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 Le passé ne brûle jamais [Margaux]

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Clervie de SombreluneMilicienne
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MessageSujet: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyMer 8 Juin 2022 - 19:01
2 avril 1167

Ce matin-là, Clervie avait quartier libre. Aussi en profita-t-elle pour filer à nouveau dans le quartier du goulot.
Julius ne lui avait pas encore ramené d'informations cruciales sur l'homme au masque de jade, mais cela ne l'empêchait pas de continuer son enquête.
Les cinq enfants avaient tous été ramenés sauf chez eux, pour ceux qui avaient des parents en tout cas. Roserelle était venue personnellement remercier Clervie au temple pour sa réactivité et son intervention. Des larmes de reconnaissance inondait ses joues. La jeune femme avait senti son coeur se gonfler de joie, car rien ne la ravissait plus que de venir en aide à des personnes en détresse...
Les quelques rayons de soleil passaient difficilement, une fois que l'on s'aventurait dans les ruelles étroites et crasses du goulot. La faible lumière éclairait alors de la poussière en suspension dans l'air et de la saleté sur les pavés. Des relents de pisse et de merde montaient du sol. Mais Clervie avait appris à ne plus y prêter attention.
Quelques personnes s'écartèrent prudemment de sa route alors qu'elle s'engageait dans une ruelle. C'était là la dernière partie à quadriller pour trouver le mystérieux homme au masque de jade. Bien qu'elle doutât fort qu'il soit encore dans les parages ; après tout, Hector Dartigau et elle avaient tué presque tous les membres de la cellule, et celui qui l'avait assomée avait été arrêté, mais ne savait pas grand chose ; il était mort sur le bûcher, à présent. Le ravisseur des gamins avait dû décider de cesser ses misérables activités, mais Clervie n'en avait pas fini avec lui. Il était hors de question de le soustraire à la justice.
Alors qu'elle avançait sur les pavés crasseux, un petit chuintement attira son attention et elle aperçut une petite fille à la splendide chevelure rousse. Impossible de ne pas la remarquer. Que faisait-elle toute seule dans un quartier pareil ? Etait-elle orpheline ? Le coeur de Clervie se serra. Elle ne s'habituerait jamais à voir des enfants abandonnés à tout danger qui croiserait leur route. Elle ne semblait cependant pas plus perdue que cela. La jeune femme avait du temps devant elle, aussi décida-t-elle de lui parler. Peut-être aurait-elle vu quelque chose. Et surtout, cela restait une bonne occasion d'offrir un repas à une enfant qui ne devait pas manger tous les jours.

- Bonjour toi, lui dit-elle alors avec un sourire. Je m'appelle Claire. Je suis milicienne. Il y a une semaine de cela, un homme avec un masque vert a enlevé des enfants dans ce quartier. On les a tous ramenés, mais il est toujours en fuite. Est-ce que par hasard, tu l'aurais déjà aperçu ?
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyDim 12 Juin 2022 - 21:16


Une matinée comme les autres s'annonçait.

Comme d'habitude, Margaux s'était réveillée quelques heures après l'aube. La soirée de la veille s'était avérée agitée, et elle s'était endormie épuisée par le labeur - mais un des hommes de main du Sanglier avait semblé s'offusquer de ne pas trouver de déjeuner prêt sur la table de l'auberge. Elle avait ainsi été tirée de ses rêveries avec brusquerie par un coup de pied dans les côtes qui l'avait fait sursauter, puis sortir, encore pieds nus, de sa cave avec toute la célérité dont elle était capable.

Elle aida principalement à terminer la vaisselle de la veille et à apporter les plateaux de nourriture pour sustenter les habitants de la taverne ; puis on lui tendit deux petites bourses remplies de pièces qui s'entrechoquaient à chaque mouvement. Ce fut avec rudesse qu'on les lui attacha sous sa robe usée, à l'aide d'une ceinture lacée à même le ventre.

Le dénommé Hubert, aux cheveux blonds et sales, à la carrure massive d'un garde patibulaire, lui prit le menton en le pinçant très fort.

- "Tu vas en livrer une à la tenancière du bordel de la Fleur Eclose, et une autre à une couturière, place du puits aux champignons. Sa boutique a pignon sur rue."

L'enfant retint sa respiration. Elle creusa son front encore lisse, en se grattant la tête d'une main nerveuse.

- "Mais elle pourra jamais rembours..."

Une claque la fit sursauter, baisser les yeux. Elle se tut avec soumission, tandis qu'il lui administrait une violente bourrade dans le dos, en direction de la sortie de la taverne, après lui avoir mis une feuille de parchemin dans les mains.

- "Dépêche-toi, idiote. Tu leur fait écrire leur prénom dessus. Si y savent pas, leur empreinte de doigts avec leur sang. On f'ra l'reste. allez, et cache donc ça dans la ceinture."

Margaux s'enfuit donc sans demander son reste, en clopinant maladroitement, mais ne se sentit mieux qu'après avoir refermé la porte. Elle détestait cette taverne, Hubert et le Sanglier ; mais par-dessus tout, elle haïssait d'être contrainte à l'illégalité. Il était évident que le gang voulait étendre son influence, avoir plus de personnes redevables à son service - ou plus d'esclaves. Comme elle.

Mais comment faire pour s'échapper, alors qu'ils possédaient son frère ?!

Il n'y avait rien à faire, juste à obéir. Les cheveux détachés et laissés libres, les pieds nus dans la fange, elle s'enfonça dans les ruelles, en tâchant de ne pas se faire remarquer, puis, finalement, marcha sur un bout de céramique brisée. La douleur lui arracha un espèce de petit chuintement échappé d'entre ses dents, mais elle tenta de la reléguer dans un coin de son esprit, d'ignorer la peau tendre et crasseuse qui saignait. Ce n'était pas important - il fallait seulement continuer. Après, avec un peu de chance, elle serait récompensée d'un bol de soupe chaude et d'un gros bout de pain !

Alors la petite fille redressa un peu ses épaules, s'apprêtant à reprendre sa route, lorsqu'une voix féminine et adulte lui fit tourner la tête. Et se figer immédiatement, tandis que son jeune visage perdait des couleurs.

La milice. Elle reconnaissait aisément cette cape verte - comme son père en possédait une, à l'époque - cet uniforme, cette aura d'autorité qui émanait d'eux. Terrifiée, elle ne sentait que trop bien les le document coincé contre son ventre, les bourses de cuir qui frottaient à sa peau trempée d'une brusque transpiration, mais encore une fois, elle se sentait acculée. Elle ne pouvait même pas courir pour tenter de sauver sa peau : le Sanglier avait bien veillé à ce qu'elle devienne définitivement infirme.

Heureusement, la milicienne ne semblait pas l'accuser de quoi que ce soit. Au contraire, elle avait même l'air plutôt douce et bienveillante ; mais elle ne parvenait pas à se détendre, à se calmer. Si seulement Père était là. Si seulement il était là, il aurait su la tirer du guêpier où elle avait été fourrée de force !

Finalement, Margaux prit la parole. Elle était directement touchée dans son âme par cette histoire d'enlèvement d'enfants, et elle se demanda brièvement si son interlocutrice parlait du Sanglier. Se pouvait-il qu'elle soit venue la sauver, que son bourreau soit devenu la cible de la milice ?! Cependant, elle ne l'avait jamais vu avec un masque vert.
Quoi qu'il en était, il ne fallait pas qu'on les voit ensemble. Si le gang la voyait parler avec une milicienne... Qu'arriverait-il à Louis ?

- "Bonjour, dame milicienne. Faut pas rester là, c'est pas un endroit pour une milicienne seule ici ! Venez, venez, on va parler ailleurs."

