Marbrume



Partagez

 

 [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Aller à la page : 1, 2  Suivant
Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyMar 17 Mai 2022 - 16:50
MIGNONNE, ALLONS VOIR SI LA ROSE...


Ou d'une scène d'amour courtois en la cité de Marbrume, avec la belle et majestueuse baronne Léonice de Raison


[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." 15th_c10

"Quand, parmi les autres dames, Amour vient parfois se poser sur le beau visage de celle-ci,
autant chacune est moins belle qu’elle, autant croît le désir qui m’énamoure.
"





Je vais te conter ici, lecteur, un moment particulier de mon existence, moment s’étant déroulé durant le doux mois d’avril 1166.

Nous étions alors à quelques semaines du couronnement du Duc Sigfroi. Celui-ci, dans toute sa vanité, s’apprêtait à être sacré « Roi du Morguestanc » par les grands prélats du Temple. Tu te doutes, lecteur, que toute la cité ne parlait alors plus que de cet évènement. Toutes les discussions ayant cours aussi bien dans les Bas-Quartiers que sur l’Esplanade abordaient inévitablement le sujet du couronnement. La populace voyait en cette pathétique cérémonie un signe rassurant, annonciateur de prospérité, tandis que la grande noblesse s’échangeait discrètement des murmures inquiets quant à la manière dont le Duc asseyait ainsi davantage son autorité et sa toute-puissance sur Marbrume, chose contrecarrant les plans de bien des ambitieux de la Cour ducale.

C’est donc peu de temps avant le sacre du maître de céans, sacre encore aujourd’hui dans toutes les mémoires pour de bien sinistres et tragiques raisons, que prends cours l’histoire que je te décris ici en ces pages.

Bien que de nature casanière, aimant être retiré en ma modeste demeure une grande partie de mon temps, cela pour pouvoir me consacrer pleinement à l’écriture ainsi qu’à l’étude des ouvrages de ma bibliothèque, il m’arrive quelques fois d’être convié à des réceptions mondaines. Réception d’une qualité quelconque tant le niveau intellectuel y est souvent désastreusement bas, mais aux invités parfois surprenant. Il m’est plus d’une fois arrivé d’y avoir, à ma grande joie, des discussions somme toute intéressante avec d’éminents individus. La réunion se tenait cette fois-ci chez le vicomte de Boiscendré, personnage d’un rang médian en la cité de Marbrume, connu pour son grand amour des lettrés et des artistes. Nous avions eu l’occasion de nous rencontrer lors d’une célébration au château royal, le Duc Sigfroi nous ayant alors mandé, comme bon nombre d’autres courtisans et aristocrates du Morguestanc. Bien que ne fréquentant que peu les lieux de festivités, je m’y étais alors rendu, pour une raison qui aujourd'hui m'échappe. Grand bien m’en fis, car c’est à cette occasion que je fis la rencontre du vicomte. Si je ne puis véritablement qualifier ce dernier "d'ami", nous nous tenons néanmoins en bonne estime. C’est lui qui m’introduisit parmi la fine fleure intellectuelle de Marbrume.

Je dois t’avouer que l’idée de ne pas me rendre à cette réunion m’a plus d’une fois effleuré l’esprit, tant j’entendais déjà les discussions exclusivement articulée autour du Couronnement royal, conversations barbantes et suffisamment rabattu sans cesse autour de moi. Mais la journée était belle ; le soleil était haut dans le ciel, l’heure était à l’amusant et à la frivolité, humeurs contagieuses s’étendant rapidement de parts et d’autres de la cité, gagnant même des individus quelque peu retiré comme moi-même. Je décidai donc de ne point me dérober, revêtant pour l’occasion mes plus belles étoffes de soie d’un blanc de nacre resplendissant, tout en coiffant sur ma tête mon inséparable couronne de lauriers (objet faisant toujours son effet en haute société ; je te confesse, lecteur, qu’il m’arrive parfois d’être d’un caractère quelque peu narcissique). Quittant mon domaine biscornu (que j’affectionne néanmoins), je franchissais d’un pas décidé le portique séparant mon jardin savamment entretenu des rues pavés de l’Esplanade. M’aventurant dans les artères des beaux quartiers de Marbrume, je me rendais tranquillement, l’âme joyeuse, au lieu de cette réunion entre gens à l’esprit vif. Depuis mon arrivé en ces murs, je ne peux que compter sur les doigts d’une main le nombre de jours où je sentis mon esprit aussi tranquille et apaisé. Pour une obscure raison, j’avais l’impression que quelque chose allait se dérouler. Quelque chose dont l’identité me dépassait, mais que je savais grand.

Arrivé au crépuscule devant le grandiloquent et luxueux manoir du vicomte, je m’engageais, après confirmation de mon identité auprès des serviteurs du maître des lieux, dans la demeure familial des Boiscendré. Le manoir du vicomte était impressionnant, de par son architecture, et par la richesse des objets exposés : statues illoniennes, céramiques antiques, tableaux familiaux de grande qualité représentants les aïeux du seigneur des lieux jusqu’à la quinzième ascendance… Tout était fait de telle sorte pour impressionner les visiteurs. La réception se tenait dans la grande salle du manoir, et je dois dire que je comptais parmi les derniers venus. Le vicomte m’accueillit en personne, me remerciant de ma venue, m’invitant de suite à m’asseoir autour de la grande table en circonférence trônant au milieu de la salle. Pour se divertir, le maître de céans voulait organiser tour à tour un concours de poésie, ainsi qu’une compétition d’éloquence touchant quelconque sujet philosophique ou de science « non-impie ».

C’est là que je la vis.


Dernière édition par Gyrès de Boétie le Jeu 2 Juin 2022 - 12:27, édité 12 fois
Revenir en haut Aller en bas
Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyMar 17 Mai 2022 - 18:12
Toutes les lèvres s´unissaient au rythme du seul sujet qui alimentait toutes les conversations ; la sacre du nouveau roi. Léonice ne dérogeait pas vraiment à la règle, mais ne participait pas outre mesure aux radotages et autres manoeuvres. Trop récemment installée, son profil alliait discréttion et distraction alors que près deux printemps s´étaient écoulés depuis son arrivée à Marbrume. Les choses allaient correctement pour elle et les survivants de son domaine ; ou en tout cas, ils ne risquaient pas plus de tracas tant qu´elle se démenait pour garder leur réputation intacte. Mais la sécurité de la veuve aux cheveux de feu ne l´aidait pas à créer des relations pérennes ; dans un monde où tout bougeait trop vite pour un presque étranger, Léonice fut longuement contrainte aux petites affaires loin de la cour et des nobles. Cela ne signifiait pas qu´elle n´attirait qu´indifférence, bien au contraire ; son esprit finissait par se faire connaître de quelques lettrés qu´elle aidait pour leurs affaires commerciales. Sociable et chaleureuse, on passait rapidement outre son regard vif et ses cheveux d´une couleur étrange ; Léonice finissait par marquer en bien, pour son plus grand contentement, et ce jusqu´à ce qu´on finisse par l´inviter à une réunion qui lui parut d´un attrait incontestable.
Cela faisait quelques semaines que Léonice se déplaçait dans le quartier noble pour prodiquer quelques conseils à un Banneret ; natif de la ville fortifiée, ce dernier, malgré une intelligence surprenante pour un homme d´un âge si avancé, rencontrait quelques difficultés à garder hors de leau les affaires d´autres petits nobles. Forte de son expérience, Léonice avait été ravie de l´aiguiller sur quelques techniques commerçantes ; mais dès leur deuxième rencontre, sa curiosité avait été piqué par les nombreuses ouvrages que le noble possédait dans sa grande demeure. S´en suivit divers échanges et intérêt mutuel, ce qui n´était pas arrivé du côté de Léonice depuis des mois, peut-être même depuis la fuite précipitée de son domaine. De fil en aiguille, le vieux noble se prit d´affection pour la veuve, jusqu´à lui parler du Vicomte chez qui elle serait invité quelques jours plus tard. Léonice connaissait la réputation de l´homme amoureux d´arts de beauté inéluctable ; si elle avait déjà été conviée à des soirées invitant presque tout le quartier, c´était bien la première fois que sa présence était expressément demandée, appuyée par un petit Banneret qui ne manquait pas de lien dans la haute-société.

