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 Le spectre du remord [Alice]

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Marin de LuynesChevalier
Marin de Luynes



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MessageSujet: Re: Le spectre du remord [Alice]   Le spectre du remord [Alice] - Page 3 EmptyJeu 21 Juil 2022 - 18:30
Il n’y avait pas de bonne réponse à cette question. Avouer qu’il regrettait de ne pas avoir partagé une nuit d’amour dans les bras d’Esmée, c’était salir la mémoire de la jeune femme. Elle aurait mérité bien plus qu’une nuit de bonheur. Aucun son ne sortit de sa gorge, il baissa les yeux. Il était si injuste qu’il lui survécût et qu’en connaissance de ce passé, il eût voulu changer ce détail-ci plutôt que de la sauver. Ce qu’il regrettait, c’était d’avoir refusé de la brutaliser pour lui sauver la vie. Elle l’aurait peut-être haï, ç’aurait été la meilleure excuse pour le Comte de briser leurs fiançailles, mais elle aurait survécu. Il n’avait pas voulu risquer de mal se faire voir, c’était la bienséance de Marin qui avait tué Esmée. C’était ça, son plus grand regret. D’avoir été un chevalier plutôt qu’un homme. Ces réalisations déclenchèrent une douleur qui, si elle n’avait aucune cause physique, n’en était pas moins lancinante. Il essaya de s’en détourner et reporta son attention sur Alice qui lui donnait un demi-point pour une demi-vérité, mais le plus efficace fût néanmoins la délocalisation rapide de la douleur quand l’ancienne se mit à le recoudre.

Si au début la douleur restait tolérable, mais pas moins désagréable, au bout de plusieurs minutes, l’adrénaline ne suffisait plus à l’inhiber. Quand la guérisseuse eut fini, Marin se sentait faible. Appuyé sur le garde-corps, il prit la seule et unique source de calorie qu’on lui tendait et en prit une autre gorgée. Le liquide l’aiderait peut-être à tenir debout pour un dernier trajet mais ses effets indésirables commençaient déjà à se ressentir, aggravés par son état lamentable.

— Ca va… mentit-il en s’écartant, agacé d’avoir besoin qu’on le guide et qu’on le soigne et qu’on le sauve. Tu parles d’un chevalier. Au moins, Louis n’avait pas la satisfaction de le voir ainsi. Son esprit erra un moment, et quand la lucidité lui revint, ils étaient dans le Grand Hall. L’endroit grouillait de gens, amassés en petits groupes fermés. Quand la bannie lui tendit le bras, il ne le saisit pas et posa sa main sur son épaule comme pour l’arrêter. Il la lui tapota en guise de merci, et s’enfonça seul dans le Grand Hall.

Les regards se posèrent davantage sur sa bouteille que sur son visage, même si, du fait que personne ne le reconnût, personne ne lui adressa la parole. Il trouva un coin libre où il s’assit en soupira. A côté de lui, un type tenait entre ses mains des morceaux de viande grillée agrémenté d’herbes, un rongeur sans doute. L’odeur vint chatouiller les narines de Marin et par un échange de bon procédé, il partagea un peu de sa boisson contre un peu de pitance. Ce troc eut l’effet de lancer un moulin à parole qui n’allait s’arrêter que quand il remarquerait que son auditoire avait sombré. Marin avait fermé les yeux pour s’enfoncer dans le puits de son for intérieur. Il devait arrêter de penser à ce qu’il ne pouvait plus changer. Ici, il n’était plus le Chevalier de Luynes. Ici, il n’était plus personne. Ici, il pouvait être qui il voulait. Cette nuit-là, il eut un sommeil sans rêve qui dura bien au de-là du lendemain matin.

Ses semaines de convalescences n’avaient pas été de tout repos, pour plusieurs raisons. La première, il avait beaucoup de mal à se tenir tranquille. Dès qu’il ne faisait rien, ses pensées vagabondaient dans un passé qui le torturait. Pour pallier cela, il cherchait toujours à s’occuper, même à quelque chose de futile. La deuxième était qu’on voyait d’un assez mauvais œil les gens oisifs au village. La vieille Adélaïde l’avait furieusement réprimandé quand Marin était revenu dans sa cahute à peine quatre jours après son arrivée parce qu’il avait fait sauter ses points de suture dans un « malentendu ». Aiguille pointée dans sa direction, elle lui avait fait remarquer qu’elle avait d’autres chats à fouetter, et que la prochaine fois, peu importe son état, elle lui fermerait la porte au nez. Les bannis ne se payaient pas en pièces, la gratuité et les faveurs n’étaient pas de rigueur. Le troc coûtait était toujours moins intéressant pour celui qui en dépendait et les dettes que l’on accumulait sans fin coûtaient bien plus cher au débiteur qu’au créancier. Le jeune homme avait cherché à se procurer une lame digne de ce nom, il s’était vite rendu compte que cette acquisition ferait de lui l’esclave de son fournisseur. Voilà des semaines qu’une idée stupide lui trottait dans la tête. Il avait peut-être trouvé un moyen facile pour obtenir des services – ou pour proposer les siens. Il assistait à des combats à mains nues de manière assidue, et les récompenses des gagnants de chaque compétition étaient diverses et variées. En attendant de pouvoir combattre lui-même, il avait longuement analysé les mouvements et les parades de ses futurs adversaires.

— C’est une idée de merde.
— T’es qu’un rabat-joie.
— La vieille va t’arracher les tripes quand tu t’pointeras la gueule cassée, et si t’y survis, c’est l’autre sauvage qui va t’éclater la tête. Tu lui en dois une.

« La sauvage », le quolibet fit rire Marin. Soit il ne pouvait pas sentir Alice, soit ils s’étaient déjà accrocher auparavant, difficile à dire.
— J’ai tellement hâte d’accomplir mon destin et de devenir un plat de viande hachée, fit joyeusement le blond en retirant sa chemise. Il estimait qu’il était suffisamment remis pour s’entraîner à nouveau. Autrefois si bien nourri et si discipliné, il avait constaté qu’il avait perdu de ses capacités depuis son enlèvement. Il allait devoir y remédier rapidement, il se trouvait maigre et faible.
— Merde, Isaac. MERDE.

Quentin n’aimait pas prendre de décisions, il n’aimait pas non plus qu’on lui en impose. Il supportait mal à pression et détestait les imprévus. En cela il avait toujours eu du mal à se mêler vraiment à un groupe. Il se renfrognait au moindre changement dans les plans. Au lieu d’agir avec le groupe, il avait tendance à rester en retrait, l’oeil observateur. Ce qu’il aimait, c’étaient les plantes, leurs formes, leurs couleurs, leurs arômes et leurs vertus. Il ne parlait pas beaucoup de lui et quand on l’interrogeait sur son passé, il arrivait toujours un moyen de tourner la conversation vers quelque anecdote qui incluait une plante particulièrement intéressante. Marin – ou comme on l’appelait désormais, Isaac – le soupçonnait d’avoir été herboriste ou quelque chose dans ce goût-là. S’il ne partageait pas sa passion, il trouvait que les herbes que Quentin ajoutait aux plats changeaient la donne. Il savait aussi que l’homme savait se débrouiller pour ramener du gibier. Sa présence s’accompagnait du vrombissement perpétuel de ses babillages, ce qui insupportait tout le monde sauf Marin qui avait vu en lui un antidote assez efficace contre les réflexions solitaires. Lorsque l’amoureux de la nature était silencieux, c’était encore là qu’il était le plus inquiétant. La désapprobation et l’anxiété se lisaient sur son visage.

