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 Un homme de foie pour un homme de foi

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Almère
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MessageSujet: Un homme de foie pour un homme de foi   Un homme de foie pour un homme de foi EmptyMer 2 Nov 2022 - 18:51
27 avril 1167,
Le Goulot,
Almère,

La crasse contre ses bottes et un filet de bave rougeâtre autour de sa main. Une autre magnifique journée à Marbrume. Al resserra son poing et le dressa de nouveau. Un borborygme plaintif échappa à la gorge écrasée de sa victime, qui éructa une dernière gerbe de sang. Le coup suivant lui enfonça ce qui restait de l'arête du nez dans la caboche, le réduisant au silence et enfonçant un peu plus le corps dans l'eau noirâtre et boueuse qui faisait son lit à travers toute la rue. Difficile de croire que le type était mort autrement que sous une avalanche de phalanges, mais Al ne louperait pas une occasion. Il écarta légèrement le pourpoint de cuir du type, tira de son carquois une flèche qu'il encocha péniblement et, les yeux plissés, la langue légèrement tirée, dirigea la pointe vers le cœur. L'arc était plié, non, bandé ! C'était ça, bandé. La flèche était pointée vers le type. Il avait fait le "truc des trois doigts", pour tenir bien la corde et la hanse, ou la hampe, le bout qui n'était pas pointu. Ça devait fonctionner.

Il lâcha et la flèche se figea sèchement dans le torse inanimé. Retenant un petit cri d'exultation, il passa son arc en travers du torse et sortit de la ruelle d'un pas triomphant, boiteux certes, mais triomphant. Il avait pris un sale coup à la jambe, mais ça ne l'arrêterait pas. Abattre un type participerait à sa réputation à venir. En émergeant dans la rue à peine plus large, il s'assura de bousculer deux gamins, attirer l'attention de quelques enfants de salauds. On trouverait vite le corps, avec une flèche enfoncée en plein cœur, un ouvrage précis, délicat, maitrisé. Le visage avait subi un ouvrage nécessairement moins subtil, mais il pourrait toujours dire qu'il s'était défoulé après l'avoir tué. Il n'était pas connu pour un tempérament tendre, et de toute façon, le macchabée n'irait pas raconter sa version de l'affaire. C'est l'avantage des morts, personne à qui parler.

Sauf Rikni, il imaginait.

Il déambula, franchit quelques ruelles, manqua de peu de trébucher sur un cadavre encore frais et creva presque sa botte. Dans la fange qui composait le sol du quartier, il s'en passerait volontiers. Haussant sa foulée pour franchir une rue où la tourbe était plus profonde que d'usage, il émergea dans une artère légèrement plus large, sans trop savoir où sa foulée le menait. Comme d'usage. Probablement vers un autre meurtre et d'autres pistoles. En fin de compte, il ne lui en f-

Le cri qui interrompit son errance était un cri de salvation. Un homme sûrement ivre depuis des heures mais rassasié depuis quelques instants à peine, bol en main, louant les vertus d'un grand vieillard. Pas juste un vieillard, non. D'un pas mal assuré, Alrème s'approcha. Il y avait quelque chose, dans le regard doux et aiguisé de l'homme, l'acuité d'un homme qui portait tant qu'il offrait la foi. Quelque chose dans sa voix, alors qu'il incitait affamés et égarés à approcher, qui portait une résonnance autre. Une "simple" ferveur authentique, peut-être. Ou quelque chose de plus.

Le presque-archer atteint l'un des jeunes initiés sans même le remarquer. Il ne broncha pas lorsqu'une ample louche de bois vint à remplir un bol qui lui fut aussitôt tendu. Almère était affamé, fatigué et, aussi bénigne soit la douleur, blessé. Mais c'était un autre besoin qu'il venait étancher ici.
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Gauhar LanisPrêtre de Rikni / Purificateur
Gauhar Lanis



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MessageSujet: Re: Un homme de foie pour un homme de foi   Un homme de foie pour un homme de foi EmptyJeu 3 Nov 2022 - 14:39
Des nuages gris gonflés de pluie, qu'ils peinaient à retenir comme un puceau qui offrait sa fleur à une catin experte, s'amoncelaient au-dessus de la cité. L'astre du jour ne parvenaient à percer cette épaisse couverture nuageuse que par de rares trouées éparses. Ils semblaient tellement loin les jours où le soleil réchauffaient les coeurs gelés des habitants affamés du Goulot.

À défaut de beau temps, ce serait une soupe de choux et de carottes qui réchaufferaient les corps des nécessiteux. Investissant une petite grange aux poutres vermoulues, Gauhar avait utilisé l'aumône de quelques riches mécènes en quête de bonnes actions pour remplir l'estomac des pauvres. Il goûtait l'ironie de la situation avec une certaine délectation. Un jour, ces crève-la-faim, qu'on ignorait cordialement depuis l'Esplanade, auraient suffisamment de forces pour aller réclamer leur vengeance contre la noblesse corrompue, Roi en tête, et c'est leur argent sali par leur vanité qui en serait la cause.