Elle lui prit la main, l'entraina dans une ruelle sombre, en boitant plus fort encore que d'habitude. Son pied nus laissait des traces de sang dans la boue immonde et fétide, et, finalement, elle reprit son souffle en s'affalant contre un mur, dans une petite ruelle adjacente et déserte.

- "C'est dangereux ici pour une milicienne. Je... je comprends pour votre mission..."

La gamine se mordit la lèvre, recula d'un pas. Elle ne pouvait pas demander ça ! Elle ne pouvait pas introduire une milicienne chez le Sanglier ! Elle comprenait confusément qu'elle s'était mise dans une nouvelle situation compliquée, qu'elle avait toujours les pièces du gang sur elle ; qu'elle pouvait être arrêtée sur l'instant. Mais faire condamner un forban de la pire espèce était tentant - c'était comme faire tuer le Sanglier, quelque part. Brusquement, la vision d'un masque dans une masure glauque dans lequel elle avait déjà livrée du chanvre lui traversa l'esprit.

Margaux se mordit la lèvre, partagée entre deux devoirs.

- "Ici, c'est un cloaque où pourrit l'humanité. Pourquoi aller le chercher si vous avez sauvé les enfants ?"

Pourquoi est-ce la milice n'était pas venu les chercher tous les deux ? Pourquoi ces enfants-là et pas eux ?! La vie était moche et injuste.. à n'en pas douter.
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyLun 13 Juin 2022 - 11:41
A peine Clervie se fut-elle adressée à elle que la petite fille la prenait par la main et l'entraînait rapidement dans une autre ruelle. Sur le moment, la jeune femme craignit de se retrouver prise dans un guet-apens ; parfois, malheureusement, les ratons des rues étaient très vite entraînés à faire le mal et il n'était pas rare qu'ils se retrouvassent à jouer les rabatteurs pour des bandes criminelles.
Mais non, la petite fille n'était pas de ceux-là. Clervie remarqua alors ses petits pieds écorchés dans la boue et elle eut le coeur qui se serra. Et elle prononça alors des mots terribles pour une enfant de son âge :


- "Ici, c'est un cloaque où pourrit l'humanité. Pourquoi aller le chercher si vous avez sauvé les enfants ?"

Clervie n'hésita pas pour sa réponse.

- Je vais te le dire. Parce qu'il recommencera.

Elle marqua une pause :

- Il opérait pour une secte, qui sacrifiait des enfants à un dieu impie. Ces oubliés des Trois croient que leur divinité leur donnera gloire et richesse en échange du sang d'innocents. Nous avons tué quelques uns de ses complices, mais les sectaires sont toujours plus nombreux à Marbrume. Combien de temps crois-tu qui lui faudra pour trouver d'autres enfants à sacrifier ?

Elle marqua un nouveau silence. Elle voulait que la petite fille comprenne bien la situation.

- Alors, jeune fille, si tu sais quoi que ce soit, il faut que tu me le dises. Certes, tu as raison, c'est dangereux pour une milicienne seule, et il me faudra sûrement revenir avec des compagnons. Mais dans tous les cas, sache que les jours de cette crapule sont comptés. Je ne compte pas le laisser s'en sortir. Il sera capturé, jugé et condamné comme il le mérite !
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyLun 13 Juin 2022 - 22:09

Margaux de Piana garda un silence interloqué, qui se prolongea une bonne minute.
Elle comprenait fort bien ce qui poussait la Milice à agir. D'ordinaire, personne ne se préoccupait du sort des enfants ; mais il paraissait évident et normal qu'on ne pouvait pas laisser des sectateurs s'emparer de Marbrume. On ne pouvait pas les laisser se moquer des Trois, et les mettre plus en colère qu'ils ne l'étaient déjà, et on ne pouvait pas mettre la ville en danger.

A nouveau, l'enfant regarda autour d'elle. A l'exception de deux gros rats et d'une vieille femme à la tête recouverte d'un vieux fichu qui portait portait un panier d'osier, la ruelle sale et nauséabonde était déserte. Elle soupira, fixa la milicienne de ses yeux verts, sérieux et adultes, presque combattif, se mordit la lèvre avec anxiété.

- "Je vais vous proposer quelque chose, Dame Claire. J'ai du travail, alors je dois le faire tout de suite. On pourrait se retrouver à Bourg-Levant, devant l'Albatros. Je vous rejoindrais, et je vous parlerai de tout ce que je sais."

Son cœur battait à tout rompre. elle était terrifiée de voir apparaitre un espion à la solde du Sanglier, voir un des membres du gang - et elle voulait absolument limiter les risques.
Comme tout aurait pu être simple ; mais la vie ne l'était pas. Personne ne vous donnait le choix, alors parfois, il fallait essayer de faire le bon. De mériter, finalement, l'approbation d'Anür.

- "Filez vite, je vous rejoins, promis. A tout de suite !"

Sans plus attendre, la jeune pouilleuse fit un petit signe de la main, se frotta ses cheveux de feu avec désinvolture avant de boitiller hors de vue. Il fallait accomplir son travail, se débarrasser de l'argent au plus vite - et seulement après, l'enfant serait tranquille.
Alors elle se dirigea avec détermination, sans se retourner, jusqu'au fameux bordel, où elle rentra sans hésiter. Souriant un peu timidement aux prostituées, elle fut finalement introduite jusqu'au bureau de la mère maquerelle avec moins de brutalité, lorsqu'on apprit qui l'envoyait ; puis après quelques échanges, elle put enfin donner sa bourse. Margaux sortit, procéda de même pour l'humble couturière de la placette, soupira de soulagement. Elle était contente d'avoir fait son travail, de ne plus porter le poids de l'argent de l'usure et du brigandage.

L'âme plus légère, elle se dirigea alors, plus lentement, en direction de Bourg-Levant. Elle se sentait fatiguée, la tête trop légère et la vision trouble, mais cela n'enlevait rien à sa détermination.
Son père était un chevalier fieffé, un de ces êtres nobles à l'âme pure et combattive, qui luttait pour la Justice. Serait-il dit que sa fille ainée fut d'une autre trempe ?

Mais le chemin était long pour cheminer jusqu'au rendez-vous. Des étoiles dansaient devant ses yeux, et l'odeur qui émanait de l'établissement lui mettait l'eau à la bouche. Sans la milicienne, Margaux n'aurait pas hésité à fouiller leurs déchets - pourtant, elle se contint, se contentant de s'approcher de la jeune femme, de sa démarche raide et chancelante d'infirme, en s'appuyant à nouveau contre le mur.

- "Ici, on est plus en sécurité pour parler. Pour faire simple, je crois que je connais un homme avec un masque vert. Je suis déjà allée chez lui, il y a une quinzaine de jours. Mais c'était pas de la soie ou du satin, c'était comme une pierre. C'était très lumineux."

Elle se souvenait encore des trois taloches qu'elle avait pris dans la figure pour avoir regardé, l'empressement qu'il avait mis à le recouvrir d'une cape sale.

- "Je sais pas si c'est une bonne piste. Si tu me donnes à manger, je peux aller chez lui, et fouiller. On saurait si c'est lui ou pas. Il est tanneur, lui."