— Calme-toi, je ne ferais pas les combats dans l’immédiat. Mais je ne peux plus rester amorphe. Sans entraînement, je ne serai utile pour personne. Il en va de même pour toi d’ailleurs.
— M-moi ? C-comment ça ?! Je suis utile ! Je tire à l’arc !
— Et tu te feras éventrer avant d’avoir armé ta deuxième flèche.
— Une seule suffit !
— A d’autre. Tu ramènerais autre chose que des ragondins sinon ! Allez, cesse de discuter, c’est toi mon adversaire. Comme ça, je suis sûr de ne pas être trop abîmé.
— Ah ouais ?
— Ouais.


Il esquissa un sourire en voyant l’archer poser au sol la sacoche remplie d’herbes et de champignons, se débarrasser de sa chemise pour se positionner en face de lui, les poings serrés et relevés. Les premiers coups de Quentin étaient gentillet, mais les rendus de son adversaire fermes et sournois l’obligèrent à combattre plus sérieusement. Au fil des provocations, les deux hommes se retrouvèrent à lutter avec acharnement à celui qui mettrait l’autre à terre. Les entraînements se firent quotidien, toujours le matin à la fraîche pour éviter les rayons trop insistants de l’été. D’une fois à l’autre, le gagnant variait mais au fil du temps, l’ancien chevalier tendait à prendre le dessus.

Sept semaines avaient passé depuis son arrivée. Il avait repris du poil de la bête.

— Si je gagne, je prends la moitié de tous tes gains quand tu combattras.
— Si je gagne, tu viendras chasser avec moi à l’extérieur.


L’archer hésita longuement, il avait toujours peur de s’aventurer à l’extérieur pour chasser, il se contentait des oiseaux et des rongeurs qui rôdaient autour du village. Il avait l’impression d’avoir été dupé, cependant son avarice l’emporta. Les deux hommes finirent par se serrer la main pour conclure le marché. Le combat avait été plus animé que les autres, probablement à cause de l’enjeu, mais au final, Quentin fut étalé sur le dos, l’air dépité.

— Prêt pour la chasse ? Alice nous attend depuis un moment déjà… annonça-t-il en tendant la main pour l’aider à se relever.
— Al… QUOI ? C’était pas dans le marché ! s’insurgea l’archer en tapant sur la poigne tendue pour la refuser. Il se redressa raide comme un piquet.
— Ai-je omis de préciser ce qu’on allait chasser ? s’interrogea Marin.
— T’es qu’un enfoiré. Un gros enfoiré, conclut son comparse avant de cracher à ses pieds. Tu me le paieras, prévint-il encore avant de tourner les talons. En réalité, rien n’obligeait Quentin à l’accompagner. Il y avait fort à parier que s’il les rejoignait, il espérait y trouver son compte d’une manière ou d’une autre. Souhaitait-il enfin sortir de son statut de solitaire ? Peut-être cherchait-il une nouvelle occasion pour grapiller les gains de Marin puisque jusqu’ici ce dernier avait partagé plus d’une fois sa pitance. Oui, il fallait l’admettre, l’ardoise qu’il avait chez le cuisinier à ses heures perdues était conséquente.

Quoiqu’il en fût, les deux hommes vinrent rejoindre la voleuse à l’endroit convenu.
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AliceBannie
Alice



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MessageSujet: Re: Le spectre du remord [Alice]   Le spectre du remord [Alice] - Page 3 EmptyDim 31 Juil 2022 - 11:16
Début juillet 1166


On ne respectait pas grand chose chez les bannis, mais on ne trahissait pas sa parole. Les conséquences d'une trahison, quelle que fut son importance, étaient graves, sérieuses, souvent funestes. Alice avait les parjures en horreur ; elle n'était jamais la dernière à se proposer, lorsqu'il s'agissait d'en éliminer un ou deux. C'était précisément la raison de sa présence à l'orée du Village, une épée passée à son côté, une fine dague cachée dans sa botte. Un arc, pour faire bonne mesure, était accroché dans son dos. Elle avait continué de s'entraîner avec des armes à distance, mais se révélait désespérément mauvaise. C'était un style trop lent, trop passif. La bannie préférait sentir le sang poisser ses doigts et éclabousser ses joues, observer la vie quitter les yeux de sa proie. À l'arc, elle avait l'impression d'être une spectatrice. Alice aimait l'action.

Elle étirait nonchalamment ses bras lorsqu'elle aperçut ses compagnons de voyage. Peureux et Blondinet, duo de choc. Un rictus moqueur étira ses lèvres, puis elle croisa les bras sur sa poitrine, afin de se donner un air plus ferme et autoritaire. Le jeu fonctionnerait sur Peureux, mais elle savait qu'elle ne parviendrait plus à convaincre Blondinet – Isaac paraissait-il. La bannie l'avait gardé à l’œil au cours des sept dernières semaines, s'était renseignée auprès des membres du Village afin d'être au courant de ses moindres faits et gestes lorsqu'elle devait s'absenter. Ils avaient eu l'occasion de discuter encore et encore, parfois sérieusement, rarement sobres, mais toujours avaient-ils évité soigneusement les sujets qui les avaient tant fâchés lors de leur première rencontre. D'une certaine manière, Alice avait veillé sur sa jeune recrue : pour qu'il acceptât de rester parmi eux, il fallait lui en fournir l'envie, aussi était-elle parvenue à ne plus le faire sortir de ses gonds, sans pour autant cesser railleries et autres farces qu'elle affectionnait tant. Mais comme il le lui avait démontré presque deux mois plus tôt, Blondinet était capable de lui rendre la pareille : un jeu amusant s'était donc installé entre eux et, sans l'admettre, la noiraude devait avouer qu'elle l'appréciait. Elle serait presque triste s'il devait désormais lui arriver quelque chose : après tout ce qu'elle avait fait pour le garder en vie...

Sans se départir de son sourire, elle les détailla tandis qu'ils approchaient, l'un à l'air déterminé, l'autre affolé. Blondinet avait repris du poil de la bête. Il ne courbait plus l'échine lorsqu'il marchait, sa respiration ne sifflait plus et, même s'il avait perdu du poids, elle lui trouvait une silhouette pas désagréable à regarder. Certaines filles du Village soupiraient lorsqu'il passait devant elles, une des moqueries qu'elle lui servait le plus souvent. « Ma p'tite princesse en détresse est d'venue un beau prince » avait-elle persiflé l'autre jour, autour d'une liqueur bien tassée.

Enfin, les accueillit-elle, l'air excédé. T'arrivais pas à l'convaincre ou quoi ? lança-t-elle, en désignant Quentin du menton. Allez, magnez-vous.

