensuite d’une voix ou la perte d’assurance se ressentait. « Uniquement lors de grandes occasions. Mais j’en gouterais volontiers, s’il vous plait. Je ne dis jamais non à une nouvelle expérience, même gustative ! Et par pitié, tutoyez-moi ! Je vais m’entendre appelée "vous" bien trop souvent dans les jours à venir, j’aimerais profiter d’un peu plus de "tu" et de "toi" pendant que je le peux encore. »

Les mains posées sur ses genoux Angélique détaillait la pièce avec de grands yeux, poussée par la curiosité autant que par la nécessité de se tenir un tant soit peu occupée. Quelque part, elle craignait devenir folle en restant seule avec ses questions. Comment la soirée se passerait-elle ? Que devait-elle faire ? La rouquine n’avait aucune réponse capable de la rassurer. Par tous les Dieux, que c'était gênant.

« Puis-je vous être utile ? Ne rien faire est un supplice. » céda-t-elle après seulement quelques secondes.

Ses prunelles aussi bien que son sourire trahissaient son anxiété, et jusqu’à ses mains s’agitaient de légers tremblements. Comme toujours lorsqu’elle était trop nerveuse, ce que son supérieur et hôte avait peut-être déjà eut l’occasion de remarquer, elle ne tardât pas à se mordiller les lèvres jusqu’à en ôter une gerçure.

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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptySam 20 Nov 2021 - 7:07



17 Avril 1167.
[Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie Ot2c
Alice sourit avec amusement et regarda la porte par laquelle elles étaient arrivées, songeant sans aucun doute à l’homme qu’elles y avaient laissé.

- J’en ai un comme ça aussi à la maison, totalement intenable !fit-elle semblant de se plaindre d’une voix volontairement geignarde avant de se pencher plus prés d’elle et de lui dire avec un sourire. Ne le répétez à personne, mais vous êtes les plus intéressant ! Je m’ennuierais bien trop si je devais m’occuper d’un parfait propriétaire.

Elle lui fit un clin d’œil et s’empressa d’ajouter une bûche dans la cheminée afin d’offrir un nouvel éclat aux flammes et de propager une chaleur agréable dans la pièce alors que la jeune femme acceptait l’idée d’un verre et l’invitait à plus de familiarité. Alice haussa un sourcil curieux puis son grand sourire chaleureux chassa tout le reste de son visage.

- Va pour le tutoiement alors, mais tu devras me rendre la pareille, c’est donnant donnant. lui répondit-elle finalement en se redressant.

Presque comme si elle avait été physique, Angélique pu sentir une barrière s’effondrer entre elles. Que ce fut dans l’attitude de la gouvernante, qui se modifia légèrement, dans son ton pourtant déjà amical qui devint presque familial. Ou dans la façon dont, de manière bien plus immatérielle, l’aura de chaleur et de douceur qui émanait d’Alice et qui l’avait englobée presque à l’instant de leur rencontre se mit soudain à s’infiltrer en elle pour la réchauffer. Comme si, les dieux savent comment, elle avait ouvert une porte en elle-même pour laisser entrer cette femme.
Sans doute n’était-ce en réalité que l’effet de la chaleur grandissante des flammes sur son corps venu de l’extérieur, mais malgré cette interprétation très factuelle des choses, l’impression que cela se déroulait entre elles deux ne voulu pas complètement se dissiper.

Alice ne se fit pas proposer deux fois de l’aide. Femme d’efficacité elle saisit l’offre faîtes à peine Angélique eût-elle fermé la bouche et lui dit d’une voix douce mais d’une autorité naturelle :

- Prends donc trois verres larges dans l’armoire juste là, et la grosse planche de bois qui s’y trouve aussi. Dispose le tout sur la table, je vais chercher le vin ! Aussi tôt dit aussi tôt fait. Ses consignes données, Alice disparu par une porte d’un pas rapide laissant la jeune prêtresse seule maîtresse de ses actes, visiblement considérée assez indépendante pour gérer cette tâche sans supervision.
Heureusement pour Angélique, il n’y avait pas des dizaines de format de verre différents dans le meuble comme s’amusaient à le faire certain noble au point de rendre cela ridiculement compliqué pour ceux qui ne vivaient pas dans leur monde. Non, ici le choses semblaient bien plus dédiée à être pratique qu’esthétique.

Alice revint en portant d’un bras une petite marmite dont le fumé presque sucré chatouilla les narines de la jeune prêtresse. Puis l’odeur se complexifiée, prenait une douceur légèrement piquante qui évoquait la neige et le feu de bois. Elle la posa sur la planche de bois pour protéger, sans doute le meuble de la chaleur.

- J’ai moi aussi grandit dans le giron du temple sans autre chose à faire ou à apprendre et pourtant je n’ai jamais obtenu ma robe. Ne mésestime pas tes efforts et ton talent. Tu l’as méritée. La contredit finalement Alice alors qu’elle s’emparait d’un verre et le servait généreusement à l’aide d’une louche. Elle le déposa devant Angélique.

- C’est chaud, attention. poursuivit-elle en se servant à son tour. Elle laissa le troisième vide et vint s’installer sur la même banquette qu’Angélique en trempant ses lèvres dans le breuvage. Elle sembla savourer l’effet que cela eu sur son corps. Elle fit alors une chose surprenante.

Ses doigts remuèrent étrangement et sans que Angélique puisse expliquer d’où elle émergea, une petite cuillère d’argent apparu dans la main d’Alice, comme venue du néant et elle remua doucement le contenu de sa coupe sans que rien dans son attitude ne trahisse une quelconque émotion sur ce qui venait d’arriver.

- Il est rare que nous ayons des invités, encore moins de jolie jeune femme. Alors je me demande bien ce qui a pu se produire. Si je devais miser, je dirais qu’il t’a plongé dans les ennuis jusqu’au cou et qu’il veut se faire pardonner. Les ennuis sont presque dans sa nature. Je chauffe ? demanda Alice avec douceur et une pointe de compassion amusée.

A peine Angélique avait-elle eu le temps de répondre à cette question que la porte grinça doucement pour laisser entrer Lucian dans leur dos.

- J’ai les oreilles qui siffle, comme si quelqu’un disait de mauvaises choses sur moi. dit-il amusé en s’avançant dans la pièce.

Il s’était changé. Un pantalon sombre taillé étroitement à la taille rappelant quelque peu la coupe d’une tenue de chasse, venait retenir une chemise ample d’un blanc immaculé, dont l’encolure était ouverte. En y regardant bien, de fin fils d’argent étaient brodés dans l’extrémité des manches et des boutons de manchette en argent, incrusté d’obsidienne venaient les fermer.
Si Alice semblait prête à faire une remarque cinglante sur les pieds nu du maître des lieux, celle-ci mourut entre ses lèvres alors qu’elle observait la chemise. Son regard glissa de Lucian à Angélique, puis d’Angélique à Lucian la jeune femme perçue de nombreuses interrogations muettes. Mais elle finit par répliquer.

- Je pencherais plus pour une de vos expériences qui a mal tourné. Je me souviens que la dernière a soufflé tout le bureau. Là aussi vous vous êtes plein d’oreilles sifflantes.

Lucian rit et s’approcha en nouant ses cheveux en une petite queue avec un lacet de cuire dégageant son visage. Alice ne fit aucun mouvement pour le servir comme on aurait pu l’attendre de son rôle dans la maisonnée et rapporta toute son attention sur leur invité. Elle prit la main d’Angélique et l’observa, la faisant tourner, paume vers ciel et laissa errer son regard alors que Lucian se servait un verre et prenait place dans un fauteuil non loin lui permettant de leur faire face.

- Tu joues d’un instrument Angélique ? Si ce n’est pas le cas, tu devrais, tu as des mains de musicienne.



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AngéliquePrêtresse
Angélique



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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptySam 20 Nov 2021 - 21:40

Depuis la rencontre d'un certain Haut-dignitaire, la rousse assistait à bien des phénomènes inexplicables. Ou tout du moins au-delà de sa propre compréhension. L'impression qui s'empara d'elle fut indescriptible, et des plus étranges, à la manière du froid qui s'insinue par tous les ports de sa peau pour gagner jusqu'à ses os, mais à la différence qu'il s'agissait d'une incroyable chaleur. Comme si quelque chose s'ouvrait, peut-être ? Quoi qu'il en fût, elle fronça doucement des sourcils afin de mieux le percevoir, et sans cette sensation persistante Angélique eut juré l'avoir rêvé. En soit, cela restait dans la continuité d'une journée ayant commencé sous les mêmes hospices, mais la troublait toujours autant.

Par ailleurs, elle ne répondit rien sur la réciprocité du tutoiement. Parce qu'elle vouvoyait presque par un réflexe quasi systématique toutes les personnes un tant soit peu plus âgées qu'elle … Alors passer outre, rien ne lui était plus difficilement concevable, la rousse ne garantissait pas y arriver, ni cette fois ni jamais, et préférait ne rien affirmer qu'elle ne fut capable de respecter. D'après ses souvenirs, la seule personne qu'elle tutoyait depuis un temps tout à fait relatif était un confrère prêtre, d'apparence guère plus âgé qu'elle. Néanmoins elle se promit d'essayer pour Alice, parce qu'elle le lui demandait.

« Tout de suite ! » obtempéra-t-elle tandis qu'un grand sourire réjoui venait éclairer son visage.

La jeune fille se leva et, moins vivement que la très amusante gouvernante déjà hors de son champ de vision, gagna l'armoire désignée qu'elle hésita à ouvrir par deux fois. Bien qu'on le lui eût demandé, ce qui légitimait son geste, le faire donnait à Angélique l'impression de n'être rien de moins qu'une voleuse et une fouineuse. Fouiller le vaisselier de ses hôtes n'était-il pas comme pénétrer leur intimité ? Elle se morigéna intérieurement ; on le lui avait demandé, il n'y avait pas à discuter. Après une profonde expiration, résignée, elle se dépêcha d'ouvrir le meuble et d'en prélever le nécessaire. Par chance, il n'y avait qu'un seul type de verres qui fussent assez larges pour correspondre à la description, et la planche reposait presque en évidence. Précautionneusement, cette dernière serrée entre son ventre et un bras, et les trois verres répartis dans ses deux mains, la jeune fille alla déposer le tout sur la table basse.

Quelques secondes plus tard, précédée par une délicieuse odeur, Alice revenait de son petit pas rapide significatif en portant une petite marmite –comme si petit résumait tout ce qui touchait de près ou de loin à la petite femme. Angélique, à nouveau confortablement installée dans la banquette, les jambes croisées et le dos bien au fond du dossier, s'empara d'un verre pour en savourer tous les effluves, les yeux à demi clos. Elle identifia aisément des notes épicées, presque piquantes, qui succédaient à d'autres bien plus sucrées, fruitées même. L'ensemble lui laissa la sensation de papilles frémissantes à l'intérieur de sa bouche.

« Merci. Auriez-vous… Pardon. Aurais-tu préférée devenir prêtresse ? Je crois l'être devenue par dépit… Avant ça, bien avant mais il n'y a pas si longtemps en même temps, je n'étais pas certaine de ce que je voulais faire alors j'ai essayé plein de choses. » D'une voix basse, presque lasse, Angélique énuméra une partie de ces menus travaux auxquels elle s'essaya alors, de garçon de course lorsque sa féminité ne se vit pas encore, à aide couturière dans une modeste boutique du Bourg-Levant ou encore apprentie fleuriste. Elle marqua une pause, puis reprit d'une tessiture plus proche de celle qu'était la sienne. « Mais rien ne m'a vraiment captivé ! Par rapport à v… Toi, j'ai certainement bénéficié d'avantages que la fange a entrainés. Il y avait besoin de mains, de soigneurs et d'apothicaires… J'étais toute disposée à aider et j'en connaissais déjà quelques bases. Cela a dû peser dans la balance. J'ai été confirmée alors que je ne savais pas lire ! »

La prêtresse suspendit ses paroles et garda ses supputations pour elle-même. Le verre brûlait presque ses mains, lui rappelant sa présence mais sans être tout à fait désagréable. La jeune fille souffla doucement dessus pour en réguler la température, pensive, puis le porta à ses lèvres. Les paupières fermées, elle en savoura les saveurs sur sa langue et son palet ainsi que les effets diffus à l'intérieur de son corps, la chaleur qui se propageait doucement.

Un mouvement capté du coin de l'œil attira cependant son regard. Angélique vit la magie, ou ce qui s'y apparentait, effectuée par la gouvernante mais se dit qu'il devait s'agir d'un petit tour de passe-passe destiné à impressionner les invités. De quoi pouvait-il bien s'agir d'autre ? Si cela continuait, la rousse finirait paranoïaque avant la fin de la soirée !

