Marbrume


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 Plus de bouches à nourrir [Anton]

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Hugues de NoblecoeurBaron
Hugues de Noblecoeur



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MessageSujet: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyMar 22 Déc 2015 - 21:38

Crachin épais et brise spectrale furent les premiers à accueillir les rescapés. Le soleil n'était apparu que depuis quelques dizaines de minutes mais tous étaient déjà debout sur le pont principal alors que les contours de la cité de Marbrume se firent plus précis. Venant de l'ouest et le port se situant au sud-est de la ville, le navire dut longer les falaises sur lesquelles les hauts remparts étaient installés comme de sombres figures endeuillées. Gris étaient les murs, comme l'eau sur laquelle ils voguaient, comme la morosité qu'ils trouveraient certainement à l'intérieur.

Une petite centaine au départ, les passagers durent essuyer la faim, la peur, les maladies comme le typhus ou la dysenterie, ainsi que la fatigue. Presque un tiers n'y survécu pas. Quant aux autres, difficile de savoir s'ils étaient encore réellement vivant avec leurs mines abattues, leurs vêtements usés et trempés et leur teint blafard. Au milieu de cette triste et moribonde assemblée se tenait droit et fier Hugues de Noblecoeur, parangon de lumière et d'espoir dans ses habits de Baron. Son tabard autrefois aussi rouge que les premiers sangs d'une femme tournait au rose livide, et le fier et rugissant lion qui se tenait en son milieu n'était plus que grimaçant, sans doute en ayant vu l'or étincelant de sa fourrure devenir jaune comme la pisse d'un mendiant. Sa longue tignasse ainsi que son imposante barbe étaient trempées par la bruine qu'ils essuyaient depuis quelques heures déjà, et pourtant il affichait bonne mine.

Intérieurement, il était presque brisé par la fatigue et les soucis, il avait dû gérer les conflits au sujet de la nourriture tout le long, persuader ceux qui voulaient accoster prématurément qu'il s'agissait d'une mauvaise idée, remonter le moral de l'assemblée, bref, comme à son habitude, il prit tous les problèmes sur lui pour soulager ceux qui dépendaient de lui, au détriment de sa propre santé. Et pourtant, personne n'aurait pu témoigner du sinistre état dans lequel il se trouvait réellement car sous sa pilosité extravagante se devinait un sourire plein d'espoir, et ses yeux brûlaient d'une fougue renouvelée.

« Nous y sommes finalement arrivé, tant bien que mal. »

« Sans toi ce navire ne transporterait plus qu'une personne, celle qui aurait dévoré les autres. »

La faim devint également un grave problème à quelques semaines de l'arrivée, certains voulant notamment se livrer au cannibalisme. C'est d'ailleurs l'épisode que Hugues regrette le plus amèrement. N'ayant pu raisonner les forcenés il fut contraint de les neutraliser, la violence étant la seule réponse possible. Et Arnolf, l'ancien mercenaire lui ayant juré son épée, le savait très bien, c'est pourquoi il tentait de le rassurer dès que nécessaire.

 « Les Dieux se sont montrés bien cruels, mais à en voir les ports déserts que nous avons rencontré j'imagine que nous pouvons nous estimer chanceux. Même si cette cité laisse planer une ombre malveillante sur mes espoirs. »

Le navire accosta finalement à quelques centaines de mètres du port et les rescapés firent le reste du trajet en barges. Ils purent remarquer qu'une foule les attendaient sur les quais, la rumeur d'un navire étranger à la ville s'approchant avait dû rameuter beaucoup de monde. Nourriture, bonnes nouvelles, armes ou soldats, autant d'espoirs qu'avaient dû caresser les badauds. « Quelle déception pour eux » pensa le Baron. Ils arrivèrent finalement sur les berges où les attendaient également un groupe de soldats voulant sans doute renseigner le Duc sur plusieurs sujets, comme le nombre de rescapés, leur provenance, les possibles richesses qu'ils apportent, l'identité de leur meneur...

Hugues de Noblecoeur fut le premier à poser le pied sur les terres de Marbrume, bientôt imité par sa triste suite, et se prépara à répondre aux diverses questions alors que la foule commençait déjà à se disperser depuis qu'elle eût réalisé que ce navire plein de promesses n'amenaient que plus de bouches à nourrir...
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Anton Gunof



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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyLun 4 Jan 2016 - 10:55
C’était une bizarre de coïncidence qu’un navire arriva un tel jour. Le bâtiment avait été signalé la veille, le vingt-et-un, par une escouade de l’exploration, et arrivait à la ville le vingt-et-deux. Pas besoin d’être versé dans les arcanes de l’astrologie pour savoir qu’on était en plein solstice d’hiver. La nuit la plus longue de l’année… Cela ne disait rien qui vaille au milicien Gunof, qui, avant la Trèvepeste déjà, et plus encore à son apparition, s’était toujours piqué d’un peu de superstition. Beaucoup d’autres se faisaient cette même réflexion : un navire battant pavillon étranger et arrivant le jour le plus court avait quelque chose de sinistre. Même la foule de femmes, de filles et de parents rassemblés dans l’espoir grotesque de retrouver un proche disparu depuis déjà long semblait se crisper à la pensée de ce morne augure. Au mieux, on leur apporterait de tristes nouvelles, la confirmation de décès, et d’aucuns pourraient débuter un deuil véritable. Au pire, de nouvelles bouches à nourrir, des maladies et des mordeurs. De rares optimistes se prenaient cependant à rêver de tonneaux de bières et du bon grain du sud.

La hiérarchie elle aussi semblait avoir réfléchi à cette éventualité, au vu du déploiement extraordinaire d’hommes d’armes. A la garde portuaire avait été attachées plusieurs coutelleries des murailles, dont celle d’Anton, qu’on avait disposé en de beaux rangs bien parallèles sur la rade, parcourues par ci par là par deux sergents conviés à l’événement. Au vu du tonnage du navire, qui était fort gros, et comme on était dans la mauvaise saison de l’océan, les prévôts avaient décidé de le laisser entrer sans quarantaine préalable, de peur que le bâtiment, et son hypothétique cargaison, ne s’échoua à une lieue de sa destination, jeté sur les falaises par une tempête d’hiver, emportant ainsi par le fond ses richesses. On avait donc adopté une approche plus frontale et amené au port assez de soudards pour parer à toutes les situations, qu’il s’agisse d’un navire infesté de mangeurs ou une poignée d’hommes réticents à l’idée de céder leur précieux grain aux autorités de la cité.

