[Terminé] Tu fais une drôle de tête ! [feat Aeryn]

4 juin 1167

Usson – Plateau du Labret, tard la nuit



Je quittais à peine Alaïs, arrivant dans la salle, que je tombais sur… Kaël et Ivaad ! Accompagnés de ma future belle-sœur et de quelques personnes que je ne connaissais pas, ils ne mirent pas longtemps à m’interroger sur ma tenue plus que rocambolesque. Les vêtements trop grands de Paulin me faisaient paraitre plus petit à côté d’eux que je ne l’étais réellement et je paraissais sans doute un peu demeuré. Seule l’épée, particulièrement visible, permettait que ce côté “simplet” reste une pensée.

Je leur racontais m’être ramassé dans un ruisseau en esquivant un cheval qui s’était échappé et qu’un artisan de Marbrume, voyant cela, m’avait prêté des vêtements de rechange. Disant cela, je vis passer Paulin, au fond, se dirigeant vers les escaliers.

N’ayant que faire des visages méfiants et, moqueurs, de mes aînés, je leur annonçais que je n’avais toujours pas trouvé Aeryn. Après m’avoir expliqué qu’elle travaillait en cuisine à l’auberge, je demandais à Ivaad de prévenir ma frangine que je l’attendais à la maison.

Elle devrait avoir fini bientôt. Nous… On en a encore pour un moment, indiquait Kaël en souriant, enlaçant sa future femme par la taille. Par contre, je préfère te prévenir, elle est d’une humeur étrange…

Ivaad revenant et, m’informant que Ryn avait eu le message, je leur souhaitais une bonne soirée avant de filer.
Une fois arrivé, j’avais mis mes vêtements à sécher dans ma chambre avant d’enfiler un de mes pantalons. La douceur de ce début juin, en plus du feu roulant qui me dévorait de l’intérieur, me dissuadèrent de mettre une tunique alors que je m’allongeais sur mon lit, un indélébile sourire aux lèvres.

Je me demandais tout de même ce que le frère avait voulu dire par une "humeur étrange", mais je préférais attendre de voir l'intéressée en face de moi pour en juger.

La dernière altercation avec Théophile avait profondément marqué la rouquine qui, comme à chaque fois qu'elle était en colère, ne tenait plus en place. Sitôt rentrée chez ses frères, Aeryn avait longuement cogné le vieux sac de foin accroché dans la grange. Si longtemps d'ailleurs que ses phalanges se retrouvèrent entaillées… Mais cela ne suffit guère à apaiser son esprit… La jeune femme avait besoin de trouver rapidement une occupation, aussi, elle alla trouver Marjolaine, la jolie fille de l'aubergiste afin de leur proposer son aide en cuisine, afin de ne voir PERSONNE.

Personne, c'était le surnom qu'elle avait trouvé à Théophile. Aussi, lorsqu'on lui demanderait pourquoi elle se trouvait de si méchante humeur, elle ne mentirait pas en affirmant que Personne en était la cause.

Elle commença le travail dès le lendemain matin. La journée promettait d'être longue puisqu'il fallait pouvoir nourrir une flopée d'affamés tout au long de l'aube jusqu'au milieu de la nuit. Lorsqu'il lui avait annoncé cela, l'aubergiste s'était montré hésitant, comme s'il craignait de voir sa nouvelle recrue fuire aussi loin que possible. Mais c'était mal connaître notre rouquine qui ne demandait qu'à travailler… Travailler pour oublier les mots blessants de… Personne.

Le temps, Aeryn ne le vit pas passer et elle en était reconnaissante. Lorsque son service arriva à sa fin, Marjolaine vint la trouver pour lui annoncer que l'un de ses frères- celui qu'elle ne connaissait pas encore - l'attendait à l'ancienne ferme.

– Et merde, souffla-t-elle en songeant que s'il n'était pas aisé d'éviter deux de ses frangins, il lui serait probablement impossible d'éviter les trois… Alors, autant renoncer.

Comme il faisait nuit lorsqu'elle termina son travail, Albert, le frère de Marjolaine la raccompagna jusqu'à l'embranchement qui menait à la ferme des Monclar. Pourquoi donc un jeune homme maigrelet se devait de reconduire une mercenaire armée, nul ne le savait… Pourtant, ce fut bel et bien le cas.

Albert était un jeune homme se montrait extrêmement bavard lorsqu'il était gêné… Et à en juger par son monologue qui dura tout le temps du trajet, Aeryn le mettait très mal à l'aise. Ainsi, elle apprit qu'il avait plus ou moins son âge, qu'il avait deux sœurs, qu'il était apprenti boulanger et qu'il adorait les chats… Tout cela, la jeune femme l'oublierait sans doute très rapidement puisqu'elle ne l'avait écouté qu'à moitié… Et la seule fois où elle ouvrit la bouche ce fut pour le remercier une fois qu'ils furent arrivés à destination.

Lorsqu'elle entra dans la maison, Log ne fut guère difficile à localiser, seule sa chambre était éclairée par la lueur d'une bougie. Soupirant par avance, elle alla le rejoindre en silence pour aller se coucher à côté de lui. Le sourire béat qu'il affichait alors, Ryn le connaissait fort bien :

– Comment s'appelle-t-elle ? lui demanda-t-elle en souriant. Enfin, si tu veux en parler, évidemment…

Aeryn était effectivement, même si elle faisait son possible pour ne pas le montrer, de méchante humeur. Lorsqu’on la connait, c’est assez simple de le deviner, car elle ne s’encombre même plus de salutations. Cela faisait un mois qu’on ne s’était pas vu et, sans même me saluer, elle m’avait d’entrée demandé le prénom de celle qui me faisait sourire bêtement.
Allongée à côté de moi, une très vieille habitude visiblement ancrée, elle m’avait jeté un coup d’œil avant de sourire tandis que je regardais le plafond.

