Marbrume


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 Du fumier n'est la rose

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HerluinSergent
Herluin



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MessageSujet: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptyMar 15 Fév 2022 - 16:30
26 mars 1167
Le Goulot


Le Goulot était loin d’être le pire endroit de Marbrume où vivre.

A vrai dire, Herluin ne savait pas bien quelle partie de la ville il détestait le plus entre le port et la Chaudron. Bien que le dernier reste inaccessible, il portait trop de mauvais souvenirs pour ne pas faire partie de la liste. Mais le Goulot, lui, n’était qu’un quartier de merde, rien de plus. Quand ses bottes parcouraient la fange des ruelles dans un lent bruit de succion, que les accents populaires se mêlaient au trémolo des excités de la vinasse, que les gens se gueulaient dessus au lieu de parler à un volume décent, Herluin savait où il mettait les pieds.

Ses pas le menaient de plus en plus souvent hors de ses quartiers, ces derniers temps. Avec la lente mais inexorable reprise des affaires, le vieux sergent ne pouvait plus se reposer uniquement sur les contacts qu’il avait avec la guilde, l’hécatombe ayant suivi le couronnement ayant éclairci les rangs du Couturé. Aussi, lorsque cette vieille carne en avait le temps, elle traînait son cuir dans la zone, passant de temps à autres un peu de temps avec les miliciens de garde pour renforcer les liens qu’elle entretenait avec la jeunesse. Puis, appelé par le travail, Herluin faisait le tour des tripots et des venelles tel un prospecteur. Ce n’était pas de l’or qu’il cherchait, mais une toute autre denrée, somme toute aussi précieuse : la chair. Les filles qu’il avait croisées jusqu’ici s’étaient révélées tout bonnement quelconques, cependant, l’endroit dans lequel il allait les débaucher n’était pas réputé pour abriter des parangons d’élégance. C’était le but : trouver la perle rare au pays des cagaudes.

Entre deux refus plutôt secs, Herluin perdait un peu l’espoir de trouver quelque femme n’ayant pas les seins pendants ou l’haleine du fauve, car voilà bien deux heures qu’il déambulait dans le quartier à la recherche d’une demoiselle avec plus de standard. En fait, le sergent était sur le point d’abandonner sa tournée, lorsqu’il se trouva à un carrefour. Dans un coin, sous un colombage défraîchi, deux femmes s’adonnaient au tapin, l’une outrageusement fardée et cachant ses défauts sous un océan d’artifices, et l’autre fraîche comme l’aurore, n’ayant nul besoin d’un quelconque fard pour l’embellir. A vrai dire, si Herluin s’arrêta net, ce ne fut que pour découvrir que malgré sa magnifique prestance, elle ne revêtait qu’un défaut, de taille : aucun sourire pour faire office de cerise sur le gâteau. Et malgré cela, le vieil homme s’approcha d’un pas assuré en direction de la mignarde.

La guenaude maquillée tenta bien une approche, mais Herluin avait vu assez de coureuses dans sa vie pour l’éviter avec la finesse d’un vrai, l’éludant d’un lever de main suivi d’un pas de côté, son regard ne la rencontrant jamais, mais restant concentré sur sa sulfureuse rivale. Une fois la sorcière éconduite, et se trouvant devant la jeune tapineuse, il lui décocha son sourire le plus goguenard, révélant de ce fait sa dentition proverbiale avant de lâcher d’un ton décontracté :

« Tu me plais, ma fraîche amie. Dis-moi, où donc officies-tu ? »


Dernière édition par Herluin le Lun 14 Mar 2022 - 23:24, édité 2 fois
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Olga DuhamelProstituée
Olga Duhamel



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MessageSujet: Re: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptyMer 16 Fév 2022 - 11:23
J’avais particulièrement horreur de mon métier.
Malheureusement, survivre nécessite de s’adapter et je n’avais rien trouvé d’autre. Non pas que je sois ignorante ou idiote, mais dans cette ville personne n’avait souhaité mettre à profit mes connaissances en commerce… Pourtant, j’avais été à bonne école. Mais mon cruel manque de références faisait défaut. Car, oui, ma meilleure référence gisait au fond des océans…Papa…