Aldebert et Joseph avaient apportés une marmite depuis laquelle une odeur légèrement âcre s'échappait. À défaut d'être un festin, cela tiendrait au corps et permettrait aux plus pauvres d'envisager un lendemain à leur vie morne. Des braves types ces Aldebert et Joseph, cons comme des portes, mais serviables et surtout influençables. Deux frangins que Gauhar avait soigné et nourri il y a quelques mois alors qu'ils étaient à moitié crever dans le caniveau. Depuis, ils le suivaient dans ses bonnes oeuvres en vantant les mérites du vieux barbu. Un jour, ils feraient de bons lieutenants menant la purge de la cité. Pour le moment, ils faisaient de bons marmitons et c'était bien assez.

Gauhar agita une cloche ébréchée qui tinta d'un bruit désagréable mais qui n'empêcha nullement les démunis de s'attrouper autour de la bâtisse en piteux état. Juché sur un abreuvoir retourné, le prêtre tentait d'organiser le groupe d'affamés en ouvrant les bras.

Mes amis ... MES AMIS ! ... Un par un, je vous prie ! Enfants, femmes enceintes et vieillards en priorité !

Déjà les gens jouaient des coudes. La faim faisait ressurgir l'animal qui sommeillait en chacun. Fronçant ses sourcils broussailleux, Gauhar prit une grande inspiration pour faire tonner sa voix grave et asseoir son autorité.

Cessez de vous conduire comme des chèvres se rendant à la traite !! Si chacun respecte sa place, vous serez servi plus vite par les Trois !

Omettre de citer son véritable Dieu lui créait des aigreurs d'estomac à chaque fois, mais il se devait de ménager les oreilles trop habituées aux prêches locaaux. Un jour, il se révèlerait ; lorsque ses ouailles seraient assez mûres pour entendre et comprendre.

Offrez-vous le respect que ceux d'en-haut ne vous offrent pas ! Cha-cun-son-tour !

L'index du vieux prêtre s'était pointé, accusateur, vers les hautes terrasses des quartiers nobles. Après une rumeur étouffée qui serpenta dans la foule, elle s'organisa en une file de mals nourris à la tête baissé, comme des garnements pris sur le fait. Gauhar déscendit de son perchoir avant qu'une chorégraphie bien organisée se mette en oeuvre. Joseph tendait un bol à Aldebert que ce dernier remplissait d'une louche de soupe. Le contenant fumant était alors donné à la personne dans la file qui pouvait aller se remplir la panse sous le regard déterminé d'un Gauhar qui grommelait une bénédiction en hochant la tête à chaque remerciement qu'on lui lançait.

Lentement mais sûrement, le bruit de la louche plongeant dans le potage fut remplacer par celui de la sucion alors que les malheureux avalaient leur repas. Gauhar dut aider une vieille femme bossue qui parvenait à peine à avancer avec sa canne tordue. Il accompagna la vieillarde jusqu'à l'abreuvoir qui lui avait servi de chaire quelques instants plus tôt et posa le bol fumant à ses côtés avec un sourire bienveillant. Intérieurement, l'envie de briser comme un brin de paille cette vieille chose inutile le tiraillait. Elle avait vu bien trop de jours dans ce bas monde et les Fangeux l'avaient épargnés bien trop longtemps. Son esprit avait encore assez de lucidité pour lui faire réaliser qu'il serait mal vu de faire ça devant témoins.

Alors qu'il se redressait, déployant sa longue carcasse, il remarqua du coin de l'oeil un homme sale, boitant jusqu'à la file pour venir remplir son ventre. Il possédait une de ces trognes remarquables, même au milieu des visages défformés par la petite vérole et la famine. Une mine à la fois pathétique et patibulaire, de celle qu'il avait trop souvent vu sur la tête des soldats qui avaient passés trop de temps à "sécuriser" les abords de la Cité. Entre deux mots bénissant le repas des miséreux, il suivit du regard le nouvel arrivant. Une fois ce dernier servi, le prêtre s'avança calmement vers l'homme qui s'éloignait de la marmite pour trouver un coin où engloutir sa soupe.

Eh bien l'ami, c'est une sale blessure que tu as là. Me laisseras-tu t'examiner ? Les infections sont véloces dans les environs et j'imagine que tu préfèrerais garder ta jambe pendant quelques années encore !

Un sourire aimable illuminait le visage parcheminé de Gauhar, s'efforçant de se livrer à la comédie qui faisait son quotidien.
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MessageSujet: Re: Un homme de foie pour un homme de foi   Un homme de foie pour un homme de foi EmptyDim 6 Nov 2022 - 20:35
Le bol en main, le pas toujours hésitant, Al s'efforçait de trouver un coin de terre un peu solide où se remplir l'estomac lorsque la voix du prêtre trancha l'air. Il se retourna, lentement, pour contempler le franc sourire qui était apparu sur le visage de son nouvel interlocuteur. Un homme pieux et visiblement généreux. Almère ne pouvait prétendre à un discernement sans faille, mais il lui était évident que c'était un homme qui voulait laisser le monde meilleur qu'il ne l'avait trouvé.