On affréta des barges, ainsi que la galère de la garde portuaire, au cas où les choses n’allaient pas comme prévu, et la troupe, raide comme un piquet, attendit l’arrivée des étrangers. Impatiemment. L’imagination eut la bride abattue quand arrivèrent au ponton une foule de silhouettes, presque six dizaines d’hommes, selon les calculs d’Anton. A leur tête, un grand blond, recouvert d’un poil caricaturalement long du chef à la mâchoire, amenait sa forte carcasse, recouvert d’un surcot au rouge fatigué, jusqu’à son accueil, encadré par les rameurs de Marbrume et suivi par ses gens. A mesure qu’il s’approchait, on décelait, derrière cette figure hâve et ce corps amaigri, un discret quelque chose d’une étincelle de joie. Anton, qui ne reconnut par les armoiries, regarda l’un des sergents qui, lui, savait un peu mieux son héraldique. Tout en voyant l’officier se porter à la rencontre du seigneur, le milicien eut le pressentiment que le joyeux vin du sud, on était pas prêt d’y goûter.
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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyMar 5 Jan 2016 - 2:27
Le sergent s'avança vers le baron afin d'être renseigné sur l'arrivage. La foule avait bien maigri, mais quelques tenaces restaient là à saliver sur la cargaison possible, ils allaient être déçus.

 « Baron Hugues de Noblecoeur, dernier survivant de ma maison. J'amène avec moi soixante-et-onze personnes, c'est tout ce qu'il reste de mon fief, du moins à ma connaissance. Certains sont des fuyards pris en cours de route. Aucun d'entre nous n'a été mordu, je le jure sur mon honneur, mais si vous souhaitez vérifier nous nous y plierons. Quelques blessés, quelques malades aussi, mais rien de contagieux. Nous venons de l'extrême sud-ouest du Royaume, nous nous sommes dirigés vers le nord pour trouver un port, ce que les Dieux nous ont accordé. Quant au navire... »

Il sentit la centaine de regards posés sur lui redoubler de poids.

 « Le bâtiment en lui-même appartient au capitaine, nous ne sommes que passagers. Vous ne trouverez dans les cales que de la viande pourrie, des rats, et les fantômes des pauvres âmes que nous avons dû jeter dans la mer. Je ne sais pas comment vous comptez vous y prendre pour nous loger, mais je souhaite que mes gens restent avec moi. Qu'importe l'espace qui nous sera conféré, la ration de nourriture apportée, je me débrouillerai, ceux capables de se battre seront formés par mes hommes, les autres remplieront d'autres tâches. Si vous avez d'autres questions, profitez-en maintenant, nous avons grand besoin de repos. »

La triste cohorte attendait, abattue, résignée. Certes, arrivaient-ils au bout de leur périple, mais celui-ci fut si usant, si éprouvant, qu'ils y laissèrent tous une partie d'eux-mêmes. Et quand bien même étaient-ils saufs, combien de temps cela durerait-il ? Le monde n'était pas redevenu comme avant, les Fangeux continuaient de massacrer comme les créatures sauvages qu'ils étaient, et la faim n'étaient pas prête de les abandonner, alors à quoi bon. Le baron savait que leur moral était au plus bas, il tenterait de les rassurer une fois installés, mais pour pour le moment, l'heure était à la négociation avec le guet. Après tout, la ville était peut-être pleine à craquer, les réserves de nourritures inexistantes, et qui les empêcherai de leur refuser l'accès à la cité ? Certainement pas la troupe de cadavres ambulants.
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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyMer 6 Jan 2016 - 15:55
Le contraste entre les deux troupes était saisissant. Au devant de la phalange de gardes en armures, rangée dans une géométrie coquette, un sergent et un prévôt, les deux têtes de cette haie d’honneur, caracolaient sur le dos de deux chevaux sanguins, qui piaffaient d’impatience. De ces bêtes, raretés à Marbrume, se dégageait quelque chose de grand, de supérieur au commun. De leurs naseaux dilatés jetaient de grands panaches de fumée blanche dans l’air froid, remontant jusqu’aux figures sévères des deux cavaliers, les émissaires du duc. Ceux-ci, dominant leur monde, tenant négligemment la bride de leur monture, jetaient du haut des regards scrutateurs. Leurs visages, à l’aune de la troupe qu’ils commandaient, n’exprimaient rien. Ils attendaient, impavides, contemplaient l’arrivée de l’amas de réfugiés. Le prévôt un moment tourna la bride en direction du sergent, et échangea avec lui deux mots, puis ce grand barbu blond arriva à leur portée, et leur attention se porta sur lui.

L’homme, un baron apparemment, se présenta d’une voix forte, et tous écoutèrent. Si les représentants du duc gardaient une gueule de statue pendant le discours du grand barbu, dans les derniers rangs, certains ricanaient pas mal. A cause du contraste, voyez. La scène de ce grand homme au poil sauvage, sa horde de miséreux dans le dos, levant la tête vers les deux cavaliers, eux emmitouflés dans de riches fourrures et leurs tuniques aux manches à crevées, attifés de lourds colliers représentant leur charge au cou, d’une toque de feutre sur la tête du prévôt, un heaume poli sur celle du sergent, étaient commentées notamment par deux arbalétriers qui profitaient d’être au fond du dernier rang pour murmure des saloperies sur ces étrangers. Rire de l’air famélique et hagard des étrangers les aidait à oublier que, quelques instants auparavant, ils avaient craint ce qui aurait pu sortir de ce mystérieux bateau. L’angoisse provoquée par l’inconnu avait donc laissé place aux moqueries.