Elle se mordilla le coin de la lèvre. A ce stade, la petite fille était prête à tous les risques pour un peu de pain et de soupe chaude ; et si elle aidait à la justice, pour une fois, au lieu de la bafouer, n'étais-ce pas la panacée ?
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyMar 14 Juin 2022 - 21:51
Là-dessus, la petite Margaux décida alors de coopérer sans plus discuter. Voilà qu'elle proposait à présent à Clervie de la retrouver à l'Albatros avant de filer à toutes jambes. Clervie connaissait un peu ladite taverne, bien que ce ne fût pas son lieu de prédilection pour des rendez-vous. Et elle semblait avoir une piste ! La jeune femme en tremblait d'excitation. Après tous ces jours à patauger, enfin une piste !
Mais l'affaire était loin d'être terminée. Pour s'assurer d'avoir détruit toute la cellule, il faudrait bien fouiller le domicile de l'homme en question. De plus, restait toujours la question d'avertir ou non le coutillier, qui avait bien dit qu'il refusait de se charger de l'affaire. Pouvait-il être un membre du Cloaque, lui aussi ? Après tout, que savait-elle réellement de son supérieur ?
Alors qu'elle ruminait ces questions, elle avait atteint Bourg-Levant et la Grande Rue des Hytres. Un endroit qu'elle avait souvent évité d'approcher ces six derniers mois, mais les Trois soient loués, elle n'avait plus recroisé Erwan depuis leur orageuse rupture. Elle s'était souvent demandé ce qu'il était devenu. S'était-il retrouvé une fiancée depuis ? Sûrement. Après tout, même lorsqu'elle était aux cachots, il n'avait jamais cherché à savoir comment elle allait. C'était comme si les quelques semaines de passion qu'il y avait eu entre eux n'avaient jamais existé.
Pourtant, elle était persuadée que leur amour survivrait à tout lorsqu'il avait accepté son histoire. Quelle illusion...
Une boule lui soudain noua la gorge. Certes, ses sentiments pour le forgeron s'étaient bel et bien atténués, mais la solitude dans laquelle l'arrêt de cette relation l'avait plongée restait douloureuse. Mais au moins avait-elle repris sa vie en mains. Et surtout, elle avait désormais foi en son objectif.
Erwan avait refusé de la suivre dans sa quête, mais d'autres n'avaient pas été aussi lâches. A elle à présent de se montrer à la hauteur.
La taverne se dressait à présent devant elle. A cette heure de la journée, elle nétait pas encore trop remplie. Sa petite informatrice arriva deux minutes plus tard, l'air quelque peu essoufflée. Clervie voyait bien qu'elle devait probablement fournir le double d'efforts pour se déplacer à cause de sa jambe boiteuse. D'ailleurs, elle s'appuya bien contre le mur avant de commencer :

- "Ici, on est plus en sécurité pour parler. Pour faire simple, je crois que je connais un homme avec un masque vert. Je suis déjà allée chez lui, il y a une quinzaine de jours. Mais c'était pas de la soie ou du satin, c'était comme une pierre. C'était très lumineux."

Clervie sentit son coeur bondir. Pas de doute, l'enfant avait potentiellement croisé l'individu qu'elle recherchait !

- "Je sais pas si c'est une bonne piste. Si tu me donnes à manger, je peux aller chez lui, et fouiller. On saurait si c'est lui ou pas. Il est tanneur, lui."

Clervie comprit alors pourquoi la petite l'avait traînée près de l'Albatros. Forcément, elle en profitait pour grapiller un repas chaud. C'était sacrément opportuniste de sa part, mais la jeune milicienne n'allait pas lui jeter la pierre. Bien au contraire. Après tout, contrairement aux autres conscrits, elle avait souvent les poches pleines, vu qu'elle n'allait pas souvent dépenser sa solde en alcool ou en débauche.

- D'accord pour un repas. Je n'ai pas encore déjeuné non plus. Viens.

L'Albatros était en effet peu remplie à cette heure, Clervie n'eut aucun mal à avoir une table libre dans une alcôve. Lorsque la serveuse passa près d'elles, la milicienne sortit aussitôt quelques pièces de sa bourse :

- Donne-nous ce que tu as de meilleur. Et apporte un pichet de ton vin le plus doux. Oh, et si tu en as, du lait, pour elle.
- J'ai tout cela. Et pour manger, j'ai de la soupe aux choux toute prête et de la tourte au fromage, répondit aussitîot la serveuse, visiblement ravie d'avoir une cliente en fonds.
- C'est parfait, répondit aussitôt Clervie. Remplis bien son écuelle, ajouta-t-elle en désignant la gamine de la tête. Cette enfant n'a que la peau sur les os.
- Il en sera fait comme vous le souhaitez, répondit aussitôt la serveuse avant de disparaître vers les cuisines.

Elles ne tardèrent pas à être servies. Clervie poussa l'une des écuelles remplies de soupe fumante vers son invité, puis coupa la tourte en deux pour en donner une généreuse portion à sa petite protégée.

- Voilà, mange. Et prends ton temps, ne te rends pas malade. On ira voir ton fameux tanneur après.
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyMar 14 Juin 2022 - 22:53


La milicienne était d'accord pour un repas ?! Le coeur de Margaux de Piana s'emballa, et elle leva ses yeux d'améthystes en direction de la jeune femme, avec un sourire vague figé sur ses lèvres. Elle n'osait trop croire à sa chance, et ce fut en tremblant un peu, sans pouvoir s'en empêcher, qu'elle rentra avec Claire à l'intérieur de l'Albatros.

Elle n'en avait encore jamais vu l'intérieur, et se prépara à être chassée en voyant arriver la servante ; cependant, il n'en fut nullement question. Bien vite, elle fut attablée dans une alcôve, à l'écart, et agitait ses doigts de pieds nus sur le sol recouvert de paille propre, sur un plancher doux. Elle se gratta le crâne avec application, en détaillant les environs du regard avec ingénuité, posa ses deux mains sur son ventre vide qui gargouillait sans pouvoir l'empêcher.
L'enfant parvint à garder le silence, tandis que sa nouvelle commanditaire commandait à manger, sans pouvoir penser à autre chose qu'à la nourriture, sembla vibrer presque d'enthousiasme, alors que, finalement, la tourte était déposée sur la table, que l'on disposait le vin et le lait et qu'une écuelle emplie de soupe aux choux bien chaude lui était servie. Devant elle.

Elle en sentait le doux fumet avec une acuité extraordinaire, et approcha une cuillère du liquide clair, prit un gros morceau de chou et l'avala presque tout rond ; avant de fixer son interlocutrice avec une moue proche de l'adoration.

- "Merci, dame Claire ! J'irai chercher ce que vous voulez dans la maison du tanneur, ne vous en faites pas ! D-dès que j'aurai terminé... ce bon repas. Merci, merci.. c'est..."

La petite fille en était toute retournée. Les joues roses, elle considéra longuement la milicienne, puis articula, sans pouvoir s'en empêcher :

- "Vous... vous êtes depuis combien de temps à la milice ? Les Sergents ne doivent pas toujours être facile à vivre, n'est-ce pas ?"

Bien sûr, la question n'était pas innocente. En réalité, elle était avide d'entendre peut-être le nom de son père filtrer à travers la conversation. Peu lui importait que ce fût en bien ou en mal - peut-être que la jeune femme s'en souviendrait, voudrait bien lui en parler. Après tout, tout le monde ne devait pas l'avoir oublié ?

- "Ça ne doit pas être facile d'être dans la milice. Les femmes ne doivent pas avoir la vie facile. Parce qu'on est plus fragiles que les hommes. du coup, je trouve ça injuste qu'on vous envoie vous, et pas un homme au Goulot."

Résolument, elle prit sa part de tourte au fromage dans les mains, croqua le plus gros bout qu'elle put, ferma les yeux de délice, en mâchant la texture à la fois croquante à l'extérieur et fondante à l'intérieur. Pour ne rien gâcher, elle était encore tiède, et deux grosses larmes apparurent dans ses yeux, menaçant de couler à tout moment.
Quel délicieux, merveilleux, parfait moment !