Angélique souffla à deux longues reprises sur le breuvage pour en prélever une nouvelle gorgée au goût tout aussi puissant qu'à la première. La chaleur lui devint presque insoutenable, son teint rosit faiblement tandis que ses prunelles perdues dans son verre étincelaient, et elle releva les manches sur ses avant-bras. Elle ne fit pas attention à la marque colorée, une tâche ronde aux contours irréguliers qui oscillait entre le rouge et le violet, présent sur l'intérieur de son poignet gauche.

« Oh ! Je suis bien assez compétente pour me fourrer dans les ennuis toute seule ! J'ai dû être une princesse en détresse dans une autre vie et il m'en reste des traces. » Pouffa-t-elle en se redressant. Son visage arborait une expression mitigée entre la fatalité et l'amusement tandis qu'elle reprenait d'une voix sérieuse. « Honnêtement, cette invitation découle surtout de quelque chose que j'ai dit. Je ne pensais pas que "quelqu'un" prendrait mes mots au pied de la lettre, même si j'aurais dû m'en douter. Mais rien de fâcheux ! Ou du moins rien qui ne soit pire que ce dont j'ai l'habitude ! » Ses yeux se rivèrent sur Alice à qui elle adressa un petit sourire davantage gêné, comme si dévoiler la vérité à la petite femme l'intimidait. « Il serait plus commode pour ce tyran et mon apprentissage que je loge ici. Mais avant ça, je voulais m'assurer que ma présence ne serait pas une gêne, que vous m'accepteriez et que tout se passerait bien ! Mais ça aurait plutôt été à "quelqu'un" de l'expliquer. »

Un petit cri accompagné d'un sursaut échappa à la jeune fille quand le maître des lieux parla, derrière elle, sans qu'elle ne s'y attendit ; sa boisson forma des vagues à la surface du verre qu'elle tenait d'une main, mais aucune goutte n'en tomba. Sans doute était-elle trop occupée à parler. Elle porta une main tremblante à son cœur avant de lui semoncer vivement :

« Ne me refaite jamais une peur pareille ! » Elle expira une longue bouffée d'air, puis reprit avec un air malicieux et impertinent souligné par un grand sourire : « J'ai pour habitude de ne médire que sur les absents, ou les gens qui ont le dos tourné. Alors c'est entièrement votre faute ! »

Son cœur cognait toujours comme un forcené à l'intérieur de sa poitrine mais le rythme décroissait lentement. Angélique croisa alors les bras sur sa poitrine avec une expression boudeuse et tourna légèrement la tête lorsque Lucian parvint en périphérie de son champ de vision. Immédiatement un sourcil se haussa d'un air interrogateur sur son visage. Fut-ce le vin, ou bien la tenue du père Altan, qui accentua la coloration de ses joues et provoqua ces nouvelles palpitations ? Dans cette tenue elle le trouvait... Il n'y avait simplement pas de mots.

« Je croyais que vous aviez parlé d'un diner informel ? Aurais-je mal ouïe, Votre Sainteté ? »

La rousse, que ses propres paroles eussent bien faillit étouffer, surprit alors le regard d'Alice, qui effectuait des navettes entre elle et le Haut-dignitaire, mais elle ne saisit pas le sens des interrogations silencieuses. Quoi que, à la réflexion, peut-être que si ? Angélique fronça les sourcils, la tête inclinée de biais afin de manifester sa propre incompréhension. Non, la gouvernante devait bien connaître le propriétaire, alors ce devait être autre chose. Mais quoi ? La réplique de cette dernière la tira de ses pensées et provoqua un éclat de rire qui s'éleva de concert avec celui de l'homme, et vibra plusieurs secondes dans la pièce.

Alice saisit une des mains de la jeune fille, la surprenant au passage, et la manipula de manière à l'orienter à sa convenance pour l'observer. Du moins semblait-il à Angélique, qui n'y connaissait que peu de choses. Lisait-elle les lignes de sa main ?

« Vous trouvez ? » demanda-t-elle d'un air sceptique à la petite gouvernante en oubliant –une fois encore– l'emploi du « tu », avant de porter un regard interrogateur au maître des lieux. « Moi, elles me semblent seulement petite et tout à fait ordinaires. Et pas très féminine à bien y regarder ! Je vous remercie en tous cas. Peut-être y songerais-je. Je joue de la flute de temps à autre. Enfin… Il faut le dire vite ! »

Angélique se tendit afin de poser son verre sur la table puis éleva une main à hauteur de ses yeux, et le stigmate violacée fut bien visible. Elle essayait y voir… Y voir quoi d'ailleurs ? Une paume, des doigts, des plis… Rien que de très ordinaire. La jeune fille eut beau plisser les yeux, froncer les sourcils et même tirer la langue, rien ne changea dans l'intérieur de sa main. Son visage se voila d'un masque mélancolique lorsqu'elle reprit ses explications.

« Un mendiant m'a appris un air, un marin un autre... Parfois j'essaie de reproduire des mélodies que j'entends mais ça n'est jamais très concluant. A l'occasion je chante… Mais rien de plus que des berceuses pour une petite orpheline ! Et je pense sincèrement qu'il vaut mieux être sourd que d'entendre ça ! Mais à quoi… As-tu vu ça ? » se reprit-elle juste à temps, avant de se tourner à nouveau vers son supérieur pour lui demander le plus sérieusement du monde : « Comment fait-elle ? Moi, je ne vois que des plis ! »

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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyDim 21 Nov 2021 - 8:27



17 Avril 1167.
[Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie Ot2c
La gouvernante laissa la propriétaire de la main récupérer son bien avec un sourire aimable et visiblement satisfait. Apparemment, elle avait obtenu pendant son observation une réponse qui n’avait pas grand-chose à voir avec la musique et qui lui apportait un certain plaisir, qu’elle arrosa avec une gorgée de vin chaud, son regard pétillant de bonne humeur.

- Oui, JE trouve ! la tança-t-elle avec douceur bien décidée à ne pas laisser la jeune fille établir un lien inégale entre elle. C’est la traversière qu’il faut pratiquer, avec tes lèvres et tes mains, il te faut un instrument plus subtil.

Tout dans sa voix était affirmatif, comme s’il n’y avait pas de sujet de débat. Pour peu qu’elle aurait eu un instrument sous la main, sans doute auraient-elles déjà commencer une leçon afin de prouver ses dires. Alice était une femme pleine d’assurance et de simplicité, dans sa bouche tout prenait l’accent de vérité.

- C’est à peine si je vois la forme de la main ! contre carra Lucian en haussant les épaules, visiblement impuissant à expliquer les conclusions de sa gouvernante qui afficha une petite mine satisfaite teinté d’un orgueil si surjoué qu’il en devenait comique.

- Quand vous deux auraient vu la moitié des gens que j’ai pu croiser dans ma vie, alors vous verrez que des mains d’artistes sont aussi évidente à reconnaître que le soleil dans le ciel de midi !

Lucian et Angélique échangèrent un haussement de sourcils amusés que la maîtresse des lieux ignora superbement dans sa prestation de femme d’expérience, mais que le sourire qu’elle tentait de contenir faisait comprendre la duplicité. Elle reprit d’un ton moins caricatural et plus familier.

- Non ma belle, le Temple n’était pas fait pour moi. On n’y voit pas assez de chose, toute la connaissance se trouve coucher sur du papier froid et sans âme.

- Je ne… eut à peine le temps de de lancer un Lucian visiblement en désaccord avec cette description d’une de ses passions, mais déjà Alice claquait des doigts pour le faire taire, comme une mère qui doit gérer un garçon turbulent alors qu’elle discute entre grandes personnes. Angélique, assise près d’elle pouvait voir dans ses yeux tout l’amusement que la petite femme y prenait.

- Comme toi j’ai essayé tout un tas de petit boulot et j’ai compris que vivre ne pouvait se faire pleinement entre quatre vieux murs. Alors j’ai continué, plus loin, plus longtemps. J’ai recousu les culottes d’un général sur une ligne de front. J’ai changé les linges des deux filles d’une reine marchande. J’ai nagé au milieu d’un banc de poisson qui brillaient dans la nuit. J’ai brisé quelques cœurs et réparé le miens de nombreuses fois. J’ai vu une montagne qui crachait du feu. J’ai vécu ! Alors je suis heureuse de ne pas être devenue prêtresse. En plus j’aurais risqué de me retrouver à son service encore plus tôt ! conclua-t-elle presque dramatique en pointant un doigt accusateur sur Lucian qui ne daigna même pas relever les yeux pour affronter la pique, se resservant du vin.

A peine avait-elle conclut sa tirade qu’elle bondissait sur ses pieds et engloutissait la fin de son propre récipient.

- Bon ! Dîner informel ou non, il va quand même falloir manger un petit quelque chose ! Si je vois un bout de nez dans ma cuisine, je le coupe ! dit-elle le ton plein d’une menace boudeuse en alternant son regard sur les deux garnements. Elle s’éloigna rapidement, avant de s’arrêter à quelques pas de la porte et de tourner la tête par-dessus son épaule.

- Je l’aime bien, elle a de l’esprit même si elle en doute encore. Faîtes en sorte qu’elle ait envie de rester, avoir une adulte de plus dans cette maison ne vous ferez pas de mal ! Envoya-t-elle avant de reprendre sa route. Et laissez-moi du vin !

Un instant plus tard elle avait disparu. Lucian sourit, un sourire chaleureux. Puis se leva et vint prendre la place vacante près d’Angélique, une jambe repliée sous l’autre son genou effleurait presque la cuisse de la jeune femme. Le coude appuyé sur le dossier, sa tempe contre sa paume, il se mit à l’observer avec intensité comme s’il n’avait pas pu apprécier sa vision à sa juste valeur depuis trop longtemps.

- On finit par s’y habituer. Si on l’écoute je manque de mettre le feu à la maison chaque jour. Alors que c’est arrivé tout au plus deux fois. plaisanta-t-il d’un air complice.

- Alors ? Que penses-tu de l’endroit ? Je te ferais visiter si tu en as envie ? Tu ne trouves pas qu’il a un charme bien à lui ? C’est le manoir corvo. La famille qui l’habitait avait disparu bien avant la fange et personne n’en voulait. Alors j’ai sauté sur l’occasion. Tu as vu la tour ? C’est de là-haut que j’observe le ciel. La vue est sublime.

Cette dernière phrase varia subtilement en ton laissant douter de la vue dont le haut-dignitaire parler vraiment en cet instant, son regard toujours accroché aux détails de son visage. Il reprit cependant plus neutre et compréhensif.

- Nous avons vécu bien des choses depuis ce matin, n’est-ce pas ? Tu ne dois pas te sentir obligée de faire certaine chose Angélique. Je t’ai invité ce soir parce que j’avais envie de t’avoir à dîner, bien plus que pour te pousser à une décision quelconque. Ne réfléchis pas trop, enfin pas plus que d’habitude ! Contentons-nous de passer un bon moment et de survivre à l’énergie d’Alice. lui proposa-t-il.

Quelque chose était différent dans sa voix et il fallut quelques secondes sans doute à Angélique pour s’apercevoir de la nuance, et plus encore pour en comprendre l’origine. Puis l’évidence éclata dans son esprit. Malgré leur virée dans les tunnels, leur intimité souvent flouée et la proximité parfois obscène de leur corps ou de leur regard. Lucian n’avait pas encore parler avec elle pour ce qu’elle était simplement. Une femme.
A chaque fois l’attention du haut-dignitaire avait été plus focalisé sur son esprit en particulier que sur sa personne toute entière. Pas cette fois-ci. L’espace de quelques secondes, Lucian s’était adressé à la femme en elle, ou plutôt à la femme qu’elle était malgré qu’elle l’ignorait la plupart du temps.


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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyDim 21 Nov 2021 - 22:51

Angélique ne cessa de rigoler aux piques et autres remarques envoyées par la gouvernante, sans oser intervenir d'une autre manière de crainte d'en devenir à son tour la cible. Ses yeux naviguaient de la petite femme replète au grand gaillard habitué, ou bien résigné, d'une manière qui ne fut pas sans rappeler celle de certains spectateurs lors de quelconques jeux de balle. Son anxiété s'évapora comme la neige au soleil et, que ce fusse à cause ou bien grâce à la présence de Lucian, la jeune fille passait un très agréable moment. Bien que sa proximité eût modifié l'atmosphère, et ce dès son entrée. Incapable de se défaire de sa présence la rouquine le sentait, même en se concentrant sur bien d'autres choses elle ne put l'ignorer, le ressentait par une sorte de magnétisme qui l'attirait toujours à lui –ou du moins son esprit, car tant qu'Alice fut dans la pièce elle n'y céda pas.

Alice bondit sur ses pieds, leur lança un avertissement qui lui tira un sourire amusé, puis s'éloigna de son petit pas rapide. La jeune fille tendait le bras en direction de son verre dont elle s'imaginait savourer le contenu, à nouveau, sans craindre d'en renverser absolument partout à cause de ses rires… Mais non, le départ de la gouvernante ne lui en laissa pas l'occasion : une dernière remarque fusa, inattendue et impensable pour la rousse à en juger ses yeux écarquillés et son teint rouge. Elle fut sur ses genoux en un éclair, et se pencha par-dessus le dossier de la banquette pour fusiller des yeux le petit brin de femme.