Ce... Ce s'rait bienvenu, mon Père. Je préférerais ne pas m'en séparer.

Il tituba finalement vers une poutre abattue qui avait conservée juste assez d'intégrité pour servir de siège à une stature comme la sienne. Un type hagard le frôla de trop près et Al se crispa, sa main frémissant l'espace d'un instant. Il avait retenu un coup, de justesse, réalisant que ce serait malvenu en telle compagnie. Le croulant disparut aussitôt dans la foule de crapules et de miséreux qui se trouvaient presque indistinguables aux yeux d'un non-initié.

Prenant place, il s'efforça d'ignorer le grincement plaintif du bois et remonta prudemment une jambe de ses braies, dévoilant sa cheville amochée. Le souvenir du plancher vermoulu, des éclats de bois volant autour de lui, le choc après la chute, lui revinrent en un instant, une brève contrariété traversant son regard. Il se rappelait aussi du poids du type inconscient qui reposait alors sur lui. Ce soir, il aurait matière à boire.

Il reporta sa pleine attention vers le prêtre, détaillant son visage de plus près sans vraiment se cacher. Pas le genre de la maison, se cacher, quoi qu'il raconte quant à des prétendues flèches surgies de nulle part.

C'que vous faîtes ici, c'est pas la première fois, non ? J'ai entendu parler de distributions comme celle-là. Pourquoi vous le faîtes ?

Il n'avait aucun mal à croire à l'altruisme de l'homme d'église, mais y avait-il là une intention seconde ? Une tentative de ressusciter la foi de ceux qui doutaient, ou de leur rappeler les devoirs qu'ils avaient envers la Trinité et l'Église ? Il prit une première lampée de son bol, appréciant la chaleur du potage après le début de journée glacial et mouvementé auquel il avait eu droit. Et puis, il y avait du chou là-dedans et Almère aimait bien le chou. Il avait intérêt, en fait, dans le Goulot.
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Gauhar LanisPrêtre de Rikni / Purificateur
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MessageSujet: Re: Un homme de foie pour un homme de foi   Un homme de foie pour un homme de foi EmptyMar 8 Nov 2022 - 17:05
Ce... Ce s'rait bienvenu, mon Père. Je préférerais ne pas m'en séparer.

Il avait peut-être une trogne de fossoyeur mais au moins semblait-il avoir plus d'intellect. Un bon point pour l'inconnu boiteux ! Se calant contre une poutre brisée, le type révéla ses mollets. S'il avait s'agit d'une jeune frivole, l'acte aurait pu provoquer l'émoi d'un jouvenceau. Ici, la frivole avait une tronche de malfrat et le jouvenceau était un vieux prêtre trop préoccupé par sa foi et sa folie pour ressentir plus que du dégoût pour les autres. Gauhar s'accroupit, pliant sa grande carcasse pour se rapprocher de la cheville velue et visiblement enflée. Pas de plaie ? Il arqua un sourcil, sceptique avant de relever les yeux pour croiser ceux de l'étranger qui le dévisageait.

C'que vous faîtes ici, c'est pas la première fois, non ? J'ai entendu parler de distributions comme celle-là. Pourquoi vous le faîtes ?

Un pouffement amusé s'échappa de la barbe blanche du prêtre. Il secoua la tête avant de plonger la main dans la sacoche en cuir qui battait son flanc au rythme de sa marche. Du bout de l'index, il ouvrit le pan du dessus avant de se saisir d'un bandage en lin et d'un onguent d'orties. Il répondit avec douceur, baissant de nouveau le regard vers la cheville.

La première fois ? Non, noooon ... Cela fait bien longtemps que j'ai cessé de compter.

Il ôta la ficelle qui maintenait le capuchon de la petite fiole circulaire avant d'y plonger son index et son majeur. La pâte, d'ordinaire onctueuse, avait légèrement durci avec le froid qui régnait dans les quartiers où Gauhar passait tout son temps. Là, où il pouvait oeuvrer ... Là où il pourrait recruter ... Plus tard. Il malaxa la pâte entre ses longs doigts fins en poursuivant.

L'important n'est pas de savoir pourquoi je le fais, mais qui le ferait sinon ?

Il redressa les yeux vers le visage du boiteux, continuant à jouer avec l'onguent pour le ramolir.

Il n'est pas question de charité, ni de reconnaissance. Il n'est même pas question de devoir. J'aide ceux qui en ont besoin. Regarde cette pauvresse.

Il désigna une jeune femme maigrichonne, le ventre bombé d'un enfant à naître, d'un rapide coup de menton. Il ajouta.

