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 Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer

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MessageSujet: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyJeu 21 Avr 2016 - 23:24
C’est un enchaînement ridiculement chaotique d’échecs qui avaient conduit Valériane à débouler, en début d’après midi, aux frontières de Traquemont. Seule. Alors que lorsqu’elle avait quitté Marbrume la veille, ils étaient quatre. Leur première destination était Lods, mais la coutilière avait la désagréable impression que ce trajet puait la malédiction. A chaque fois qu’elle avait tenté de s’y rendre ces derniers temps, il se passait quelque chose. Qu’il s’agisse d’une attaque de fangeux, d’un des trois glandus de son unité qui se perdait en chemin, qui tombait malade, peu importe. Il fallait revoir les techniques de survie, et éventuellement apporter un surplus d’offrandes au temple de Rikni, car là, point de vue mental, la milicienne était spécialement abattue.

Finalement, elle venait à Traquemont dans un but très simple, et certainement pas pour y rester. Elle avait beau avoir essaimé le marais toute la matinée, elle avait encore de l’énergie à revendre, et la disparition de son unité était une affaire qu’elle considérait comme urgente. Non pas qu’elle appréciait réellement ces types. Lors de son entrée dans la Milice, ils avaient tous été proprement infects avec elle. Mais une fois qu’elle eut fait ses preuves, étrangement, ils s’étaient mis, sinon à l’aimer, à la respecter. Et son tempérament de feu avait également fait naître la crainte. Elle était ridiculement petite comparée à eux, mais n’hésitait pas à distribuer des bourre-pif quand le besoin s’en faisait ressentir. L’opération Labret n’avait fait qu’ajouter à son palmarès, où lorsque la panique régnait, elle n’avait pas perdu de vue ses deux objectifs principaux : survivre, et mettre en pièces le plus de fangeux possible, afin de préserver un maximum de vie. Là où l’ancien coutilier avait échoué, dévoré vivant, ainsi que la moitié de l’unité qu’il dirigeait, elle réussit sa mission avec brio. Et quelques solides traumatismes à la clé.

«Coutilière Valériane Barrowmer, lâcha d’un ton mauvais la milicienne en se présentant au gardes du fort. J’viens voir Valériane Barrowmer, c’est urgent.»


Les yeux froids et couverte de boue, de vase et griffée un peu partout par ronces et autres épineux agressifs, elle avait une mine à faire peur. Elle désigna ses galons histoire de bien faire comprendre qu’elle faisait partie de la Milice et que de fait, elle n’était pas une ennemie, et attendit qu’un avis positif lui fut rendu. Si tel n’avait pas été le cas, elle aurait probablement pris elle-même le droit d’entrée. Depuis l’invasion de Marbrume et surtout le Labret, elle était devenue terriblement brutale et surtout, difficilement impressionnable. Un géant en armure et armé jusqu’aux dents pouvait faire peur, mais ça n’était rien quand l’armée de la mort galopait vers vous tous crocs et griffes dehors.

Traînant son cheval épuisé par la bride, elle entra dans l’enceinte du fortin, rassurant la pauvre bête épuisée. Le traîner dans les marais avait été une véritable torture, tant pour la monture que pour la cavalière, qui avait du composer avec les fausses flaques donnant sur un bon mètre de vase, les sentiers parsemés de ronces particulièrement agressives, les arbres trop bas pour laisser passer le destrier, et nous en passons. Finalement arrivée après plusieurs heures de galère, elle espérait pouvoir obtenir le concours de sa soeur, la seule personne en qui elle avait encore confiance. Elle n’aimait pas beaucoup ses hommes, mais en dehors de cela, ils étaient efficaces, et elle avait quand même encore quelques principes. Nul ne méritait de se retrouver face à ces immondes créatures. Sauf ceux qui en avaient reçu la sanction.

A l’écurie, Valériane savourait donc un bref moment de répit, nourrissant et abreuvant son cheval, et profitant de l’occasion pour grignoter un peu, mâchonnant quelques lanières de viande séchée, et puiser allègrement dans son outre. Elle était dans un état lamentable et aurait échangé tout le duché pour un simple bain, mais il lui faudrait encore attendre quelques heures, si ce n’étaient quelques jours.

«Tain, ils envoient les invitations par pigeons cuvés ici….?»



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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptySam 23 Avr 2016 - 18:04
Tous semblait clame, à voir les alentours de la forteresse n’étaient agité que par les rythmes de la nature. Un courant l’air, quelque bruissement qui venaient sûrement d’animaux traversant les abords de la zone.

Etre sur les remparts, ne rien d’avoir de mieux à faire que scruter l’horizon, ça laissait un moment de pause, l’occasion de réfléchir. Réfléchir, s’était bien une chose que j’avais pas fait souvent dans ma vie. Jamais vraiment eu besoin, du moins, pas tant que ça, les choix étaient évidents, ou alors on les faisait pour moi, Valériane en particulier.

J’avais presque l’impression que venir à Traquemont était une de premier vrai choix que j’avais fait, un qui avait une incidence particulière sur le court de mon existence. Au fond, choisir de rester après de ma grande-sœur n’avait pas été une décision en soit, s’était une évidence, une facilité parfois.

Un renard était passé au loin quand quelqu’un s’arrêta net à quelque mètre de moi. Il était plutôt essoufflé comme si il avait couru au travers du fort. Je le connaissais, il était souvent à la porte avec d’autres.

« Martin, t’as pas vu Clo' ? Ça fait un moment qu’il m’a dit qu’il revenait. J’en ai un peu marre de poiroter toute seule. »

A l’origine je n’étais pas seule là, mais on m’avait abandonné depuis … je ne savais réellement combien de temps, mais suffisamment longtemps pour que ça m’agace un peu.

« Non … Mais ta frangine est venue te voir … elle a précisé que s’était urgent. Elle avait un cheval, du coup, elle doit être à l’écurie. »

Il souffla bruyamment reprenant son souffle. Connaissant Val’ elle avait dû me demander avec l’amabilité d’une porte de prison, ce qui avait mis un petit coup de pression à Martin. D’ailleurs, je n’avais guère intérêt à traîner, en même temps, on ne pouvait dire que j’étais au plein milieu d’une activité plus que prenante. Au fond, j’étais bien contente qu’elle soit venue troubler la trop grande tranquillité de ma journée.

J’avais remercié vaguement le messager et je m’étais précité au travers des chemins de ronde et des couloirs de Traquemont pour rejoindre les écuries. Il y avait quelque chose qui me tracassait tout de même. Où pouvait bien être l’urgence ? J’aurais dû demander. Est-ce qu’elle s’était fait attaquer ? Est-ce qu’elle était blessée ? On était bien placée pour savoir toutes les deux comment s’était dehors, entre les fangeux, les bandits et simplement les marais, s’était pas une promenade de santé. S’était pas quelque chose de particulièrement rassurant, se dire que sa sœur était là dans cet environnement hostile. J’avais déjà ce sentiment désagréable avant, quand elle venait de l’engager et que j’étais encore dans ma taverne moisie à servir des poivrots. Pourtant, depuis que j’étais là, je comprenais d’autant plus. Savoir ce que pouvait risquer l’autre.
Heureusement, la plupart du temps, j’avais l’esprit trop occupé pour que ça me revienne.

« Val ! »


J’étais heureuse de la voir, en fait, j’étais toujours heureuse de la voir, sauf peut-être quand j’avais fait une connerie, ou besoin d’un service et que du coup que je devais avouer une connerie. Le deuxième cas était presque pire en réalité.
Elle était entière, s’était ça de rassurant, fin’ si on oubliait sa tête des mauvais jours.

« T’as une sale mine… »


Pas que ça arrivait pas qu’elle vienne juste pour me voir, mais elle arrivait rarement dans un état si … déplorable, il fallait bien le dire. A moitié couverte de boue, le bourrin aussi, on aurait dit moi quand je revenais après avoir crapahuté dans les marais un paquet d’heures. Comme j’étais pas encore sortie, pour ma part j’étais encore présentable.


