Marbrume


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 Raison et sensibilité

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Antoine
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MessageSujet: Re: Raison et sensibilité   Raison et sensibilité - Page 2 EmptyDim 19 Fév 2023 - 23:47
Le boucher refuse de lui rendre son regard, il refuse de lui laisser ce moyen d’expression qui leur a autrefois été essentiel. Antoine le capte dans les trémolos du boucher, cette situation n’est pas bonne pour lui. Il le savait, malgré sa nouvelle carrure, Gauthier ne peut pas supporter ces gens au-dessus de lui.

Au moins tu as gagné, il te hais


Ce n’est pas le seul à trouver le garçon mauvais dans sa vérité. Armand le prévient par la présence de sa poigne, lourde sur son épaule. Le chevalier n’a pas aimé le discours du cuisinier. Mais ce n’est rien comparé à la désillusion de la Comtesse. Elle a prit les mots pour elle-même.

Elle a bien fait, nous pouvons la rendre aussi sanguinolente que les autres

Non, non, non ! … Non ! On ne touche pas à la Comtesse ! Le garçon jette un œil rapide par la fenêtre. Le parvis, le jardin, son travail, sa maison, ses projets, il ne peut pas les perdre ! Antoine est démuni par ce qu’il ressent. La déception de sa patronne le touche bien plus qu’il ne l’aurait cru, et au final, pas seulement pour ce qu’il pourrait y perdre. Et quelque part, c'est aussi ce qui l'aide à rester à flot.

Les perles grises de la Comtesse se fichent dans les siennes. Il sait qu’il aurait dû la fermer, comme il l’a fait jusqu’ici. Ce n’est pas une surprise que le fait d’en parler lui apporte des problèmes, c’est bien la démonstration que ces Grands ont droit de vie et de mort sur les petites gens comme eux. Alors, il doit d’autant plus éloigner Gauthier. De lui, des nobles, peu importe. Le garçon innocent ne peut pas se battre contre tout ça, pas quand il est prêt à lâcher toutes ses larmes devant la Dame des lieux.

Il n’y a rien à répondre, juste à acquiescer. Il n’est qu’un garçon au service de la noblesse, s’écraser est un bien petit prix à payer pour vivre paisiblement.

Personne ne nous soumettra plus !

La violence de la petite voix indique qu’elle serait bien trop proche de prendre l’ascendant. Son coeur s’est accéléré. Sa folie ne veut pas baisser les yeux. Elle ne connaît aucun maître, pas même lui. Armand a t-il senti quelque chose ? Ses doigts se font plus pressant, rappelant qu’il ne sortira pas indemne d’une quelconque rébellion, sans parler de réitérer la scène du parvis. Ne risque t-il pas pire qu’une tête tranchée pour offrir le même sort à un de ces gens ?

A penser à ces conséquences plus que douloureuses, la petite voix s’est tue, et le chant de l’hirondelle est de nouveau audible. Antoine sait que de l’autre côté de la maison ses herbes aromatiques attendent d’être cueillies pour accompagner le ragoût du jour. Il ne sait même pas ce que Gauthier lui a ramené. D’un coup, il se rappelle de ce grognement rauque du boucher. Même si la hauteur de son timbre a changé, il est annonciateur de son mécontentement. Mais la réaction que ça déclenche dans les tripes du garçon ? Il ne sait que trop bien que c’est celle-là même qui l’as fait s’éloigner de son ami. Il ne peut s’empêcher de ressentir qu’il aimerait les provoquer autrement que par ce genre de scène. Quelque chose qui le rendrait encore plus étrange et détraqué que ce qu’il ne l’est déjà. C’est pourquoi, il doit faire cesser la remontrance, quitte à perdre la face, une fois de plus.

Lâche


Peu importe ce que la folie en pense, c’est une voix lointaine qui réponds à la Comtesse et confirme à Gauthier l’accord d’Antoine pour tout ce qui sera décidé pour lui en guise de punition. Les yeux dans le vague, sa combativité s’est éteinte par nécessité.