Au-delà du métier, j’avais particulièrement honte de chercher la clientèle. Arpenter les ruelles alentour pour aguicher quelque perdreau étant vraiment une chose qui me rebutait, parfois même plus que l’acte en lui-même. Car la nature humaine est ainsi faite que, si mon métier est le plus vieux du monde, il n’en demeure pas moins que nous sommes reluqués avec dégoût et mépris. Les hommes, heureux de nous trouver, perdurent cependant à nous considérer comme des femmes faibles et feignantes, exerçant par appât du gain facile…
Pourtant, combien d’entre nous sont là par nécessité…

Une des filles de la maison close où je fournis mes services m’avait alpagué plus tôt pour l’accompagner tapiner. Par chance, la météo était clémente mais j’avais l’esprit ailleurs.
Je n’étais tellement pas à la tâche que j'ai même dû attendre ma collègue après qu’elle se soit dégotée un client. Je vis son air réprobateur à son retour et répondit d’un haussement d’épaules.

C’est alors qu’un vieux milicien approcha dans un tintement métallique, sa maille et son tabard ne laissant percevoir que son visage marqué et sa barbe folle.
Immédiatement, ma voisine de racolage se mit en avant, faisant étalage de ses atouts mais le vieux briscard y demeurait sourd. Son dévolu était pour moi et son sourire, visiblement moqueur, me confirmait que je n’avais guère envie.
Il faut cependant bien gagner son pain et, à force de travailler à reculons, mon pécule est bien maigre.
Je dû lutter pour ne pas laisser fuir un soupir de contrariété avant de gratifier le vieil homme d’un léger sourire.

Sieur, dans la maison, juste derrière. Je cherchais ses yeux pour tenter d’y voir si cet homme était du genre problématique mais je n’y voyais qu’une lueur maligne. Les tarifs sont standards et en rapport à la prestation.

J’avais besoin d’argent, mais je me serais bien passé d’un vieux milicien édenté…J’aurais aimé travailler dans un de ces lieux qui propose des bains aux clients, bains “agrémentés”...Au moins, cela me rassurerait quant à son hygiène.
J’attendais alors la suite, mal à l’aise sur le bord de cette ruelle.
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HerluinSergent
Herluin



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MessageSujet: Re: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptyDim 20 Fév 2022 - 17:20
A peine eut-elle ouvert la bouche que la mignarde surprit le vieux sergent par son accent exotique. En fait, ces deux premières phrases en donnaient plus sur sa situation qu’elle ne l’aurait sans doute imaginé. Aussi Herluin déduisit deux choses : la belle était venue de par la mer, sur la nef d’Allange, et elle n’avait pas été éduquée chez les pégus. Fille de dame de compagnie, fille de marchand peut-être ? Qui pouvait donc savoir ce à quoi la Fange avait arraché si délicieuse enfant…

A présent intrigué, notre goguenard d’Herluin montra la direction à la demoiselle, indiquant la maison tout en boitant vers l’entrée. Il ne se départait pas de son sourire.

« Nous parlerons argent à l’intérieur, belle pomme ! Mes vieux os sont dehors depuis bien trop longtemps, j’ai besoin de les réchauffer… »

Et sans véritablement attendre la tapineuse, le vieillard s’engouffra dans la maison close. Il resta un instant sur le pas de la porte, mains sur les hanches, à observer l’état de cette propriété concurrente. Le Goulot était reconnu pour ses bâtisses défraîchies et son agencement chaotique, et cette maison de passe ne faisait guère exception à la règle. Un piteux endroit pour de piteuses gens. Quand le sergent se tourna pour faire face à la jeune prostituée, il croisa les bras sur sa poitrine, la toisant de cet air chafouin qu’il arborait depuis tout à l’heure.