Dernière édition par Ilhanne Barrowmer le Ven 6 Mai 2016 - 14:17, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyMer 27 Avr 2016 - 14:46
Val était en train de brosser son cheval avec du matériel emprunté quand sa soeur arriva. Le pauvre canasson n’avait pas spécialement apprécié leur petite randonnée dans le marais, loin des sentiers battus par la milice. Ses pattes étaient griffées un peu partout à cause des ronces, couvertes de boue et de vase jusqu’aux genoux, et il avait l’air abattu. C’avait été une sacrée aventure, ça on pouvait le dire, et le cheval, bien qu’endurant et résistant, n’avait pas spécialement l’habitude de se faire entraîner dans des coins aussi glauques et inhospitaliers pour un animal comme lui.

A la vue d’Ilhanne, le visage de Valériane s’éclaira quelque peu, et elle étreignit brièvement sa cadette avant de lui faire signe d’attendre.

«Deux secondes.»


Elle s’approcha de l’abreuvoir, et se servit de l’eau présente à l’intérieur pour se débarbouiller un peu les mains et la figure. Elle était crasseuse au possible, et commençait à n’en plus pouvoir de cette odeur de vase qui semblait avoir imprégné chaque fibre de son être. Le pire, c’était qu’elle allait devoir y remettre les pieds. Une fois humidifiée, malgré la température assez fraîche, elle s’ébroua pour chasser le gros de l’eau, puis revint vers sa petite soeur.

«Des heures à gambader dans les marais pour retrouver mon chemin. Très amusant.»

Elle lâcha un soupir, et prit dans son paquetage un cure-pieds, et s’accroupit près du cheval, afin de lui nettoyer les sabots. Elle disposait d’une brave bête, qu’elle estimait globalement plus que la plupart de ses subordonnés. Fidèle, résistante, docile, doué d’un instinct vivace. Autant de qualités que ses collègues ne semblaient pas partager, ou en tout cas, pas en même temps. Ainsi, tout en nettoyant la sole des pattes antérieures du bestiau, elle conta ses mésaventures à sa soeur.

«On a quitté la ville y’a un moment pour rejoindre Lods. On a reçu l’ordre de les ravitailler, avec un peu de nourriture facile à conserver, du sel, et quelques armes. Et de là, on devait poursuivre quelques lieues vers le sud-ouest, histoire de voir si y’a rien de nouveau, de récupérable, bref. Elle passa à l’autre patte avant de reprendre, désespérant du nombre de saloperies incrustées sous le pied. Le truc c’est que des fangeux nous ont attaqués pendant qu’on faisait une pause près d’un ruisseau pour se restaurer en eau. La coutillerie a foutu le camp, et pas trace d’eux. Je serais bien directement allée à Lods, mais ils ont pris la mauvaise direction ces crétins… Et faut que je les retrouve vite, ils savent se battre, mais ça m’étonnerait qu’ils survivent plus d’une journée dans le marais. Sans compter les bannis.»

Elle se redressa, grattant le cure-pieds contre le bois d’une des parois de l’écurie. Elle était modérément inquiète. Sans faire une absolue confiance à ses hommes, elle savait en revanche que leur instinct de survie était suffisamment développé pour qu’ils ne fassent pas les idiots. Les techniques de survie c’était toute leur vie.

«Bref, du coup je me demandais si me donner un coup de main te dérangeait. Ca m’embête un peu d’avoir à te demander un truc aussi dangereux, mais seule, j’y arriverai pas, c’est certain. Et je connais personne d’autre de confiance dans le coin, donc... »

Elle écarta les bras en soupirant, signe d’impuissance. A vrai dire, ça la répugnait carrément d’entraîner sa soeur là dedans - bon, elle n’avait pas accepté encore, soit - mais elle n’avait pas trop le choix. Et elle savait que sa soeur était douée, ce qui la confortait un peu dans son idée. Elles ne seraient pas trop de deux pour couvrir la zone que Valériane avait définie comme étant la plus probable en terme de présence de ses hommes. Elle espérait juste qu’elles auraient fini avant le lendemain, sinon ça risquait d’être… compliqué. Et mouvementé.

«Puis, ça fait longtemps qu’on s’est pas fait une petite sortie, tu crois pas ?»

Valériane esquissa un demi-sourire enjoué - l’heure n’était pas trop à l’amusement pour la jeune femme - en référence aux nombreuses journées ou soirées qu’elles avaient passé loin de leur alcoolique de père ou crétin de mari pour Val, à tirer à l’arc ou s’entraîner aux diverses passes martiales que leur pauvre matériel leur permettait de pratiquer. Sauf que là, le danger était aussi cruel que réel.
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyLun 2 Mai 2016 - 14:46
En l’écoutant, j’avais pu m’empêcher de penser que ses miliciens étaient un peu des bras cassés. Entre affronter en groupe des fangeux ou se sauver, se disperser dans un environnement hostile où ça grouillait et pas seulement de créatures, il y avait une situation qui était clairement meilleure que l’autre.

Si j’avais voulu mauvaise langue, j’aurais pu dire qu’on pouvait leur demander de savoir tenir une épée, s’en servir et en plus avoir un esprit fonctionnel.

Le petit air dépité, impuissant de ma sœur, je le connaissais bien. Elle l’avait à chaque fois qu’elle venait me demander quelque chose qui lui plaisait pas. Vu sa légère propension à me couver, je me doutais bien qu’elle devait pas être très heureuse de l’idée de m’entraînée dans une randonnée au milieu des marais pour retrouver ses hommes.

Elle n'avait même pas besoin d’essayer de me convaincre, même son petit sourire me faisait plaisir, depuis longtemps et surtout depuis la milice, elle se faisait une carapace de rudesse.

J’avais peut-être changé aussi, mais si s’était le cas, j'le voyais pas, je m’en rendais pas compte…

« Si bien sûr ! »

Comment j’aurais pu refuser ? J’avais même aussi tiré une petite risette, étrangement, aller risquer ma peau avec elle, ça me faisait plaisir.
Tout était plus compliqué maintenant que quelques heures de marche nous séparaient. Pour moi, s’était un peu mon sacrifice pour essayer de rendre le monde pas vraiment plus sûr. Fin’ je savais pas trop comment ça se goupillait à Marbrume, j’y mettais presque plus les pieds, une fois de temps en temps pour aller voir mais, s’était tout. Mais, dans les marais, ça s'arrangeait pas vraiment, entre les fangeux les bannis on pouvait pas vraiment dire qu’en quelques mois ça s’était amélioré.

Caressant l’encolure de son cheval, la bête avait bien senti passer son trajet elle était bien couverte de boue et un brossage ne lui ferait pas de mal, mais il y avait plus urgent pour le moment.

« C’est pas des flèches tes gars en tout cas. »

Après, je ne disais pas vraiment, s’était sûrement pas évident pour tout le monde à gérer la milice, dehors tout ça, s’était pas forcément de s’en faire une idée très objective. Fin’ j’allais pas revenir sur ce qui selon moi aurait été une solution plus logique et moins dangereuse. Pis ça servait pas à grand-chose, on ne pourrait pas changer de passé, fallait composer avec. Au moins ça me permettrait de passer du temps avec Val’, une sorte de mal pour un bien.

« Il y avait beaucoup de fangeux ? »

Parce qu’il ne fallait quand même pas abuser. J’aurais tout fait pour Val’, tout, mais pas sans réfléchir un minimum, aller se jeter comme ça à la poursuite de ses bras cassé d’accord, s’était une chose, mais aller se faire, déchiqueter consciemment en était une autre.

« Laisse-moi prendre mes affaires, et on retournera là où tu les as perdus, avec un peu de chance ils auront laissé une piste bien évidente. Fin’ ça, c’est le plan si il y en avait qu’un, deux si on a beaucoup de chance … Sinon on pourrait essayer de voir sur une carte les points abrités où ils auraient pu aller et se croire en sécurité. Mais si ils ne connaissent pas les marécages et galèrent à s’orienter, ils se seront peut-être dispersé trop aléatoirement. »

S’était pas dit que les fangeux soient resté sur le lieu de l’attaque, ça me semblait même assez peu probable si ils avaient vu les pitances se faire la malle dans les marais, ils devaient avoir couru après. Vu comme s’était basiquement con ces bêtes. Encore heureux d’ailleurs, vu comme s’était fort et agile il aurait plus manqué que ça puisse se servir de sa tête autrement que pour mordre et manger. Mais savait-on jamais, qu’il y en ai un un-peu plus vicieux dans le tas et qu’il ait sagement attendu quelqu’un revienne.