« Je ferais comme bon vous semblera Madame. »

Le garçon ne peut pas penser à toutes les conséquences de revoir aussi souvent son ami, ni de devoir peut-être fendre la foule. Ces moments ne sont pas maintenant. Ils sont plus tard. En attendant, il aura arraché difficilement quelques heures de répit supplémentaire.
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GautierBoucher
Gautier



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MessageSujet: Re: Raison et sensibilité   Raison et sensibilité - Page 2 EmptyMer 22 Fév 2023 - 13:31
— Veuillez nous accorder votre pardon pour cette délicate affaire Monsieur Gautier. Et que vous ayez eu à entendre cela. Comme promis nous vous achèterons la viande aujourd’hui au prix que vous aviez convenu, sans négociation. Après cela, et en signe de dédommagement, Monsieur Antoine viendra vous épauler dans votre tâche deux fois la semaine, à mes frais. J’aimerai, si vous l’acceptez, que par ce biais vous lui enseigniez quelques rouages de votre métier.



Un léger haut-le-coeur fait dresser la tête de Gautier. Deux fois la semaine... Antoine... Il darde des yeux affolés sur son ancien ami. Mais son visage est éteint et il ânonne sa réponse sans timbre, la lippe molle. Un courant de foudre fait vibrer tous les muscles de Gautier, jusque sous ses pieds. Il se sent plus bouillonnant que l'orage sur la mer. Les yeux dilatés, il revient à la Comtesse. Deux fois la semaine...

Et j’aimerai que vous transmettiez au tenant du commerce mon envie de devenir mécène de votre entreprise.


Mécène ? Aucune idée de ce que cela signifie. Il faudra qu'il se souvienne de ce mot pour le répéter à son père... Deux fois la semaine... Son regard s'est perdu sur le parquet, ses yeux toujours ronds comme des assiettes. Deux fois la semaine...

Il se plie d'une révérence malhabile et répète :

" Je suis à votre service Madame. "

Ses mains, le long de son grand corps, tremblent.
Bafouillant, il ajoute :

" Je... vais aller décharger donc... Madame... " Nouvelle révérence, roide comme un candélabre.

Et sans même savoir à qui donc il s'en va décharger, il pivote sur ses talons, et s'élance dans le couloir à grandes enjambées. Ses genoux flageolent, il voudrait courir, bondir. Il entend ses pas résonner contre le carrelage glacé, contre les murs tapissés de vieux, contre les fenêtres. Il atteint le dehors avec un gémissement de chien. Sa poitrine enfle comme une grenouille, se remplit, se gèle à l'os. Deux fois par semaine...
Il est encore si en colère. Il se voit déjà saisir les deux poignets d'Antoine, si fort qu'il les tord. Il se voit le pousser d'un coup de corps jusqu'à un mur. Il lui plaque les mains sur la poitrine, et, les mâchoires saillantes, plante ses yeux sur son visage grimaçant.
Il est pourtant si heureux. Il voit la nuque d'Antoine pendant qu'il peine à se charger d'une carcasse de cochon dans la charrette. Il voit son profil aigu qui guette les alentours pendant que lui-même pousse le chargement dans les rues étroites de Bourg-Levant.

Deux fois la semaine... Un autre gémissement, il étire très haut ses deux grands bras, et rejoint sa petite chariotte de livraison, restée dans la petite cour arrière.
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Antoine
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MessageSujet: Re: Raison et sensibilité   Raison et sensibilité - Page 2 EmptySam 25 Mar 2023 - 18:06
La petite voix se débat toujours pour aller régler ses comptes. Antoine tente de la contenir, il ne veux pas perdre sa maison. Il ne veut pas perdre tout ce qu’il a fait ici, car sinon il ne lui reste rien d’autre que lui et sa petite voix rageuse. Alors non, il ne peut pas la laisser gagner, pas cette fois. Encore une fois, alors que la Comtesse retourne s’asseoir, le cuisinier jette un nouveau regard vers l’extérieur. Il laisse les sons de la pièce s’atténuer pour tenter de capter les piaillements des moineaux.

