Marbrume


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 [Terminé] Emmurés dans le silence

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Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



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MessageSujet: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptyMer 18 Mai 2022 - 23:39
Trois jours étaient passés depuis son retour précipité dans le domaine des de Raison. La tenue comme les blessures de Léonice inquiétèrent immédiatement ses domestiques, qui presque tous se hâtaient pour s´enquérir de ses nouvelles ; innocents êtres à qui la rousse n´adressa pas plus d´un regard, prétextant une fatigue indécrottable à sa mauvaise humeur. Si elle accepta de se faire déshabiller et si on lui porta de quoi désinfecter sa lèvre et sa main, Léocine congédia bien vite toute présence dans sa petite chambre.
Ainsi débuta son isolement. Léocine refusa de sortir de l´endroit clos, provoquant pour elle-même toutes les angoisses de son enfance qu´elle se forçait à subir. Tous les jours elle ouvrait la menue fenêtre de son domaine mais s´écartait pour ne pas qu´on la voit ; un miroir attestait de l´évolution de ses hématomes ou de sa tenue. Nul appétit ne vint l´accueillir, aussi refusa-t-elle de manger. Léocine se sentait comme prise d´une lente agonie qui ne la conduirait à… rien. Le vide d´une existence qu´elle ne pouvait plus mener avec un visage ainsi marqué. La nuit, elle revoyait la main de ses assaillants s´abattre sur elle ; sursautait dans l´appréhension du choc contre sa mâchoire ; pleurait de son incapacité à avoir réagit. Léocine n´était et ne serait jamais une femme vouée à survivre sur un champs de bataille ; pas de la même manière que le pouvait Hector ou les membres de la milice, en tout cas.
Les domestiques de la maisonnée s´agitait ; la maîtresse était-elle malade ? Enceinte sans que personne ne l´ai vu ? Déprimée ? Mourrante ? Les allégations allaient bon train tandis que pour la première fois depuis longtemps, la voix de Léocine ne résonnait plus nul part dans un domaine où elle prenait normalement tant de place.
Elle attendait simplement que le temps passe, lisant quelques textes empruntés à un glorieux notaire ; écrivant quelques poésies en souvenir de ses échanges avec le comte de Boétie.
Et la nuit, Léocine se laissait tourmenter par les mêmes démons que depuis des jours. Elle revoyait tour à tour les visages des disparus, s´imaginait celui des morts à venir et étouffer ses sanglots contre la pointe d´un oreiller.






Dernière édition par Léonice de Raison le Mer 25 Mai 2022 - 12:05, édité 1 fois
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Hector Dartigau



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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptyJeu 19 Mai 2022 - 17:28
La Tempête se propageait à travers la bâtisse avec toute la violence démesurée qui était propre aux catastrophes naturelles. Le linceul sanguinolent ornant ses épaulières claquait comme un étendard dans son sillage, la démarche usuellement mesurée et dramatique du Sans-Visage troquée pour une lourdeur massacrante et hâtée. Patiemment, il avait attendu. Un jour, puis deux, que la Baronne se remette des événements de la Fête des Fleurs. A l'aube du troisième, Hector avait quitté le domicile d'emprunt, amorçant une énième ronde parmi le peuple, esseulé dans son anonymat et le mensonge qui était devenu son identité. Perpétuel spectateur, il observait ses congénères avec un singulier détachement, contrit, étranger aux messes basses ourdies avant l'ouverture d'une taverne, aux débats sonores entre clients et commerçants, ou encore aux opprobes jetées par quelque dame de bonne fille sur un mercier jugé incompétent malgré des délais qui étaient impossibles à respecter. Démoralisé, traînant le pas, l'Apôtre de Rikni était revenu peu avant que l'astre diurne n'atteigne son zénith, narguant dans son ascension sereine le chevalier déchu qui se heurtait une nouvelle fois à l'évidence.

Depuis que la Baronne s'était enfermée, il n'avait adressé la parole à personne.

Prostré dans son sinistre mutisme, caractéristique du Sans-Visage dont on peinait à envisager les réels motifs et compétences, seuls grognements et respirations accélérées franchissaient le mur de ses lèvres tordues, lorsqu'il s'enfermait dans le cloître devenu lieu d'entraînement. Cette fois, le Chevalier ne s'était pas arrêté dans les cuisines en pleine effervescence à cette heure. Ni au cloître, où il priait des heures durant la Sainte qui ne lui adressait plus la moindre attention depuis la fatidique nuit de son rêve. Il stagnait, alors, c'était bien naturel qu'elle l'ignore. Le Pénitent enrageait, réalisant dans la souffrance une conclusion humiliante : sans Léonice, sa situation n'évoluerait pas. Il était dépendant de son influence, de son intellect, pour cumuler les faveurs de sa Sainte, et ainsi retrouver ses grâces.

Alors, tandis que les servils domestiques se plaquaient contre les murs, percevant l'orage fulminant qui animait l'armure lacérée de Dartigau, ce dernier dévorait la distance le séparant de la chambrée dans laquelle s'était réfugiée la Baronne. Le fracas de son armure précéda son approche, avant qu'un silence pesant ne s'installe de longues secondes qui devinrent minutes ininterrompues. De l'autre côté du bois massif monté sur gonds, ses croquenots labourant la pierre marbrée du corridor comme un taureau esquissant ses intentions, Hector menait une lutte interne. Ses approches étaient multiples : conciliant, bienveillant, paternel...

Mais celle qu'il choisit ne fut aucunement bénéfique.

Son poing tambourinait sur la surface débarrassée d'écharde, comme autant de coups de tonnerre, avant que sa voix rauque ne résonne, partiellement étouffée par l'isolation toute relative de l'endroit.