J’attendais simplement sa réponse avant d’aller chercher arc, carquois, flèche et un sac avec de l’eau et de quoi tenir une journée. Je voulais pas vraiment m’encombrer, mais mieux valait être prudente. Puis j’allais retrouver Valériane à la porte, on n'avait pas tout notre temps, malheureusement.
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyJeu 5 Mai 2016 - 12:41

Je haussai les épaules à l’évocation du manque cruel d’intelligence des soldats de mon unité. Elle avait pas tort. A leur décharge, ils étaient tous volontaires, aucun d’entre eux n’avait été dans l’armée avant l’arrivée de la fange, et comme tout le monde, y compris moi, ils avaient été formés sur le tas, à la dure, avec les instructions de base pour survivre dans les marais et pas grand chose de plus si ce n’est un bouclier et une épée. C’était pas vraiment l’éducation martiale rêvée, mais elle nous avait à tous plus d’une fois sauvé la vie. Quelque part, j’pouvais comprendre.


«Non t’as raison, mais bon, ils sont sous ma responsabilité, et je vais me faire étriper si je rentre sans eux ou sans une preuve de leur mort... »

Elle parlait avec une certaine nonchalance d’une mort éventuelle, oui. Elle ne les aimait pas de toute façon. Plus ça allait, mieux le courant passait, mais s’ils crevaient alors qu’on faisait tout pour éviter ça, c’est qu’ils seraient de toute façon morts tôt ou tard dans les mêmes conditions. Et la coutilière avait autre chose à penser qu’à la survie de tous ceux qui croisaient son chemin. Celle de sa soeur et de son fils passaient en priorité.


J’essayai de me remémorer la débandade générale dans les marais. Il devait y avoir deux, trois fangeux maximum lors de l’attaque. Malheureusement, ces sales bêtes en attirent toujours d’autres, donc j’imaginais facilement qu’ils pouvaient être bien plus que prévu. Si on pouvait éviter la confrontation…

Je caressai distraitement l’encolure de ma monture. Valait mieux qu’elle reste là. Etrangement, retrouvé trois cadavres, voire même trois cadavres relevés, ça ne m’échauffait pas plus que ça, alors que perdre mon cheval m’inquiétait. Il était brave, et avait été ma seule compagnie dans le périple qui m’avait conduite ici. Je lui flattai doucement le chanfrein avant de me retourner vers ma petite soeur, l’indécision dans le regard.

«Ils étaient deux, sûrement trois à la base, mais tu les connais, si d’autres ont senti la présence des autres, ils vont se ramener aussi. Va falloir la jouer fine. Si jamais les autres se sont faits avoir, on décarre rapide et on rentre. Je compte pas les abandonner mais j’suis pas une héroïne.»

Et je ne compte pas impliquer ma soeur dans une bataille perdue d’avance, me dis-je intérieurement. J’avais bien sûr, un maigre espoir de les retrouver, mais un peu de lucidité ne faisait pas de mal : les chances étaient infimes.


Valériane attendit que sa soeur récupère ses affaires, et en profita pour faire son inventaire. Une gourde à moitié pleine, une demi douzaine de lanières de viande séchée, un carquois à moitié plein aussi. Son épée et son bouclier étaient pour leur part intact. La traversée du marais avait légèrement endommagé son uniforme et quelques unes de ses protections, mais elles suffiraient largement pour l’aventure macabre qui les attendaient. Il lui restait également un petit pot en corne rempli d’un onguent pâteux, destiné à coller aux plaies. Fait d’herbes médicinales et d’alcool, il nettoyait les plaies en provoquant de douloureuses brûlures, mais était efficace. Il sentait assez mauvais, mais entre la survie et le confort olfactif, Valériane avait rapidement fait son choix.

A la porte de la forteresse, elle sortit une carte abîmée mais lisible, marquée par des caractères dont le sens lui échappait, illettrée qu’elle était, mais dont elle avait mémorisé tout les signes.

«Là, c’est Lods, notre destination. Mais on a été dévié sacrément avant, au croisement qui mène à Ars-en-Ré, ici. Ils ont continué un moment, et soit ils sont remontés vers Sarrant ou Montpazier, soit ils ont continué tout droit comme des débiles, et on a plus qu’à faire une battue dans le marais.»


Maintenant que j’expliquais la teneur de notre “mission”, je me rendais compte qu’on se lançait dans un jeu sacrément dangereux. La zone à couvrir était immense si on ne trouvait pas de piste, et on avait toutes les chances d’y rester aussi. Je soupirais légèrement, pointant trois points précis sur la carte.


«Là, là et là. Trois postes avancés de la milice, barricadés, vides, mais prêts à servir dans ce genre de situation. Ils sont assez proches de l’endroit où on a été séparés, alors avec un peu de chances ils s’en seront souvenus. Le mieux ça reste encore de voir là où je les ai perdus pour suivre leur piste, qu’est-ce que t’en dis ?»


J’étais fatiguée. Mes paupières étaient assez lourdes, je crevais de froid, et les griffures que j’avais récoltées sur les épineux divers du marais piquaient désagréablement. Et pourtant, j’étais déjà prête à repartir. Dire qu’il n’y a même pas un an, le simple fait de m’aventurer dans les marais en expédition m’aurait fait peur… J’avais du mal à me reconnaître.
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptySam 7 Mai 2016 - 18:42
Sa carte faisait grise mine, mais au moins on arrivait à se repérer plus ou moins. Nous on était entre Menerbes et Ars-en-Re, on allait sûrement devoir piétiner un moment avant de réussir à en trouver au moins un. Ils semblaient pas avoir fait semblant de dévier en tout cas, mais s’était pas vraiment le moment pour ce genre de réflexion, vu la tête que tirait Val, elle devait pas vraiment rêver d’un sarcasme douteux. Si on avait pu, le lui aurait proposé de se poser quelques heures, le temps de se débarbouiller, de dormir un peu, mais malheureusement s’était impossible du moins, pas si on voulait avoir une chance de les retrouver en un seul morceau.

« Sarrant et Monpazier sont à mon avis les points de chute les plus évidents. Les avant-postes sont bien, mais il faudrait qu’ils s’en soient souvenus, s’qu’est pas dit. Alors que les villages suffit qu’ils soient tombés sur un chemin un peu praticable pour s’orienter vers là-bas. »

Tout dépendait de pas mal de chose, en particulier du faire que son épique soit constituée ou non de nouveau qui n’avaient que peu arpentée les marécages, dans ce cas, je doutais assez sérieusement du fait qu’il se souvienne de bâtisse abandonnée qui semblaient pas se trouver sur les chemins principaux.

« Fin’ bon, je pense quand même qu’on ferait mieux d’essayer de les pister. Ça veut ptètre dire augmenter nos chances de rencontrer des mordeur, mais aussi augmenter nos chances de les retrouver avant qu’il se fasse déchiqueter. »

En même temps, je doutais qu’on puisse avoir l’un sans l’autre en même temps. Après tout on se lançait à la suite des miliciens qui s’étaient dispersés après une attaque de fangeux, donc les mordeurs, si on n’en croisait aucun cela tiendrait assez probablement du miracle.

« On y va ? Je te suis… »

Pas que j’étais super pressée de partir, mais si on voulait espérer en retrouver quelques-uns vivant il fallait mieux se bouger assez vite. Chaque moment qu’ils passaient seul à patauger dans la boue, à l’enfoncer dans la tourbe et à fuir état un instant de plus où ils jouaient avec la mort.

« Ça se passe comment en ce moment dans la ville ? »


Dans le genre sujet bateau, j’avais tapé fort, bravo à moi. Enfin, ça n’en restait pas moins que sa réponse m’intéressait. Marbrume s’était la dernière grande ville connue, même la dernière ville tout court, donc si ça se cassait la gueule s’était bien le savoir. Sans compter que ça lui demandait à elle comment ça se passait de son côté. Ça me manquait un peu sa présence au quotidien parfois.

« J’t’ais dis que j’avais un binôme de chasse ? Ça fait pas depuis très longtemps. Fin’ j’sors pas qu’avec lui, mais c’est souvent lui qui … m’accompagne. »

J’avais cherché le mot plus flatteur que je pouvais trouver, finalement, j’en avais sortir un plutôt neutre, même si ça restait toujours mieux que mon idée de base, dire qu’il me retardait, s’tait pas forcément faux, mais s’était pas super positif. Déjà que, de base, j’étais pas certaine que ce soit une idée particulièrement brillante de parler d’un homme que je côtoyais très souvent avec ma grande sœur protectrice, mais, s’était histoire de lui donner des nouvelle, peut-être de la rassurer un peu, j’avais quelqu’un sur qui compter quand j’étais hors des murs de la forteresse. S’était surtout que je ne voulais pas aborder des sujets plus bizarres ou plus graves.

D’ailleurs, je me permettais de l’ouvrir parce qu’on était encore sur la route, le chemin principal, que les fangeux, les fangeux, on avait de plus grandes chances de les voir arrivées, plutôt que de les prendre sur le coin de la tête, comme ça, sans prévenir.
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyLun 9 Mai 2016 - 17:06
Valériane jaugea de l’oeil la distance qui les séparait des deux villages en question. Quelques bonnes heures de marche, nettement plus si elles faisaient de mauvaises rencontres. Les fangeux étaient évidemment la plus grande menace, mais ils n’étaient pas les seuls à peupler les marécages, et parmi eux se trouvaient des types qui n’avaient absolument plus rien à perdre. La milicienne espérait que la malchance avec laquelle elle semblait être née avait pris fin, sinon elles allaient passer un sacré séjour.

«Ma foi, on va aller là où c’est parti en vrille, et on avisera sur place. Ils avaient des chevaux donc la piste sera assez facile à suivre.»

Tout du moins, je l’espérais. Les Fangeux étaient réputés pour ne jamais toucher aux animaux, sauf quand il y avait des dégâts collatéraux. Donc il y avait toutes les chances pour que les canassons aient été séparés de leurs cavaliers. Sur la route, j’essayais de faire le point sur la situation en ville, comme la question d’Ila m’y avait poussé. C’était un beau merdier. En tout cas depuis le Labret, beaucoup de choses avaient changé, surtout pour l’extérieure. On avait perdu presque deux cents hommes, et la majorité étaient des brigades externes. Moi-même j’avais eu un sacré bol.

«Tu sais, y’a pas longtemps, y’a eu l’opération Labret, t’as du en entendre parler, la châtelaine de Traquemont et quelques autres nobles menaient les hommes et les colons jusqu’au plateau.»


Rien que d’y repenser, j’en avais de sacrés frissons. Au début ç’avait été facile, trop pour être vrai. Les attaques étaient isolées au début, on s’en était plutôt bien sortis. ‘Fin… J’servais surtout de vigie. Embaum était un enfoiré de la pire espèce, j’étais en décalé du convoi, à une centaine de pas du peloton principal, et je devais donner l’alerte en cas d’attaque. Comme ça, au mieux, si je réagissais pas à temps, je me ferais égorger. Et le salopard y comptait bien.


«Bref, pendant un bon moment on s’en est bien sortis, mais une armée nous est tombée dessus. J’dis une armée, mais il étaient quoi, cent, alors qu’on était deux mille cinq cents. Mais franchement, cent fangeux… J’veux plus jamais voir un truc pareil.»

Je continuai mon récit, n’épargnant finalement que peu de détails. En un autre temps, je l’aurais peut-être fait. Mais elle n’était plus la petite fille que je tentais de protéger de toutes les menaces, qu’elles soit physiques ou verbales. La violence, le sang, la mort… Elle connaissait tout ça, je pouvais en mettre ma main à couper.

Pendant ce temps, ou j’alternais le récit de la colonisation avec celui de l’infâme bataille qui nous amputa de la moitié de notre effectif - j’avoue avoir particulièrement insisté sur la mort d’Embaum, c’était le seul bon souvenir de ce jour là - j’observais la piste de terre battue que nous suivions, rendue légèrement humide durant la matinée par l’environnement marécageux. Nos bottes poissaient légèrement. Je ne pus m’empêcher de lever un sourcil en entendant Ila évoquer un partenaire de chasse. Je la savais pas totalement asociale, mais je connaissais aussi sa propension à faire péter une durite aux gens, et je plaignais d’avance le pauvre type qui s’était entiché d’elle.


Je répondis à cet aveu sur un ton laconique, presque sarcastique, un sourire en coin étirant mes lèvres :


«Ca me rassure un peu que tu sortes pas seule mais… Essaie de pas trop le rendre dingue. Et j’espère qu’il est pas trop con,
ajoutai-je d’un ton un peu plus bourru. Je me méfiais par nature et par expérience de tout ce qui se rapprochait de la gente masculine. Si j’avais eu l’occasion de voir le bougre, j’aurais peut-être hésité avant de le qualifier vraiment de “masculin”.»

Les deux soeurs arrivèrent, au bout de quelques longues minutes, à l’endroit où la fuite avait commencé. Sur le sol encore meuble, l’on voyait distinctement trois paires de sabot fuyant au travers des fourrés, ayant laissé de profondes marques dans la terre. Ce ne fut d’ailleurs pas la seule surprise, car à peine arrivées, un des chevaux en sortit, hennissant doucement à l’adresse de Valériane qu’il semblait avoir reconnu. La milicienne ne perdit pas de temps et alla nouer la bride autour d’un arbre aux branches basses.

«Ravie de constater que nos bêtes sont plus futées que nos hommes...»


Elle lâcha un profond soupir, et une fois assurée que les liens du bestiau ne céderaient pas sur une traction de ce dernier, elle sortit son arc et y encocha une flèche, histoire d’être prête à tirer.

«Bon. C’est là qu’on va commencer à s’amuser. »

Elles étaient à proximité de Piana, qui se situait actuellement dans leur dos, à quelques lieues de là. Une longue marche en direction du nord-ouest les attendait donc. De mémoire, Valériane savait que deux des trois avant postes miliciens dont elle avait parlé tantôt se situaient sur leur route, et espérait fermement ne pas devoir poursuivre jusqu’à Sarrant pour retrouver une trace concrète de leur présence. Fort heureusement, les traces de cavalcade commençaient au bord de la route, et s’enfonçaient encore profondément dans les marais. Le seul détail qui pouvait les rebuter, c’était l’heure. Le soleil avait franchi le zénith voilà une heure, et vu la marche qui les attendait, elles ne sortiraient pas des marais avant la tombée du jour.

«Couvre bien mes arrières soeurette, pas envie de me faire boulotter les fesses pendant que je cherche ces crétins...»
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyVen 13 Mai 2016 - 14:52
Ben sûr que j’en avais entendu parler, personne avait pu manquer l’opération Labret au fort, après tout s’était notre Châtelaine. Ça en menait pas large pendant que s’était en cour. Et si Madame de Traquemont avait était dévorée par un mordeur enragé, qu’est ce qui se serait advenu de sa petite communauté, de nous ? Est-ce ce que le fragile équilibre qui semblait maintenir en vie et en relative sécurité tout le monde aurait pu subsister sans sa figure forte et déterminée ?

J’étais pas vraiment devin, je pouvais pas deviner, mais à mon avis, ça aurait trop foutu la merde et tout serait parti en cacahuète avant la fin de l’année. On serait tous mort, ou retournée à Marbrume en se disant que ça avait été une bonne idée, un joli rêve, mais que s’était bien dommage que ça ait foiré.

Val’ ne se laissait aucune censure dans son récit et elle avait raison. L’horreur qu’elle décrivait ne me touchait plus autant que cela aurait pu quelques moins plus tôt. J’avais vu, affronté, fuit, surtout fuit, l’horreur des attaques de fangeux, je comprenais, je voyais. Du coup, je l’avais écouté avec attention, éprouvant surtout un profond sentiment de soulagement. Ça aurait pu plus mal se passer, ou même si ça s’était mieux déroulé, ma sœur aurait pu y laisser sa vie. Elle avait de la chance, plus que bien d’autres.
Bien entendu, j’en avais déjà eu des échos, les hommes du fort qui avait participé à l’expédition avaient parlé, s’était venté même pour certains. Pourtant les mots sortant de la bouche de Valériane semblait avoir plus de poids, plus véridique. Les autres ils pouvaient fabuler, gonfler les chiffres, leur fait pour se faire mousser, briller, elle, je savais qu’elle ne me disait que la vérité.

J’y croyais pas, cette tête qu’elle tirait en parlant de Clotaire. Après je voulais bien avouer que j’étais pas un cadeau. Les tartes que j’avais méritées parce que j’avais dit un mot de travers ou que j’avais fait une connerie j’les comptais plus. Mais là ! Là, j’y étais pour rien ! D’ailleurs, ma tête devait bien traduire l’indignation, superficielle que j’éprouvais.

« Mais c’est lui me rend dingue ! A m’regarder avec ses yeux de merlan pas frais quand j’lui dis qu’il fait n’imp’ … et un peu tout l’temps en fait … même quand j’lui dis qu’il a fait un truc bien il m’regarde bizarrement. »

Il était peut-être un peu bête parfois, sinon, je voyais pas trop pourquoi il me regardait comme ça, ou alors je voulais pas le savoir et s’était aussi bien comme ça. Clotaire s’était seulement mon partenaire de chasse, la personne qui devait diminuer mes chances de mourir connement hors de murs. S’était pas faut, après qu’il me dérangeait pas, que je l’aimais plutôt bien, mais ça s’arrêtait là.

Il n’avait pas fallu tant de temps de cela pour atteindre le lieu de la débandade. S’était plus vraiment le moment de papoter, d’ailleurs, j’avais pris mon arc en main, une flèche encochée, on savait jamais. Un fangeux s’était rapide, trop rapide alors autant gagner quelques précieux instants si une de ces bêtes montrait sa sale tête.

Je gardais un œil sur Val’ sur les environs, mais j’essayais aussi de jeter un œil au sol pour comprendre les pistes. Mais à part un bordel sans nom, une première observation ne permettait de voir grand-chose. Il y avait de bruissement, les bruits de la nature, pour l’instant rien d’inquiétant même si à tous moment ça pouvait basculer.

J’avais entrepris de quadriller la zone pour trouver une piste.
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyDim 29 Mai 2016 - 13:03
Je m’étonnai, avec un certain dépit, de la profusion d’indices qu’avaient laissé les hommes sous mon commandement quant à leur direction. Les fangeux n’avaient que faire des pistes, ils se guidaient uniquement grâce à leurs sens. Mais il n’y avait pas qu’eux dans les marais, et c’était une véritable route royale qu’ils avaient déployée, sur les premières centaines de pas. Si des bannis décidaient que les convois n’étaient plus satisfaisants et que suivre des miliciens pour leur prendre armes, armures, et vies, c’était une meilleure idée, je ne donnais pas cher de leur peau.

Quant au partenaire d’Ilhanne… Soit ce type était un fragile de la pire espèce, ce que je n’espérais pas pour la sécurité de ma soeur, soit il avait clairement le béguin pour elle. Ou quelque chose du genre. Y penser me fit lever les yeux au ciel, un rictus d’ironie passant rapidement sur mes lèvres. Après tout, quelle que soit l’époque, il fallait bien en passer par là. J’aurai bien l’occasion, plus tard, de le jauger. A ma façon.


«Ilha. Par là. Ils ont du se blesser, ou un de leur chevaux. Y’a du sang sur les branches. Et pas de fangeux.»

Valériane essayait de discerner le nombre de traces parmi la bourbe et les feuillages, et force était d’avouer que ce n’était pas évident. Ils étaient descendus de leurs chevaux, et avaient poursuivi à pieds - faute de choix, galoper ici était impossible - mais il y avait un souci. Ca c’était sûr.

Elle avança encore sur quelques dizaines de pas, s’assurant de garder sa soeur dans son champ de vision, épée au clair et bouclier solidement maintenu à son bras. Les traces de ses hommes étaient bien présentes; un bout de cape par ici, une maille perdue, accrochée à un épineux particulièrement tenace. Les traces sanguines, elles aussi, se poursuivaient. Toujours du côté gauche de la piste.

«Je crois qu’on est en terre bannie, petite soeur.»

Je fronçai les sourcils en prononçant, tout bas, ces mots. J’espérais me tromper. Mais malheureusement, la piste était trop évidente, et trop ancienne. Si les hommes avaient contribué à l’élargir un petit peu, les arbres étaient marqués, et je crois même avoir aperçu, à une dizaine de pas de mois, dans un buisson, un collet vide. Les gens de Traquemont n’en posaient pas aussi loin, ou alors ils étaient de formidables crétins. Et Yseult de Traquemont, la seule fois où je la vis, m’avait donné matière à penser le contraire. Et surtout, je préférais éviter d’imaginer ma soeur évoluant au milieu d’un océan de stupidité. Déjà que je n’étais pas tranquille…

Mon hypothèse se confirma rapidement. Je suivais des marques de sabot, un peu plus faciles à repérer au milieu des branchages, brindilles et tâches de vase et de mousse, quand j’entendis des massifs frémir. Par deux fois. J’alertai Ilha du regard, lui intimant de se cacher immédiatement. Je fis d’ailleurs de même. Nous étions déjà repérées, mais si on pouvait éviter de représenter des cibles faciles, c’était mieux. J’essayai, maintenant que j’étais sûre de leur présence, d’estimer leur nombre. En comptant celui qui m’avait alertée, j’en sentais au moins trois autres. Nous étions cernées. S’il s’était agi de fangeux, nous serions déjà mortes toutes les deux.

D’un signe de main, j’indiquai quatre à Ilha, ainsi que leur direction supposée. Je ne pouvais sortir mon arc, alors, si elle pouvait en débusquer un et réussir à lui envoyer un trait bien placé, cela amoindrirait l’écart, déjà.


La traque commençait tout juste, et pourtant, elles étaient déjà dans la galère. La présence de bannis ici ne présageait d’ailleurs rien de bon, ni pour elles, ni pour les hommes de Valériane. Ils étaient peut-être quatre, mais s’ils étaient plus et que ses hommes les avaient croisé, ils n’étaient probablement plus là pour en parler.
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptySam 4 Juin 2016 - 16:51
Une piste avait pas été bien compliquée à trouver. Dans la fuite, on faisait ce qu’on pouvait, mais quand même. Si les fangeux n’avaient rien à batte des traces de pas, des traces de sang et des petits effets qu’on pouvait bien laisser tomber, ce n’était pas le cas de tous les occupant du marécage. Ils n’étaient peut-être pas si redoutables que les mordeurs, mais n’en restaient pas moins dangereux, très dangereux.

Le sang, je l’avais vite regardé, vite vu vers où se dirigeait la piste, Val’ savait traquer, surtout des indices si évidents que cela. Du coup j’en profitais pour regarder partout, à la recherche de danger, jouer la carte de la sécurité.

J’avisais une forme familière dans un petit tas de branche décharnée ressemblant à un buisson. Un collet ? On était trop loin de Traquemont pour que ce soit l’un de nous que l’ayons posé, ou alors celui qui avait fait ça était un peu bas de plafond. J’ay croyais peu, comme partout il y en avait des pas futés, des têtes de pioche qui refusaient complètement qu’on leur explique, mais pas à ce point. Val’ confirma les craintes qui étaient en train de germer dans mon esprit. Les groupes de bannis, ça allait, ça venait et il était dur de savoir exactement où il se trouvaient aimant particulièrement migrer pour la plupart. Visiblement, une meute avait décidé de rôder dans le secteur.

Il manquait plus qu’eux. Ceux qui survivaient ici étaient les plus hargneux, les plus forts, les plus malins, si ils nous tombaient dessus, on allait sûrement le sentir passer.

Des feuilles frémirent une fois, peut-être le vent, deux fois, sûrement pas le vent. Ils étaient là et ils nous avaient repérés. Le temps de trouver une cachette assez proche et pratique, ma sœur avait fait un premier repérage, visiblement, ils étaient quatre. S’était bien notre veine.
Avec son épée et son bouclier en main, elle ne pouvait pas agir, du moins pas de son couvert. Le buisson bruissa à nouveau, il y en avait un là, s’était sûre. Le tout était de le distinguer assez pour tirer au bon endroit, ne pas gâcher de flèches. La corde grinça légèrement, pas assez pour que le bruit soit entendu par quelqu’un d’autre que moi.

Allant tiré, il fallait bien le dire, pas très précisément sur un type cacher par des branches, un autre eut la mauvaise idée de bouger, se mettant bien plus à découvert. Il devait vouloir essayer de contourner pour prendre Valérianne é revers ayant vaguement repéré sa position. La flèche partie pour aller se fiche dans sa gorge et il s’était effondré dans un râle de noyé. Je n’avais même pas attendu que le corps de l’autre soit à terre pour encocher à nouveau, prenant à peine le temps de virer pour tirer dans le buisson qui avait bougé juste avant, celui qui aurait reçu une flèche si son abruti de compagnon n'avait pas décidé qu’il était plus furtif que les autres.

J’espérais avoir touché, au moins un membre.

Au même moment, quelque chose jaillit d’un autre fourré.
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyMar 7 Juin 2016 - 18:57
Putain de merde. Partir à la recherche d’une triade d’abrutis n’était pas suffisant, il fallait maintenant se coltiner des bannis. Et pas des amicaux. A leur place je l’aurais sûrement pas été non plus, mais ils tombaient sacrément mal, et surtout, sacrément tôt.

J’admirai cependant le trait d’Ila, qui vint en faucher un tout net, lui perçant la gorge comme une aiguille le cuir. C’était déjà ça de pris. Mais pas le temps de s’épancher en compliments ou de noter la précision - relative tout de même - du trait. Nos vies à toutes les deux étaient en danger. La mienne j’avais l’habitude, mais ne vivant pas à Traquemont avec Ilhanne, j’avais beaucoup plus de mal à encaisser le fait que sa vie soit menacée aussi. Chose assez paradoxale étant donné que c’est son aide que j’étais venue réclamer, en sachant très bien les dangers qui rôdaient dans les marais.


Tout comme sa soeur, Valériane sentit venir quelqu’un, qui jaillit soudainement d’un fourré, se précipitant sur elle armé d’une hache au tranchant visiblement taillé dans de la pierre. Il y avait sur son visage un mélange saisissant de rage et de terreur. Et la milicienne comprit immédiatement pourquoi; c’était un adolescent. Quatorze, peut-être quinze ans, mais guère plus.

Et elle ne pouvait se résoudre à tuer un gamin. Banni ou non.

Elle se rabattit derrière son bouclier quand il lui bondit dessus, sentant distinctement le choc de la pierre contre le bois, et répondit d’une brusque poussée vers l’avant visant à le déséquilibrer. Le stratagème fonctionna, et le gamin se retrouva le cul par terre, surpris. Une bonne partie de sa rage semblait l’avoir quitté, remplacée à présent par une peur intense. Il était armé d’une hache artisanale qui devait peiner à couper une bûche morte, et elle avait un large bouclier, et une épée parfaitement affûtée. Néanmoins, il était hors de question pour elle de le tuer. Si les bannis étaient tombés sur ses hommes et leur avait fait quelque chose, elle voulait le savoir. De même s’ils les avaient vus. Ils avaient peut-être pensé que s’attaquer à deux femmes était une chose facile pour eux (et elles n’étaient toujours pas sorties d’affaire, il restait deux bannis dont elles ne savaient rien), mais avaient sûrement eu un peu plus de scrupules à s’attaquer à trois miliciens armés. C’est sur cette supposition que Valériane sécha d’un coup sec le jeune banni d’un coup de tranche de bouclier sur le crâne.

Elle retourna aussitôt auprès de sa soeur, qu’elle couvrait bouclier levé. Deux étaient toujours devant eux, et elle ne savait pas du tout ce qu’ils valaient. Ni s’ils étaient armés, bref. Et la mort de l’un des leurs et la neutralisation d’un autre semblait leur avoir fait redoubler de prudence.

Elle allait donner des instructions à sa soeur lorsqu’elle entendit un fort sifflement provenant de quelque part devant elles, à une dizaine, peut-être une vingtaine de mètres. Un éclaireur qui appelait du renfort. Ils n’étaient pas que quatre. C’était l’avant-garde.

«Ilhanne, on est mal là.»

Et c’était peu de le dire. Elle comptait battre en retraite, malheureusement pour les deux soeurs, des bruits de pas résonnèrent à la fois devant et derrière elle, coupant toute retraite possible. Elles étaient faites comme des rats. Les deux bannis présents sortirent finalement des fourrés, un sourire triomphal sur le visage. L’un d’eux avait un empennage de flèche enfoncé dans l’épaule. Bien joué Ilhanne, se dit Valériane. Quant à l’autre, il n’avait rien d’un gamin. Il devait approcher des deux mètres, vêtu de peaux des divers animaux que l’on pouvait trouver dans les marais, et ne prenant même pas la peine de cacher la marque des bannis au creux de son bras, qu’il semblait même arborer avec une certaine fierté.

Derrière elle, trois autres bannis sortirent de l’ombre, armé d’outils rudimentaires, mais amplement suffisants pour mutiler des êtres humains mortellement.

«...Baisse ton arc, murmura Valériane.»
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyMer 8 Juin 2016 - 0:06
Ce qui était sorti des fourrés était un jeune, même pas encore adulte, sans être encore un enfant. Il avait fini le cul par terre, terrifié, jute poussé par un coup de bouclier. Val’ l’avais simplement assommé. Un p’ti comme ça, ça méritait pas avoir essayé de survivre en s’associant à des gros poissons dans cet océan bouseux de crasse et de créatures hostiles.

Comment à cet âge on pouvait en arriver à traîner dans les marais ? Du coup, ça revenait à se demander ce qu’il avait bien pu faire pour se faire bannir, si s’était bien ce qui lui était arrivé. Crever la dalle dans la ville était mieux de risquer le rachitique repas d’un fangeux, fin' il me semblait.

Sous couvert du bouclier de ma sœur, après avoir rééquilibré les forces, finalement ça s’annonçait pas si mal. Peut-être même trop bien au goût du destin puis-ce qu’il sifflement perça le silence. Hé merde, s’était une bande organisée.

En effet, on était mal très mal. Même pas la possibilité de battre en retraite, ils nous encerclaient, montrant avec une certaine habilité que ce que je pensais des bannis était plutôt vrai, seuil les plus futés restaient. S’était pas non plus la manœuvre du siècle, mais contre deux femmes perdus en plein marais, s’était salement bien vu.

J’avais baissé mon arc, regardant les cinq types qui nous avaient eus. Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre de toute façon ? Tout acte impulsif allait être sévèrement réprimé et je tenais pas réellement à en faire l’expérience dans les prochains instants. Je m’étais quand même accordé une risette en con discrète, mais satisfaite en voyant le projectif ficher dans l’épaule d’un mec. Dommage, à une demi-coudée près…

Le molosse me dévisagea d’un air trop satisfait pour me plaire. Je savais pas ce qu’il avait en tête et je voulais pas le découvrir.

« Toi je t’ai d’jà vu, l’roux dans la boue du marais, ça s’repère bien. T’es une connasse d’Traquemont, ‘ fort d’fous. Ils nous chassent not’ gibier, j’aime pas ça. »


A bah on commençait directement avec les politesses. Il perdait pas de temps, s’était bien. Clair concis, dure de pas comprendre pourquoi ma tête semblait l’intéresser. Je m’étais retenue, j’avais essayé vraiment, pensant à Valériane. Si je l’ouvrais, si je répondais à la montagne de muscles ça allait jamais passer, son sourire s’accentuerait sûrement pour un plus carnassier et j’allais prendre.
Mais j’avais craqué.

« Parce qu’y a écrit ton nom d’su ptète ? Non. Alors c’est à celui qui s’sort plus les doigts du cul. »


Je l'avais regretté à peine l'avoir proncée celle-là, même si Je m’étais retenu de l’insulter, bel effort, mais visiblement pas suffisant au vu du revers que j’avais pris. Putain, quand il frappait, il faisait pas semblant. Je l’avais senti passer, tellement senti passé que je m’étais ramassé dans la vase. Il fallait que je travaille encore un peu la stabilité, du moins si on revenait en un seul morceau de cette charmante escapade entre frangines.

« J’vais t’apprendre à l’ouvrir d’vant plus fort qu’toi. »

Le programme des réjouissances était annoncé, ça allait pouvoir commencer. J’lui souhaitais bonne chance, j’avais la tête dure, même si en vrai, j’étais pas loin de bonne vieille panique. Pourtant, avant que personne ai eu le temps de bouger, quand j’venais juste de me remettre sur mes pieds, une silhouette voutée à l’allure tendue émergea des fourrés. Le mordeur avait sûrement dû être attiré par l’odeur du sang de celui qui s’était noyé dans son propre fluide à cause de ma flèche.

Alors qu’il fondait toutes griffes dehors, la gueule grande ouverte sur la première chose à sa portée, j’avais pu voir que ce qui le couvrait était aux couleurs ducales.
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyJeu 16 Juin 2016 - 22:45
Récapitulatif d’une situation désastreuse.

Tout d’abord, s’être faites avoir par des bannis, en pensant qu’ils étaient peu nombreux, pour finalement tomber sur une véritable horde (en soi, dans les marais, cinq ça frôlait l’armée organisée).

Suite à ça, se retrouver face à un fangeux.

Si les deux jeunes femmes se doutaient bien que la situation n’était pas tout à fait à leur avantage, que dire maintenant qu’en plus d’un groupe de bannis particulièrement énervés, se pointait un dévoreur d’hommes au moins aussi en colère, si ce n’était plus, probablement affamé et assoiffé de chair bien fraîche et vivante ?

Et encore, ça n’était pas le pire. Depuis le Labret, Valériane avait vraiment pris conscience de l’horreur que représentaient les Fangeux. En règle générale, quand vous faites partie d’une unité de la milice extérieure, même si l’on vous envoie explorer le marais à la recherche d’habitations, de denrées, voire même de terres exploitables, tous savent qu’il faut impérativement éviter toute confrontation directe. Premièrement car les capitaines n’ont pas les moyens de déployer une armée de deux cents personnes pour une simple mission d’exploration. Ce serait du gâchis de ressources, et ces dernières manquent cruellement à la cité franche. Ensuite, parce qu’il est de notoriété publique, même si un grand nombre, trop peu habitués à l’extérieur, sous estiment grandement ces bestioles, que les fangeux sont horriblement dangereux. Malgré cela le métier veut qu’au bout d’un moment, quand cela fait presque un an que vous êtes dans la milice, vous rencontriez un fangeux. Dans la majorité des cas, les subterfuges les plus tordus sont de mise, et surtout, les armes à projectiles. Quand vous êtes une demi douzaine à canarder votre cible, aussi rapide soit-elle, il y a toutes les chances qu’elle finisse par prendre un trait ou deux dans la figure. Le reste est essentiellement affaire de chance. Au corps à corps, c’est la défaite qui vous attend, si vous êtes seul.

Pendant l’opération de conquête, bien renommée jusqu’intra muros, ils étaient cent. Et là, tous les arcs du monde, toutes les arbalètes n’auraient pas suffi à les faire s’effondrer ou à les ralentir. Les avez-vous déjà vu bondir à plusieurs mètres de haut, sur presque vingt mètres de distance, galvanisés par la rage, pour atterrir en plein dans la mêlée et laisser libre cours à leur violence ? Valériane l’a vu, elle. Elle en fait encore des cauchemars. Si bien qu’uen seule de ces créatures provoque toujours en elle un profond dégoût mêlé d’une terreur indicible, viscérale qu’elle ne peut encore réprimer.

Je vis notre fin dès qu’elle émergea des fourrés. Même si nous nous liguions, avec ces rebuts, contre cette infâmie, nos chances de survie étaient infimes. Quand ces yeux vides, morts, se posent sur vous, qu’elle avance lentement, calculant son prochain mouvement, dont vous n’aurez même pas le temps de voir l’exécution, vous sentez déjà la mort s’emparer de votre esprit. C’est une sensation infecte. Votre tête refroidit, vos extrémités commencent à vous faire ressentir de désagréables picotements, comme pour vous presser à la fuite. Sauf que vous êtes incapables de bouger. Ces deux puits de non-vie vous hypnotisent, comme s’ils pouvaient vous suivre où que vous alliez. Comme s’ils devinaient vos pensées.

Incapable de retenir mes geste, je reculai d’un pas, d’un deuxième. J’attrapai comme je pus l’épaule d’Ilhanne, encore au sol, et mis toutes mes forces pour la tirer en arrière. A ce moment, bien que j’éprouvais grand respect pour la vie en général, je me dis une chose : ces bannis seraient notre porte de sortie. Le temps que le revenant en vienne à bout, qu’il se repaisse de leurs dépouilles, nous aurions le temps de nous éloigner. Je n’avais qu’un seul espoir : qu’ils ne se relèvent pas tous pour se lancer à notre poursuite. Je ne voulais plus voir aucun de ces monstres. C’était impossible, je le savais bien. Mais si l’on ne s’accroche pas à des espoirs fous et stupides, alors nous perdons la raison, comme j’étais sur le point de le faire à cet instant. La vie de ma soeur en danger, voilà un fait qui au moins, me permettait de garder les pieds sur terre.


«Vite, cours. Vers le nord, aussi vite que tu peux. Je couvre tes arrières. MAINTENANT !»

Alors que Valériane se retournait, pour prendre, en compagnie de sa soeur, une fuite désespérée, elle entendit distinctement derrière elle les hoquets de stupeur et d’effroi sortis des gorges des bannis. Gorges qui allaient probablement finir en purée sanguinolente.

Alors elle courut, aussi vite que ses jambes le lui permettaient, ignorant un maximum les obstacles épineux, ronciers, qui barraient leur chemin. Quand un des bannis se retrouvait sur son chemin, elle tailladait sans logique devant elle du tranchant de son épée. Elle surveillait le dos de sa soeur, adressant aux Trois toutes les prières qui traversaient son esprit pour que le fangeux ne les poursuive pas, et qu’elles n’en croisent pas d’autres sur leur chemin.

Elle coururent longtemps. Ou peut-être pas. La notion du temps, Valériane ne l’avait plus. Elle ne s’arrêta que bien plus tard, voilà au moins une chose qui était certaine. Elle avait encore le corps secoué de violents frissons, tant à cause de l’effort fourni pour courir dans les broussailles et la vase qu’à cause de la peur, encore tout à fait vivace. Elle se rendait bien compte que sa réaction était peut-être démesurée. Mais elle se souvenait encore très, très bien de ce qui s’était passé avant le plateau. Quelque part, elle avait honte de se sentir ainsi. Tellement honte qu’elle espérait que ceux qui sous-estimaient la fange, se targuant d’être de fameux chasseurs de revenants, qui allaient au devant des sombres voûtes marécageuses du Morguestanc sans peur, eux tous, se fassent sortir les boyaux, qu’ils comprennent.

«Il-...Ilhanne. Tu vas bien ? Rien de cassé ?»
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyJeu 23 Juin 2016 - 22:50
La bête était apparue, tout avait basculé, comme à chaque fois. S’état lui ou nous, s’était les bannis ou nous. Valériane avait agi le premier, elle semblait savoir quoi faire d’instinct, comme si s’était le plus profond de son être qui réagissait pour fuir, pour nous assurer une chance de survie.

Je m’étais pas fait prier pour courir, évitant ce qui se mettant en travers du chemin, bannis, ronce, épineux, arbre mort. J’entendais le chaos que semait le mordeur, mais surtout, toujours, les pas de ma sœur sur mes talons. Tant que je les percevais quelque chose en moi était rassuré, dès qu’ils s’arrêtaient juste un instant pour frapper, pour esquiver, pour quoi que ce soit, mon palpitant qui tambourinait à s’en arrêter, ratait un battement. Je priais les trois pour qu’on y arrive, pour qu’on s’éloigne assez toutes les deux, pour que le fangeux ne nous suivent pas.

Combien de temps on avait couru ? Combien de temps on avait tenu ? Combien de distance on avait réussi à mettre entre nous et les menace ?

Aucune idée, pour aucune des trois, mais tout était étrangement calme quand on s’était enfin arrêté. Il n’y avait que notre cœur pour palpiter jusque dans nos oreilles et notre respiration haletante pour troubler l’inquiétant silence qui régnait dans le marécage.

Appuyée contre un arbre, j’essayais de reprendre un peu de souffle. Le regard fixé sur ce qui était la direction d’où on venait. On savait jamais, quelque chose où quelqu’un pouvait nous avoir suivis.

« Non … »

J’avais quelque chose qui me brûlait légèrement sur la joue. Portant ma main à mon visage pour voir ce que s’était j’avais pu tâter une fine partie rugueuse, chaude, abimée, sans que ça semble saigner, s’était déjà ça de pris.

« Juste une égratignure … et toi ? »

J’avais bien essayé de me retourner quelque fois, mais je ne l’avais qu’aperçue furtivement. Mais si elle avait suivi jusqu’ici, elle ne devait rien avoir de grave, enfin, j’espérais, dieux que j’espérais. Je m’en serais tellement voulu que n’avoir réussi à lui éviter une blessure grave.

« T’as au moins vu … si … si c’était un de tes types ? J’ai vu qu’il portait… un truc aux couleurs du Duc. »

Ça faisait quelques heures qu’elle avait quitté ses hommes, rien n’empêchait que ce soit l’un d’entre eux. Si il s’était fait attraper au début, si il avait fait partie des premières victimes. Ces bannis, peut-être nous bientôt, serions son premier repas de mordeur.

Du grabuge au loin, avait percé le silence. On s’était assez reposé. Il fallait repartit pour fuir, pour conserver notre avance. Pour ne plus être une cible facile. J’avais posé la main sur l’épaule de ma sœur.

« Vient vaut mieux pas traîner. »

Avant que ça reprenne, avant que ça risque de nous rattraper. On avait peut-être même pas trouvé un seul de son groupe et on était dans la mouise jusqu’au cou, ça s’annonçait si bien.
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MessageSujet: Re: Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer   Sauvetage Risqué - Ilhanne Barrowmer EmptyDim 26 Juin 2016 - 17:32
L’air que j’aspirais à grande goulées me brûlait la gorge. J’avais couru, je crois, plus vite que jamais. Et longtemps. Si la peur ne m’avait pas donné des ailes, je pense que je me serais effondrée à mi-parcours, au moins. L’important, c’était que nous soyons en vie et sauves, pour l’instant. Cinq, six, sept personnes, voilà qui aurait de quoi contenter le mordeur pendant encore un petit moment. Restait plus qu’à prier pour qu’ils ne se relèvent pas. Sinon, je ne donnais pas cher de nos vies. A vrai dire, la simple pensée qu’ils puissent revenir d’entre les morts pour venir nous boulotter, nous aussi… La terreur me tenaillait déjà assez sévèrement l’estomac. Je fis du mieux que je pus pour chasser cette image de mon esprit, et me relevai, une fois certaine que mes jambes supporteraient mon poids. Quand je pus respirer convenablement, aussi. Mes yeux étaient probablement encore écarquillés d’horreur et de dégoût, mais qu’importe. J’avais une mission de sauvetage à accomplir. Quant à la remarque d’Ilhanne, elle laissa un doute insidieux s’insinuer en moi.

«J’ai vu les couleurs, mais j’ai pas pris le temps de regarder son visage. Valériane frissonna encore une fois, puis lâcha un soupir sec. Si c’est bien un des miens, ça en fait un de moins à sauver...»


Elle tenta d’ironiser pour dédramatiser un peu la chose, mais force était d’avouer que ça n’était pas spécialement efficace. Elle n’avait pas réussi à se convaincre, et n’avait sûrement pas réussi avec sa soeur non plus. Qu’importe. Elles devaient encore trouver au moins deux des fuyards, s’ils étaient toujours en vie et si l’autre était bien le troisième, sinon les trois. Et puis il fallait ensuite rentrer à Traquemont. Ils pourraient sûrement négocier un emprunt d’un cheval une fois là bas. Elle était une représentante du pouvoir ducal, après tout, et elle doutait que la châtelaine en place ait spécialement envie de se le mettre à dos en traitant son armée comme des pécores. Ils n’étaient pas les seuls à affronter la fange, dans cette forteresse. Et eux avaient des murs. Les unités comme celles de Valériane partaient plusieurs jours, et n’avaient que la chance avec eux, et leur expérience du terrain.

«J’ai pas grand chose. Des griffures tout au plus.»

Leur course effrénée leur avait fatalement fait traverser un grand nombre de broussailles, certaines épineuses, d’autres peut-être urticantes, mais la milicienne n’était pas spécialement préoccupée par ça. Elle avait l’habitude, et s’était essentiellement concentrée sur leur fuite.

Elles avaient tout de même un peu de chance, dans leur malheur. Elles avaient couru directement dans la direction qu’elles avaient prévu de suivre, lors de l’élaboration de l’expédition. Elles avaient du se rapprocher tout de même un peu.

«Remettons nous en route.»

Elle garda son épée et son bouclier tirés, en revanche. Si des bannis avaient pu les surprendre avant, il y en avait peut-être encore qui avaient entendu les cris de leurs comparses.

Elles avaient parcouru un sacré chemin, mine de rien. Le jour avait décru. Peut-être était-ce le fait des arbres, qui s’épaississaient et masquaient de mieux en mieux le ciel au dessus de leur tête, dont la couleur était devenue indéfinissable, ou encore tout simplement parce que l’heure avait tourné. Et si tel était le cas, le reste de la partie ne serait pas du tout amusant. Chaque bruit dans les fourrés aiguillonnait les sens de Valériane, à l’affût du moindre détail. Une chose que l’on oubliait beaucoup trop. A l’extérieur, sans autre protection que vos armes et votre armure, le moindre bruit différent pouvait signifier votre mort. Voyager, explorer les marais étaient une chose non seulement difficile d’un point de vue physique, mais surtout d’un point de vue moral. Garder ses sens en éveil et à leur maximum pendant trop de temps s’avérait terriblement épuisant. Et le nombre de soldats rentrés à demi fous d’une expédition était effarant.

«Va falloir trouver un abri bientôt. Y’a un poste avancé pas loin. Pas sûre qu’un seul de mes hommes y soit, mais on s’en sert souvent d’abri lors des missions d’exploration. C’est assez sûr, au moins pour une nuit.»

Quoi que quiconque en dise, bravoure ou couardise peu lui importait, elle ne se risquerait en aucune manière à une aventure nocturne. Il était déjà assez difficile de voir un fangeux arriver sous le couvert des arbres en journée, alors de nuit, leur période de chasse et de déplacement, c’était un suicide pur et simple.

Après quelques dizaines de minutes de marche, il faisait effectivement vraiment sombre. L’après midi devait finalement toucher à sa fin. Et bientôt les alentours allaient être envahis, que ce soit par de simples prédateurs nocturnes, qu’il était difficile de craindre, ou par des fangeux, qui eux n’inspiraient pas encore assez de terreur.

Quant au “poste avancé”, il n’en possédait que le nom. Deux ou trois cabanons avaient été bâtis à la va vite, et finalement, les palissades qui entouraient le groupement de bâtisses assez grandes pour à peine deux ou trois personnes étaient les structures les plus solides. Les maisonnettes en elles-mêmes paraissaient prêtes à s’effondrer à la moindre secousse. Mais une unité de cinq ou six personnes n’avait pas vraiment le temps de se bâtir un palais, là au milieu des marais. On y entrait en tirant un pan de la palissade vers l’extérieur. Il y avait des pierres ayant servi à délimiter un feu de camp, mais on voyait bien qu’il n’avait pas été fréquenté depuis un petit moment. En tout cas pas par ses hommes, c’était sûr et certain.

«Va nous falloir de quoi manger. Je vais voir dans la réserve s’il reste du bois sec. On organisera le reste de la mission quand on aura grignoté un peu, ça te va ?»
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