Son homme était égoutier. Il s'est fait engloutir par la Fange, le jour du Couronnement. Elle était femme de chambre, si mes souvenirs sont bons. Ses maîtres n'ont pas appréciés qu'elle se retrouve grosse, jugeant qu'elle ne pourrait pas faire son travail efficacement et l'ont renvoyé deux jours avant le Couronnement. En deux jours, elle devenu sans emploi, veuve, obligé de trouver un bout de toit afin de passer ses nuits au sec. Et le petit locataire qui grandit en elle ? Qui l'aiderait si je n'essayais pas de nourrir sa mère ? Attention ça risque de tirailler un peu !

Sur ses mots, il plaqua la pâte sur la cheville sans grand ménagement. Le gaillard avait l'air coriace, il saurait endurer un peu de pommade. Gauhar lorgna un instant sur les tâches de sang qui ornaient les braies de son patient. Il ne fallait pas être un grand enquêteur pour comprendre que ce n'était pas le sien. Il ne fit pas de commentaire mais se laissa aller à une remarque pleine de sous-entendu.

Les habitants de l'Esplanade n'en ont que faire de cette petite. Et ceux du Goulot passent plus souvent leur temps à se faire des coups bas qu'à s'entraider, n'est-ce pas ?

Il déroula le rouleau de lin après avoir fait pénétrer l'onguent et redressa son visage une fois de plus, les sourcils levés avec une expression trop ingénu pour être honnête ... Ou l'inverse ?

Au fait ... Je me prénomme Gauhar. Et toi l'ami ?

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MessageSujet: Re: Un homme de foie pour un homme de foi   Un homme de foie pour un homme de foi EmptyMar 15 Nov 2022 - 6:34
Almère laissa un soupir lui échapper, observant avec curiosité la pâte. Combien de temps cela faisait-il qu'il n'avait reçu des soins, combien de temps qu'un tiers ne lui avait prodigué une attention dépassant le regard torve ? Il éluda la question avant d'y trouver une réponse accablante. S'il y avait bien un poison dangereux à ses yeux, c'était celui de la lassitude, et il s'y trouvait trop prompt lorsqu'il laissait son esprit s'attarder à de telles pensées.

Les mots du prêtre le bercèrent alors qu'il observait ce dernier effectuer méthodiquement des gestes simples mais visiblement aguerris. Et s'il lui avait longtemps été difficile d'imaginer les raisons d'une telle charité, la justification de l'homme le toucha, plus qu'il ne l'aurait pensé.

Sûr'ment personne, c'est vrai.

Il resta un instant les lèvres entrouvertes, avant de se raviser et d'écouter le clerc. Il avait connu nombres d'hommes qui offraient une charité d'un instant pour suriner leur prochain le suivant, mais jamais ça. À sa façon, le prêtre semblait faire ce qui était nécessaire. Ça, Almère le comprenait, très bien même. Mais il n'avait jamais envisagé une autre nécessité que la sienne.

Il suivit l'index du prêtre pour observer la jeune miséreuse. Et il essaya, vraiment, de se mettre à sa place. D'imaginer que c'était sa propre mère. Un triste vide lui répondit. Il réfléchit un instant, son esprit un brin confus luttant avec des questions qu'il n'avait jamais fait siennes, quelles qu'en soit les raisons. Il imagina qu'un homme meilleur, comme le prêtre, pouvait se reconnaître dans chaque visage, mais seul ce sentiment froid, creux, lui avait répondu en s'y essayant.

Il entendit à peine l'avertissement, et laissa échapper un grognement à peine perceptible en sentant la mixture encore bien fraîche frapper la peau rugueuse de sa cheville et y adhérer, se mêlant aux poils et à un brin de saleté. Il releva les yeux juste à temps pour voir le regard du prêtre se détacher des marques d'un brun rougeâtre, imbibant encore le lin de ses habits.

Il faut, mon Père. J'ai pas connu un homme qui s'en sorte ici sans se souiller les mains.

Il tendit la cheville en voyant le bandage que l'homme déroulait devant lui, et s'efforça de rester impassible devant son regard. Almère savait ce qu'il avait fait et, sans faire l'affront de l'arborer, il n'essayait pas de le cacher. D'ordinaire, en tout cas. Quelque chose, dans l'homme d'église, lui évoquait en effet un certain malaise vis-à-vis de ses actions. Tout comme il s'était retenu de frapper le maladroit plus tôt. Sa sainteté ? La crainte d'un jugement ? Ou la crainte de décevoir un homme qu'il venait tout juste de rencontrer ?

Moi, c'est Almère, mais tout le monde dit Al, mon Père.

Il garda un instant le silence, avant de s'oser à une question.

Vous parlez de l'esplanade sans amour... (Il marqua une brève pause avant de réaliser son oubli) ... Mon père. Je croyais qu'avec le temple, les prêtres vivaient bien, mais vous, vous avez l'air... Vous avez l'air d'un des nôtres.
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Gauhar LanisPrêtre de Rikni / Purificateur
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MessageSujet: Re: Un homme de foie pour un homme de foi   Un homme de foie pour un homme de foi EmptyJeu 17 Nov 2022 - 17:16
Le boiteux laissa échapper un petit grognement en guise de protestation lorsque Gauhar se mit à étaler l'onguent sur sa cheville enflée. Il réagit bien vite à la remarque du prêtre.