- "Enfin... moi... je m'appelle Margaux. Vous savez, je peux travailler très dur. Vous regretterez pas le repas, j'vous le promets !"
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Clervie de SombreluneMilicienne
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyMer 15 Juin 2022 - 19:00
Clervie laissa la petite poser ses questions en souriant, observant son air ravi et la façon dont elle fit honneur au déjeuner qu'on lui offrait. Un peu interloquée, elle ne répondit pas tout de suite. Elle sourit en la voyant enfourner un énorme morceau de tourte dans sa petite bouche. Ce spectacle lui réchauffa le coeur. Au fond, peu lui importait si le renseignement de la petite serait exact ou non ; elle ne regrettait pas son geste et ce fut ce qu'elle lui dit.

- Mange tout ton soûl, Margaux. Je ne pourrai jamais regretter de faire un geste pour une petite fille aussi mignonne et courageuse que toi.

Elle marqua une pause :

- Je confirme, la vie à la milice n'est pas facile du tout. La plupart des hommes qui y sont sont des brutes. Mais tu as tort lorsque tu dis qu'une femme est plus faible qu'un homme; cela, c'est ce qu'ils veulent que l'on croit. Mais quand tu as fait un an de caserne, tu te rends vite compte que c'est tout le contraire. Sais-tu que tu peux mettres k.o n'importe quel homme simplement si tu lui mets un coup au bon endroit ? Même toi, aussi petite et fragile que tu es. Si, si. Je te montrerai, si tu veux. Cela pourra t'être utile si tu as besoin de te défendre.

Elle ajouta :

- Et quant au reste, je n'ai pas beaucoup approché les sergents, du moins pas longtemps. En revanche, l'hiver dernier, j'ai beaucoup côtoyé une coutilière. Elle s'appelait Elisabeth et c'était ma meilleure amie, en plus de ma supérieure. Mais maintenant, elle a été envoyée au Labret et je n'ai plus de nouvelles. Je n'ose même plus demander à quiconque, car je sais à quel point la milice extérieure est mortelle. Je redoute tous les jours d'apprendre sa mort.

Tout en parlant, elle avait fait disparaître sa propre écuelle de soupe. Par les Trois, cela faisait du bien, un bon repas chaud et goûtu, après l'affreux rata auquel ils avaient eu droit à la caserne la veille ; elle et ses camarades s'étaient réjouis, car on leur avait annoncé qu'il y aurait un bon ragoût de lapin aux herbes au dîner. Mais bien sûr, la viande avait été sûrement dénichée en quantité insuffisante et ils avaient rajouté de la graisse. Infect.

- Puissent les Trois la protéger, car elle m'a beaucoup appris. Et notamment le fait qu'être une femme ne doit pas t'arrêter lorsque tu as un objectif. Alors, prends donc exemple sur elle. Et tu verras que la vie finit par te sourire.

Elle termina son récit par une question :

- Travailler dur ? Quel genre de travail sais-tu donc faire ?


Elle se demandait si la petite fille était capable de coudre ou d'effectuer des tâches domestiques. A en juger par son phrasé, la petite n'était issue des bas-fonds et devait au moins être une fille de commerçant. Si tel était le cas, Clervie pourrait peut-être inciter Dame Morrigane à la prendre sous son aile et à lui trouver une place, peut-être dans un domaine voisin si ce n'était dans le sien. Elle savait que sous leurs airs féroces de montagnards, la comtesse et son frère étaient d'une générosité sans égale et n'hésitaient jamais à venir en aide à qui en avait vraiment besoin. Une noblesse de coeur authentique était cultivée au sein de cette famille que pourtant d'autres sangs-bleus qualifiaient d'excentriques, de ce qu'elle avait entendu lorsqu'elle habitait encore sur l'Esplanade. Elle n'avait d'ailleurs jamais autant regretté d'avoir perdu son rang depuis qu'elle les avait rencontrés, car cela plus la menace des purificateurs l'obligeait à ne jamais leur témoigner la moindre manifestation d'amitié en face de témoins.
Elle chassa ces pensées de sa tête pour attaquer un morceau de tourte au fromage. Hum. Un délice !
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyMer 15 Juin 2022 - 22:11


Désormais mise en confiance par la tourte savoureuse, la petite fille renifla avec enthousiasme, tâcha de mâcher longuement pour en extirper toutes les saveurs. C'était si agréable de goûter la croute dorée, croustillante e suintante de beurre au subtil goût de noisette qu'elle s'oubliait presque dans sa posture, un peu trop droite pour une fille des rues ; et elle dédia un sourire radieux à sa nouvelle meilleure amie, tandis qu'elle saisissait sa cuillère, pour l'approcher de la soupe encore fumante.

Le compliment, plus encore que la nourriture, la fit rougir - et Margaux ouvrit de grands yeux, tandis que la milicienne évoquait la proposition de lui apprendre à se battre. C'était si intriguant qu'elle faillit en tomber de sa chaise, et elle pouffa de rire pour dissimuler son malaise. Père en aurait fait une syncope, maman se serait évanouie - mais ils n'étaient plus là pour s'offusquer, ni pour la protéger.
Alors elle hocha fermement la tête, allait reprendre la parole lorsque la milicienne fut plus rapide.

Son petit cœur se mit à battre plus vite lorsque cette dernière évoqua enfin les sergents, mais finalement, parla plutôt d'une autre coutilière, Elisabeth.
L'enfant baissa la tête en se mordillant la lèvre, mal à l'aise ; noya consciencieusement sa déception dans la soupe, dont elle avala de grosses goulées.

A dire vrai, elle n'avait guère de temps pour une poursuite d'objectifs - elle n'en avait pas, simplement. Elle n'avait aucun avenir, aucune issue... rien qui pouvait justifier quelques efforts que ce soit, au final. A part Louis, il lui sembla soudain qu'elle avait perdu tout espoir.
Néanmoins, elle répondit docilement à la question, après avoir avalé sa gorgée de soupe.

- "Je sais très bien broder, alors je fais beaucoup de couture, dame milicienne. Je nettoie aussi la vaisselle et le sol, je fais un peu la cuisine, mais je m'occupe surtout de veiller sur le feu. Je.."

Elle faisait passer de la drogue. Pratiquait l'usure, servait de messagère. Mais cela, Margaux ne pouvait le dire ; tout comme il semblait étrange, presque honteux, de révéler qu'elle savait lire, écrire et compter. Personne ne le savait, personne - et c'était angoissant de se dévoiler, même un tout petit peu.

- "Je sais jouer un peu de musique, mais... ce n'est pas important. Je sais presque tout faire, je porte aussi les plats aux clients."

La fillette eut un silence, puis ajouta d'une voix plus nerveuse :

- "J'aimerai bien apprendre à me défendre, mais je ne voudrais pas... je... c'est aussi dangereux... de savoir se défendre. Je ne crois pas avoir envie d'être bannie, Dame Claire. J'en ai pas envie du tout. En tout cas, je suis bien triste pour votre amie, j'espère qu'elle ira bien très longtemps. C'est difficile, dehors, je le sais bien. Je me demande... si vous avez connu... Enfin, j'ai-j'ai rencontré un milicien, une fois, il était, enfin, il est sergent en-encore, j'imagine... Je voulais savoir si vous aviez peut-être connu un sergent du nom de Philibert de Piana."

Elle s'était jetée à l'eau. Margaux avait du mal à respirer, avait envie de s'enfuir, mais l'envie était si forte, si dévorante d'entendre parler de son père, l'occasion était si exceptionnelle, qu'elle était prête à tout pour grappiller quelques miettes de souvenirs.

Elle planta ses yeux d'émeraude dans ceux de la jeune femme, oubliant même son lait qui refroidissait dans son verre. Père.. Père, comme elle l'aimait !