« Alors, où va-t-on ? »
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Olga DuhamelProstituée
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MessageSujet: Re: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptyDim 27 Fév 2022 - 16:50
Très bien Mon Seigneur!

J'incline la tête et le suis en direction de la bâtisse.
Je savais la majorité des hommes sensibles aux différentes marques de respect, notamment de la part des dames. Aussi avais-je pris l’habitude d’en user, sans en abuser, et de varier les formes. Parfois, c’était comme là, un simple signe de la tête, parfois une légère révérence, le tout était que ce soit suffisamment visible pour satisfaire l’égo sans être trop exagéré pour ne pas laisser penser à une moquerie.
De plus, faire des gestes fins, leur donnaient souvent plus de prestance, plus de spontanéité, plus de grâce.

Une fois dans la place, mon client fait un rapide tour d’horizon. L’endroit n’a rien de spectaculaire et n’est pas dans un état pire que la majorité des maisons closes du secteur. Il est évident que nous ne sommes pas dans les quartiers chics et riches. Il n’y a ici que de vieilles bâtisses dont certaines n’offrent même pas l’intimité visuelle…
Ici au moins, j’ai une chambre à moi, que je loue certes mais dont j’ai la clé. C’est alors que mon client, bras croisés et arborant toujours son petit sourire rusé, me demandait quelle était la direction à suivre maintenant.

Par ici, c’est à l’étage…


Je m’efforçais à lui sourire avec une certaine chaleur, afin de ne pas perdre mon client. Plusieurs collègues étaient en effet dans la grande pièce et nombreuses, bien plus belles que moi, n’auraient aucun scrupule à me piquer mon client.
Je m'engage donc dans l’escalier pour mener le milicien jusqu’à ma porte. La pièce déverrouillée, je m'écarte de la porte pour le faire entrer.
Il pourra, une fois entré, découvrir une petite pièce équipée d’un lit, d’une armoire, d’une petite table et d’une chaise, sobrement décorée par quelques napperons et un bouquet de fleurs. A côté du lit, une vieille petite commode supportait une bassine d’eau, un savon posé à côté.
Je fermais la porte à clé en laissant la clé dans la serrure avant d’indiquer la bassine à mon client.

Si vous désirez vous rafraîchir?

Je m'assois alors sur mon lit, souriante et attendant de savoir ce que souhaite cet homme.
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MessageSujet: Re: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptyMer 2 Mar 2022 - 15:21
La chambrette de la mignarde ne payait pas de mine, et pourtant, il fut surpris de trouver un morceau de savon dans ce qui était l’endroit le plus misérable de tout Marbrume. Il crut d’abord au cadeau d’un client, avant de se souvenir d’un détail important : la demoiselle avait tout l’air d’avoir reçu une certaine éducation. Qu’importe en vérité, une chose était sûre : la jeune femme n’avait rien à faire dans un endroit pareil. A cacher une rose parmi les ronces, les pétales dépériraient bien trop vite pour que sa beauté ,ne soit rentable. Il secoua doucement la tête, le regard toujours fixé sur le savon.

« Nenni, garde bien ton savon… Y doit y avoir plus cradingue que moi dans le secteur. »

Et sur ce doux euphémisme, le vieux bouc se tourna, pour voir la prostituée assise sur son lit, un sourire diplomate pendu à ses lèvres pulpeuses. Il aurait menti en disant qu’il ne la désirait pas. Après tout, Herluin restait un homme, soumis à ses plus vils instincts. La donzelle était belle, propre, et exhalait un charme particulier qu’il n’avait pas encore réussi à définir. Son accent exotique ? Sa politesse presque excessive ? En tout cas, ce n’était sûrement pas son air mélancolique, qu’elle s’évertuait à cacher au-delà de son magnifique sourire, en vain. C’était le désir, la luxure que souhaitaient voir les hommes en besoin. Heureusement, il n’était pas trop tard pour corriger le tir. Herluin se racla la gorge.