La brise fait danser les feuilles par à-coups. La valse est hypnotique, l’air frais caressant la flore avec langueur, alors que la faune se pose parfois entre eux, stoppant cette rencontre inéluctable de la nature. Le garçon observe chaque mouvement de ce spectacle, oubliant peu à peu ce qui se joue autour de lui. La petite voix ne peut pas gagner face à l’apaisement que la vue du parvis procure, encore moins face à celle du jardin.

Les pas de Gautier s’éloignent dans le couloir. Le garçon l’entends, ils sont rageux, le sortant de ce qui avait été sa méditation. La Comtesse ne relève rien de plus, signifiant que les choses sont terminées ici, il n’y a rien de plus à justifier. La sentence est tombée et il n’y a pas d’autre choix que de l’accepter. Personne ne semble le retenir plus longtemps, alors le garçon fait une révérence puis quitte les lieux à son tour. Il doit retrouver Gautier. Il doit lui parler, ils ne peuvent pas se côtoyer sans mettre les choses au point.

Le garçon aurait tellement aimé que cette situation n’arrive jamais. Ils auraient pu vivre à Marbrume sans jamais qu’ils ne se recroisent. Les Trois, dans leur plans toujours aussi belliqueux, en avaient décidés autrement.

Quand le cuisinier arrive dehors, le boucher est prêt à attraper la viande qui leur ait destinée. Sa grande carrure s’abaisse. Qu’il est étrange de se dire que son frêle, son doux et sensible Gautier est devenu cet homme qui le dépasse en taille et en force. Il n’est absolument pas désagréable de détailler les muscles qui bougent sous l’effort. Cette puissance que son ami possède désormais est très attrayante. Enfin, seulement si il ne s’en sert pas pour lui faire du mal.

Il fera comme les autres, il voudra te soumettre si tu le laisses faire

Non, Antoine ne veut pas y croire. Mais puisqu’ils doivent passer du temps ensemble, il ne peut pas laisser les choses ainsi. Il va falloir trouver un équilibre pour qu’ils puissent passer du temps ensemble sans vouloir se détruire l’un l’autre. Alors, réminiscence de leur ancien passé commun, le cuisinier s’approche du boucher et lui donne un léger coup de coude dans les côtes. Un signal qu’ils connaissent tous deux fort bien pour l’avoir utilisé à maintes reprises pour se signaler quelque chose à regarder, ou tout simplement s’assurer la présence l’un de l’autre.

« Va falloir qu’on cause. »


Le ton n’est pas rageux, ni même impératif. Une simple constatation des faits. Sous-entendu que la situation ne leur laisse pas le choix que de laisser tomber tous ces non-dits. Tout ce qu’il a voulu faire pour protéger Gautier, il va être obligé de le lui expliquer. Mais pas ici, pas maintenant, alors que les pas d’Armand et Jean se font entendre. Sans doute viennent-ils vérifier que les deux garçons n’en sont pas revenus au mains.

« Je vais aux thermes du Temple presque tous les soirs, une fois que tout le monde est couché. Rejoins-moi là bas un de ces soirs. Juste... »


Les yeux du garçons se fixent sur son ami, caressant une nouvelle fois la nouvelle silhouette sculpturale qu’est devenu le frêle enfant.

« Me surprends pas. T’as pu voir que je réagis pas bien sinon et j’ai pas envie d’ça. »

Pas maintenant qu’il est résigné à laisser tomber ses plans d’origine.
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GautierBoucher
Gautier



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MessageSujet: Re: Raison et sensibilité   Raison et sensibilité - Page 2 EmptySam 1 Avr 2023 - 21:02
Gautier sursaute violemment. Encore ouaté dans les mots que la Comtesse avait pourtant sifflé, il avait plongé les deux bras dans la chariotte pour dégager une patte de carcasse de cochon, quand il reçoit une petite pointe entre les côtes.

Antoine fait mine de rien, le regard reste un peu de biais, vers la viande froide, et son ton encore gris et fuyant lance bas :

« Va falloir qu’on cause. »

La terreur enflamme l'intérieur de la poitrine de Gautier. Qu'on parle ? Non. Attends !