- "On ira, enfin, j'irai quand vous aurez terminé votre assiette !"
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyJeu 16 Juin 2022 - 20:08
Clervie soupira brièvement en constatant que la fillette semblait terrifiée à l'idée de riposter à une attaque, pensant que la milice la ferait bannir. Décidément, les femmes se voyaient tyrannisées de la pire manière et elle se demandait de plus en plus fréquemment si c'était vraiment là la volonté des Trois ou une interprétation complètement éhontée des Saintes Ecritures. Il ne lui semblait point que ceux-ci foudroyaient si fréquemment celles qui s'écartaient du chemin classique fille-épouse-mère. Sinon, que dire d'Elisabeth Blanchevigne ou de Morrigane d'Ascalon ? Et des quelques miliciennes qu'elle avait vues se distinguer ? Elles ne paraissaient point avoir été maudites !
Mais voilà qu'elle prononçait un certain nom qui n'était pas inconnu de Clervie, au point que sa question manqua de lui faire avaler son morceau de tourte de travers. Elle suffoqua un court instant avant d'attraper son gobelet de vin pour faire passer le morceau de pâte restée coincée dans sa gorge.
Le Sergent de Piana... Oh que oui, Clervie l'avait connu. Brièvement, mais oui.
Et elle lui avait fait défaut.

Marbrume 2 mai 1166
Après les Vigiles*

- Ca y'est, vous les avez faits partir, ces putains de mordus ?
- C'est fait, Coutilier ! dit Martinus, un conscrit à côté de Clervie.
- Bien, bien, bien. Rompez et tâchez de dormir un peu. Demain, y f'ra jour !
- Corbac, tu veux pas venir réchauffer ma paillasse ? lança quelqu'un.

Clervie le fusilla du regard :

- Non mais t'es pas bien, Abdon ? Des gens sont morts aujourd'hui ! Des tas ! Et toi, tu arrives encore à penser à ce genre de choses ? A vouloir, rire, forniquer ? Sérieusement, tu n'as pas honte ???
- Elle a raison, s'écria soudain quelqu'un. T'as pas honte, Abdon ?

Clervie sentit un certain soulagement l'envahir tandis que le dénommé Abdon se taisait et baissait brusquement la tête. Effectivement, ce soir-là, il était bien le seul à être assez déplacé pour oser faire une proposition à la jeune milicienne. Les autres n'avaient qu'une seule hâte, c'était de simplement s'endormir, et si possible après avoir descendu un peu d'alcool pour oublier les horreurs qu'ils venaient de voir. Ce n'était clairement pas ce soir qu'ils penseraient à quoi que ce fût de graveleux pour la plupart, sauf ceux qui ressentaient vraiment le besoin de taire leurs angoisses dans les bras d'une femme ; mais ceux-ci iraient plutôt voir les filles de joie, et rechercheraient sûrement davantage une oreille pour les écouter que la satisfaction de leurs pulsions.
Ils venaient de terminer leur purge des mordus par le quartier de Bourg-Levant. Clervie était encore écoeurée. Ils avaient dû séparer des familles entières, arracher des enfants des bras de leurs parents, séparer un homme de la femme avec laquelle il s'était marié la semaine dernière ; elle avait voulu le suivre, mais les larmes aux yeux, il avait refusé et l'avait exhortée à se déclarer veuve. Clervie avait failli joindre ses larmes aux leurs devant la beauté d'un tel amour. Mais elle était milicienne et elle avait aujourd'hui découvert l'un des aspects les plus ingrats de ce rôle. Le sort des mordus n'était point enviable et il n'y avait rien de plus déchirant que de voir leur détresse.

Clervie ne savait pas si elle arriverait à fermer les yeux cette nuit. Les différentes scènes auxquelles elle avait assisté lui avait empli l'esprit d'horreur. Elle ne pouvait s'empêcher de repenser au petit garçon mort pour n'avoir point atteint assez vite les barricades. Par les Trois, quelle atrocité que la fange !
Elle avait presque quitté le quartier de Bourg-Levant, quand soudain, un milicien arriva droit vers elle et sa coutillerie :

- Un incendie, vite ! Vers le quartier bourgeois !
- Oh bon sang, manquait plus que ça, gromella Abdon.
- On y va, hurla le coutillier. Vite vite, allez aider à éteindre le feu ! Vite !

Dès que Clervie sentit la fumée lui piquer les yeux et l'horrible odeur de souffre, son coeur se mit à battre à si grands coups qu'elle crut en mourir. Les jambes en coton, le souffle court, elle se força à avancer. Encore plus lorsqu'à travers le crépitement des flammes, il lui sembla entendre les hurlements d'un homme. Par les Trois, il y avait un pauvre homme coincé dans la maison !

- IL y a encore quelqu'un à l'intérieur ! hurla-t-elle. Il faut le sauver !
- Par les Trois ! s'écriait quelqu'un d'autre. C'est la maison du Sergent Piana ! Vite, il faut nous dépêcher !

Clervie courut vers la bâtisse. Une haute colonne de feu projetait déjà des lueurs ambrées dans le ciel de la nuit. Les flammes orangées étaient hautes... Si hautes... Un nouveau glapissement se fit entendre alors qu'une horrible appréhension lui tordait l'estomac. Non, elle ne pouvait pas y aller... Allez, fais un effort ! s'ordonna-t-elle. Tu peux encore le sortir de là... Non, non, non, non...
Une violente douleur lui frappa soudain l'estomac, une nausée la parcourut, elle tomba à genoux et hurla comme jamais elle n'avait hurlé. Ce n'était plus une maison en flammes, c'était maintenant un bûcher qu'elle voyait sous ses yeux et l'homme qui hurlait au milieu, c'était Alaric, son frère...
Un frisson glacé lui parcourut le corps malgré l'aura brûlante. De violents spasmes la secouèrent alors qu'elle était prisonnière de sa vision dantesque. Alaric, son frère si jeune et si beau, la peau qui se détachait peu à peu de ses os. Son hurlement de douleur, si long, qui mit si longtemps à se taire...

- ALARIC ! ALARIC ! NOOOOOOOOOON !
- Par les Trois, la Corbac est devenu folle ! entendit-elle quelqu'un crier.

Une énorme paire de gifles. Puis ce fut le trou noir.

Lorsqu'elle se réveilla, elle était au temple. On lui raconta qu'elle s'était évanouie juste devant la maison après avoir hurlé de panique. L'un des conscrits avait alors pensé que Rikni avait frappé Corbac d'une malédiction et l'avait amenée au temple, craignant qu'elle ne contaminât les autres camarades. Le Sergent Piana était mort. Personne n'avait pu le secourir à temps.

J'aurais pu l'aider. Pourquoi j'ai été aussi lâche ? Pourquoi j'ai reculé ?


Clervie voyait que sa jeune interlocutrice semblait impatiente d'avoir une réponse. Etait-elle de sa famille ? Dans tous les cas, il valait mieux pour elle savoir la vérité.

- Je l'ai connu brièvement oui. Il a été mon instructeur quand je suis arrivée à la milice en avril de cette année là. Début mai, malheureusement, il a péri. Un incendie, à Bourg-Levant. Nous... n'avons rien pu faire pour le sauver.

Elle baissa soudain les yeux. Une effroyable culpabilité refluait, lui déchirant les entrailles.

*Minuit
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptySam 18 Juin 2022 - 22:32


Margaux s'arrêta de manger. La nourriture avait un goût de cendre dans sa bouche, et elle resta un instant interdite, les yeux dans le vague.
Elle revoyait l'incendie comme si cela s'était passé la veille, sentait presque l'odeur de la fumée qui s'élevait ; et par-dessus, elle ressentait encore la douleur aigue de son genou. Les hurlement de son petit frère. Le corps de sa mère, dans son lit, celui de son père, étendu sur le sol.

Les larmes menacèrent de déborder, envahirent ses prunelles, et elle détourna la tête fermement.