« Madame, votre caprice ne fait que nous desservir. Trois nuits sont passées, aussi serait-il préférable de se remettre à l'oeuvre. »

La finesse d'un sociopathe à la moralité ambivalente.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptyJeu 19 Mai 2022 - 17:57
Si le premier jour avait été une catastrophe, le deuxième puis celui-ci semblaient bien plus à l´heure des coeurs légers. Léonice s´était plongée dans les affaires administratives qu´elle avait eu à conseiller récemment, de baronnets en souffles de comtes, l´ensemble ayant pour point d´orgue les doigts fins de la noble. Son ventre émit un bref son désagréable ; fâchée, Léonice galvanisait son énergie à ne penser à rien de ce qui pourrait lui déplaire. Le ciel était clair et le soleil haut, elle laissait, comme à son habitude, les démons errer dans la nuit. Une fois le jour levé, il n´y avait plus aucune raison de souffrir ou de s´angoisser… normalement. Le silence la harcelait pourtant parfois de douleurs inconcevables. Léonice avait connut les heures merveilleuses des mouvements permanents ; entourées d´enfants, de chevaliers, d´un époux même et de quelques amies. Tout cela lui semblait si loin ; mais à chaque fois qu´elle fermait les yeux, c´était bien leurs visages qui se rappelaient à elle. Un souffle lui échappa ; et presque au même moment, le clignotements sonores d´une armure trop bien connue s´avança dans le couloir. Léonice imagina sans mal le manque de grâce de chevalier qui devait chasser les domestiques de part sa simple présence. La voix d´Hector parvint jusqu´aux oreilles de la noble qui ne put s´empêcher de lever les yeux au ciel. Voilà quelques jours qu´elle n´attendait plus rien de bienveillant de la part de son seul et unique chevalier ; d´ailleurs, n´avait-elle pas récemment parlé à un jeune écuyer qui désirait être à son service ?… Léonice secoua ses boucles rousses autour de sa tête. Ses doigts s´étaient figés sur la lettre qu´elle écrivait mais dont le nom du destinataire ne lui revenait plus.

«Le seul caprice que j´entends est visiblement celui d´un Chevalier soucieux de ne plus recevoir d´ordre de ma part. Les marques de mon agression sont encore visibles, je n´ai donc aucun intérêt à sortir pour l´instant.»

L´ironie pointait en flèche de coeur dans la voix de Léonice, mais elle avait répondu avec toute la spontanéité dont elle était capable ; ce qui n´arrivait pas souvent. La jeune femme se repencha sur sa lettre, mais les mots ne lui venaient plus. Elle se frotta les yeux, veillant à ne pas détourer de ses doigts l´énorme bleu qui peinait à s´effacer sur son visage.

« Soyez gentils et demandez donc à l´un de mes domestiques de commander une nouvelle robe aux mêmes tons que celle que j´ai abîmé, si vous ne savez pas quoi faire.»

Malgré tout, la noble ne pouvait pas s´empêcher de se sentir blessée par les mots qui lui revenaient parfois en mémoire ; pas de quoi en reparler, mais rien qui ne lui donnait envie de voir l´éternel casque porté par Hector.



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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptyJeu 19 Mai 2022 - 18:09
Un silence sépulcral fut la seule réponse obtenue par la Dame. Le Chevalier restait planté là, pantin de viande désarticulé et privé des fils l'animant en l'absence de la Sainte. L'orage gagnait en ampleur dans ses veines, sa température corporelle atteignant un point de fusion, tant et si bien que les sudations ne tardaient pas à s'additionner à la fureur grinçante contractant ses mâchoires. Puis, avec toute la facilité du monde, Hector fit un pas en arrière...

Avant de défoncer la porte d'un brutal et sonore coup de botte parfaitement calibré, à quelques centimètres seulement sur la gauche de la serrure, démolissant le loquet qui tintait, cloche discordante et libérée de son unique devoir, en atteignant le sol. Apparaissant désormais dans l'encadrement de l'entrée, sa funeste apparence n'affectant probablement plus celle qui l'avait façonné, l'Apôtre observait un instant de retenue, décochant un regard suffisamment assassin pour pétrifier un domestique trop curieux qui s'était rapproché de la scène. Un battement de coeur, et, blêmissant, il fuyait le lieu de son méfait, tandis que le Chevalier pénétrait dans la chambrée, prêt à renverser le moindre meuble et à tuer dans l'oeuf une tentative puérile de Léonice de le fuir en la saisissant par le bras si cela s'avérait nécessaire. Une fois à son contact, le guerrier carapaçonné se penchait sur elle, reprenant à mi-voix, malgré la rancoeur, l'animosité qui transparaissait dans le moindre des mots craché, et ce, en dépit de la bonne volonté qu'il souhaitait y insuffler.

« Montrez-vous à la maisonnée. Tous vous pensent enceinte d'une vermine des bas-fonds pour donner naissance à un marmot illégitime, agonisante, ou tout simplement folle. Vous perdez le respect qu'il vous reste, et si la loyauté s'effrite, autant informer toute la Cour séance tenante de votre faiblesse - passagère ou non. »

Conseiller involontaire, rapace à l'envergure estropiée et au plumage près du corps, le Sans-Visage se redressait avec le cliquetis caractéristique de son carcan, les deux saphirs céruléens enfoncés dans les cavités oculaires de son crâne verrouillés sur une Baronne acculée, dos au mur, et prochainement, sans allié, si la situation continuait de s'envenimer.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptyJeu 19 Mai 2022 - 18:34
Léonice se crut suffisamment grinçante pour éloigner n´importe qui ; y compris son seul réel allié dans toute cette noire folie, et ce malgré l´animosité qui les tenait en respect l´un comme l´autre. Il n´y avait pas grand chose à faire tant que Léonice avait encore le visage marqué de son agression, en signe ultime d´une faiblesse contre laquelle la lutte se faisait sur le long terme. Mais à l´heure actuelle, impossible de se replonger dans ses affaires sans entendre le cliquetis caractéristique s´éloigner. Et évidemment, comme un poisson moribond et funeste, Hector remontait le courant du bon sens pour pénétrer dans la chambre.