Il faut, mon Père. J'ai pas connu un homme qui s'en sorte ici sans se souiller les mains.

Le barbu ne put s'empêcher de hocher la tête en grignant ses sourcils d'un air réprobateur. Il commença à enrouler le bandage précautionneusement autour du pied du blessé.

Moi, c'est Almère, mais tout le monde dit Al, mon Père.

Le prêtre reposa les yeux sur son ouvrage après avoir laissé échapper un petit sourire à son patient du jour.

Vous parlez de l'esplanade sans amour ... Mon père. Je croyais qu'avec le temple, les prêtres vivaient bien, mais vous, vous avez l'air... Vous avez l'air d'un des nôtres.

Gauhar émit un petit rire amusé en faisant l'aller-retour entre la cheville et le coup de pied. Il plongea la main dans sa petite sacoche, tâtant le fond en vain. Il pinça ses lèvres avant de regarder aux alentours. Il poussa un petit grognement agacé avant de s'écrier.

Joseph ! Viens donc voir par ici !

Du coin de l'oeil, il observa le gaillard arriver, flottant dans ses chausses et sa chemise sale. Gauhar posa son pouce au niveau de la plante de pied d'Almère et déploya sa main aussi maigre que longue pour poser son petit doigt sur le haut de la cheville. Il garda la distance avant de tendre sa main vers Joseph.

Trouve-moi deux bouts de bois de cette longueur. Pas des bûches ! Pas des copeaux ! C'est compris ?
Oui, mon Père.

Il regarda Joseph s'éloigner lentement, le jaugeant d'un oeil inquisiteur en espérant que ses indications étaient suffisamment explicites pour que ce bougre les ait comprises. Il reposa son regard sur Almère, grimaçant un sourire pincé.

Ce dont je ne suis pas très friand sur l'Esplanade, c'est que les gens qui y vivent ont réussis à te faire croire qu'il y a une différence entre toi et eux, Almère.

Il maintenait le pied légèrement tendu en attendant ce qui servirait d'attelle pour les prochains jours. Il poursuivit en jetant de furtifs coups d'oeil en direction de Joseph qui fouillait les décombres envirronnants.

Il n'y a ni nous, ni eux, mon ami. Il n'y a que des hommes, des femmes, des vieux et des jeunes. Tout le monde respire. Tout le monde mange, pisse et chie. Et tout le monde saigne et nourrit des remords lorsque vient son dernier voyage.

Joseph revint enfin. Loué soit Etiol, les indications de Gauhar avaient percés le brouillard qui stagnait entre les oreilles du bonhomme. Il tendit deux bouts de planches de taille correcte. Le vieux prêtre opina du chef en guise de remerciement, s'en saisit d'une et la plaqua contre la cheville avant d'utiliser un autre bandage pour solidifier l'attele.

Et non, la solde d'un prêtre n'est pas si coquette que cela. Du moins, une grande partie est là pour aider nos pairs ... Du moins, en principe. Les dorures, les habits de soie et les perles cousues sur la bure ne sont pas supposés faire partie de notre credo.

Il déposa l'autre bout de bois de l'autre côté de la cheville avant de l'enrouler à son tour du second bandage.

Et toi, Almère ? Peux-tu m'expliquer pourquoi tu as le sang d'un de tes semblables sur toi ?
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MessageSujet: Re: Un homme de foie pour un homme de foi   Un homme de foie pour un homme de foi EmptyMer 23 Nov 2022 - 19:48
Almère fut plus affecté qu'il ne l'aurait souhaité par la désapprobation du prêtre, mais rapidement, le bandage soigneusement appliqué lui arracha l'esquisse d'un sourire. Sans pouvoir dire que sa cheville lui semblait déjà remise, il devait admettre être rassuré de la voir ainsi rafistolée.

Un brin d'inquiétude le saisit en voyant le Père Gauhar prendre la mesure de sa jambe, se demandant s'il était encore possible qu'on lui coupe après l'avoir soignée, mais la demande qui suivit mit rapidement fin à ce mauvais sentiment. Il ne s'y connaissait pas trop en soins, mais il avait déjà coupé des appendices. Il imaginait que les bâtons seraient pour maintenir la cheville, peut-être l'accompagner. Il n'avait pour sa part jamais tranché un pied avec un bout de bois, en tout cas.

Il écouta l'homme de foi lui parler de l'Esplanade avec une attention qu'il n'eût pas à forcer. Si Almère avait une certaine résignation quant au fonctionnement de la cité, il n'avait jamais su étouffer son ressentiment. Ça n'avait jamais fait partie de ses talents.

Pardon, mon Père, mais il y a une sacrée différence. Ils ont tous les gardes, ils ont tout le gueuleton et forcément, les richesses et autre chose sur les dos que des guenilles. J'veux bien vous croire qu'ils sont comme nous, même si... (Almère retint un grognement, réalisant avec colère ce que le Père lui disait) ... Même s'ils nous le font oublier. Merde, il y a des jours où on le voit même plus. Non, plus que "des jours". J'sais pas quand je les ai vu comme ça, comme nous, pour la dernière fois.