Tant que possible, Alice restait sous le couvert des arbres, profitant de leur fraîcheur. Si elle avait troqué sa lourde pelisse d'hiver pour une cape plus légère, elle n'en suait pas moins à grosse goutte. Pour une fois, ces saloperies de divinités avaient décidé de leur offrir un soleil digne de ce nom depuis plusieurs jours, au grand dam de la bannie. Les soirées étaient plus respirables, mais même pour elle, chasser dans les marais à la nuit tombée était bien trop dangereux. Elle détestait la chaleur ; elle avait l'impression que chaque rayon la brûlait un peu plus.

Clovis est parti depuis peu...

Clovis était un contrebandier qui avait fourni quelques denrées au Village à plusieurs reprises. Avec sa petite carriole, il leur avait livré notamment un alcool moins infâme que d'habitude, ainsi que du poisson fumé – un mets des plus rare lorsque l'on vivait au milieu des terre – des arguments qui l'avaient rendu tout de suite sympathique auprès des expulsés de Marbrume. Mais il fallait toujours se méfier des mecs trop gentils.

Ce connard est d'mèche avec la milice. On va l'prendre en chasse, et toi...

Elle pointa son index contre le torse de Blondinet.

Tu l'buteras.

Un ultime test pour savoir si « Isaac » était bel et bien intégré dans le groupe. Dans le cas contraire... Et bien, elle devrait abattre une personne de plus que prévu.

Alice leur fit signe de la suivre, avant de leur indiquer les traces de la roulotte du contrebandier : il ne serait pas difficile de poursuivre cet abruti ainsi que les deux gardes du corps qui l'accompagnaient : ses fils, aussi larges que hauts, des montagnes de muscle qui, à l'instar de leur père, n'avaient pas grand chose dans le cerveau. La noiraude invita ses compagnons à se glisser dans les quelques zones d'ombre, à bénéficier des buissons épars. Tout en prêtant une oreille attentive aux alentours, elle notait avec satisfaction les progrès de son protégé, bien plus discret que sept semaines plus tôt. Sa démarche n'était pas parfaite, mais il se mouvait avec plus d'aisance, plus de souplesse. En revanche...

Putain ! Tu veux alerter tout l'voisinage, ou quoi ? s'énerva-t-elle sans pour autant oser hausser le ton.

La scène était presque drôle. Alice, sourcils froncés, grimaçante, dardait ses yeux perçants sur Peureux qui, selon elle, était bien trop bruyant et maladroit.

T'étais obligé de t'dénicher le moins doué du Village ? demanda-t-elle à Blondinet, ulcérée.
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Marin de LuynesChevalier
Marin de Luynes



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MessageSujet: Re: Le spectre du remord [Alice]   Le spectre du remord [Alice] - Page 3 EmptyJeu 4 Aoû 2022 - 0:32
Plus la distance qui les séparait d’Alice se réduisait, plus les pas de l’archer se raidissaient. Tout son corps s’agitait d’une manière inhabituelle. Quelque chose de méprisable émanait de lui, l’appréhension, comme l’odeur putride s’échappe d’une charogne en devenir. Mais n’était-ce pas ce qu’ils étaient tous, après tout ? Bientôt morts ? Jusqu’à ce qu’il arrive au village, il lui paraissait invraisemblable de vivre en dehors des murailles protectrices de Marbrume. Bien sûr, il savait que c’était possible, que des gens vivaient dans les villages qui avaient résisté à la Fange, il avait lui-même fait partie de ces expéditions à l’extérieur, accompagnés de miliciens. C’était bien là toute la différence, ici, il n’y avait aucune institution pour les protéger, point de soldat formé et payé pour la tâche. En conséquence, en cas d’attaque, chaque guetteur était un point faible ; personne ne devait rien à personne, et chacun devait sauver sa peau. Mais bizarrement, le camp de paria avait résisté, d’une manière ou d’une autre, les survivants avaient dû faire des compromis, même les plus lâches avaient dû s’y résoudre. Même Quentin avait survécu. Il posa une main sur l’épaule du malheureux comme on flatte l’encolure d’un cheval nerveux. Les salutations peu affables qu’ils reçurent n’attendait aucun retour, ils avaient pris suffisamment de retard. Le beau temps rendait presque tout le monde joyeux, mais pas Alice, c’était comme si la bonne-humeur ambiante l’insupportait au plus haut point. Peu importe la chaleur, elle était couverte de la tête au pied. C’est donc naturellement à l’ombre qu’elle espérait trouver des températures plus clémentes. Tant qu’elle évoquait Clovis, Isaac plissa les yeux comme s’il s’efforçait de passer en revue tous les visages qu’ils avait vu et rencontré récemment sans vraiment parvenir à associer le nom avec l’un d’entre eux.

— Clo — Clovis ?! s’alarma Quentin qui n’était pas certain de vouloir comprendre la tournure de la conversation. Cette réaction suffit à ajouter l’apprenti cuisinier dans l’équation, et le fameux plat fumé qui en découlait.
— Ah, le type du poisson, comprit-il enfin. C’était donc lui, le gibier. Pas de chance pour lui. Pas de chance pour Quentin non plus, il l’aimait bien. Depuis la révélation, il passait d’une jambe à l’autre, en pliant et dépliant ses doigts, ne cessant de jurer et de maugréer.

Isaac ne réagit pas, mais à l’intérieur le sang de Marin de Luynes n’avait fait qu’un tour. Marin n’avait tué que quatre personnes, mais jamais de sang-froid. Combien de personnes « Isaac » devrait-il tuer ? Tuer dans la frénésie du combat ou de la folie, c’est autre chose que de chasser quelqu’un pour l’abattre. Il acquiesça. Ils suivirent les pistes de roue qui tranchaient la terre, prirent note des dernières informations qu’avait Alice quant aux deux fils ; rien de bien nouveau en somme, mais au moins tout le monde était à la page. Ils évoluèrent dans le relief sauvage de la flore, longeant les zones ombragées et les bois autant que possible. Ca et là, Quentin butait sur un caillou, trébuchait sur une racine, marchait dans une flaque vaseuse. Finalement, la brune s’agaça. Alors qu’ils progressaient jambes fléchies, à moitié baissés, la conversation se poursuivait à mi-voix.

— Chacun ses priorités. Toi, t’as pris le plus beau, moi, j’ai pris celui qui cuisinait le mieux… commenta-t-il. Après tout, c’est vrai que leur amitié avait commencé sur un échange de bons procédés. Mais s’y faut le dire, y a pas beaucoup de volontaires pour accompagner la Teigne hors du village ; ça se comprend, dès que tu sors, tu butes quelqu’un. Le cuistot voulait pas venir non plus, il a juste perdu un pari.
— Que j’aurais jamais pris si j’avais su qu’on allait avec elle, enchaîna le concerné, toujours pas remis du traquenard.
— Mais t’aimes personne, Quentin ! Si j’étais pas arrivé, tu serais encore en train d’assaisonner du rat.
— J’aime bien le rat, ça a le goût du lapin gras. J’aime bien Clovis.