« Alice ! » s'offusqua-t-elle.

Mais trop tard, la cible de sa menace s'était déjà volatilisée. Angélique soupira, secoua la tête avec une expression amusée, puis se laissa retomber sur la banquette. Elle riait.

« Quel phénomène ! »

Elle cessa brusquement de respirer. Son hôte prenait la place abandonnée par Alice, juste à côté d'elle, pour le plus grand plaisir tant que le désespoir de la prêtresse. Elle s'installa de biais pour lui faire face mais constata que lui-même s'était assis de manière à pouvoir l'observer, ce qu'il ne se privait d'ailleurs pas de faire non sans une intensité à peine soutenable, et qu'il souriait. Elle pressa les paupières. C'était une attention nouvelle, inconnue, qui fit doucement rougir Angélique. Les battements de son cœur s'affolaient et résonnait à ses oreilles. Il était près, dangereusement près, et comme pour le confirmer un genou effleurait parfois une cuisse. Ils furent certes bien plus proches au cours de la matinée mais, à l'intérieur même de sa demeure, cette proximité différait d'une manière indescriptible… De fait, en l'absence de la gouvernante sa présence masculine engloutissait tout l'espace, et tout son esprit, à la manière d'une nappe de brouillard pleine de chaleur. Elle rouvrit enfin les yeux.

« Que deux fois... » La rousse étouffa un rire. « Pauvre Alice. Et pauvre manoir ! Vous avez de la chance qu'il tienne encore debout après ce que vous lui faites subir ! »

Si Lucian Altan plongeait Angélique dans une tourmente innommable par sa seule présence, que dire alors de cette intonation qu'il employa ? Un éclair de détresse et de peur assombrit ses prunelles bleues à mesure qu'elle eut peur d'en comprendre le sens. Mais ça ne pouvait être ça, n'est-ce pas ? Elle se trompait forcément.

« Un charme bien à lui, oui… » Sa voix, curieusement rauque, eut du mal à sortir. « Un charme bien trop particulier pour les Marbrumiens qui n'aiment pas ce qui sort de l'ordinaire… Mais que seules les personnes particulières savent apprécier ? J'aime beaucoup. Naturellement ! Il est curieux, et j'aime tout ce qui est curieux, en dehors des normes ou étrange. »

Angélique suspendit ses paroles, les joues et les oreilles en feu. Ne lui avait-elle pas dit le trouver étrange, le matin même ? Son regard glissa alors sur le visage bien masculin, de sa pomme d'Adam à sa mâchoire couverte d'une courte barbe dans laquelle elle souhaita soudain passer ses doigts, sur ses lèvres qui se fendaient déjà pour reprendre d'un ton plus neutre, puis survola l'arête de son nez pour se fixer dans ses orbes rougeoyants. Il la fixait encore, toujours de cette manière intense et ô combien troublante. D'autant plus troublante qu'elle perçut également une différence dans sa voix. La jeune fille déglutit faiblement. La rougeur de son visage s'accentua progressivement à mesure qu'elle crut comprendre, si la chose seulement fut possible tant elle était déjà vive, et elle se demanda à quel point elle fut visible dans l'obscurité.

« Et bien… » Elle s'éclaircit la voix et fuit son regard pour poser les yeux sur ses mains, posées sur ses genoux. « Pour vous, je ne sais pas ! Mais oui, il s'est passé beaucoup de choses depuis ce matin. Ça a été une journée riche en émotion. »

Le visage de la rouquine adopta un air pensif. Ses paupières demeuraient baissées, et l'ombre de ses cils projetée sur ses joues montraient qu'elles tremblotaient. Les lèvres pincées, deux de ses doigts vinrent discrètement effleurer l'intérieur de son poignet pour en pincer la chair à l'exact endroit déjà bien marqué. Non, toujours pas un rêve, songea-t-elle. Tout était trop beau, trop irréaliste, trop rapide, trop intense… Tellement agréable dans le fond, et si effrayant. Ne pas trop réfléchir, disait-il…

Ses mains se crispèrent brièvement sur le tissu de sa jupe lorsqu'elle reprit la parole. Sa voix retrouva un timbre normal, et presque son élocution ordinaire… Néanmoins elle ne releva pas les yeux.

« Je me sens bien ! Et j'ai passé un bon moment jusqu'à maintenant ! Je suis un peu anxieuse, peut-être… Mais parce que ce n'est pas comme explorer le Temple ou la cité ! C'est juste la première fois que je suis invitée chez quelqu'un ! Je ne sais pas du tout ce que je dois faire. Alors quelles sont les choses que je ne suis pas obligée de faire ? » Puis elle ajouta, sur le ton de la confidence autant que de la réflexion envers elle-même : « J'aime beaucoup Alice ! Je me demande si elle aussi, elle a bien exaspéré les prêtres et les prêtresses de son temps. Peut-être aurais-je dû poursuivre sur la même voie qu'elle… »

Angélique secoua la tête pour chasser quelques sombres pensées qui semblaient déterminées à parasiter son cerveau, et se releva d'un bond pourvu de la vivacité et l'agilité que seules les fuites au travers de Marbrume lui inculquèrent. Car il s'agissait bien de fuir, prendre ses distances du religieux et maître des lieux, de ses propres sentiments qu'elle n'était plus certaine de comprendre ni de vouloir. Elle frappa ensuite dans ses mains, comme elle l'eut fait pour se donner de la motivation.

« Allez-vous me faire visiter ? » s'exclama-t-elle avec un rire dans la voix. « Vous savez parfaitement que je ne suis pas capable de résister à une offre pareille, quand vous me l'avez proposée ! Haut-dignitaire sadique ! Connaissez-vous l'histoire du manoir ? Je serais curieuse de la connaître ! »

Ses mains gagnèrent son dos où ses doigts s'entrecroisèrent. Souriante, elle effectua un demi-tour d'un mouvement presque dansant qui forma un tourbillon de mèches rousses, et commença à s'éloigner de cet homme à la présence définitivement bien trop dangereuse.

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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyLun 22 Nov 2021 - 21:03



17 Avril 1167.
[Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie Ot2c
Lucian l’observa pendant tout son plaidoyer. Attentif, mais pas uniquement à ses paroles, mais à toutes ses attitudes, même les plus discrète. Il la détaillait avec tant d’insistance à cet instant qu’il aurait sans peine pu compter le nombre de ses respirations qui quittèrent ses lèvres. Il la regarda bondir sur ses pieds avec l’empressement d’une gazelle qui remarque un prédateur. L’était-il selon elle ? L’était-il selon lui ? Une question des plus intéressante sans aucun doute, mais à laquelle il ne répondrait pas. Sa nature même le rendait incapable de définir une réponse claire à cette question. Il était Lucian et pour lui les deux faces de cette pièce se fondaient si intimement qu’il ne pouvait les dissocier.

Des milliers de destins se déroulaient au pieds de la jeune femme face à lui, la plaçant au centre d’une toile d’or et d’argent apte à faire pâlir la plus appliquées des tisseuses. Il pouvait bien entendu tirer sur certain de ces fils, comme il l’avait fait le matin même en se plaçant sur sa route. Et il en tirerait d’autre à l’avenir, tel était son talent. Pour autant, il ne choisirait pas pour elle, car ce qui s’obtenait par la force n’avait aucune valeur. Il acceptait de payer le coût de ses choix. Angélique devrait être responsable des siens pour faire de même.

Des yeux bleus, une rivière d’étoile dans une nuit spectrale, et le sang, un sang rouge amenant une fin méritée.

- Alice est Alice, tu es toi. Elle a suivi une route, comme tu le fais actuellement, elles ne seront jamais semblables, parce que vous êtes différente. Et j’en suis heureux, autant que tu devrais l’être. Tu as tout le temps du monde pour faire un pas dans la direction de ton choix. finit-il par dire d’une voix calme avant de se lever doucement.

Il tendit la main et s’empara du poignet de la jeune femme avec un mélange d’assurance et de douceur subtile. Il le tourna vers le haut et observa de longues secondes la marque devenue bleue par l’insistance de sa propriétaire à se meurtrir.
Son pouce glissa sur la douloureuse zone et Angélique eu l’impression de sentir sa peau s’enflammer douloureusement l’espace d’un battement de cœur. La brûlure reflua aussi vite qu’elle était apparue, mais la chaleur persista, vibrante, intense, engourdissant, étrangement agréable. Comme se picotement d’un membre trop froid qu’on approche du feu. Un picotement à la limite du supportable mais que notre corps finit par aimer, demander, désirer. Tout cela réduit à quelques secondes de vies.

- Tiens-tu vraiment tant que cela à te réveiller Angélique ? Pour trouver quoi ? dit-il alors qu’une pointe de tristesse était perceptible au fond de sa voix. Il ne semblait pas inquiet, du moins pas outre mesure. Pas non plus choqué ou gêné, uniquement calme et triste.
Une nouvelle caresse du pouce qui ne produisit pas le même effet que le précédent, mais entretint la chaleur et il relâchait doucement son poignet.

- D’après le cadastre, la première forme du manoir est dû à son bâtisseur et propriétaire. Un homme qui a grandement participer à l’élaboration et la construction du haut mur qui entoure la cité. Au point d’être anobli pour service rendu par le duc. C’était encore la famille Morguestanc à cette époque qui détenait le pouvoir. Cet homme, malgré son évolution sociale, n’aimait pas beaucoup les nobles. Alors sa première idée a été de faire une bâtisse à l’encontre de tous les sens esthétiques de ses pairs. Un trait de provocation visiblement héréditaire, puisque chacun de ses descendants a voulu choquer de la même manière avec son ajout. dit-il en lui proposant d’un signe de tête de le suivre. Ils regagnèrent le hall d’entrée.

- Même la tour a cet unique but. Carrée et plate, et centrée, à une époque ou les flèche et les arrondis étaient en vogue. Mais cela reste un travail d’architecte très doué, malgré son étrange apparence. Et j’y ai moi-même apporté quelques ajouts très inspirés ! dit-il avec fierté en s’arrêtant au centre de la pièce.

- De ce côté se trouve les cuisines, le garde-manger et le réservoir. Je te le monterais bien, mais je tiens à mon nez. Plaisanta-t-il avant de se tourner vers une porte qui bordait l’escalier. Tu as déjà vu la pièce à vivre, mais nous avons aussi un petit salon pour le thé avec les invités. J’admets que je n’y vais que quand Alice m’y force, selon elle c’est important d’honorer chaque pièce.

Il l’ouvrit et la jeune femme pu en effet découvrir un charmant petit salon à l’allure bien plus intime et féminine que la pièce de vie. Petit coussin brodé, tenture colorée, service à thé en argent trônant sur une petite table sculptée.

- Juste à côté il s’agit d’un débarras. indiqua-t-il en tapotant la seconde porte.
Il la guida ensuite vers l’escalier et s’arrêta juste avant pour montrer une nouvelle porte, d’un bois joliment peint et laqué qui devait mener à l’une des principales excroissances du batiment.

- Les quartiers d’Alice, elle seule décide à qui elle montre cet endroit, mais si tu en as l’occasion, je te conseille d’essayer de la convaincre. C’est une véritable artiste dans son genre, et même moi je n’ai pas son imagination. dit-il volontairement mystérieux en lui faisant un clin d’œil et l’entrainant à l’étage. Un long couloir mais seulement occupé par trois portes.

Le haut-dignitaire emmena sa protégée à la première et l’ouvrit. Une salle d’eau, ou plutôt, une salle de bain. Près d’un tier de la pièce était occupée par un bac de bois et de cuivre assez haut pour si tenir debout, bien qu’un banc moulé permette de s’assoir sur tout le contour. Quelque chose dans l’arrondi du meuble rappela les immenses bassins de la salle du planisphère à Angélique. Chose que confirma presque aussitôt la voix de Lucian, qui visiblement était parvenu à suivre le cheminement de ses pensées.

- Tu as l’œil. Oui, je m’en suis inspiré. Et pas que pour la forme. dit-il franchement joyeux de partager ses efforts avec quelqu’un qui pouvait saisir le lien. Il s’approcha du bain et tourna une sorte de manivelle de bois qui grinça lentement, précédant un roulement d’eau. Une minuscule cascade tomba soudain du plafond pour atterrir dans le bain et commencer à l’emplir avant de s’écouler dans une ouverture aménagée. Je peux même la chauffé comme là-bas. Ils étaient vraiment incroyablement ingénieux ! Et j’aime les bons bains chauds ! fanfaronna-t-il plus taquin que sérieux.

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AngéliquePrêtresse
Angélique



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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyMar 23 Nov 2021 - 21:29

« C'est étrange… Je ne saurais dire si je suis heureuse de la route que je suis. Mais elle m'a permis de vous rencontrer alors, malgré tout, j'en suis heureuse. Jusqu'à ce que je me fasse bouffer par un Fangeux ! » théorisa-t-elle aux paroles du père Altan, les paupières closes comme pour ne pas l'imaginer.

