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 Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]

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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyMer 29 Juin 2016 - 13:41
Ainsi parlait la folle aux chats


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Dans le silence de la pièce les pas raisonnaient doucement. La bibliothèque, ce lieu de silence, du calme de la discrétion, ne dérogeait nullement à sa réputation. Les doigts effleurèrent de leurs extrémités la tranche reliée de cuir de for bonne qualité, des ouvrages qui la composaient, les parcourant avec un bruissement quasiment imperceptible à l’oreille humaine. Ils semblèrent hésiter, s’attardant tout d’abord sur un ouvrage historique, touchant le relief de son titre comme pour le lire, puis finalement reprirent leur course pour se poser sur quelques traités plus scientifiques. Agrippant le haut de l’ouvrage ils le tirèrent produisant un frottement sourd.

Il s’ouvrit dans un crissement étouffé tandis que la première page se laissait tourner distraitement. Le plissement des feuilles accompagnait joliment le piétinement serein des pas sur le tapis. Créant une ombre plus accentuée en passant devant la fenêtre qui laissait baigner la pièce dans la douce lumière d’un jour nuageux, cette dernière vint assombrir temporairement le portrait qui trônait sur le mur opposé. Il s’agissait d’une femme, le port noble qu’avaient toutes les occupantes de l’Esplanade, une toute petite trentaine, brune, possédant un délicat charme. Emanait une certaine bienveillance de son regard malgré une certaine austérité dans sa mise et de la composition de la peinture.

Passant des écrits au tableau, il avait été aisé de se perdre dans la contemplation de celle qui semblait veiller sur le trésor de savoir que renfermait cette pièce.

« Interrompre un tel moment de grâce, quel dommage. »

Quand diable était-elle arrivée ?
Audric, se retourna, refermant l’ouvrage qu’il tenant en main, le faisant produire un claquement sec. Il détailla sa sœur avec un mélange de surprises teintée de méfiance. Lorsqu’elle arborait ce petit sourire confiant, cela était rarement un bon présage.

« Il est possible que tu n’interrompes rien et que je sois encore en train d’en vivre un. N’es-tu pas sortie de ta chambre ? Sans Azhim ? Et en t’adressant de ton plein gré à quelqu’un dans un but autre que celui de lui aboyer toute ton amertume ? »

Le rictus de la jeune femme s’accentua quelque peu se faisant plus ironique. Elle parcourut les quelques pas qui la séparait de son ainé.

« Il semblerait »

Enchérit-elle se saisissant du livre qu’Audric avait encore en main, l’ouvrant à son tour pour prétendre le parcourir.

« Cela voudrait-il dire que tu vas sortir aujourd’hui ? Henri se languis …


- T’arrêterais-je de suite, ce n’est nullement moi qui vais quitter les lieux. »

L’interruption avait été pour le moins incisive, comme le regard de Grâce. Son frère la regarda, elle semblait parfaitement sérieuse. Ce qu’elle demandait, en soit, n’était guère irréalisable, loin de là, cependant la manière de présenter la chose qui bloquait chez le jeune homme. Il savait être seul dans la grande demeure, du moins si on excluait les domestiques. Les autres occupants des lieux vaquant à quelque occupation ou quelques mondanités hors de ces murs.

« Est-ce une manière triviale de me faire payer le fait que je sois de l’avis de Père et Mère sur le cas d’Alchas ?

-Possiblement. »

La demoiselle avait fait une moue quelque peu boudeuse, un peu railleuse en prononçant son unique mot. L’ainé de la fratrie eut un bref soupir sec, agacé. Elle était affreuse et affreusement intenable depuis que leur géniteur lui avait annoncé avoir arrangé quelque fiançailles avec ce bâtard. Au fond la comprenait-il un peu, beaucoup. Cette impression d’être bradée, peut-être doublement punie pour une chose qu’elle n’avait commise consciemment.

« - Puis-je au moins connaître la réelle raison de cet exil souhaité ?
Tanta-t-il sans réellement y croire.
- Bien entendu. J’ai invité quelqu’un a passer cette après-midi et il est hors de question que tu sois là pour écouter aux portes. D’ailleurs pour être certaine que tu ne restes pas, je t’ai pris rendez-vous pour un entraînement avec Rivenoire … Il serait malvenu que tu ne t’y présentes.

- J’ai hâte que tu te fasses à cette situation… ton irascibilité est lassante. »

Lâcha le jeune homme dans un soupir contrarié. Préférait-il battre en retraite, cela ne valait nullement la peine de se battre.
Le sourire condescendant de Grâce, devait certainement indiquer à Audric qu’il pourrait sûrement espérer un certain temps avant que les Dieux ne songent à exaucer son souhait. Avait-elle quelques projets vis-à-vis de ces désagréables fiançailles avec Adalman d’ Alchas, toutefois accepter n’en faisait nullement partie.

Le jeune homme quitta la pièce et bientôt le manoir, tandis que la demoiselle savoura ce moment. Ce n’était guère une grande victoire, ni même simplement une victoire, seulement une savoureuse mise à bouche aux heures qui allaient suivre et qui s’annonçaient sûrement bien plus plaisantes qu’une sempiternelle entrevue tendue avec les membres de la famille Brasey. Sûrement aurait-elle du sortir, proposée une entrevue en un autre lieu, cependant, elle n’en avait guère eu envie, le scandale de l’annulation était toujours trop récent et n’avait-elle guère envie de découvrir ce que l’on disait de sa toute récente promesse d’union. En ce moment n’était-elle guère d’humeur à se montrer dans d’autres cadres que ceux plus ou moins officiels. Si elle pouvait se priver de cet inconfort au moins pour quelques heures.

Le Manoir de Restellis avait cela de paradoxal, Grâce s’y sentait autant en sécurité, dans un sorte de cocon protecteur, mais également plus espionnée, épiée et sévèrement jugée qu’à l’extérieur. Cependant, pour l’heure, Victoire et tous les autres n’étaient pas là, ne restait que la dimension familière et bienveillante du lieu.

La jeune femme leva les yeux sur le tableau qui la surplombait légèrement et eu un délicat sourire.

Lorsque la porte de la bibliothèque s’ouvrit à nouveau, ce fut pour révéler la silhouette de son invitée que la domestique invita à entrer avant de s’éclipser comme si elle n’avait jamais été là.

« Madame de Ventfroid. »

Salua-t-elle comme l’exigeait la convenance.

« Je vous remercie d’avoir accepté de vous déplacer. »


Elle arborait une légère risette polie et l’invitant à prendre place sur un fauteuil ou la causeuse qui trônait au centre de la pièce. Son sourire se fit un peu plus amusé, sans excès, cela allait de soi, avant qu’elle ne reprenne la parole de la même voix douce et mesurée.

« J’espère ne pas vous avoir trop arrachée à votre époux, il me semble que cela ne fait guère si longtemps que les participants aux Labret soient revenus. »




Dernière édition par Grâce de Brasey le Sam 3 Sep 2016 - 15:20, édité 1 fois
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyVen 1 Juil 2016 - 19:20
- Tes jambes, Isidore. Tes jambes !

Morion fit un bond agile en avant pour lancer son coup d’estoc. Surpris par l’initiative, Isidore, dont le jeu de jambes avait été mal organisé, s’empêtra dans ses pieds en voulant reculer, et chuta sur le sol terreux. Il grimaça de douleur et secoua son visage pour éparpiller les mèches empreintes de sueur qui lui tombaient devant les yeux. Morion se redressa, ramenant sa lame le long de son corps, et soupira. Contrairement à son fils, pas l’ombre d’une goutte d’effort ne perlait sur son visage.

- Relève-toi.

Le comte reprit place à l’endroit où il se trouvait avant son coup d’estoc, et retourna son visage vers son fils lorsqu’il y fut. Isidore se releva péniblement, l’air las et exténué, mais ne protesta pas. Serrant un peu plus la garde de son épée, il releva cette dernière de son bras fin.

C’était une scène habituelle au manoir Ventfroid. Assise sur un banc de pierre du jardin, Ambre lisait un ouvrage posé sur ses genoux, bercée par les bruits de ferraille qui s’entrechoquaient durant l’entraînement. Elle relevait de temps en temps les yeux de son livre pour observer les progrès de son fils, et surveillait d’un œil Opale et Aaron qui jouaient un peu plus loin, partis à la poursuite d’un papillon doré imaginaire. Si Aaron était jeune et ne bénéficiait pas encore d’entraînement martial avec son père, ce n’était qu’une question de quelques mois pourtant avant qu’il ne commence l’apprentissage. Silène, quant à elle, était avec les nourrices – qui avaient gentiment proposé à la comtesse un peu de répit après une semaine entière où la petite avait réveillé ses parents toutes les nuits, à cause du vent qui l’apeurait en frappant sur les volets.

Isidore chargea son père sans prévenir, dans une initiative qui, si elle était bienvenue, fut mal exécutée, à nouveau. D’un mouvement du poignet rotatoire, la lame de Morion glissa contre celle de son fils. Ce dernier, la main tordue par l’échange, ne put que lâcher son arme, qui rebondit sur le sol. Amorçant un mouvement précipité pour la ramasser, le plat de la lame de son père lui cingla la joue et l’en empêcha.

- Ne jamais offrir ta nuque à ton adversaire, Isidore. Je te l’ai déjà dit. Ne te baisse pas ainsi, enfin !

Le ton de Morion était ferme sans être acerbe, mais derrière son calme pointait une certaine déception. Essoufflé, une plaque rouge naissant sur sa joue à l’endroit où son père l’avait heurté, Isidore avait les lèvres serrées.

- Oui, Père, souffla-t-il.

Morion le toisa d’un œil, jaugeant son fils durant quelques instants. L’échange reprit après qu’Isidore eut récupéré son arme, et cela dura vingt minutes supplémentaires, le temps que Morion soit assez satisfait des mouvements de son fils. Lorsque ce fut fini, l’épée du comte renvoya l’éclat du soleil alors qu’il la rangeait dans son fourreau.

- Il suffit pour aujourd’hui. Tu peux aller te laver.

L’enfant de onze ans salua son père, puis après avoir jeté un bref regard à sa mère toujours assise plus loin sur son banc, il s’éclipsa. Ambre referma son livre, l’observant s’éloigner, tandis que son mari venait la rejoindre près du banc. Morion paraissait contrarié.

- Il fait mieux d’ordinaire, commenta-t-il, les sourcils légèrement froncés.

- Mmh. Je crois que ses escapades avec son cousin hier l’ont beaucoup fatigué. Ambre regarda pendant quelques secondes la zone vers laquelle Isidore avait disparu pour s’engouffrer dans le manoir, l’air pensif. Sommes-nous trop sévères ? Il n’a pas bronché une seule fois malgré tes remontrances continuelles, aujourd’hui.

- Sévères ? La question parut incongrue chez Morion ; il avait tourné un œil surpris vers sa femme. Il grandit et commence à saisir l’importance de son rôle. Si tu m’avais connu, à l’époque où j’avais le même âge, tu considèrerais cela comme une broutille, tu sais.

Ambre eut une légère moue.

- Je ne suis pas certaine que ton éducation à coups de flagellations soit une bonne base de comparaison. Elle avait l’impression d’avoir répété ça des centaines de fois. Mais tu as raison, souffla-t-elle. Il doit être digne de son titre. J’ai seulement l’impression… qu’il grandit trop vite.

Mettre la responsabilité d’un héritage sur les épaules d’un enfant, du futur comte du domaine, était inévitable. Il devait apprendre vite ses devoirs et ses taches, connaître tous les tenants et aboutissants de son rôle. Cette responsabilité lui ôtait petit à petit son âme d’enfant cependant, alors qu’il n’avait que onze ans. Ambre avait comme un pincement au cœur à voir son premier garçon si vite tomber dans le monde des hommes faits. Même si, paradoxalement, elle en retirait une certaine fierté.

- C’est possible. Je préfère cela que l’inverse, néanmoins, répondit Morion. Il lui faut être prêt à faire face à la Fange et tout le reste. Les autres aussi, ajouta-t-il en jetant un œil à Aaron et Opale qui creusaient des caches secrètes pour leurs trésors, et qui se prendraient bientôt les remontrances des domestiques pour avoir ruiné leurs tenues d’une décoration terreuse. Tu rentres ?

Il leva un regard interrogateur, pour savoir s’il devait la laisser bouquiner tranquillement ou si elle venait au manoir avec lui. Ambre se leva, et son mari glissa une main dans le creux de son dos. Elle interposa brutalement son livre entre elle et lui, à l’image d’un éventail, alors que Morion avait esquissé un geste pour l’embrasser.

- Tu sors de trois heures d’entraînement.

Elle lui décocha un regard amusé par-dessus la reliure du livre. Morion ricana.

- Allons, penses-tu que j’aie réellement sué face à notre fils pas même adolescent ?

- Je ne préfère pas tenter Rikni, répliqua-t-elle, taquine.

Morion haussa un sourcil, l’air faussement résigné durant une fraction de seconde. Puis, sans crier gare, il riposta en arrachant le manuscrit de la main de sa femme, pour venir écraser ses lèvres des siennes. Entre deux baisers, il souffla, avec sa taquinerie habituelle lorsqu’il avait des envies :

- Et si tu venais donc m’aider à laver les résultats de ces efforts ?