L'enchaînement de ces deux affirmations côte à côte était plutôt curieux, Isaac se pinça les lèvres pour étouffer un rire et finalement, s’inspirant du côté tragique pour ne pas éclater de rire, il parvint à conclure en se corrigeant :
— Ah. Bah… Bientôt, t’aimeras plus personne, alors.
— Enfoiré.
Devant eux, difficile de dire si Alice serrait les dents pour ne pas éclater de rire ou si elle se retenait d’exploser sur eux pour qu’il la ferme une bonne fois pour toute, mais toujours est-il qu’avant qu’ils ne le découvre...

— ♪♫EEEEEEelle aimEUH les licORNes ET ma bellEUH CORNE ! J’en fAIS tout un fromage mais ELLE est pas très sAAGEUH ! ♪
— … Chuis presque sûr… que c’est pas les bonnes paroles, murmura Quentin pensif. Il avait déjà entendu quelque chose dans ce goût-là, mais la mélodie était si mal interprétée que les paroles originales ne lui revenaient pas. Le « chant » rappelait les grincements d’une porte sur ses gonds rouillés. Il fut bientôt interrompu dans son élan inspiré ;

— Mais qu’est-ce qui te prend, ça va pas ? siffla Clovis entre les quelques dents qui lui restaient. Il pensait peut-être que ce rappel à l'ordre suffirait pour que son oisillon cesse de gazouiller ; que nenni.
— ♪♫Elle est si maline, ma jolie lapine, surtout quand elle s’prend ma grossEUH—
Le père venait d’arrêter les deux ânes si brusquement qu’ils avaient geint. L’un se mit à braire pour signifier son mécontentement. Par un hasard ironique, le gaillard qui chantait avait été coupé par la chute que le brusque arrêt avait provoqué et il avait basculé lourdement. Le père se redressa alors et regarda vers l’arrière, comme pour essayer de voir l’origine de ce vacarme sans y parvenir : la toile tendue au dessus des arceaux qui surplombaient la charrette ainsi que les marchandises qu’elle contenait bloquaient sa vue. Il se rassit.
— Ta gueule ! réagit enfin le frère assis à l’avant.
— Tu vas nous rameuter tous les fangeux, sinon pire.
— Pire ? Comme quoi ?

La question fut tout bonnement ignorée. De toute façon, la querelle était suffisamment bruyante pour donner un avantage que la voleuse saisit sans hésiter. En quelques secondes, elle s’était avancée avec moins de précautions, couverte par l’engueulade, et ses deux acolytes l’avait suivi. Faute d’avoir pu obtenir une lame, le blond se retrouvait avec une pitoyable massue en bois, mais il comptait bien sur cette chasse pour changer son équipement.

— C’est ce beau temps, ça me rend toute chose...
— Ouvre-la encore, et mon poing dans ta gueule, y va t’rendre toute chose, t’vas voir. menaça l'autre.
— M’parle pas comme ça !
— J’te parle comme je veux !
— Urgh...
Alice s’était accrochée à la charrette et Isaac avait bondi pour neutraliser le fils qui tenait l’arrière de la roulotte. Un bon coup de maillet sur la tempe. Il n’avait rien pu faire, une gerbe de sang avait éclaboussé, et le corps était tombé.
— VOS GUEULES BANDE DE CRETINS. somma le père en relançant les deux têtes de bétail. Si Isaac suivit aussi fluidement, Quentin tituba sur un énième obstacle et s’étala de tout son long.

— Mais qu’est-ce que tu fous encore là-derrière?! s’impatienta Clovis en arrêtant la roulotte. Cette fois, le père bondit de son perchoir pour aller voir ce qu’il se passait par lui-même. Distrait par les acrobaties du cuisinier, les yeux clairs du chevalier se posèrent sur le corps qui n’était plus tout à fait là où il était tombé et qui brandissait un coutelas dans sa direction. Isaac s’écarta prestement et le bout de la lame trancha le devant de sa chemise. Le combat sans armure ne donnait pas le droit à l’erreur. Déboussolé, l’assomé-pas-si-assomé-qu’on-l’aurait-cru avait du mal à coordonner ses mouvement, après une autre attaque, le maillet heurta violemment sur le poignet et fit voler l’arme blanche en dehors de la roulotte. Il n’avait pas suivi le reste de l’action, mais aux sons qui lui parvenaient, Clovis et le crétin restant venaient de prendre part à la lutte.
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AliceBannie
Alice



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MessageSujet: Re: Le spectre du remord [Alice]   Le spectre du remord [Alice] - Page 3 EmptyJeu 4 Aoû 2022 - 21:51
J't'ai pas buté, toi, rétorqua Alice du tac au tac, un sourire sur les lèvres.

Même si elle donnait l'impression qu'elle regrettait amèrement sa clémence à l'égard de l'ancien noble, il n'en était rien. Elle appréciait toujours autant sa répartie, se félicitait de le voir ainsi ragaillardi. Elle l'aimait bien, Blondinet. Malgré ses railleries quotidiennes, elle avait remarqué avec soulagement son évolution au sein du Village : son envie de se rendre désespérément utile quand personne ne lui accordait la moindre confiance, ses entraînements secrets dans l'espoir de renforcer ses muscles, d'améliorer ses techniques au corps à corps. Il ne dénotait plus parmi les bannis : à son sens, il faisait déjà partie du groupe. Néanmoins, Alice ne choisissait pas pour l'ensemble de ses camarades : une mise à l'épreuve était de mise, le moment était venu. En revanche, elle exécrait au plus haut point le compagnon qu'il avait rappliqué. Quentin ne payait pas de mine, avec sa carrure ridicule, ses cuisses aussi fines que celles d'un gosse de dix ans et ses cheveux châtains en bataille. Elle ne se souvenait même plus pourquoi elle s'était moqué de lui lors de leur première rencontre, mais à priori, ce dernier gardait une sévère rancœur à son encontre. À moins qu'il ne se contentât de prêter une attention particulière aux rumeurs qui se murmuraient à son sujet ; Alice s'en fichait.

Et tu l'aimeras toujours, quand il te collera la milice au cul, hein ? asséna-t-elle.

Sa main libre s'était enroulée autour du col du cuisinier, ses yeux verts s'étaient ancrés méchamment dans les prunelles noisette de son misérable interlocuteur. Elle le repoussa sans ménagement, et manqua de le faire trébucher à nouveau. Alice leva les yeux au ciel et réprima une ribambelles de jurons avant de se remettre en route entre les broussailles, empêchant Quentin de lui répondre quoi que ce soit. De toute manière, elle le soupçonnait de n'avoir rien d'intelligent à lui répliquer. La répartie de Blondinet lui soutira malgré elle un sourire, mais elle n'ajouta rien, s'enfonçant un peu plus loin dans les marais. Une petite voix lui souffla qu'ils formaient un bon duo, tous les deux. Ils auraient pu rendre chèvre n'importe qui...