Salut frangine ! Répondis-je en lui lançant un regard mêlant taquinerie et soulagement. Avec ce que j’avais entendu et malgré ce que mes frères m’avaient dit, j’étais resté inquiet de l’état de Ryn après les évènements de Sombrebois. Je venais lui prendre l’avant-bras, marquant silencieusement le plaisir de ces retrouvailles, avant de rester muet et immobile quelques instants, appréciant simplement ce contact avec ma petite sœur.
Finalement, je tournais la tête vers elle, lui rendant son bras… Et m’apercevant seulement qu’elle portrait une robe.

Je suis heureux de te revoir Ryn ! Je n’en reparlerai pas, mais je tiens à te dire que j’ai entendu ce qu’il c'était passé et, même si je ne suis pas forcément très doué, tu peux m’en parler si tu le souhaites.

Connaissant le tempérament de ma rouquine de sœur, je savais qu’il fallait entre ouvrir la porte, mais ne pas insister et, surtout, ne pas rester derrière. Il était en revanche primordial de lui montrer que la porte était disposée à s’ouvrir si elle le souhaitait, car, Ryn n’était pas de ceux qui viennent frapper pour savoir s’ils peuvent entrer.

Le sourire toujours aux lèvres, je relevais les yeux au plafond.

N’en parle pas aux frangins s’il te plait, je n’ai que faire de leurs railleries… J’espère vous la présenter demain soir, si elle accepte de m’accompagner… Je l’ai rencontré ici, à Usson…

Je la voyais d’ici, bondir en me disant que j’étais seulement arrivé, que c’était trop frais, que je m’emballais sans doute un peu vite. Sûrement, allait-elle me rappeler ma tendance à foncer, bien souvent, un peu trop vite…
Ou bien, peut-être que je me trompais.
Le fait que je lui demande de ne pas en parler à Kaël et à Ivaad et que je souhaite ne pas me faire chambrer, moi qui, d’ordinaire, n’en avait cure, pouvait sans doute lui indiquer que je prenais cette rencontre au sérieux.

Elle est potière, ici pour les jeux, mais elle est de Marbrume… Elle s’appelle Alaïs…

Me tournant de nouveau vers elle, je tirais un peu sur sa robe pour lui faire comprendre que j’avais repéré sa nouvelle tenue. Voir Ryn habillée ainsi était…On ne peut plus surprenant. Aussi, me voulant gentiment moqueur, je posais une question sur un ton amusé.

Et toi ? Tu cherches à séduire quelqu’un ? Cela te va bien mine de rien ! Si Théophile te voyait ainsi, il ne s’en remettrait pas le bougre ! Annonçais-je en riant doucement.

–Je suis heureux de te revoir Ryn ! Je n’en reparlerai pas, mais je tiens à te dire que j’ai entendu ce qu’il s'était passé et, même si je ne suis pas forcément très doué, tu peux m’en parler si tu le souhaites.

"Ce qu'il s'était passé"... Que voulait-il dire exactement ? Qu'avait-il entendu ? Pas qui ? À propos de quoi ? Malgré toutes ses interrogations, Aeryn préféra les garder pour elle et se contenta de hocher la tête en signe d'acquiescement.

Évidemment, Log' la connaissait suffisamment pour savoir que quelque chose n'allait pas. Et même s'il ne poserait pas ouvertement la question, la jeune femme le savait à l'écoute… Si, d'aventure, la demoiselle voulait réellement s'exprimer sur le sujet.

Malgré tout, le sujet restait bien trop délicat à aborder… Ryn ne pouvait ni ne voulait en parler, plus particulièrement à l'un de ses frères, tous armés. Aussi, mieux valait pour elle de se taire et d'écouter ce que Log avait à raconter. Ses yeux brillants et son sourire satisfait laissaient présager une belle rencontre… Chose que Log confirma bien vite après lui avoir demandé de ne rien dire à leurs frères…

Que de secrets dans cette famille…

Il s'agissait donc d'une rencontre récente… Très récente puisque les deux ne s'étaient vu pour la première fois que ce jour-même… Le jour-même… Log était tellement insouciant…

– Je vois, souffla-t-elle simplement. C'est bien toi …

Oh oui, c'était bien du Loghart tout craché… Il fonçait toujours tête baissée, sans réfléchir réellement. Peut-être avait-il raison d'agir de la sorte, peut-être pas… En tout cas, il s'agissait-là de la vie de son frère et non de la sienne, par conséquent, elle ne se sentait pas en droit de dire quoique ce soit.

Elle l'écouta donc parler de sa belle, une certaine Alaïs, potière de son état et qui vivait, d'ordinaire, à Marbrune. Encore une que les jeux avaient conduit à se perdre jusqu'ici.

Ceci fait, Log se tourna dans sa direction, désignant alors - de la manière la moins délicate possible - la robe grise qu'elle portait encore.

– Et toi ? Tu cherches à séduire quelqu’un ? Cela te va bien mine de rien ! Si Théophile te voyait ainsi, il ne s’en remettrait pas le bougre !
– Plutôt crever, siffla-t-elle, agacée, avant de se relever. Elle ignora volontairement la mention de Personne, préférant le reléguer au rang d'illustre inconnu et se concentra uniquement sur la première question…

– Je vous laisse volontiers les histoires de cœur et de fesses, dit-elle en faisant mine de plaisanter. J'ai supporté des hommes toute ma vie… A présent, je vais simplement vivre pour moi-même. Cette tenue, c'est juste un costume… Le genre que portent les troubadours pour jouer… Je joue à la femme invisible. On me remarque beaucoup moins en robe figure toi.

Et comme pour jouer, elle tourna sur elle-même avant de relever un pan de sa robe… Pour désigner le pantalon en cuir qu'elle n'avait aucune intention de quitter.

-Et donc… Cette Alaïs, que peux-tu me dire de plus ?