« Je vais aux thermes du Temple presque tous les soirs, une fois que tout le monde est couché. Rejoins-moi là bas un de ces soirs. Juste... »

La voix est plus douce. Presque tendre. Un peu blanche, un peu lavée. Mais Gautier est touché.

Et puis, là, Antoine, il s'est un peu penché. Et Gautier sent tout d'un même coup la chaleur de l'épaule, et l'haleine, et tous les poils de son bras se sont hérissés, et son coeur a trébuché deux fois et lui est remonté pour lui coincer l'estomac, et comme par une grosse fumée chaude la terreur s'est faite avaler. Un léger vertige lui tinte dans les yeux quand il entend Antoine ajouter d'un souffle :

« Me surprends pas. T’as pu voir que je réagis pas bien sinon et j’ai pas envie d’ça. »

Il est parfaitement incapable de répondre. Son menton tremblote lamentablement et il détourne vivement la tête pour la replonger dans le fond de la charette. Antoine est trop près, et les mains de Gautier ne savent plus bien comment décarrer la carcasse. Il tire brutalement, deux fois, trois fois, secoue un peu le bois qui grince, et finit par casser l'os d'une patte arrière. ça lui dégage au moins le reste. Il déglutit alors, les yeux dilatés et fuyant, et hoche brièvement de la tête, un bref coup d'oeil remontant sur Antoine. Puis il se recule, et d'un grand coup de rein, les bras gonflent et la carcasse est chargée sur son épaule.

Avec une tête de cheval inquiet, Gautier balbutie :

" Je mène ça où ? "

Antoine le fixe sans répondre, et Gautier se tortille un instant avant de demander :

" Ce soir... ce soir alors ? " Jamais il n'a osé remonter ses yeux assez longtemps pour les planter dans ceux d'Antoine. Au désespoir, il ne sait comment se soustraire à ces mille torsions intérieures. Il gémit du dedans comme un chiot, et voudrait disparaître au plus vite. Au moins le temps de bien laisser s'imprégner sa chair de toutes ces informations nouvelles. Gautier se voit tellement plus ému et chamboulé par cette dernière heure que par la mort même de sa mère...
Ah... Mécène... Pas oublier le paternel...
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Antoine
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MessageSujet: Re: Raison et sensibilité   Raison et sensibilité - Page 2 EmptyDim 2 Avr 2023 - 15:30
La grande carcasse du boucher s’occupe de la viande qui est la raison première de sa visite. Antoine l’observe attentivement alors que son ami lui montre l’étendue de sa puissance. Il n’a plus rien à voir avec le garçon fragile. En tous cas, pas physiquement. Il n’y a rien de superflu pour celui qui porte des dizaines de kilos sans grand effort apparent sur son épaule. Le garçon se dit qu’il pourrait être facilement à la place de l’animal mort. Contrairement à ce à quoi il s’attend, la petite voix ne s’élève pas contre cette idée, et laisse la place à une certaine tension au creux de son estomac.

Antoine secoue la tête un instant. Il doit se défaire de toute idée de posséder Gautier. Aussi magnifique qu’il soit devenu, il reste trop naïf pour qu’il l’entraîne dans une spirale qui pourrait le mener au bûcher. Alor, lorsque le boucher lui demande où poser, le cuisinier le fixe sans vraiment savoir quoi répondre, car son esprit ne fait en cet instant pas vraiment la distinction entre la chair humaine qu’il voudrait aller allonger dans sa paillasse et la chair animale qui occupera une bonne partie de son travail de la journée.

La seconde question lui permet de revenir de ses rêveries.

« Ce soir ? Oui, ça m’semble bien »


Sera t-il vraiment prêt à l’affronter ce soir ? De toute façon repousser l’échéance ne changera rien. Ils vont devoir se côtoyer à plusieurs reprises, et Antoine a lui-même proposé qu’ils parlent. Enfin, que lui s’explique, qu’il lui montre l’étendue de ce qui ne pas chez lui. Est-ce la meilleure chose à faire ? Il doute, alors qu’il amène son ami vers son domaine après lui avoir fait signe de la main.