La comtesse pouffa contre sa bouche, se pressant contre lui alors qu’il la mènerait doucement mais sûrement vers la salle de bain de leurs appartements.

Ce fut à cet instant que quelque chose commença à clocher. Le baiser de Morion se transforma, différent. Comme s’il ne s’agissait pas des mêmes lèvres, pas du même homme qui l’enlaçait, soudain. Ambre fut gênée sans savoir mettre un sentiment concret dessus, et elle rompit l’échange, rouvrant les yeux. Ce n’était en effet plus Morion. Les yeux bruns, les cheveux de jais, le visage d’Armand était souriant. Choquée, dans l’incompréhension totale, Ambre recula subitement, s’arrachant à l’étreinte de celui qui était mort. Son cœur avait raté de nombreux battements, et son souffle était resté coupé.

- Qu’y-a-t-il, mon amour ?

Armand avait retenu sa main, mais Ambre la retira machinalement.

- Vous me fuyez ?

L’homme se rapprocha, l’air avenant de prime abord, mais quelque chose changea, à nouveau. Alors qu’il plaquait la comtesse contre lui d’un bras puissant passé dans le creux du dos, l’empêchant de fuir, ses lèvres vinrent embrasser le creux du cou de la jeune femme. Il… glissa ? Ambre ne savait pas décrire cela, mais Armand… s’évanouit le long de son cou, rampa, et bientôt, ce fut un long serpent qui furetait dans le dos de la comtesse, passant sur l’autre épaule, l’entourant de ses écailles reptiliennes. L’animal siffla au creux de son oreille, puis étala ses anneaux sur le sol, quittant Ambre qui était paralysée. Devant ses yeux ébaubis, le serpent mua à ses pieds, et se releva une femme brune d’une beauté terrible. A en croire tous les signes, Rikni venait de lui apparaître, un serpent autour de ses épaules.

- Tout ceci n’est pas réel, n’est-ce pas ? Je suis en train de rêver ? souffla la comtesse, son rythme cardiaque déraisonnablement élevé.

- Je communique par les rêves et les cauchemars. Tout est dans ta tête, en effet. Doit-on cependant en conclure que cela n’est pas réel, Ambre de Ventfroid ?

La jeune femme resta coite un instant. Sur le coup, elle fut presque déçue. Cet instant… Cet entraînement de Morion avec leur fils, la vision de leurs autres enfants jouant dans le jardin… Tout ceci était faux, et le subit retrait d’une telle image de bonheur laissa un grand vide. Car c’était ce qu’elle avait ressenti. Du… bonheur. Etait-ce seulement possible, d’envisager une telle vie, une telle plénitude ?

- Oh ça l’est, jeune fille. Rikni avait pour elle l’omniscience de son rang, visiblement. Je t’ai montré là ton avenir. L’un de tes nombreux avenirs possibles, pour être tout à fait exacte. Car si tu veux une telle fin, il te faut dès à présent mettre fin à tes projets morbides envers le gouverneur de cette cité. Toi, tout comme ton mari.

Ambre tiqua. Elle douta soudainement de l’identité de la femme qui se tenait devant elle.

- Depuis quand Rikni nous évite-t-elle des épreuves de son plein gré ?

La femme ouvrit la bouche et siffla un long cri rageur, en même temps que son serpent, dont les deux petits yeux fixaient Ambre d’une lueur malsaine.

- Eviter les épreuves ? Elle commença à tourner doucement autour de la noble. Tu es ignorante, Ambre de Ventfroid. Animée d’un désir de mort pour venger un homme tout aussi mort. Tant que ton cœur désirera tuer, c’est qu’il est encore dévoué au défunt. Tu ne pourras jamais faire mariage heureux et honorer Anür dans de telles conditions – le fantôme de ton Sarosse laisse un voile sur tes émotions et t’aveugle sur les chances que tu possèdes. Elle est là ton épreuve : accepter sa mort, abandonner tes chimères.

Ambre fronça les sourcils. Elle fut à la fois touchée – bien malgré elle – et vexée par de tels propos.

- Mon désir serait ainsi si égoïste ? Je ne veux tuer que pour répandre le sang et réclamer avare réparation ? Il y a aussi beaucoup plus que ça. Sigfroi a trahi les siens et a fermé les portes à bien plus que les Sarosse ce jour-là. Il n’a pas fait honneur à son rang, encore moins à ses devoirs, lorsqu’il a quémandé que Cyras s’agenouille devant les portes, alors qu’un temps précieux s’effilochait, et avec lui, les chances d’ouvrir les remparts de façon sûre disparaissaient. Marbrume est dirigé par une gangrène qui aura tôt fait de faire pourrir la ville.

Un sourire mauvais s’afficha sur le visage de la prétendue Rikni alors qu’elle caressait le reptile qui glissait autour de son cou.

- Est-ce avec ces beaux mensonges que tu tentes de te convaincre ? Que tu tentes, désespérément, d’aimer ton mari ?

- J’aime déjà mon mari, répliqua Ambre, tranchante. Vous ne pouvez pas retirer tout ce que j’éprouve pour lui selon votre bon vouloir !

- Oui, c’est vrai. Mais tu n’éprouves pas assez, gronda la déesse. Cette dernière redressa les épaules, et le serpent frappa, refermant ses crochets dans la chair d’Ambre, juste au-dessus de la clavicule. Ambre cria de surprise et de douleur. L’ampleur de vos projets brisera la bonne entente de votre mariage. Le serpent frappa de nouveau, tandis que Rikni haussait la voix, sombre et terrifiante. Cassandre de Rocheclaire est un danger pour ta lignée ; elle se servira de vos complots pour te faire tomber et dérober ton mari. Morion terminera par te tourner le dos. La famille Mirail sera exécutée pour tes fautes, quant à tes fils et tes filles, s’ils voient le jour, jamais ils ne vivront plus de trois hivers. Après chaque nouvelle assertion, le serpent frappait, encore et encore, laissant Ambre toujours plus blessée et sanglante. Oublie tes sombres desseins, Ambre de Ventfroid. Gagne en sagesse. Là est ton épreuve. Et peut-être vivras-tu des scènes semblables à celle que je t’ai montrée.
Le reptile ouvrit sa gueule une dernière fois, fondant sur la comtesse.


--

Ambre ouvrit subitement les yeux. Le cœur battant, la respiration accélérée et une sensation de panique persistante dans le corps, elle mit quelques secondes à comprendre qu’elle était dans son lit. Il faisait sombre, l’on était au beau milieu de la nuit. La respiration encore haletante, elle se tourna sur le côté. Morion dormait à côté d’elle, le visage paisible d’un sommeil sans rêves. Machinalement, Ambre se blottit contre lui, enfouissant son visage contre son torse, tentant de se calmer. Elle resta ainsi plusieurs minutes, calant sa respiration sur celle de son mari endormi, ramenant son rythme cardiaque à une cadence raisonnable. Il y avait bien longtemps qu’elle n’avait plus fait de cauchemar. C’était la première fois depuis des mois, et il fallait dire que celui-ci s’était montré particulièrement cruel et perturbant. Tous les doutes qu’elle pouvait avoir, tous ceux qui étaient étouffés depuis des semaines voire certains dont elle ignorait même l’existence, venaient de faire surface de façon explosive.

La jeune femme fut tentée de réveiller Morion pour lui confier ce rêve singulier. Elle avait rêvé de leurs potentiels futurs enfants. Elle avait rêvé de Rikni, c’était là la déesse avec laquelle Morion entretenait le plus d’affinités. Pouvait-elle raisonnablement croire qu’il s’agissait bien d’un intervention de la déesse des rêves ? Mais elle n’en fit rien, et ne réveilla pas son mari. Elle voulait être forte pour lui. Les projets dans lesquels ils s’étaient engagés ne laissaient pas place à quelque faiblesse que ce soit – alors se réveiller toute chamboulée par un simple rêve, ce n’était pas particulièrement digne. Et, en sus de tout cela, il ne méritait pas un tel irrespect. C’était ainsi qu’elle concevait les choses : parler d’Armand avec lui ne serait pas décent. Morion était son mari. Il n’avait pas à souffrir de l’ombre d’un autre dans son couple. C’était la raison pour laquelle elle n’avait jamais parlé de l’homme avec lui.
Ambre avait réussi à l’oublier, pourtant. Ces derniers mois avec Morion avaient été plus que satisfaisants. Leur rencontre, leurs fiançailles, leur mariage, et désormais leur vie commune… Ils vivaient plutôt bien tous les deux. Ils avaient su allier le sérieux, la confiance et le respect d’une relation tout en sachant la pimenter d’une complicité et une espièglerie intimes. Sincèrement, Ambre se sentait bien avec Morion, et elle savait que toutes les femmes ne pouvaient pas en dire autant de leur mari. Alors, que venait faire Armand dans ses rêves, vraiment ? A part lui donner des sueurs froides, cela ne servait plus à rien.

Ce n’était qu’un rêve. Un simple rêve. Et personne ne pourra jamais affirmer ce que tu ressens à ta place.

La jeune femme se refusait à croire qu’il s’agissait là d’une réelle intervention divine de la part de Rikni, et elle termina par se rendormir contre Morion, cette fois-ci d’un sommeil sans rêve.

7 avril 1165.

Si ce subit rêve avait quelque peu fatigué la comtesse et réveillé en elle certaines préoccupations qui laissèrent son esprit ailleurs les premières heures du jour, Ambre ne devait pas trop tarder pour se préparer. Après le repas, elle avait été invitée à partager l’après-midi en compagnie de Grâce de Brasey. Cela tombait même plutôt bien, car Morion lui-même était absent ce matin, actuellement convié par l’argentier du Duc pour une raison encore obscure, et il s’était levé tôt, sans réveiller sa femme. La veille déjà avait-il été appelé chez le connétable, et il était rentré très tard dans la nuit, se couchant auprès de sa femme sans la réveiller non plus. Et malgré son rêve, Ambre avait eu assez de respect pour ne pas écourter sa nuit déjà courte.
Cela intriguait Ambre cette affaire d’argentier, mais elle savait que Morion lui conterait les détails en rentrant quand ils pourraient se poser – même si elle ignorait à quelle heure il rentrerait. Aussi en profitait-elle pour sortir, elle aussi, de son côté.
Ambre avait passé énormément de temps seule durant le mois de mars et l’absence de son mari au Labret. Même si la solitude avait parfois du bon, Ambre était une femme sociale d’origine, aussi cette sortie avec Grâce lui ferait du bien, même si elle ignorait complètement les raisons d’une telle invitation. Elles s’étaient particulièrement bien entendues, au mariage de la comtesse, et s’étaient même recroisées quelques instants à la soirée de Clairmont du 23 mars, mais elles n’avaient pu se revoir personnellement depuis. Peut-être était-ce pour cette raison ? Une simple envie de passer un moment entre femmes, approfondir la relation qu’elles avaient engagé ? Ou la baronne de Brasey avait-elle autre chose derrière la tête ?

Brasey. Un nom que cette dernière avait repris. L’affaire avait fait grand bruit quand la nouvelle était tombée. Les autorités du clergé s’étaient insurgées, les commères avaient piaillé, et les époux avaient très certainement été ruinés par la nouvelle. Ambre frissonnait rien qu’à imaginer. Si elle devait apprendre que Morion était un homme lié à sa famille par le sang, et qu’il fallait briser leur alliance, elle n’était pas sûre de supporter. Une certaine pitié et compassion envers cette femme était apparue chez Ambre, même si, la fois dernière qu’elles s’étaient vues chez Clairmont, la baronne n’avait pas paru si malheureuse de ne plus avoir Hector de Sombrebois dans les pattes. Et depuis, une autre nouvelle était tombée : les noces prochaines de la jeune femme avec un certain Alchas. La vie de la baronne ne devait pas être simple ces derniers temps, aussi l’idée que Grâce la quémande aussi pour une forme d’aide n’était pas impossible. Ambre supposait des choses, mais ne savait pas grand-chose, finalement. Elle verrait donc bien une fois sur place.

Ambre prit un repas rapide et ne tarda pas à quitter le manoir.
L’Esplanade était calme cet après-midi là, et Ambre louvoya tranquillement dans les ruelles claires, arrivant doucement mais sûrement au manoir où vivait Grâce. Elle était seule, et avait dispensé Talen de l’accompagner – elle pouvait encore traverser quelques ruelles sereines sans avoir peur de se faire taillader, l’Esplanade avait toujours été sûre.

Ce fut une domestique qui accueillit la comtesse, et Ambre fut guidée au sein du manoir. Levant des yeux curieux, la jeune femme posa ses yeux sur les murs, sur les décorations et les meubles, s’imprégnant de l’ambiance des lieux. Elle n’était après tout jamais venue ici, et être conviée à une entrevue personnelle avait eu le mérité d’éveiller son intérêt. Quand la petite domestique lui présenta une porte, Ambre s’avança doucement.
Elle découvrit une bibliothèque, agréable et élégante. Les lieux lui rappelèrent la propre bibliothèque personnelle de son mari, dont elle n’avait pas encore pu faire le tour, même en deux mois de vie au manoir. Sûrement lui faudrait-il plusieurs années, même, avant de connaître chaque écrit.

Grâce était très élégante, comme toujours, et Ambre esquissa un sourire avenant face à ses salutations.