Le léger signe de tête de ma sœur à mon évocation de « ce qu’il s’était passé » me fit prendre conscience que je n’avais peut-être pas été assez précis… M’indiquant qu’il c’était peut-être passé plus de choses que ce dont j’étais au courant.

Enfin, voilà, si tu veux parler de Sombrebois, suffit de venir me voir et je t’écouterais petite sœur ! Précisais-je, me demandant, du coup, ce qu’il pouvait y avoir d’autre.

Ryn ne semblait pas surprise par mon annonce concernant Alaïs. Sans doute avait-elle pour souvenir quelques anciennes filles que j’avais pu trouver « adorables » par le passé. Des histoires bien souvent aussi brèves que sans suite…N’ayant parfois qu’à peine démarrée.
Cependant, je fus très surpris par la réaction qu’elle eu lorsque je parlais de sa tenue. L’agacement dans sa voix était aussi tranchant que nos épées, bien plus qu’il n’aurait dû l’être habituellement. Toute sa réaction me semblait démesurée, trop vive, trop incisive.
Si ses explications tenaient la route, venant d’elle en tous cas, je la trouvais bien trop expressive par rapport à d’habitude. Je ne rétorquais pas mais j’étais persuadé que, au sujet de la robe aussi, il c’était passé quelque chose. Suite à sa démonstration de danse et après m’avoir montré son pantalon, je me contentais d’acquiescer.

Si tu le dis Ryn, en tous cas, cela te va bien quand-même.

Je tapotais le matelas pour l’inviter à revenir auprès de moi tandis qu’elle m’en demandait plus sur la potière. J’avais plus envie de partager ma bonne humeur que de me lancer dans une turbulente discussion sur les robes, aussi, mon sourire revenait alors que je commençais à raconter cette fantastique rencontre.

Je venais d’arriver, je suis passé ici pour déposer mes affaires et je suis partie me balader, ne sachant pas où te trouver. Un cheval c’était échappé des écuries et fonçait droit sur une fillette… Tu me connais, j’ai sauté sur l’enfant pour l’écarter du chemin de l’animal. Ce bourrin à fait demi-tour et m’ai revenu en pleine figure et j’ai bien manqué de passer sous ses sabots. J’ai perdu l’équilibre, une de mes semelles s’est déchirée, et j’ai presque fait un plongeon dans un abreuvoir.

Je riais en racontant cela, revoyant la scène.

Là-dessus, Alaïs est arrivé, pour s’assurer que j’allais bien. T’imagine ? Les premiers mots qu’on à échangé, j’étais le cul parterre, couvert d’eau et de poussière ! M’esclaffais-je. Alors, elle m’a aidé. Elle a réparé ma botte et m’a conduis jusqu’à un ruisseau pour que je me débarbouille…

Je racontais ensuite les quelques jeux sur le bord de l’eau, nous conduisant finalement dans la flotte. J’enchainais avec le retour à l’auberge, la rencontre de Paulin et le prêt des vêtements.

Je ne sais pas où cela va nous mener, mais voilà… Concluais-je après avoir brièvement parlé du dîner. Je n’avais pas fait mention du reste. Que ce soit la danse ou le reste, je ne savais pas si Ryn voulait en entendre parler et, honnêtement, je ne savais pas vraiment moi-même si je voulais le raconter ou le garder pour moi.

Du coup, demain on devrait aller à la soirée dansante de l’auberge… En plus de passer un bon moment, cela me permettra de vous la présenter en bonne et due forme. Estimais-je, espérant que cela pouvait faire taire toute rumeur.

Je sais ce que tu penses de moi sur ce sujet Ryn… Mais je t’assure, je pense que c’est différent cette fois…

– Enfin, voilà, si tu veux parler de Sombrebois, suffit de venir me voir et je t’écouterais petite sœur !
– Hum… Je t'en parlerai, un jour, rétorqua-t-elle en soupirant. Dès que je serai parvenue à démêler les différents événements. En tout cas, je n'ai pas été blessée.

Au moins, personne ne semblait avoir entendu parler de cette histoire avec … Personne. Aeryn s'était même assurée que Marjolaine n'en parle pas à ses aînés. Tous seraient probablement furieux et voudraient se mêler de cette histoire qui, au fond, était seulement la sienne. Et pour l'heure… La rouquine n'avait pas la moindre envie d'y penser.

Finalement, la discussion offerte par Log était des plus distrayante. Aussi, et même si elle trouvait que son frère allait beaucoup trop vite, la jeune femme ne pouvait pourtant s'empêcher d'être heureuse pour lui. Après tout, le monde courait irrémédiablement vers sa fin, alors… Pourquoi attendre ?

– Et bien… J'ai beau avoir de l'imagination, je ne pensais pas qu'une telle rencontre puisse être possible… Tu as le chic pour passer du statut de sauveur à celui d'homme en détresse… Enfin… D'homme trempé plutôt, railla-t-elle, gentiment, tout en essayant de visualiser la scène.

Il s'agissait-là d'une jolie histoire, finalement, quand bien même eut-elle commencé de la plus étrange des façons. Aeryn se demanda alors quel genre de femme pouvait être cette Alaïs… L'apprécierait-elle ?

–Je ne sais pas où cela va nous mener, mais voilà…
– Est-ce vraiment important de savoir où les choses nous mènent ? Si tu es heureux, cher frère, c'est finalement le plus important… Peu importe pendant combien de temps tu le seras.

Elle pensa alors à Elwin, le plus romantique de ses frères qui rêvaient de la femme qu'il allait épouser un jour… Le destin en avait finalement décidé autrement en le privant de cette chance en plus de sa vie…

Log' évoqua ensuite la soirée dansante qui devait avoir lieu le lendemain soir à l'auberge. Aeryn devait travailler ce soir-là, même si son patron avait prévu de la faire terminer son service plus tôt en choisissant un plat simple… Une soupe et un ragoût de sanglier. Ce qui, évidemment, ne l'arrangeait pas du tout.