« Nan mais écoute-moi cet accent, c’est à y rien biter. »
« Qu’est-ce que t’attendais, l’homme est moitié animal, estime-toi heureux qu’y cause la langue déjà. »
« Arharh, trèvepeste, s’y son tous comme icelui, y vont pas faire les affaires des étuviers. »

Coup de coude et regard entendu. On avait affaire à la caricature même du barbare. Et ça venait réclamer refuge aux vrais gens, les civilisés de la ville. Anton aurait bien craché un glaviot s’il n’avait pas eu la bouche occupée à échanger des lieux communs un peu xénophobe avec son camarade. Il se tut cependant un peu quand le prévôt prit la parole.

« Paix, Messire de Noblecoeur, et bienvenue dans la cité de Marbrume. Je suis J*** Vogt, et je suis envoyé par le duc Sigfroi de Sylvrur, seigneur de Morguestanc, pour vous accueillir. A qui vient en ami demander son hospitalité et sa protection à notre maître, celles-ci lui sera gracieusement octroyées : vous disposerez du gîte et du couvert tant qu’il vous siéra, Messire, et une rente afin d’entretenir vos gens. Aux autres, qu’ils se rappellent qu’ils seront admis tant qu’ils observeront les us et coutumes de notre belle cité, et qu’ils ne provoqueront ni trouble ni mauvaiseté à peine d’exil. La générosité du duc de Morguestanc n’est cependant pas sans limite, et qu’en ces temps troubles, chacun doit mériter son séjour dans la dernière enclave civilisée du royaume : à qui sait se battre, sachez qu’ils pourront entrer aux services des ostes ducales contre bon pain, logis et sel. Aux autres, la ville trouvera une occupation honnête pour leur existence, si tant est qu’ils souhaitent de bonne foi contribuer à sa protection et à sa prospérité. »


On parlementa encore un peu, et finalement, le sergent, qui n'avait pas l'air d'apprécier plus que les messes basses d'Anton et son compagnon, les désigna volontaires pour accompagner le baron jusqu'à l'Esplanade et, plus précisément, au château ducal.
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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyVen 15 Jan 2016 - 16:59
Hugues écouta patiemment le discours de l'officier. Il était exténué, comme ses gens, mais tâcha de garder la face, non seulement pour ne pas être dévalué aux yeux des miliciens, hommes du pouvoir local, mais aussi pour continuer d'inspirer sa suite. Même s'il ne l'avait pas désiré, il était baron à présent, une figure de pouvoir, d'autorité, et personne ne suivrait un faible. Quand le prévôt termina sa tirade, Hugues reprit.

 « Nous nous plierons à la volonté du Duc. Une fois la santé de mes gens restaurée, je veillerai à ce qu'ils se rendent utiles pour la cité. »

Quelques paroles de plus furent échangées, et finalement le convoi se mit en route pour le quartier noble, l'Esplanade, escorté de quelques miliciens. Le noble en profita pour examiner la ville. Ancienne était Marbrume, plus ancienne que son fief, on pouvait le deviner en prêtant attention aux bâtiments de la cité. Certaines bâtisses semblaient d'un autre âge, tant par leurs façades délabrées que par les matériaux utilisés. Point d'indice pouvant affirmer que le quartier qu'ils étaient en train de traverser était le plus pauvre de la ville, mais en tout cas ce n'était certainement pas le plus riche. Il suffirait qu'une de ces baraques s'enflamme pour que le reste brûle en quelques heures. Beaucoup de taudis, et encore plus de crasse au sol. Fruits pourris, déjections, marres de pisse et même certaines de sang, ce n'était pas vraiment de bon augure. Déjà que la faim et l'espace devaient poser problème, la santé ne tarderait pas non plus. Dans des endroits aussi confinés les maladies se répandent en un éclair, il suffirait qu'un bougre attrape la peste pour que la cité entière soit contaminée en quelques semaines. Que faisait donc le Duc ?

En levant la tête, Hugues pouvait apercevoir la muraille intérieure, fière et solide, peut être même plus que les remparts extérieurs, un détail que les roturiers n'ont certainement pas raté... La ville devait être sous tension, tous étaient agglutinés les uns sur les autres, ici bas, pendant que derrière le second mur l'espace ne devait pas manquer. Une folie, au regard des derniers événements, car si Marbrume était bien la dernière cité du royaume, il allait falloir revoir certaines règles. Mais le baron chassa ces idées de son esprit pour le moment. Non seulement il n'était pas vraiment accoutumé au langage de la cour ou de la vie politique en général, mais en plus il était natif de l'autre extrémité du pays, aussi n'avait-il aucune informations sur les différentes maisons de la région. Fraîchement arrivé, présentant de grosses lacunes sur la vie locale, mieux valait-il faire profil bas et se renseigner avant de crier haut et fort les points qui lui hérissaient déjà le poil de la barbe.

Il profita donc de la présence des miliciens pour dénicher quelques renseignements.

 « À combien s'élevait la population de cette ville avant les récents événements ? Et à présent ? Toutes les villes côtières que nous avons rencontré lors de notre exode étaient désertes, ou hantées par ces choses... Nous nous sommes faits à l'idée que Marbrume est la dernière ville debout, mais peut-être avez vous des nouvelles du monde extérieur ? »

Le baron s'arrêta là, des milliers de questions lui brûlaient l'esprit mais il ne souhaitait pas assommer les soldats avec. Ces derniers devaient être accoutumés aux étrangers curieux, et, quand le pain manque, on a pas forcément envie de partager les quelques miettes qu'il nous reste. La haine pouvait très bien grandir à leur égard, aussi se contenta-t-il de ces quelques questions pour le moment.

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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyLun 18 Jan 2016 - 11:20
On avait fortement suggéré à Gunof, qui connaissait bien les longues routes reliant le port à la porte des Anges, de faire découvrir à leur nouvel hôte la beauté, la magnificence, le bon ordre de la cité. La Hanse, pour ça, était efficace. C’était en fin de compte un district où s’était agglutinée une grande partie des bürgers de la cité, et un ordre paisible de riches y régnait. La milice y était nombreuse, et souvent appuyé par des enfants des bonnes familles marbrumeuses, ces gens qui, sans être allés jusqu’à rejoindre la très suicidaire milice d’excursion, avaient décidé de protéger biens et parents l’arme à la main. Hélas, rien n’allait comme prévu, et sur l’avenue proprette qui devait les mener jusqu’aux portes de l’Esplanade, un accident empêcha la circulation. Les deux compères qui menaient la horde des réfugiés du lion se toisèrent un moment, gênés.