Ainsi Léonice se retrouva couverte de sa plus belle robe ; le tissu noué à sa taille affiné une silhouette rendue svelte par la faim parfois pressante, mais bien moins entêtante que quelques années auparavant ; quand il fallut tout quitter. Apprêtée de bleu et d´or, ses cheveux, sans être cachés, se camouflaient habilement sous quelques rubans venant distraire la vision enflammée du haut de son crâne. Des bijoux fins ornaient doigts et cou, son regard souligné par une très légère poudre appliquée sur le visage.
Son arrivée au somptueux manoir du vicomte ne fut pas des plus remarquée ; autorisée à pénétrer dans les lieux, les présentations furent rapides la concernant ; bien qu´attirant quelques curiosités, Léonice n´était encore personne, ou en tout cas pas grand chose. Des regards suspicieux coulaient en sa direction, au moins jusqu´à ce que son ami baronnet ne vienne la saluer personnellement ; de là s´approchèrent le vicomte lui-même et quelques convives ; comme attendu, les conversations dérivèrent bien vite sur ce qui concentrait toute l´attention…
Mais Léonice n´y vit rien de plus qu´une parfaite occasion pour tenter de tirer son épingle du jeu. La douceur de sa voix étonna, sa manipulation des mots d´autant plus. Léonice ne promulguait ni avis ni consigne ; elle se contentait de lancer des sujets ou d´autres, tout en gardant une continuité pieuse avec les préoccupations initiales. Ses traits d´esprits devinrent un peu plus recherchés, elle en appelait même à des souvenirs de poésie, démontrant une culture qui, si elle ne brillait pas autant que celle des autres, avait le mérite d´être correctement utilisée.
Léonice ne volait en rien la gloire d´autrui, mais quelques personnes restèrent à l´écouter ; de minutes en demi-heures, et plus jamais la baronne ne se fit délaisser. Il y avait toujours quelqu´un pour la solliciter, la complimenter, lui parler ou pour se laisser écouter ; cela continua, à une bien humble échelle, jusqu´à ce que les convives ne soient invités à la table au milieu de la majestueuse salle.
Il fut difficile de déterminer ce qui attira l´oeil bleu nuit de Léonice vers le dernier convive ; retardataire, mais suffisamment prestigieux pour être salué par l´hôte lui-même, l´homme attira nécessairement l´intrigue profonde de la noble aux cheveux roux. Son visage ne lui disait rien, aussi chercha-t-elle à connaître son nom, qu´on lui donna sans trop de difficulté.

«Gyrès de Boétie…» répéta-t-elle à sa discrétion
.
Un nom qu´elle ne voudrait pas oublier ; il y avait plusieurs places encore à prendre, dont une non loin d´elle. Un sourire serait-il suffisant pour inviter le nouveau venu à se rapprocher ?…
Revenir en haut Aller en bas
Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyMar 17 Mai 2022 - 22:51
Mon regard croisa instinctivement celui de la belle. Je ne sais comment je n’ai pu l’apercevoir dès mon arrivé, tant sa magnificence détonnait au milieu des convives. Il me semble aujourd’hui, lorsque je me remémore les évènements de cette soirée, que c’est le regard persistant qu’elle posa sur moi qui attira mon attention. Sa somptueuse chevelure d’un roux chatoyant, dans laquelle était parsemée quelques rubans, offrait un contraste saisissant avec les couleurs ternes de la grande salle de réception, comme si elle l’illuminait par sa présence. Le faste affiché par les autres gentes dames présentes à ce moment-là ne pouvait égaler la beauté naturelle émanant de la belle inconnue, enserrée dans une sublime robe d’un bleu d’azur couvert de bordures d’or, dont le moindre geste dégageait une certaine grâce presque irréelle.

Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. M’était-il donc adressé ? Cette seule pensée suffit à faire monter une forte émotion en moi, que je n’avais plus ressenti depuis des années. Néanmoins, il me fallait rester méfiant : « Marbrume connait son lot de vipères et de séductrices mangeuses d’hommes », me dis-je en cet instant. Les racontars et ragots ne cessaient de pulluler à la Cour ducale sur les affaires de coucheries concernant nobles femmes de hautes lignées usant de leurs charmes pour faire tourner la tête de puissants personnages facilement manipulables.

Mais je n’avais justement rien d’un puissant personnage, ayant plutôt tendance à fuir toute forme de responsabilité me plaçant trop proche du pouvoir. Le pouvoir corrompt et a toujours attiré à lui nombre d’individus malveillants, comme aiment à le répéter nombre de proverbes populaires. Que risquais-je donc ? L’intrigante sera vite déçue en apprenant ma réelle position, et se lasserait vite dans le pire des cas. Il me fallait d’ailleurs arrêter de la juger de manière aussi hâtive : cette belle plante ne cachait pas forcément une ronce.
Le vicomte insistant pour que je prenne rapidement place dans l’assemblée, je me décidai, d’un pas hésitant qui se voulait néanmoins sûr de lui, à m’asseoir non loin de la belle. Les places autours d’elle étant déjà prises par d’insistants courtisans qui ne cessaient de solliciter son attention, je dus me résoudre à m’installer à quelques places de l’inconnue aux cheveux vermeils. Stratégiquement, je choisis de me placer en coin de table, de tel sorte que je ne la perdais ainsi pas du regard.

Prenant mes aises, je reconnus autour de moi quelques habitués de nos cercles littéraires : la baronne de Sombrécrin, par exemple, dame d’esprit quelque peu lourd, était assise non loin de moi. Questionnant mes voisins de tablée à propos de la mystérieuse inconnue, ceux-ci me répondirent qu’il ne la connaissait guère de réputation. Elle avait fait forte impression à son arrivé céans, attirant vite le regard et l’attention des convives, mais personne, d’après le récit de mes voisins, n’avait entendu parler d’elle auparavant. Doté d’une plaisante conversation, elle étonnait de par sa vivacité d’esprit. Ainsi donc, ce n’était pas en raison de mon retrait des réceptions mondaines que je n’avais point connaissance de son identité, ne l’ayant jamais aperçue en quelconque célébration officielle. Elle s’était d’elle-même maintenue à l’écart des mondaineries ayant court en Marbrume, ce qui nous faisait un appréciable point commun.

Mes interrogations furent brusquement balayées lorsque le vicomte claqua dans ses mains, sonnant le début des festivités. Il mit instantanément fin aux différents murmures parcourant la grande salle, laissant le silence prendre toute la place. Ayant accaparé l’attention de ses invités, il présenta doctement le déroulement de la soirée : tout d’abord, les seigneurs volontaires s’affronteront dans un concours poétique, ayant pour thématique l’amour courtois, le seul prix étant évidemment la renommée et les applaudissements de l’assistance. Si la participation des femmes était autorisé, peu de membres de la gente féminine osaient réellement prendre place au centre de la salle pour déclamer quatrains et tercets, de par les brimades qu’elles risquaient de recevoir de la part de leurs collègues masculins. Par la suite, s’enchainerait joute rhétoriques ayant pour thème un sujet de philosophie classique, qu’il s’agisse de débats concernant la genèse des sociétés humaines, ou bien d’affrontement au sujet de la nature réelle du Bien.

Le seigneur des lieux pris ensuite place sur son imposant siège en bois d’airain, surplombant le reste de l’assistance. Tapant à nouveau des mains, il somma un volontaire, parmi l’assemblée, à s’avancer. Dans le même temps, entrèrent dans la salle maintes serviteurs, portant sur d’immenses plateaux d’argents des mets de rare qualité. Tranche de bœufs finement découpés assaisonnés à l’ail et aux épices du Labret, cuisses de volailles mâtinés de coriandre et de persil, tomates d’un rouge vif accompagné d’épluchures de fromage du Morguestanc constituaient ainsi tant de plats offerts gracieusement aux convives.

Tandis que je m’emparais d’une tranche de bœuf, que je déposais doucement en mon assiette, je toisai le reste de l’assistance. Je ne parvenais à déchiffrer les émotions sur le visage de la mystérieuse inconnue, qui semblait néanmoins continuer de m’observer, elle aussi, discrètement. Tout en faisant semblant de discuter avec ma voisine de table, je restai absorbé par la beauté de la rouquine.

Soudain, une chaise recula, faisant grincer ses pieds en bois sur les dalles de marbre froids de la grande salle. Un homme entre-deux âges à l’embonpoint prononcé (« le baron d’Ocrelac », me renseigna l’un de mes voisins) prit place au centre de la salle. Toussotant pour clarifier sa voix, il gonfla sa poitrine, avant de déclamer d’un ton mal assuré :


« Ma seule amour, ma joie et ma maîtresse,

Puisqu’il me faut loin de vous demeurer,

Je n’ai plus rien à me réconforter

Qu’un souvenir pour retenir liesse.

En allégeant par Espoir ma détresse,

Me conviendra le temps de passer,

Ma seule amour, ma joie et ma maîtresse,

Puisqu’il faut loin de vous demeurer.
»



L’assistance applaudit le téméraire. Bien qu’imitant mes voisins par politesse, j’étais presque sûr que ce que nous proposait là le baron n’était en rien une composition originale. J’avais déjà, par le passé, entendu tel poème en ma lointaine province de Boétie. Un plagiat ? Une recomposition ? Ou les écrits d’amour étaient ils étrangement tous les mêmes ? Il était néanmoins fort à parier que le baron n'était pas le seul plagieur, et que d'autres après lui viendront réciter une poésie écrite par une tierce personne.

Regagnant sa place d’une démarche fière et hautaine, le baron laissa sa place aux prochains concurrents. La soirée risquait d’être ennuyante, me dis-je, si rien ne venait la pimenter quelque peu.