Dans un sens, cela lui faisait chaud au cœur de savoir que la milice avait tenté de le sauver, mais la petite fille savait, au tréfonds d'elle-même, qu'il n'y avait jamais eu personne à sauver des flammes.

Elle émit un petit soupir, posa doucement la main sur celle de Clervie, très lentement. Elle n'arrivait plus à sourire, à réfléchir clairement, et finalement, elle se redressa.
Elle se sentait stupide d'avoir forcé la milicienne a parler de son père : désormais, la petite noble se sentait au bord de défaillir, et de s'effondrer en sanglots.

Mais il fallait rester forte. Le visage de Louis, sa sauvegarde, sa vie l'obsédait depuis qu'ils avaient été kidnappé, et plus que jamais, elle fut résolue à serrer les dents, à garder une certaine contenance.

- "Je... je trouve que c'est..."

Elle ne put pas insulter son pauvre père. Malgré sa volonté de rester forte, malgré la pointe de colère qu'elle ressentait en songeant qu'il aurait dû laisser les Rabatteurs, les hommes du Sanglier, dévaliser la maison, elle ne pouvait dévaloriser ce chevalier, ce géniteur qu'elle idéalisait et adorait benoîtement dans la mort.

- "C'est la vie. Qu'Anür veille sur son âme et celle de sa famille."

Elle avait forcée une voix dure, presque coupante, avant de reprendre la parole, après une seconde de silence.

- "Oui, c'était presque un inconnu. Il a .. brièvement été bon envers moi. Bref... si vous voulez, je vais aller seule à la maison. Dites-moi juste ce que je dois chercher. Et je rapporterai des preuves. Je serai récompensée par la Milice ?"

L'enfant avait absolument besoin de penser à autre chose. C'était une erreur monumentale d'avoir voulu parler de Lui, d'avoir voulu éveiller des souvenirs qu'elle n'aurait pas dû évoquer. Il fallait tracer son chemin, et surtout protéger Louis. Voilà l'unique mission qu'elle s'était fixée, envers et contre tout, en oubliant toute conséquence.

Alors elle s'obligea à sourire, bien qu'il fut un peu faux, et à se tenir droite, pour faire face à sa mission.

- "Il ne faut plus penser à tout ça. Le feu avait déjà... Le feu... qui peut éteindre un feu quand il a beaucoup pris ? Tout le monde sait que les gens meurent avant. On devrait s'cencentrer sur ce kidnappeur d'enfants. Je vais trouver un moyen de l'amener ici. Il faut juste trouver un plan. Je peux... Dire que je suis envoyée par des amis à lui et qu'on lui a trouvé des enfants, et qu'ils sont enfermés dans la cave, ici. Et ensuite, vous pourrez l'arrêter ?"

Elle hocha résolument la tête.

- "Qu'en pensez-vous ?"
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyDim 19 Juin 2022 - 15:49
Clervie se sentit troublée lorsque la petite Margaux lui prit la main. Elle semblait vraiment très affligée, ses lèvres crispées comme si elle allait se mettre à pleurer. Par les Trois, ne me dîtes pas qu'il était de sa famille !
Fort heureusement, elle rassura Clervie en assurant qu'elle ne l'avait connu que brièvement. Elle ne fut pas surprise d'apprendre que ce sergent eût pu être bon envers la fillette. Elle avait peu connu l'homme, mais il lui avait en effet semblé être quelqu'un de plutôt intègre.
La petite fille semblait de toute évidence vouloir changer de sujet. Elle demanda si elle pouvait s'attendre à une récompense. Et Clervie fut hallucinée de voir les risques qu'elle était prête à prendre. Elle avait déjà un plan, mais qui semblait si dangereux que la jeune femme sentit son coeur bondir. Elle venait de sauver des garçonnets, ce n'était clairement pas pour mettre la vie d'une petite fille en danger !
Aussi, alors qu'elles achevaient leur dernier morceau de tourte, Clervie finit par répondre :

- Ne crois pas que je vais te laisser prendre un risque pareil. Déjà, ton excuse ne sera pas crédible. Excuse-moi de te le dire, mais tu n'as pas l'allure assez félone pour cela.

Elle marqua une pause :

- Mais cela dit, tu as raison, tu seras la mieux placée pour t'introduire chez lui et ramener les preuves. Voici ce que nous allons faire. Nous allons rendre ensemble à sa demeure. Je vais me cacher. Tu vas frapper à sa porte et disparaître avant qu'il n'ouvre, comme si tu voulais juste lui faire une farce. S'il n'ouvre pas la porte, nous réitérerons l'expérience une deuxième fois ; si personne ne répond, cela signifiera que la maison est vide et que notre kidnappeur est sorti.

"Alors, tu en profiteras pour t'introduire chez lui par une fenêtre ; tu es mince, et je peux te porter, même si je me doute que ce ne sera pas forcément facile avec ta jambe. Tout dépend de la manière dont l'appui est fait. Il va falloir non seulement que tu trouves le fameux masque, mais essaie aussi de rapporter tous les éventuels parchemins ou autre traces écrites ou dessinées que tu trouveras. Il n'est pas exclu qu'il ait contact avec des gens... haut placés. Nous avons deux ou trois personnes à la milice qui savent lire et pourront examiner ces documents."

Elle marqua une pause :

- C'est uniquement après cela que je pourrai l'arrêter. Car pour ce genre de personne, il faut des preuves. Si nous ratons notre coup, non seulement il pourrait s'en sortir, mais s'il a contact avec d'autres serviteurs d'Etiol, il pourrait les prévenir, et ceux-ci risqueraient de se cacher et d'être impossiblees à trouver par la suite. Est-ce que ce plan te paraît réalisable ? Tu m'aideras déjà beaucoup en me montrant sa maison, mais je te ne te ferai pas risquer ta vie si je peux l'éviter. Je veillerai sur toi jusqu'au bout.

En prononçant cette phrase, elle plongea son regard d'obsidienne dans les yeux verts de la petite avec grande douceur. Clervie la trouvait si courageuse de supporter ainsi sa situation... Elle-même avait été plus lâche lorsqu'elle avait perdu sa famille, à se terrer durant un an chez Rosaline...
Aussi, en même temps qu'elle parlait, se promit-elle à elle-même de ne rien laisser arriver à cette enfant, quitte à y laisser la vie si nécessaire.
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyLun 20 Juin 2022 - 22:42


Margaux, la gorge toujours serrée, ses petits poings crispés, essayait désespérément de penser à autre chose. la vérité était que malgré la douleur, elle était avide de tous les petits détails que son interlocutrice devait savoir de lui, même en une seule lune de relation - mais elle savait aussi que c'était dans son intérêt de repousser son image, de penser à autre chose.

Alors elle se cala dans sa chaise, en se forçant à terminer sa part de tourte, car rien ne garantissait qu'elle en aurait rapidement à nouveau, et écouta attentivement la milicienne. Elle hocha la tête plusieurs fois, avec détermination, se détendit un peu. Elle savait lire - et dans cette mission, cela pourrait s'avérer utile, très utile.

Une lueur de joie étreignit son cœur. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas eu cet immense privilège : et rien que pour ce petit moment de gloire, elle était prête à risquer beaucoup. Après tout, elle avait été grassement payée, alors étais-ce vraiment le moment de faire la fine bouche ?

- "Votre plan est bien mieux que le mien, dame milicienne. Je comprends qu'il nous faut rassembler des preuves, et aussi qu'il vous faut arrêter les serviteurs d'Etiol, qui sont ses complices. Je... Je ne veux pas qu'un autre petit garçon meure parce que j'aurai mal fait mon travail. Il faut que cela cesse, c'est.. une horrible hérésie."