- Baronne de Brasey. Ambre fit particulièrement attention à ne pas se tromper de nom. Vous n’avez pas besoin de me remercier ; je pense même que nous aurions dû nous revoir plus tôt depuis les évènements de mon mariage – je n’oublie jamais les aides qu’on m’apporte, quelles qu’elles soient. Mais nous avons tous nos obligations, et le temps passe parfois particulièrement vite.
Ambre s’installa doucement sur le fauteuil que lui présentait Grâce, plissant sa robe pour ne pas la froisser. Elle leva un regard amusé vers la baronne suite à sa remarque sur Morion, et le sous-entendu évident.

- Seulement deux semaines qu’il est rentré en effet. Mais maintenant que sa blessure devient histoire ancienne et qu’il s’est assez reposé, je ne suis pas la seule à quémander sa présence – beaucoup de ses accointances veulent l’entretenir pour rattraper son mois d’absence. Aussi suis-je seule pour la journée, votre invitation tombait particulièrement bien.

Ambre fit une pause, regardant à nouveau autour de la pièce, embrassant du regard les livres et les étagères, évitant de son côté à évoquer l’ex-mari de Grâce, ou celui à venir, en l’occurrence. Elle ne tenait pas à amener le sujet si cette dernière ne le faisait pas d’elle-même, ou si leur conversation ne le nécessitait pas. Elle ne souhaitait pas mettre mal à l’aise la jeune femme dès les premières minutes de leur entretien.

- Belle collection que vous avez là. Un rapport avec ma présence ici ? Souhaitez-vous que je vous conte quelques histoires, baronne ?

Elle n’était évidemment pas sérieuse, et ne s’attendait pas à ce que Grâce lui mette un livre de contes sous le nez pour faire un atelier lecture. Elle était cependant curieuse des raisons de cette invitation, et ne le cachait pas.


Citation :
Pas taper, pas taper. Le rêve est un texte que j'ai écrit il y a un ou deux mois, nécessaire pour l'avancement de mon personnage. Il fallait que je le case dans un rp un jour ou l'autre, et avec notre projet de diseuse de bonne aventure, je me suis fait la réflexion que cela serait particulièrement approprié de le placer là. Cela souligne les doutes et les incertitudes de mon personnage à l'heure actuelle, éléments dont tu pourras te servir avec la diseuse de bonne aventure et ses prédictions un peu foireuses qui pourront embrouiller les deux femmes :D
En espérant que cela te plait malgré le pavé César, je sais que tu vas avoir envie de me tuer pour ça xD
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptySam 2 Juil 2016 - 20:25
Le temps pouvait sembler tellement s’étirer, s’éterniser, du moins, c’est ce qui avait sembler à Grâce entre le moment ou les émissaires de la Trinité étaient venus au manoir de Sombrebois, pour leur annoncer que les époux étaient liés par le sang et ces deniers jours, ceux avant d’apprendre les fiançailles avec d’Alchas. Depuis cette irritante annonce, les heures filaient comme des secondes, les jours comme des heures et l’échéance approchait toujours plus.

« Cela doit être le prix pour avoir épousé un Ventroid. »

Un léger sourire amusé se dessina sur les lèvres de Mademoiselle de Brasey. C’était un adage connu qu’il y avait un prix à tout, et tout un chacun l’avait une fois expérimenté une fois dans sa vie.

« Oh, je suis sûre que nous aurions quelques histoires tantôt, désopilantes, tantôt touchantes, tantôt dramatique, à nous raconter. »

Déclara-t-elle légèrement amusée.
Un jour, peut-être, hypothétiquement, si cela était réellement utile. Les secrets de Grâce ne concernaient qu’elle et Azhim, ses histoires elle les gardait pour elle et les personnes qui seraient touchées humainement par elles, pour qui ce ne serait pas juste de mots en l’air, mais une plus ou moins factice preuve d’honnêteté, ou de confiance. La comtesse ne semblait nécessiter aucune attention de ce genre. Ce qui était for heureux.
Prenant place, sur la causeuse, à distance des plus raisonnables du fauteuil, la jeune femme ajouta simplement quelques mots sur le lieu où elles se trouvaient.

« J’apprécie seulement cette bibliothèque pour ce qu’elle est, un lieu calme, où les murs ont rarement des oreilles. »

Surtout lorsque l’on priait lesdites oreilles de sortir, avec force conviction et que ces dernières étaient d’un tempérament plutôt faible. Pourtant, ce n’était pas là le réel sens de la question et elle le savait bien.

« En réalité les fins de mon invitation sont tout autres, et relativement simples. »

Grâce marqua une pause, passablement irrité de devoir parler des sujets qui fâchaient. Au moins cela ne traînerait-il pas de d’Hector, comme on aimait lui en parler, surtout depuis que quelques personnes avaient noté son comportement étrange, il glissait toujours plus dans la faiblesse qui s’était mise à le caractériser après l’attaque de la Hanse. Après un bref soupir la jeune femme se lança, sans hésitation aucune.

« Il semblerait que nous ayons toutes les deux notre Puymont. Vous avez l’original et j’ai la version bâtarde, oppressante, rustre et qui s’imagine encore me ferrer, d’ici peu, une bague au doigt en me faisant prononcer des vœux devant Anür. Dans nos deux cas ce sont des hommes à éloigner, à dissuader. »

En usant de l’image de l’homme contre qui elles avaient œuvrée toutes les deux, la Baronne espérait faire saisir plus aisément à son interlocutrice l’inconfort de sa situation.

« J’espérais un peu de compréhension et peut-être une alliance. Si cela vous convient, peut-être pourriez-vous me renseigner sur ce que l’on dit des d’Alchas, ou ce qu’on en disait avant, ayant cru comprendre que c'était une famille de la cité. Disons que lorsque j’essaye d’en parler, cela gêne parfois quelques personnes. Je ne sais encore si c’est de la pitié ou de l’embarras vis-à-vis de la bâtardise du fiancé, ou de mon récent passif. »

Quand ça ne la mettait pas hors d’elle tout simplement. Elle n’avait nullement l’air de quémander une quelconque aide, plutôt de proposer quelques arrangements.

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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyDim 3 Juil 2016 - 20:20
Ambre eut un sourire fugace. Le prix pour avoir épousé un Ventfroid. La réplique trouva un certain écho dans l’esprit de la comtesse, qui, effectivement, concédait beaucoup de choses depuis qu’elle était mariée à cet homme. Supporter la solitude dans laquelle les affaires personnelles de Morion la plaçaient souvent, supporter la dinde blonde qui avait tôt fait de revenir déranger les couloirs de leur manoir depuis le retour du comte du Labret, accepter que son mari ne lui confie pas tout ce qu’il avait en tête, attendant que les choses viennent de lui. Ambre respectait tout cela, sans se plaindre, même lorsqu’il s’agissait de Cassandre, étonnamment – bien qu’un esclandre devait éclater bientôt. Ambre n’en voulait à personne, et certainement pas à Morion. Elle savait à quoi elle s’était engagée en l’épousant, connaissait son caractère et ses besoins de solitude. Elle aussi avait les siens, mais la dévotion qu’elle entretenait pour son mari la poussait fort probablement à concéder plus de choses qu’elle ne l’aurait fait en un autre temps. « Ne vous négligez pas », avait dit un jour Estrée, la sœur du Ventfroid. Cet avertissement ne prenait que bien plus son sens depuis qu’Ambre vivait au manoir, et qu’elle se rendait compte à quel point elle pouvait s’effacer pour, le pensait-elle, le bon plaisir de son mari. Elle était heureuse cependant, et si ces éléments devaient lui peser un jour, leur mariage était pour l’instant beaucoup trop récent pour ça. Il faudrait l’affaire de quelques mois ou années, au moins, pour que cela change.
Ambre leva un œil vers Grâce alors qu’elle pensait à tout cela. Quel avait été son prix à elle pour avoir épousé un Sombrebois ?

La comtesse regarda autour d’elle quand Grâce évoqua la bibliothèque à son tour, mais la jeune rousse ne partageait pas le point de vue de la baronne sur ce point. Une bibliothèque, un lieu calme, c’était certain. Ambre avait cependant, de son côté, eu l’expérience que les oreilles pouvaient très facilement traîner dans ce genre de lieu. Derrière les étagères, entre deux rayons, ou encore cachées entre deux livres. C’était quelque chose dont elle avait beaucoup profité étant enfant dans son propre manoir, alors qu’elle était censée être couchée depuis longtemps. Au lieu de quoi venait-elle dans les rayons, et souvent surprenait-elle des conversations entre ses parents, ou les domestiques qui pouvaient passer là pour ranger les reliures.

Elle n’avait aucun doute sur le fait d’être seule avec la baronne cette fois-ci, cependant. Sans quoi Grâce n’aurait-elle jamais abordé le sujet qui suivit.

- Oh.

Ambre se redressa légèrement sur son fauteuil, prenant le temps d’assimiler la demande. Cette dernière la… surprenait. Elle avait entendu les on-dit, les détails sur ce bâtard qui allait épouser la baronne. Mais ça n’en était que la façade externe, et la comtesse ne savait pas, jusqu’à ce jour, s’il s’agissait d’une alliance consentie par les deux partis. De toute évidence, cela ne l’était pas. Grâce ne voulait point épouser cet homme, et elle semblait déterminée à tout faire pour briser les projets engagés par ses parents.
Ambre fut légèrement mal à l’aise. Pas à cause du sujet abordé, qui était somme toute… disons, courant. Plus par rapport au fait qu’elle aurait voulu aider Grâce, ne serait-ce que pour lui rendre la monnaie de son aide effectuée à son propre mariage. Et le fait était… qu’elle doutait pouvoir faire quelque chose de concret contre ce d’Alchas.

- Ma compréhension, vous l’avez, tout comme mon aide. Elle prit le temps de réfléchir et de mettre ses souvenirs en place. La famille Alchas a toujours été discrète, de ce que je me souvienne. Ils l’étaient moins à une époque, à ce qu’on m’a dit, et ils entretenaient des liens bien plus étroits avec les autres clans de Marbrume il y a quelques générations. Depuis la naissance d’Adalman cependant, et l’absence d’autre héritier légitime qui a rendu le… bâtard – elle jeta un œil à la réaction de Grâce à l’usage de ce mot, cherchant à déterminer si cela la touchait d’une quelconque manière – seul descendant possible, ils se font plus absents. Et cet homme étant né bien avant moi, je n’ai donc personnellement que peu entretenu de liens avec cette famille qui s’est soudain retirée de la scène, sous nombre de quolibets de la part de nos confrères.

Ambre lissa doucement les plis de sa robe, fouillant toujours dans ses souvenirs.

- M’est venu à l’oreille également que le sang mêlé d’Adalman n’a pas fait grincer les dents uniquement les autres nobles. Sa propre famille l’apprécie peu, je crois. Sa sœur, aussi pâle que lui est sombre, n’a pas particulièrement approuvé la décision de légitimer son demi-frère. Peut-être pourriez-vous trouver en elle une amie, ou plutôt une alliée, à défaut de verser dans les sentiments. Quant au bâtard, il n’a jamais posé de problèmes particuliers. Du moins n’ai-je pas le souvenir d’avoir eu vent d’un esclandre où il aurait été mêlé. C’est un bon cavalier, je l’ai vu plusieurs fois partir à la chasse, et je pense qu’il aurait attiré bien des dames si son sang n’avait pas été souillé. Il a un style ma foi… exotique ?

Ambre allait aborder quelque chose de plus personnel par la suite, alors elle prit une pause, préparant sa franchise.

- Vous m’avez aidée avec Puylmont, et je vous aiderai autant que je peux avec le vôtre. Vous parlez de vouloir dissuader l’homme de vous prendre épouse. Je crains… qu’il ne faille redoubler d’audace et d’intelligence pour cela. Pardonnez ma franchise, mais s’il compte vous épouser malgré votre précédent ménage avorté, c’est qu’il n’en a ni après votre virginité, ni son image. Il est prêt à se lier à une femme dont le nom est évoqué fort souvent ces temps-ci, et pas forcément en bien, n’en déplaisent aux mauvaises langues – mais ça c’est parce qu’ils ne savent pas ce dont vous êtes capables, probablement. Elle eut un petit sourire avant de reprendre son sérieux. Je ne sais donc si vous lui êtes sincèrement attirante, tant physiquement que caractériellement, ou s’il entrevoit dans cette union quelques forts avantages politiques et financiers, mais je crains donc qu’il sera peu aisé de lui faire changer d’avis, quand bien même ne le connais-je pas. Je… J’ignore ce qui pourrait retarder les noces en attendant de vous faire trouver une autre solution.

Ambre resta songeuse.

- Faites croire que vous portez l’enfant de votre ancien mari, peut-être ? Même si la mascarade ne pourra pas durer longtemps, et peut-être vous exposerait-elle à plus de problèmes qu’autre chose une fois découverte.