« Paix, la belle. Je ne vais pas te manger. J’aurais bien dur avec mes chicots brisés ! »

Le sergent lui sortit alors son râtelier en un sourire casse-gueule, avant de s’esclaffer tout seul. Il approcha de la jeune femme, et s’assit à côté d’elle, dos toujours aussi voûté.

« Tu m’as dit que le prix était en rapport avec la prestation. De quel genre de prestation parles-tu, mignarde ? Tu as l’air bien jeune pour pratiquer ce métier depuis longtemps. »

Son regard était inquisiteur, mais ses yeux ne luisaient pas du désir sauvage chevauchant l’esprit des hommes en manque de stupre. Au contraire, une lueur d’intérêt sincère, et peut-être un peu intéressé, animait les prunelles du vieil Herluin.

« Tu es d’outremer ? Que faisais-tu là-bas, avant d’atterrir dans cet endroit ? »
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Olga DuhamelProstituée
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MessageSujet: Re: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptyMer 2 Mar 2022 - 16:28
Le vieil homme déclina ma proposition de profiter de l’eau et du savon. Arguant que j’avais à trouver plus sale que lui dans la cité, il se contenta de m’observer, de me détailler avant de venir s’asseoir à côté de moi. Je m’évertuais à afficher un sourire avenant et je lissais doucement ma jupe pour éviter de me torturer les doigts.

Derrière son apparence de vieux briscard couturé, de son atour usé et de son parlé argotique, il ne semblait pas dérangé. Il cherchait à m’apaiser, affirmant dans une plaisanterie douteuse qu’il ne croquerait pas ma personne, notamment en raison de sa dentition désastreuse. Alors, ajoutant l’image à la parole, il me fit un sourire exagéré pour me présenter les différents espaces parsemant sa mâchoire ou, plus exactement, les quelques dents qui ornaient ses gencives.

Pour sûr Mon Seigneur, vous m’êtes impressionnant mais je n’ai aucune inquiétude.


C’était vrai, plus ou moins. Disons que ce qui m’inquiétait le plus c’était de savoir ce qu’il souhaitait, ce qu’il attendait de moi.
Car, là où le bougre avait raison, c’est que malgré ses défauts d’apparence, il n’était pas le plus dégoûtant qu’il m’eut été donné de recevoir. J’avais déjà eu à faire à des hommes dont l’odeur même était écœurante. L’un d’eux que j’avais même fait sortir, à grande peine, car je n’avais pu envisager quoi que ce soit du fait de la crasse et de la puanteur.
Cet homme là semblait faire montre de savoir vivre et de savoir être et si, loin de sentir la rose, au moins n’était-il pas plus odorant que n’importe quel homme ayant porté une cotte de mailles toute la journée. Il me laissa cependant perplexe en posant ses questions et son regard, sans malveillance visible, imposait une réponse.

Je réajustais ma posture, un brin mal à l’aise. Habituellement, c’était les hommes qui me demandaient de faire ceci ou cela. C’était bien la première fois que l’on me demandait d’énumérer ou de décrire les services que je rendais.

Ma foi…Je euh… ! Je propose les services que l’on attend généralement d’une prostituée, puisque de fait, tel est mon état ! Il y a certaines prestations que je ne réalise cependant pas, quelque soit le prix et pour lesquels je saurais vous orienter vers la bonne personne, mais à part cela…Je…Je m’essaye à faire mon travail du mieux qu’il m’est possible !

Je ne sais pas s’il s’apercevait du malaise qu’était le mien à la suite de cette question. Parler de mon travail était presque aussi dégradant pour moi que de l’exercer.
Sa question suivante me déstabilisa encore un peu plus. Les occasions de parler de mon passé étaient rares mais je m’efforçais généralement de le faire, ne serait-ce que pour la mémoire de mes parents. Ils s’étaient tous deux sacrifiés pour que je survive et, s’ils auraient préférés que je ne tombe pas dans la prostitution, au moins leur devais-je la vie.