Dernière édition par Gyrès de Boétie le Jeu 26 Mai 2022 - 20:53, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyMer 18 Mai 2022 - 10:32
On ne naissait pas poule au sein d´un nid de vipères ; certainement que Léonice ne dérogeait pas à la règle généralisée des mangeuses d´hommes, elle n´avait tout simplement pas eu l´occasion de promettre ses charmes aux plus offrants. Sa présence ici n´avait cependant rien à voir avec de quelconques désirs du beau genre ; invitée en tant qu´aimante des lettres, la présence de soupirants à ses côtés, malencontreusement plus rapide que Gyrès de Boétie, n´y changeait pas la lune. S´en suivit un jeu habile de regards comme de concessions ; de Boétie attirait son attention, mais Léonice ne pouvait pas délibéremment ignorer les personnes qui cherchaient à la captiver autour d´elle. Certaines remarques sortaient du lot, aussi n´eut-elle pas à se forcer outre mesure pour alimenter, de son côté, des bribes de conversations. Trop heureuse de ne plus entendre sans arrêt des considérations sur le prochain sacre, Léonice sentit que ses interlocuteurs trouvaient tout de même une légère grâce à ses yeux. Pas de quoi s´en convertir la vertu, mais au moins le temps ne lui paraissait pas trop long, malgré la contrainte de ne pas pouvoir dialoguer avec de Boétie non loin.
La jeune femme découvrait au détour de quelques échanges les divers personnes attablées ; certaines rencontres s´étaient déclenchées fort peu de temps auparavant, et les sourires s´emmêlaient aux teintes presqu´amicales tout autour de l´assemblée. Le Vicomte s´imposait facilement en tant qu´hôte, ce qui était une bonne chose ; il n´y avait finalement rien de pire qu´un homme incapable de ramener l´attention à lui.
Le repas, sans être d´un faste extrême, lui sembla copieux. Réservée et curieuse d´entendre les premières déclamations, Léonice se contenta d´un peu de volaille et d´une coupe de vin tandis que les oreilles se tournaient en tout sens. L´idée d´un concours de poésie puis d´éloquence lui était profondément charmante ; mais les premières tentatives la laissa essentiellement dubitative. Le premier baron de notable, quelque chose comme d´Orcelac, ou d´Ocrelac, Léonice n´était pas certaine d´avoir correctement entendu, était un homme dont les rondeurs feraient pâlir toute mère ; le teint héréditairement rougeoyant, son penchant pour les arts ne devait pas tant rivaliser avec celui pour l´alcool. Sans le vouloir, Léonice manqua de grimacer après avoir entendu son râclement de gorge ; heureusement parvint-elle à se camoufler derrière son gant, feignant de révéler un secret à son voisin de droite. La baronne applaudit brièvement à l´ultime ponctuation du mondain ; mais son intérêt était ailleurs. Peut-être espérait-elle que celui ayant capté son attention ne se lève ; Léonice voulait jauger de son instinct, mais les participations s´enchaînaient et aucune musique ne berçait réellement ses oreilles. Alors que deux nobles hésitaient à se lever, c´est finalement sa propre chaise qui racla contre la pierre de la somptueuse salle. Léonice coupa quelques conversations, levant l´intrigue à hauteur de ses yeux d´un bleu nuit, un sourire satisfait sur les lèvres alors que l´attention lui compressait la poitrine. C´était bien la première femme à se lever et à oser se mettre au milieu de la place : prétendre ne ressentir aucune peur n´aurait aucun sens, mais elle tâcha de garder la tête haute sans crever le plafond de méprise pour les autres ; Léonice savait ce qu´elle valait autant qu´elle connaissait ses lacunes littéraires. Forte de quelques compositions, peut-être que son instinct lui dicterait correctement les bons mots, et la bonne intonation.

«Voici l´histoire de cet amant,
Dépossédé par un regard…»

La diction était parfaite ; Léonice se sentait en confiance, mais elle cherchait sur les regards curieux les idées qui lui seraient salvatrices.

«De ce qui font des braves gens
Des êtres teintés de gloire…»

Les poèmes d´amours courtois étaient d´une délicatesse sans pareil, possédant des règles encore à écrire mais qui transpiraient la contrainte ; avec légereté, Léonice veillait à compter les syllabes pour donner les bonnes mesures
.
«Mais aussi de désirs, d´amour
Que les yeux d´une dame font
Et défont au gré de leurs atours
En flattant l´imagination.»

Elle atteignait une moitié acceptable, cherchant à capter par une voix douce mais qui prenait l´ampleur de la salle.

«L´amant qui est chevalier
Barde, noble, ou vétéran
,
Se voit contraint de s´incliner
Plongé dans ce fol passionnant…»

Il ne lui manquait plus qu´une conclusion, Léonice se sentait à moitié défaillir, mais tenta d´aller jusqu´au bout ;

«De prestance la dame domine,
De corps, l´Amant s´incline.»

Par jeu, elle exécuta une légère révérence, ses boucles alourdies lui tombant devant les yeux.
Revenir en haut Aller en bas
Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyMer 18 Mai 2022 - 12:59
Les concurrents s’enchaînèrent, une fois l’ouverture de la compétition acté par la récitation du baron d’Ocrelac, comme si la témérité du premier venu avait réveillé en chacun une âme audacieuse et impétueuse. Les participants se suivirent et se ressemblèrent, clamant tant de poèmes creux, au langage qui, bien que fleurit, ne faisait que ressasser inlassablement les mêmes thématiques. Sujet piégeux que l’amour courtois, tant on a de choses à en dire mais qui ont été déjà dites par d’autres. Bien que n’appréciant que peu l’alcool, je me fis servir une coupe de vin issu tout droit de la cave du vicomte, espérant noyer mon ennui dans un verre de rouge, rare boisson fermenté trouvant grâce à mes yeux.

Si les convives semblaient rassasiés et captivés par le piètre concours, je voyais bien que le maître des lieux n’était point d’humeur gaie. Il paraissait terriblement contrarié par le triste spectacle s’offrant à son regard, ne prenant même pas la peine de dissimuler son désagrément. Ecrasant sa joue contre son poing, tirant une moue de dépit, il attendait, comme les rares esprits vifs de cette salle, que quelqu’un hausse le niveau. Le baron d’Ocrelac, lui, semblait persuadé d’avoir remporté la compétition, fanfaronnant auprès de ses voisins de tablée et s’enorgueillissant de sa réussite. La vanité qui était sienne n’était permise que par la basse qualité de cette soirée, et mon cœur s’enflammait de colère face à la triomphalité mal placé du baron.

Je dois t’avouer, lecteur, que, malgré la grande timidité qui est la mienne, j’ai toujours apprécié les joutes poétiques. Je ne suis à l’aise que lors des situations où j’excelle. Néanmoins, je ne vois que peu d’intérêt à concourir lorsqu’il n’y a point de rivaux de taille face à soi. Comment apprécier une victoire, si l’on la remporte en écrasant ses adversaires ? Une bonne et saine compétition est celle qui stimule ses concurrents, pas celle qui les enveloppe du voile de l’ennui.

Mais, soudain, la donne changea. Alors que deux badauds s’apprêtaient à prendre place pour déblatérer une énième logorrhée se voulant poétique, la belle et mystérieuse inconnue profita de leur hésitation pour prendre place au milieu de la salle. Des murmures se firent entendre parmi les convives attablés, murmures dont l’on devinait aisément le contenu dégradant et misogyne. Cette intervention captiva mon attention, me redressant sur ma chaise, et tendant l’oreille pour ne rater aucun mot du poème de la belle. Ainsi, en plus d’être d’une grande beauté, c’était une dame courageuse. Même dans le cas où ses vers se montreraient tout aussi creux que ceux des autres participants, son impétuosité, qui brisait des siècles de traditions masculines, suffisait à forcer mon admiration. S’avançant au centre de la salle, gardant la tête haute, la belle inconnue attendit que le calme se fasse pour réciter à son tour sa poésie. Elle était bien jusque-là la seule participante à imposer ainsi le silence, lorsque ses prédécesseurs avaient du composer dans le bruit des verres s’entrechoquant. Le vicomte lui-même montrait, pour la première fois depuis le début de la soirée, un certain intérêt. Son regard pétillait, étant lui-même étonné de la bravoure de la belle aux cheveux roux.

D’une diction parfaite, elle enchaîna le sonnet suivant :

« Voici l´histoire de cet amant,

Dépossédé par un regard…

De ce qui font des braves gens

Des êtres teintés de gloire…

Mais aussi de désirs, d´amour

Que les yeux d´une dame font

Et défont au gré de leurs atours

En flattant l´imagination.