«Mais, ma porte…»

Léonice avait sursauté, au moins autant que si un éclair avait frappé le sol tout près de ses pieds. N´entrevoyant pas de potentielles échappées si le Chevalier venait à l´égorger, la noble se sentit presque désabusée face à la véhémence du seul être dont elle s´occupait réellement depuis des années. Presque courageuse, la jeune femme déposa la plume à son encrier et se redressa, n´amorçant un pas en arrière que par réflexe quand elle jaugea le chevalier trop proche. Digne malgré le bleu jaune sur la moitié de sa face, les courbatures à ses jambes qui peinaient à disparaître ou encore la légère brûlure à ses doigts bandés, Léonice fit l´effort de lever la tête quand on se penchait sur elle. Intimidée, la noble se convainquit que ce n´était qu´une Tempête parmi d´autres. Eternellement agressée, voilà bien longtemps que la sang bleu ne perdait plus de temps à se morfondre sur les mauvais traitements qu´elle pouvait subir. Le jour où cela devrait être payé arrivera ; en attendant, son devoir s´articulait autour de son besoin de tirer son épingle de chaque jeu, connu ou non, annoncé ou désamorcé.
Mais Hector relevait de compétences qu´elle maîtrisait trop mal. Son agressivité à son égard la renvoyait au comportement des deux roturiers qui auraient pu l´assassiner ; mais une réaction virulente ne leur apportait rien, à aucun d´entre eux. Tenter de lui faire comprendre qu´il dépassait bien des limites serait infructueux. Reprenant son calme malgré la présence agitée du chevalier, Léonice tâcha de poser sa voix avant de répondre.

«Chevalier… je ne m´attends pas à ce que vous compreniez. Les domestiques de cette maison sont terrorisés du secret qui nous lie, je m´en suis assurée. Je ne crains pas leur perte de loyauté et vous ne devriez pas non plus. De plus…»

Sans s´écarter, Léonice pointa de son doigt bandé les lettres à sa petite table.

«Seule ma voix a disparu, ici. Mais je continue d´écrire et d´être présente auprès de potentiels alliés. Je ne disparais pas de la Cour ni de la société. Enfin… j´imagine que je dois vous remercier pour vous préoccuper de mon état ou de nos affaires.»

Elle secoua la tête, sans désir de montrer une émotion trop vive ; son teint reprenait celui qu´elle arborait lorsqu´elle devait avoir une discussion fort peu agréable avec d´autres nobles. Il ne servait à rien de traiter Hector différemment ; ça au moins, elle l´avait bien compris.

« Chevalier Dartigau, les domestiques n´ont vu ni ma main, ni mon visage. Je nous sauvegarde tous d´inquiétudes indésirées, ainsi que de ma propre faiblesse, comme vous l´appelez. Certaines choses méritent d´être réfléchies et ajustées ; ainsi la prochaine fois que je me sentirais insultée, je n´aurais pas à perdre mon calme.»

Léonice, de son jeune âge, ne se sentait pas de faire mieux pour l´instant. L´idée d´un jour trouver une confidente depuis la perte de sa dame de compagne était révolue et enterrée ; Hector n´avait pas la sensibilité pour apercevoir autre chose que ses propres peines, et Léonice avait finalement beaucoup de responsabilités, ce qui ne lui permettait pas de s´adoucir outre mesure.

«J´attends que les couleurs à mon visage redeviennent normales. Si je dois feindre une maladie de saison, je le ferais. Après tout, il y a eu une drole d´épidémie parmi la haute, récemment…»

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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptyJeu 19 Mai 2022 - 19:21
Hector l'observait comme un étranger incapable d'appréhender la langue natale dont il était pourtant l'un des dépositaires. Il scrutait la gorge exposée, les blessures apparentes sur son visage de porcelaine en réprimant les pulsions dégénérées se propageant dans son organisme à mesure que sa colère cédait sa place à un sentiment plus vicieux, plus funeste, aisément associé au concentré d'émotions négatives qu'incarnait l'apparition loqueteuse du Chevalier. Mollement, il inclinait la tête de côté, renforçant cet aspect dérangeant qui se manifestait régulièrement, désormais. Faire face au féroce Dartigau était une chose. Affronter la démence croissante qui semblait noircir une âme déjà souillée de sang et de violence se révélait être un tout autre défi. Son regard électrique suivait les lettres désignées avec la même docilité écoeurante qu'il arborait parfois, pour peu que zèle et férocité dégénérée n'empiète sur sa discipline d'acier.

« Les missives n'ont besoin que d'un sceau. Votre estomac, lui, de nourriture. »

Et pour donner corps à sa mise en garde, le Sans-Visage s'emparait de la main bandée, index et pouce se logeant à quelques centimètres de la plaie, sans la douceur peut-être espérée, tandis qu'il scrutait la surface dissimulée sous les bandages désinfectés. Un reniflement, tandis qu'elle le rabrouait en plus de vouloir lui rappeler sa place de subordonné. Qu'à cela ne tienne ; il répliquait simplement de sa voix rauque.

« Elle enfle. Les boursouflures sont la menace de la gangrène. »

L'Apôtre retenait un grognement courroucé. Si elle ne s'était pas cloîtrée des jours durant, sans doute s'en seraient-ils aperçus bien plus tôt, désireux de rendre obsolète le raisonnemenent et l'argumentation d'une interlocutrice auprès de laquelle il n'aurait, de toutes façons, même pas essayé de se mesurer autrement qu'en alimentant le dialogue avec de l'hostilité. Scannant la chambrée du regard, le Chevalier rajoutait :

« Si vous comptez toujours être apte à rédiger vos lettres dans les mois à venir et trouver un mari sans être amputée d'une main, je vous suggère de vous habiller. »

Sèchement, le Pénitent relâchait la rousse. Guère besoin de délacer les pansements de fortune pour deviner le gonflement flétri du revers de sa main, inégale et probablement légèrement bleuie d'un hématome à l'instar de sa jumelle. Faisant volte-face, le Chevalier rejoignait l'encadrement de la porte, se postant à l'extérieur malgré les bonds béants, serrure brutalisée plus tôt.