Un frisson la secoua. Angélique eut pu l'attribuer à sa pensée couleur aile de corbeau mais qui il n'était dû, en réalité, qu'au contact de la main sur sa peau, sur la chair tendre et pâle de son poignet si fin que deux doigts suffisaient amplement à l'enserrer. Elle voulut protester l'espace d'un instant mais se laissa faire, docile tout autant que fascinée et inquiète, tandis que son regard d'eau clair naviguait de sa meurtrissure exposée aux prunelles cinabres de son hôte. Des sensations intenses se rependirent partout où se posèrent ses doigts, à la manière d'empreintes de feu crépitantes sous son épiderme qui se frayaient jusqu'à son cœur en rivières de lave rugissantes. L'embrasement douloureux de sa peau, de tous ses sens comme s'ils furent de glace, s'estompa pour n'être plus qu'une étreinte chaleureuse à la douceur de velours, une agréable langueur que le corps de la rouquine savoura puis, insatiable, réclama ardemment, désira.

« Non.» le démentit-elle en secouant la tête.

Une souffrance évidente déformait le visage blême de la jeune fille, et un voile de chagrin et de culpabilité assombrissait ses yeux. Plus que les paroles prononcées par Lucian, se furent la tristesse qui émanait de sa personne et sa voix qui broyèrent le cœur d'Angélique, la gagnèrent, et l'opprimèrent. Sans toutefois pouvoir s'en expliquer les raisons elle ne lui laissa pas le temps de relâcher soin poignet, et s'empara de la main tombante qu'elle pressa dans la sienne avec une énergie proche de celle du désespoir, comme si elle l'eut perdu à jamais en le laissant s'éloigner… Ce fut tel un besoin vital, parfaitement instinctif.

Sa main droite s'éleva, tremblante comme une feuille d'automne, et elle eut aimé la porter jusqu'à sa courte barbe pour y glisser ses doigts avant de la laisser reposer sur sa joue… Pour lui montrer quoi au juste ? Qu'elle était bien toujours là, devant lui, et qu'il ne devait pas s'attrister ? Qu'elle ne comptait pas le quitter, ni le laisser seul ? Ses paupières se pressèrent longuement, comme si elle cherchait à se raisonner –ce qu'elle fit certainement. Son bras retomba lentement le long de son corps et sa voix vibrante franchit ses lèvres.

« Non. » répéta-t-elle d'un ton désespéré alors que ses joues retrouvaient quelques rougeurs. « C'est tout le contraire, justement ! Je ne veux pas me réveiller, mais j'ai peur que ça finisse par arriver ! Peur que ce rêve dure, et dure encore, que je veuille y rester pour toujours mais qu'alors j'en sois tirée… Je n'arriverais pas à retrouver ma vie bien terne après avoir connu autant de bonheur et de joie ! Autant de moments que je serais incapable d'oublier et dont les souvenirs me hanteront surement jusqu'à la fin de mes jours. Il serait juste moins douloureux de me réveiller maintenant… Mais je ne le veux pas. »

Les mots lui manquèrent alors, et elle détourna le regard, pétrie de gêne. Elle laissa la main du Haut-dignitaire se défaire de son emprise, et des secondes s'égrainèrent, s'étirèrent, silencieuses et pesantes. Assimilait-il les confessions de la jeune fille ? En analysait-il les non-dits ? Les balayait-il de sa mémoire ?

Quand il reprit la parole, Lucian narra l'histoire de la demeure tout en l'invitant d'un geste à le suivre, et Angélique lui emboîta le pas avec un entrain dissimulé sous une chappe d'inquiétude. Il lui semblait n'avoir pas retrouvé son intonation habituelle, ni pleine d'entrain ou de joie, ni vraiment calme ou pas même absente… Ou bien était-ce son imagination ? Sans doute, puisqu'au battement de cils suivant, alors que débutait sa visite des lieux, il n'en parut plus rien.

Elle s'abstint de tout commentaire durant un long moment, l'écoutant assidument, mais ses yeux parlaient pour elle ; brillants et amusés, rieurs à quelques remarques formulées sur Alice, ou bien surpris et étonnés... Ce ne fut qu'une fois parvenue à la salle de bain qu'Angélique sembla s'animer à nouveau, reprendre vie, et retrouver son attitude coutumière où se mêlaient curiosité et engouement. Voir même excitation lorsqu'elle remarqua l'étrange installation dont quelques détails n'étaient pas sans rappeler certains bassins de sa connaissance, que Lucian exacerba ensuite grâce à une démonstration pleine d'intérêts qu'elle alla observer de plus près, penchée par-dessus le rebord jusqu'à manquer y tomber tête la première.

« Ca fait de vous un curieux poisson pour un représentant de Serus ! » se moqua-t-elle en se redressant, presque pliée de rire. « Il manque bien une ou deux statues, mais je saurais m'en passer. Pendant que vous barbotterez là-bas, je pourrais profiter d'un bain tranquille ici, c'est parfait ! »

Angélique secoua la tête pour chasser des visions qui refaisaient surface dans son esprit, inspirées le matin même par une autre mention de baignade. Empourprée jusqu'au bout des oreilles, elle regarda une dernière fois le bassin miniature dans lequel elle se projetait déjà et se tourna vers l'homme. Un poing sur la hanche, Angélique leva un index devant les yeux –ou presque– du maître des lieux.

« Premièrement : comment avez-vous fait ? Comment l'eau peut-elle chauffer, et monter ici ? » l'interrogea-t-elle.

La jeune fille éleva un second doigt, et arborait une expression sérieuse qui ne parvenait à occulter son émerveillement. A moins que ce ne fut l'inverse ?

« Deuxièmement, y'a-t-il des choses que vous ignorez réellement ? C'est impr… Non. C'est vous qui êtes impressionnant ! Et un petit peu frustrant, je l'avoue. Vous semblez tout connaître, quel que soit le sujet de conversation. C'est presque comme si vous y aviez assisté ! D'ailleurs quel âge avez-vous ? »

Angélique inclina la tête sur son épaule et étudia attentivement les traits masculins. Elle n'y perçut rien qui ne lui sembla pas déjà familier, ni qui pu trahir précisément son âge ; il pouvait tout aussi bien paraître plus jeune qu'il ne l'était. En riant, elle poursuivit :

« A vue de nez, je dirais un peu plus de trente-ans. Trente-deux, peut-être trente-trois… Physiquement du moins ! Et je ne parle pas d'odeur, ni d'un quelconque don de Serus, je vous vois venir ! Sinon, je dirais au moins deux-mille ans là-dedans ! » la rouquine approcha vivement un index tendu vers le front de Lucian sur lequel elle appuya doucement. Elle devait presque se mettre sur la pointe des pieds pour y parvenir. « Ce qui fait de vous une de ces antiquités à la valeur inestimable… Un livre, peut-être ? Non, plutôt une plaque gravée. Je devrais suivre votre exemple, et découvrir ce que vos lignes ne disent pas. Et casser quelques murs. Oh, rassurez-vous, pas ceux du manoir ; je suis sûre que dans une ou deux expériences vous y parviendrez sans mon aide. »

Sa voix se mua parfois d'étranges sonorités, si bien que ses taquinerie se pourvoyaient également d'un tout autre sens. Lorsqu'elle le réalisa, le teint d'Angélique lui donnait l'air d'un charmant coquelicot aux yeux brillants, qu'elle détourna aussitôt pour s'absorber à la contemplation de ses mains jointes devant elle. Les lèvres pincés et les paupières closes, la fleur parut se faner, se flétrir, jusqu'à n'avoir plus qu'un aspect piteux. Elle toussota faiblement avant de conclure faiblement

« C'est curieux comme je parle beaucoup, en votre compagnie. »
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Dame CorbeauMaître du jeu
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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyDim 28 Nov 2021 - 1:41



17 Avril 1167.
[Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie Ot2c
La main posée sur la roue de manipulation, le haut dignitaire afficha un petit sourire satisfait autant qu’amusé devant la pique de sa jeune compagne qui cachait mal sa propre excitation. Il fit doucement pivoter l’instrument pour que le flux d’eau tarisse lentement jusqu’à cesser complètement, laissant des gouttelettes luttant contre la gravité derrière lui. Il se laissa volontiers menacer par le doigt brandit qui ne fit qu’augmenter son amusement et répondit sous cette brutale mais mignonne contrainte à la question posée.

- J’aimerais te dire que je suis un génie, mais je n’ai fait que reproduire ce que j’ai compris des systèmes de bassins. C’est un jeu de pression entre l’air et l’eau, qui en prenant de la vitesse finit par se repousser elle-même plus haut que son point de départ. Ce n’est pas très économe, et contrairement à nos très anciens amis, je n’avais pas l’océan à disposition pour m’alimenter. Mais avec quelques travaux supplémentaires, j’ai fini par obtenir ce résultat. Pour la chaleur, il ne s’agit que d’une cuve de cuivre que l’on peut chauffer à volonté, comme pour les bains privés. expliqua-t-il d’un ton à mi-chemin entre le professoral et le garnement qui lui allait étrangement bien.

Il faillit répondre presque aussi vite à la suite, mais la jeune femme le pris de court et il prit plaisir à l’observer théoriser et fabuler sur son âge, ou plus exactement sur les choses qu’elle avait l’impression de percevoir au travers de celui-ci. Un esprit perspicace, à n’en point douter, c’était pour cela que son choix s’était porté sur elle après tout.
Il haussa un sourcil lorsqu’elle lui attribua la possibilité d’être un être millénaire. Une affirmation qui même dite sur le ton de l’humour indiquait au haut-dignitaire les liens qui se faisaient dans l’esprit de la jeune femme. Lentement mais assurément.
Le contact de la pointe de son doigt sur le milieu de son front réchauffa leur peau d’une douce chaleur, inconvenante, sans doute, mais agréable.

Il la laissa aller au bout de son assaut et battre d’elle-même en retraite sans avoir esquisser un seul geste et sans jamais se départir de son sourire. Alors qu’elle se replait comme les pétales d’une fleur craignant la froideur du soir, il se pencha doucement pour que son visage soit presque face au sien, et prit la parole d’un ton bas et doux.

- J’espère que c’est parce que tu te sens libre de le faire. J’apprécie de t’entendre, alors ne te prive pas. Et je suis bien curieux de ce que tu trouveras derrière les murs que tu espères briser.

Il se releva et une fois de plus, Angélique put se sentir englobée dans son ombre, mais sans ce sentiment de puissance et d’infini passé. Juste une présence chaude, réconfortante qui s’enroulait sur elle comme une cape chaude et familière. Il lui indiqua doucement la porte d’un geste, l’invitant à poursuivre la visite.

- Une amie à moi avait l’habitude de dire qu’une éternité pouvait paraître courte à celui qui craint sa fin, alors qu’une seconde peut s’étirer encore et toujours pour celui qui l’espère. Le temps et la connaissance sont des choses bien relatives, tu ne crois pas ? dit-il avec un sourire mais poursuivant de lui-même. J’ai entamé ma trente septième années il y a quelque semaine de cela. Et ce que j’ignore pourrait remplir les océans. Je crains de faire une plaque bien incomplète, mais qui sait ce que mes lignes cachent en effet… comme les tiennes.

Il gloussa pour lui-même en remontant le couloir vers la seconde porte du même coté, visiblement fier d’entretenir le mystère comme un gamin qui cache à ses camarades ce qu’il a dans la main, juste pour faire grimper leur curiosité. Il tourna la poignée et la porte grinça légèrement en s’ouvrant. Si l’on ne pouvait pas tout à fait parler de luxe ou de faste, au vu de l’absence de dorure ou de superflu, la chambre qui se révéla aux yeux de la prêtresse n’en était pas moins d’une grande qualité. Un lit à baldaquin dont les tentures et les couvertures, d’un rouge profond, contrastaient avec vigueur sur les oreillers propre et blanc.

De grands rideaux plus haut que Lucian protégeait une fenêtre donnant sur les jardins arrière. Un petit bureau d’études en bois polis se tenait juste dessous pour profiter de la lumière. Une coiffeuse et des tables de chevets équipaient aussi la pièce. Dans la profondeur de celle-ci, vers la direction de la fameuse salle de bai se formait un coude qui donnait sur une penderie vide déjà aussi grande ou presque que sa cellule de novice au temple. L’endroit était impeccablement entretenu, jusqu’au grand tapis aux motifs variés, mais visiblement non-utilisé. Il n’y avait pas de vie ici. Pour le moment.

- Ce serait ta chambre, si tu le souhaite. Elle est normalement pour les invités, mais comme tu as dû le comprendre, je n’invite pas grand monde chez moi. Tu pourrais bien sûr la décorer à ta guise, Alice adorerait t’aider dans cette tâche, j’en suis sûr. dit-il après l’avoir laissé pénétrée dans la pièce, son épaule appuyée sur l’encadrement de la porte, les bras croisé, ses yeux encore une fois posés sur elle avec intensité. Peut-être l’imaginait-il évoluant dans cette pièce devenue sienne, ou travaillant au petit bureau ?