L´amant qui est chevalier

Barde, noble, ou vétéran

Se voit contraint de s´incliner

Plongé dans ce fol passionnant…

De prestance la dame domine,

De corps, l'Amant s´incline.
»


C’est dans un silence assourdissant que la mystérieuse inconnue acheva sa récitation, ponctuant sa démonstration d’une légère et gracieuse révérence. Puis, alors qu’elle s’apprêtait à regagner sa place, une grande clameur s’éleva dans la salle. Tous applaudirent de concert (excepté le baron d’Ocrelac et les prétendants imbus de leur personne), consacrant la belle comme reine de la soirée. J’étais de même resté sans voix face au doux lyrisme dont elle avait fait preuve. Elle terrassait ses concurrents directs par la parfaite mesure de ses vers et la technique vocale qui était la sienne. Ce qui manquait jusque là à ces fades poèmes sur l’amour courtois n'était autre qu'une vision féminine, qui apportait un réjouissant vent de fraîcheur et d’originalité. Je ne pouvais désormais qu'être davantage intrigué par la belle, qui se montrait être une femme d'un esprit brillant n'hésitant pas à aller au devant des conventions. Elle représentait, en quelque sorte, l'Idéal féminin qui eut toujours été le mien.

Le vicomte fut le premier à se dresser de son siège, applaudissant à tout rompre. Mandant le nom de la belle poétesse, qu’il couva de compliments, celle-ci répondit modestement qu’elle se nommait Léonice, baronne de la Raison, fief lointain et éloigné de Marbrume. Tandis qu’elle se rasseyait, tous déjà voyaient le sort de la compétition pliée.

Mais tu te doutes, lecteur, que cet engouement n’a fait que raviver en moi l’envie de concourir. Néanmoins, détrompe toi d’emblée sur l’intention qui était alors la mienne : je ne voulais pas participer tant pour gagner que pour me mesurer à la baronne, voir pour lui offrir une victoire digne de ce nom. Alors qu’aucun autre concurrent n’avait encore osé succéder à la belle, je pris la décision de me lever de mon siège, et de m’avancer à mon tour. Dans la stupeur générale, je gagnais à pas lent le centre de la salle. Prenant place, je toisai l’assemblée, avant de m’introduire promptement aux autres convives.

« Mesdames et messires, je ne prends pas place face à vous pour laver l’égo de la gente masculine ainsi blessée par la prestation exemplaire de ma prédécesseur, n’en déplaise aux phallocrates ici présent », clamais-je.

Tout en me retournant, j’adressais directement la baronne de Raison les mots suivants :

« Madame, je ne peux que saluer le lyrisme qui est le vôtre. Vous êtes incontestablement une immense poétesse. Néanmoins, vous pardonnerez mon envie de mesurer mes piètres vers aux vôtres. »

Ponctuant ma déclaration d’un aimable sourire à l’égard de la belle, je me retournai à nouveau pour faire face au reste de l’assemblée, et notamment au maître des lieux. Le vicomte frétillait presque sur son siège, excité par la tournure que prenait les évènements.

D’une voix douce mais forte, je m’élançai alors dans ma composition :

« Mignonne, allons voir si la rose

Qui ce matin avait éclose

Sa robe de pourpre au soleil

A point perdu cette vesprée

Les plis de sa robe pourprée

Et son teint au vôtre pareil


Las, voyez comme en peu d'espace

Mignonne, elle a dessus la place

Las, ses beautés laissé choir


Ô vraiment marâtre Nature

Puis qu'une telle fleur ne dure

Que du matin jusques au soir


Lors, si vous me croyez, mignonne

Tandis que votre âge fleuronne

En sa plus verte nouveauté


Cueillez, cueillez votre jeunesse

Comme à cette fleur la vieillesse

Fera ternir votre beauté
.






Dernière édition par Gyrès de Boétie le Jeu 19 Mai 2022 - 19:49, édité 3 fois
Revenir en haut Aller en bas
Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyMer 18 Mai 2022 - 15:27
Si léonice n’était pas assez mature pour ne pas se sentir agacée des remarques désagréables qui lui sifflèrent les oreilles, elle connaissait suffisamment les usages pour se contenter de les ignorer. Elle n’adressa pas même un regard aux imbéciles qui pensaient qu’un sexe définissait la qualité d’une plume ou ici, d’une tentative. Léonice parvint à imposer le calme qui la contemplait autant qu’elle ne tenait au creux de ses mains l’attention de tous. Dans une satisfaction mesurée, Léonice ouvrit alors les lèvres, laissant son coeur et son esprit s’allier pour fournir ce qui serait sa première réelle prestation parmi la haute de Marbrume. Le silence sourd qui accompagna ses dernières syllabes ne furent pas sans inquiéter la noble qui, mine de rien, avait conscience d’avoir pris un risque considérable. Mais sa robe n’eut pas le temps de finir un pli de mouvement que les réactions dynamiques résonnèrent dans toute la salle ; seuls quelques bougons se permirent de cracher leur mépris en n’exécutant aucune félicitation, mais le coeur de la plupart des convives était gagné. Léonice émit un rire léger, moins satisfait que tout simplement ravit. Sa volonté n’avait été que de relever un peu le niveau, pas réellement de voler la vedette de la soirée, ce qui semblait être pourtant une constante. Après s’être à nouveau incliné, notamment envers le Vicomte qui semblait regagner un peu d’intérêt à sa propre soirée, Léonice repartit à sa place dans une démarche calme mais qui cachait mal tout le bonheur qui irradiait sa poitrine. Elle n’hésita pas à attendre une petite accalmie quand on lui demanda son nom, et sa voix fusa comme une flèche de cristal pour tous les coeurs prêts à la recevoir.

«Léonice de Raison, Baronne de Raison, votre Seigneurie.»

Les discussions s’alimentaient désormais d’elles-mêmes ; certaines dames cherchaient quelques vers à réciter, mais aucune n’osa prendre la place de celle qui venait de donner un exemple dangereux. Les mauvaises humeurs étaient effacées par la curiosité intellectuelle régnante, signe d’un regroupement de gens de qualité. Bien-sûr, les réactions de Gyrès étaient également attendues ; Léonice ne se l’expliquait toujours pas. Une réaction ne tarda finalement pas ; ainsi le Comte se sentait d’humeur à déjouer les attentes de chacun. Léonice comprit que l’homme n’était pas du genre à se mêler de trop aux festivités ; elle crut judicieux de s’y voir troubler, bien qu’un petit éventail vint cacher son sourire naissant.
Ses premiers mots marquèrent l’assemblée qui ne s’empêcha pas d’émettre bruissements et rires ; l’assemblée se voyait distincte en deux parts inégales, l’une admettant le ridicule et le génie du Comte, l’autre se sentant parfaitement ciblé et commençant à montrer les dents. Léonice était peut-être vierge d’interactions avec beaucoup des gens de la cour, mais il n’était pas innocente au point de ne pas comprendre ce qui se jouait à la veille d’un couronnement. Flattée d’être ainsi interpellée, la dame se permit une réponse.

«Monsieur le Comte, ne sommes-nous pas là pour mesurer l’étendu des qualités de chacun ? La flatterie, mais je n’ai fais qu’apporter une voix différente à un art que d’autres ont su parfaire avant moi.»

Ainsi tâchait-elle de tout de même rester agréable aux perdants, sa jeunesse lui donnant une facilité que d’autres ne possédaient pas. Cependant, son ventre se secouait aux premiers vers ; Léonice ferma même les yeux pour mieux voir, mieux entendre. La délicatesse d’une voix qui paraissait sans âge la transporta ; elle se surprit à se languir d’attendre une suite malheureuse dans sa finalité. Si la réaction à l’égard de la noble avait été forte, les voix et les applaudissements redoublèrent pour la magnificience du Comte. Léonice sentit son égo quelque peu piquer ; il était plus sain de l’admettre. Mais elle se leva en même temps que tous les autres pour saluer la prestation. Les acclamations se calmant, Léonice eut presque l’impression qu’on attendait d’elle une remarque, un commentaire, un trait d’esprit. Sous pression, les épaules de la jeune femme ne cédèrent pas, et sa voix résonna une dernière fois d’un sourire apaisé.

«Comte de Boétie, le Vicomte et ses invités jugeront nos vers en bons juges, mais laissez-moi vous dire que je n’entendis ni piètrerie ou faussetés.»

Un nouveau sourire, elle reprenait place.

«Je suis impressionnée.»




Revenir en haut Aller en bas
Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyJeu 19 Mai 2022 - 14:01
Un torrent d’applaudissement se fit entendre une fois que j’eu achevé mon long poème ; L’approbation populaire semblait me porter à l’apothéose. Je dois t’avouer, lecteur, que tel moment fis jaillir au moi une immense satisfaction. Quel individu oserais prétendre qu’être ainsi consacré par ses pairs n’est pas source d’un grand bonheur ?

Néanmoins, ce n’était pas la clameur des convives que je recherchai, mais bien davantage la reconnaissance de la baronne de Raison. Une fois retourné dans sa direction, celle-ci m’adressa un beau sourire, et, m’interpellant, me complimenta de sa belle et agréable voix sur ma prestation, se disant même impressionnée. Recueillir ainsi l’approbation d’une telle dame était beaucoup plus cher à mon cœur que la gloire et les honneurs.