Le chant terriblement mauvais leur annonça que leurs cibles n'étaient plus très loin. L'interprétation désastreuse de l'aîné de Clovis mit les nerfs d'Alice à rude épreuve – du moins, encore plus que d'habitude – accentua d'autant plus sa mauvaise humeur. La sueur piquait ses yeux, la chaleur embrasait son dos. Elle avait envie de fuir, de retrouver la pierre froide de sa chambre, la douce humidité de la forteresse. Plus vite ils en auraient terminé avec cette connerie, plus vite les bourrasques seraient la seule mélodie qui chanteraient à ses oreilles.

Pire comme moi, répondit mentalement Alice, tandis que le trio s'était arrêté afin d'observer le manège de leurs proies. La noiraude se demanda comment la milice avait espéré tiré quelque chose de ces abrutis ; le manque d'effectifs parmi les tuniques vertes signeraient leur propre perte... Même si elle rêvait encore de signer elle-même leurs arrêts de mort. La bannie se força à reporter son attention sur la carriole avant de se glisser derrière cette dernière. Après quelques enjambées, elle fut suffisamment proches pour s'accrocher à la charrette de sa main gauche tandis que dans la droite, elle avait dégainé son épée. Pas de dague cachée dans une manche pour cette fois – sa cape estivale ne lui permettait guère – mais une lame qu'elle avait autrefois dérobée sur un cadavre. Elle trépignait à l'idée de s'en servir.

Enfin, Blondinet passa à l'action. Quentin également, à sa manière. Alice jura, avant de se laisser envahir par l'adrénaline de la bataille. Elle lâcha le tissu de la carriole au moment où l'adversaire de son protégé se relevait péniblement. Elle ne le prévint pas, n'exécuta pas un seul geste pour l'en avertir. Le menton posé entre ses doigts, elle observa la lutte, tel un professeur jugeant les capacités de ses élèves. Quand elle fut certaine qu'« Isaac » remporterait la manche, elle s'éclipsa, non sans lui fournir ses conseils teintés de sarcasme :

Retiens Blondinet : un bon cadavre est un cadavre mort !

Elle s'élança vers le paternel et le cadet, non sans marcher sur l'une des mains de Quentin étalé dans la boue ; un rictus lézarda ses lèvres lorsqu'elle lui soutira un gémissement plaintif. Si le cuisinier était un dommage collatéral amusant, il n'était cependant pas sa cible. Face à elle, Clovis et son abruti de rejeton, une fois la surprise passée, brandirent leurs armes. Le premier resta en retrait tandis que le plus jeune venait à sa rencontre, persuadé que sa force maîtriserait une femme incapable de manier une arme. Un préjugé de mauvais ton, lorsque l'on vivait en 1166 : d'un mouvement fluide, Alice se pencha pour éviter l'attaque circulaire de l'empoté, son lame émoussée ne fauchant que le vent. Elle se redressa avec une rapidité déconcertante, son arme, véritable extension de son bras, suivant le rythme de son corps : l'épée ouvrit littéralement le corps de sa proie en deux, de l'aine jusqu'à sa cage thoracique. Une gerbe de sang en jaillit, suivie de quelques viscères qui profitèrent de l'ouverture pour s'échapper de l'individu. La bannie grimaça lorsque l'odeur ferreuse chatouilla ses narines et, sans attendre, elle gratifia son adversaire d'un coup de pied dans les côtes, afin de récupérer son épée souillée de rouge.

Tu t'souviens d'moi ? lança-t-elle à Clovis, avant de se relécher les lèvres.

Le sang les avaient rendues encore plus rouge qu'à l'accoutumée. Elle n'en aimait guère le goût métallique, mais savourait la peur visible dans les prunelles du contrebandier. Elle avait un rôle à entretenir et se plaisait à le jouer.

Si la noiraude devait reconnaître autre chose que la traitrise à Clovis, c'était bien son courage. Ou sa folie. Malgré son visage blême, l'homme raffermit ses pognes sur la garde de son épée de mauvaise facture et, après avoir insulté Alice de tous les noms – parmi lesquels « traînée » et « salope » – il accourut vers cette dernière, abattant son arme de toute ses forces. La bannie para, ses bras tremblèrent sous la puissance de l'assaut.

Blondinet, c'quand tu veux ! hurla-t-elle.
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Marin de LuynesChevalier
Marin de Luynes



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MessageSujet: Re: Le spectre du remord [Alice]   Le spectre du remord [Alice] - Page 3 EmptyJeu 4 Aoû 2022 - 23:57
Un bon cadavre est un cadavre mort. Fallait-il vraiment qu’il y ait un cadavre ? Ne pouvaient-ils pas se contenter d’assommer les fils et de simplement châtier le père ? Les solutions simples étaient souvent celles qui cachaient des conséquences bien plus sournoises. Témoins du massacre de leur père, les orphelins auraient nourri un désir de vengeance que le temps ferait fermenter jusqu’à ce qu’ils obtiennent un bain de sang.

Hésiter était une erreur, chaque erreur de l’adversaire devait être mise à profit. Désarmé, le chanteur amateur se jeta sur son opposant, y allant de tout son poids et cherchant à l’étrangler. Les bras de l’homme étaient épais comme des jambons, sa charge téméraire avait surpris Isaac qui vit ses mouvements complètements bloqués par les coudes de Clovis fils aîné. Il luttait dans un mouvement de balancier, d’un côté et de l’autre espérant se débarrasser du balourd en s’aidant de la gravité. Il dut prendre appui du pied sur l’un des montants de la charrette pour y parvenir. Ils roulèrent tous les deux à terre alors qu’une silhouette se relevait. Ils luttaient toujours quand une giclée de liquide chaud et brun leur tomba dessus. La rincée les sépara comme un seau d’eau glacée sépare deux chats. Le blond se saisit du coutelas tombé juste là avant eux, mais quand il se releva, son adversaire ne bougeait plus. Il restait inerte au sol, le couteau à champignon de Quentin profondément planté dans l’orbite gauche.

Le regard hébété de l’ancien chevalier se posa sur ce sauveur plus qu’insoupçonné qui, plus affolé que jamais et au bord de vomir, cherchait à retirer sa lame sans faire venir l’oeil sur laquelle elle était embrochée. Les hoquets qu’il peinait à retenir à chaque mouvement du manche, et le bruit mouillé de ce dernier dans la plaie béante, aurait fait remonter la bile de n’importe qui. La scène écoeurante força la nouvelle recrue à détourner les yeux au moment où l’entrechoquement du métal retentissait à quelques pas d’eux. La voix d’Alice le somma d’agir, il vit sa petite carrure tenir fermement l’assaut alors que ses talons s’enfonçaient dans la terre. Le contrebandier n’était pas le couteau le plus affûté du tiroir, mais il savait reconnaître une ouverture quand il la voyait. Il relâcha brusquement la tension en faisant un pas de côté et attrapa la cape de la voleuse avant de la traîner au sol d’un coup sec. Content de lui, il allait se pencher vers elle, mais la pointe du coutelas traversa sa nuque de part en part et il s’effondra en émettant des gargouillis qui sifflaient au rythme de ses halètements. Derrière lui se tenait Isaac, couvert de viscères et de sang, la chemise éventrée.