- Cela te plait ? la questionna-t-il finalement alors que les dernier rayons du jours s’éteignaient dehors, les plongeant dans des ténèbres profondes l’éclat de leurs yeux à tout deux ressorti de manières bien plus acérées. Comme dans les sous-terrain, le haut-dignitaire faisait aussi à l’aise à cet instant qu’en plein jour, peut-être plus encore.

- La mienne se trouve juste en face, ainsi que l’accès à la tour.


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AngéliquePrêtresse
Angélique



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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyMar 30 Nov 2021 - 1:52

Surprise autant que touchée par ses mots, la rousse releva lentement les paupières, les battit faiblement comme si sa rétine devait s'accoutumer à une vive lumière, puis s'enquit du regard rouge qu'elle trouva abaissé presque à la hauteur du sien et par lequel elle se laissa happer. Lucian souriait, toujours, mais rien dans son expression ne trahissait la moindre émotion qui fut à la portée de sa perception autrement qu'un léger quelque chose qu'Angélique interpréta comme une forme de douceur, ou de bienveillance. Rieuse, elle affligea son nez d'une légère pichenette qui lui parut légèrement raviver cette complicité qu'elle ressentait auparavant entre eux.

« Cessez donc de dire n'importe quoi ! » rétorqua-t-elle avec une petite moue boudeuse. « Je ne suis pas aussi intelligente que vous ! Et si j'étais capable d'en casser, je n'y trouverais certainement que d'autres murs. »

Elle pinça ses fines lèvres tandis qu'il se redressait de toute sa hauteur, et la noyait dans son ombre. Sa présence l'enveloppait d'une manière agréable, l'englobait de réconfort et de chaleur, et faisait naître en elle un étrange sentiment proche de la reconnaissance. Ainsi que des milliers de questions qui se bousculèrent à nouveau dans son esprit ; et si le papier n'eut été si onéreux sans doute les eut-elle écrites afin d'y réfléchir plus sérieusement, à tête reposée… et surtout loin de ce bien trop stimulant Haut-dignitaire.

« Trente-sept… Vous faites bien plus jeune dans ce cas ! Même si ça reste surprenant pour un Haut-dignitaire. » s'étonna-t-elle sans chercher à s'en cacher alors qu'elle le suivait dans le couloir, marchant deux pas derrière lui. « Vous saurez certainement ce que cachent mes lignes bien avant que je ne sache pour les vôtres. Et vous avez l'avantage d'être l'initiateur de ce jeu en plus d'en avoir l'habitude et l'expérience, père Altan ! C'en serait presque déloyal ! »

Angélique gloussa à son tour. Nonobstant ses propos la prêtresse se montrait bonne joueuse, et bonne perdante lorsque cela survenait, et elle relevait avec d'autant plus de plaisir le défi qu'il représentait ; malgré l'avantage de ses vingt et une années d'avance sur elle, qui constituaient autant de mystères supplémentaires à élucider… Mystères qu'il entretenait certainement dans l'unique but d'attiser davantage sa curiosité, ce qu'il réussissait avec brio, mais amusait également la rouquine.

« D'ailleurs, qu'avez-vous découvert entre mes lignes aujourd'hui ? » le questionna-t-elle tandis que la porte qu'il ouvrait émettait un léger grincement.

Pour sa part, Angélique estimait avoir découvert bien des choses toutes plus intéressantes les unes que les autres au sujet de ce plus tout à fait inconnu... Mais elle eut été bien incapable d'expliquer ce qu'elle put lire entre ses lignes. Et quoi que ce fut, cela ne faisait qu'accroitre son envie d'en connaître davantage sur lui-même.

Lucian s'effaça, le temps pour elle de se pencher timidement par l'ouverture de ce qu'il désigna comme sa potentielle future chambre –quoi que sa décision fût arrêtée, bien qu'elle ne l'annonçât pas encore. Les bras croisés dans son dos, la jeune fille avança de quelques pas silencieux dans la vaste pièce qu'elle étudiait, ébahie. Son émerveillement était sincère. De mémoire, Angélique n'avait jamais vu de si grande chambre, exception faite de celles de quelques Haut-prêtres qu'elle avait espionné discrètement.

Angélique, un sourire flottant sur ses lèvres qu'elle se mordillait néanmoins avec envie, parcourut la pièce à lentes enjambées à l'instar des princesses de contes de fées égarées dans de quelconques forêts enchantées –elle était toutefois bien moins apprêtée et noble. Il n'y manquait rien, si ce n'était ses propres effets personnels, songea-t-elle alors que ses yeux étincelaient. La jeune fille approcha du lit moelleux qu'elle tata en résistant à l'envie de s'y jeter puis du bureau fonctionnel qui lui conviendrait tout à fait, de la penderie qu'elle ne remplirait jamais, d'un mur sur lequel son amulette ressortirait parfaitement, et autant de projections qui défilaient dans son esprit alors qu'elle se tapotait distraitement la joue d'un index.

« Par tous les Dieux… » jura-t-elle à nouveau sans même en avoir conscience. « Voulez-vous toujours débattre de choses relatives ? Car il se trouve que mon besoin d'espace est aussi très relatif ! Le débarra me suffirait sans doute, je ne suis pas une princesse ! On pourrait y faire tenir trois fois la mienne et y loger au moins cinq clercs ! Que fait-on d'autant d'espace ? J'imagine que dans la vôtre, la question ne se pose pas, et vous l'encombrer de centaines de livres... Mais tout de même !»

Néanmoins joyeuse, ses lèvres ourlées d'un large sourire qui irradiait dans son visage, elle se tourna vivement vers le propriétaire du manoir. Il l'observait, à nouveau. L'attention qu'il lui accordait fit rougir et frissonner la rouquine, qui baissa presque aussitôt le regard sur ses pieds ; cela avait beau être grisant, d'une certaine manière, elle n'était pas certaine d'apprécier en être l'objet. Elle chercha ce qu'elle avait bien pu faire, ou dire, mais n'y trouva rien. Ses doigts glissèrent sur les tentures du lit puis les tournures en bois, jusqu'à retomber contre son flanc tandis qu'elle s'aventurait du coin des yeux par les hautes fenêtres ; la nuit tombait et confondait le paysage dans une obscurité presque douce.

« Me montrerez-vous la tour, ce soir ? » l'interrogea-t-elle d'un ton presque détaché, alors qu'il abordait le sujet en question. « Ou bien une autre fois ! Je suis curieuse de voir cette vue sublime dont vous parliez. »

Bien qu'elle ne le vît plus, ne le regardait plus, elle sentait encore la morsure de son attention sur sa nuque tant elle semblait intense. C'était comme si ses yeux avaient eut la faculté de voir au travers de son corps, de la mettre à nu. La jeune fille eut beau se gratter, elle l'électrisait presque, lui picotait la peau en la couvrant d'une chair de poule aussi agréable que déplaisante.

Hésitante, les bras croisés sous sa poitrine et le dos droit, elle regagna la proximité du Haut-dignitaire qui la dominait totalement. Sa posture conjuguée à son expression provoquait des réactions inattendues en elle. Angélique secoua du chef, comme pour chasser les sensations qu'il faisait naître en elle, mais rien n'y fit… Elle parvint seulement à défaire sa coiffure dont quelques mèches revinrent devant ses yeux.

Résignée à lui faire face cette fois, à ne pas fuir comme précédemment, la jeune fille le caressa du regard à mesure qu'elle releva les paupières de ses pieds, jusqu'à son visage qu'elle détailla plus attentivement sans rien y percevoir –ou tout du moins rien qu'elle n'identifia. Balayant des yeux de l'une à l'autre de ses prunelles sans jamais s'y fixer, intensément, Angélique scrutait les plus sombres reflets qui s'y projetaient, telles autant d'énigmes à résoudre. Elle sonda leur intrigante profondeur jusqu'à se sentir s'y noyer, s'y perdre avec indécence jusqu'à presque en effleurer la surface de son âme à son tour, mais ne parut pas y trouver l'objet de tant d'attention. Il lui restait indéchiffrable.

« Qu'essayez-vous de découvrir ? » s'enquit-elle finalement d'une voix rauque, tremblante. « Pourquoi m'observez-vous ainsi ? »

Elle jugea inutile d'apporter la moindre précision. Vu l'attention qu'il lui manifestait, il avait sans doute relevé le moindre de ses troubles et, peut-être même, en avait découvert les origines.

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Dame CorbeauMaître du jeu
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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyVen 3 Déc 2021 - 1:45



17 Avril 1167.
[Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie Ot2c
Bien qu’il capta la gêne qu’il provoquait chez elle, Lucian ne cessa pas ses observations. S’eut peut-être même l’effet contraire. Comme un bloc de marbre brute devant l’artiste, il semblait creuser du regard à travers sa matière pour découvrir couche par couche, l’œuvre quelle recelait dans l’intimité de ses formes. Elle finit par s’approcher de lui, par lui rendre son intense examen bien qu’elle ne sembla pas apte, pour l’instant, à réaliser la même chose que lui. Il ne pouvait l’en blâmer, même lui, talentueux parmi les talentueux, n’avait pu maîtriser ses dons qu’avec la rigueur et la patience. Il fini par lui répondre, mais pas à sa dernière question.

- J’ai découvert que tu cachais ta tristesse derrière ta curiosité, un vide dans ton âme que tu transformes en appétit insatiable pour la compréhension. J’ai découvert que tu serais prête à damner ton âme selon les préceptes que l’on t’a enseigné dans le simple espoir de trouver la réponse qui comblerait ce besoin. Tu aimerais que quelqu’un entende le hurlement silencieux que tu pousses en permanence et t’explique comment y mettre fin, ne serait-ce qu’un instant. Peut-être n’en as-tu pas encore tout à fait consciente toi-même, je ne saurais le dire.

Il tendit la main vers elle et se saisit délicatement d’une de ses mèches de cheveux détachée, effleurant son oreille du dos de son index. Il la fit doucement glisser entre son pouce et son index sans pour autant que son regard ne se détache du visage pâle mais beau de la jeune femme.

- Tu devrais les laisser détaché plus souvent, cela te va bien Angélique. reprit-il comme si ses dernières paroles n’avaient pas plus d’importance que cela. Si tu estimes que tu as trop de place, alors il va falloir trouver un moyen de le combler. Peut-être un petit laboratoire ? Pour tes recherches. Je connais un ou deux bons alchimistes en ville. Ou une autre passion que tu souhaiterais mettre en exergue peut-être ? Moi j’ai un carré d’entrainement, tu veux le voir ? On doit y passer, si tu souhaites voir la tour.

Il libéra sa mèche et se détourna enfin, brisant cette longue observation qui libéra la prêtresse d’un poids pas tout à fait pesant mais omniprésent, comme d’ôter une cape. Il se dirigea vers la dernière porte et l’ouvrit. Celle-ci n’émit pas un son et le haut dignitaire s’engouffra dans l’ouverture visiblement peu inquiète de faire découvrir son intimité à une jeune femme. Elle n’était ni plus grande ni plus luxueuse que celle qu’ils venaient de quitter. Le bureau était bien plus massif et empêtré dans les piles de papiers et de livres. Notamment la série d’ouvrages qu’ils avaient ramené ensemble du temple. Un lit à demi défait sur lequel était jeté la robe de prière dans laquelle elle l’avait rencontré le matin même.

En effet la moitié de la chambre était occupé par un carré de bois empli d’une fine couche de sable. Et cette partie, au contraire du reste, était impeccable, presque réglementaire aurait pu dire un soldat.. Un râtelier d’arme occupait l’espace de la coiffeuse, mais uniquement occupée par des armes de bois. Au mur cependant trônait une épée bien plus dangereuse, mais aussi bien étrange. Ses teintes allant du cuivre à l’acier poli, sa lame se recourber sur elle-même par deux fois avant de s’élancer finement sur une longueur de bras. Plus fine qu’une épée telle qu’elle avait pu en voir, cela ne semblait rien enlever à sa dangerosité. Elle était parcourue de nervure rappelant le marbre poli, et une gemme rouge qui devait au bas mot valoir autant que le manoir corvo tout entier était incrustée dans sa garde. Presque aussi grosse que le point fermé de la prêtresse, elle captait et absorbée le moindre éclat de lumière et semblait rougeoyer même dans les ténèbres ambiantes.

Près du lit un perchoir suffisamment large pour accueillir un aigle ou deux, était solidement calé en trépied. Il n’y avait pas de zone spécifique au rangement de vêtement, mais une grande armoire, et une porte courtaude avec un gros loquet.

- Ce n’est pas le plus beau des endroits, mais c’est chez moi. Il y a longtemps que personne n’est venu, pardonne-moi si l’endroit est quelque peu désuet. Pas assez de pile de livre ! dit-il en l’observant par-dessus son épaule, un sourire en coin ostensiblement affiché.