« On se ramène vers le nord, en longeant l’enceinte ? Ca fait son effet, comme panorama, le mur, on pourra rien nous reprocher, hé ? »
« Arf… Le problème, c’est les métèques… »
« Encore ? »
« Toujours, la moitié de la noblaille a forcé à ce qu’ils restent à portée de voix, à leurs clients, ça s’agglutine tout le temps, c’est un véritable enfer ce coin-là. »
« Vous allez pas y casser leurs trucs ? »
« Peste ! Bien sûr qu’on y casse leurs trucs, et on leur donne la chasse la journée durant, kreidling ! Mais c’est comme boire la mer, t’as beau faire, les vagues elles reviennent, et les garnisons de la Plätz s’en torchent bien gracieusement le cul de cette histoire. Pas question qu’ils foutent les pieds hors des Anges, qu’y disent, c’est des besognes pour les rangs de la basse-ville, peuh. »
« Mais ça colle la muraille comme des bubons, ces merdes, avec leurs brics et leurs brocs. Ah çà, ces rats, ces rats de la Plätz ! »
injuria Anton. Au fond, il gueulait contre la garde de l’Esplanade, mais les jalousait avant tout. Ces rats, comme il disait, avaient la vie bien douce, et ne recevaient d’ordre que d’une poignée d’officiers bien en bouche à la cour. Ils étaient comme des coqs en pâte, et il n’était pas un seul régulier de la milice qui ne rêva pas de foutre le camp de la seconde enceinte pour passer le restant de ses rares jours entourée de sa famille et de ses compagnons, bien à l’abri de la première, tout près du duc. Ce raisonnement tenait pour toute la population de la basse-ville : si le duc avait son bâton dans le bannissement, la mise hors les murs, des perturbateurs, l’Esplanade n’était rien d’autre que la carotte ducale. Servez fidèlement, et vous serez récompensés, les Anges ouvriront leur porte pour vous et les vôtres. On craignait ainsi la punition, et bavait devant la récompense. Et tant que le duc tiendrait ainsi la cité par la peur et par l’espoir en même temps, il resterait le seul vrai dieu de l’humanité.

Anton alla maugréer au baron de Noblecoeur qu’il y aurait comme qui dirait un petit détour, qu’il priait ce dernier de suivre son serviteur, s’il vous agrée, et tout ça. Ce grand barbu en profita pour coller au cuir du milicien déjà pas forcément jouasse. Les questions, étonnamment, de cens et de démographie égayèrent étonnamment le garde Gunof, qui était du genre à aller fouiner du côté des prévôtés comme des prétoires, content de pouvoir sucer toutes les informations que ces offices pouvaient lui offrir sur le pouls de sa bien-aimée cité.

« Quarante-cinq mille feux, que comptait Marbrume auparavant, au moins une centaine de mille et la moitié de ça de plus ! » Ces gros chiffres, il les disait toujours en pensant à quelque chose de sublime, le garde Gunof. Cent cinquante milliers d’individus, c’était quelque chose qu’il aurait été incapable d’écrire en toutes lettres, et il n’arrivait pas à se figurer un tel nombre. Il devait connaître des centaines de gens, et en avoir croisé des milliers, se disait-il parfois. Alors il faisait le calculer, et il lui restait encore cent quarante milliers d’âmes étrangères de lui, et qui leur était étranger à elles. Vraiment, il ne se figurait pas ce nombre. « On a dû… retomber à trente, trente-cinq mille foyers, comme au temps de la Peste… Avec les gens du pays, qui se sont réfugiés par chez nous, et puis les métèques arrivant en hordes les premiers mois, on a dû remonter à quarante mille feux… Voire cinquante mille si on croit aucuns !... M’est avis qu’on aurait dû faire comme au temps de la peste, et clore avec du plomb les portes, mais notre seigneur Sigfroi est généreux. » Trop généreux. « Sauf votre respect, baron, hé ? Quand je dis métèques… enfin… Vous savez pas comme c’est… » C’est que la munificence du duc, pour prestigieuse qu’elle pouvait être, avait un prix pour les milices. Les heurts entre réfugiés et locaux, les algarades, les bandes, les bouches à nourrir, les campements, tout cela avait ouvert de grandes plaies dans la cité, grandes plaies qui saignaient des vies de miliciens. « Possib’, possib’ au vrai qu’on soit dernier bastion de Langres… Il y a bien quelques bourgades qui résistent par le soutien du duc, jusqu’à quelques dizaines de lieues de la cité, mais rien de si populeux que Marbrume, rien qui survivrait sans Marbrume. Les capitales, elles sont plus, pour avoir de mes oreilles ouï dire des gens de là-bas qu’ont parvenu jusqu’à nous, les dieux savent comment… Mais y’a espoir du côté des havres du septentrion, qu’on raconte. Sûr qu’il y a bien une de ces cités, là haut, qu’en a réchappé… » Ce n’était pas tout à fait faux. Plusieurs ports, en lien d’ailleurs avec Marbrume, étaient construits telles des forteresses, sur des à pic, les pieds dans l’eau, voire des îles reliées à la terre seulement en cas de marée basse. A la vérité, si le garde Gunof semblait si convaincu de l’existence d’une enclave humaine par delà sa cité, c’est qu’il y avait un père disparu, et qu’il n’arrivait pas à se résigner sur le sort paternel.