– Je sais ce que tu penses de moi sur ce sujet Ryn… Mais je t’assure, je pense que c’est différent cette fois…
– Log… Je ne pense rien de spécial, à vrai dire… C'est ta vie, tu as le droit de la mener comme tu l'entends. Je te l'ai dit, tant que tu es en vie et heureux, moi ça me va… Donc ne te prends pas trop la tête avec ce que je peux penser, dit-elle avant de se blottir dans les bras de son grand frère.

J’acceptais sa réponse avec un sourire, n’ajoutant pas un mot sur ce sujet. Si un jour, elle voulait me parler de Sombrebois, elle m’en parlerait. Elle n’était pas blessée et c’était bien là le plus important.
Par la suite, elle m’écoutait parler de la façon dont j’avais fait connaissance d’Alaïs, gardant le silence jusqu’à la fin pour s’offrir de se moquer gentiment de moi. L’entendre dire qu’elle n’avait pas cru que je puisse faire une telle rencontre renforçait mon idée que, cette fois, était différente.

Je n’y peux rien si ce canasson a décidé de me charger à nouveau ! Dis-je en grognant, amusé. Mais étrangement, je ne lui en veux pas.

Je m’étais redressé pour observer les réactions de ma sœur pendant que je lui racontais les quelques jeux au bord du ruisseau.

Je n’avais pas prévu que mon pied allait glisser et que je nous enverrais tous les deux à la flotte ! À la base, je voulais seulement l’y envoyer elle ! Bon, j’avoue qu’après coup, j'ai cru qu’elle allait me faire la tête, mais finalement… Franchement, c’est la première fois que je rencontre une femme qui me suit dans mes délires… Quand ce n'est pas elle qui les initie ! Ajoutais-je en riant.

J’écoutais ensuite sérieusement sa réflexion quant à savoir où cela pouvait me mener. Si elle n’avait pas totalement tort, on retrouvait bien là le côté morose de Ryn. Elle semblait incapable de se sortir la réalité de la tête. Même sans le dire directement, il était évident qu’elle faisait référence au risque latent d’une attaque ou d’une mort qui entrainerait l’un de nous, si ce n’est tout le monde. Cependant, je notais un effort étonnant de la pars de Ryn, le fond de sa remarque était positif et cela, c’était une grande nouveauté qui m’arracha un sourire tendre.

Ma foi, je ne cherche pas à savoir l’avenir qui nous attend. Je me pose plus la question de savoir ce qu’elle et moi souhaitons… Ne serait-ce que pour savoir si nous envisageons le même chemin ou pas. Mieux savoir cela dès le début que de se bercer d’illusions, ce qui n’empêche pas pour autant de profiter des instants offerts pour le temps qu’ils dureront, comme tu le dis.

Par la suite, elle me demandait de ne pas me préoccuper de ce qu’elle pouvait penser tout en revenant prendre place contre moi alors que je la prenais dans mes bras. J'ai dû souffler pour chasser sa crinière de mon nez avant de répondre.

Je sais que tu me trouves trop fonceur, je le suis cela étant. Mais tu es ma sœur et ton avis compte pour moi. Pas forcément ton avis sur la personne mais… J’avais l’esprit un peu embrouillé et dû réfléchir pour trouver mes mots.
C’est la première fois que je ressens cette possibilité d’être vraiment moi-même avec une femme sans que cela la fasse déguerpir. C’est la première que j’ai autant hâte de vous présenter…C’est même la première que j’ai envie de vous présenter, d’ailleurs…

Je la serrais contre moi, comme lorsque nous étions plus jeunes et que, parfois la nuit, nous partagions une couche après une journée rendue particulièrement difficile par Père.

Je pense qu’elle peut te plaire et je suis même certain que vous pourriez bien vous entendre…

Ainsi, Log venait de rencontrer une personne avec laquelle il pouvait laisser libre cours à sa personnalité plutôt haute en couleur. Ryn sourit en pensant à cela. Après tout, il n'existait rien de plus important en ce monde que de pouvoir rester soi-même, en toute circonstance. Pour la rouquine, il s'agissait-là d'une chance qu'il ne fallait pas gâcher bêtement…

– Ma foi, je ne cherche pas à savoir l’avenir qui nous attend. Je me pose plus la question de savoir ce qu’elle et moi souhaitons… Ne serait-ce que pour savoir si nous envisageons le même chemin ou pas. Mieux savoir cela dès le début que de se bercer d’illusions, ce qui n’empêche pas pour autant de profiter des instants offerts pour le temps qu’ils dureront, comme tu le dis.
– Hum, et que veux-tu, toi ? lui demanda-t-elle le plus sérieusement du monde.

Sans doute désirait-il tout ce que Théophile avait supposé pour elle : un mariage, une famille et une vie entière de servitude pour la femme. Après tout, Log était un homme, il n'y avait donc rien de plus naturel pour lui que d'espérer tout ceci sans y voir le moindre mal, contrairement à sa sœur qui diabolisait purement et simplement ce qui semblait être une institution.

– Te vois-tu déjà marié à cette jeune femme alors que, hier encore, tu n'avais nullement conscience de son existence ?

Connaissant Loghart, c'était très probablement le cas. Il idéalisait tant la chose que le contraire aurait été étonnant.

–Je sais que tu me trouves trop fonceur, je le suis cela étant. Mais tu es ma sœur et ton avis compte pour moi. Pas forcément ton avis sur la personne mais…
– Log, tu es mon frère et je t'aime… Mais personnellement, je me fiche de ton avis. Tu ne devrais pas te préoccuper de ce que je pense. C'est ta vie, c'est à toi de la mener comme tu l'entends. Je me contenterai de l'observer de loin…Dans tous les cas, je respecterai toujours tes choix.