Il n’était pas un tueur de sang-froid, il ne tuait pas sans raison. Même là, il se convainquait qu’il n’avait pas tué, mais défendu quelqu’un, ce n’était pas un assassinat. Avant, il n’avait pas tué, il avait fait justice. Avant encore, il n’avait pas tué, il avait fait un sacrifice par amour. Il n’était pas un tueur.

Il se pencha pour cracher le sang qui coulait dans les commissures de ses lèvres, et un peu de bile. Comment pouvait-on se convaincre aussi facilement qu’on était bon quand on était déjà un criminel ? Ces bannis au milieu desquels il vivait, ces gens qu’il méprisaient pour leur manière de survivre, valaient-ils vraiment moins que lui ? Il s’était tant enorgueilli de ces valeurs justes qu’il portait en lui, même encore maintenant, il se sentait supérieur, car il se croyait doté d’une morale chevaleresque au milieu de ces bandits ignares et sauvages. La chevalerie, n’était-elle qu’un écran de fumée pour cacher et justifier les actes des impensables que les nobles commettait au nom de quelque vertu quand en fait, ils succombaient à leurs instincts les plus primaires, comme tous les hommes.

— Hé… Ca va ?

Une main amicale vint se poser sur son omoplate, il la dégagea violemment sans lui adresser un regard.

— Casse-toi, décocha-t-il sèchement. Le mépris qu’il se vouait à lui-même transpira dans son ton, Quentin s’écarta en haussant les épaules. « D’accord, d’accord. ». Il retourna près de la roulotte pour examiner le butin et essayer d’en tirer ce qui l’intéresserait. Finalement, Isaac retira les lambeaux poisseux de sa chemise et s’en servit pour s’éponger tant bien que mal avant de la jeter. Il s’avança pour rejoindre ses deux compagnons, et entreprit de se faire son propre équipement en dépouillant les cadavres de ce dont il avait besoin, sans dire un mot.

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MessageSujet: Re: Le spectre du remord [Alice]   Le spectre du remord [Alice] - Page 3 EmptyJeu 11 Aoû 2022 - 12:52
Qu'est-ce qu'il faut pas faire, putain.

Clovis avait plus de force qu'Alice ne l'avait cru. D'ordinaire, elle ne s'engageait pas dans une bataille en première ligne. La bannie optait pour les actions dissimulées dans l'ombre – d'un arbre, d'un mur ou d'un camarade – pour les coups dans le dos et les taillades lâches et pernicieuses – terriblement efficaces. Mais elle n'avait pu attaquer le contrebandier à son insu : ce n'était pas son rôle d'achever sa misérable existence. Elle regrettait d'autant plus cette décision idiote lorsque, déséquilibrée par Clovis, elle tomba dans la boue. Elle releva son visage hargneux, dégoulinant de rage vers le voleur... Qui s'écroula au sol, un coutelas fiché dans son cou. Derrière lui, Isaac l'observait, sa main toujours tendue après avoir exécuté son lancer à la perfection, comme si le temps s'était suspendu. Un temps nécessaire à la prise de conscience, à l'acceptation d'actes irrémédiables.

Alice se releva, frotta sa joue embourbée d'un revers de manche, épousseta ses chausses masculines. Par chance, le soleil de plomb asséchait les terres, ne permettant pas à ces dernières de coller, poisseuses, sur sa peau et sa tunique. Elle lissa sa cape, la réajusta sur ses épaules. J'te jure...

Une fois qu'elle ne se sentit plus – trop – crasseuse, Alice jeta un regard à ses compatriotes. Elle lorgna le torse désormais découvert de Blondinet, remarqua la longue balafre qui soulignait une partie de sa peau ; vestige de sa plus vilaine blessure.

T'aimes te déshabiller quand j'suis là, hein ? le taquina-t-elle avant de le gratifier d'un sourire narquois.

Elle ignora sa mauvaise humeur, enjamba le cadavre de Clovis et gagna la carriole. Les ânes brayaient, s'agitaient ; ils tiraient vainement sur les brides qui les maintenaient solidement attachés à la charrette. La bannie s'approcha d'eux, flatta l'encolure du premier, susurra des mots doux au second. Elle n'avait jamais apprécié les équidés, jugeant que lorsqu'une bête attirait autant de mouches et autres bestioles, c'était qu'il valait mieux s'en tenir éloigné. Néanmoins, elle préférait que les deux mulets n'attirent pas l'attention plus que de raison. Alors, elle se remémora ses leçons de monte durement apprises - il fallait bien qu'elles servent à quelque chose - caressa le poil des bêtes luisant de sueur. Une fois ces dernières apaisées, Alice embarqua à l'avant de la carriole et attrapa les rênes.

Pas la peine de fouiller, on ramène tout ça au Village.

La noiraude n'avait pas envie de laisser autant de traces de lutte dans les marais. On n'était jamais trop prudents avec les patrouilles régulières de la milice.

Peureux, fais-moi brûler tout ça.

Elle désigna les corps à Quentin d'un geste désinvolte du menton. Un cuistot n'avait-il pas toujours de quoi faire du feu sur soi ? Étonnamment, Peureux ne rechigna pas et s'affaira à sa tâche morbide, tandis que la bannie mettait en branle son convoi d'un sifflement autoritaire et d'une vive impulsion sur les rênes.

Tu viens ? lança-t-elle à Isaac afin qu'il monte à l'avant, à ses côtés.

Alice entreprit de guider la roulotte à l'écart du foyer allumé par Quentin. Elle grimaça avant que la fumée âcre ne monte à ses narines, n'emplisse ses poumons. Elle devinait les braises rougeoyer avant de dévorer les cadavres de leurs victimes. Mais leurs corps à eux ne vivaient déjà plus, ils ne crieraient pas.

Son passager demeurait silencieux, ses yeux sombres rivés sur la ligne d'horizon. Ses mèches blondes – qui avaient récupéré de leur superbe, dorées par les rayons du soleil – ne parvenaient pas à illuminer son visage lugubre. Il ne souriait plus, sa bouche n'était plus qu'une fine ligne qui durcissait ses traits. Alice poussa un soupir théâtral, avant de frapper amicalement la cuisse de son comparse.

Tracasse, va ! C'toujours plus difficile, la première fois !

Elle lui fit un clin d’œil, avant de héler Quentin. Ce dernier, une fois sa besogne terminée, monta à l'arrière et glissa jusqu'au fond de la charrette. Le cuisinier passa sa tête dans l'ouverture du tissu, comme s'il espérait participer à la conversation. Ou peut-être était-il plus rassuré à l'idée d'avoir ses compagnons sous les yeux. Quoiqu'il en soit, Alice décida de l'ignorer, reportant son attention sur l'ancien noble.

Et ben voilà ! s'exclama-telle. On s'boirait pas un truc, en rentrant pour fêter ça ?

Toute excuse était bonne pour picoler.