Quand on disait cela, la procession passait près d’un village d’auvents et de planches précaire, accolée à la muraille de l’Esplanade. Des curieux pointèrent le bout de leur nez devant l’avant-garde, composé des réfugiés et du baron, mais la plupart s’égayèrent dans les rues de la cité quand ils virent la solide troupe de miliciens qui talonnaient les gens du lion. Un accrochage ou deux fit du bruit derrière le baron et Anton, mais les choses restèrent courtoises. On n’était pas là pour ça, il fallait faire bonne figure, paraît-il. Comme ce grand barbu semblait avoir l’attention tirée vers la rumeur des cris, Anton essaya d’alimenter la conversation.

« Pardonnez l’indiscrétion, hein ? Mais d’où que vous nous arrivez ? J’entrave votre accent, mais saurais pas mettre une race bien particulière dessus, vous entendez ? » fit le milicien sans plus d’ambages, certes tenu au respect par la prestance du noble, mais qui n’oubliait cependant pas ce qu’il était : un de ces aristocrates sans le sou venus quémander abri auprès des Sylvrur.



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Dernière édition par Anton Gunof le Mer 20 Jan 2016 - 12:01, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyMar 19 Jan 2016 - 15:33
Le cortège morose continuait d'arpenter les rues de la cité, tournant tantôt dans des coupe-gorges, empruntant de grandes allées, rebroussant chemin pour suivre une autre route. Le milicien répondit aux questions du noble et, comme ce dernier le redoutait, Marbrume semblait bien être le dernier bastion de l'Humanité. Certes il existait quelques rumeurs, mais fondées sur quoi ? Vu l'engouement que leur arrivée avait suscitée, la ville ne devait pas voir des navires tous les jours... Quelle tristesse que de devoir survivre aussi loin de chez soi, sans l'espoir de revoir son foyer un jour. Le baron ne releva pas la remarque de l'homme d'armes sur les étrangers, c'était prévisible, les natifs de Marbrume devaient vouer une certaine haine à leur encontre, eux venus grignoter leurs réserves, habiter leurs maisons. Surtout envers les nobles, réfugiés qui seraient mieux traités que le petit peuple ayant passé sa vie à trimer pour la ville.

 « Nous venons de l'extrême sud ouest du royaume, de Noblecoeur comme mon nom l'indique. Un territoire rocailleux, âpre, mais au climat plus doux et surtout moins humide qu'ici. Si Marbrume était située sur les terres de mon fief, la survie y aurait été plus aisée. Ici, entourée par les marécages, cela va être plus compliqué. »

Le noble n'était pas du genre à se plaindre, mais il aurait préféré un autre endroit que ce trou nauséabond.

 « Si je vous ai bien écouté vous êtes donc originaire de cette région, à en juger par votre avis sur les réfugiés. Quels sont les derniers événements ? »

La troupe tourna à droite et arriva à la porte d'un second rempart, à travers laquelle on pouvait voir à quel point un mur de quelques mètres de large peut faire toute la différence. Les rues semblaient propres, calmes voire désertes, et bien gardées. Le badaud qui passait là devait pester vertement quant à ce fossé entre le traitement de la noblesse et du peuple. Bien entendu les différences existaient depuis toujours, mais là, avec tout ce qui se passait au dehors, et le fait que des étrangers jouissaient de plus grands privilèges que les natifs, cela sonnait comme un affront.

 « Le quartier noble, j'imagine ? »

Une fois installé et reposé, le Baron ira immédiatement sonder la population, et se faire remarquer auprès d'elle. Si la cité devait tomber pour une raison ou pour une autre, il miserait ce qui lui restait de sa maigre bourse sur une guerre civile. Les fangeux sont effrayants, redoutables, implacables, mais rien n'est pire que la faim et l'injustice.
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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyMer 20 Jan 2016 - 12:05
Bien heureux que le baron ne relève pas les petits heurts en cul du convoi, Anton écouta avec un air faussement intéressé le seigneur décrire ses terres natales. Ca semblait plus loin qu’Hauptburg, tout ça, ça n’existait, au fond, pas pour le bürger marbrumeux. Et puis il n’allait pas commencer à retenir des noms de bleds depuis des mois détruits, rayés des cartes et des chroniques. Le nom, cependant, Noblecoeur, Adelhart, sonnait bizarre et retint un peu l’attention de l’officier sourire. Ca ressemblait à un nom de poèmes chevaleresque. Le chevalier de Noblecoeur, à la rescousse d’Yseult aux Blanches-Tresses, terrassant l’ogre-mage des Monts-des-Morts. Ca allait bien à ce colosse tout en poil qui, malgré quelques déboires l’ayant paré d’oripeaux dignes d’un clodo, dégageait quelque chose des temps naguères, ces ères qui n’avaient existé que sur la langue des bardes et des ménestrels, qui chantaient les parangons de vertu et de courage des seigneurs d’autrefois, aux barbes fleuris et aux gentilles manières.

Le Noblecoeur fit une remarque à Anton, rapport à sa vision du réfugié. Cela dissipa les songeries romantiques du garde, qui se renfrogna un peu. « J’ai pas si noble cœur comme vous autres, c’est certain, messire, mais j’ai déjà vécu mon comptant de sièges… Alors les troupeaux de nouveaux venus… » Il laissa sa phrase en suspens. Les nouvelles populations, sans logis et sans sou, gangrenaient tout simplement le bon fonctionnement d’une ville déjà mal en point. Au souci de la nourriture, à ceux du logement, s’ajoutait le fossé culturel. Les métèques désœuvrés, poussés par la faim ou par des compatriotes, avaient tendance à prendre ce qu’ils ne pouvaient avoir autrement. Les bandes se multipliaient, et malgré une grande bienveillance envers les milieux troubles marbrumeux de souche, cela ne suffisait pas à réguler correctement les vagues de crimes et d’agressions, de vols et de viols. Dans cette ruche de milliers d’âmes, il y en avait bien quelques centaines qui seraient prêtes à tout pour nuire à Marbrume, même de prendre d’assaut la grand’porte et de livrer la ville aux morts-vivants. Alors ils étaient bien gentils, les réfugiés, mais pendant ce temps, ils n’avaient apporté aux vrais habitants que des soucis, et pas des moindres.