En effet Mon Seigneur, je suis native d’Hendoire. Je suis arrivée avec le naufrage du Firmament il y a maintenant une dizaine de mois environ. Mes parents y étaient commerçants. Ma mère est morte là-bas lors de l’invasion et mon père de maladie durant la traversée. Par les Trois, au moins sont-ils ensembles maintenant.


J’avais baissé la tête, ne pouvant soutenir ce regard puissant. Les yeux de cet homme trahissaient une longue et brutale existence. La mort, il l’avait vu à de très nombreuses reprises et sans doute l’avait-il frôlé de peu. Ce n’était donc pas les mésaventures d’une jeune prostituée qui allait toucher ce guerrier.
Je relevais les yeux, arborant de nouveau mon sourire pour me tourner vers lui.

Allons, dites moi ce que vous souhaitez ! Loin de moi trouver désagréable de discuter avec vous, n’ayez crainte de demander…

Je me risquais à tenter une plaisanterie.

…Je ne mords jamais très fort !

Un timide sourire se dessinait sur mes lèvres. Ce soldat avait une aura particulière qui me mettait en confiance…A moins que je ne m’égare complètement jusqu’au moment où je le regretterais.
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MessageSujet: Re: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptyMar 15 Mar 2022 - 16:19
La donzelle avait beau sembler mal à l’aise, Herluin ne s’en émut guère. En fait, sa pudeur avait même quelque chose d’attendrissant, mais là encore, cela ne fonctionnait que sur un certain type d’homme. Tandis que les uns cherchaient la tendresse et la douceur d’une jeune fleur ne demandant qu’à s’ouvrir, les autres se complaisaient dans la recherche d’une femme de luxure, séduisante allumeuse résolue à leur faire tourner la tête. Elle avait sans doute encore beaucoup à apprendre, et à accepter sur elle-même et sur les autres, avant de briller dans ce métier. Néanmoins, le vieux sergent se targuait d’avoir l’œil pour les diamants bruts.

Au moins avait-il réussi à briser un peu de cette glace entre eux. Parler de soi pouvait s’avérer libérateur, et il était plus facile encore de se livrer à un étranger. Sa petite histoire permit à Herluin de confirmer sa théorie : la mignarde venait d’Hendoire, et elle était éduquée ! Qui sait, peut-être savait-elle même lire… Un talent rare parmi les nettoyeuses de hallebardes. Talent rare, mais pas inutile. Alliée à son minois charmant, sa relative intelligence éveillait plus avant l’intérêt du milicien. Bien évidemment, comme toute cette étiolée ville, la jouvencelle avait une histoire tragique. S’il existait un dénominateur commun à toute l’Humanité, c’était bel et bien la mort. Ce qui rendait son cas plus problématique, aux yeux d’Herluin, c’était sa déchéance sociale. Lui n’avait fait que monter, des bas-fonds puants du port vers les hauts-rangs de la milice. Elle, en revanche, avait connu vie douce et agréable, avant de sombrer, incapable de survivre autrement qu’en vendant son corps. C’était la seule chose que craignait véritablement ce vieux grigou de sergent : retomber à la case départ, être déchu. Ça, et les pélicans.

Il lâcha un petit ricanement après sa plaisanterie. C’était l’esprit.

« Ce que je veux ? Oh, beaucoup de choses. Mais aujourd’hui, ce que je veux n’est pas pour moi. C’est toi que je veux aider. »

Herluin laissa flotter ces paroles un instant, le temps qu’elles atteignent bien le cerveau et soient absorbées par les matières grises. Puis il pencha la tête sur le côté, ne se départissant pas de son sourire chafouin.