« Nous devrions rejoindre l'une des bourgades extérieures, où la Cour n'aura pas vent ni de vos blessures, ni de votre état. »

Adoptant une posture de factionnaire, le terrible Apôtre semblait inanimé, bien conscient qu'il leur serait nécessaire de se munir de vivres et de dissimuler la véritable identité de la Baronne, avant de quitter le domaine.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptyJeu 19 Mai 2022 - 19:42
L´incompréhension berçait éternellement leurs échanges ; quelque chose qui était resté discret sur ces années de communauté, où les deux êtres n´avaient finalement été que peu amenés à réellement échangé. Léonice trop occupée avec ses affaires sociales, le Sang-Visage éternellement en vadrouille pour que le temps ne prenne pas soin de pourrir sa psyché. Elle se crispa à la mention de nourriture ; cela relevait autant de l´oubli que de l´appétit trop léger que possédait la noble, depuis toute petite. Un ventre trop rapidement contrarié la rendait nauséeuse, et le stress ne semblait jamais décroître suffisamment longtemps pour lui laisser le loisir d´avoir de l´appétit. Elle déglutit, passant une main distraite sur son ventre ; comme si cela allait lui évoquer un souvenir heureux. Naïve petite chose qu´elle était.
"Quand la main plaquée s´approcha de la sienne, Léonice ne put réprimer un nouveau mouvement de recul qui ne l´emmena sur pas grand chose ; elle se sentait coincée, craintive de recevoir un nouveau coup, comme si on ne lui avait pas déjà fait pire. Sa tête se secoua, mais la surprise l´emporta sur le reste.

« La gangrène ? Impossible, je…»

N´ai aucune compétence en médecine, et si Léonice savait qu´une blessure pouvait dégénérer si elle n´était pas soignée… elle réalisa non sans honte qu´elle avait été négligente. Léonice ne trouva plus rien à redire ; la jeune femme étant au moins capable de ne pas se vautrer dans une crise d´égo quand elle se savait pleinement en tort. Comique, au vu du nom qu´elle portait désormais comme un pénible fardeau pour les jours comme celui-ci.

«Bien. Je vais me préparer.»

Partir à l´extérieur… en dehors du quartier Noble ? Oui, il y avait forcément une personne à trouver pour l´aider, mais l´idée de repartir…Ce n´était pas pour rien que Léonice s´était terrée dans sa chambre. Et elle réalisa tout l´impact que possédait sa récente agression sur son comportement et sa capacité à aller au dehors. Le coeur battant, la rousse se hasarda à chercher une capte neutre, étant déjà habillée. Elle trouva un voile pour y ranger l´intégralité de ses boucles rousses, et prit soin de poser un peu de poudre blanche sur sa peau afin d´atténuer les marques à son visage. Les instants ne durèrent que quelques minutes avant que, apprêtée, elle ne se glisse aux côtés du Chevalier, presque ratatinée.

«Il me semble avoir entendu parler d´un soigneur dans le Sud-Ouest de la ville et de ses bas-quartiers, au Labourg.»

Léonice ne dépassa pas le colosse ; le couloir lui parut si immense qu´il serait capable de l´absorber si elle ne faisait pas attention. Les lèvres pincées l´une contre l´autre, la noble se perdit momentanément dans ses pensées, au moins jusqu´à ce qu´elle ne se secoue fébrilement les épaules.

« Je vous suis», murmura-t-elle comme si le son de sa propre voix relevait de l´interdit.





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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptyJeu 19 Mai 2022 - 20:16
Docilement, la femme abdiquait, consciente pour une fois d'être en terrain inconnu. L'épargnant de tout commentaire caustique, le Chevalier adressait un signe de tête entendu à une Léonice présentable aux traits dissimulés, l'invitant à sa suite pour... rejoindre la salle de vie. Son approche, à l'identique de nuages noirs fulminant à l'horizon, suffit à chasser les domestiques, un sixième sens leur dictant sans doute qu'il était préférable de ne pas ralentir de quelque manière que ce soit les entreprises du Sans-Visage, ce jour. Spontanément, il désignait du menton l'un des sièges bordant les tables nappées où, lorsqu'elle ne recevait pas du monde, Léonice se plaisait visiblement à loger ses serviteurs. Bouillon de viande encore fumant exposé face à la place qu'elle prendrait, les coupelles de bois généralement usées par les mêmes domestiques qui venaient de quitter en toute hâte l'endroit, accompagnées de leurs cuillères. Pas d'argenterie ou de porcelaine pour la mutilée qu'on fuyait aujourd'hui comme la peste.

D'un pas lourd, Hector s'emparait d'un sac de jute dans lequel il chargeait sans finesse aucune viande séchée laissée à l'abandon et mies de pain cuite à l'aube. Une gourde en peau de chèvre tannée y disparaissait également, tandis qu'il forçait la fermeture de leur ligne de vie d'une corde de chanvre décolorée, s'en servant pour hisser le paquetage en travers de son épaule droite. Sciemment, l'Apôtre utilisait de sa senestre elle-même harnachée au bouclier labouré de lacérations qui pesait au quotidien à son avant-bras, avant de pivoter face à une Baronne qu'il espérait déjà attelée à l'effort de recouvrer un semblant d'hygiène de vie. Sans fioriture, il s'écrasait à ses côtés, désignant de son menton casqué la toile de jute.