Il garda un instant de silence, la frustration refaisant surface.

Mais comme vous dîtes : tout le monde saigne, hein.

Peut-être pas le meilleur message à retirer de la leçon du Père Gauhar, mais celui qui pesait plus que toute autre dans sa caboche. Il observa le prêtre se saisir des petites planches et ne vit pas venir le mouvement qui plaqua la première contre sa cheville. Il peina un peu, souffla du nez, laissa son guérisseur faire son ouvrage.

Ah ! Il s'agirait d'avertir un paquet du... (Son regard voyagea un instant sur le sol, cherchant le mot juste, il savait qu'il l'avait déjà entendu) ... Cleugé. Il s'agirait de leur dire, j'crois bien que personne a dû l'faire.

Finalement, il contempla le bandage envelopper la fin de son attelle et articula à mi-voix un remerciement sincère, sûrement le premier qui ait échappé à ses lèvres depuis plusieurs semaines.

Face à la question du prêtre, inattendue, il marqua un temps d'hésitation et se décida finalement à ne pas tenter un mensonge maladroit.

En vérité, mon père, j'doute que vous appréciez. Un type m'a fait passer à travers un plancher. Je lui avais dérobé une bourse de pistoles, et j'ai cru comprendre qu'il me reprochait la mort de son frère. À raison, j'en ai peur.
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Gauhar LanisPrêtre de Rikni / Purificateur
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MessageSujet: Re: Un homme de foie pour un homme de foi   Un homme de foie pour un homme de foi EmptyLun 28 Nov 2022 - 18:48
Les remarques de Gauhar eurent le mérite de faire réagir vivement Almère. Bien plus que le prêtre aurait pu le penser même.

Pardon, mon Père, mais il y a une sacrée différence. Ils ont tous les gardes, ils ont tout le gueuleton et forcément, les richesses et autre chose sur les dos que des guenilles. J'veux bien vous croire qu'ils sont comme nous, même si... Même s'ils nous le font oublier. Merde, il y a des jours où on le voit même plus. Non, plus que "des jours". J'sais pas quand je les ai vu comme ça, comme nous, pour la dernière fois. Mais comme vous dîtes : tout le monde saigne, hein.

Voilà qui laissait présager d'un terreau fertile pour faire pousser quelques graines révolutionnaire en temps voulu. De la colère, de la contestation, un sens de l'injustice profond nourri par les inégalités entre les résidents des différents quartiers ... Le prêtre poursuivit son inspection des ressentiments du blessé en évoquant nonchalamment ses pairs qui se vautraient dans un luxe bien trop ostentatoire. Cette fois encore, il ne fut pas déçu.

Ah ! Il s'agirait d'avertir un paquet du... Cleugé. Il s'agirait de leur dire, j'crois bien que personne a dû l'faire.
Clergé ! Mais oui, certains semblent avoir oublié quelles sont leurs priorités.

Gauhar poursuivit ses soins en secouant la tête, laissant sa barbe blanche dissimuler un sourire satisfait. Par petites touches, il laissait Almère vomir la corruption marbrumienne. Il n'en pensait pas moins que le boîteux, il était bien plus acerbe dans ses critiques muettes, mais pour convaincre les ouailles de le suivre lorsqu'il serait temps, ces derniers devaient avoir la sensation que ces idées étaient les leurs et qu'ils le choisiraient pour être leur porte-parole. Il ne pouvait être un simple leader d'une révolte sans impact. Il serait élu du peuple pour porter sa vengeance. Pour cela, il fallait manipuler, encore et encore, jouer cette comédie du vieux barbu dévoué mais qui pouvait parfois jouer le rôle réprobateur du père que beaucoup n'avait connu qu'à travers les coups de ceinture et de poings. Il lança alors sa remarque sur le sang qui tâchait les braies d'Almère. Un bref silence, uniquement brisé par le bruit de la bande de lin qui frottait contre l'attèle retentit le temps que l'enfant-Almère envisage de mentir à papa-Gauhar. En vain, ce serait la vérité de la confession qui parviendrait aux oreilles du prêtre.

En vérité, mon père, j'doute que vous appréciez. Un type m'a fait passer à travers un plancher. Je lui avais dérobé une bourse de pistoles, et j'ai cru comprendre qu'il me reprochait la mort de son frère. À raison, j'en ai peur.

Un voleur et un meurtrier donc. Pas très malin par-dessus le marché. Combien de prêtres auraient courur le dénoncer à la milice dans l'instant pour récupérer quelques pièces de plus ? Pour assurer la sécurité des citoyens auraient-ils fanfaronnés ! Sombres cloportes qui se voulaient vertueux. Gauhar noua le bandage après un dernier tour de cheville avant de relever un regard dur dardant Almère sous des sourcils froncés et broussailleux. Ce type avait bien plus de potentiels que les quelques fidèles qui l'avaient suivis jusque là. Il tuait, sans hésiter, et visiblement avec peu de remords. Voilà qui était de plus en plus intéressant. Mais c'était le temps pour "Papa" de gronder le "fiston".