« Cet endroit est sordide, n’est-ce pas ? Oh, il y a toujours eu pire, bien sûr, les murs tiennent en place, tu as une chambre pas trop mal, et quantité d’amies avec qui bavarder durant les heures creuses. Mais je sais quel genre de brutes passent par les venelles attenantes : des lainiers couverts de pisse, des tanneurs à l’odeur rance, des vieillards comme moi qui ne doivent pas être très jolis à regarder. Des brutes aussi, celles qui ne s’excitent qu’en cognant dur, ou en faisant couler le sang. Le temps que mettent les pandores pour réagir, et le mal est déjà fait. »

Se voulant amical, il posa sa main vieillie sur l’épaule de la belle avant de rajouter d’un air compatissant :

« Toi, tu n’as pas ta place dans cet endroit. A grandir à côté du fumier, la rose ne peut diffuser son parfum. Personne ne l’approche, et elle finit par dépérir avant qu’une belle âme n’ait pu en renifler l’arôme. »

Herluin inspira un instant du nez pour faire remonter un mollard, malheureusement au même moment où il utilisait le mot ‘renifler’.

« Mais si je te disais qu’il y avait un endroit où tu pourras mieux t’épanouir qu’ici, mignarde ? Alors, prête à écouter ce que j’ai à te proposer ? »
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MessageSujet: Re: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptySam 26 Mar 2022 - 18:04
Autant je souriais lorsqu’il rit poliment à ma plaisanterie, autant j’affichais une moue surprise et sceptique à son affirmation. M’aider ? Comment voulait-il m’aider s’il ne se décidait pas à dire ce qu’il désirait pour ensuite me payer ?
Je fronçais les sourcils pour lui indiquer que j’étais tout ouïe sans pour autant masquer ma méfiance.

Il commença par résumer, sans trop se tromper, le genre de l’établissement et de sa clientèle. Il est vrai que rare étaient les nobles ou les bourgeois à venir chercher ici un peu de distraction. Pour bonne part, nous avions des hommes usés par le labeur et l’alcool qui venaient dépenser quelques sous durement gagnés pour des choses que leurs épouses ne faisaient pas.

Je jetais un œil à sa main lorsqu’il la posa sur mon épaule, demeurant silencieuse. Je ne prêtais guère attention à son reniflement qui tomba au pire moment dans sa phrase. J’en avais vu passer des hommes sales. Lui semblait juste ne pas être le plus adroit.
Un autre endroit ?
Je laissais sa question sans réponse quelques instants sans chasser sa main pour autant.

Si l’on considère possible de s’épanouir dans ce métier…

Je secouais la tête.

Je ne vais point faire ma mijaurée, ni ma difficile. Si vous avez meilleur place à offrir pour des revenus aux moins équivalents alors oui, je suis toute disposée à vous écouter.

Après tout, écouter n’avait jamais engagé à rien !
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MessageSujet: Re: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptyMer 13 Avr 2022 - 10:35
Herluin eut le plaisir de sentir la réticence première de la catin lentement se teindre d’une nuance d’intérêt. C’est qu’il savait parler avec les mots simples, de ceux qui frappent et qui en disent plus que tout long discours. Les pauvrettes de son genre avaient besoin de choses concrètes : de l’argent, de la sécurité, et quelque illusion dans laquelle se bercer, l’illusion que les choses vont mieux. Le sergent en avait pas mal débauché, des ribaudes. La plupart étaient de jeunes filles naïves, voire de plus mûres courtisanes avec une vision pragmatique de leur profession. Jamais encore cependant n’avait-il mis le grappin sur une prostituée alliant beauté, fraîcheur et éducation. C’était comme trouver une perle dans une fosse à ordures…

Ainsi, le vieux grigou n’allait pas ménager ses efforts pour se mettre en poche une friandise aussi succulente que l’était la maraude. Il retira doucement sa main fripée de l’épaule de la Hendoise, puis rejoignit les deux sur ses cuisses, le tout sans se départir de ce sourire goguenard étirant ses rides torves.

« Tu le vois à mes frusques : je suis milicien. Mais je ne suis pas qu’un bête patrouilleur à deux sous, non. J’ai un bon grade, et une forte influence sur ma caserne. Travaille pour mon compte au sein du quartier de la Milice. Tu y seras en meilleure sécurité que jamais, tes clients seront moins louches, et quant à la paye… dis-toi qu’un homme d’armes gagne bien plus que n’importe quel traîne-savate pour lequel tu te vends ici. »

Il renifla à nouveau, puis frappa sa cuisse en lâchant un petit ricanement, à la lisière du sinistre.