Son sourire d'alors était empreint de joie et de sincérité. Tout ce qui comptait à ses yeux, c'était que ses frères vivent la vie qu'ils méritaient. Même Ivaad, sous ses airs d'ours mal léché colérique, était un homme bien. Un homme sur lequel on pouvait compter… Au fond, comme chacun des mâles Monclar. Tous méritaient ce qu'il y avait de mieux en ce monde. Tous méritaient d'être heureux.

– C’est la première fois que je ressens cette possibilité d’être vraiment moi-même avec une femme sans que cela la fasse déguerpir. C’est la première que j’ai autant hâte de vous présenter…C’est même la première que j’ai envie de vous présenter, d’ailleurs…

– C'est vrai, souffla-t-elle en songeant à toutes ces autres filles qu'elle n'avait jamais vu. Si Log tenait tant à présenter celle-ci à sa famille c'était bien parce qu'elle ne pouvait être qu'importante à ses yeux.

– Je pense qu’elle peut te plaire et je suis même certain que vous pourriez bien vous entendre…

– Je n'en doute pas une seule seconde, Log. Je n'en doute pas…

Je ne m’étais pas attendu à la question de Ryn !
J’aurais pu, j’aurais même dû la voir venir, mais non. J’y avais pourtant pas mal réfléchi, mais je n’avais pas pensé qu’elle me poserait cette question.

Euh… ! Commençais-je à répondre avant qu’elle ne pousse sa question plus loin encore. Est-ce que je m’imaginais épouser Alaïs ? Cette question-là, je ne me l’étais pas posé, pas vraiment.

Franchement Ryn, je n’en sais rien ! Serait-ce mal d’envisager cela alors que nous ne nous connaissions pas ce matin encore ? Dis-je le plus sérieusement du monde. Je veux dire, sans forcément parler de mariage, je m’imagine bien passer de beaux moments avec elle. Ajoutais-je, pensif.

Si la question est de savoir si j’envisage quelque chose sur la durée, ma réponse est indéniablement oui ! De là à parler de mariage… Je n’en sais rien. J’imagine que c’est un sujet qui s’aborde à deux… Je veux dire, elle a sa vie, son travail, elle a même son propre commerce… Je ne peux pas débouler là-dedans comme ça. Cependant… Je… J’en sais rien… J’imagine que ce serait trop pour elle. Sa vie actuelle, son indépendance, son travail, tout cela fait partie d’elle et même si je ne compte pas intervenir là-dedans, peut-être qu’elle craindrait trop que je le fasse… On a pas été élevé comme les autres, je n’ai aucun problème à ce qu’elle travail. Honnêtement, j’en suis même heureux puisque c’est une passion pour elle.

Je me rendais alors compte que je me mélangeais complètement les pinceaux. Mes paroles ne rimaient plus à rien.

Bref ! Je suis convaincue d’avoir envie de faire un bout de chemin avec elle, peut-être un long bout, mais oui ! Je pense bien que je l’aime pour qui elle est et je n’ai pas envie de la changer avec un mariage… Même si je ne suis pas fermé à l’idée… Au contraire...

Je sentais que mes joues avaient chauffées plus que de raison et je voyais déjà le sourire lumineux et un brin moqueur, de ma sœur sur ses lèvres.

Je mène ma vie comme je l’entends Ryn. Et ton avis, je l’intègre, car bien souvent, tu me permets de modérer un peu mon… Engouement. Je t’aime aussi petite sœur et même si je sais que tu te fous de mon avis, ça ne m’empêchera jamais de te le donner ! Gloussais-je en poussant sa tête de mon front d’un geste taquin.

Puis, nous tombions d’accord sur le fait que, vouloir déjà présenter Alaïs était bien le signe que quelque chose était différent. J’avais même hâte, tout en étant un peu anxieux.

Le trouble semblait s'être installé chez son frère. Le pauvre garçon tremblait presque en répétant ses "j'en sais rien", ces derniers prenant des airs de ponctuation à la fin ou au milieu de chacune de ses phrases.

– Log, du calme… Je ne te demandais pas cela pour te faire paniquer, voyons, railla-t-elle gentiment avant de se rasseoir. Je voulais seulement savoir ce que toi tu voulais en sachant qu'il est plutôt mal vu de simplement papillonner… Même si certains ne se gênent pas… Enfin, je suppose que c'est surtout pour les femme que ce genre de chose est inacceptable.

Un homme pouvait bien être vu comme un séducteur là où une femme serait qualifiée de catin. Peut-être était-ce ce que personne avait voulu lui dire même si, évidemment, il n'avait rien compris à ses intentions. Pour sa part, Loghart affirmait vouloir faire un bout de chemin avec sa belle… Peu importe ce que cela signifiait à ses yeux, Aeryn quant à elle pensait surtout à la jeune femme en question.

– Fais attention à ce que tu fais, Log… Comme à ce que tu dis, d'ailleurs. Ne lui donne pas l'impression de vouloir tester la marchandise avant de "l'acheter". Cela pourrait lui porter préjudice si, d'aventure, cette jeune femme souhaite se marier un jour.

N'était-ce pas là le rêve de toutes les femmes ? Sans doute, même si Ryn ne se sentait toujours pas concernée par tout ceci. Malgré tout, il lui fallait pourtant voir le monde d'une façon plus globale afin d'accepter des points de vue qui seraient diamétralement opposés au sien.