« Nul besoin de jurés pour décider du vainqueur, chère Dame », clamais-je, une fois le silence revenu.
Ma réponse produit son lot de commentaires interloqués, la plupart des invités ne sachant pas où je voulais en venir.

« Mes chers amis », repris je tout en balayant l’ensemble des convives du regard dans un mouvement circulaire, « bien que je vous remercie de vos acclamations, je ne puis prétendre être le vainqueur de cette soirée ma foi étonnante. »

Nouveaux murmures, beaucoup plus insistants et désapprobateurs. Le vicomte lui-même semblait abasourdi par mes paroles, recrachant bruyamment le contenu de son verre de vin qu’il venait de porter à ses lèvres (scène amusante, dois-je avouer à postériori). Avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit pour m’interrompre, je continuais sur ma lancée :

« En effet, bien que ce poème soit de moi, je l’ai écrit il y a de cela fort longtemps. Je n’ai donc fait que de le réciter de mémoire. Or, la baronne ci-présente, et vous l’avez tous constaté de par son hésitation lors de son passage, a eu le courage de composer en improvisant. Pour cela, elle a fait preuve d’un talent bien supérieur au mien, qui suis incapable de faire preuve d’autant de témérité », concluais-je tout en plongeant mon regard dans les beaux yeux bleus de la belle Léonice.

« C’est pourquoi je m’incline face à la majesté de vos vers et à l’ingénieux esprit qui est le vôtre. »

En disant ces mots, je décrochais la couronne de lauriers que j’avais coiffé sur ma tête, pour en affubler la belle. « Souffrez, Madame, que je vous remette ce bien, qui, en ma province natale de Boétie, est un attribut réservé aux plus éminents et aux plus prestigieux des poètes. »

Tout en réajustant la coiffe sur la sublime chevelure rousse de la baronne, j’abaissais la voix pour être entendu d’elle seule. Ainsi, je lui glissais dans un murmure, à l'abri des oreilles indiscrètes, les mots suivants :

« J’aimerai plus amplement faire votre connaissance, chère Dame, si le cœur vous en dit. Néanmoins, pour le moment, profitez de l’instant présent. » J’achevai cette forme d’adoubement symbolique par une gracieuse révérence, avant de me retirer.

Tout en regagnant ma place, un brouhaha confus d’applaudissement et de paroles désobligeantes se firent entendre. Mais je laissais les sycophantes persifler, car je n’avais que faire de l’avis d’individus aussi pathétiques.



Dernière édition par Gyrès de Boétie le Jeu 19 Mai 2022 - 19:54, édité 2 fois
Revenir en haut Aller en bas
Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyJeu 19 Mai 2022 - 19:15
Léonice n´eut jamais autant apprécié un tel brouhaha. Généralement annonciateur des pires choses à venir, l´esprit de la jeune noble restait marqué par des atrocités commises lors de révoltes que son défunt époux avait du géré. Elle ne craignait pas plus les applaudissement perpétuels que les commentaires sifflés de part et d´autres de la salle ; après tout, les mondains avaient eux aussi leur lot de parasites et de diffamateurs, tout cela faisait partie d´une même partie d´échecs. Le comte de Boétie se comportait de manière unique, et finalement très peu conventionnelle pour un homme de son rang, s´aliénant une partie de la salle déjà très peu de son partie alors qu´il s´adressait de nouvelles fois à tous… comme à Léonice. Le Vicomte en fut déconcerté ; la plupart des invités, abasourdis ; même Léonice, que les chants de la Cour ne pouvaient normalement pas surprendre, agrandit ses yeux en observant le manège de son homologue poète. Un rouge léger réhaussa le teint de Léonice qui dut marquer sa gêne par un faible mouvement de son éventail ; la situation était toute à la fois d´une perfection saugrenue, puisque Léonice était venue ici pour se faire remarquer, mais également déconcertante tant Gyrès s´appliquait à la mettre elle, pauvre noble inconnue, en grande valeur. Le silence ponctua les répliques du comte que Léonice ne souhaiterait interrompre pour rien au monde ; tout paraissait si spontanné, mais aussi un peu calculé, comme si tous les remoues provoqués par des paroles parfaitement lignées avaient pour bu de déranger. Le comte de Boétie apparaissait aux yeux de Léonice comme le vent sifflant en arrière pour agiter les roseaux épargnés des précédents souffles.
La belle s´inclina légèrement en voyant l´homme approché ; sa tête s´inclina pour recevoir la couronne ; si cet homme était fou, peut-être représentait-il la plus romantique des folies, un peu à la manière de ces bardes étranges que l´on trouvait dans les romans chevaleresques comptant l´apparition de bêtes lointaines et parfois démoniaques. Léonice ne camoufla pas son sourire sincère quand elle reçut la couronne ; quelque chose chez le Comte touchait la noble pourtant avertie aux flâtteries, et persuadée de ne pas tomber en admiration pour la moindre attention qu´on lui offrirait. Léonice s´inclina au moins autant que le Comte, son rang supérieur prouvant la noblesse de son sang, et la jeune femme ne souhaitant pas commettre d´impair malgré le manque d´unanimité d´opinions à propos de Gyrès. La proposition ne tomba pas dans l´oreille d´une sourde ; mais Léonice fit mine d´y réfléchir en y répondant pas, question de principe.
Cela eut au moins pour avantage d´alimenter une nouvelle fois ragots et discussions ; Léonice se trouva encore plus accaparée qu´elle ne l´était plus tôt, certains nobles n´hésitant pas à se lever pour lui passer un mot ou pour échanger quelques cordialités. Le repas avait pris un air de buffet, puisque très vite plus personne ne restait en place ; pas même le Vicomte qui tenta tout de même de garder un peu de tenue dans son cercle de lettrés. Mais les artistes avaient de commun avec les libertins qu´ils appréciaient parfois être un peu secoués, comme présentement.
Il ne fallut que quelques heures de repas pour que Léonice trouve une occasion de se lever. Prétextant vouloir un peu d´air, elle se rendit naturellement vers les balcons, sans adresser un regard au Comte dont elle possédait la couronne ; l´invitation lui était pourtant destinée.





Revenir en haut Aller en bas
Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyVen 20 Mai 2022 - 13:24
Quel sentiment a bien pu inspirer ma conduite désobligeante ? Quelle émotion particulière m’a conduit à adopter telle démarche ? A vrai dire, je ne le sais vraiment. J’ai toujours eu en horreur les conventions de la haute société ; peut être que, plus que la volonté d’impressionner la dame de mon cœur, c’est l’envie de rabattre le clapet d’aussi désagréable compagnie qui m’a poussé à agir de la sorte. Cependant, mon geste était motivé par une sincère reconnaissance, celle d’avoir face à moi une femme de grand esprit ; il me tardait d’en découvrir davantage sur sa personne.

« Je n’avais jamais vu un homme aussi impudent et aussi ignorant des choses de rang ! », s’exclamaient certains sans gêne aucune certains indigents. Ma réputation était ainsi faite, moi qui n'avait jamais inspiré que le dédain de mes odieux congénères. J'étais encore davantage haït par cette haute société que moi même je méprisais.

Sur mon passage, certains me conspuaient, d’autres m’acclamaient, d’autres encore gardaient méthodiquement le silence. Je n’avais cure de l’avis de tous ces gens ; je savais que j’avais agit de juste manière. Être en règle avec ma conscience est tout ce qui m’importait. Une fois retourné à ma place, certains de mes voisins me saluaient et me sollicitèrent immédiatement, tandis que d’autres m’ignoraient passablement.

De loin, j’observai la baronne de Raison. Celle-ci était devenue, plus qu’avant encore, l’attraction de la soirée. Nombre d’invités, qui jusque-là n’avaient guère prêté d’attention à elle, se précipitaient désormais vers la belle, la couvrant de louanges mérités.

Le vicomte n’osa revenir sur mon forfait, et statua en faveur de la baronne. Les joutes oratoires philosophiques qu’il voulait organiser n’eurent lieu que bien plus tard, une fois l’agitation redescendue. Bien que es festivités, qui avaient commencés mornement, restaient convenable dans leur déroulée, j’attendais impatiemment de voir comment agirait la baronne, si elle accéderait ou non à ma requête. Mon empressement rompit l’ennui qui était jusqu’alors le mien, me montrant même affable avec les voisins de table qui me témoignaient encore de l’attention et de l’intérêt.

C’est lorsque le vicomte sonna le début des débats oratoires que la belle Léonice s’éclipsa. Profitant de l’agitation ambiante, je saisissais l’occasion de rejoindre la baronne en prétextant une quelconque urgence.

«Veuillez m’excusez, glissai je à mes voisins de table, mais un impondérable m’appelle. Je dois me retirer ».