« Des nouvelles, m’sire ? Je saurais pas trop par quoi commencer, surtout à vous, qui êtes pas du cru, vous mirez ? » Il sembla y réfléchir pendant quelques pas. « Au vrai, le seul conseil que je peux vous donner sur l’actualité, c’est de vous défier des Sarossiens. Une sale race, les Sarosse. Probable qu’ys aient à voir avec la Fange, si on croit ce qu’y se dit… C’est les ennemis des Sylvrur, les ennemis mortels. Ils étaient en guerre contre le duc quand tout a commencé à partir à vau-l’eau. Nombre de ces traîtres sont morts céans, mais le duc dans sa mansuétude a pardonné à un nombre considérable des alliés des Sarosse, entretenant des vipères en son sein… » Il n’envisagea même pas de parler du prix du pain à ce grand barbare méridional, il ne pensait même pas que celui-ci savait que dans les grands bourgs, on payait le pain avec de la monnaie, et pas en ordonnant à ses gens de faire cuire le froment.

« Si fait et non fait, baron ! La cité ducale, plutôt. La paume des ducs, l’Esplanade, la Plätz ! C’était une fantaisie du grand-père de notre duc, si on ne s’abuse. Auparavant, y était le vieux bourg, la haute ville, un amas de bicoques creusées par des venelles minuscules. Mais un feu emporta presque tout, ce qu’est pas grande surprise, et les ducs reprirent tous les lots de terre pour se bâtir une cité-palais, un grand jardin pour leur grande demeure, un endroit à leur image, pour leur famille, leur cour et leurs serviteurs. La Plätz… » répéta, songeur, Anton, alors que devant la Porte-des-Anges la garnison s’activait à recevoir la morne compagnie. « La basse-ville manque pas d’hôtels d’aristocrates locaux, cependant. Plus d’une famille de noble sang habite toujours leurs pénates, malgré l’invitation du duc et que c’est moins de sûreté. J’y suis j’y reste, ‘voyez le genre ? »

Un coutilier se mit devant la Porte-des-Anges, un cordon de ses gars derrière lui. Anton tourna de nouveau le regard du côté de Hugues. « C’est ici que vous vous délestez du gros de votre valetaille, m’sire. Une telle bande de va-nu-pied à l’Esplanade, ce serait des remous, vous imaginez bien. Ils pourraient vous attendre, mais pas que sûr que Sa Seigneurie vous rende à eux de la nuitée, curieux qu’y doit être à votre compte. »
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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyJeu 21 Jan 2016 - 14:03
La situation semblait mal engagée. Non seulement les natifs de la région ne voyaient pas d'un bon œil l'immigration massive que connaissait le Royaume, ce qui était certes attendu au niveau du petit peuple, mais en plus il existait des dissensions parmi les nobles, assez graves pour que cela conduise à l'extermination d'une maison entière. Comme le craignait le baron à la minute où son regard se posa sur les sinistres remparts de la ville, cette cité était annonciatrice de malheur. Lui qui espérait un havre, un refuge, venait sans doute de mettre les pieds dans la tombe, emportant sa suite avec lui. Et ça, il ne pouvait le tolérer.

 « Les Fangeux sont apparus près de mon fief il y a plusieurs semaines, je doute que vos Sarosse en soient à l'origine. Mais si le Duc les a condamné à mort, il doit avoir ses raisons. »

Des raisons plus concrètes, loin du folklore rampant du petit peuple. Une histoire de pouvoir, sans doute une maison rivale, le noble le saurait bien assez tôt car il prévoyait de se renseigner copieusement sur la politique locale. La politique, cet art tordu et indigne, qui utilise la comédie et le faux pour plonger dans la perversité la plus totale, un repère de vipères, de sangsues hautaines, grasses et immondes. C'était certainement la chose qui lui déplaisait le plus dans ce nouveau monde crée par les fangeux, l'obligation de devoir participer à ce bal morbide. Mais les Dieux en avaient décidé ainsi, et Hugues ne baisserait les bras devant rien pour assurer la sécurité de ses gens et le renouveau du Royaume. Utopique ? Bien entendu, mais être sans espoir au milieu du chaos c'est s'abandonner aux rats.

Le milicien lui expliqua finalement l'origine de cette fameuse Esplanade, un travail réalisé avec rigueur et succès quand l'on sait qu'il ne fallut qu'une génération pour l'achever.

 « Une œuvre grandiose, je dois l'admettre. Quoique l'on puisse se sentir nargué en la regardant d'en bas, non ? »

Le palais des bals, des festins, de la nourriture à outrance, quand d'autres crèvent de faim à ses pieds. Le milicien marqua une halte et l'informa que ses gens ne pourraient le suivre. Le noble fronça les sourcils et le regarda dans les yeux d'un air sévère.

 « Ces gens sont sous ma responsabilité. Ce ne seront pas des poids morts, ils travailleront et aideront la ville. Je n'ai pas traversé l'enfer de la Fange avec eux pour les abandonner dans quelque auberge miteuse. Ils sont tout ce qu'il reste de mon fief, de ma vie, alors ils m'accompagneront, à moins que le Duc lui même ne daigne venir me dire le contraire. »

Le ton était sec, et inhabituel chez le baron. Il détestait devoir forcer ou intimider, mais il était nullement question de laisser sa suite moisir dans les bas-fonds.
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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyVen 22 Jan 2016 - 11:35
« Heu… » ne trouva-t-il qu’à dire. Se sentir nargué par la Plätz ? Le garde Gunof n’avait jamais vu ça sous cet angle, à vrai dire, et y pensa un court instant. C’était un peu comme si les hommes jalousaient les dieux car ils vivaient dans le firmament et eux dans la glèbe selon lui. Il était né et avait existé à l’ombre de l’Esplanade, qui l’avait émerveillé et rendu humble lors de plus d’une promenade solitaire. C’était le bien du duc, non ? Il était riche et puissant et leur seigneur, et cette immense propriété, véritable instrument de propagande tout de pierre vêtu, ne faisait que faire savoir sa richesse et sa puissance et sa noblesse. C’était, comme on disait, de tout temps ainsi, alors Anton ne trouvait guère à redire sur cet us, qu’en bon bürger il n’aimait pas qu’on les dérange, les usages et les coutumes. C’était ouvrir la porte à un flot de changements qui mèneraient immanquablement au dérèglement de la société, de changer ce qui était établi. Les griefs qu’ils pouvait avoir contre le duc, Anton ne les trouvait pas dans le statu quo, mais dans tout ce que, sous le coup de l’urgence et de l’état de siège, leur seigneur avait oblitérer. Les chartes, les droits du bourg, le conseil de la cité étaient autant de lois qu’il avait biffées d’une simple ordonnance, à la faveur du conflit sarossien et de la Fange rampante. Ca ! ça mettait le brave milicien hors de lui, qu’on rogne sur les privilèges de sa famille, des guildes et des gens de la cité, qui avaient tant souffert.