– D'ailleurs, j'ai une question pour toi : Est-ce qu'il serait gênant pour toi que je ne me marie jamais et que je me contente de quelques aventures ? lui demanda-t-elle sans pour autant le regarder. Je ne parle pas de prostitution ou d'autres actes considérés comme sales et répréhensibles, mais simplement de vivre ma vie comme moi je l'entends…

Je ne panique pas !... Enfin, pas vraiment. C’est juste que je cogite à tout ça depuis que j’ai quitté Alaïs et… J’ai l’impression de pas avoir avancé. Enfin, si je suis sûr de moi, mais sur ce point, j’en sais ri… Je crois que je m’en moque un peu en fait. Je veux dire par là que ce qui m’importe le plus c’est qu’elle soit bien en ma compagnie et inversement. C’est ça qui compte pour moi… Après, si pour que la société nous laisse tranquille ou bien qu’Alaïs me fasse comprendre que c’est quelque chose qui lui tient à cœur, alors oui, le mariage me parait important.

J’avais l’impression de m’embrouiller au fur et à mesure que je parlais.

Je pense que le plus important, c’est de se sentir bien et en confiance avec elle. Après, le mariage… Ma foi, j’espère qu’elle peut croire en mes sentiments sans cela, mais je crois aussi que je serai heureux de l’épouser…

Sa remarque suivante me fit douter plus encore et je fis une moue perplexe.

J’espère lui faire comprendre que je suis ouvert à ce qu’elle souhaite, pas que je la teste. Tu penses que je devrais lui demander de m’épouser ?

Je commençais à être perdu, fort heureusement, elle enchainait avec une question qui la concernait elle. Question qui me fit froncer les sourcils de surprise. Il y avait un truc qui sonnait étrangement, comme un secret qu’on essaie de dissimuler, mais dont la planque est vaguement localisable. On sait qu’il y a un truc, mais quoi ? Mais où ?

Euh… Ben, comme je viens de le dire, je ne considère pas forcément le mariage comme “obligatoire”... Si tu es heureuse ainsi, ma foi, c’est tout ce que je te souhaite… Entre-nous, je suis déjà surpris, mais content, que tu te poses ce genre de question. La dernière fois, il n’en était même pas question. M’esclaffais-je. Comme tu l’as dit à mon sujet, je respecterai tes choix. Si pour toi, vivre comme tu l’entends, c’est avoir quelques aventures, a part de conseiller de faire attention à qui tu choisis… Je ne dirais rien et je t’aimerais toujours autant. Assurais-je avant une courte pause. Mais tu ne m’empêcheras pas de rêver au jour où tu feras de moi un oncle ! Ajoutais-je d’un ton très taquin tout en cherchant à la chatouiller.

Je ne panique pas !... avait-il affirmé avant d'ajouter un "pas vraiment" qui manquait de conviction aux yeux de la rouquine qui ne cessait de sourire.

En réalité, elle le taquinait plus qu'elle ne l'interrogeait réellement. Cette fille,- même si elle avait les faveurs de son frère - Ryn ne la connaissait pas, si bien qu'elle se fichait de que sa réputation fut entachée ou non. Néanmoins, elle savait aussi que cela préoccuperait son aîné, un jour ou l'autre. Alors, autant en parler aujourd'hui.

–Tu viens à peine de la rencontrer. Je pense qu'il est inutile de trop penser au mariage, pas pour l'instant du moins… Même si, de nos jours, tout va bien plus vite qu'autrefois.

En réalité, Ryn ne savait pas vraiment comment les choses de ce genre se déroulaient autrefois. La vie, la vraie, la rouquine n'avait pu que l'observer de loin sans jamais y prendre part. Par conséquent, la jeune femme ignorait presque tout ce qui constituait une vie normale…

– Je pense que le plus important, c’est de se sentir bien et en confiance avec elle. Après, le mariage… Ma foi, j’espère qu’elle peut croire en mes sentiments sans cela, mais je crois aussi que je serai heureux de l’épouser…
– J'espère que cela puisse être suffisant, oui, murmura-t-elle tout en sachant parfaitement que tout cela était sûrement faux. Tôt ou tard, quelqu'un se lèvera pour exiger quelque chose d'eux… Tôt ou tard.

–J’espère lui faire comprendre que je suis ouvert à ce qu’elle souhaite, pas que je la teste. Tu penses que je devrais lui demander de m’épouser ?
– Je pense qu'il serait préférable d'attendre un peu et de commencer par apprendre à vous connaître, un minimum. Je suppose que le mariage exige une certaine compatibilité, non ?

Au fond, Aeryn n'en savait rien. Si ses parents s'étaient bel et bien mariés, elle ne les avait jamais connus ensemble. A quoi pouvait bien ressembler un mariage épanoui ?

Aucune idée…

La question suivante la concernait directement.

– Euh… Ben, comme je viens de le dire, je ne considère pas forcément le mariage comme “obligatoire”... Si tu es heureuse ainsi, ma foi, c’est tout ce que je te souhaite… Entre-nous, je suis déjà surpris, mais content, que tu te poses ce genre de question. La dernière fois, il n’en était même pas question. Comme tu l’as dit à mon sujet, je respecterai tes choix. Si pour toi, vivre comme tu l’entends, c’est avoir quelques aventures, a part de conseiller de faire attention à qui tu choisis… Je ne dirais rien et je t’aimerais toujours autant. Mais tu ne m’empêcheras pas de rêver au jour où tu feras de moi un oncle ! avait-il déclaré avant d'essayer de la chatouiller… Apparemment, le milicien avait tout oublié de l'insensibilité de sa jeune sœur.

Le jeune femme se releva et déplissa sa robe avant de se retourner vers son aîné.

– À vrai dire, il n'en est toujours pas question. Je ne suis pas douée pour les relations humaines, et plus particulièrement de ce genre-là. J'ai plutôt tendance à faire fuir les hommes, vois-tu? Aussi, si tu tiens tant à devenir un oncle, attends quelques mois… Si tout se passe comme prévu pour Kaël, Marjolaine ne tardera pas à pondre un petit Monclar… Mais personnellement, je n'ai pas la moindre intention de devenir mère, affirma-t-elle tout en affichant une mine exprimant le dégoût.