Les yeux dans ceux de l'adulte, la sœur du chevalier de Piana fut étonnée par la douceur et la compassion qu'elle y lut. C'était si bon quand quelqu'un veillait sur soi ; elle lui offrit un sourire confiant, naïf, se redressa enfin, en brisant le contact.
Il fallait bien y aller de toute façon ; aussi fit-elle signe à sa nouvelle amie de la suivre, avant de boiter jusqu'à la porte résolument.

Elles se trouvèrent bientôt dans la rue, où l'enfant progressait lentement et avec effort. Mais elle était habitée, et, sans se plaindre, elle se mit au contraire à sourire largement.

- "Je n'ai jamais aidé à résoudre d'enquête, et encore moins quelque chose d'important, vous savez. Je sais que c'est très dangereux, mais bien que je ne sache pas tenir l'épée, je suis presque une apprentie milicienne ! Et puis, c'est la moindre des choses. J'ai eu salaire."

Elle fanfaronnait beaucoup, mais la situation lui donnait une force nouvelle. Cette femme avait été en partie entrainée par Père : alors elle ne pouvait qu'être une femme adroite et intelligente.
Elle s’essoufflait vite sur le trajet, en marchant sur les pavés disjoints. Ce fut presque plus facile lorsqu'elles atteignirent la boue fétide des ruelles du Goulot - mais, toujours peureuse de rencontrer ses "protecteurs", la petite fille fit tout de même un gros détour, en veillant à passer dans des rues fréquentées. Elle salua d'ailleurs les prostituées au passage, et au bout de plusieurs minutes de trajet, elle s'arrêta, désigna une petite maisonnette aveugle et décrépie. La façade même se désagrégeait en partie, et elle déglutit de terreur. Dire qu'elle était allée déposer de la drogue à ce kidnappeur d'enfants ! Combien d'enfants avait-elle contribué à sacrifier ?

La culpabilité l'envahit. C'était littéralement un monstre, et elle aurait pu être sa victime !

- "C'est ici, regardez, la quatrième maison à droite."

Elle réalisa brusquement que les Rabatteurs étaient peut-être dans le coup ; ou qu'en tout cas, ils avaient pu croiser des complices de l'ordure. Mais bien sûr, la petite fille ne pouvait pas le révéler, et jamais le gang ne voudrait parler pour une milicienne.

- "Alors... allons-y..."

La peur niché au fond de son ventre, elle s'obligea à se placer au niveau de la maisonnette, à reprendre son souffle, la main sur son genou raide et douloureux.
Si l'homme ouvrait, il la reconnaitrait !
Margaux rougit jusqu'à la racine des cheveux, emplie d'une honte mordante, regarda la milicienne. Il ne fallait pas, surtout pas passer pour une complice ! Alors elle murmura rapidement, tandis qu'elle levait la main pour frapper à la porte :

- "Je-je.. J'ai .. je suis livreuse.. alors c'est comme ça.. qu-que je le connais."
Elle était une criminelle ! C'était décidément horrible - et comme pour conjurer le sort, la noble déchue frappa à la porte, avant de se jeter contre un muret, à quelques mètres de l'ouverture.
Un grand soupir s'échappa de ses lèvres quand la demeure resta silencieuse, et jeta un coup d'oeil à sa complice.

- "Passons.. passons par la fenêtre. Vous savez, je-je crois... Il.. fait appel à des gangs... pour se faire des affaires."
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyMer 22 Juin 2022 - 14:40
Au Goulot, la misère était à chaque coin de ruelle, à chaque porte de logement. Margaux et Clervie se déplacèrent à travers ce royaume de la déchéance humaine, croisant des prostituées au sourire triste, des mendiants aux yeux hagards, et des enfants aux membres osseux. Mais Clervie avait appris à vivre en voyant ces horreurs. Plus d'un an en tant que milicienne l'avait endurcie, même si elle n'avait jamais perdu son bon coeur.
Elle remarqua cependant que sa petite camarade semblait beaucoup plus nerveuse. Sans doute avait-elle peur derrière sa bravade, et cela était normal. Clervie se sentait d'ailleurs presque coupable de lui demander ainsi de l'aide, mais elle n'avait guère le choix si elle voulait avoir une chance de voir boucler cette enquête et mettre des bâtons dans les roues de la secte d'Etiol pour au moins un temps.
Même si impliquer une enfant dans cette mission ne lui plaisait pas.
Elles arrivèrent effectivement devant la demeure de l'homme et Margaux fit donc le test de la frappe. Ce fut là que soudain, elle se confessa ; elle avait vendu de la drogue et des herbes à cet individu. Elle avait dit cela en bégayant.

- Oui, il est temps d'y aller, dit Clervie alors que la gamine se dirigeait vers la fenêtre. Mais avant cela, j'aimerais te dire une dernière chose.

Elle prit la petite par les épaules pour la regarder droit dans les yeux :

- Margaux, si des adultes t'ont forcée à faire des choses répréhensibles, ce n'est pas de ta faute, d'accord ? Tu es une petite fille très courageuse. En m'aidant, tu vas réparer le mal qu'ils ont pu faire. On s'occupera de ces gangs. Garde bien cela à l'esprit et ne t'inquiète de rien. Que Rikni te protège !

Elle caressa tendrement les cheveux roux de la petite et la lâcha.

Elles approchèrent du mur de la maison. Une fenêtre couverte par une vieille tenture d'un gris crasseux était en effet accessible, pour peu que l'on disposât d'une échelle... Ou d'une grande personne pour se faire porter jusque là.
A l'époque où Clervie était encore une jeune demoiselle du château de Sombrelune, ses hanches et ses épaules un peu larges pour la moyenne l'avaient complexée ; elle craignait qu'on lui trouva des allures de paysanne, qu'on la trouvât laide. Aujourd'hui, elle bénissait cet atout physique.
Elle souleva la fillette avec aisance et l'aida à se mettre debout sur ses épaules :

- Là, Margaux. Ca devrait aller. Vas-y, n'aie pas peur. Si tu glisses, je te rattraperai. Tu vois comme je suis forte ?


En réalité, c'était plutôt que la fillette était tellement en sous-poids qu'elle était légère comme une plume, mais Clervie savait que ce n'était pas le moment de lui rappeler cela. Finalement, elle sentit les pieds de sa jeune amie quitter ses épaules, signe que la fillette avait trouvé un point d'appui et réussi à s'introduire dans le logis. Le coeur battant, elle attendit.
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyLun 27 Juin 2022 - 9:18


Lorsque l'adulte la prit par les épaules, Margaux eut un geste instinctif de recul. Durant quelques secondes, elle trembla que la milicienne l'arrête, la frappe, l'insulte ; mais à son grand étonnement, il n'y eut que des paroles de réconfort. Alors ses joues se colorèrent de rouge, et elle puisa beaucoup de forces dans ces paroles qui paraissaient sincères. A dire vrai, peu importait si elle y croyait "en vrai" ou non : c'était simplement beau de pouvoir penser que la milice ferait de son mieux pour dissoudre les gangs. Père aurait-il fait de même ? Là encore, la fillette en était certaine, même si elle savait, au tréfonds d'elle-même, qu'il s'agissait seulement d'un joli conte qui lui permettait de ne pas affronter la vraie réalité, de préserver un peu d'espoir.

Alors l'enfant sourit à son interlocutrice sans un mot, savourant pleinement la brève caresse, puis s'approcha de la fenêtre, qui était située très en hauteur vis à vis de sa taille d'enfant. A son tour, la jeune femme la souleva, ne put s'empêcher de la faire rire, tandis que la fille du sergent cherchait ses appuis et s'introduisait finalement dans ce qui semblait un petit salon, qui faisait cuisine et salle à manger.
Tout était pouilleux, comme dans ses souvenirs, et sentait le renfermé. Dans un coin, des cafards semblaient chercher des miettes de pain autour d'une marmite en fonte suspendue dans un âtre éteint.
Avec précaution, la petite fille grimpa à l'étage, en grimaçant lorsque les marches craquèrent sous sa démarche maladroite ; mais elle continua son chemin, déterminée à voler tous les papiers qu'elle trouverait.