La cuisine, son refuge, le royaume où il est maître, lui procure immédiatement la confiance qui lui manque. Sur le plan de travail principal, les herbes sont encore là, en attente du tri qu’il était en train d ‘effectuer avant toute cette histoire. Une douce odeur de ragoût se dégage déjà de la marmite qui est dans la cheminée. Le thym, le laurier et les quelques légumes qui cuisent dans le bouillon du poulet servi la veillent emplissent la pièce. Le déjeuner est ainsi presque prêt, ce qui laissera le loisir à Antoine de s’occuper du cochon.

« Poses le ici. »

Le cuisinier s’avance vers une grande table face au plan de travail. Un banc et quelques chaises sont disposés autour, preuve que certains repas des employés sont pris ici. Mais pour le garçon, elle lui est utile pour bien des préparations. Comme toutes celles dérivées de la carcasse qu’il va travailler. Il se force à se détourner lorsque le boucher pose l’animal, pour ne pas être tenté d’imaginer ses main dans les boucles sombre. Il disparaît quelques instant dans le cellier et lorsqu’il revient, il tend à Gautier un petit pain aux herbes et un morceau de viande fumée, qu’il a tous deux fait. Le garçon se passera de déjeuner en compensation, pour ne pas léser la Comtesse plus qu’il ne l’a déjà fait ce jour.

« Tiens, pour m’excuser. Et le prix convenu pour la livraison. »

Les pièces du montant de la livraison accompagnent les dons, et le cuisinier attends avec une certaine impatience de sentir les doigts du boucher venir effleurer les siens pour prendre l’ensemble.
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MessageSujet: Re: Raison et sensibilité   Raison et sensibilité - Page 2 EmptyJeu 6 Avr 2023 - 13:26
Quand il soulage son épaule sur la table de la cuisine, Gautier n'entend pas qu'Antoine s'est éloigné. Il se redresse et pendant de brèves secondes, il se trouve seul. Elles sont suffisantes à lui faire perdre notion du monde. Ce soir... Il a comme deux grosses pieuvres dans le coeur et dans le ventre qui se battent avec la lenteur des mollusques, avec leur pugnacité aussi, et la terrible frustration de l'observateur qui voudrait voir la fin venir plus vite. Il y a la peur, depuis le bide, qui meugle comme une vache et fait saillir les douleurs qui lui restent au cou, le souvenir de la rage qui coulait des yeux d'Antoine quand il le chevauchait ; de son air veule et contrit pendant la semonce de la Comtesse... Et il y a l'élan énorme, le vide de devant la poitrine, qui tire sur ses bras souple depuis son coeur pour dévorer la peur et ses réticences stupides. Il allume le feu sous le nombril, il fait dresser les poils des bras, courir le frisson à l'échine, ronfler les muscles. Le " vouloir " qui gonfle comme une bête qui se réveille, comme sanglier quand il mue de ses soies de marcassins.

« Tiens, pour m’excuser. Et le prix convenu pour la livraison. »

Sursaut, à nouveau. Gautier regarde bêtement la petite miche de pain qui lui est tendue, s'en saisit machinalement, salue d'une gratitude rêveuse. La petite bourse vient se vider dans celle qui lui pend à la ceinture, et retourne à son interlocuteur. Il n'a même pas compté les pièces. Il attend encore.
La main d'Antoine le pousse très légèrement, sur le pectoral droit, pour le faire pivoter vers la porte. La voix d'Antoine donne un " à ce soir " transparent, impalpable.
Revenu dehors, Gautier se retourne, et le corps d'Antoine est debout à l'encadrement et le regarde partir.

Mécène... Ah oui... Il faut finir les livraisons, et il faut rentrer. Gautier s'ébroue, frémit, presse ses deux mains sur son visage, au dessus de sa charette à bras, et râle un soupir de fauve irrité. Il reprend les brancards, et, sans s'autoriser un dernier regard, repart dans la ruelle.
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MessageSujet: Re: Raison et sensibilité   Raison et sensibilité - Page 2 Empty
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