Le baron rappela notre indigné à une réalité plus crue, mais qui ne manquait pas de beauté. Ca n’empêcha pas la tirade du grand barbu d’affliger Anton d’une grimace.

« C’est bien et bel tout ceci que vous dites, messire, bien et bel, au vrai… Mais sauf respect que j’dois à Sa Seigneurie, elle se doute que ces dizaines de sent-la-pisse vont pas pavoiser dans les beaux boulevards des Jardins ducaux alors que même myssègue peut pas y mettre les panards sans s’être fait fouir le trou du cul au préalable, et sur invite au surplus. J’vous prie de reconsidérer, m’sire, jamais qu’ys voudront, les chefs des Anges, c’est par trop hasardeux. Et pis ys sont bien maintenant, les vôtres, ils sont en bonne sûreté, parmi les remparts de la cité, ys craignent nulle chose dès à présent. Huf… »

Il ne reçut aucune réponse à sa petite explication et soupira de lassitude. Il faisait rebondir son regard du cordon de gardes de la porte à la mine animée de son escorté, dans l’expectative.
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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyMar 26 Jan 2016 - 1:18
Malgré sa maigreur, son allure de mendiant et ses traits fatigués, le noble devint immédiatement plus intimidant, plus féroce dans son regard, il semblait redevenir le lion qu'il fut depuis toujours. Il maudissait sa sagesse qui l'empêchait de faire un esclandre à l'entrée de l'Esplanade, de rugir si fort que le Duc lui-même aurait été forcé de descendre pour régler l'affaire. Mais le calme garda le dessus, bien qu'un certain mépris pouvait se lire dans les yeux du baron. Le milicien n'y était pour rien, il en était bien conscient, ces pauvres gars ne font que suivre les ordres, toujours, et pourtant, il s'en souviendrait si leurs chemins devaient se croiser à nouveau. Bien que, pour le moment, il garda le silence quelques instants avant de chuchoter à son second, Arnolf.

 « Veille à ce que tous soient loger et nourris, je reviendrai une fois cette farce terminée. »

L'homme acquiesça et la suite prit une autre route, laissant le lion seul avec ce putois et ses semblables. Ce dernier le regardait comme s'il attendait la venue d'Anür en personne. Il put alors essuyer une réplique du baron, sur un ton aussi acide que son regard était sanguinaire.

 « Eh bien, quoi encore ? Dois-je entrer dans l'Esplanade nu comme un ver ou allons enfin avancer vers cette demeure prêtée si agréablement ? Activez-vous, ou j'aurai une autre raison d'aller voir le Duc. »

L'intimidation et les menaces ne faisaient pas parti de son registre habituel, il n'aimait pas abuser de son rang. Mais parfois, c'était un réel plaisir de rappeler aux rats qu'ils avaient à faire à un lion.
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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyMer 27 Jan 2016 - 12:54
Lancer d’intimidation, du charisme de Hugues de Noblecoeur contre l’intelligence d’Anton Gunof, respectivement 10 c. 10. Résultats : 1 c. 7. Réussite de 9 d’Hugues, et réussite critique qui plus est, réussite de 3 d’Anton.

Le lion décharné feulait avec des éclairs dans les yeux, et c’était une entreprise audacieuse, car le garde moyen, celui issu de la vieille garde, en plus d’être d’une brutalité vicieuse et d’une xénophobie patentée, pouvait devenir un sérieux casse-couilles lorsque qu’on engageait contre lui le jeu du plus con. De la dite fouine, il récolta d’abord un œil noir tandis qu’il multipliait les piques en arrogant tout son soûl. Voilà que le crapaud se prend pour un bœuf, pensa le pauvre milicien, qui n’en menait pas large face à l’impérieux qui sourdait du regard enflammé du baron. Il rêvait à des sournoiseries, il s’imaginait déjà embourber la petite suite de l’invité ducal devant la Porte-aux-Anges pendant des dizaines de minutes, arguant avoir à parler formalités avec les coutiliers en charges d’accompagner les puent-la-pisse de Noblecoeur, de devoir écrire quelques procès-verbaux à l’intention de l’officier commandant de service à la porte. Mille et mille vétilles vinrent se proposer à la mesquinerie du garde mais restèrent des velléités sans consistance.

Le garde se soumettait face aux menaces du baron. Il ravala ses bassesses, et cette déglutition mentale, cette soumission, laissa un arrière-goût amer qui assombrit un peu plus son regard chafouin. Il en eut même un tremblement de rictus haineux, qu’il contint vite. Il se rabattit sur ses derniers retranchements en se disant qu’il n’était pas responsable des ordres, qu’il ne faisait qu’exécuter, en homme loyal. C’est pas très juste, que ce gus lui passe ses nerfs, il faisait rien que son devoir, et essuyer les humeurs d’un messire, il s’en serait passé. C’était même carrément antipathique, cette incorrection. Merdre quoi, il n’avait vraiment pas besoin de ça, de se faire aplatir à coup de mépris social. Ca avait pas mal refroidi notre soudard, ce changement de ton. Maussade, il catalogua expéditivement cette nouvelle tête dans la case déjà bien pleine des sales types à noble origine, puis dit, dans un grincement :

« Ouais, seigneur. »

Il fit des gestes au coutilier qui faisait barrage devant les portes, que celui-ci ne comprit pas. Cela tira un maugréement au milicien, qui alla expliquer la situation. Une minute plus tard, les portes s’ouvraient et le cordon de factionnaires s’écartait. Le spectacle d’une large avenue serpentant un peu jusqu’à la Plätz, où elle devenait aussi pure qu’une droite de géométrie, s’imposa à la petite troupe. La circulation, plus clairsemée et fluide, donnait une impression de quiétude et d’équilibre à mesure que les réfugiés découvraient l’ordre des rues, la régularité des murs entretenus soigneusement où se dissimulaient – on le voyait au travers des grilles des portails – des jardins tranquillisant, à l’ombre d’hôtels particuliers aux allures de petits palais. Le silence du garde Gunof aidait aussi pas mal à la contemplation, bien que la gueule qu’il tirait ne rendait en rien la vue plus agréable.