Il s’avança d’un pas tranquille en contournant le carré d’entrainement pour s’arrêter devant l’arme disposée au mur, ses mains se croisant dans le bas de son dos dans un geste aussi mécanique qu’élégant. Il sembla se perdre quelques secondes dans la contemplation de l’objet et du soudain paraître très vieux, les épaules presque voutées, le visage fatigué par un effet de lumière dans la pénombre.

- Ce que j’essaie de découvrir… dit-il laissant les mots mourir sur ses lèvres sans qu’elle puisse être certaine qu’il ait l’intention de poursuivre. Un bruit de casserole qui rebondit sur la pierre et un juron étouffé mirent fin à tout suite envisageable.

- Saleté de… !

Lucian tourna son visage vers la porte, toute sa fougueuse énergie retrouvée, et sourit.

- Je crois que tu vas rencontrer mon colocataire ! dit-il alors qu’un vrombissement hachuré remontait le couloir.

Le croassement qui s’en suivit sembla s’infiltrer jusque dans les murs de la chambre, et soudain une tornade de plume noire bleuté s’engouffra dans la pièce, faisant voleter les cheveux d’Angélique. Malgré sa masse imposante le volatile de renversa rien et évita la jeune prêtresse à un cheveux, la plume à l’extrémité de son aile effleurant sa joue. D’un mouvement souple l’oiseau pivota sur lui-même et atterrit sur le perchoir qui grinça sous son poids. Son poitrail se soulevait prestement et était presque aussi large qu’elle. Sensation renforcée par ses ailes qui se repliaient contre lui. Il pivota la tête, un de ses grands yeux posé sur elle, l’englobant, la jaugeant presque. Après quelques seconde son large bec laissa échapper un autre cri perçant comme pour signaler quelque chose, et il cessa de la fixer pour se gratter une aile.

- Angélique, je te présente Férol. Un vieil ami et un compagnon de route.


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AngéliquePrêtresse
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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptySam 4 Déc 2021 - 21:04

Pensive, l'esprit vagabond, la rousse se perdait dans ses propres aspects que son ainé édictait si simplement, comme s'ils ne revêtaient aucune espèce d'importance ou que leur découverte ne nécessita pas d'efforts notables. A quel point le Haut-dignitaire devinait-il juste ? Par quelle prouesse parvenait-il à ce résultat ? Elle-même se le demandait. Angélique manquait sans doute de nombreuses années d'expérience pour parvenir à un tel niveau de perception, proche de l'omniprésence.

Angélique n'émit nul mot, que ce fut pour affirmer ses dires ou, au contraire, les réfuter, ni même n'esquissa le moindre mouvement autre que celui de ses paupières battant à intervalles réguliers afin de reposer son regard. Elle resta immobile même lorsque sa main approcha son visage pour saisir une mèche rousse, quoi que Lucian pût certainement y percevoir une sorte de scintillement fugace. Ses yeux restaient accrochés aux prunelles cinabres, rivés au plus profond d'eux comme si, ainsi, elle établissait une sorte de pont de son âme à la sienne afin d'y donner accès. De fait, la jeune fille ressentait nettement, presque physiquement, qu'une sorte de barrière invisible s'abaissait dans son esprit, et ce fait lui tira un sourire doux et emplit de sincérité alors que son hôte se muait dans le silence et s'éloignait.

« Un carré d'entrainement ? J'imagine que ceci explique cela ! Mais n'aurait-il pas davantage sa place dans un sous-sol ? Enfin, compte tenu de la singularité de ce manoir, il n'a peut-être pas de cave comme ses voisins… » Sa voix fluette laissait percer des notes joyeuses et enthousiastes que confirmaient l'éclat dans ses yeux. « C'est vrai qu'un laboratoire… Je n'y avais pas pensé, mais ça serait une excellente idée ! Il faudrait également des bibliothèques, pour ne pas maltraiter ces pauvres livres. Au contraire de quelqu'un ! Mais ne craignez-vous pas que je fasse exploser le manoir ? »

Sur les pas de Lucian, elle s'avança à son tour dans ce qui dût être un domaine intime et privé dans lequel aucune demoiselle bien élevée n'eut à entrer. Cependant, comme Angélique considérait n'être ni l'un ni l'autre, guère demoiselle pas plus que bien élevée, elle pénétra sans aucune gêne dans la chambre masculine, démontrant moins de timidité qu'elle ne le fit pour celle qu'on lui destinait. Son aisance était évidente ; tout, dans son attitude comme son expression ou l'intonation de ses paroles, était comme si aucun trouble ne l'habitat quelques instants plus tôt.

Elle retira la broche de ses cheveux et la glissa dans son escarcelle, davantage parce que sa chevelure à demi-défaite la gênait que pour répondre à un quelconque compliment auquel elle ne croyait, d'ailleurs, pas le moins du monde. De toute façon, ne se les attachait-elle pas uniquement pour travailler et contenter les religieux ? Si, totalement. De ses doigts presque experts, Angélique secoua le haut de sa crinière afin de leur rendre du volume et une fausse sensation de légèreté.

« Si je n'avais pas eu tant besoin de mes mains, je les aurais volontiers mises à couper en gageant que vous savez absolument tout de mes passions et intérêts. » reprit-elle, songeuse, alors que son regard parcourait la chambre. « Je suis certaine que vous n'ignorez rien. »

Ce disant, ses yeux se portaient sur chaque recoin de la chambrée tandis qu'elle songeait à ses activités susmentionnées ; aux plantes vertes qu'elle s'efforçait d'entretenir, à la lecture qu'elle pratiquait dès qu'elle le pouvait, à l'herboristerie qui prenait une place considérable dans ses effets, aux nombreuses heures de furetage dans Marbrume, ainsi qu'à la réflexion et au questionnement… C'était d'ailleurs ces deux dernières activités qui requéraient le plus de son temps, les autres n'en étant ni plus ni moins que des conséquences. Ceci étant, depuis quelques mois, c'était envers Etiol que se penchait l'intérêt de la rouquine qui espérait percer les secrets de son rejet par la Trinité. N'avait-elle pas ajouté des plumes de corbeau à son amulette à force d'y penser ?

« Pas assez de piles de livres, effectivement. » Riait-elle de bon cœur en déambulant gaiement dans la pièce. « C'est votre chambre, pas la mienne, et n'ai aucun jugement à émettre. D'autant que c'est un endroit théoriquement intime qu'on ne montre pas à n'importe qui ! »

Elle haussa les épaules, nonchalantes. Nonobstant une curiosité évidente, Angélique semblait en effet peu préoccupée par l'état de la chambre ou sa quelconque désuétude. Elle évoluait dans la pièce à la manière d'une maîtresse des lieux redécouvrant un endroit après une absence bien plus qu'à celle, davantage décente, qu'il saillait à une invitée explorant un endroit interdit. La rousse examina attentivement le bureau, accordant plus d'importance aux ouvrages sur lesquels elle fit courir ses doigts en déchiffrant leurs titres, qu'aux parchemins et autres papiers qu'elle survola d'un œil circonspect. Sa curiosité satisfaite, pour le moment, la jeune fille gagna le carré d'entrainement qu'elle contourna pour parvenir au côté du Père Altan.

« Vous savez manier toutes ces armes ? » demanda-t-elle en observant le râtelier, visiblement impressionnée.

Angélique s'apprêtait à poser d'autres questions tels des pourquoi et des comment, mais l'expression de Lucian coupa court à toute ses pensées. Son visage semblait… Très différent, fatigué, et presque vieux, tout comme ce qu'il se dégageait de lui. Elle ne pouvait croire, cette fois, à une manipulation de son esprit ou de la luminosité. A son tour elle contempla l'épée exposée au mur, singulière n'en pas douter mais très certainement dangereuse, létale même entre les mains de qui saurait s'en servir, puis reporta son attention sur son compagnon à l'état anormal –pour le peu qu'elle en savait.

Ses sourcils se froncèrent. Les lèvres pincées, presque effrayée par l'étrangeté de la situation, la jeune fille le contourna afin de lui faire face. Délicatement, presque avec tendresse, elle déposa ses mains sur les joues pâles qui semblèrent récupérer quelques couleurs et une douce chaleur. Cependant ses grands yeux bleus restèrent voilés par l'ombre de la peur et d'une inquiétude évidente.

« Est-ce un souvenir ? Je me montre indiscrète, je suis désolée… » souffla-t-elle

Puis tout s'enchaina très rapidement. Les paroles de Lucian qu'il ne poursuivit pas, si toutefois il en eut l'intention, le vacarme dans la cuisine suivit des cris d'Alice, le bruit dans le couloir puis le courant d'air précédé par un frôlement discret de sa joue, son propre sursaut ponctué d'un petit cri de surprise… Les yeux écarquillés, avant de rire, Angélique reprit ses mains et évita le religieux pour observer le corbeau nouveau venu. Il était immense, imposant… Et la fixait presque aussi intensivement qu'elle-même l'observait, émerveillée. Son regard flattait le plumage sombre, admirait l'agilité du volatile et s'intriguait de la brillance de ses yeux. Sa présence expliquait certainement les fameuses fenêtres ouvertes après lesquelles la gouvernante fulminait à son arrivée.

« Je ne vous imaginais pas avoir de compagnon animal. Enchantée sieur Férol. Puis-je ? » demanda-t-elle à l'adresse de Lucian d'un air tout à fait ravi, après qu'il l'eut présenté. Elle ajouta, à l'adresse du volatile : « Que tu es beau ! Je te le promets, à défaut d'être gentille je suis presque inoffensive. J'aime tous les animaux, et quoi qu'on dise d'eux je n'ai aucun préjugé sur les corbeaux. »

Elle ne pouvait même pas écraser d'araignée tant le geste l'horrifiait ! Par le passé, Angélique avait certes tué quelques rats mais uniquement dans le but de s'en nourrir et survivre, et elle n'y avait pris strictement aucun plaisir. Pire encore, chaque pierre lancée et chaque coup de couteau lui avait tiré un flot de larmes qui ne se tarissait qu'à la fin de son repas, durant lequel elle priait pour la paix de la pauvre créature tout en la remerciant. Tant de contradiction à la fois.

« Je souhaite seulement que nous nous entendions bien, ou soyons amis, car nous risquons de nous rencontrer souvent. » argumenta-t-elle d'une voix douce, comme on l'eut fait avec un enfant craintif. « Qu'en dites-vous, sieur Férol ? »

Angélique, dépourvue de toute crainte à l'encontre de l'oiseau, l'approcha doucement, ses deux mains bien ouvertes devant-elle afin qu'elles fussent bien en évidence. Elle procédait ainsi avec n'importe quel animal inconnu car cela apaisait certains d'entre eux. Avec une délicatesse et une lenteur qui purent paraître presque exagérées, la jeune fille tendit l'une d'elle vers le corbeau, sans le toucher, ni le brusquer ou entrer dans un périmètre qu'elle jugeait « convenable » –son espace personnel. Elle tenait à ce qu'il décidât par lui-même si, oui ou non, elle pourrait le caresser. Toutefois un sourire éclairait son visage, gagnait jusqu'à ses yeux pétillants que transperçait une grande bienveillance, presque enfantine, qui adoucit davantage ses traits nubiles et fins.

« Tu es peut-être l'être vivant le moins étrange de cette maisonnée. » s'amusa-t-elle faiblement pour ne pas l'effrayer. « Je ne saurais plus dire où je l'ai entendu, mais il paraît que pour connaître quelqu'un il suffit de jeter un œil à sa chambre. La vôtre, Père Altan, vous ressemble. Pas vraiment conforme à l'image qu'on s'en fait, ni conventionnelle, plus pratique qu'esthétique, et surprenante... Entre autres choses. »

Que laissait deviner sa propre cellule ? Des plantes essayant de survivre tant bien que mal, des guirlandes de bouquets séchées suspendues au plafond, un trésor de cailloux et autres souvenirs hétéroclites amassés avec le temps dans une petite boîte en bois ; autant d'objets singuliers qui représentait la personnalité fort peu conventionnelle de son occupant. Plus encore le démontrait son étrange amulette cachée au fond de son coffre. Les rubans et de dentelle mêlés de perles de bois et de petits cailloux creux l'ornant comptaient parmi les éléments les plus ordinaires car, du reste, elle se composait d'un bout de filet de pêche agrémenté de coquillages nacrés aux formes variées, auxquels s'ajoutaient une mue de serpent, des plumes accompagnées d'un crâne d'oiseau… Une hérésie, sans doute, eurent argué les religieux s'ils l'avaient vu.

Après un certain temps durant lequel elle réfléchit à la question, Angélique se détourna finalement de l'oiseau qu'elle décida de laisser en paix et se laissa tomber sans aucune dignité –ni honte, ni gêne– sur le lit défait du maître des lieux. La tête renversée en arrière et les yeux clos, la rousse semblait apprécier ce moment. Son sourire céda rapidement la place à un rire, joyeux et authentique s'il en fut.