« Maintenant, je compte aussi voir plus grand. Tu aurais envie de travailler en Bourg-Levant ? L’air y est plus doux, les gens plus charmants. »

Mensonges et rodomontades, certes, mais toujours enrobés d’une couche de vérité. Bourg-Levant et sa grande rue des Hytres était un beau leurre à papillons. Bien que sa clientèle soit plus aisée, il y avait au sein de la bourgeonnante bourgeoisie de Marbrume tout autant de détraqués et de fourbes que les infâmes blattes parcourant la boue du Goulot. Le cadre y était juste plus agréable pour se faire déflorer par des vicelards et des violents, et la peine était bien mieux récompensée.

« Qu’en penses-tu, mignarde ? Ça te parle, tout ça ? »
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MessageSujet: Re: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptySam 30 Avr 2022 - 18:16
Je ne bougeais pas, attendant qu’il explique ce qu’il avait à dire. Il se présentait donc comme milicien mais milicien gradé. Il se targue de son influence et d’oeuvrer, en plus de son métier, au sein de sa caserne . Je comprends bien qu’il s’agit là de permettre à ses collègues d’avoir recours à différents services ou marchandises plus aisément. Une pratique qui n’est ni légale ni interdite. Juste une pratique tolérée pour garder le contrôle sur les soldats.

Il n’y va donc pas par quatre chemins, me proposant directement de travailler pour lui, chez-lui. Il m’assure ainsi la sécurité, la correction des clients et des revenus plus intéressants. Il renifla et exprima un entrain pour un projet futur, imaginant m’ouvrir les portes de Bourg Levant. Sa diatribe terminée, il me demandait mon ressenti et je l’observais d’un air interrogateur.

Travailler pour vous
?

Je réfléchissais et secouait légèrement la tête.

Ce métier est déjà compliqué à assumer pour moi Mon Seigneur… A vous entendre je pensais que vous aviez quelque chose de différent à me proposer. Faire la même chose pour vous au sein même de la caserne, certes m’apportera plus de sécurité, et encore, mais je crains de perdre la liberté d’oeuvrer tel que je l’entends.

Je le toisais du regard.

Comprenez-moi bien, si j’apprécie l’offre, j’aurais espéré tâche différente. Je sais compter, tenir des inventaires, gérer des stocks… Malheureusement, ce genre de tâches m’est refusée du fait que je ne suis pas originaire d’ici.

Je baissais la tête avant de conclure.

Navrée si je vous ai fait perdre votre temps…

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MessageSujet: Re: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptyMar 10 Mai 2022 - 12:51
Cette vile mornifle ne parut guère émouvoir Herluin. Pourtant, après qu’elle ait exprimé ses pensées, il n’en était pas moins déçu, voire ébaubi par ce qu’elle lui répondit. Pensait-elle pouvoir continuer à œuvrer ‘telle qu’elle l’entendait’ pendant longtemps ? Elle avait déjà le dos au mur et sa situation n’allait pas aller en s’arrangeant. Il n’y avait rien de bon, dans le Goulot. Ce quartier fonctionnait comme un gouffre, un puits dans lequel, une fois jeté, on ne pouvait en ressortir. La misère ambiante en était le parfait témoin, cet endroit avait toujours été un taudis, et depuis la Fange, c’était pire encore… Aussi, c’est avec un ton empreint de surprise et de circonspection que le milicien répondit :

« Parce que tu crois que t’es libre ici, mignarde ? Ni toi ni moi ne le sommes, je le crains. On est tous murés dans cette saloperie de ville, et malheureusement, t’es au bas du bas de l’échelle. »

Herluin se releva, atterrissant sur ses vieilles guibolles tout en grimaçant à sentir sa hanche lui rappeler son erreur. Puis il fit face à cette femme de mauvaise vie, mais qui se raccrochait encore à quelque espoir futile et vain.