« Si vous en avez entendu parler, c'est aussi le cas de vos comparses qui échafaudent leurs exactions pour gagner les faveurs de leur souverain. Nous quittons Marbrume le temps de sauver votre main. »

Face à l'insistance du Pénitent aux iris orageux, probablement qu'elle percevrait que l'idée de le dissuader de prendre autant de précautions était vain. S'il était véhément, violent, et instable, au moins Hector écopait d'une certaine forme de responsabilité à l'égard de la survivante des de Raison, n'en déplaise à ses crises de nerfs virulentes dans les ruelles adjacentes aux artères commerciales. Glissant le pouce de sa dextre à l'intérieur de son ceinturon, comme il en avait l'habitude jadis pour se balancer d'un appui à l'autre en guettant l'entraînement de ses pairs avec une arrogance somme toute innocente, mise en abîme avec sa grotesque descente vers la folie, Hector s'affaissait de plus belle contre le dossier, guettant Léonice, et ce, jusqu'à juger qu'elle se soit suffisamment nourrie.

Impétueux. Rustre. Excessif, brutal, zélé, stupide et violent.

Pourtant, il incarnait bien le seul allié d'une rousse en péril, sous l'oeil attentif de sa Divine.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptyJeu 19 Mai 2022 - 20:39
La vie d´un noble était celle d´une personne perpétuellement jaugée et analysée à la moindre de ses interactions. Présences comme absences étaient soigneusement inspectées, aucune dissimulation ne le restait bien longtemps si ce n´était au prix d´efforts comme rares étaient ceux à en être capable. Et pourtant, Léonice se sentait destabilisée en passant aux côtés de son chevalier. Le soulagement téméraire qui dévala son organisme ne fut que d´un maigre repos alors qu´ils descendaient dans les pièces de vies usuellement communes ; la fuite des domestiques était d´un naturel saugrenue, mais face à quoi Léonice n´eut même pas la force de se sentir découragée ; il y avait quelque chose de presque… mystique, à cette situation. Hector était venue la brusquer dans les dernières barrières de son intimité, mais son audace lui sauverait peut-être une main plus abîmée que les maigres connaissances de la régente ne le lui laissait penser. Arrivée dans la cuisine, devenue théâtre des comportements étranges du Sans-Visage, Léonice sentit son ventre se tordre d´appréhension en sentant les pourtant Ô combien bonnes odeurs qui gravitaient jusqu´à elle. Elle retint une grimace au commentaire de l´homme ; il avait raison, mais la panique la fit trembler.

«Chevalier Dartigau, je ne suis pas sûre…»

Quitter marbrume. En deux ans, Léonice s´était cloîtrée dans la ville forteresse qui, à défaut d´être éternelle, leur avait permis de se reconstruire du mieux qu´ils le pouvaient. Et maintenant, Hector lui annonçait qu´il était temps pour eux de partir en virée romantique à l´extérieur des murs salvateurs ? Léonice ne savait plus si elle devait rire ou pleurer ; dans le doute, son visage resta faussement de marbre, aidé par les multiples couches de tissus qui lui donnaient très chaud.

«C´est tout de même prendre un risque considérable, Chevalier.»

Léonice s´observa ; l´idée de se faire amputer d´une main…

Non. Mieux valait ne pas alimenter la faiblesse dont elle avait déjà fait preuve aux yeux du Chevalier. Comme si on opinion comptait, comme si le regard qu´il portait sur elle pouvait encore la froisser tel un vulgaire chiffon, comme si Hector représentait la seule figure de stabilité pour la jeune femme.

«Très bien. Comme vous voudrez.»

Presque nerveuse, la baronne prit place à l´une des places des domestiques. Le siège était encore chauffé de son précédent propriétaire ; Léonice avait envie de vomir. ELle prit soin de retirer son châle et d´attraper ce qui lui passait sous la main ; le regard intense du chevalier lui était désagréable ; comme si une nouvelle épreuve lui tombait sur le coin du visage. Elle commença par la soupe, mais la sensation de chaud lui vrilla l´estomac. Elle croqua alors dans un morceau de pain, retenant difficilement le tortillement de son estomac. Quand elle en vint à la viande, elle en cru mourir, mais se força à avaler ce qu´elle put.

Son corps rendit bien vite les armes, et Léonice fixa le Chevalier d´un air… neutre. Mais intérieurement, elle l´implorait pour qu´il se décide à les faire partir ; la baronne ne ferait guère mieux.





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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptyVen 20 Mai 2022 - 15:36
Le regard de l'Apôtre de la Tempête conservait son intensité électrique, à mesure que la Baronne n'abdiquait enfin à ce qui pouvait, de l'extérieur, paraître comme un caprice, en dépit de son sincère désir de la préserver d'un mal qui leur serait détrimentaire à tous les deux. A peine amorçait-elle la pénible besogne de se nourrir après plusieurs jours de jeun, accablée par l'atmosphère anxiogène qui avait voilé le domaine comme une chappe de censure brûlante, qu'Hector se redressait juste assez pour joindre ses mains. Aujourd'hui, son pèlerinage au temple n'aurait pas lieu, aussi fallait-il faire amende honorable.

Le Pénitent avait conscience d'être perpétuellement sur une pente descendante. Et l'intransigeante Rikni ne lui pardonnerait sûrement pas de tels manquements. Ainsi, Dartigau priait que l'adversité se manifeste sur leur chemin, de sorte à lui prouver, malgré l'acidité des faveurs qu'elle lui conférait sous forme d'épreuve, qu'il les surmonterait avec aisance, une volonté de fer trempé et une détermination glaciale. Il la noierait sous les louanges qu'on lui adresserait, et lui dédierait les faits d'armes légendaires qui seraient bientôt sien. Ce n'était nullement de l'ambition, une aspiration juvénile et vaine. Mais un féroce désir de rédemption, une résolution que la divinité affectionnait tant chez ses fidèles malgré leur frivolité, leur fragilité, et leurs doutes lorsque confrontés au défi. Il s'agissait là d'une matérialisation ardente de sa foi aveugle, d'une lente ascension depuis les abysses dans lesquelles sa couardise l'avait projeté. Le Sans-Visage en ressortirait grandi, purifié de son impuissance fondamentalement mortelle.