Citation :
Merci pour les infos !
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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyLun 4 Juil 2016 - 0:02
Ce que Grâce redoutait quelque peu se concrétisait au travers des mots de la Comtesse. Les d’Alchas n’avait rien à se reprocher, si ce n’était d’avoir un héritier au sang impur. Ils semblaient tout ce qu’il y avait de plus tranquille et discret dans la cité. Il n’y avait que la remarque sur la demi-sœur pour lui conférer une ébauche de piste qui s’effaça bien trop prestement. Non pas qu’elle doutait réussir à trouver un quelconque terrain d’entente avec l’aînée d’Adalman, cependant elle doutait que le bâtard ne laisse la brèche ouverte assez longtemps pour cela. Elle était bien là toute la difficulté, toute la subtilité. D’Alchas avait peut-être montré des abords tous sauf plaisants, mais il n’avait guère montré de signe de stupidité. Il s’était même plutôt révélé presque oppressant, laissant filtrer une sorte de volonté à tout contrôler. Si elle réussissait à prendre contact avec la sœur cela serait vite découvert et tout aussi sûrement vite puni.

Adalman n’était pas Victoire, ils n’avaient pas vécu ensemble depuis le début de leurs jours, elle ne connaissait pas toutes ses failles. Il ne semblait pas non plus assurément pas comme Hector, la simplicité ne semblait guère faire partie de ses attributs.

La Baronne eut un bref sourire amusé en entendant le trait d’humour de Madame de Ventfroid. Les mauvaises langues devaient bien en avoir une certaine idée, frustrée par le manque d’épanchement de la jeune femme quant aux affaires qui l’entachait. Grâce n’était nullement dupe cependant, son relatif silence à ce propos alimentait d’autres on-dit. La nature humaine était ainsi faite pour le meilleur et surtout le pire.

Ambre avait raison, du moins, aurait-elle pu avoir raison.

« Vous n’avez nullement à vous excuser de votre franchise, après tout votre raisonnement est tout ce qu’il a de plus logique et légitime. Cependant…
Grâce réfléchit l’espace d’un instant. Cependant, j’ai bien peur qu’il ne soit erroné. Adalman n’a guère plus envie que moi de cette union, pourtant, pour une raison qui m’échappe, il semble être bien décidé à me traîner devant l’hôtel de gré ou de force. D’ailleurs, son attirance, que ce soit pour mon physique ou mon esprit semble proche du néant. Au mieux il donne l’impression d’exécrer les femmes. »

Poussant un bref soupire, la jeune femme eut quelques désagréables souvenirs de l’entrevue toute récente et parfaitement officieuse qu’elle avait eue avec d’Alchas.

« Vous devez vous dire que je parle beaucoup sur un homme que je n’ai jamais rencontré. Je ne crains guère de vous avouer que … »

Sa phrase s’évanouit avec le bruit de la porte qui s’ouvrait. Un léger agacement envahies mademoiselles de Brassey. Que pouvait-il bien y avoir ? Lorsque ce l’on pouvait enfin être dans une relative quiétude, qu’aucune oreille indiscrète ne traînait, il fallait être dérangé.

« Mademoiselle, je suis navrée de vous déranger, mais il n’y a que vous et une certaine Madame Saurell a expressément demandé à vous voir vous et Madame de… »

Commença contrite, la domestique avant de se faire interrompre brutalement par une femme, blonde une petite trentaine, Vêtu de vêtement d’excellente facture sans être fait d’étoffes coûteuses, un air quelque peu dément, qui embaumait, en guise de fragrance, une forte odeur de chat. Elle avait l’air agitée, mais surtout déterminée.

« La Trinité merci vous êtes ici ma Dame et ma Demoiselle … je … Il faut absolument que… Rikini m’a parler de vous deux cette nuit, longuement très longuement, je … Je ne … suis pas sûre de ce qu’elle voulait mais il fallait que je… vous voie. Elle m’a parlé de choses … de chose que je ne pouvais pas garder pour moi. »

Son discours avait une certaine cohérence chaotique, la faisant parler pour ne rien dire ou seulement pour se répéter. Dans ses mains faisait nerveusement glisser ce qui semblait être un jeu de cartes de tarot divinatoire. Chaque bout de parchemin glissant sur le précédent dans un léger crissement. Tout en cette femme horripilait Grâce. Son entrée ne grandiloquente, interrompant une conversation d’une certaine importance pour la Baronne n’aidant certes pas à rendre la dénommée Saurell plus agréable.

« Vous êtes sceptique, je le sens. »

S’adressa soudain la blonde à la demoiselle, plantant ses yeux cernés et trop clairs sur elle.

« Ou alors vous avez for bien écouté ce que l’on dit à mon égard… »

Répliqua la jeune femme d’un ton plus sec qu’elle ne l’aurait voulu. Elle s’était levée dans le doux bruissement de l’étoffe de sa robe, bien déterminée à raccompagner fermement, mais poliment l’impromptue visiteuse.

« Qu’avez-vous fait du ruban ? »


Déclara d’un coup Madame Saurell alors que la brune avait fait un pas dans sa direction, pointant son paquet de cartes vers elle.

«- Quel ruban ?

- Le bleu, celui de l’homme coléreux. Celui qui vous a promis une nouvelle partie. »


Le regard vague s’attarda quelques instants sur la Baronne avant de glisser vers la Comtesse.

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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyMar 5 Juil 2016 - 0:10
Ambre écouta les propos de Grâce avec un intérêt non feint. Ce fameux Adalman ne désirait pas cette union ? Mais, en ce cas, pourquoi se forcer ? Un homme avait bien plus les moyens de refuser une alliance, surtout si elle ne lui convenait pas, qu’il s’agissait de la femme concernée, ou de sa dot pas assez conséquente, ou autre raison politique qui ferait refuser un mariage. Ambre était cependant étonnée des propos de la baronne, voire sceptique. Elle haussa un discret sourcil. Elle ne connaissait pas Adalman, bien sûr, mais il n’y avait pas besoin de le connaître pour constater que Grâce était une très belle femme. D’aucuns pouvaient affirmer le contraire, aussi qu’il ne fut pas attiré physiquement par la noble était une information dont elle doutait fortement. Pour le reste, après, les caractères étaient ce qu’ils étaient, l’on ne pouvait pas apprécier chaque personne de l’Esplanade. Aussi se basa-t-elle sur les propos de la baronne, même si elle semblait posséder déjà pas mal d’informations sur ce bâtard finalement, malgré ses questions précédentes. Elle avait pu le croiser, ainsi, ou avait engagé des recherches poussées sur sa personne en attendant de trouver quelqu’un qui acceptait d’en parler avec elle peut-être ? La baronne comptait visiblement l’éclairer sur la source de ses informations, quand les deux nobles furent très désagréablement dérangées.
Si Grâce fut visiblement agacée, ce fut aussi le cas d’Ambre. Pas de coups frappés à la porte, juste le battant qui s’ouvrit, interrompant une conversation strictement personnelle. Elle posa les yeux sur la domestique, d’un air un peu fermé, pinçant doucement les lèvres. Cette dernière sembla gênée, contrite d’une telle interruption, mais elle s’était visiblement sentie obligée de s’inviter dans la pièce. Quel évènement ou personne avait assez de poids pour intercepter les ordres de sa baronne ?

Sous ses yeux ébaubis, la dame de Saurell fit irruption dans la pièce sans même attendre que la domestique la présente. Blonde, la facture de ses vêtements était riche et propre, et contrastait avec une ambiance générale qui était décalée, avec une expression dans le regard confinant à l’urgence voire la folie. Ambre connaissait cette femme. Enfin… elle ne l’avait jamais côtoyée personnellement. C’était une femme que l’on évitait, à l’Esplanade, au mieux qu’on saluait avec l’intention de s’en faire une distraction. La dame de Saurell, souvent surnommée la folle aux chats, était une veuve qui avait sombré dans la mélancolie après la mort de son mari. L’on disait qu’elle avait fait venir chez elle de nombreuses voyantes, voire des sorcières, pour tenter de communiquer avec son défunt mari, et que depuis le passage de l’une d’entre elles, elle était devenue… un peu perchée. Elle déambulait dans les venelles de l’Esplanade l’air absent, vous interceptait pour proposer un tir de cartes divinatoires, ou achetait des herbes à chat particulièrement odorantes. Beaucoup avaient pris en pitié cette femme, devenue à moitié folle depuis le trépas de son mari. Les autres se riaient d’elle ou l’évitaient comme la peste.

Dans le cas d’Ambre ce jour-là, ce fut avec une certaine lassitude qu’elle écouta les propos déments de la femme, voire un certain mépris. Elle était venue pour s’entretenir avec Grâce, pas avec quelqu’un qui avait perdu quelques cases en cours de route. Ambre posa un œil calme sur la baronne, qui s’était levée, attendant que l’intruse soit congédiée. Elle n’était pas chez elle, aussi ne dit-elle rien de prime abord. Cependant la suite fut quelque peu… incongrue.

Ambre se figea légèrement à l’évocation du ruban bleu, son regard dévisageant lentement dame de Saurell. Elle venait d’évoquer sa propre jarretière, celle de son mariage. Ainsi que Joscelin, en reprenant des propos qui n’avaient été dits qu’en présence de Grâce et Ambre, et elles seules. Inévitablement, elle échangea un regard avec Grâce. Un regard dans lequel elle ne cacha pas la froide surprise qui la prenait soudain. Ambre n’avait parlé de ça à personne. Seule Jade avait assisté à leur échange, et encore, seulement les prémices. Ambre avait raconté les faits à Morion, aussi, certes. Mais pas au point d’avoir poussé le détail jusqu’à citer les paroles de Joscelin au mot près. Il n’y avait donc, théoriquement, personne capable de connaître un tel élément. Strictement personne, à part Grâce et elle-même. La baronne avait-elle fait fuiter à l’un de ses proches qui auraient pu renseigner cette femme et lui offrir la possibilité d’un bluff particulièrement osé ? Ambre envisageait d’abord la possibilité que leur affaire ait fuité. La jeune femme était une femme de foi, qui croyait à certaines signes de la Trinité, mais qui sinon, était de manière générale de caractère assez sceptique. Elle écartait toujours une raison logique, et là en l’occurrence, une raison potentiellement dangereuse.

- Qui vous a parlé du ruban ?
Ambre avait le visage sérieux, presque sombre. Etre interrompue dans une conversation pour qu’on lui jette à la figure le fait qu’une affaire personnelle entre Grâce et elle ait fuité n’était pas du tout pour lui plaire. Elle se tenait droite sur son fauteuil, un peu raide, même. « L’homme coléreux » vous a-t-il envoyé pour nous faire peur ? Vous allez bientôt nous annoncer une mort terrible dans d’atroces souffrances, peut-être ?

Son scepticisme était évident, et mêlé à son agacement de voir l’affaire Puylmont dans une autre bouche que la sienne, Ambre était pour l’instant peu réceptive à la blonde.

Citation :
Je ne savais pas trop si je pouvais faire parler le PNJ, donc je termine là-dessus et je te laisse gérer ce que tu avais prévu !
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Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyMar 5 Juil 2016 - 2:20
Bien entendu que Grâce échangea un regard avec Ambre, un regard qui exprimait tout l’étonnement agacé qu’elle ressentait à cet instant. Il ne manquait plus que la Comtesse songer qu’elle était indiscrète, ou plus incongrue, de mèche avec cette espère de déboussolée chronique. Elle n’avait parlé de Puymont à personne et surtout par à Victoire, Audric ou toute autre personne assez perfide pour s’en servir ainsi. Elle n’était ni stupide ni assez intrépide pour ça. L’affaire qui avait eu lieu dans cette petite pièce au mariage avait tout intérêt de rester secret. Sûrement en avait-elle parlé à Azhim, mais il gardait des secrets bien plus ravageurs que cela. Puis il ne pouvait pas ! Il était la seule personne en qui elle avait une confiance aveugle ici-bas, la trahison serait dévastatrice et ne souffrait aucun pardon.

« Comment vous avez entendu parler de ce ruban ? C’est vous l’annonciatrice de la prochaine partie. »

Renchérit la Baronne, ouvertement sèche avec l’intruse. Elle ne désirait nullement la congédier à cet instant, loin de là, elle voulait creuser, jusqu’à découvrir le fond de cette affaire. La farce était assurément de mauvais goût, cependant la jeune femme aurait adoré en remercier personnellement l’auteur.

Saurell ouvrit la bouche comme pour essayer de parler alors que Grâce, qu’elle suivait du regard évoluait dans la pièce, droite, sévère, elle se plaça devant la porte. Si la prétendue voyante voulait se sauver, elle l’attraperait au vol.

« Oh … Les Dieux non ! Ni pour l’un, ni pour l’autre. Je … je n’espère ne jamais rencontrer cet homme. C’est Rikini qui m’a tout dit, mais elle ne m’a pas parlé de vos morts … »

Elle avait semblé presque choquée qu’on puisse penser qu’elle était une émissaire de Puymont. Dans ses yeux se lisait une sorte de détresse, celle de celui qui avait désespérément quelque chose qu’il jugeait capitale à dire, sans que personne ne songe à sa sincérité. Ses deux orbes trop pâles passairent de la Comtesse à la Baronne et de la Baronne à la Comtesse avant que de nouveaux mots franchissent ses lèvres.

« Elle m’a parlé de vos mariages de vos projets… de vos avenirs. Je … Je sais pas ce qu’elle voulait … Pourquoi elle m’en a parlé... »

Perdue, c’est ce dont elle avait l’air. Perdue dans la foule de choses qu’elle voulait dire, qu’elle pouvait dire et qu’elle devait dire. La blonde battait nerveusement le paquet de cartes qu’elle avait en main, comme si sentir les cartes sous ses doigts lui donnait du courage, l’aidait à organiser la cacophonie qui résonnait dans son esprit. Elle voulait tellement qu’on la croit, elle voulait tellement qu’on arrête de la regarder comme un rebut gênant.

« Vous. Elle se tourna d’un coup vers Grâce, comme si elle avait trouvé le parfait exemple pour faire mouche. Votre amour-propre saigne encore de l’expédition à Sombrebois … Particulièrement de ce moment passé au cœur du manoir, loin…, de toute menace si ce n’était le souvenir de cette femme d’arme… de celle qui vous avait … éclipsé, vous… peu de temps avant. Et surtout cette demande, odieuse … Un baiser quelque part, bien particulier, ce genre de baiser que font les chiennes et les catins… Pensait-il vraiment que vous étiez assez stupide pour ne pas comprendre qu’il y pensait alors qu’il était avec vous? Songeait-il vraiment pouvoir vous prendre pour cette racoleuse ? N’avait-il donc aucune décence ? »

Elle avait l’air d’une amie sincère qui compatissait à l’affront, nulle trace de sarcasme dans sa voix, seulement cette sorte de bienveillance agitée du fait de l’instabilité de celle qui parlait.
Sans vraiment laisser le temps à ses mots de résonner dans l’espace et l’esprit de son interlocutrice, la folle s’adressa à l’autre femme présente dans la pièce.

« Et vous… elle n’aime pas ce tableau. Celui… celui qu’il vous a offert. Elle n’aime pas que vous ayez mêlé les Dieux à vos jeux de pouvoir … à vos projets si destructeurs. »

Saurell semblait plus désolée que moralisatrice, désolée qu’elle semble avoir contrarié la déesse, du moins, à ce qu’elle pensait.

Chose qui n’arrivait pour ainsi dire jamais, Grâce perdit un instant ses mots. Un long moment où aucun son ne sorti de sa bouche. Elle n’avait même pas parlé à Azhim de cet épisode, le trouvant sale, voir un peu dégradant. Est-ce que s’était Hector qui en avait parlé ? Non, non cela ne se pouvait. Il était trop simple, trop simplet pour comprendre toute ce que cette demande avait enragé en elle. Et elle ne pouvait pas avoir été là, à Sombrebois, impossible.

« Je n’ai parlé de ceci à personne, vous entendez, personne. C’est peut-être Sombrebois qui vous envoie, entre fou, vous devez vous comprendre. On me répète souvent qu’il semble perdre la raison ces derniers temps. »

Dieux que l’on aimait le lui rabâcher, comme pour insinuer que c'était leur union sacrilège qui l’avait rendu ainsi. Pourtant, elle savait qu’il en était autrement, même avant le Baron montrait des signes de faiblesses.

« Il est possible que Puymont se soit rapproché d’Hector, pour trouver de quoi prendre l’avantage lors de notre prochaine partie, qu’il en ait parler du jeu au doux dingue espérant le vexer et le rendre plus loquace au sujet de mes petits vices. Ainsi il aurait pu vous le confier, à vous … »

La théorie tenait la route, du moins, elle y croyait. Grâce rassemblait toute la contenance qu’il lui restait pour laisser paraître le minimum, mais cette évocation la mettait à la fois hors d’elle et l’interloquait.

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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyMar 5 Juil 2016 - 15:54
La révélation souffla Ambre. Brusquement figée sur son siège, la comtesse écarquilla un peu les yeux, ses pupilles se rétractèrent. Une sensation glacée parcourut son corps ; une sensation qui se rapprochait de celle qui vous prenait aux tripes quand on vous faisait sursauter en surgissant de derrière une porte. Les propos de la blonde avaient été choquants, et encore pire qu’inattendus, indésirables. Ambre était stupéfaite, et passées les deux premières secondes où cet état de fait était parfaitement visible sur son visage, la comtesse reprit un visage de marbre. Lisse, très lisse, pour ne pas laisser entrevoir devant Grâce que la dame de Saurell avait mis le doigt sur quelque chose de particulièrement grave. Elle enferma ses pensées et ses émotions derrière un masque, ce qui lui donna un air particulièrement dangereux tout à coup, presque aussi imposant que celui d’un Ventfroid dont la colère couvait, sourde et mortelle.

Comment ? Comment cette vulgaire diseuse de bonne aventure, qui n’avait jamais mis un pied au manoir, savait ? Rikni lui parlait d’après elle. A d’autres ! Son don de clairvoyance ne lui avait-il pas fait entrevoir sa propre mort si elle osait parler d’un tel sujet en la présence de la comtesse ? Ne s’était-elle pas rendue compte qu’une telle information était une carte que l’on devait jouer au moment opportun, et pas la balancer sur le plateau sans avoir préparé son jeu ? Sombre sotte. La dame de Saurell venait de signer son arrêt de mort. C’était un fait immuable et sans appel. Ambre ne pourrait jamais laisser un tel savoir courir en liberté. Morion non plus. Alors que cette sombre constatation s’était installée dans l’esprit de la jeune Ventfroid – et ce sans aucune culpabilité, notons –, Ambre fit marcher ses pensées à une vitesse folle. Si la voyante trouverait bientôt la mort, il fallait cependant chercher, traquer, débusquer ses informateurs. Que Rikni lui ait soufflé tous ces éléments à l’oreille, elle n’y croirait jamais, même si la dame de Saurell en paraissait persuadée. Ou peut-être savait-elle jouer admirablement bien les femmes démentes. Cependant, même si la blonde était assez folle pour avoir tordu ses souvenirs et s’être persuadée que ces informations lui venaient de la déesse, et qu’elle ne parlerait donc jamais de ses délateurs, eh bien… ces derniers existaient. Il n’y avait aucune possibilité : cela avait fuité, d’une manière ou d’une autre.

Les propos destinés à Grâce semblaient avoir laissé la baronne aussi mutique que la comtesse. Un passage à propos de sa vie privée avec son ex-mari fut mis à jour : la blonde ne semblait avoir aucune décence quant au fait d’afficher de tels témoignages devant son invitée, voire même la domestique, peut-être encore apeurée à côté de la porte. A l’expression de la baronne, la jeune femme avait très certainement fait mouche, et cela titilla Ambre. Comment pouvait-elle avoir des informations réelles sur elles deux, mais surtout des informations personnelles que chacune avait partagé avec leur mari et uniquement lui ?
Pour le ruban, il y avait Joscelin. Joscelin qui pouvait, en effet, avoir approché Hector pour se renseigner sur Grâce. L’hypothèse de la baronne était tout à fait plausible, et cela expliquerait à la fois son savoir sur la jarretière, et sur l’ébat intime de la baronne avec son précédent mari. Pour le tableau en revanche… par les Trois, Ambre ne voyait pas comment elle pouvait en avoir eu vent.

La comtesse se releva alors que Grâce terminait ses derniers mots, avançant doucement près d’une fenêtre et marchant un peu pour se mettre les idées au clair. Elle se contint de faire les cent pas.
L’hypothèse la plus probable, ou du moins celle qui venait spontanément dans les pensées d’Ambre, était que le peintre responsable de l’œuvre ait parlé. Qu’il ait parlé à une blonde à moitié folle de l’Esplanade, cependant, alors qu’il résidait au domaine Ventfroid, loin des oreilles indiscrètes, était… perturbant. Et peu pertinent. Il y avait des éléments qui ne collaient pas, ou très certainement, des informations essentielles dont elle manquait. Il ne fallait pas écarter cette possibilité cependant, car c’était la plus logique.
La deuxième hypothèse, Ambre pinça les lèvres rien que d’y penser tellement cela la dégoutait. Mais c’était nécessaire. Le tableau décorait son atelier au manoir. Atelier dans lequel personne n’avait le droit de pénétrer en son absence. Et même lorsqu’elle y peignait, la comtesse refusait la plupart du temps d’y être dérangée, à moins qu’une affaire urgente ne la quémande. Seul Morion pouvait s’y inviter quand il voulait – et encore, il avait lui-même la décence de ne pas la déranger quand elle travaillait, la plupart du temps. En clair, seul Morion était autorisé à y entrer, et Talen pour y faire le ménage quand cela s’avérait nécessaire. Mais c’était tout. Aussi, un goût amer lui prit la bouche alors que son esprit envisageait la possibilité que Talen fut un traître. Mais là aussi cette hypothèse la gênait, car elle ne lui paraissait pas pertinente. Elle n’avait jamais vu homme plus fidèle que lui, et sa loyauté envers les Ventfroid était proche du zèle. Un autre domestique, alors ? Un qui avait pénétré l’atelier de la comtesse en son absence, malgré les interdictions ? Un qui était venu fouiner après avoir…
Cette pensée amena une troisième hypothèse chez Ambre. A part leurs serviteurs, et Morion, il y avait en fait une autre personne dont le nez apparaissait souvent dans les couloirs. Cassandre de Rocheclaire. Cette catin aurait-elle eu le culot de fouiller dans ses affaires alors que la comtesse avait été occupée ailleurs ? De chercher, peut-être, des éléments qui discréditeraient Ambre aux yeux de son mari ? Elle n’était pas au courant pour cette peinture offerte par Morion. Tomber dessus par hasard aurait pu lui faire croire que l’homme n’était pas au courant de la présence d’une telle pièce dans son manoir, c’était possible. Mais pourquoi aurait-elle fait fuiter une information qui, certes, compromettait Ambre, mais aussi et surtout le seigneur de Ventfroid ? Là aussi, Ambre ne trouvait pas l’hypothèse logique avec le caractère de la vicomtesse, et cela l’agaçait à un point qu’on ne pouvait imaginer. Elle ne réussissait pas à trouver de certitudes. Et si elle avait été seule, sûrement aurait-elle déjà balancé un livre à travers la pièce. Au lieu de quoi, là, elle avait rejoint ses deux mains devant son ventre, et les tournait l’une contre l’autre, réfléchissant, réfléchissant encore, guettant toute faille et toute hypothèse qu’elle pourrait oublier. Une peur sourde commençait à lui tourner le ventre. Son mari et elle étaient en danger.

Ambre se retourna enfin vers les deux femmes, s’éloignant de la fenêtre de la bibliothèque, et la dame de Saurell secouait doucement la tête, l’attention fixée sur Grâce.

- Non, non… Monseigneur de Sombrebois n’est pas plus venu me voir que l’homme au ruban… Rikni m’a parlé en rêve vous dis-je. Elle se mit à réfléchir, cherchant visiblement d’autres éléments qui pourraient réellement faire douter les deux nobles qui se trouvaient face à elle. Vous… reprit-elle à l’intention de Grâce. Vous avez perdu confiance en votre mère, et votre sœur, lorsqu’elles vont ont empoisonnée pour un enfant que vous ne portiez pas. Vous avez encore le souvenir de la liqueur qui vous brûlait le ventre, qui vous a fait saigner, alors que nul homme n’avait jamais investi vos cuisses. Elle se tourna ensuite vers Ambre, dont l’expression, froide à l’extrême, aurait dû dissuader la voyante. Et vous comtesse… Vous avez protégé votre sœur du scandale, avez caché un secret dans votre famille il y a bien des mois, lorsqu’elle s’est offerte à un hobereau sans être liée par le mar…

- Il suffit. La voix d’Ambre se fit tranchante et acerbe, la jointure de ses poings avait pâli alors qu’elle les serrait avec une force rarement atteinte. Sa mâchoire s’était contractée, et si la colère de savoir le secret du tableau exposé l’avait déjà passablement attaquée, la réputation de sa sœur venait s’ajouter, menaçant l’honneur des Mirail. La femme devenait indécente, à exposer leur vie privée ainsi, et plus elle parlait, plus Ambre se rendait compte à quel point cette blonde était une véritable bombe à retardement. Nous connaissons notre passé, et tout espion particulièrement zélé pourrait remonter les informations que vous exposez, s’il a su interroger les bons témoins. Vous devenez particulièrement indiscrète et insultante, et je vous prie de vous taire.

La dame de Saurell eut un air contrit, et désolé. Pourtant, une sorte de compassion envahit ses traits, comme si elle s’adressait à un enfant encore trop jeune pour comprendre.

- Vous êtes toujours sceptique, après tout ce que j’expose ? Ne croyez-vous pas en la parole de Rikni ?

- La plus grande épreuve laissée par Rikni aux hommes est l’interprétation de ses desseins, murmura la rousse. Ambre doutait en effet que la déesse donnait toutes les réponses sur un plateau à quiconque. Et si elle devait le faire, sûrement ne les donnerait-elle pas à une veuve à moitié sénile qui ne pourrait jamais servir ses projets. Vous vouliez nous voir absolument, rajouta Ambre, coupante. Notre passé ne nous intéresse pas, nous le connaissons mieux que quiconque. Vous n’êtes pas venue pour ça je gage, sans quoi cela serait fortement décevant. Un sourire mauvais naissait sur le visage d’Ambre, toujours peu remise des sombres affaires qui se profilaient au sujet de cette femme, et qui ne pourraient être empêchées. Qu’envisagez-vous donc pour « nos avenirs » ?

Elle eut un geste sec de la main, l’invitant d’une provocation non feinte à continuer. Aurait-elle la langue toujours aussi pendue lorsqu’il s’agirait de décrypter l’avenir ? Lui donnerait-elle que plus de raisons encore de vouloir la faire taire définitivement ? Que savait-elle de plus ? Et surtout, serait-elle assez sotte pour continuer à s’enfoncer dans ses révélations mortelles ? L’expression d’Ambre était un savant mélange entre l’attente et le sombre avertissement, sous-jacent mais gravement présent, et si la femme de Saurell avait un tant soit peu de jugeote, elle la fermerait. Tout de suite.
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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyMar 5 Juil 2016 - 17:25
La surprise s’était muée en une rage sourde. Elle était en train de révéler devant témoin leurs secrets, qu’ils soient insignifiants ou imposants, embarrassants ou complètement inavouables. À proférer ainsi elle jetait l’opprobre sur les hommes de confiances, ces indispensables si rares, si précieux.

Grâce s’était raidi, droite, rigide, menaçante. Si elle avait été seule, sûrement aurait-elle pris le plus volumineux, le plus lourd des ouvrages de cette bibliothèque et elle aurait frappé cette démente qu’elle se taise, pour un instant ou à jamais. Ce qu’elle évoquait n’était connu de personne, sauf de sa famille et d’Azhim. Avant, elle aurait peu envisagé que les domestique de leur domaine aurait pu avoir eu venté de l’affaire, mais sûrement étaient-ils tous morts à l’heure qu’il était. Il ne restait presque personne qui pouvait se targuer de connaître ce moment douloureux de son existence.

«- Mais peut-être est-ce cela, l’épreuve de Rikni, de vous obliger à mettre vos doutes de côté, de croire une femme que vous ne pouvez croire … de croire en ses desseins … en ses avertissements.

- Cessez de rabaisser notre Déesse au rang de simple excuse pour vos indécentes élucubrations. »

Gronda Grâce avec une colère parfaitement contenue. Les clercs auraient déjà dû la brûler en place publique pour sorcellerie ou hérésie, elle qui prétendait porter le message de la déesse. Il n’en avait rien été parce que'au final elle avait toujours été plutôt calme dans son agitation ne faisant qu’essayer, sûrement la raison de sa déraison attirant quelque peu la pitié voire possiblement la sympathie. Une veuve ayant perdu l’esprit cela pouvait sembler doucement pitoyable, mais assurément non dangereux. Pourtant, ça l’était devenu.

« Ce n’est nullement une excuse. Écoutez-moi, je vous en conjure. »

Saurell semblait presque imploré qu’on lui accorde une once de crédit. C’était la déesse qui lui avait parlé, elle le jurerait jusqu’à son dernier souffle, qui serait bien plus prématuré qu’elle devait la pensée. Elle ne semblait nullement se rendre compte du potentiel destructeur de ce qui tournait dans son esprit, de ce qu’on lui avait confié. Elle serrait désespérément ses cartes dans ses mains. Pourtant le visage de Mademoiselle de Brasey resta fermé, neutre, insensible à tous apitoiements. En réalité elle réfléchissait à ce qu’elle pouvait bien faire de cette nuisible. Elle délirait encore et toujours pour elle s’était bien une entité Divine qui lui avait divulgué tout cela et assurément par un être de chair et de sang, armé de sombres intentions.

Elle aurait dû se taire, elle aurait voulu se taire, mais elle ne pouvait pas laisser cela ainsi. Pas avec tout ce qu’elle avait déjà dû divulguer pour avoir ne serait-ce qu’un semblant d’attention, même s'il était étouffé par toute la suspicion et la fureur du monde.
La prétendue voyante s’approcha de la Comtesse, gardant une distance protocolaire avec elle. Elle se mit à nouveau à parler en fouillant frénétiquement dans ses images. Nulle hésitation dans sa voix.

« Vous… vous vouliez connaître ce qu’elle m’a dit sur votre avenir. Elle a parlé de deux chemins. Un qui verra naître Isidore, Opale, Aaron et Silène et l’autre qui ne laissera éclore que de l’aigreur de l’amertume et pourra finir… »

Elle s’était arrêtée sur la carte de la mort. Simple, presque simplistes, mais suffisamment parlant. Pendant que l’aliénée piaillait encore et toujours, Grâce avait fait le tour de la bibliothèque, tirant un livre d’un des rayonnages. Il n’était ni le plus imposant, ni le plus lourd, néanmoins l’ouvrage avait une bonne taille. La jeune femme l’ouvrit, apparemment avec tout le calme dont elle pouvait faire preuve habituellement. Puise revient vers l’importune, qui visiblement avait fini d’avertir la Dame de Ventfroid.

« Baronne, ses plans ont été bien plus flous, mais elle a parlé d’une idée, d’une idée quoi pourrait sembler bonne, mais qui n’apportera que souffrances. Pour vous beaucoup, mais… »

Mais elle n’eut pas le temps d’en dire plus. La Baronne avait profité du fait que la femme qui lui parlait avait à nouveau le nez plongé dans ses cartes pour fermer sèchement son ouvrage et la frapper avec. Saurell tomba, inconscient, bien entendu, Grâce n’avait nullement la force de faire plus que cela, surtout avec un seul coup et avec un simple livre. Les figures de tarot s’éparpillèrent sur le tapis.

Il y eut un instant de flottement ou le silence de la pièce sembla complètement irréel. La voix de l’oracle de pacotille n’emplissait plus le lieu, il n’y restait que les échos des secrets qu’elle avait inconsidérément dévoilés.

« Aucune de nous ne pouvait la laisser poursuivre. Nous aurions même dû faire cela bien plus tôt. »

Une certaine rigueur résidait dans les propos de la jeune femme, alors qu’elle regardait la Comtesse.
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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyMer 6 Juil 2016 - 20:13
Grâce paraissait beaucoup ressembler à Ambre au sujet des prédictions. Sceptique, et coléreuse, elle aussi n’avait pas apprécié les nombreuses interventions de la blonde. Déjà que cette dernière s’était invitée au manoir sans l’invitation de sa propriétaire, elle les avait insultées en déblayant leur vie privée de façon indécente. La dame de Saurell s’était visiblement mis les deux femmes à dos, et quand bien même n’étaient-elles que des femmes, cela ne présageait rien de bon pour cette femme.
La voyante arrêta donc les palabres sur le passé des nobles, et se concentra sur l’avenir, comme l’avait quémandé Ambre. Elle garda ses distances, et n’eut pas le culot de venir prendre les mains de la comtesse pour lui lire les lignes de la main ou que savait-elle encore. C’était déjà ça. Cependant, les paroles tombèrent. Encore. Si Ambre, précédemment, avait pris un masque sombre alors qu’elle découvrait avec colère et froideur que des informations vitales avaient percé, là, le masque vacilla un instant.

Ambre eut un geste instinctif : doigts légèrement refermés, sa main remonta contre son buste, comme si elle avait voulu cacher la légère ouverture de stupeur de ses lèvres. Mais la main ne remonta pas plus haut que les clavicules, plaquée contre le corps de la comtesse. Là, pour le coup, elle fut particulièrement perturbée. Le doute l’envahit soudain, se frayant un chemin à travers la brume imperméable de son esprit. Tout ce qu’elle avait présenté précédemment était des faits concrets. Dont on pouvait être au courant, si l’on avait des moyens d’espionnage particulièrement puissants certes, mais cela restait possible. Là… Elle venait de citer les noms des enfants qui étaient apparus dans son rêve pas plus tard que la nuit dernière. Un rêve dont elle n’avait encore ni eu le temps ni eu l’envie de confier à quiconque. Personne ne savait. La coïncidence était extrêmement troublante, et Ambre tiqua.
Alors, soit, un esprit particulièrement vicieux et pertinent aurait pu déduire que les prénoms d’Isidore et d’Aaron étaient logiques, hommage aux pères du couple Ventfroid, et que ce dernier envisageait peut-être de les réutiliser. C’était bancal, particulièrement chanceux, peu probable, mais possible. En revanche, le nom des fillettes qui sortait de nulle part, et plus que tout, l’association des quatre noms qu’Ambre n’avait jamais évoqués… La jeune comtesse n’était pas arrivée au point de déjà imaginer des noms pour ses futurs enfants et de les avoir cités publiquement : le rêve de cette nuit avait réellement été inédit. Alors, comment ?

Les yeux légèrement arrondis par la surprise, Ambre voyait son pragmatisme s’effriter petit à petit. Et si cette femme avait réellement un don ? L’avertissement de cette femme sur sa mort inéluctable, et les propres conseils reçus dans son rêve de la nuit, tout cela ébranlait la jeune femme plus qu’elle ne l’aurait voulu. Elle était pieuse, croyait en la parole des dieux, en certains signes… Mais pouvait-on raisonnablement croire en ces paroles-là ? Ambre passa un doigt sur sa tempe tandis que la blonde se détournait pour aller parler à Grâce, des maux de tête commençant à pointer. Morion se moquerait certainement d’elle s’il avait été là.

Un coup sourd résonna, et Ambre sortit de sa léthargie et des pensées qui se bousculaient. La voyante venait de s’effondrer au sol, ses cartes s’éparpillèrent, et Grâce, droite et sévère, tenait encore le lourd ouvrage qui avait servi d’arme. Ambre souleva légèrement sa robe pour avancer de quelques pas, se rapprochant des deux femmes. Elle posa un regard calme sur l’inconsciente, vérifiant qu’elle respirait encore. C’était le cas. Un bref instant, l’idée de faire en sorte que cette femme ne se réveille jamais de son sommeil la traversa. Cette femme savait définitivement trop de choses. Elle était un danger. Réels pouvoirs ou non… elle ne pouvait plus vivre.
Néanmoins, il serait stupide de faire ça ici et maintenant. La domestique qui avait mené la voyante en leur présence était un témoin dérangeant, et seuls les dieux savaient qui avait pu la voir pénétrer le manoir ou non. Peut-être même avait-elle prévenu une connaissance qu’elle allait rencontrer Ambre de Ventfroid et Grâce de Brasey. Il faudrait jouer de prudence sur ce coup, et Ambre ne souhaitait pas même mêler Grâce à cela à dire vrai. Cela serait lui donner un aperçu trop précis des Ventfroid. Il faudrait agir, vite, mais pas avec son appui. Ambre se trouva fort marri que son époux soit actuellement occupé avec l’argentier de la ville, car c’était quelque chose qui méritait urgemment d’être porté à son attention.

- Cette femme sait beaucoup trop de choses pour sa propre sécurité, souffla Ambre, d’un ton sourd et presque inaudible. Je ne puis parvenir à déterminer comment. Ni pourquoi elle aurait abattu tant d’informations, comme pour nous pousser à la faire taire. Cherche-t-on à nous atteindre d’une quelconque manière ?

Ambre fit silence, comme si elle tentait de déterminer si un bruit se faisait entendre, si quelqu’un écoutait à une porte. Elle observa durant de longs instants le visage paisible de la dame de Saurell.

- Avez-vous des ennemis, baronne ?

Ambre s’abaissa un peu pour attraper une carte qui avait glissé près de son pied. La carte de la Chance.

- Qu’allons-nous faire d’elle ? murmura enfin Ambre.

Beaucoup de questions, dont elle n’était pas sûre d’avoir les réponses elle-même.
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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyVen 8 Juil 2016 - 16:31
La Dame de Ventfroid n’avait nullement semblé affoler par le geste certes un tantinet radical de la demoiselle de Brasey. Comment aurait-elle pu la faire taire autrement ? La délirante était bien trop agitée pour se laisser persuader de se taire sans y mettre une quelconque forme de violence, qu’elle soit physique ou verbale. Au moins ainsi s’était-elle tue plus prestement.

La remarque de la comtesse était tout à fait justifiée, pourquoi s’était-elle donné la peine de sembler vouloir les intéressées au prix de les mettre en colère. Elle ne pouvait ignorer que les Dames de la noblesse et plus largement tous ses membres, n’appréciaient guère que leurs petits secrets soit révéler contre leur gré, en public ou en privé. Alors pourquoi ? Elle semblait parfaitement convaincue que la déesse lui parlait. Il y avait cette lueur folle dans son regard, et ce tressaillement dans sa voix. Après, pouvait-elle toujours être une actrice de génie.

Un petit sourire ironique naquit sur le visage de Grâce lorsqu’Ambre lui demanda si elle avait des ennemis. Après-tout n’en avait-elle pas un en commun depuis peu ?

« Assez peu. Sans compter que je garde un œil assidu sur les plus virulents. Ils n’auraient pu fomenter ceci sans que j’en sois informée. »

En réalité ils devaient se compter sur les doigts d’une main, ceux qui avaient réellement des griefs contre elle, ou étaient suffisamment furieux contre un de ses proches pour chercher à l’atteindre à traves elle. La fange, l’exode, tout cela avait clairement clairsemé les rangs, sans compter qu’elle était plutôt discrète.

« Puis tout ceci est trop … improbable. Personne dans cette maison ne savait que je vous avais invité Comtesse. J’ai bien fait partir Audric, cependant ne lui ai-je point dit pour qui je le faisais quitter les lieux. La seule personne pouvant avoir vu le mot étant Azhim, il n’est pas très familier avec la lecture, cependant, il aurait pu reconnaître votre nom. Néanmoins, j’espère pour lui qu’il n’a rien à voir avec cette histoire. »

Oh qu’elle l’espérait. Inutile de revenir sur le sort qu’elle réservait à son homme de confiance s'il avait bel et bien piétiné ce lien qu’ils avaient mis tant d’années à tisser et renforcer. Il était impossible de ne pas être sceptique, ou troublé face à la déferlante de vérités qu’elle avait débitée au cours des dernières minutes. La Baronne sembla réfléchir un instant, regardant l’arrangement chaotique des figures sur le tapis. Ambre avait ramassé la carte de la chance. Avec celui-ci venait de se produire elle était prête à croire qu’avoir tiré cet attribut était un signe, cependant il pouvait parfaitement révéler le secret des prédictions et du savoir de la folle aux chats, comme être le présage d’un chanceux dénouement à cette affaire.

Elle s’agenouilla, sa robe se plissant doucement, pour ramasser le parquet éparpillé. En se relevant elle reprit la parole à mi-voix.

« Nous ne pouvons la laisser et l’interroger ici. Croyez-moi quand je vous dis que vous ne souhaitez nullement qu’un autre membre de cette famille n’entende ce qu’elle a à dire. Vous imaginez si Victoire venait à revenir plus tôt que prévu et que venant vous saluer par politesse entende les délires odieusement exacts de Dame Saurell. Elle pourrait en toucher quelques mots à Jade, sûrement dans le but de se faire bien voir. Si vous gardez réellement un secret pour votre sœur, vous ne voudrez lui infliger cela. »

Le fait était que Grâce ne savait sûrement pas ce qu’était ce sentiment de dévotion, d’abnégation envers sa cadette. Avec la sienne elles avaient toujours été mise en concurrence elle ne l’avait toujours vu que comme une rivale, un instrument, surtout depuis ce douloureux épisode qu’avait évoqué celle qui gisait inconsciente au sol. C’était sa faute, si elle n’avait pas parlé, elle aurait évité toute cette douleur. Elle n’avait pas encore payé, mais un jour viendrait ou l’occasion serait parfaite. Toutefois, là n’était pas la question, elle avait bien vu jusqu’où portait le besoin de protéger sa sœur que nourrissait la comtesse.

« Sûrement devrions nous la faire raccompagner après son malaise, elle était agitée et fébrile, cela était inévitable. Bien entendu, l’une d’entre vous pourrait rester avec elle, par compassion. La pauvre avait l’air si bouleversée. Tandis que l’autre passerait peu après pour s’assurer que la malheureuse se soit bien remise de ses émotions. Possiblement pourrait-elle passer par la porte de derrière pour plus de discrétion. »

Il était assez évident qu’elle suggérait à la Dame de Ventfroid d’être celle qui la raccompagnerait. Il était plutôt connu que la compassion de Grâce était pour le moins limitée, même si assez existant pour être noté. Cela serait louche que ce soit elle qui reste au chevet de Saurell. IL y avait également la possibilité que ce ne soit aucune d’entre elles, cependant, si tel était le cas, il faudrait s’assurer que ce soit un homme de confiance qui la veille, ce qui après les révélations, était quelque peu complexe redéfinissant temporairement le concept d’homme de confiance.

« Si l’on en croit les dires, sa seule domestique restante est presque aussi âgée que la ville elle-même et à moitié sourde. Il faudra s’en assuré nous-mêmes. »

Dans tous les cas serait-elle toujours plus tranquille là-bas, qu’ici.
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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyVen 8 Juil 2016 - 21:03
Pour le coup, le comportement de Grâce surprit la comtesse, et en bien. Ambre n’avait pas pu cerner sur le coup si son geste contre la dame de Saurell avait été un geste paniqué, impulsif et fait sans réfléchir, ou si la simple envie, calme et insensible, de faire taire l’inopportune l’avait prise. Au vu de la suite de son discours, ce fut la seconde solution qui prima, car la baronne ne semblait pas regretter son geste. Mieux encore, elle envisageait la suite, sans perdre son calme ou la raison. Et cette suite proposée plut à Ambre.
Déjà, car c’était raisonnable. Si Grâce lui avait informée qu’elle souhaitait garder cette femme au sein de son propre manoir, alors qu’on l’avait potentiellement vu pénétrer chez elle, eh bien la disparition de la folle, même temporaire, pouvait paraître étrange. Ambre ne savait que peu si la veuve entretenait des relations avec d’autres que ses domestiques, aussi fallait-il rester prudent sur ce point.
Mais surtout, ramener la femme chez elle permettrait qu’elle soit vue, bien en vie, par plusieurs personnes, dans les jours qui suivraient. Et, lorsque le jour où cette femme disparaîtrait définitivement… plus cette disparition était éloignée dans le temps de cette journée, moins l’on pourrait lier cela avec sa petite visite chez Grâce de Brasey. Ambre pourrait en référer à son mari dès qu’il rentrerait au manoir, quand la comtesse aurait pris soin de « border » la blonde avec le concert de Grâce. C’était la meilleure solution envisageable.

- Assez peu moi aussi. Les Mirail ont rarement attisé les foudres. Ambre continuait à faire glisser ses mains l’une contre l’autre contre son ventre, réfléchissant. C’est l’ennui, je ne vois pas qui aurait pu me faire une farce pareille, à part Joscelin peut-être. Ambre regrettait de ne pas avoir plus de pouvoir sur Cassandre qu’elle soupçonnait également, et nul doute que le manque d’information sur la vicomtesse à cet instant la pousserait bientôt à ne pas répéter l’erreur. Ou, plutôt que moi, possiblement est-ce mon mari qui se retrouve visé… ? Les joies de prendre le nom d’un autre, et de rafler en même temps tous ses ennemis dans un cocktail salé.

Ambre réfléchissait en même temps qu’elle parlait, son regard oscillant entre la femme inconsciente au sol, et son interlocutrice. La comtesse accueillit avec une petite note de satisfaction l’information que personne n’avait été mis au courant qu’elle avait été invitée ici. C’était anodin, mais cela pouvait la protéger si quelque chose devait mal se passer. Même si, a contrario, le fait que dame de Saurell fut au courant de sa présence ici n’en devenait que plus mystérieux encore.

- Vous pourrez vous assurer de la fidélité de votre domestique, comme je m’assurerai de celle des miens. Envisager que l’un d’eux ait pu lire une missive qui m’était destinée, avant de me l’apporter, est particulièrement agaçant, mais au vu d’une telle fuite d’informations personnelles, il va falloir se montrer prudent, peut-être même un peu paranoïaque, jusqu’à débusquer les coupables.


La colère d’Ambre serait terrible, si la trahison venait de sa propre demeure. Même sa nature bienveillante ne pouvait rester intacte face à pareils évènements, et dans ce genre de situation, c’était son côté Ventfroid qui prenait largement le pas sur le côté Mirail. Après un nouveau regard sur la voyante endormie, Ambre regretta que les dieux ne leur aient pas permis d’inventer quelque élixir de vérité pour la faire parler en temps et en heure. L’alcooliser serait peut-être une alternative intéressante. La boisson déliait souvent les langues.

- Nous ne pouvons pas la laisser ici, en effet. Je partage votre avis. Quant à Jade… malgré le rapprochement effectué avec votre propre sœur, je suis quasi persuadée qu’elle ne se sera pas confiée sur le… sujet évoqué, même avec Victoire. Ambre serra la mâchoire. Elle comptait protéger sa sœur, oui, comme toujours depuis le soir où avait éclaté cette affaire. Seule Jade, et Evan, étaient au courant. Jamais n’avaient-ils averti les parents, sinon Jade aurait pris la rossée de sa vie, et envoyée terminer son éducation auprès de clercs particulièrement sévères. Je suppose qu’il est évident que je n’ai pas à vous demander de garder secret tout ce qui a été dit sur ma famille. Je ferai de même en ce qui concerne les vôtres.

Elle appuya un regard équivoque. Elles étaient désormais liées par autre chose que l’affaire Puylmont, et elle espérait que la baronne saurait garder la même discrétion à ce sujet.

- Nous la ferons raccompagner chez elle, oui. Avec un peu de chance elle ne se souviendra de rien. Nous pourrons lui dire qu’elle a fait un malaise, ou qu’elle s’était soudain mise à proférer des propos mystiques, comme si elle était sous emprise divine. Cela la flatterait dans ses délires. Dans tous les cas, nous sommes donc désireuses de la reconduire chez elle pour se reposer, et de s’assurer que sa chute ne lui a pas secoué quelque chose dans la tête. Je… Elle releva le visage vers Grâce. Je peux la raccompagner, si elle l’accepte une fois réveillée. Je m’assurerai qu’elle ne parle à personne sur le chemin, et ne retombe pas dans ses prophéties farfelues devant témoins. Il sera ensuite aisé de l’isoler chez elle, en compagnie de sa vieille domestique. Peut-être pourrions-nous lui administrer quelques… remontants qui la garderaient au lit, et l’empêcheraient de vendre ses informations ailleurs, le temps qu’on puisse déterminer de qui elle tient tout cela. Et si nous n’apprenons rien, au moins sa réputation déjà bien entamée de folle à lier nous aidera à discréditer tous les propos qu’elle pourrait déblatérer en public.

Ambre était prudente. Elle supposait très pertinemment que Grâce haïssait l’idée que tout le savoir de cette femme puisse s’éparpiller un jour en-dehors de ce manoir. En revanche, elle ignorait ce que la baronne serait prête à faire pour l’en empêcher, ni même si les secrets exposés étaient assez dangereux pour elle pour avoir besoin de réellement réagir de façon ferme. Aussi Ambre évita intelligemment de parler de meurtre. C’était ce qu’elle envisageait, mais l’affirmer ouvertement alors que la jeune baronne n’avait pu entendre qu’une histoire de tableau dont elle n’avait certainement ni saisi le sens, ni la gravité, la mettrait justement sur la voie des desseins mortels du couple Ventfroid. Et ça, Ambre ne pouvait pas se le permettre. D’autant plus qu’elle ignorait totalement les liens entre Grâce et son propre mari. Comme elle ignorait que ce dernier avait des bâtards, elle ignorait tout autant que Grâce était devenue son espionne depuis quelques mois. Donc, concrètement, Ambre ne voyait pas en Grâce une alliée fidèle – ou du moins, si elle entretenait pour la baronne une estime réelle, elle n’était pas encore assez proche ou poussée pour la mettre dans la confidence d’éléments d’une telle gravité. Notons d’ailleurs qu’Ambre, même en sachant Grâce espionne, aurait tout de même eu des scrupules à ébruiter cette affaire dans d’autres oreilles. Surtout lorsqu’on apprenait subitement qu’une inconnue timbrée savait énormément de choses, ce qui laissait la possibilité que d’autres en sachent autant. En clair, Ambre était seule, et devait jouer à la fois sur la protection de ses secrets et ceux de Grâce, et réussir à faire tuer plus tard cette jeune femme, sans que la baronne ne puisse faire le lien avec elle. Ce qui s’avérerait très, très, difficile, au vu de la perspicacité de la dame de Brasey. Mais peut-être un meurtre concret contre cette femme était aussi ce qu’envisageait Grâce. Elle ne savait pas.

- Pouvez-vous m’aider à la coucher sur le canapé ? demanda Ambre, s’approchant du corps inconscient de la voyante. Avez-vous du linge propre et de l’eau qui pourraient nous aider à la réveiller ? A moins que vous n’ayez d’autres éléments personnels à me faire part, d’autres détails – profitons tant qu’elle gît inconsciente. Un petit sourire releva ses lèvres. Nous allons devoir jouer les nobles inquiètes et concernées par son malaise, j’espère que vous êtes bonne comédienne.
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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyDim 10 Juil 2016 - 16:07
C’est avec un certain soulagement que Grâce entendit qu’Ambre semblait accepter son plan, ses idées, jouant le jeu même au-delàs des attentes de la Baronne. Dans le couloir des bruits de pas se firent entendre. Un léger frisson anxieux couru le long de l’échine de la jeune femme. Heureusement, ce n’était qu’un domestique qui passait. Il était aisé de s’en rendre compte à la rapidité de la foulée, au fait que l’écho de chacune d’entre elles était fait pour être étouffé, faire comme si il n’avait jamais été là. Rien à voir avec le pas plus lent, plus sûr, plus imposant, d’Audric, de Sichède ou même dans une plus faible mesure de Victoire.

Pensant à la cadette de la fratrie de Brasey, elle était revenue au fil de la conversation. L’aînée avait suivi, de loin le rapprochement avec Jade de Mirail, elle savait parfaitement qu’elle n’était si proche, même si leur génitrice était bien aise de cette nouvelle affinité et l’encourageait fortement.

« C’est bien justement sur le fait que votre sœur n’est rien dit à la mienne que je table. Le choc que ça serait pour elle d’entendre un de ses plus noirs secrets sortir de la bouche de quelqu’un qu’elle ne connaît pas si bien que cela… »

Cela pourrait être une piste un jour pour se venger de Victoire, peut-être même pouvait-elle se servir de ce secret qui lui avait causé tant de souffrance aussi bien physique que morale. Elle verrait cela plus tard, elle avait d'affaires plus urgentes, en fil de ligne la Saurell, étendu là au sol, puis la suivant d’assez près, d’Alchas.