Je ne peux pas dire que cette réponse est tout à fait surprenante. Les crimes sont aussi communs dans les bas-quartiers que les puces. Mais je ne peux m'empêcher d'être déçu, l'ami.

Gauhar se redressa. Ses articulations grippées par l'âge lui firent pousser un soupir sonore mais son regard sévère resta planté dans celui presque penaud de son interlocuteur. Il ne voyait aucune raison de tancer Almère et d'élever la voix. Il préférait user de sa voix de stentor pour laisser filtrer une colère froide bien plus saisissante pour celui qui la recevait.

Tu me parlais d'une différence entre les habitants de l'Esplanade et ceux du Goulot. Elle est là ! Trop de ces pauvres gens pensent être devenus des animaux et ont acceptés de se conduire comme tel. Ils sont prêts à s'entretuer pour avoir l'illusion de posséder quelque chose. Une bourse remplie ? Pour quoi faire ? Une soupe chaude ? Un toit ? Ou plutôt pour le dépenser au bordel et boire du mauvais vin jusqu'à l'épuisement et recommencer ?

Le prêtre désigna l'arc qui pendait dans le dos d'Almère en poursuivant sa diatrybe.

Une arme qui nous ferait être vu comme autre chose qu'un chien errant ? Et pourtant, mon ami ... Pourtant, ces gens qui ont été convaincus d'agir comme des animaux, sont dix, vingt fois plus nombreux que ceux qui leur ont mis cette idée dans la tête. Si tu penses vraiment que c'est injuste, comme j'ai cru le comprendre dans tes paroles, ne vaudrait-il pas mieux s'unir plutôt que se déchirer ?

Il resta silencieux pendant un bref instant, laissant ses paroles infuser dans l'esprit d'Almère. Toujours droit comme un I, son bâton tenu fermement dans sa main droite, Gauhar toisait l'homme à l'attele.

Je ne suis ni juge, ni milicien, ni bourreau. Je peux t'assurer que ton méfait ne sera pas révlé ; du moins, pas par moi. En revanche, j'aimerai comprendre une chose : Pourquoi as-tu fait cela ?
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MessageSujet: Re: Un homme de foie pour un homme de foi   Un homme de foie pour un homme de foi EmptyLun 5 Déc 2022 - 16:00
Almère fronça brièvement les sourcils face aux reproches. Son esprit oscillait entre un sursaut d'orgueil et un abandon face au Père. Si sa déception ne l'avait pas surpris, il se sentait démuni face à cette dernière. Il n'avait pas de réponse autre que le constat de sa propre nature.

Au fil des paroles du Prêtre, Almère se plongea dans le silence, écoutant immobile. Le Père lui fournissait un sentiment simple, qu'il aurait même pu qualifier de précieux : celui d'être compris, oui, mais aussi de ne pas risquer de se faire suriner. Pour cette raison, il pouvait se permettre la vulnérabilité de l'honnêteté, alors il n'essaya pas de cacher son trouble. Il prit un instant, réfléchit, pesa (autant qu'il pouvait) le discours qui venait de le frapper.

On a fait beaucoup pour une soupe chaude et un toit, mon Père, mais on n'avait pas d'autre…

Il s'interrompit, écouta de nouveau. Les orteils de sa jambe meurtrie se plièrent avec satisfaction, et il peina à répondre.

Je l'ai fait parce que… (Il plissa les lèvres, manifestant sa colère autant que ses dents sales) … Parce que j'avais la rage, parce que je devais le faire, parce que j'avais faim. Parce que je voulais plus que ce que j'avais.

Et s'il voulait vraiment plus, quel sens cela avait-il de le ponctionner chez ceux qui avaient encore moins que lui ? Les mots lui manquaient. Il avait l'impression d'être mis face à ce dont il pensait toujours avoir été privé : un choix. Il porta un regard confus autour de lui, dévisageant les miséreux. Le Père était animé d'une parole de paix, il le réalisait sans peine, mais Almère ne portait pas cette paix en son cœur. En observant la lie de Marbrume, Al' ne cherchait pas de potentiels amis, mais de potentiels combattants. Est-ce que ces types pouvaient se dresser contre des hommes d'armes ? L'idée lui semblait ridicule et un frémissement de sa lèvre trahit un brin de mépris. Ils n'étaient pourtant pas si différents de lui. Il inspira, expira, essaya de désembrumer son esprit usé.

Et si on s'unissait, mon Père, si on devait agir : qu'est-ce qu'on pourrait bien faire ? Où est-ce que des types sortis de la boue frapperaient pour espérer blesser des types qui… (Il buta, chercha les mots convenables pour exprimer tout ce qui bouillonnait en lui, avant de se résigner à s'exprimer plus simplement) … Qui ont tout, et nous rien ?