– Je ne sais même pas à quoi une mère ressemble. Je n'ai pas connu la nôtre. Je ne saurais même pas comment m'y prendre et puis… Comme je le disais, je n'attire personne, c'est même plutôt le contraire… peu concernée et encore moins attristée par ce fait, elle haussa simplement les épaules.

Cette discussion, si au fond de moi, j'étais heureux de l’avoir avec ma petite sœur, était tout de même assez étrange.
Nous en étions à parler de mariage alors que je venais seulement de rencontrer Alaïs.
Aussi, ce fût un certain soulagement d’entendre Aeryn me dire qu’avant cela, il valait sans doute mieux que l’on apprenne à se connaître. J’étais totalement d’accord avec ma rouquine de sœur.

En soi, à en entendre certains, le mariage n’est qu’une nécessité qui ne sollicite pas particulièrement de compatibilité, non. Un certain nombre de mes collègues sont mariés et pourtant… À l’inverse, je ne pense pas qu’il soit indispensable d’être marié pour être fidèle… Ni pour être un bon compagnon de route ou un bon père. Si je devais voir autre chose dans le mariage qu’un arrangement social, je dirais qu’il est important que les mariés soient en confiance l’un vis-à-vis de l’autre.

Je réfléchissais brièvement en silence.

Oui, je pense que la confiance réciproque est la base de tout. Une fois cela établit, alors le reste peut suivre son cours…

Par la suite, un peu déçu de l’inefficacité criante de mes tentatives de chatouilles, qui me rappelèrent alors les sévices subit par Ryn. Un peu honteux, je l’observais se relever, encore, pour lisser sa robe. Je venais de répondre franchement à ses questions et elle précisait alors ses pensées.
Je me redressais sur mon lit, l’écoutant en fronçant de nouveau les sourcils. Quelque chose m’échappait, c’était évident. Son discours ne collait pas avec sa question, cela sonnait vraiment bizarrement à mes oreilles.

En effet, après une question plutôt encourageante, elle me resservait son point de vue habituel sur ses compétences sociales et, pire que tout, sur l’attirance qu’elle pouvait attiser, ou non selon elle.

Ne pas être doué, ce n’est pas une excuse Ryn. Nous ne sommes pas nés doués avec une épée, nous le sommes devenu… par la force des choses certes, mais surtout par le travail. Il faudrait que tu te confrontes aux gens pour apprendre comment les côtoyer.

Je cherchais son regard avant de poursuivre.

Je n’ai pas plus de souvenir que toi de qui était Mère, en soi, je n’ai pas plus que toi de connaissances sur ce point. Pour le coup, j’imagine qu’il y a une sorte d'instinct qui se met en marche à ce moment-là… Pour le reste… Pfff !

Je voulais la secouer, mais ce n’était ni le moment ni dans mes désirs réels. J’avais essayé un mois plus tôt et cela avait déjà été un échec.

Tu es belle Ryn et tu sais quoi ? Alaïs aussi à des marques. Pas… ce n’est pas comparable, mais elle à les mains du labeur. Ben ça me plait ! Ca fait partie de son charme. Tu es courageuse, vaillante et, au fond, tu es quelqu’un de très sensible Ryn. Tu es bourrée de qualités. Puis, j’en connais au moins un que tu attires soeurette. Tu refuses de l’admettre et lui, il est aveugle plus que borgne, mais tu l’attires. Ce n’est pas pour rien ce que je t’ai dit tout à l’heure. Habillée comme ça devant Théo, je suis certain qu’il perdrait la parole et qu’il s’engouffrerait par la porte que tu lui ouvrirais. Après… Vous êtes compliqués tous les deux ! Raillais-je avec un sourire amusé.

–En soi, à en entendre certains, le mariage n’est qu’une nécessité qui ne sollicite pas particulièrement de compatibilité, non. Un certain nombre de mes collègues sont mariés et pourtant… À l’inverse, je ne pense pas qu’il soit indispensable d’être marié pour être fidèle… Ni pour être un bon compagnon de route ou un bon père. Si je devais voir autre chose dans le mariage qu’un arrangement social, je dirais qu’il est important que les mariés soient en confiance l’un vis-à-vis de l’autre.

Ryn ne trouva rien à dire à cela, après tout, elle était tout à fait d'accord avec son frère. Aussi, elle se contenta de hausser les épaules, signe que, dans tous les cas, ils ne pourraient rien contre ça. Log poursuivit en parlant de confiance…Ce à quoi Aeryn aurait rajouté conscience de l'autre et le respect. Mais elle ne dit rien pour autant et préféra écouter la suite. Néanmoins, la suite dériva sur sa situation et, bien vite, la rouquine regretta d'avoir voulu parler d'elle…

Après tout, tout aurait été bien plus simple si elle n'avait pas voulu ramener le sujet à ses propres interrogations.


–Ne pas être doué, ce n’est pas une excuse Ryn. Nous ne sommes pas nés doués avec une épée, nous le sommes devenu… par la force des choses certes, mais surtout par le travail. Il faudrait que tu te confrontes aux gens pour apprendre comment les côtoyer.

–Oui mais…

Mais on n'apprend pas à être "humain", un être sociable comme on apprend à utiliser une arme… L'un consiste à vivre auprès des autres et s'y épanouir… L'autre à ôter la vie. Aux yeux de la mercenaire, il n'y avait rien de plus différent. Néanmoins, là non plus, elle ne dit rien.

–Je n’ai pas plus de souvenir que toi de qui était Mère, en soi, je n’ai pas plus que toi de connaissances sur ce point. Pour le coup, j’imagine qu’il y a une sorte d'instinct qui se met en marche à ce moment-là… Pour le reste… Pfff !

Peut-être, peut-être pas. Après tout, il existait bien des femmes abandonnant leurs enfants. Peu importe les raisons, elles pouvaient le faire… Où se trouvait donc leur instinct ? Ryn n'y croyait tout bonnement pas.