De suite, je joignais le geste à la parole en me levant discrètement de mon siège. Bien qu’attirant malgré moi quelques regards en ma direction, je rejoignais d’un pas décidé les balcons du palais, où la baronne s’était rendue. Lorsque j’atteignis l’orée de la balconnade, je ne pus qu’être émerveillé par le spectacle onirique s’offrant à moi. La lune était haute dans le ciel, illuminant la voûte céleste plongée dans le noir. Accoudée à la balustrade, la chevelure vermeil de la baronne brillait d’un rouge vif, tel une sorte de flambeau bravant l’obscurité. La couronne de lauriers que j’avais en personne coiffée sur sa tête sublimait sa majestueuse apparence. Quittant ma torpeur, je m’approchai d’un pas lent et appuyé vers le rebord, rejoignant bientôt la baronne dans sa contemplation nocturne. Ayant perçue ma présence, et s’attendant à mon arrivé, elle ne fut guère surprise de me voir, me souriant légèrement lorsque j’atteignis son champ de vision.

«Quoique la nuitée m’ait toujours effrayé, car sombre et pleine de terreur, elle offre à nous un spectacle sans pareil. Comment ne pas se sentir insignifiant face aux astres hauts dans l’éther, brillant loin de nous, nous toisant dans notre petitesse ? », dis-je, dans un murmure, afin de briser le silence et les faux-semblants.

« Vous m’avez impressionnée, Madame. Moi qui croyait que Marbrume n’abritait en son sein que faquins dépourvu d’esprits, je suis bien aise de découvrir que dans cette fange se cachait une si belle rose. Quand êtes-vous arrivée en Morguestanc ? Je n’ai d’ailleurs pas l’honneur de connaître la baronnie de de Raison. Etes-vous, vous aussi, originaire de l’Ouest du feu Royaume de Langres ? »


Dernière édition par Gyrès de Boétie le Sam 21 Mai 2022 - 16:21, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyVen 20 Mai 2022 - 16:42
Léonice n´oublia pas de remercier les Trois pour la générosité de cette soirée. Distrayante, sans commune comparaison avec les autres fêtes mondaines auxquelles la baronne avait déjà été conviée, il y avait même un certain nombre d´événements pour satisfaire sa curiosité intellectuelle. Elle misa sur le caractère similaire du Comte pour parfaire un peu plus l´original de cette rencontre ; en attendant, la fraicheur bienvenue de l´air sur le balcon l´accueillit. Léonice adorait les balcons ; elle n´en possédait pas dans sa minuscule demeure, ce qui changeait fortement des années à vivre dans un manoir aussi haut que large, et où les constructions étaient telles qu´il était possible de dominer toute la forêt depuis les chambres et autres salles de vies. La demeure du Vicomte possédait tous les charmes ; décorée, il manquait peut-être un peu d´humilité à l´ensemble, mais Léonice aimait se sentir impressionnée. Elle qui avait perdu beaucoup à l´apparition des fangeux, devait bien se complaire dans une certaine modestie. Cela ne la dérangeait pas ; elle n´avait jamais été une adepte du faste et de l´oisiveté, bien que cela incombe à sa condition naturelle de femme. Mais avec la mort de son époux, ses priorités s´étaient trouvées bien moins légères. Néanmoins, cela ne l´empêchait pas d´apprécier la présence de richesses tout autour d´elle, surtout que le Vicomte semblait être un personnage intéressant.
Léonice se penchait légèrement vers le vide, sur la pointe des pieds, quand une voix attendue s´élevait dans son dos. Elle n´eut pas besoin de se tourner pour deviner la silhouette élégante du noble poète, mais le plaisir la poussa à tout de même pencher la tête de côté pour l´apercevoir. Ses boucles d´un orange presque bleuté par les rayons de la lune et les lumières alentours formaient une coupole autour de son visage ; elle dut faire attention à ne pas perdre la couronne sur sa tête tandis que l´homme ouvrait la discussion de la plus jolie des manières. Léonice s´amusa à accompagner le discours par un regard vers l´obscurité.

« Mon chevalier vous répondrait certainement que Rikni veille particulièrement dans les ombres, et que plutôt que les craindre il faudrait les respecter.»

Un sourire mutin passa sur son visage, alors que ses yeux pétillaient.

« Voilà bien quelques temps que je ne m´amuserais cependant plus à errer en pleine obscurité».

Gracile, la baronne exécuta une légère révérence, bien plus intime que le spectacle offert à la vue des autres nobles un peu plus tôt.

«Votre honnêteté me touche, Comte de Boétie, de même que vos compliments dont je ne saurais en dire le mérite. Cela dit, je me dois d´approuver que le manque de…»

Léonice fit mine de chercher ses mots, dans un sourire ; la vérité était que sa langue était peut-être aussi acérée que celle du Comte, mais qu´elle ne s´en targuait pas aussi ouvertement. Elle savait néanmoins s´adapter à son interlocuteur, pour peu que celui-ci lui plaise.

«… stimulus intellectuel m´a fait plusieurs fois peine à voir, mais je ne saurais porter un jugement au milieu d´un monde où la littérature est devenue la dernière des préoccupations.»

Tout était une histoire de faux semblants et d´hypocrisie ; bien plus qu´auparavant. Léonice en avait conscience, ne le regrettait pas spécialement, mais sentait que son éducation avait été différente par la force des choses. Elle pencha la tête de côté, à nouveau, quand elle se sentie interrogée.

« En effet, notre domaine se trouvait proche de la frontière. Nous sommes arrivés, moi et les miens, aux environs du mois de novembre, l´année passée.»

Léonice joignit ses mains contre son giron, le tissu lui recouvrant partiellement les doigts.

«Si on ne me l´avait pas dis, je n´aurais jamais deviné votre origine, Comte de Boétie. D´une étrange manière, vous semblez… intégré, à la noble société,» sourit-elle avec un air amusé.






Revenir en haut Aller en bas
Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyDim 22 Mai 2022 - 13:14
A ma grande joie, le contact entre moi-même et Léonice se fit sans anicroche, de la manière la plus naturelle possible. Car nous étions tous deux semblables, et nous nous comprenions.

Si tu savais, lecteur, quel souvenir je conserve de cette soirée passé avec la belle d’esprit et de corps. J’ai encore en mémoire chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, comme si cette scène s’était déroulé la veille. J’étais comme envoûté par la beauté et l'intelligence de la baronne.

Elle-même ne cachait point l’excitation qui était la sienne. Son regard était vif, intéressée. Elle se montrait tour à tour sensuelle et réservé, oscillant entre paroles sérieuses et plus légères. Son ton posé et le lyrisme qui était le sien, même quand elle s’exprimait en prose, ne pouvait que me charmer davantage.

Le choix de ses mots témoignaient d’une certaine habilité de langage. Je ne savais si elle se montrait ainsi sous son véritable visage, ou si elle savait aisément naviguer entre divers idiomes afin de s’adapter à son interlocuteur. A vrai dire, je n’en avais que faire, tant cette discussion s’annonçait enrichissante et enivrante.

« Vous êtes bien plus indulgente que moi à l’égard de nos contemporains, dis-je dans un sourire, pour les excuser ainsi. Peut-être avez-vous raison. Mais cette vieille noblesse arriérée n’a pas attendue la Fange pour démontrer sa bêtise et sa méconnaissance des choses de l’esprit », déclamais-je, le regard perdu dans le lointain.

M’approchant davantage d’elle, je m’adossais à mon tour sur la balustrade. Je balayai à mon tour du regard l’horizon s’étendant face à nous. Surplombant le côté ouest de l’Esplanade, le domaine du vicomte offrait une vue imparable sur les magnificientes demeures nobiliale. Ecoutant le court récit de la baronne, je poussai un soupir nostalgique, me remémorant moi-même mon propre exil.

« J’ai de même dû sillonner d’Ouest en Est les routes de Langres. Ce fut un voyage âpre et difficile, tout comme le vôtre… J’ai encore en mémoire les paysages désolés et les villages annihilés. Les corps jonchant la grande route, les entrailles à l’air, déchiquetés et dévorés par ces monstres que l’on nomme aujourd’hui « Fangeux »… »

J’eus un frisson d’horreur en remémorant ces douloureux souvenirs. Contemplant le visage de la belle, illuminé par les éclats de lune, mes émotions négatives s’estompèrent aussitôt.

« Pensez-vous vraiment, gente dame, aux vues des huées que j’ai reçu en cette soirée, que je puisse me targuer d’être intégré à la noblesse de Marbrume ? Que les Trois m’en protègent ! Je méprise ouvertement mes congénères, et eux me le rendent bien. Evidemment, il se dégage de cette masse de vaniteux quelques perles, comme vous-même, et quelques aimables connaissances que je me suis malgré tout faite. »

Le calme régnant sur le balcon contrastait avec les lointains mais bruyants échos provenant des engouffrures du palais, désagréable brouhaha venant troubler notre quiétude. Les débats philosophiques avaient dû commencer depuis un petit moment, et ils semblaient bien agités.