« En revanche, l’hypothèse que votre époux soit le réel visé, est la plus probable en effet. »

Il était bien la personne avec Pyumont qui les laient, ne serait-ce que vaguement. Grâce n’avait aucune idée ce que le Comte avait bien pu dire à son épouse sur leurs affaires et en quoi elle luit utile, de plus elle ne voulait être celle qui lui apprendrait. Ne savait-elle vraiment ce qu’il voulait lui révéler et la jeune femme n’avait nullement envie d’en dire trop sans le vouloir et de courroucer même partiellement, l’homme. Cependant, elle n’était sûrement pas la seule à rendre ce genre de service à Monsieur de Ventfoid, La Vicomtesse de Rocheclaire était un autre nom. Possiblement la Dame était-elle plus dure à atteindre, la position sociale de Grâce étant plus fragile depuis l’annulation et l’annonce des fiançailles.

Elle laissa échapper un bref rire quand la Comtesse lui demanda si elle était bonne comédienne. L’on pouvait dire cela.

« Bien entendu. Une attribution indispensable pour survivre dans notre milieu, n’est-il pas ? »

S’amusa-t-elle posant le paquet de cartes qu’elle avait rassemblé sur une petite table supportant un chandelier parfaitement astiqué. Comme son interlocutrice lui avait demandé elle l’aida à soulever la délirante inconsciente pour la poser sur le divan, après alla-t-elle trouver un domestique dans pour lui demander d’apporter de l’eau et un linge, prenant l’air un brin paniquer et inquiet de quelqu’un qui venait de voir une autre personne faire un malaise. Elle expliqua même sommairement ce qu’elle voulait qu’il se soit passé avec la Dame Saurell.

Elle ne s’était de ce fait absenter que peu de temps de la bibliothèque. En revenant, elle referma soigneusement la porte, pour être certaine que le personnel frapperait avant d’entrer.

« Je me chargerais du remontant. N’ayez crainte, il sera nullement létal. J’ai peu de doutes sur le fait que vous parlerez de cette affaire à votre époux et que lui, comme vous, voudrez tirer au clair la façon dont la malheureuse Dame Saurell s’est trouvé en possession de ces informations. »

La faire taire à jamais serait la solution la plus simple à leurs problèmes, cependant, il fallait s’assurer que la dingue passe aux aveux avant d’envisager d’arrêter définitivement son cœur.

« Me procurer la substance devrait prendre dans les circonstances les moins favorables, une poignée d’heures. »

Informa à Baronne en s’approchant de celle qui ne parlait heureusement plus. La blonde respirait tranquillement, une expression neutre, presque paisible au visage.

« … d’ailleurs, sachez que, même si vous semblez plus toucher par ses révélations que je ne le suis, je compte également chercher qui aurait bien pu les lui donner, ou la manipuler. Il serait sûrement plus astucieux de travailler conjointement plutôt que poursuivre le même but séparément et risquer de nous gêner. »

Unir leurs forces, plutôt que se mettre tacitement en compétition.
Il n’y avait que très peu de temps que les deniers mots avaient franchi ses lèvres, à voix basse, presque comme une confidence, quand on frappa doucement, presque timidement à la porte.
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Ambre de VentfroidFondatrice
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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyDim 10 Juil 2016 - 19:50
Les deux femmes traînèrent doucement l’inconsciente près du divan, où elles l’installèrent. Ambre déposa doucement la tête de la noble sur le dossier du canapé, tandis que Grâce arrangeait ses jambes, et quand les deux femmes furent certaines que la blonde était assez bien placée pour ne pas retomber toute seule, elles purent se redresser.

- Je vous laisserai vous charger du produit, oui. Vous pourrez vous le procurer tandis que je ramènerai la voyante chez elle, cela nous fera gagner du temps. Ambre était souriante alors que l’ébauche d’un plan qui semblait logique et fluide progressait entre les deux nobles. Je vous y attendrai, en lui disant que vous êtes partie quérir un guérisseur pour obtenir des aides, tandis que je la forcerai à rester au lit. Je tenterai d’éloigner la domestique aussi, en suggérant quelques tâches intelligentes pour permettre à sa supérieure d’aller mieux. Enfin, si elle me comprend, si jamais elle s’avère réellement sourde… eh bien dans ce cas de figure, elle ne pourra pas entendre tout ce que nous demanderons à la dame de Saurell. Les deux cas nous arrangeront, nous nous débrouillerons.

Grâce lui fit ensuite une remarque à propos d’alliance, plutôt que de continuer dans des buts séparés. Ambre resta quelques instants silencieuse, notant la perspicacité de la baronne. Cette dernière avait-elle saisi qu’il existait des intentions qu’elle lui cachait ? C’était probable, et logique, alors qu’elles avaient toutes les deux reçu en pleine face des informations qu’elles n’auraient pas voulu apprendre à l’autre, même si elles s’estimaient. Ambre entreprit de rassurer la jeune Brasey.

- Je mènerai notre alliance jusqu’à temps que nécessaire, et elle l’est présentement, baronne. Sans oublier que la dernière fois que nous nous sommes alliés, un certain mauvais joueur a pâti de nos initiatives. Je compte bien à ce que notre association porte à nouveau ses fruits, et je ne vous laisserai pas de côté. Elle sourit. Nous interrogerons toutes deux la femme lorsque vous reviendrez avec la fiole. Et que nous pourrons la droguer. Les mots ne sortirent pas, mais ils étaient fortement sous-entendus. Je pense que nos langues persuasives – car il en faut pour évoluer dans le monde de la noblesse – sauront influencer un esprit faible sous emprise. J’espère sincèrement que nous apprendrons des choses. Le cas échéant, nous pourrions peut-être fouiller son manoir… Cela, en revanche, même une domestique sourde pourrait nous surprendre. Il faudra être prudentes, souffla Ambre, d’un ton très faible elle aussi.

Et les deux nobles se félicitèrent intérieurement d’avoir employé un timbre très doux, très bas, car l’on frappa soudain à la porte. Ambre se retourna, échangeant un regard avec Grâce. Un regard tacite, un air sérieux, puis la rousse posa ses yeux sur la porte, prenant alors un autre masque. Ses sourcils se courbèrent d’un air inquiet, ses gestes se firent pressés et concernés alors que la domestique – celle qui l’avait accueillie lorsqu’elle était arrivée au manoir – entrait. Elle apportait un pichet d’eau et du linge blanc et propre. La petite servante paraissait vraiment inquiète, pour le coup, et jeta un regard apeuré à la blonde inconsciente sur le canapé.

- Elle n’est toujours pas réveillée ? demanda-t-elle, soucieuse.

- Par les Trois, merci d’avoir fait si vite, lança Ambre en venant auprès de la femme, lui ôtant le linge des mains. Non, toujours pas. Pouvez-vous nous aider ?

Ambre partit s’agenouiller auprès du canapé, linge en main, et présenta ce dernier au bec du pichet que la jeune femme tenait au-dessus d’elle. Un fois l’étoffe humidifiée, Ambre la glissa précautionneusement sur le front de la diseuse de bonne aventure. Elle écarta les mèches de son visage, et avec une douceur rare, caressa les joues, les mâchoires, l’orée du cou, pour revenir sur le front, rafraîchissant toute parcelle de peau possible.

- Dame de Saurell ?
souffla Ambre doucement.

Elle continua jusqu’à ce que ses attentions, petit à petit, n’éveillent la femme. Les muscles de son visage commencèrent à présenter quelques soubresauts, sa tête oscilla doucement sur le canapé. Ambre espérait que le coup de livre de Grâce n’ait pas créé une bosse à travers le cuir chevelu. Même si, en fait, dans le pire des cas elles pouvaient toujours dire que sa mauvaise chute l’avait heurtée.

- Dame de Saurell, réveillez-vous, je vous en prie, souffla à nouveau la comtesse.

C’était à la fois comique, et navrant, de jouer la petite noble dévouée face à une femme dont elle voulait la mort. Elle imaginait l’un de ses proches à la place de la blonde pour être crédible.

Les yeux de la voyante papillonnèrent. Un peu groggy, l’esprit brumeux, elle réussit finalement à se focaliser sur les trois personnes penchées autour d’elle. Ambre se retint d’échanger un regard avec Grâce.

- Vous avez fait un malaise, vous souvenez-vous ?

Encore un peu perdue, son regard passa sur Ambre, puis Grâce. Elle eut une pause, les sourcils froncés.

- Non… J’ai terriblement mal à la tête…

- Vous… Ambre arrêta son geste au-dessus du front de la blonde, linge humide suspendu. Vous avez parlé pendant votre inconscience. Une sorte de… de prophétie étrange.

- Vraiment ? La blonde écarquilla des yeux doucement, tentant de se redresser, mais Ambre l’en empêcha. Qu’ai-je dit ?

- Calmez-vous, déclara la comtesse. Je ne souhaite pas vous perturber plus que nécessaire, vous avez pris un très mauvais coup sur la tête en tombant. Je vous conterai tout si vous me laissez me raccompagner chez vous, et vous mettre au lit. Etes-vous disposée ?
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Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé]   Ainsi parlait la folle aux chats [Ambre - Terminé] EmptyLun 11 Juil 2016 - 15:01
Tous les sommeils n’étaient pas porteurs de rêves et de messages, surtout lorsqu’il avait été provoqué de certaines manières. Il l'a façon avait été brutal, toute proportion gardée, bien évidemment. La respiration calme, pas de soubresauts, pas de convulsions, la Dame Saurell était paisible. Elle n’avait nullement fait acte de résistance, inconscient bien entendu, lorsque les deux jeunes femmes l’avaient bougée, mise sur une surface plus agréable. Elle était restée flasque, son esprit malmené ne semblant nullement paniquer de s’être fait bouger.

Elle ne percevait rien, ni les murmure qui avaient été prononcé si proches d’elle, ni les fausses inquiétudes et quelques questions qui avaient tourné dans la pièce. La fraicheur du linge sur son visage n’avait semblé au début de faire aucun effet. Puis ces petites parties froides avaient fait tressaillir les muscles de son visage dans de petites mimiques désorganisées. Ses yeux s’étaient doucement ouverts papillonnants. La blonde voyait comme au travers de verre trop épais et mal poli. Tout était flou. Le son qui arrivait à ses oreilles semblait étouffé.

Où était-elle ?

Une voix douce la priait de se réveiller. Des mèches rousses, c’était là tout ce qu’elle discernait réellement avant de cligner quelques nouvelles fois des yeux. Cela lui revenait avec ce que cette vois avenant lui disait. Un malaise elle avait fait un malaise. S’était possible, ça lui arrivait parfois.

Son esprit avec du mal à faire le point sur ce qui se passait et s’était passé. Elle échangea quelques mots, demandant surtout ce qui lui était arrivé essayant de remettre en place les pièces du puzzle.

La Comtesse lui demande si elle concentrait à ce qu’elle la raccompagne chez elle. Laurell eut un moment de pause, où elle regarda chacune des personnes face à elle, trois femmes plus ou moins du même âge. Elles affichaient toutes ces airs inquiets. Lorsque ses yeux se posèrent sur la Baronne son mal de tête se fit un présent, plus intense. Puis son regardé se reporta sur Madame de Ventfroid.

« Ou… oui… Je crois que … rentrer chez moi me fera… le plus grand bien. »

Elle s’était assise avec toutes les précautions du monde avant que l’on ne l’aide à se relever avec tout autant de douceur, lui répétant d’aller à son rythme qu’elle ne devait pas forcer. Heureusement la bibliothèque où s’était déroulé le drame était au rez-de-chaussée, elle n’avait eu à affronter les escaliers avant de reprendre assez d’assurance. Il aurait été tellement dommage qu’elle fasse une fâcheuse chute dans ces derniers dus à la faiblesse passagère de son état…

Grâce avait accompagné ses invitées, volontaire ou non, jusqu’à la porte avant de les saluer non sans une expression emprunte d’une plus que convaincante contrefaçon d’inquiétude et de culpabilité mêle. À peine la porte s’était-elle refermée qu’elle avait entrepris de sortir à son tour, toutefois, le ferait-elle par la porte de derrière.

Dans la rue Dame Saurell semblait un peu agitée. Son esprit avait travaillé à toute vitesse ces derniers instants. Elle semblait plus tendue. N’avait-elle seulement attendu de passer le coin de la rue pour s’adresser à Ambre de la voix la plus basse qu’il lui était possible pour se faire comprendre.

« Je ne voulais pas en parler devant Mademoiselle de Brasey. Je me souviens de tout, presque tout. Je ne sais pas ce qu’elle m’a fait, mais je sais qu’elle m’a fait quelque chose avant mon malaise. »

La lueur folle dans son regard était revenue, même si elle était moins étincelante qu’avant.

« Elle est mauvaise… Mauvaise commence la peste. »

Des mots sûrement motivés par le choc.

« Vous… vous aviez commencé à me croire, à croire les paroles des Rikini, je l’avais bien vu dans vos yeux. Vous aviez été touchés par les mots de notre Déesse. »

La dingue avait attrapé le bras de la Comtesse dans un geste impulsif et complètement irréfléchi. Elle ne se souvenait que très peu, mais au moins n’avait-elle pas cette impression que la Dame qui l’accompagnait lui avait fait du mal.
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