Car ce n'était point de l'arrogance, si le talent était inégalé.

Mais avant que sa rétrospective n'atteigne le noir désir d'annihilation qui pulsait dans ses veines comme un venin, une corruption rampante distillée par un zèle détourné par quelconque entité félone, le Chevalier sentit toute l'attention des yeux bleus encadré de roux de sa Dame sur lui. Relevant doucement le chef pour la confronter avec mollesse, il haussait les épaules, avant de se redresser en poussant le siège de ses quadriceps, ses pieds de bois crissant sur la pierre froide. D'un pas lourd, mesuré, le Pénitent s'approchait de la sortie, avisant la Baronne avant de l'interroger, figé proche du point de non-retour.

« Comment devrait-on procéder ? Si je venais à vous escorter, tout le monde saurait vous identifier, à moins qu'on ne fasse peser le doute de félonie sur ma personne. Devrions-nous simplement nous rejoindre à l'extérieur des murs ? »
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Léonice de RaisonBaronne
Léonice de Raison



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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptyVen 20 Mai 2022 - 16:19
La difficulté de se nourrir se renforçait à mesure que Léonice réalisait ; elle devait quitter Marbrume pour se faire soigner, à l´abris des regards et des rumeurs, mais aussi au-delà de la sécurité factice qu´apportait la cité dans sa vie. Léonice avait parfaitement conscience que ce sentiment de sauvegarde était arbitraire, issu d´une crainte normale puisque réelle d´être un jour jetée au devant des bannis et des fangeux. Sa mastication lente se couplait à une réflexion intense et bien éloignée du non-échange entre le chevalier et sa régente ; Léonice redoutait que quelque chose ne les égorge sous les yeux des dieux, peut-être épris du théâtre macabre que devenaient les gens sous la bannière des de Raison. La noble observa Hector quand il se mit à prier, certainement. Que demandait-il, ainsi égaré ? A quel point son état d´esprit avait-il pu changer depuis leur arrivée à Marbrume, depuis cette promesse obligée entre eux ? Léonice formulait des choses qui ne dépasseraient jamais l´ordre de sa pensée ; non pas qu´elle craignait la folie plus que visible du futur croisé, mais bien car elle refusait de concevoir qu´elle puisse le comprendre. Pour la baronne, il y avait une limite à ne pas dépasser dans une intelligence peu commune ; plus l´on se rapprochait des fous, plus la perspective d´être comme eux devenait tangible. Léonice avait la lucidité de savoir être en dehors d´une moralité normale, ou d´une manière de pensée semblable à d´autres ; mais elle n´avait pas encore le recul pour réaliser à quel point leur paire ne détonait pas outre mesure, ou en tout cas pas plus que le ciel et les éclairs. L´un et l´autre se confondaient parfois mais toujours, ils s´utilisaient l´un et l´autre pour exister.
Mais cela ne concernait que les réflexions mornes d´une noble à l´esprit éveillé, qui manqua de sursauter face à la proposition du chevalier. La tension qui avait disparut contre ses épaules remonta d´un cran ; elle crispa ses doigts contre le gobelet d´eau, le regard aussi digne que possible même si Léonice ne faisait que se sentir trop jeune fille. Si la terreur prima en son for intérieur pendant quelques instants, une main se porta à sa chevelure pour la remettre en place ; comme si elle avait bougé de sous son capuchon.

«Vous avez raison, on ne peut pas paraître ensemble sans attirer ce que nous cherchons à éviter.»

Et puis, avant son agression, Léonice avait su parcourir les petites ruelles comme les grandes places de marché toute seule ; Hector n´avait jamais été son garde du corps attitré, bien qu´il en prenait le rôle de temps à autres. Il restait chevalier, elle restait régente ; ses déplacements n´étaient finalement pas si surveillés, et l´un passait suffisamment de temps en dehors de la présence de l´autre pour le confirmer.

«Je vais me débrouiller pour trouver un chemin sans me faire remarquer. Je sais qu´il existe plusieurs sorties en dehors de la porte principale… nous avons qu´à nous retrouver… à l´Ouest de la ville ?»

Léonice était pétrifiée à cette idée ; mais en même temps, c´était la meilleure qu´ils puissent trouver.

«Partez le premier pour être le plus rapide à atteindre le lieu de notre rendez-vous. Je sortirais d´ici au bout de quelques minutes ; si c´est moi qui doit vous attendre à la sortie de la ville, je me retrouverais sans défense et sans autre but que de patienter, ce qui ne me parait pas idéal.»

Et enfin la noble réfléchit ressortait ; peut-être que le manque de nourriture l´avait déprimé plus que de raison, finalement.





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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptySam 21 Mai 2022 - 0:01
Dodelinant du chef, l'Apôtre de la Tempête observait un instant de réflexion, pesant les risques de laisser ainsi la victime déjà blessée à ses propres moyens pour le rejoindre à l'extérieur. Si ses actions conjointes à celles des miliciens lui avaient octroyé une certaine connaissance du terrain et de ses ruelles infâmes, escarpées et labyrinthiques, il n'avait aucunement conscience des réelles habiletés de son interlocutrice, et se contenta finalement de se résoudre, pour une fois, à abdiquer. Le plan échafaudé, le colosse faisait mine de s'enfoncer dans le corridor qui les avait vus débarquer, avant de se figer. Palier à toutes les possibilités étaient également l'un des préceptes de sa Divine.