« Voyez-vous, ma paisible province natale était à l’écart de toutes ces manigances, de toutes ces infernales intrigues de cour. Nous occupions notre vie autrement, dans l’étude de l’art, et dans la célébration de la vie, concepts bien étrangers à l’aristocratie locale, qui préfère se repaître de crimes sanglants et de coucheries hédonistes, que l’on ne peut décemment qualifier d’union amoureuse. Peut-être suis-je trop romantique ou idéaliste pour Marbrume ? Cela expliquerai ma préférence pour la solitude, car il m’est plus agréable d’être en compagnie d’un bon livre que d’une mauvaise compagnie. Excepté en cette soirée ", concluais-je d’un sourire.

« Et vous, belle dame, votre contrée d’origine ne vous manque telle point quelquefois ? »





Dernière édition par Gyrès de Boétie le Jeu 26 Mai 2022 - 21:12, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyDim 22 Mai 2022 - 14:55
La remarque sur l´ensemble de la noblesse poussa à Léonice à faire vibrer sa voix d´un rire léger. Le visage à peine voilà de ses mèches rousses comme de sa main, il fallait reconnaître une franchise peu comparable au Comte qui ne craignait d´aucune manière d´être aussi honnête. Une qualité qui se fondait dans le même défaut ; aussi Léonice comprenait bien pourquoi il ne devait pas plaire à majorité.

«Peut-être ai-je que trop conscience des choses qui me leur font ressembler. J´ai juste, jusqu´à preuve du contraire, encore quelques capacités à pouvoir dissimuler les plus terribles ressemblances.»

Si le ton était léger, amuseur comme charmeur, Léonice s´exprimait avec une franchise qui cherchait à s´aligner sur celle du Comte. Peut-être le devinait-il, en effet, la noble possédait cette capacité forte de son expérience d´adapter dialecte et gestuelle selon ses interlocuteurs. Qu´on y voit jeu de force persuasive, manipulation ou encore amuse-bouche sur toute la malhonnêteté de ce genre de manoeuvre, Léonice choisit de ne pas s´en soucier outre mesure. Le Comte lui était agréable, dans toute sa particularité, il n´y avait donc pas grand soucis à se faire sous le couvert de la douce obscurité et des bruissements du vent dans leurs vêtements. Musique à ses oreilles, Léonice eut la toute délectation de voir le noble s´approcher. Si elle ne se permettait pas de trop frontalement l´observer, ce tête-à-tête se trouvait tout de même plus propice à la naïve contemplation d´une curiosité ; bien plus que lorsque chacun devait prétendre s´intéresser à ses voisins plus directs. Le pieux silence démontra toute la douleur qui résidait par écho dans le coeur de la noble ; l´espace d´un instant, la mélancolie s´installa en voile immuable sur les traits de la noble, attentive à une personne ayant du fuir ; comme elle. Peut-être que leur étrange entente venait de là ; chacun avait vu les horreurs que certains citadins s´étaient épargnés au cours de ces périlleux mois transformés en année. Très vite, la gracieuse dame parvint à se changer l´idée alors qu´un souffle bousculait sa coiffure. Elle plaqua une main contre la couronne offerte afin de ne pas la sentir s´envoler, un nouveau sourire parfumant ses lèvres de fantaisie.

«L´intégration ne signifie pas toujours l´appréciation commune, cher Comte. Vous possédez vos positions et elles font de vous une personnalité clivante, alors je vous le demande ; ne serait-ce pas là l´ultime marque des grands ?»

Léonice inclina doucement la tête dans la direction de son interlocuteur, ravie du compliment. Toute son expertise ne suffit pas à dissimuler le rose qui teinta ses joues durant quelques secondes, tandis qu´au loin le bruit d´un verre brisé se faisait entendre. Léonice tourna la tête vers la direction supposée des conversations, toutefois peu malheureuse de s´être isolée en si bonne compagnie. Tout ce que lui disait le Comte restait empreint de la même honnêteté dont il faisait preuve depuis le tout début de cette soirée. Léonie en sentait ses muscles se détendre, bien qu´elle tâchait de garder une certaine tenue en présence de quelqu´un d´un rang supérieur au sien.

«Je comprends mieux vos préférences, et elles sont toutes à votre honneur. Oh, est-ce que ma contrée me manque ?..»

Préférant le sourire aux larmes, Léonice baissa momentanément la tête, ramenée à des pensées qui ne lui avaient que peu parcourut l´esprit ces dernières semaines.

«Si vous me permettez ma franchise… je ne saurais dire si ce sont mes terres qui me manquent, ou plutôt mon environnement social. La Fange nous a tous bousculé. Je ne peux pas prétendre aimer autant que vous la solitude en amie, puisque toute ma vie a été bercée par les relations avec les uns, ou les autres. J´aime à me dire que les regrets me tireraient en arrière, et puisque ma vie n´a pas trouvé de point final à son histoire, je me dois d´avancer sans regarder les ombres dans mon dos.»

Léonice réalisa qu´elle s´épanchait trop à son goût ; surprise de son léger manque de contrôle, revenir en arrière maintenant, au sens propre comme figuré, n´arrangerait pas ce qu´elle dévoilait. Elle reprit, plus calme, après un bref soupir.

«Mais il m´arrive de me réveiller, certains matins, avec une sensation de vide dans la poitrine. Le manque est parfois vif, oui, et mes pensées divergent aisément face à la légèreté de la noblesse de Marbrume. Cependant… je ne leur envie pas leur innocence. Car si un jour, les murs de la ville devaient tomber… je sais que je perdrais moins de temps à subir le choc de la surprise.»

Elle secoua la tête, un air désolé sur le visage.

«Mais ne souhaitons pas plus de malheurs à cet avenir que je nous espère plus heureux !»





Revenir en haut Aller en bas
Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyLun 23 Mai 2022 - 15:00
Le rire amusé qu’eut la baronne après que j’eus ainsi craché tout mon fiel sur les gens de notre caste me ravit au plus haut point. Décidemment, ce genre de conversations m’avaient été bien trop rares depuis mon arrivée dans le Morguestanc. Une discussion loin de toute hypocrisie, de toute flatterie mensongère. Une discussion honnête, où chacun lisait à cœur ouvert dans l’autre. La belle Léonice me confessait ainsi sans détour ses propres tares, comme j’avouais les miennes. Peut-être me confiais-je trop facilement à cette séduisante inconnue ? Cependant, je n’écoutais point, en pareil situation, ma raison, mais bien plutôt la passion naissante en moi. Cette passion si pure, si grande, caractère immuable de l’homme, l’amenant à accomplir d'immenses choses.

« Je vous prie, ma dame, de cesser de m’appeler ainsi « comte ». Ce titre ne veut rien dire à mes yeux, et je ne me sens aucunement supérieur à vous. Laissons ici de côté ces étouffantes conventions et la rigueur de l’étiquette, et parlons nous en amis, non pas de vassal à suzerain ».

Un agréable et doux vent vint balayer les traits de mon visage, soulevant quelques peu mes amples vêtements. La baronne, d’un geste gracieux, empêcha la coiffe que je lui avais apposé sur son auguste visage d’être emporté vers le lointain. Le nouveau sourire charmeur qu’elle me fit à cette occasion produisit en moi grand émoi.

« Votre question est intéressante », dis-je dans un paisible sourire. « Chercherais-je volontairement à cliver, à provoquer l’élite marbrumienne ? Je n’en sais, à vrai dire, trop rien. Peut-être que j’apprécie, en effet, de me démarquer ainsi du reste de nos congénères. Mais j’aime croire que je suis un individu naturellement excentrique ; je plaide plutôt pour une difficile adaptation ici, à Mabrume. Qu’est-ce que la grandeur ? Qu’est-ce que la petitesse ? Est-on prestigieux par le rang, par le sang, par la vertu ? Est-on grand de naissance, ou le devient-on par la force du caractère ? Une bien difficile question ayant été sujet de maints débats philosophiques, qui risquent de demeurer éternellement intranchés. »

En provenance de l’intérieur du manoir, l’on entendit, malgré les bruissements du vent et le chant des hiboux, le bruit d’un verre se brisant sur le sol. Décidemment, les débats de ce soir semblaient tumultueux. Espérons, me dis-je en cet instant, que personne ne sera occis en raison d’un ridicule désaccord portant sur un quelconque sujet de rhétorique ennuyeux. Ce moment privilégié avec la baronne semblait comme bloqué dans une autre temporalité, dans une bulle isolante, séparé du reste du monde, que ce désagréable son vint troubler un instant, nous rappelant l’existence du reste de l’univers.

Lorsque la belle me conta le mal du pays qui était le sien, je fus pris d’une sincère et tendre compassion. Si nous n’avions pas le même rapport aux autres, je comprenais sa détresse, comme elle comprenait la mienne. Un désespoir que ne parviendrais jamais à saisir un noble marbrumien. La mine de la baronne s’était obscurcie et renfrognée, ma question lui ayant visiblement remémoré de biens mauvais souvenir.