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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyJeu 28 Jan 2016 - 4:40
La ruse semblait avoir prise, puisque le rat lui servant d'escorte ne claquait plus ses dents rongées par la crasse. Tant mieux, la découverte du quartier n'en serait que plus agréable. Le contraste fut incroyable, les rues étaient calmes, propres, ordonnées, entourées de végétations, de fontaines, le grand luxe pour faire simple. Même le sol n'avait rien à voir, finis les vieux pavés fatiguant, bonjour le marbre blanc, et les maisons... Nuls taudis ici, ni de baraques en ruines, que des résidences avec jardins et clôtures, il y avait même des manoirs ! Et pas qu'une dizaine. Ce fut une agréable surprise pour le baron qui n'avait jamais vu pareil spectacle, son fief étant bien plus modeste et bien moins ancien que Marbrume.

 « Voilà enfin quelque chose de plaisant à regarder, n'est-ce pas ? Quoi que... »

Il ne dit pas la suite, mais la gueule que tirait le milicien lui donna autant de plaisir. Il resta tout de même discret et chassa les pensées moqueuses de son esprit, après tout, le garde n'avait pas fait grand chose, il ne respectait que les ordres. Et même s'il ne le sentait pas du tout, tant sa trogne de furet ne lui inspirait pas confiance, le baron décida de calmer son ire et de relancer le dialogue.

 « Combien d'hommes sont affectés à la protection de ce quartier ? Et que faut-il faire pour y être stationné ? Vous avez l'air d'être là depuis beaucoup plus de temps que la Fange, alors pourquoi vous n'êtes pas en patrouille ici ? »

La remarque pouvait sembler désobligeante même si ce n'était pas l'intention première du noble. Après tout, il venait de mettre les pieds dans un nid de vipères, alors il préférait savoir ce que valait les hommes en postes ici, s'il serait facile des les acheter, des les contraindre, il voulait voir où la loyauté de ce genre d'homme s'arrêtait.

 « Où se trouve mon habitation, alors ?»

Il attendait que l'homme d'armes lui montre le chemin pou avancer et, enfin, se reposer comme il le méritait.
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MessageSujet: Re: Plus de bouches à nourrir [Anton]   Plus de bouches à nourrir [Anton] EmptyVen 29 Jan 2016 - 12:48
Le milicien laissa glisser la remarque, qu’il trouva vaguement narquoise, du baron, le regard bien fixé vers l’avant, loin de tout contact oculaire. C’était dommage, tout de même, car il lui aurait été plaisant de voir un étranger, sinon s’ébaudir, du moins apprécier la pureté des lignes et la géométrie pensée de la haute-ville. Comme n’importe quel Marbrumeux, il appréciait cette vitrine d’Esplanade, c’était, en somme, le joyau de la couronne ducale, le fleuron du pays, pour inaccessible qu’elle puisse être. Au lieu, donc, de se gargariser à la vue des regards surpris d’Hugues, il avançait, muet et sombre, droit devant lui, tractant à pas rapides le troupeau vers le plus merveilleux des palais locaux : le château des ducs du Morguestang.

La vision tira à Anton un sourire bête, qu’il perdit lorsque le lion se décida à faire de nouveau appel à ses connaissances. Il tourna alors sa tête bougonne, bien décidé à faire chier son escorté et, sans le regarder, les yeux sur le côté, enfoncés dans la contemplation des pavés :

« Vraiment navré, Messire, mais je peux pas parler de choses de guerre aux gens extérieurs à la maison ducale. Et particulièrement pas aux étrangers… » Il aurait bien voulu accompagner le tout d’un sourire de petit fonctionnaire heureux de pouvoir participer à l’inertie de son institution, mais les paroles, pourtant pas méchantes, du baron étaient prises de façon tout à fait amères par le garde Gunof qui y voyait une nouvelle fois des piques arrogantes jetées en plein sa face. Et malgré sa petite vengeance, ça lui restait sur le bide, et ça serrait un peu sa gorge, de devoir escorter l’antipathique bonhomme. Aussi pressa-t-il le pas, mais une ultime provocation le fit ralentir, presque s’arrêter. Son sourire enfin renaissait.

« Y se trouvera où le duc dira qu’y se trouvera, votre cher logis. Peut-être que ça sera une chambrette dans sa maison à Son Altesse, hé ? Peut-être qu’y vous y foutra avec trois autres seigneurs de votre genre, d’autres barons avec plus rien sinon la compagnie de leurs colocataires ? C’est qu’on en a ramassé des entiers tas, des gentilshommes dans l’indigence, et la munificence du duc, elle se limite à la place qu’il peut allouer à tous ces réfugiés sans terre ni ressources pour survivre eux-mêmes, hé ? » Cette petite hypothèse le ragaillardit quelque peu, et il reprit la marche en se détournant, heureux, de son interlocuteur. Pourtant, il jeta une dernière chose sans s’adresser clairement à Hugues, plus comme ça, pour la remarque.

« Pressé comme vous êtes d’avoir ce qui vous ai prêté, j’ai l’impression que Sa Seigneurie va bien s’entendre avec la faune locale… » Et voilà, cette petite phrase dite, le milicien n’avait plus honte d’estampiller, dans sa tête, le nouveau venu dans le genre des pique-assiettes et autres quémandeurs aux grands airs.
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