Faisant volte-face, sans un mot, le Chevalier arrachait l'un des fourreaux retenus à son ceinturon - celui-ci plus dérobé, secret, que l'épée ornée gisant contre son flanc. Le coutelas au manche enlacé de cuir gisait devant la rousse, quelque sobriquet lacé autour de la garde, grossier et enfantin, indiscernable. Sans élaborer sur cet outil qui le suivait depuis sa tendre enfance, le Pénitent mimait un léger mouvement de surinage. Poignet verrouillé, l'énergie et l'axe issu de la fosse cubuitale de son coude, sans lui faire une démonstration entière en accompagnant le geste de son épaule et d'une rotation de la hanche. Quelque chose de perfide, soudain, et vif, suffirait amplement.

« Visez les yeux, la gorge, le nez, le foie, le plexus solaire, ou l'estomac. Si elle s'y fiche, laissez-y là. Plantez, et courez. »

Sans autre forme de procès, le sinistre déserteur disparaissait une bonne fois pour toute dans les couloirs du domaine, le fracas de son carcan s'y propageant comme une vague de terreur qui ferait trembler l'édifice inanimé, à mesure que les cliquetis s'éteignaient dans la distance.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptySam 21 Mai 2022 - 0:19
L´hésitation du chevalier était palpable, mais Léonice préféra faire comme si elle ne remarquait rien. Concentrée sur un dernier quignon de pain qu´elle tenait d´une main fébrile, elle était restée assise en attendant que la tempête passe… bien que le terme soit ici bien mal utilisé. Elle ne rajouta rien, creusant le sillon de silence qui s´était installé aux murs des réflexions des uns comme des autres. Quand enfin Hector se leva, Léonice pensa à l´arrêter, à lui demander s´il n´y avait vraiment pas un autre moyen pour eux de sortir de Marbrume sans se séparer. Cela n´aurait été que le caprice d´un être qui ne méritait pas qu´on l´écoute autant ; pas de cette manière. Préférant se sentir digne quoique terrorisée, la rouquine laissa partir son protecteur… au moins jusqu´à ce que ce dernier ne décide de faire demi-tour. Vive, la jeune femme se redressa, soucieuse de voir se reproduire le dégondement d´une porte qui n´avait rien demandé ; seule une table et six chaises se dressaient entre eux. Venait-il de penser à quelque chose qui l´aurait froissé ? Sa déesse venait-elle de lui souffler mésententes et discordes à son oreille ? Léonice se préparait comme elle le pouvait, cherchant de manière consciencieuse toutes les possibilités qui pourraient encore une fois faire trembler les murs du domaine. La surprise fut telle que la rousse ne sut qu´observer l´arme qui lui était présentée. Elle ne pensa même pas à protester, ou à s´indigner d´une telle consigne ; par ici-bas, toutes les méthodes étaient bonnes pour survivre, et une main avait bien été récemment mordue sur ces mêmes principes.

«Merci», murmura-t-elle bien après que le chevalier soit parti.

Léonice se baignait dans une confusion peu limpide, et presque sourde. Il y avait là quelque chose d´incompréhensible et pourtant d´à sa porte ; son esprit encore marqué par la jeunesse peinait à ne pas voir en ce geste une singulière manière de s´inquiéter de sa survie. D´origine pourtant plus pragmatique, Léonice se convainquait que sa disparition ne serait rien de plus qu´un désagrément pénible pour Hector, mais loin de lui être fatal. Le vide l´entourait quand elle baissait les yeux vers le coutelas, qu´elle finit par prendre entre ses doigts ; il n´y avait bien que l´instabilité d´Hector qui la protégeait, finalement. Si l´homme n´avait pas été en position si soumise en 1164, il se serait rapidement débarassé de la régente qui malgré de bonnes compétences sociales, étaient aussi utiles face aux maux de ce monde qu´un nourrisson dans les bras de sa mère.
Hélas le temps n´allait pas en s´améliorant ; à peine sortait-elle de la demeure que les nuages recouvraient le ciel et se mettaient à pleurer. Dissimulant le coutelas dans une paire de tissus qui parviendraient à le maintenir sans trop de difficulté, Léonice profita de la désertion partielle du quartier pour en sortir. Les gens courraient pour s´abriter, surpris par la pluie ; on ne distinguait de la noble plus qu´un capuchon brun, neutre, qui pourrait autant appartenir à une enfant du peuple qu´à n´importe qui d´autres. Elle s´était ratatinée sur elle-même, incertaine, ne cherchant plus à maintenir la ligne de son dos droite alors que la rapidité devait tout prendre. Plusieurs fois la noble trébucha, se renversant à moitié contre un tavernier qui jetait quelques ordures ou encore au milieu de deux ivrognes. Il était si facile d´oublier à quoi ressembler la vie des autres quand on était pris dans ses problèlmes intimes, et ce entre quatre murs. Léonice réalisait toute l´amertume de son existence, et de sa triste incapacité à pleinement comprendre le malheur des autres.
Mais c´était ainsi. Elle mit plusieurs heures à travers les différents quartier pour se rendre tout à l´Ouest, où elle échappa à la vigilance des gardes qui cherchaient à se réchauffer près d´une tonnelle. Léonice n´avait pas eu besoin d´utiliser le coutelas ; mais ce dernier lui donnait une force, là, alors que ses mains se crispaient sur un manche abîmé par le temps. Elle furetait, plus habile qu´elle ne l´aurait pensé dans l´art de ne pas se faire remarqué, en contrepartie de quoi Léonice était complètement trempée.
Une fois arrivée sur place, elle chercha l´armure molestée d´Hector, ses épaules, son casque ; quelque chose pour lui confier que tout était bien allé pour lui.
Car il avait intérêt ; l´inquiétude de la dame ne s´orientait d´habitude que vers elle-même, et elle ne comptait pas changer certaines de ses habitudes.