« Je vous prie d’excuser ma maladresse, belle Léonice, et d’avoir ainsi réveillé en vous des réminiscence douloureuses du passé. De même, j’ai parfois l’impression d’avoir tout perdu, alors que le monde est toujours debout. Peut-être que, l’au fond de moi, j’en veuille ardemment à ceux qui n’ont subi aucune perte. Mais, comme vous le dites, soyons optimistes. Le passé reste lointain et inchangé, tandis que l’avenir, que l’on peut écrire et modeler, s’offre à nous », concluais je, mes yeux plongés dans son envoûtant regard.
Revenir en haut Aller en bas
Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyLun 23 Mai 2022 - 16:12
Léonice ne percevait pas la mal de sourire à de telles preuves de franchises ; ce même sourire lui vaudrait pourtant quelques problèmes, mais tout le monde en cette soirée était bien trop occupée par les philosophies poisseuses et pas toujours intéressantes qui s´échappaient des verreries de la grande salle. Interpellée, Léonice mit quelques secondes avant d´imprimer dans son esprit la demande du comte. Sa tête inclinée sur le côté prouvait le début de gêne que cela pourrait occasionner, mais la noble se reprit dans un sourire finalement amusé.

« En voilà une demande bien exigeante… mais j´accepte bien facilement de m´y plier, sire Gyrès, au rare prix que vous m´appeliez également par mon prénom.»

Léonice n´irait pas jusqu´à préntendre que les conventions ne lui plaisaient plus ; elles existaient, voilà tout. Depuis la Fange, le monde alternait entre un sans dessus dessous cacophonique et une liste de règles à répéter, ancrée dans une hiérarchie qui singeait l´ancien monde tout en prétextant en être un nouveau. Aussi, s´en écarter sur demande, et au vu d´une telle sympathie après d´un autre noble, voilà bien quelque chose que Léonice appréciait tout particulièrement. La réponse était toute en mesure, et pourtant comme le signalait Gyrès, tout en excentricité. Léonice se plaisait à écouter les mots rouler à ses oreilles comme des boules de plumes.

« Il n´y a pas toujours de mal à ne pas connaître de réponses exactes. Ou alors, il y a du plaisir à les changer constamment ; il me semble avoir déjà lu un jour, parmi nos auteurs antiques, que le seul intérêt d´une question était d´être posée, et non pas d´y trouver une réponse…»

Car une fois la réponse figée, il n´y avait plus ce doute intellectuel si précieux aux penseurs, et la curiosité finissait par se ternir, à redevenir d´une fadeur exécrable. Léonice aimait alimenter ce côté moins pernicieux des conversations, même si ce soir relevait de la première fois où elle se mettait autant en avant dans un domaine réputé encore très masculin ; ce qu´elle comprenait, par ailleurs. En entendant l´air désolé de son interlocuteur, Léonice exécuta un geste qui se voulait apaisant de la dextre.

«Ne vous excusez pas, ce n´est rien. Nous avons tous perdu quelque chose en très peu de temps, même ceux qui ont eut la chance de naître parmi ces solides murs. Je… ne regrette pas, mes expériences, même les plus douloureuses, vous savez. Même les disparitions devraient être prises pour ce qu´elles sont ; ni plus, ni moins.»

Puisque le vent se calmait, Léonice abaissait sa deuxième main pour lui faire rejoindre sa voisine.

« En y réfléchissant bien, si une seule toute petite chose devait être changée dans notre passé, peut-être n´aurions-nous jamais été capable de nous rencontrer. Et assurément, cela aurait été une grave désolation,» sourit-elle.





Revenir en haut Aller en bas
Gyrès de BoétieComte
Gyrès de Boétie



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." EmptyMer 25 Mai 2022 - 11:51
Je remarquais que la baronne avait quelque peu de mal à assimiler ma requête. Je ne lui en tint rigueur, tant je connaissais le mal qu’avait bon nombre de mes congénères à se dissocier ainsi de leur titre, chose inséparable de nos identités. Néanmoins, elle finit par répondre positivement à ma demande, non sans mal, m’autorisant à l’appeler de par son gracieux prénom.

« Léonice… Un bien joli nom, qui vous sied bien plus que votre patronyme coutumier, beaucoup trop commun en ces lieux », dis-je dans un sourire.

Poursuivant notre savante discussion, la belle ne manqua pas de continuer de m’impressionner par son esprit brillant, questionnant la finalité même des interrogations que nous nous faisons. Est-il grave, en effet, que celles-ci demeurent sans réponse ?

« Epineuse question, en effet, qui interroge sur le sens ontologique même de la question. Las ! Que serait l’existence s’il n’y avait plus rien de nouveau à voir ou à ressentir, s’il n’y avait plus rien à découvrir, s’il n’y avait plus rien à discuter ? », lui répondis je dans un soupir.

« Bien triste est la vie de celui qui vit dans la plus parfaite monotonie, sans que rien jamais autour de lui ne change, pour lui comme pour le monde. Mais quel homme peut prétendre tout savoir, tout connaître de la vie et de ses mystères ? C’est là une pensée rassurante, tant le monde a à nous montrer, nous qui ne sommes que de passage. L’existence se renouvelle sans cesse, et bien malin sera celui capable de prédire le futur, d’anticiper les mouvements de demain, qui sont déjà à l’œuvre. Les lois physiques semblent se répéter, mais il n’en est pas de même pour l’être humain ; fort heureusement, à vrai dire. Cette incertitude en inquiète certains. Pas moi. La vie perdrait de son intérêt si toutes choses venaient inlassablement à se refaire. J’aime l’incertain, car il est au cœur même de ce qui fait le sel de l’existence. Que les voies impénétrables de la métaphysique le reste, du moins pour le moment ! L’on pourra disserter à loisirs dessus. Je donnerai mon avis sur la question, quand un autre, des années plus tard, me contredira à juste titre et se rapprochera à son tour un peu plus de la vérité. Et quand bien même nous connaitrons tous des lois de l’univers, nous ne serons jamais capable de comprendre l’étendu du genre humain et de son génie, tant son imprévisibilité et son libre arbitre, plus grand don que nous ont fait les Dieux, font que la conscience de l’Homme demeurera à jamais un mystère insondable, même pour le plus savant des hommes. Chaque être humain étant unique, peut-on parler d’essence humaine ? »

Emporté sur ma lancée, les yeux levés vers les étoiles, je m'entendais parler, oubliant que j'abusais de l'attention de la baronne.

« Pardonnez moi mon outrecuidance ; je me suis lancé dans une longue tirade, une logorrhée bien ennuyante. Je vous prie de m’excuser si j’ai ainsi abusé de votre temps par de rébarbatives palabres. »

La baronne ne semblait point ennuyée : le sourire qu’elle m’accorda témoignait de son intérêt pour la question. Elle était à la fois un agréable auditoire et une captivante interlocutrice, deux qualités rarement réunit chez une même et seule personne. Enhardi par l’intérêt qu’éprouvait ma dame, je continuais ma dissertation philosophique, qui ressemblait plus à un assemblage de pensées disparates qu’à une idée parfaitement construite, que je vais tenter de restituer parfaitement ici par écrit, même si la mémoire me fait quelque fois défaut.

« Je suis de ceux qui refusent d’assujettir la Passion à la Raison, bien qu’opinion couramment répandu chez le Clergé et chez les puissants. De l’affrontement de ces deux pôles antinomiques et antagonistes résulte, chez l’Homme ce qu’il y a de grand en lui. Bien que la Raison doive réguler la Passion, elle ne doit pas pour autant l’assassiner. Qu’est ce qui, de toute manière, est raisonnable ou ne l’est pas ? Seulement ce qui contrevient aux lois naturels et divines, diront les uns. Et je me contenterai de cette interdiction limité, en lui adjoignant ce qui contrevient aux valeurs humaines les plus pures, comme la dignité. Mais la conscience seule est juge. »

Me retournant à nouveau vers la baronne de Raison, j’apposai délicatement ma main gauche près des siennes, alors posées sur la rambarde, avant de plonger mon regard dans le sien.

« C’est pourquoi je vous remercie infiniment de cette rencontre, ma Dame. Car vous ravivez en moi, dont l’existence était jusqu’alors plongé dans l’obscur, une flamme nouvelle. Vous êtes pour moi le flambeau qui dégage les ténèbres. De même, comme vous, je ne regrette rien, car le regret nous attache au passé. Les êtres chers que j’ai perdu me manqueront à jamais, et si rien ne pourra palier à leur présence, du moins la vie et la Fortune me réservent t-elles de nouvelles surprises, comme cette soirée, placée sous le patronage d’Anür. Et ne pas la vivre aurait été, en effet, une grave désolation. La vie nous offre maintes opportunités ; et je ne remercierai jamais assez l’obscure prémonition m’ayant poussé à me rendre céans, sans savoir ce qui m’y attendait. »


Dernière édition par Gyrès de Boétie le Jeu 26 Mai 2022 - 20:50, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
MessageSujet: Re: [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."   [Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..." Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
[Terminé] "Mignonne, allons voir si la rose..."
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 2Aller à la page : 1, 2  Suivant

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Cité de Marbrume - L'Esplanade ⚜ :: Quartier noble :: Résidences de la noblesse-
Sauter vers: