Parce que tu es tout ce qui m'importe [PV Ilhanne]

Je m’étais attendu à plein de chose, des flopées d’insultes, de la violence, ou plus probablement le silence, le silence froid, glacial, mais pas vraiment à ça, pas vraiment à autre chose qu’un tourbillon de sentiment confus et brut. Pas à une semblant de calme déçu.

Même maintenant, je me sentais pas mieux, pas du tout. J’avais cette impression d’avoir fait une grosse, une immense, une monumentale connerie. Qu’est-ce que je venais de faire putain ?! Si je m’étais tu, ça ne serait jamais arrivé, peut-être qu’il l’aurait jamais su… Stupide chose que j’étais bordel !

« Non, noooon, tu comprends pas non, c’était … pas prévu, c’était … compliqué … »

Lui dire que j’avais été fin beurrée, ça m’aurait pas avancé à grand-chose, puis je voulais pas, parce qu'un s’était pas une excuse et deux, ça aurait l’air de laisser penser que je me cherchais des excuses et ça, c'était pas vrai. Ma merdre, je l’assumais même si ça me donnait l’impression de m’être fait piétiner par un cheval.

« Je … je l’ai jamais fait parce que je me suis jamais laissé approcher parce que je voulais pas simplement. Les filles ça m’intéressait pas et ça m’intéresse pas. Personne en fait … »

Trop compliqué, trop compliqué, trop de choses qui passaient dans ma tête, putain c’était le bordel et nous voir comme des cons regarder le sol ça m’aidait pas, putain, ça m’aidait pas du tout ! J’aurais voulu me taper la tête contre un mur à m’en éclater le crâne comme on éclatait une noix.

« Personne, jusqu’à ce qu’on passe une après-midi à parler et que toi tu m’embrasses. »

Ça servait à quoi de lui dire que j’étais tellement désolée . Ça changerait rien en fait, rien à ce qui s’était passé. J’avais tout pris et tout cassé en tellement du de temps et ça me donnait l’impression de me faire écraser de l’intérieur. J’aurais voulu aller vers lui, pour faire quelque chose, je savais pas quoi, simplement quelque chose. Ça me comprimait un peu plus à chaque fois qu’il faisait un pas en arrière.

« Tu comprends pas… Je t’ai laissé faire, je me suis laissé embarquer parce que c’était toi, par quelqu'un d’autre. »

Comment les gens arrivaient à ordonner tout ça ? Faisait chier bordel.

« Tu comprends pas, je … »

Ça m’en foutait presque en rogne de pas réussir à mettre des mots sur tout ce qui se passait en moi, me rendant dingue, me rendant folle. C’était plus ma tête que j’avais envie de taper contre un mur jusqu’à ce qu’elle éclate comme une noix, mais la sienne. Lui il avait l’air de savoir ce qui se passait le plus souvent, pourquoi là il comprenait d’un coup ? Pourquoi quand j’avais besoin qu’il comprenne ça passait plus ?!

On était vraiment deux cons parfois.

Foutue pour foutre. Si je pouvais pas mettre un mot là-dessus, peut-être qu’un geste ça suffirait.

J’avais rapidement fait les quelques qui nous séparaient, parce que de toute façon, là, au point où j’avais rendu les choses j’avais presque l’impression que c’était mort et enterrer, alors y mettre les formes ça servait plus à grand-chose.

J’avais attrapé d’une main l’encolure de son armure de cuir pour le forcer à se baisser, on avait pas idée d’être aussi grand, puis j’avais posé mes lèvres sur les siennes. Pas d’hésitation, juste peut-être un peu de rudesse au début, parce que j’étais aux prises avec mon emportement. J’avais pas embrassé Xandra comme ça, j’avais embrassé personne comme ça.

Si Ilhanne avait l'impression que c'était le bordel dans sa tête, elle n'imaginait pas que pour Finn aussi, malgré toutes les fois où il avait paru aussi sûr de lui, il ait pu douter tout autant à sa façon. L'envie de s'enfuir, il ne l'avait pas, pas vraiment, car en vérité il désirait simplement la serrer dans ses bras et lui demander de prendre une décision, de choisir, là, tout de suite, ce qui n'aurait fait que démolir le peu qu'ils avaient réussit à construire entre deux visites disparates à Marbrume. La vie était trop courte, pleine d'imprévus et de Fangeux, de quoi songer que tout ça ne servait à rien, que peut-être il valait mieux ne songer qu'à se tirer d'affaires et laisser les émotions de côté... Mais soudain les cheveux roux s'avancèrent vivement vers lui et le jeune homme eut à peine le temps de réaliser qu'elle tirait sur son col pour le faire se pencher que déjà la Chasseuse l'embrassait à pleine bouche avec une passion à faire se damner un saint. Soufflé, il ne fallu pourtant pas plus d'une seconde pour que le Mercenaire ne réponde à ce baiser, passant ses bras autour de la jeune femme pour la serrer contre lui, jusqu'à en perdre sa respiration et devoir finalement couper court. Le souffle haletant, un irrépressible sourire monta à l'assaut de ses lèvres, jusqu'à faire briller ses yeux clairs d'un éclat inimitable de bonheur et de complicité.

- ... J'ai ma réponse.

Et voilà que Finn la saisit par la nuque, avec un mélange de douceur et d'autorité, l'attirant de nouveau à lui pour l'embrasser fiévreusement, une main se glissant dans la chevelure de feu tandis qu'il reprenait vie à ce seul contact. Quoi que puisse penser Ilhanne, elle incarnait à cet instant tout ce dont il avait besoin, tout ce qui importait vraiment en ce monde et ce pour quoi il serait capable de n'importe quoi, pourvu qu'on ne le lui arrache pas, qu'on lui laisse cette part de bonheur dans une existence devenue trop sombre ces derniers mois. Leurs lèvres se séparèrent de nouveau, alors qu'une main habituée à manier l'épée et à cogner dur se glissait avec délicatesse sur la joue de la jeune femme, qui reçu un regard chargé de tendresse et de désir mêlés.

- Je t'aime, tu le sais. Je comprends que tu ais pu... t'égarer, peut-être que tu voulais essayer, voir ce que ça faisait, je ne sais pas. Mais je t'aime et je veux qu'à partir de maintenant, si toi aussi tu m'aimes vraiment, que tu ne sois qu'à moi, rien qu'à moi.

Ce n'était pas de l'égoïsme à son sens, ni même une forme de machisme, mais rien qu'une volonté de construire quelque chose de plus grand, de plus fort, qu'une simple relation sur le pouce avec quelques rares rencontres espacées de plusieurs semaines ou mois. Quitte à ce que Finn fasse plus souvent le déplacement, il songeait qu'il pourrait bien faire ça pourvu qu'il soit assuré de revoir sa dulcinée de manière régulière.

Il m’avait pas repoussé, si j’avais été assez présente pour le comprendre, ça m’en aurait étonné, mais j’étais perdue, perdue par sa façon de réagir, perdue, agréablement perdue par son baiser. Tout n’était pas plus ordonné ou plus a sa place, mais le capharnaüm dantesque qui régnait dans ma tête en s’en tamponnait complètement…

Mon corps avait eu un bref mouvement de recul, ou plutôt de résistance quand il avait passé sa main dans ma nuque, sa prise était ferme et j’avais craint l’espace d’un instant. Il aurait pu faire n’importe quoi, mais le goût de son baiser et tout ce qui l’accompagnait m’avait fait me détendre oubliant un in instant tout ce qui se passait autour. Mais il ne se passait rien autour.

Bah moi non plus je savais pas, enfin si j’avais des idées de pourquoi, le tout amplifié, catalyser par l’alcool. Je savais pas si c’était de l’égarement, c’était juste pas bien, ça se faisait pas, j’aurais pas dû simplement. Son exigence ne m’avait pas vraiment semblé excessive, déplacée. Dee toute façon cette nuit avec Xandra, j’avais jamais vu ça comme autre chose qu’une erreur, qu’une douce erreur à ne jamais reproduire, même complètement pétées comme on l’avait été.

« Je promets à partir de maintenant n’être rien qu’à toi. »

SI j’avais voulu avoir l’air sérieuse, c’était à moitié raté. Je doutais qu’il puisse raisonnablement douter de la sincérité de ma promesse, de toute façon il n’y avait que lui. Mais j’avais était été gentiment moqueuse. C’était une façon de me rassurer moi-même, c’était important, trop important.

« Même si je n’ai techniquement pas encore été à toi… »

La formulation me plaisait moyennement, je me sentais pas comme être sa propriété. Mais c’était que des mots, j’espérais seulement qu’il ne me prendrait pas trop au pied de la lettre comme la majorité ici-bas. J’avais attrapé sa main pour la serrer doucement, mais surtout l’embrasser à nouveau. C’était vrai, rien n’était allé si loin avec Finn. L’occasion ne s’était pas présenté, et après tout, peut-être que si elle s’était présenté j’aurais hésité, je me serais défilé, trop hésitante. Mais maintenant la situation était différente, j’avais déjà eu cru y passer une fois, il y avait même pas deux mois, ma vie seulement assurée par les lubies d’un taré. Ça plut la menace des fangeux, j’avais parfois l’impression que j’allais m’éteindre demain. Il y avait de quoi s’angoisser et surtout de moi oublier ses réticences.

Mon baiser était teinté de cette envie qui s’était éveillée et s’était développée depuis ce moment aux thermes, ce moment où il n’y avait que nous peau contre peau.

C'est vrai qu'il aurait pu faire n'importe quoi de dingue qui lui serait passé par l'esprit, pas seulement parce qu'il avait plus de force, mais surtout parce qu'il aurait eu l'effet de surprise au sein d'un moment tel que celui-là. Il ne pensait pourtant à rien de négatif et, bien qu'il avait eu de quoi s'inquiéter quant à ce que pouvait éprouver Ilhanne à son égard, les quelques mots qu'elle répéta sous la forme d'une promesse le convainquirent, malgré l'apparent amusement qu'elle y ajouta gentiment pour le taquiner, comme elle le faisait parfois. Bien sûr cela faisait peser brièvement le doute dans le cœur de Finn, mais il préférait se concentrer sur l'instant présent et revint à la charge à grand renfort de baisers et de mains glissées sur la nuque et dans les cheveux de la jeune femme qu'il désirait soudain garder jalousement pour lui seul. Il ignorait ce qui était arrivé quelques semaines plus tôt, ignorait qu'il avait bien failli la perdre pour de bon, mais dans un monde comme le leur, le Mercenaire savait que chaque instant devait être savouré comme s'il était le dernier, chose ô combien difficile quand on essayait de nouer une relation sur la durée. Un point fut souligné, peut-être de façon légère pour essayer de ne pas relancer le sujet, mais c'était déjà chose faite et l'intéressé haussa un sourcil, scrutant la Chasseuse d'un regard emprunt d'une gravité certaine. Elle n'avait pas tort et, après qu'ils se furent de nouveau embrassé, il osa finalement donner le fond de sa pensée.

- Alors sois à moi, cette nuit.

Finn songea que cette demande allait à l'encontre de toutes les précautions qu'il avait prises jusqu'à présent pour préserver celle qui occupait son esprit, mais il fallait reconnaitre qu'avec tout ce qui était arrivé, au même titre que le lendemain ils risquaient fort de voir le convoi qu'ils gardaient être attaqué, il désirait profiter de ces quelques heures de répit pour les passer avec la seule personne qui importait vraiment. Ses mains se posèrent sur les épaules de la rousse en serrant à peine, les gestes étant aussi doux que possible pour éviter toute sensation de menace qui entrainerait un rejet quasi immédiat face à sa démarche.

- Je ne vais pas te mentir Ilhanne, j'en rêve depuis longtemps et plus encore depuis cette après-midi aux thermes.

L'une de ses mains remonta sur la joue de la Chasseuse, caressant sa peau avec une certaine tendresse malgré le désir qui le tenaillait à présent aussi sûrement que Serus veillait sur les couples.

- Reste avec moi cette nuit, que je puisse te montrer à quel point je t'aime. Tu as ma parole que je serais très doux.

Quand bien même cela pourrait fort bien être une délicieuse torture, il ne comptait pas la malmener ni l'obliger à quoi que ce soit qu'elle n'aura pas voulu, mais le Mercenaire désirait aller plus avant dans cette relation et, bien que certains diraient qu'il fallait se préserver pour le mariage, la chose était bonne pour les Nobles ou les fleurs bleues, pas ceux qui comme eux vivaient leur vie aussi intensément que possible avant que la mort ne les rattrape. Et comme pour appuyer sa demande, Finn revint serrer Ilhanne entre ses bras et l'embrassa délicatement, sans brusquerie, désirant lui prouver toute la retenue dont il était capable.

Sa retenue, je l’avais déjà vue, déjà éprouvée dans les thermes. Il était resté calme, patient malgré l’envie qui le tenait. Je disais pas que j’avais aucun doute, que j’avais aucune réserve, l’inconnu ça n’avait jamais été mon grand ami.

« Toujours si cérémonieux. »

Finn aimait bien annoncer, promettre, parler. Dans un sens, ça faisait partir de son charme, même s'il était toujours et encore trop tôt pour savoir s'il me pipotait pas dans les grandes lignes. Généralement j’avais le chic pour éviter tout ce qui était trop casse gueule, mais là, on était en zone inconnue, j’évoluais tellement à l’aveugle seulement guider par ce que lui me donnait et que moi je sentais que j’aurais pu me prendre un mur sans m’en rendre compte.

Prenant sa main, je l’avais entraîné vers notre point de départ. Ça tirait affreusement dans mon pied. Se forcer à ne pas boiter devenait de plus en plus dur, de plus en plus impossible. Je pouvais pas vraiment l’emmener dans mon dortoir improvisé, certaines filles devaient déjà y ronfler en prévision de leur longue journée du lendemain. Les journées étaient toujours trop longues, et tellement trop courtes de toute façon. J’avais beau réfléchir il n’y avait pas vraiment d’autre endroit où trouver un lit ou ce qui s’en rapprochait.

J’étais rentrée surement pas seule au vu de la troche qu’il avait tirée. Visiblement lui, il avait envie de se payer ma tête ce soir. Ça allait jaser, obliger que ça allait piailler. Ici on se faisait vite chier entre ma vie monotone et la peur de finir bouffer, fallait bien trouver un moyen de se divertir, et finalement le meilleur moyen de tromper l’ennui et la trouille qu’avait l’esprit humain s’était de s’occuper de ce qui le regardait pas. C’était normal, mais j’avouais que je préférais quand ma vie regardait que moi. Fin bon, pour ce soir j’étais complètement grillée alors autant assumer mon cas.

« Hé, t’as pas une piaule pas trop infesté par les cafards pour moi ? »

Le type à qui je m’étais adressé c’était celui qui gérait ça, comme il pouvait, enfin avec les moyens du bord, autant dire que ça pouvait vite être trois fois rien. Je l’avais interrompu alors qu’il nettoyait une table avec un chiffon tout taché.

« T’as pas un coin de paillasse avec les autres bonne femmes qui portent les armes là ? A moins que tu veuille faire des galipettes avec ton Jules … »

Fatalement il l’avait pas manqué l’élan spontané de Finn tout à l’heure.
Puisqu'il m’avait regardé de bas en haut et de haut en bas, sans que ça me fasse vraiment chaud au froid. Ce que je comptais faire, ça le regardait pas. Il avait seulement tendu la main pour réclamer quelques pièces. J’avais pas grand-chose à vrai-dire mais je lui avais donné une très grosse partie de ce qui me restait, ça avait eu l’air de suffire.

« J’espère qu’il le prend pas mal le jeune homme que c’est la donzelle qui règle … La troisième à gauche quand tu montes. »

L’était sceptique, mais tant pis. En même temps, il avait un peu raison. Je savais que si j’avais laissé quelques secondes de plus Finn se serait fait un devoir de jouer au grand prince, mais ce soir on était hors des murs, plus ou moins sur mon territoire.

La Chambre elle avait rien de particulier, une paillasse un peu large sur un lit un peu rustique, mais bon, ça avait l’air plutôt propre et entretenu. Une table, un tabouret, et pas grand-chose de plus si c’était la bougie et de quoi l’allumer pour réussir à y voir un peu dans la pièce maintenant que la pénombre s’était définitivement installé.

J’avais rien, rien à poser, j’avais tout laissé en rentrant de la chasse dans ce qui tenait lieux de dortoir habituellement. J’avais juste mon sac que j’avais posé sur la table, mais y'avais rien de bien intéressant le dedans.

Si je m’étais décidé cinq minutes plus tôt, là, je savais plus quoi faire.

Finn avait toujours été attentionné et précautionneux envers Ilhanne et ce depuis le premier jour de leur rencontre. Cela ne venait point du fait qu'il l'avait connu dans une terrible situation, bien que cela ait grandement joué sur son comportement, mais davantage parce qu'immédiatement son cœur s'était emballé à sa seule vue et que n'eut été le fait qu'elle venait d'être agressée, il lui aurait fait la cour sans attendre. Le sort avait été bien ironique à son égard, mais force était de constater que toute cette patience et cette retenue qu'il avait déployé n'avaient pas été vains. Il en résultait que ce soir, la belle rousse lui prenait la main pour l'entrainer à sa suite après sa demande, le menant jusqu'à l'auberge où elle le fit entrer et attendre, alors qu'elle s'en allait trouver un homme en train de nettoyer des tables. L'échange fut bref, guère audible pour le Mercenaire, mais il perçu bien l'amusement de l'individu et l'argent qui passait de main en main. La Chasseuse avait eut raison de se presser, car le Mercenaire possédait à l'heure actuelle bien plus d'argent que la jeune femme et qu'il aurait effectivement voulu payer pour tout ça, quoique sa morale lui aurait donné l'impression d'aller aux prostituées, ce qui n'était guère enviable. Le petit couple monta à l'étage et se rendit à la troisième chambre sur la gauche, rentrant en refermant la porte sans un bruit ni un mot. Si Finn avait l'esprit en ébullition, il le dissimulait bien et se demandait surtout comment Ilhanne se sentait, elle, car à peine entrés et le sac de la belle posé sur la table, une sensation de gêne sembla s'installer et le jeune homme pu le sentir distinctement, aussi sûr que si on lui avait jeté de l'eau au visage.

- Ça va ?

Demanda-t-il tout naturellement, détachant la solide ceinture soutenant son épée dans son fourreau, posant le tout sur la table près du lit avec la force de l'habitude qui revenait à la charge. Un regard sur la pièce de ses yeux plissés, l'air vif et acéré de celui qui examine attentivement les lieux, puis il sembla finalement se détendre un peu.

- On dirait ma chambre à la Compagnie.

Il avait énoncé ça avec un léger sourire, se voulant rassurant, un peu amusant aussi, avant qu'il n'ôte la cape élimée qui lui servait de tissu de protection en cas de sale temps. Le pauvre tissu en avait vu des vertes et des pas mûres, portant des marques de brûlures, des entailles plus ou moins larges qu'on avait fait avec des lames de différentes tailles, mais également l'usure du temps qui avait produit de nombreuses déchirures éparses et indisciplinées. Les chausses furent ôtées les premières, puis ensuite seulement les mains du Mercenaire s'attaquèrent aux attaches de son armure de cuir qui portait quelques plaques métalliques aux endroits stratégiques, protégeant ainsi des zones vitales ou d'ordre utilitaire.

- Je n'aurais pas cru qu'ils auraient des chambres de libres. Si le Labret parvient à construire suffisamment de bâtiment, cet endroit deviendra réellement habitable dans peu de temps.

Parler, parler pour essayer de détendre l'atmosphère, pour ne pas penser à la nervosité qui allait croissante, car enfin il n'y avait pas que la Chasseuse qui aurait pu se sentir oppressée, il y avait également l'homme d'arme qui, bien que rompu physiquement à ce qui s'apprêtait à se passer, considérait que cette fois était fort différente au vu des émotions l'assaillant de toutes parts. Bien sûr en apparence il paraissait fort sûr de lui et nullement inquiet, mais cela comme toujours sa belle n'allait peut-être pas forcément s'en rendre compte. A moins qu'en fixant ses mains, elle ne réalise qu'il peinait inutilement sur les attaches de son armure.

J’aurais bien fait le tour de la pièce, mais finalement, en trois, quatre pas, c’était fait. Pas grand, pas luxueux, mais correct, de toute façon c’était tout ce qu’il y avait.

Si ça allait . Oui … Enfin non … enfin si … enfin j’en savais foutrement rien. Je pouvais me sentir décider, prête, tiraillé par l’envie et l’instant d’après avoir juste envie de m’enfuir pour ne jamais revenir. De toute façon si je sortais maintenant ça n’aurais servi à rien de revenir. Puis je pensais à tout et à rien, tout pour essayer de faire diversion de ce qui était censé se passer ici.
Est-ce que j’avais compté mes flèches pour demain ?
Est-ce que cette tache sur le verre de la fenêtre était juste une tache ou une araignée de l’autre côté ?
Est-ce que les autres gens à l’étage dormaient déjà ?

Toute sorte de rien passait pas la tête, alors que j’avais juste ouvert ma veste. J’avais juste une chemise en dessous. La journée il commençait à faire chaud et porter la pièce de cuir c’était parfois une épreuve de volonté, mais c’était pour éviter les égratignures et les coupures, des blessures bêtes qui pouvaient être légèrement gênantes. Puis finalement, je l’avais enlevé, un peu de fraicheur ça me ferait pas de mal.

J’avais tout fait pour pas le regarder jusque-là, je voulais pas voir son inquiétude à mon égard, ou sa prévenance, ça m’aurait juste ramené à tout ce qui était bizarre dans mon crâne. Mais en posant le vêtement avec le reste du bordel sur la table, j’avais posé un œil sur lui.
Est-ce que Finn était en train de galérer tout seul à enlever son armure ?

Pour quelqu’un qui devait avoir l’habitude de la porter c’était trop étonnant pour être une coïncidence. Si lui aussi était pas à l’aise on était pas sorti de la merde, je vous le disais. C’était peut-être que c’était pas le moment, que c’était pas ce qu’il fallait faire. Une couche de doute au-dessus de la couche de gêne que du bon.

Si j’avais pu me mettre moi-même une tarte sans que ça ait l’air fou, je l’aurais fait, juste pour faire taire tout ça. Je sentais déjà une certaine angoisse monter, je pouvais pas laisser faire ça. Mais c’était pas comme si j’avais vraiment un contrôle là-dessus, je faisais, c’était tout, je me démerdais pour limiter la casse, et là, pour moi limiter la casse, ça voulait dire essayer de toute mettre de côté pour aller aider Finn avec ces foutues attaches. Ça me rappelait de vague souvenir, ceux des thermes, sauf qu’à ce moment, j’étais pas habillée. Sauf qu’à ce moment, j’en menais pas plus large que maintenant.

Tout ça, sans avoir encore ouvert la bouche. De toute façon qu’est-ce que j’aurais bien pu dire ? Tout ce qui aurait franchi mes lèvres ça aurait été qu’une espèce de charabia saccader pour essayer de mettre des mots sur quelque chose de vague, de confus.
Refaire ce que j’avais déjà fait, ça me clamait, ça me rappelait qu’après il s’était rien passé, rien de mal et qu’il y avait aucune raison que cette fois ce soit différent, enfin si ça le serait de base, mais il n’y avait aucune raison pour que ça se passe plus mal à moins que Finn ne montre un tout autre visage, ce dont je doutais, ou je voulais douter.

« T’inquiète pas… »

Glorieuse leçon d’éloquence.

Ces fichues attaches lui paraissaient tout à coup glissantes et refusant de rester sous ses doigts, à moins que ce ne soit ces derniers qui désiraient le contredire et lui zapper toute autorité ou assurance en dérapant sur les bords métalliques au lieu de s'y accrocher. Toujours est-il que ce fut après en avoir ôté deux laborieusement que Finn entendit la voix de Ilhanne résonner et, relevant la tête, il constata que celle-ci le regardait avec attention tandis qu'il peinait sur son armure qu'il connaissait pourtant par cœur. Il pouvait même l'enlever dans la plus parfaite obscurité, c'est dire s'il ne se sentait pas atrocement ridicule à cet instant précis. Les doigts s'immobilisèrent, une profonde inspiration fut prise, puis un sourire apparu sur les lèvres de l'homme d'arme qui hocha la tête à l'intention de la jeune femme.

- Je ne suis pas inquiet.

Mensonge éhonté qu'il lâcha avec un bref rire, avant que ses doigts, rendus hardis par l'idée qu'il ai pu paraitre gauche, entreprirent de défaire avec leur habileté retrouvée les autres attaches qui cédèrent sans opposer cette fois la moindre résistance. Défaisant les épaulettes puis le plastron, le Mercenaire déposa le tout sur la table avec soin, avant d'ôter ses protections aux avant-bras et la dernière ceinture qui permettait de tenir le fourreau de sa dague, laquelle termina posée contre la tête de lit pour assurer de l'avoir à protée en cas de besoin. Tout ceci fait, ne restait plus qu'un pantalon et une chemise en toile qui, sans être neufs, était encore en un seul morceau, ce qui méritait d'être noté. Finn se tourna cette fois vers Ilhanne et s'approcha, la scrutant d'un regard brillant d'intensité, venant poser ses mains sur ses épaules avec douceur.

- Écoute, je ne veux pas que cela se fasse juste parce que je te l'ai demandé. J'aimerais que cela se fasse parce que tu en as vraiment envie, même si cette fois nous n'avons pas droit à un bon bain chaud.

Une petite plaisanterie faisant référence aux thermes et à ce qui s'y était passé, la Chasseuse était alors beaucoup trop amochée pour qu'il ne tenta quoi que ce soit, il lui aurait forcément rouvert ses blessures et de ce fait infligé d'atroces douleurs. Non, il n'était pas une brute en manque de sexe qui négligeait sa partenaire, surtout pas celle dont il était tombé éperdument amoureux. L'une de ses mains revint caresser sa joue alors qu'il se penchait pour l'embrasser, doucement d'abord, la laissant choisir le degré d'intensité désiré, prêt à suivre selon la façon dont tournerait l'échange. Pas après pas, s'il parvenait à lui remémorer assez ce qui s'était passé la dernière fois qu'ils s'étaient vus, tout irait naturellement dans le bon sens.