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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptySam 21 Mai 2022 - 16:13
La tempête accompagnait son Apôtre avec une spontanéité surprenante. A peine franchissait-il le pas de la porte que la pluie s'abattait comme un rideau de censure dissimulant sa sinistre présence aux yeux des badauds qui se mettaient à courir sous les porches et divers toits trop larges pour les bâtisses qu'ils abritaient. Son plumage aussitôt racorni, plaqué contre l'acier de sa carapace mutilée, Hector laissait échapper un soupir d'aise à mesure que le tourment céleste grondait, son ampleur prenant en démesure, illustrant dans tout son gigantisme une ode à la gloire de sa Divine. Les aiguilles glacées incarnées par la pluie printanière qui martelaient son armement se transformaient en glaciale étreinte, toujours vexée, de son adorée, à mesure que le Chevalier se mettait en marche, réadoptant une lourdeur massacrante de conquérant, précédé par le chaos sonore infligé à sa vicinité par l'armure protégeant sa carcasse gelée.

La promptitude avec laquelle Rikni lui faisait connaître son approbation le réjouissait tant qu'il se surprit à presser le pas, son coeur tambourinant dans une poitrine trop longtemps hantée par un vide alarmant. L'espace d'un instant, le Pénitent oubliait tout de son fardeau, des traumatismes, et du bain de sang nécessaire à sa rédemption. C'était un curieux bien-être envahissant ses veines, bercé par l'affection sévère d'une déesse qui, enfin, se rappelait à lui dès lors qu'une bonne décision survenait sur un chemin jonché de cadavres.

Fendant la foule sans même l'effleurer, la prestance glaciale dont il exsudait suffisait à écarter les plus téméraires malgré l'urgence incarnée par le soudain déluge, avant qu'il ne s'évapore comme un mauvais rêve à l'angle d'une ruelle trop étroite pour être réellement pratiquable. Durant l'exercice de ses fonctions aux côtés de la milice, Hector s'était découvert une certaine fascination pour la capacité de ces derniers à dresser des cartes mentales du moindre quartier afin de significativement améliorer leurs déplacements dès lors qu'il était question de poursuivre un individu, malheureusement pour lui, moins savant dans le domaine. Ainsi se plaisait-il à l'exercice, furetant comme une ombre colossale, le cliquetis de son équipement se confondant dans le clapotis constant de la pluie dans les flaques rarement évacuées.

A terme, le Pénitent surgissait dans la verte, ses iris orageux jaugeant les environs sûrs et dénués de toute vie si ce n'était pour la vermine huileuse qui entrait en effervescence dans l'humidité. Estimant un arbre qui lui servirait de point de repère, plus ou moins centré à l'extérieur des remparts, en vue de toutes les théoriques issues, Dartigau et son plumage détrempé venait se loger contre, semblable à un oiseau de proie scrutant la sortie d'un terrier. Ainsi débuter ce qu'il supposait être une longue attente - qui ne fut, en réalité, que de quelques minutes. Une silhouette encapuchonnée se manifestait, en proie aux éléments, suscitant presque immédiatement une entrée en état d'alerte pour le Chevalier, qui s'approchait désormais d'un pas lourd, autoritaire, dans sa direction. L'épée au fourreau, certes...

Toujours était-il que le féroce Apôtre se dirigeait en ligne droite vers elle, avec tout ce qu'impliquait sa funeste présence.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Emmurés dans le silence   [Terminé] Emmurés dans le silence EmptySam 21 Mai 2022 - 18:17
Le temps ne se calmait, éternelle alarme pour les pairs qui osaient se distinguer parmi la populace, avançant malgré le vent et la pluie vers d´obscurs but. Léonice sentait le tissu contre ses bras lui coller la peau, comme un étau que l´on refermerait délibérément sur sa cible. Elle avançait, en dépit du risque de tomber malade, le visage et le reste du corps toujours couvert pour éviter les indiscrétions. Léonice avait le coeur en berne tandis que ses pas trouvaient l´ouverture bienvenue vers un extérieur pourtant bien morne ; elle ne mit pas beaucoup de temps à reconnaître son chevalier, mais alors qu´il s´avançait droit vers elle, dangereux, la noble eut l´impression que la réciproque s´épuisait en même temps que ses idées. Droit, impérieux, la démarche, si elle n´était pas accablante de stupeur, forçait l´admiration. Léonice hésite à reculer mais se contenta de ralentir.

« Chevalier Dartigau ?» l´appela-t-elle en dépit de la peur qui lui étraignait le coeur.

Toute cette situation mettait à mal le contrôle de ses émotions. Loin d´être aussi pieuse qu´Hector, Léonice tâcha tout de même de voir l´ensemble de sa journée, et même des précédentes, comme de sévères mises à l´épreuve. Il était indéniable que la femme ne vivait pas sous les faveurs des Dieux ; pas complètement, en tout cas. Si le malheur ne s´abattait jamais trop directement sur ses affaires, il y avait des jours comme celui-ci où le doute était permis. La dangerosité de son chevalier en faisait partie ; ainsi les doutes reprirent. Et si tout cela ne formait qu´une manoeuvre pour la faire disparaître ? D´autres alliés que se seraient fait Hector dans le dos de sa régente ? Tout était possible.
Mais elle préféra lui faire confiance ; aussi idiot cette idée pouvait-elle sembler. Léonice avança d´un pas faussement assuré alors que ses mains tremblaient sur le coutelas. Elle levait ses yeux qu´elle souhaitait équivoque, et surtout unique, pour ne pas être confondue avec une potentielle ennemie. La pluie n´aidait pas sa vision qui déjà imaginait Hector avec les grandes ailes de ces peintures, celles visibles dans les galeries et qui reflétaient parfois la passion des hommes sur les passeurs de morts, les psychopompes. La de Raison déglutissait, mal assurée et pourtant aussi fière qu´il était possible de l´être ; elle ralentit le pas jusqu´à s´immobiliser au moment où son chevalier et elle-même pourrait rentrer en contact ; tout dépendait de lui, de sa réaction, de ce qu´il avait décidé de faire ou d´ignorer. La sentence coulerait sous ses doigts alors que pour la deuxième fois de la semaine, ils se retrouvaient isolés.






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