Ainsi, la carriole s'en retourna vers le Village des bannis, ballotée de gauche et de droite, secouant ses passagers à la moindre pierraille rondouillarde, soutirant des injures fréquentes à la jeune femme. Elle n 'avait déjà plus qu'une hâte : asseoir ses fesses sur un paillasse plus confortable et échapper à ce putain de soleil.
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Marin de LuynesChevalier
Marin de Luynes



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MessageSujet: Re: Le spectre du remord [Alice]   Le spectre du remord [Alice] - Page 3 EmptyDim 11 Sep 2022 - 16:27
Lorsqu’il se fermait ainsi, les remarques d’Alice étaient de petits cailloux qu’elle n’avait de cesse d’envoyer dans les mâchicoulis de sa muraille. Il pouvait feindre de les ignorer mais leur amoncellement finissait par rendre le passage difficile. Il aurait voulu pouvoir se détacher de tout aussi facilement que d’autres le faisait, mais il ne le pouvait pas. La poigne de la réalité était encore trop ferme. Pourtant, il trouvait toujours un moyen de lui filer entre les doigts. Alors, si les mots ne le firent pas sourire, au moins renvoya-t-il le projectile qu’elle venait de lui lancer sur un ton défait.

— Comme si ça te déplaisait.

Etait-ce de l’orgueil que de décrire les banalités de son quotidien ? Il aurait été aveugle qu’il aurait pu sentir les regards des femmes sur lui, et même parfois celui des hommes. Courber la vérité pour qu’elle soit socialement acceptable tenait moins de la modestie que de l’hypocrisie. Alors, était-il si orgueilleux ? Il observa la lame plantée dans le cou de Clovis. S’il n’était pas un tueur, il avait pourtant tué. S’il avait fait un sacrifice par amour, c’était d’abord pour son amour propre, alors que son amour lui avait été arraché en même temps qu’il avait condamné un enfant à une mort certaine. S’il avait fait justice, ou pensait l’avoir faite, il n’avait pas fait la justice des hommes, ni celle des Trois, car la justice ne s’applique jamais sous le coup de la vengeance, de la peine ou de la colère. S’il n’était pas un assassin, il avait convenu d’éliminer le contrebandier, et c’est ce qu’il avait fait. Son orgueil lui avait tout donné, et lui avait tout pris. Cet orgueil le ferait tuer encore avant de finir par le faire tuer. Pire, maintenant, il avait envie de sciemment s’enorgueillir. Avoir le droit de vie ou de mort sur un tiers réveillait une soif de pouvoir et contrôle qui lui asséchait le coeur et la raison depuis que toute son existence lui avait échappée. Au désespoir, on doit les actes désespérés.

Il savait toutefois qu’il avait eu de la chance que Clovis s’en prenne à Alice. Si le contrebandier s’était rendu, Marin aurait-il pu tuer de sang-froid un homme qui était déjà à sa merci ? Aurait-il pu le faire après que ce dernier avait vu ses propres fils se faire abattre sous ses yeux ? En s’en prenant à l’un de ses coéquipiers, le traître avait suscité chez l’ancien chevalier une corde particulièrement sensible et fragilisée, son instinct protecteur. Cet instinct ne l’avait failli qu’une seule fois, une seule fois, il avait placé sa foi au dessus de sa volonté de protéger.

Ca ne devait plus arriver. Dans une vaine tentative de remédier à un passé déjà écrit dans le sang, il devait protéger. Même s’il n’avait plus rien, le principe de loyauté était ancré en lui comme le remord gravé dans sa peau. Sur chacune de ses cicatrices se lisait le rappel perpétuel du couard qu’il avait été, et qu’il ne devait plus jamais être. Pourtant la plaie la plus douloureuse de toute restait invisible et purulente, son infection s’étendait parfois jusqu’à ses pensées attaquant les bases, autrefois si solides, de ses convictions. Les héros tombés, les chevaliers sacrifiés, et tous ces hommes bons, couvriront le sol de leurs cendre. On les oubliera, comme on a oublié leurs aïeuls. La morale aurait dû être la panacée à tous les vis des nobles. Mais dès lors que l’on n’avait plus rien, la morale devenait un luxe que seul les morts peuvent se permettre. Voler les morts, était-ce vraiment voler ?

On ne peut pas vraiment piller les dépouilles de morts, quand on est mort, on n’a plus rien à soi. Cet amas de chaire encore chaude appartient déjà aux insectes et aux charognards dont Isaac faisait désormais parti. Puisque les lions se pavanent dans l’opulence de leurs murs, en clamant que le royaume est à eux quand ils ne savent même pas défendre leurs propres murs de caillasses, qui étaient-ils pour imposer leur lois sur ces marécages qu’ils laissaient à l’abandon par peur en négligeant ceux qu’ils pensaient être leurs sujets ?

Sans aucun scrupule, Isaac s’empara du gambison sans manche de Clovis, et essuya grossièrement le cuir avec le revers de ses mains ensanglantées. Il avait eu beau éponger, les traces rouge vif couraient le long du côté de son visage, jusque dans son cou et sa nuque et désormais sous le semblant d’armure qu’il avait revêtu. Avec le soleil et la chaleur, le sang commençait déjà à cailler et ses mains, salies jusqu’aux coudes, devenaient collantes et s’encroûtaient.

Quentin s’était mis à la tâche, et avait regroupé les trois corps. Comme beaucoup d’autres survivants en exile, il préférait se débarrasser rapidement de tout ce qui pouvait l’incriminer. Alice héla un dernier appel avant le départ. Tandis le battement régulier des silex projetait des étincelles sur la mousse sèche qui servirait d’allume-feu, le blond examinait ce qu’il avait récupéré sur les corps avant leur incinération ; l’épée de mauvaise facture de Clovis, le coutelas qui l’avait presque décapité et une petite bourse. La roulotte s’ébranlait déjà, Isaac pressa le pas pour devancer la faible allure des ânes et prit place à côté d’Alice. Bientôt l’odeur âcre et cuivrée empesterait mais ils seraient déjà loin. Il avait posé ses avants-bras sur ses genoux, lames aux poings ; ses trouvailles lui seraient bien plus utiles qu’au tas de cendre qu’ils laissaient derrière eux. Il devait avoir une sale gueule, car les propos de la cochère improvisée avait un ton étrangement compatissant. Le caillou passa à travers la meurtrière, rebondit sur le mur et vint s’écraser sur son front.

— C’est pas la première fois, corrigea-t-il en regardant ses mains sales. Sinon, je serais retourné dans ma petite vie de nobliaud, pas vrai ?

Le croyait-elle si innocent ? Probablement pas, Alice aimait bien prêcher le faux pour obtenir le vrai. Son petit manège n’échappait pas à Isaac, pourtant il renonçait à ne pas rectifier ses propos. Tout ce qu’il aurait pu lui cacher, elle le lui avait arraché de la bouche au moment où il avait été le plus faible, elle était la seule à détenir des bribes de son passé, et à sa connaissance, elle n’en avait rien dit à personne. Alors pour tout le monde ici, il était peut-être un déserteur ou un hors-la-loi qui avait pris une bonne leçon. S’il s’appliquait à ne pas laisser transparaître sa bonne naissance et son éducation, Quentin devait se douter de quelque chose. Plusieurs fois, au détour d’une conversation, d’un mot trop soutenu, d’un temps trop bien conjugué, d’un argot mal utilisé, l’archer avait affiché un air circonspect. Mais lui non plus n’avait jamais rien dit. Peut-être était-ce une règle tacite au Village ; ce qu’on sait sur les autres, on le garde pour soi, pour que ce qu’ils savent sur nous ne soit pas partagé à tout va. Pour l’instant, Isaac n’était sur un pied d’égalité avec personne, il lui semblait que tout le monde en savait plus sur lui que lui n’en savait sur qui que ce soit. Cette situation l’agaçait, le fait que Quentin ait des choses à rajouter sur son profil, tout autant.