« C'est bien plus confortable que ma paillasse au Temple… Pour être tout à fait honnête avec vous, je ne me sens pas libre de parler. » confia-t-elle avant de s'accorder une minute de réflexion. « C'est un peu comme… Comme si j'étais en présence d'un "moi" alternatif, je suppose ? Je me sens libre de tout, d'être seulement moi-même sans me soucier du paraître ou du conventionnel. Vous êtes peut-être de mauvaise influence ? Peu importe, en soit. J'espère seulement que la réciproque est vraie. Quoi qu'il en soit, j'y réfléchis depuis ce matin, et je me demande si ce n'est pas cela finalement, une âme sœur… Vous êtes capables de me comprendre, de répondre à mes questions et d'en faire naître encore plus, et même davantage. En tous cas, c'est parfois déconcertant, mais très plaisant. Ca vous est-déjà arrivé, de ressentir quelque chose comme ça ? »

Ecartant les bras sur lesquels elle s'appuyait, Angélique se laissa tomber sur le dos et glissa ses mains sous sa nuque. Son comportement ne semblait pas la gêner le moins du monde, pas plus que le fait qu'elle se trouvait devant un homme, ni même sur son lit. Les yeux ouverts, elle fixait seulement le plafond, silencieusement. Son visage s'assombrit.

« Tout ça à commencer par l'apprentissage de la doctrine, lorsque j'étais encore une toute petite orpheline. » A voix basse, la prêtresse expliqua combien les écrits sacrés lui parurent être des fables en ce temps-là. Elle aborda les innombrables questions qu'ils soulevèrent dans son esprit enfantin, puis comment on n'y répondit jamais autrement que par des "c'est comme ça, c'est tout" et les non moins quantifiables punitions ainsi récoltées. « Toute connaissance éveille des questions, et la curiosité révèle les incohérences. Exactement comme le cas du planétaire ! Pourquoi l'a-t-on décidé ainsi ? Qui ? Les questions amènent à des réflexions, les raisonnements débouchent à d'autres interrogations puis au doute… Jusqu'à ce qu'il ne reste plus d'autres choix qu'expérimenter soi-même. Les préceptes me paraissaient toujours aussi creux… Non, bien plus encore, depuis aujourd'hui ! Enfin, passons. C'est en parti comme ça que le " projet secret " a vu le jour. D'ailleurs, que savez-vous de lui ? Sa cause n'est pas aussi noble qu'elle peut le paraître. »

La rouquine battit des cils à plusieurs reprises, comme si elle émergeait enfin d'un long sommeil. Son visage retrouva sa carnation courante, se para un sourire neuf, et les yeux qu'elle lança à sa recherche brillaient quoi que faiblement.

« A quoi pensez-vous ? Oh... Vous n'avez pas dis ce que vous essayer de découvrir, j'y repense. Cela rejoint ce que vous disiez ce matin, ce que je dois vous prouver ? Comment puis-je vous aider ? En quoi est-ce important ? Qu'essayez-vous d'accomplir, ou de combler, par toute cette curiosité et ces connaissances ? Désolée si je vous assomme avec toutes mes questions ! » conclu-t-elle d'un ton faussement navré.

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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyDim 5 Déc 2021 - 18:14
17 Avril 1167.
[Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie Ot2c
Le haut-dignitaire souris en observant Angélique tenter d’apprivoiser ou du moins approcher Férol, avec toute la retenue et la curiosité qui noyait ses traits d’une véritable beauté, bien que pas encore tout à fait sorti de l’enfance.

- D’après lui, il s’agirait plutôt de moi étant son compagnon humain en réalité, et tu peux essayer, je ne choisis pas qui il laisse approcher ou non. C’est entre vous. Lui répondit-il, les mains toujours dans le bas du dos mais le visage bien moins marqué, détendu même, curieux de voir la réussite ou l’échec de la jeune prêtresse.

Férol gonfla les plumes et sa tête bascula plusieurs fois d’un coté à l’autre pour détailler la jeune impudente avec plus d’intensité. Son bec sembla presque s’armer un moment, mais finalement les arguments d’Angélique semblèrent porter leurs fruits, comme après un temps de réflexion. Sans doute le fait qu’on le questionne directement avait-il fait son œuvre. Le sombre volatile jeta un regard à l’homme au regard d’or et de sang et se tendit finalement juste assez sur son perchoir pour que les doigts de la jeune femme glissent dans son plumage chaud et doux en une lente caresse.
Quand il estima avoir fait sa part de civilité, il se détourna pour fixer ostensiblement le mur, du moins en apparence, son ouïe toujours tournée vers la conversation. Lucian sembla satisfait de ce résultat, quel qu’en soit la raison.

Il s’avança vers le lit, que sa congénère occupait à présent. Si le comportement plus que familier de la jeune femme aurait sans doute pût être un problème partout ailleurs, ici, c’est à peine s’il remarqua l’évènement. Bien plus intéressée par ses paroles et l’image qu’elle renvoyait, ses cheveux en arc de cercle autour de son visage pâle, comme si elle portait une couronne. Une couronne de flammes pour une princesse de la lumière… ou d’obscurité peut-être. Peut-être émettait-elle sa propre luminosité, trompant ceux qui la regardait pour dissimuler sa noirceur profonde.

- J’ai connu cela à deux occasions par le passé, et j’espère le vivre une troisième fois. se contenta-t-il de répondre en la détaillant entièrement, observant la jeune fille comme une œuvre d’art étrange, depuis les coutures de son vêtement, jusqu’aux pores de sa peau, en passant par le rosé de ses lèvres et la veine qui faisait battre avec douceur sa gorge. Je ne pourrais pas te dire si les âme-sœur correspondent à cette description, mais je suis heureux si tu te sens libre d’être toi-même en ma compagnie. Il est parfois trop pesant d’avoir pour secret d’être soi-même, sans personne à qui le confier.

Bien qu’elles auraient pu lui valoir une excommunication, si ce n’est une déclaration d’hérésie, les paroles de sa compagne de voyage intérieur ne lui évoquèrent qu’un sentiment de réciprocité douloureuse remontée d’une époque bien lointaine. Quand lui aussi s’était posé ces questions sur l’ordre établi, jusqu’à être poussée par sa curiosité, autant que le rejet des autres, à comprendre par lui-même de quoi était fait le monde. Des mots vides prononcés par des gens aveugles et sourds. Combien d’esprit avaient été perdu au cours des siècles, noyé par les dogmes et les convictions de leur temps ?

- La recherche de savoir n’a pas à être noble, pas même bonne. Elle se détache de tout cela pour le seul objectif d’exister. C’est ça nature, autant que son intérêt, seuls les gens qui la pratique peuvent lui donner une intonation, une couleur. commença-t-il d’un ton qui ne souffrait pas la discussion, comme une conviction fermement ancrée au fond de lui. Il poursuivit, plus doux. Je n’en sais que peu sur ton projet secret. Une visite à un « dispensaire » pour peu qu’on puisse appeler cela ainsi vu la réalité et ta soif de comprendre une chose que la plupart décident d’ignorer. Si je devais un jour en apprendre plus, je préférerais que cela vienne de toi, car c’est ton point de vue qui éveille ma curiosité, bien plus que le sujet de ta recherche lui-même.

Lorsqu’elle chercha son regard, elle le découvrit tout près d’elle à la regarder avec tranquillité, l’intensité ayant laisser place à une forme de douceur, ou de patience, comme s’il attendait quelque chose qui n’était pas encore arrivé. Il haussa un sourcil amusé à sa l’audace de son ton pas vraiment désolé de le harceler de sa curiosité, mais il ne semblait pas vraiment sur le point de s’en plaindre non plus. Après tout, n’essayait-il pas de la pousser à vivre sa curiosité sans les limites imposées par leur monde ?

- C’est important car c’est l’avenir de l’humanité qui se joue Angélique. dit-il, sans doute d’un point de vue philosophique, mais d’une voix où ne sembla percer qu’une simple vérité, presque un fait. Il poursuivit.

- J’essaie de découvrir de l’espoir Angélique. Suffisamment d’espoir pour me convaincre que cette espèce a encore quelque chose à offrir au monde. Que cette vie vaut la peine. Comme toi je suis devenu incapable de supporter les mensonges enseignés, les vérités falsifiées, les savoir tronqués de leur essence. Je ne le supporte plus.

Son regard se mit à flamboyer d’une émotion à mi-chemin entre la passion et la colère.

- Parfois je regarde là dehors, j’observe la bassesse humaine. L’homme qui bat sa femme car il est honteux qu’elle sache qu’il la trompe, la mère qui regarde son enfant dans les yeux en lui jurant qu’il n’y avait plus assez de ration alors qu’elle a consommé sa part. Le prêtre qui condamne sont ouaille au bûcher pour un doute sur sa foi alors qu’il dissimule sa propre perversité. Le noble qui abuse de sa domestique savourant sa toute-puissance imaginaire. Une ambitieuse qui se sert d’un nom oublié pour soumettre les autres à sa volonté. Un milicien qui abandonne son frère d’arme dans les marais pour une dette de jeu. Des milliers d’âmes avec des milliers de secrets, de trahisons, de mensonges avec unique objectif l’égoïsme de chacun. Tant de sacrifices ont été consenti et voilà le résultat… Dans ces moments là, il n’est pas compliqué de se dire que l’humanité a mérité son châtiment.

Il tourna la tête vers la fenêtre et resta silencieux quelques instants. Il faisait parfaitement nuit à présent et un début de clarté lunaire était le seul éclairage réel de la pièce. Ses épaules se détendirent quelques peu.

- Mais je veux croire qu’il y a encore de l’espoir. Que les actes de quelques-uns, même infimes, peuvent compenser ceux d’une espèce entière. Je veux croire que des choses plus grandes son possible, je veux croire que des choses méritent d’être sauvée, de perdurer. Même au prix d’un nouveau sacrifice. dit-il en ramenant finalement son regard dans le sien.

- Tu me donnes un fragment de cet espoir. Fragile, mais vivace. Les secrets du passé en sont un autre. La seule obligation qui est la tienne, c’est d’être toi-même. Que cela me confirme cet espoir ou m’en détrompe n’est pas de ta responsabilité. Et tu n’auras pas à en souffrir la culpabilité, je te le promets.

Il sourit.

- L’épée est un rappel. Pour ne pas oublier ce qu’il en coûte de suivre ses rêves. Un peu comme un marque page dans le livre qu’est mon histoire. C’est une façon comme une autre de ne pas perdre de vue les raisons qui nous poussent à agir. C’est aussi une sorte de talisman qui me permet de me rappeler qui je suis. Tu dois comprendre cela non ? demanda-t-il avec un petit sourire qui semblait en dire bien long sur la conviction qu’elle comprenait parfaitement cette dernière comparaison. Il pivota et se laissa choir à son tour sur le lit, sa tête tout près de celle de sa compagne, leur corps formant un angle à quatre-vingt-dix degrés. A contrecourant de toute la conversion il la questionna soudain.

- Pourquoi penses-tu que je mens en te disant que tu es belle les cheveux détachés ? N’ai-je pas le droit de te trouver belle ?



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AngéliquePrêtresse
Angélique



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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyLun 6 Déc 2021 - 2:12

« Je n'ai pas dit… Bon, je l'ai pensé très fort ! Mais… Que c'est gênant ! » s'exclama-t-elle, surprise par les questions qu'il lui posait tout à coup.

La jeune fille plaqua brusquement ses mains sur son visage écarlate afin d'autant se soustraire à leur vue qu'eux à la sienne. Elle espérait que Lucian ne la regardait pas, encore que rien ne fut moins sûr vu le claquement presque retentissant qu'émirent ses mains lorsqu'elles s'entrechoquèrent. Quel dommage qu'Angélique ne put se faufiler par un trou de souris, ou bien disparaître dans le décor !

« En soit, vous avez le droit de dire, penser ou faire ce qu'il vous chante. Ce n'est pas comme si j'avais mon mot à dire. Mais… Je ne suis qu'une gamine gringalette à la face de craie pleine de taches de rousseurs, pas une de ses belles femmes à qui on distribue habituellement des compliments. J'en viendrais presque à vous croire, lorsque vous disiez ne même pas voir ma main tout à l'heure. Comment est-ce que vous le prendriez, vous, si je vous disais que vous êtes beau et séduisant et… » réalisant le sens de ses paroles, de l'étendue de son lapsus, Angélique suspendit ses parole le temps de tirer un bout de la couverture par-dessus sa tête pour mieux se cacher. « Dans votre cas, on vous l'a certainement dit des millions de fois. Mais moi… Ce matin, c'était peut-être la première fois qu'on me le disait ! J'ignore comment je dois réagir à ça ! »

La couverture glissa sur son visage, le découvrant peu à peu avec la douceur d'une caresse sans qu'elle ne sût dire s'il s'agissait de son fait, pour mieux respirer sans doute, ou bien d'une initiative de Lucian. Son teint demeurait toutefois d'une délicate rougeur et ses yeux brillaient comme la surface d'un lac reflétant les étoiles, un peu comme après un long et puissant fou rire. Adoptant une respiration lente et régulière, la rousse compta jusqu'à dix qu'elle eut retrouvé un semblant de contenance, avant d'expirer un souffle plus profond que les autres, puis roula sur le côté. Angélique était si proche de l'homme, bien trop près pour les convenances et sa propre santé mentale, que des mèches de leurs cheveux se mêlaient.