– Tu es belle Ryn et tu sais quoi ? Alaïs aussi à des marques. Pas… ce n’est pas comparable, mais elle à les mains du labeur. Ben ça me plait ! Ca fait partie de son charme. Tu es courageuse, vaillante et, au fond, tu es quelqu’un de très sensible Ryn. Tu es bourrée de qualités. Puis, j’en connais au moins un que tu attires soeurette. Tu refuses de l’admettre et lui, il est aveugle plus que borgne, mais tu l’attires. Ce n’est pas pour rien ce que je t’ai dit tout à l’heure. Habillée comme ça devant Théo, je suis certain qu’il perdrait la parole et qu’il s’engouffrerait par la porte que tu lui ouvrirais. Après… Vous êtes compliqués tous les deux ! avait-il pouffé sans réellement prendre conscience de ce que ses paroles, innocentes certes, pouvaient provoquer chez sa cadette.
–"Tu es belle, Ryn" gnagnagna, répéta-t-elle sur un ton moqueur voire purement caustique. Faudrait vraiment que vous arrêtiez tous avec cette connerie. On s'en fiche que je sois belle ou non, on se fout que je sois marquée ou non, ou que je porte des robes ou non. Je parle de ma personnalité, de mon intelligence, même si je doute fort d'être intelligente ces derniers temps… Je parle de ce qui compte et pas de ce qui va changer dès que j'aurai pris de l'âge, Log!

Si la nervosité l'avait déjà rendue agitée, cette fois ce fut la colère qui prit le dessus. Sa robe, elle l'a retira tout bonnement avant de l'écraser avec ses pieds. S'il y avait eu une cheminée dans cette chambre, nul doute que la rouquine l'aurait jeté au feu pour avoir le plaisir de la voir disparaître. Dessous, rassurez-vous,Aeryn portait toujours ses bandages bien serrés et son pantalon de cuir.

– Et tu te trompes sur Théophile. Je ne lui plais pas du tout. Il me trouve belle, tout comme toi, mais cela s'arrête là. Donc lui, on en parle plus !

L'évocation du nom de Théophile Castaing risquait fort de titiller les nerfs de notre mercenaire pendant encore un long moment. Aussi, plutôt que de s'énerver davantage sur son pauvre frère, la jeune femme préféra balayer la discussion pour de bon avant de retourner s'asseoir.

– Je parlais surtout de Fynn… Je ne pense pas t'avoir déjà parlé de lui… Il faisait partie de la compagnie des Lames, aujourd'hui disparue… Nous étions… Oui, nous étions ensemble… Je l'aimais et il a disparu un beau jour… Comme ça, elle claqua des doigts pour illustrer ses propos,Il est parti sans prévenir… Je ne saurais probablement jamais pourquoi.

Triste de devoir repenser à cet homme qui l'avait tant blessé, Aeryn ne put que soupirer.

– Mais bref, je préfère encore que tu me parles d'Aline… euh, non… Zut, comment elle s'appelle déjà ?

Ayant déjà, un mois plus tôt tout juste, énervé Ryn en lui parlant de beauté et de Théo, j’étais assez surpris de la véhémence de sa réaction. Si elle bloquait sur le “belle”, elle en oubliait le reste. Évidemment que tout ce qu’elle citait ensuite comptait et pour beaucoup. Sauf qu’elle ne laissait pas l’opportunité aux gens de découvrir “qui” elle était. Cela, je ne le dirai pas ce soir.
En revanche, une chose était évidente. Il c'était bel et bien passé quelque chose récemment n’ayant aucun lien avec Sombrebois. J’en acquis la certitude en voyant avec quelle rage elle retirait sa robe pour la piétiner ensuite.

Il me semble avoir aussi parlé de ton courage, de ta vaillance, de ta sensibilité… Je parle bien de toi dans ton entièreté Ryn… Tant de ton aspect que de ta personnalité.

J’avais à peine eu le temps de dire cela avant qu’elle ne décharge sa colère sur cette pauvre robe. La réplique, cinglante, que je prenais alors au sujet de Théo me faisait croire, avec une quasi-certitude, que ce qu’il c'était passé pour mettre Ryn dans cet état était lié, de près ou de loin, à l’archer.
A l’évidence, j’avais raison, ils étaient tous les deux très compliqués !
Cependant, le ton avec lequel la rouquine décrétait qu’il ne fallait plus parler de lui me donnait la certitude que je n’avais pas intérêt à relancer sur ce point.
Pas ce soir tout du moins.

Alors que je cherchais quoi dire pour désamorcer un peu la situation, ma frangine détourna elle-même la conversation pour me parler d’un autre type dont je n’avais jamais entendu le nom.
Un certain Fynn.
Je l’écoutais donc attentivement pour, une fois sa brève histoire terminée, me lever. Alors, j’avais fait les quelques pas qui me séparaient d’elle pour la prendre doucement dans mes bras.
Ainsi, elle avait déjà vécu une difficile blessure amoureuse et, sans doute, cela n’était-il pas étranger aux difficultés qu’elle pouvait éprouver aujourd’hui à faire confiance.
Aussi, je la serrais contre moi, sans dire un mot, me contentant de démontrer un amour qui, lui, ne disparaitrait jamais.

Finalement, je gloussais lorsqu’elle écorcha le prénom de la potière.

Alaïs ! Pas Aline ! Rappelais-je en la relâchant. Que te dire ? C’est une jeune femme adorable, pleine de courage et déterminée. Il en faut pour devenir propriétaire de son commerce en étant une femme. Après, comme beaucoup, elle a perdu du monde en fuyant vers Marbrume, son fiancé notamment. Ah ! Et elle couche à l’auberge, elle est venue avec un collègue à elle qui m’a prêté des vêtements secs. Paulin, un peu bourru, mais il semble être un chic type. Un peu plus grand que moi, blond, un sacré gaillard… Après, que te dire d’autre ?