Arrivée en haut, Margaux se dirigea aussitôt vers le bureau. Plusieurs bougies à moitié fondues semblaient disséminés au hasard sur le meuble vermoulu, montées sur des bougeoirs de vermeil, coinçant plusieurs parchemins en dessous.
Elle lut rapidement quelques mots qui l'épouvantèrent - cet homme évaluait des expérimentations faites sur des enfants, et prenait note de leurs "livraisons" dans sa cave... D'une main tremblante, elle ramena une brassée de papier dans ses petites mains, fit tomber un bougeoir, sentit son cœur battre la chamade, tandis qu'elle entendit grincer l'escalier.

- "Dame Claire ?!"

Soulagée de la voir, la noble se précipita vers l'escalier.

- "J'ai trouvé plein d..."

Elle écarquilla les yeux, recula précipitamment, se cassa la figure sur le planche, relâchant tout ce qu'elle avait en main. Deux hommes lui faisaient face avec des couteaux, en souriant de manière narquoise tandis qu'ils la jaugeaient en haut en bas.

- "Une cambrioleuse infirme, ça alors, j'avais jamais vu ça ! Inutile pour tes employeurs, mais heureusement, tu seras utile pour nous. Viens, on va t'faire chanter, tu vas voir !"

Ils la saisirent de force, alors que la petite fille se débattait comme une diablesse - mais avec une facilité déconcertante, ils lui firent descendre l'escalier, tandis qu'elle se mettait à crier, durant quelques secondes. Immédiatement bâillonnée par deux mains fermes qu'elle ne se priva pas de mordre, ils l'entrainèrent finalement à la cave, où une douleur très forte au niveau de la nuque ne manqua pas de la faire sombrer dans les ténèbres.
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MessageSujet: Re: Le passé ne brûle jamais [Margaux]   Le passé ne brûle jamais [Margaux] EmptyLun 27 Juin 2022 - 18:51
Cela faisait déjà un bon moment que Clervie attendait et il lui semblait notamment avoir entendu un bruit étouffé comme s'il y avait eu une bagarre. De plus, son intuition lui hurlait que contrairement à ce qu'elles avaient pensé au premier abord, la maison n'était point vide. Aussi ne balança-t-elle pas sur la conduite à tenir.
Elle avisa plus loin dans la ruelle un tas de caisses vides à côté d'une échoppe. Elle en saisit une et la posa sous la fenêtre. Ca serait branlant, comme piedestal, mais suffisant. Elle se dépêcha d'y monter, attrapa habilement l'appui, et se souleva.
La meurtrière était menue, et Clervie craignait de ne pouvoir y passer les épaules. Elle dût se mettre légèrement en biais, mais cela fonctionna. Par chance, l'entraînement martial de la milice et les repas nettement moins copieux que du temps où elle vivait au château de Sombrelune l'avaient rendue agile.
Une fois à l'intérieur de la pièce, elle se rendit compte qu'il s'agissait d'une pièce à vivre avec un coin cuisine où une vieille marmite reposait. Mais plus loin, un escalier menait à un autre étage.
Elle tira son épée et monta prudemment les marches.
Lorsqu'elle fut arrivée sur le pallier, elle vit aussitôt les parchemins éparpillés partout, comme si quelqu'un les avait laissés tomber. Elle n'eut qu'à parcourir la première ligne du premier pour comprendre ce qui se passait. Il n'y avait plus de doute, l'enfant avait été capturée.

Par les Trois... Margaux !


L'estomac brusquement incendié par l'angoisse, son coeur faisant un bond dans sa poitrine, Clervie amorça sa descente dans les escaliers. Et se figea en entendant une voix.

- Voilà, cette sale petite fouineuse est enfermée avec les autres chiards ! Je me demande d'où elle sortait...
- Moi j'pense qu'elle est passée par la fenêtre, répondit le comparse. Si elle était arrivée par la porte d'entrée, on l'aurait vue, nan ?
- Pas si elle est arrivée pendant qu'on était en bas. T'as vu comme elle boîtait ? Comment tu penses qu'elle aurait pu grimper ?
- Quelqu'un l'aurait p'têt aidée...
- On va vérifier cela tout de suite. Le patron sera furieux s'il apprend que quelqu'un se mêle de ses affaires...

Clervie comprit que l'un des bandits allait sûrement monter, si ce n'était les deux. Elle remonta furtivement les quelques marches qu'elle avait descendues et rengaina son épée; elle la gênerait plus qu'autre chose vu l'étroitesse de la pièce. Elle tira plutôt son fidèle stylet de son corset. Elle entendit quelqu'un monter les escaliers. Un homme seul, pas de mystère. L'autre devait être resté en bas. Une aubaine.
Comme avant chaque combat, Clervie sentit la morsure de l'adrénaline pénétrer ses veines ; son estomac se comprima ; ses jambes se liquéfièrent légèrement ; son coeur devint comme lourd, ses battements se firent plus puissants. Son souffle devint légèrement plus saccadé. Elle avait appris à aimer cette sensation venue de la peur, à l'accueillir comme un baiser venu de Rikni elle-même, ayant constaté que ses réflexes et sa force se voyaient décuplés. Aussi, lorsque sa cible eût atteint le pallier, elle se jeta sur elle à la vitesse de l'éclair, la plaquant sauvagement au sol, le style traçant un léger sillon sur la gorge de l'homme.

- Un mot, un cri ou un seul geste suspect, et tu es mort, chuchota Clervie. Vous êtes combien dans cette baraque ?
- T... Trois, articula le maroufle.
- Qu'est-ce que vous faîtes avec les gamins ?
- Des tests... pour des herbes...
- Espèce de sale enfant de catin, siffla Clervie.

Ivre de colère, elle ne le tua cependant pas, se contentant de l'assommer proprement d'un coup du pommeau de son poignard dans la tempe. Ce bâtard allait avoir pas mal de choses à raconter à la milice. Elle allait remonter dans la chambre pour y déchirer un drap afin d'en faire une corde pour attacher son prisonnier quand des bruits de pas précipités se firent entendre derrière elle. Visiblement, l'autre compère s'était doutée que quelque chose n'allait pas.

- Espèce de sale petite pute !

Il avait un tison à la main. Clervie se jeta sur le côté, évitant de justesse le coup qui l'aurait assommée. L'instant d'après, elle tirait son épée courte, s'en servant pour parer le prochain coup. Un claquement de métal retentit lorsque les deux armes s'entrechoquèrent. Elle effectua un pas sur la gauche, feintant son agresseur. L'instant suivant, elle donnait un coup de pied dans un tabouret, le jetant droit dans ses jambes. Déséquilibré, le larron tomba lourdement sur le sol, lâchant son arme improvisée. L'instant suivant, Clervie lui enfonçait son épée courte entre les côtes. Il mourut en crachant du sang.

- Que les Trois te pardonnent, maugréa la jeune femme en rengainant.

L'instant suivant, elle se ruait dans les escaliers, décidée à descendre jusqu'à la cave. Elle en avait oublié le bandit qu'elle n'avait fait qu'assommer, tant elle était inquiète pour Margaux et craignait de ne pas arriver à temps pour lui éviter d'être tuée ; après tout, elle ne savait pas où se trouvait le troisième bandit évoqué.
Par chance, s'ils avaient fermé la porte à clé, ils l'avaient laissé dans la serrure ; Clervie n'eut aucun mal à l'ouvrir.

- Margaux ! Margaux !
appela-t-elle en descendant les marches.
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