Une part de sa question était une véritable confusion, l'autre était une demande peu subtile. Égaré comme il l'était, sa colère manifestée un instant auparavant était cependant toujours bien présente. Et s'il pouvait agir, un conseil avisé mais innocent du Père pourrait devenir, à ses yeux, une instruction. Qu'il l'exécute adroitement ou non n'avait pas sa place, en cet instant, dans son esprit. Entre colère et perdition, son esprit entrevoyait cependant une simple lueur, encore vague : un espoir, fondé ou non. C'était plus qu'il n'avait eu pour la majeure partie de sa vie.
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Gauhar LanisPrêtre de Rikni / Purificateur
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MessageSujet: Re: Un homme de foie pour un homme de foi   Un homme de foie pour un homme de foi EmptyMer 7 Déc 2022 - 12:28
Je l'ai fait parce que… Parce que j'avais la rage, parce que je devais le faire, parce que j'avais faim. Parce que je voulais plus que ce que j'avais.

Même le boîteux semblait réaliser la vacuité de ses propos en les disant. Un petit sourire naquit sous la barbe grise du prêtre. Là, petit à petit Gauhar laissait l'homme faire les conclusions qu'il voulait lui mettre dans la tête. Un bref silence s'installa entre les deux hommes, puis vint la supplique d'Almère.

Et si on s'unissait, mon Père, si on devait agir : qu'est-ce qu'on pourrait bien faire ? Où est-ce que des types sortis de la boue frapperaient pour espérer blesser des types qui… Qui ont tout, et nous rien ?

Le vieux prêtre plissa légèrement les yeux en détaillant le faciès torturé de son interlocuteur. Il serait si facile d'unir les pauvres gens s'ils avaient tous autant de colère en eux. Il secoua la tête en faisant claquer sa langue pour signifier son désaccord.

La violence ... Toujours la violence, mon ami.

Gauhar se vouta légèrement, mettant sa ligne de regard au niveau de celle d'Almère. Le Père n'en avait pas terminé avec la leçon. Il poursuivit avec un ton plus doux. Après la réprimande, venait l'explication.

La violence ne doit jamais être la première solution. Nous ne pouvons l'ignorer, elle est partout dans cette cité ...

Il se redressa pour jeter un regard aux alentours en poursuivant son discours.

Dans ce monde même. Mais avant de chercher à faire un mal qui sera fait quoiqu'il en soit, il me semble plus pertinent de chercher à faire le bien.

Les rides se creusèrent sur le visage du prêtre alors que ses lèvres s'étiraient un peu plus, offrant l'image d'un vieux sage bienveillant.

Avant de chercher à avoir tout ou à tout prendre, cherchons à avoir un peu. Pour ceux qui n'ont rien, même "un peu" est une richesse. Et pour qui sait avoir ce "peu", le partager nous assurera l'union.

Le sourire s'élargit un peu plus, révélant l'espace d'une demi-seconde une lueur malveillante dans le regard doux du vieil homme.

De l'union peut découler tant de choses.

Les yeux de Gauhar s'étaient perdus dans le vide pendant un battement de cils et il redirigea son regard le boîteux.

Te sens-tu prêt à m'aider à unir plutôt qu'à désunir, mon ami ?
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MessageSujet: Re: Un homme de foie pour un homme de foi   Un homme de foie pour un homme de foi EmptySam 10 Déc 2022 - 2:30
C'était un apaisement pénible à accepter pour Almère. Si un autre que le Père lui avait demandé, il s'en serait certainement trouvé incapable. À vrai dire, face à un autre, les premières bribes de conversation auraient été interrompues par une avalanche de phalanges dévalant un visage. Présentement, à l'inverse, il s'efforça d'étouffer sa colère. Sans grand effet, ni en surface, ni en profondeur.

Il entendait les mots du Père. Jusqu'ici, tous l'avaient convaincu, autant que son sourire et l'éclat animé de piété qui dansait au creux de ses yeux. Ces dernières paroles, elles, ne résonnaient tout simplement pas en lui. - Pas encore ? - Il ne voyait pas un changement qui puisse être accompli sans tordre des cous et des bras, ou sans faire danser des dents de quelques revers adroits. Et pourtant, il était là, lui la brute, à écouter le Père. À envisager mieux. Et s'il pouvait être convaincu, alors d'autres pouvaient l'être, sans que le moindre doute soit possible. - Alors merde, pourquoi pas ?

Il acquiesça en silence, d'abord, le regard bas. Puis inspira, détendit doucement ses phalanges. Il aurait juré qu'on pouvait entendre ses os craquer lorsque vint à s'évanouir la pression au creux de ses doigts.

Oui, mon Père, j-

Sa phase était restée en suspens, mais rien de plus ne lui vint. Et finalement, ce qu'on pouvait voir dans son regard valait bien tout ce qu'il aurait pu peiner à dire de plus. Ses yeux recelaient des bribes de loyauté. Ou de soumission. Si son esprit pouvait encore être confus, en l'espace d'une conversation, son cœur désœuvré s'était trouvé acquis.
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