Elle changea de sujet, comme si celui de la beauté, de leur apparence, lui inspirait bien d'autres choses ou devenait trop… Risqué ? Troublant ? Outre cette soudaine timidité face à l'inconnu d'une telle situation, la jeune fille voulait également revenir sur ses paroles du Haut-dignitaire, sur ce qu'elle avait cru y percevoir ou y sentir.

« L'espoir… » murmura-t-elle amèrement en se tournant sur le ventre.

Angélique se redressa sur ses deux coudes, plus guère dérangée par cette troublante et indécente proximité, pas plus que l'encolure de sa robe qui baillait amplement, sans doute "dégrisée" par ce petit mot mainte fois répété. Son visage se trouvait à quelques centimètres à peine de celui de Lucian, si proche que leurs nez pouvaient presque se frôler. Il avait tout loisir d'observer les sourcils froncés de la rousse, l'éclat sombre et attristé qui voilait son regard, le sourire qui fleurissait à peine sur ses lèvres à mesure qu'elle-même détaillait ses traits avant qu'elle ne se laissât happer par les iris rouges qu'elle distinguait malgré l'obscurité. Une fois encore, elle eut aimé décrypter ce que transmettaient ses prunelles aussi singulières que fascinantes.

« Je n'aime pas vous savoir aussi… Désespéré ? Pessimiste ? »

Elle prononça ces mots d'une petite voix, douce, mais ostensiblement affligée. Se mordant les lèvres pour ne rien ajouter à ce sujet, ou par contrition, Angélique cala nonchalamment sa joue dans l'une de ses mains tandis qu'elle s'amusait avec une mèche de cheveux noirs et rebelle de la seconde.

« Je n'aime pas non plus les sacrifices… Ça m'évoque le cloaque, le Roi, les mordus... » commenta-t-elle avec un frisson désagréable rien qu'à y repenser. « Peut-être que le reste de l'humanité est pourri, mais peut-être pas. J'y pensais aussi, pendant que je devais bouffer des rats… Mais passons. J'entre en scène ! Vous regardez la bassesse humaine ! A un endroit que vous ne voyez pas, vers lequel vous vous tournerez peut-être parfois, une petite Angélique se démène pour aider les pauvres et les opprimés. Elle prend la défense de l'épouse, donne à manger au garçon, déclare qu'il n'y a pas eu de rituel sorcier… Et j'ai oublié les autres exemples ! Bon, il m'arrive bien des bricoles en retours, et je ne peux pas tout faire pour tout le monde en même temps ! C'est bien pour ça qu'on réunira quelques autres illuminés. Enfin, éveillés, comme il dirait… Mais ça en vaut la peine. »

A l'image de son intonation qui se transforma au fur et à mesure qu'elle parlait, elle adressa alors un large sourire chaleureux et encourageant à son interlocuteur. Angélique ne doutait pas qu'il le vit, puisqu'elle-même discernait le mouvement de sa poitrine lorsqu'il respirait, le battement de ses veines ou l'éclat de ses yeux. Les pâles lueurs lunaires suffisaient tout juste à percer l'obscurité qui les enveloppait, mais conféraient un air pas tout à fait romantique à la scène que tous deux représentaient. S'étirant à son maximum, la prêtresse s'empara d'une main masculine qu'elle pressa fermement entre les deux siennes, tout contre sa joue.

« Un adage dit : tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Si une personne parvient à donner l'impulsion à deux autres, et qu'elles-mêmes la transmettent… Il faut y croire. C'est plus ou moins le but de notre fameux projet secret, mais je vous en parlerais plus tard. » précisa-t-elle vivement. « Même si ça ne fonctionne pas, je continuerais comme ça jusqu'à la toute fin, juste pour être en paix avec moi-même. Alors, disons que tant que je ne me fais ni croquer par un Fangeux, ni griller sur un bûcher, vous aurez toujours quelque part une petite lueur d'espoir appelée Angélique. »

Ses doigts effleuraient délicatement ceux de Lucian, plus longs que les siens d'une bonne phalange, avant qu'ils ne s'entrelacent tout aussi tendrement. Les caresses de ses pouces, de petits et lents mouvements circulaires à peine appuyés, se teintaient d'une douce et agréable sensualité qu'elle se fut sans doute découvert si elle y avait prêté attention. Angélique elle-même se sentait étrange, sans parvenir à mettre le doigt sur l'origine de ce sentiment ; elle se sentait fiévreuse mais bien. La rousse agissait naturellement, laissait tout son être parler pour elle-même avec son éternelle honnêteté qu'elle ne devait certainement qu'à sa candeur, mais elle réalisait toutefois ne pas se comporter comme avec les orphelins et ses patients.

« Vous savez, vous avez souvent cette expression… mélancolique. » murmura-t-elle faiblement, et il pouvait sentir son souffle sur son visage. « Ça vous donne un charme certain, et aussi un côté très doux et mystérieux à la fois. Mais… ça me rend quand même triste pour vous. C'est égoïste mais j'aimerais vous voir toujours comme vous l'étiez dans les passages secrets, ou devant l'étal de pomme, souriant et... »

Angélique s'interrompit, les sourcils légèrement froncés au-dessus de ses yeux pétillants, comme si elle se réalisait soudainement un fait. Les sentiments qu'elle avait écartés un peu plus tôt revinrent avec force à cet instant ; l'amour naissant, la jalousie…

« Tout bien réfléchis, je ne suis pas certaine de vouloir vous partager suffisamment pour que d'autres voient cet aspect de vous. »

Les mots fusèrent contre sa volonté, prononcé d'une voix qu'elle ne se reconnue pas. Les paupières baissées sur un point invisible entre eux, Angélique ne bougeait plus si ce n'était qu'elle se mordillait les lèvres tant elle ne savait plus que faire, comment agir. Elle se sentait s'enflammer, perdre l'esprit, et n'aspirait qu'à l'étreindre… Le visage assombri, la jeune fille coupa court à ses rêveries avec un froncement de sourcil bien perceptible ; il n'y avait aucun avenir possible entre elle et le Haut-dignitaire, n'est-ce pas ?

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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie   [Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie EmptyDim 12 Déc 2021 - 0:09
17 Avril 1167.
[Convocation]Vérité silencieuse et mensonge assourdissant. Seconde partie Ot2c
Tranquillement du bout d’un doigts augmentant la tension sur le tissu, Lucian fit glisser la mince protection sur le visage de son invitée. Il aimait la voir rougir, il aimait cette capacité à afficher ses émotions avec tant de simplicité, d’honnêteté. Comme une peinture évoluant continuellement pour correspondre à la vision de l’artiste.
Elle était si jeune, si réelle, si… vraie. Trop sans doute. Aisément manipulable, facile à duper et trop douce pour encaisser les épreuves qui se présenteraient à elle dans un avenir pas si lointain. Mais à cet instant, il aurait brûlé un monde s’il avait pût ainsi s’assurer qu’elle reste telle quel. Il détailla le grain de sa peau rougie par l’afflux de sang, qui renforçait encore le contraste avec ses yeux glacé et pourtant plein de vie.

- Accepte simplement le compliment pour ce qu’il est, un compliment. dit-il avec douceur. Certains le diront par honnêteté, d’autres dans le but de te flatter. Dans un cas comme dans l’autre, il ne fait de mal à personne de se faire complimenter, surtout quand cela est vrai. Comme dans ton cas. Tu vois sans doute encore la gamine informe au teint trop pâle qui a couru dans les couloirs du temple pendant tant d’année. Mais je peux t’assurer qu’au bout de ta jeunesse se trouve une femme fort belle qui fera rêver de nombreux hommes et s’attirera la jalousie de femmes qu’elle n’imagine même pas. Beaucoup de ces choses sont déjà présente et tu es bien plus proche de cette femme que tu ne le crois dès à présent.

Il rit.

- Et contrairement à ce que tu peux penser, on ne dit pas si souvent que cela à un haut dignitaire qu’il est beau. Mais je suis sûr que ce n’est qu’une histoire de protocole, je devrais changer cela pour être complimenté comme je le mérite ! Des millions de fois ! la taquina-t-elle sans méchanceté mais sans se priver de son rire non plus.

Il tourna plus amplement la tête vers elle sans paraître gêner le moins du monde de sa toute proximité, leurs souffles se mêlant presque. Ses yeux se perdirent sur sa gorge découverte que la rougeur n’avait pas tout à fait gagné, lui laissant ce très bel éclat blanc et pur sur lequel une marque de lèvres ou de dents auraient sans peine laisser une magnifique trace de passion. Pour sûr, Angélique était bien plus une femme qu’elle n’en avait conscience.
Et il n’avait pour sa part aucune gêne à en apprécier la beauté malgré cette inconséquence. Il laissa sa main, qui paraissait gigantesque en comparaison, glisser contre la joue de la jeune femme, guidée qu’elle l’était par les siennes. Son sourire teinté de mélancolie autant que d’amusement répondit à celui chaleureux de sa compagne.

- Sais-tu que c’est un général qui a dit cette phrase ? A ses hommes en défendant le dernier rempart protégeant son royaume contre une invasion. Et qu’il s’avait pertinemment en la disant que cela était faux et que la bataille à venir comme sa patrie était perdus d’avance ? Cette phrase est la seule chose qui reste de lui et de sa lutte. Ironique non ? fit-il remarquer sans pour autant sembler redire à la logique fragile mais sincère qu’elle soulevait. Il ajouta d’ailleurs avec amusement.

- Je compte sur toi alors.

Il sembla plus surpris par la suite. Pas tant qu’elle veuille le voir heureux. Venant d’une personne comme Angélique, l’évidence de vouloir aider son prochain était inscrite dans son regard. Son parler d’altruisme aveugle, elle avait de la bonté à revendre. C’était plutôt le choix des instants qu’elle prenait à titre d’exemple qui le prirent de court. Il n’avait pas forcément eu conscience de tant se dévoiler devant elle. Seule l’imperfection choisissait toujours parfaitement son moment comme l’aurait dit une vieille amie.

Alors qu’elle gardait les yeux mi-clos, visiblement en proie au conflit de ses émotions, nouvelles comme anciennes. Il se demanda s’il devrait l’embrasser à cet instant. S’approprier ses lèvres si ce n’est son corps pour s’ouvrir une voie royale vers son âme.
Il ne serait pas difficile de transformer cette chaleur pleine de question en passion, puis en amour s’il le fallait. Il n’avait qu’à avancer un peu plus sa main pour la glisser dans ses cheveux, saisir sa nuque et l’attirer à lui. Il n’aurait ensuite qu’à souffler sur les braises pour que le feu dévorant qu’elle pouvait être prenne vie. Il en avait envie et la chose serait des plus agréable pour eux deux.

Il ne manqua pas de ressentir tout le poids du regard de Férol posé sur lui, même dans la quasi noirceur de la chambre à cet instant. Il n’avait pas tort. Certaines choses deviendraient bien plus simples à réaliser s’il la contrôlait ainsi. Mais d’un autre côté, pourrait-il être vraiment satisfait de voir une éternité se régler sur ce genre de basse manipulation ? Et pourrait-il vraiment apprécier les sentiments de la jeune femme s’il choisissait de les nourrir par lui-même, quitte à les déformer ?
Un fin sourire étira le coin de sa lèvre. La réponse était évidente.

- J’ai très envie de t’embrasser Angélique. dit-il simplement avant de laisser planer une seconde interminable et de poursuivre.

- Mais je ferais un bien piètre mentor à mon tour si je ne percevais pas toute la force sauvage des émotions qui te traversent aujourd’hui. Et même si je suis flatté d’en provoquer une partie, je ne voudrais pas que tu t’aperçoives à regret qu’elle n’était pas aussi grande que tu le pensais.

Il caressa doucement sa joue et effleura sa paupière pour qu’elle le regarde à nouveau.

- Tu es encore jeune et une journée bien riche vient de s’offrir à toi. J’ai été à ta place et je sais que le cœur est un guide quelque peu volatile dans ces moments-là. Accorde-toi donc le temps de découvrir la vie que je te propose. Et si d’ici là tu estimes que ce n’était pas quelque chose de passager, guider uniquement par la passion et la découverte… et bien je serais ravi d’en discuter avec toi bien plus avant. conclut-il en soulevant son menton qu’il caressa de son pouce de longues secondes avant de se relever en lui tendant la même main.

- Allons-voir la tour, tu veux ?



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