« Tu veux tenir des inventaires, gérer des stocks… Mais tu crois que ça se donne comme ça, les promotions ? A ton âge, faire déjà la maquerelle ? Insensé. »

Son timbre n’avait rien de violent, il était d’ailleurs très calme. Il devisait comme s’il parlait affaire, et certes, cela faisait fort longtemps qu’il négociait dans ce milieu.

« Là, j’te propose carrément d’avoir un meilleur endroit, plus sécurisé, avec plus de blé à la clé, et tu remballes l’offre comme un clodo devant chez toi ? Là j’avoue, je pige que dalle. »

Herluin commençait à reparler comme le vieux fias qu’il était, perdant de ce fait la courtoisie de bon aloi qu’il affichait jusqu’alors. Si son ton n’avait rien de menaçant, c’était dans le changement de vocable qu’on pouvait remarquer à quel point il était déboussolé. Mains sur les hanches, il continua.

« En fait, si tu crois encore avoir le choix ma donzelle, tu te fourres le doigt dans l’œil, et chuis poli. Les pauvres, ils ont jamais le choix. J’en sais quelque chose, j’ai pas grandi dans la dentelle, contrairement à certaines. Si t’avais le choix, déjà, tu serais pas dans une chambrette à deux ronds en train de me causer. T’as eu le choix, tu crois, quand la Fange nous est tombée sur le râble ? Parce que moi, j’me souviens pas l’avoir eu. »

Il se calma un peu, sentant qu’il avait lâché ses dernières diatribes avec un certain tonus. Après un léger soupir pour laisser retomber le soufflet, il conclut en croisant les bras :

« Dans la vie, on a jamais c’qu’on mérite. On a que c’qu’on prend. Alors, serait p’têt’ temps qu’tu prennes tes… euh, qu’tu saisisses les opportunités quand elles se présentent, t’en dis quoi ? »

Herluin tentait de se faire la voix de la raison. Cette douce ironie aurait pu faire trembler bien des lèvres dans certains milieux matois, mais ici, il causait avec un cave, pas avec le Couturé.
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MessageSujet: Re: Du fumier n'est la rose   Du fumier n'est la rose EmptyMer 8 Juin 2022 - 14:52
Je pris sa réaction comme un coup de massue sur le crâne.
Ses dires étaient on ne peut plus véridiques, mais se l’entendre dire à les effets d’un violent coup de poing. Je l’observais se relever difficilement avant qu’il ne confirme que ce que je demandais, que j’espérais, ne pouvait arriver. Il reformulait son offre en employant un langage plus libre mais tout aussi percutant et, il fallait bien avouer que, vu sous cet angle, l’offre en question semblait presque plus intéressante. Elle n’était pas auréolée de bonnes conditions ou de débouché splendides, mais elle était évoquée comme ce qu’elle était.
Un moyen comme un autre d’améliorer un tant soit peu ma condition.

Je réfléchissais, tournais et retournais les informations dans ma tête pendant qu’il causait. J’avais noté un haussement de rythme mais je ne l’écoutais plus. Il avait déjà dit ce qu’il y avait à dire.
Aussi, lorsqu’il se calmait et me laissait de nouveau parler, je me levais à mon tour pour me planter devant lui, le dardant de mes pupilles bleues d’un air décidé.

Si vous savez tenir vos gens, alors j’accepte !

C’est seulement après avoir dit cela que je notais à quel point il paraissait perplexe de la situation. Il avait perdu de son éloquence et de sa prestance.
Si ma situation actuelle m’avait bien appris une chose, qu’il venait de me rappeler, c’était que les opportunités d’améliorer le quotidien étaient bien rares.
Je lui souriais légèrement avant de poser ma main sur sa joue, sans trop savoir pourquoi d’ailleurs..

Un seul client à la fois et dehors au premier comportement ou geste déplacé, ce sont mes seules exigences.
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