— La tripailles dans la tronche par contre… C’est une première.

Ca suffierait. Pas besoin de réveiller tout ce qui tramait sous les eaux. En parlant de tronche, celle de Quentin apparut derrière eux aussitôt qu’il entendit qu’une occasion de boire se présentait.

— Ah, bah ça serait pas d’refus ! J’crève la soif !
— Mollo. Ce soir, on a du boulot
, rappela le blond. Apparemment, leur petit escapade avait effacé la mémoire de l’archer qui affichait une mine outrée.
— Comment ça « du boulot » ? C’est pas déjà ce qu’on vient de faire ?

La lame qu’Isaac tenait dans sa main droite se ficha dans le bois et il empoigna le col de l’hurluberlu.

— Le tournoi, crétin ! Une semaine que tu gaves tout le monde et t’as oublié ?

— Est-ce qu’on a vraiment besoin de faire ça, regarde ce qu’on ramène ! Tu pourras te battre une autre fois !

—T’as invité tout le village à botter « le cul du prince » et « refaire le portrait de ce joli minois ». Si on annule, on va croire que je me dégonfle.


La simple évocation de cette humiliation hypothétique lui fit serrer la poigne et il tira le col de l’idiot plus bas le forçant à une position inconfortable.

—Maintenant écoute bien ; on boit un coup, c’est tout. Ce soir, tu seras en état de récupérer notre argent dans les paris que JE vais NOUS faire gagner.

— D’accord, d’accord !


Lorsqu’il fut relâché, l’archer lui asséna un regard noir en prévenant.

— Sache que j’apprécie pas du tout ton comportement, déclara-t-il avant de disparaître au fond de la roulotte, manifestement pas prêt d’oublier cette altercation.

Le retour se fit sans encombre, à leur arrivée, les biens de la roulotte eurent vite fait d’être partagés et troqués. Après s’être débarbouillé du sang séché, le blond consentit à une pinte – pas d’abus, comme il le rappela si judicieusement à Quentin qui lui en voulait toujours et lui lançait des regards apathiques avant de s’éclipser. Maintenant que sa mission était accomplie, Isaac aurait dû se sentir plus léger ; c’était tout le contraire. Alice était déjà assise, une chope remplie à la main.

— J’vois qu’on perd pas de temps. L’cuistot fait encore la gueule ?
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AliceBannie
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MessageSujet: Re: Le spectre du remord [Alice]   Le spectre du remord [Alice] - Page 3 EmptyJeu 29 Sep 2022 - 16:18
Alice n'était pas intervenue durant l'échange entre le blond et son acolyte. De un, parce qu'elle se plaisait à voir cet idiot de cuistot se faire remonter les bretelles, de deux parce qu'elle avait lu suffisamment les prunelles assombries de l'ancien noble pour préférer demeurer silencieuse. Comme récompense de son bon comportement vis-à-vis du Village, elle pouvait au moins lui laisser quelques instants de repos, avant de le railler à nouveau, plus moqueuse que jamais. Ainsi regagnèrent-ils leurs pénates, accueillis par sourires et exclamations lorsque les biens de la roulote furent partagés entre les habitants présents.

La noiraude n'était pas retournée dans sa petite cabane une fois leur mission terminée : désireuse plus que tout de s'offrir un verre, elle s'était attablée à ce qui servait de taverne à leur repaire sur pilotis. L'alcool y était dégueulasse, mais avait le mérite de la désaltérer. Surtout, il était d'autant plus efficace pour altérer ses sens, dissiper la morsure de son dos qui se rappelait à elle, inlassablement. Elle avait entendu parler du fameux tournoi que Blondinet avait évoqué un peu plus tôt : lorsqu'une animation de la sorte animait le Village, il était difficile de l'ignorer. Elle avait prévu de s'y rendre, sans but précis : désirait-elle voir Isaac remporter la victoire ou se faire botter les fesses ? Elle n'aurait su le dire. Elle était plongée dans ces réflexions futiles, lorsque l'intéressé se planta devant elle, ses mains vides de tout godet. Quel rabat-joie.

C'est à moi qu'tu d'mandes ? souleva-t-elle, un rictus sur les lèvres.

Ses prunelles se posèrent sur Quentin, posté un peu plus loin.

Il m'fait toujours la gueule.

Elle haussa les épaules, signifiant qu'elle ne savait pas pourquoi le jeune homme la détestait à ce point – non pas qu'elle en eût cure – et affonna le reste de sa boisson. Le liquide ambré et bien trop amère réchauffa ses entrailles, imprégna son sang. D'un mouvement brusque et d'un claquement sec, elle reposa sa chope sur la table crasseuse et collante. Quelques gouttes restantes s'en échappèrent et éclaboussèrent ses doigts. Alice les relécha sans se soucier de l'indécence de son comportement.

Alors, prêt pour l'arène ?

Elle lui fit signe de s'asseoir en face d'elle. Sans gêne, elle observa son compagnon d'infortune. Il avait enlevé le sang qui maculait ses joues, changé sa chemise. La nouvelle, propre, mais tout aussi légère, dansait sur ses muscles, qui, petit à petit, retrouvaient de leur superbe. Elle n'était pas certaine que ce soit suffisant pour remporter le duel que Quentin avait promis. Non pas qu'elle doutât des capacités de Blondinet, mais l'ancien noble n'était guère habitué à ces luttes sournoises et rusées. Malgré son envie de s'intégrer parmi les habitants du Village, il continuait de sortir du lot ; ses jolis mots et ses tournures de phrases soutenues – qu'il essayait vainement de réprimer – n'y étaient pour rien. La différence était tapie en lui, une nuance qu'Alice avait entraperçue lors de ses heures les plus obscures.

T'veux un conseil ?

Elle n'attendit pas qu'il consentît à sa demande et enchaîna :

Bouge bien. Trouve le bon angle. C'est important d'bien viser...

Elle releva enfin ses yeux de son torse pour les ancrer dans ceux de son interlocuteur – aussi sombres que les siens.

J'ai hésité à participer. Botter le cul du prince, ça m'disait bien.

Alice brisa la tension qu'elle avait elle-même créée en s'affalant un peu plus sur son banc, sa tête rejetée vers l'arrière. Sa cape tomba légèrement de ses épaules ; elle grimaça, mais ne la réajusta pas, rassurée par la présence du mur à moitié pourri derrière elle. La noiraude lui lança un geste désinvolte de la main :

Puis ça d'viendrait gênant, si j't'humiliais encore, non ?

Elle lui sourit.
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