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 Les gens de l'ombre [Marwen]

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Elisabeth GardefeuApothicaire
Elisabeth Gardefeu



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MessageSujet: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptySam 8 Oct 2016 - 17:02
Une nouvelle fois avant de partir, l’apothicaire ouvrit le petit morceau de parchemin roulé pour décoder le tracé hasardeux qui s’y trouvait. D’une main peu habituée, un gredin pas vraiment méchant qu’elle connaissait depuis un long moment lui avait tracé un semblant de carte auquel elle avait ajouté des annotations elle-même, sous la dictée. Il s’agissait du chemin de traverse permettant de franchir l’enceinte de l’Esplanade sans avoir à passer par la porte principale.
En temps normal, la demoiselle ne faisait pas vraiment de livraisons et demandait à sa clientèle de se déplacer en personne ou d’envoyer un commis, mais il arrivait qu’elle fasse des exceptions. Et cette fois, elle en faisait une grosse car il s’agissait de fournir une noble lignée dans la plus grande des discrétions. Si le salaire n’avait pas été à la hauteur, Elisabeth n’aurait pas hésité à rejeter la demande, arguant qu’elle n’était ni fille de l’air ni malandrin pour oser défier la loi de cette façon, se gardant bien de dire qu’elle faisait pire pour le bien de son commerce.

Ayant préparé les fioles en question dans une petite escarcelle prévue à cet effet, elle repassa en revue son équipement de baroudeuse novice : un corsage de tissu pour tenir sa chemise bien serrée autour de sa taille, un pantalon gris de milicienne gracieusement offert par une amie qui en avait de nouveaux aux couleurs du Duc et une paire de cuissardes qu’elle réservait habituellement à ses sorties dans les marais. Ses épaules couvertes par une manteau sombre à capuche, elle avait sur elle de quoi jouer quelques mauvais tours en cas de rencontre hasardeuse, mais elle espérait ne pas avoir à utiliser quoi que ce soit d’autre que ses pieds et un peu de sens de l’orientation pour parvenir à destination.
Une fois la nuit tombée, la farouche empoisonneuse emprunta la porte de derrière pour quitter sa boutique sans risquer de croiser une patrouille dans la rue et fila de venelles en ruelles pour arriver à la bâtisse qu’on lui avait désigné comme étant l’entrée du souterrain qui passait sous l’enceinte de l’Esplanade. La ville était, semblait-il, truffée de passages dérobés qui ne débouchaient pas sur les égouts et donc, sans risque de fangeux. Ou presque. Depuis l’Incident, qui pouvait affirmer que quelque chose soit véritablement sans risque de fangeux ?
Discrète comme un ombre, elle s’introduisit donc dans le bâtiment et trouva sans mal la trappe pour se rendre à la cave. Armée d’une torche, Eli tâtonna les murs à la recherche d’un interrupteur dissimulé et fini par parvenir à ouvrir le passage dont on lui avait parlé. Un long couloir humide et noir lui tendait les bras.

« Aller ma fille… C’est pas le moment de jouer les timorées. »

S’exhortant mentalement à l’action, elle s’introduisit dans l’étroit goulot de pierre. Le sol était en terre battue mais les murs suintants et le plafond avaient été construit avec de lourds blocs de pierre. Impossible de savoir depuis quand le réseau existait, mais elle avait bien une petite idée de ce à quoi il pouvait servir avant l'arrivée du Fléau.

Le parchemin lui indiqua précisément quel croisement emprunter pendant les dix premières minutes de marche, puis elle se retrouva devant une fourche qui n’apparaissait pas sur son plan. Préférant prendre à droite vers ce qui semblait être le nord, elle déboucha sur une galerie plus large qui se séparait à nouveau en deux. Comprenant que son gribouillis ne lui serait d’aucune utilité, l’apothicaire se résigna à fourrer son parchemin dans le fond de sa besace et poursuivit sa route à l’instinct.
Elisabeth connaissait les rues en surface comme sa poche, mais dans cet entrelacs de couloirs et de galeries souterrains, elle était totalement perdue. Si elle avait un instant espéré retrouver le tracé des voies en surface, elle comprit rapidement qu’il n’en était rien. Cependant, elle parvint à relever certains indices pour s’orienter qui lui permirent de ne pas perdre espoir et lorsqu’elle devina se trouver en-dessous d’une boucherie de la Grande Rue, un sentiment de profond soulagement l’étreignit. Sentiment rapidement oublié lorsqu’elle se retrouva pour la troisième fois dans une petite pièce qui se terminait en cul de sac.

« Par Anür, ce n’est pourtant pas difficile de tracer un plan ! Si je sors de là, j'étranglerais de mes propres mains cet idiot. »

La donzelle agacée s’apprêtait à rebrousser chemin lorsqu’elle crut entendre un pas lointain. L’image cauchemardesque d’un fangeux s’imposa à son esprit et son cœur manqua un battement. Elle ne devait pas rester ici ! Mieux valait courir dans les couloirs à s’en perdre tout à fait plutôt que de terminer prise au piège dans une impasse. Faisant de son mieux pour se hâter sans faire de bruit, elle revint sur ses pas et s’aventura sur l’autre embranchement, sans prendre garde aux traces qu’elle pouvait laisser dans la poussière au sol. Les fangeux ne pistaient pas leur proie comme des chasseurs, ils agissaient comme des animaux. Du moins c’était ce que tout le monde s’accordait à dire...

La malchance voulu qu’elle prit une nouvelle fois une mauvaise direction, ce qui la conduisit à un passage condamné. Maudissant encore l’imbécile qui lui avait parlé de ces tunnels, elle sursauta en réalisant que les pas derrière elle étaient beaucoup plus proches qu’elle ne l’avait imaginé. Faisant volte-face avec détermination, Eli prit en main un couteau qu’elle utilisait pour hacher ses plantes et qu’elle avait enduit de toxine pour l’occasion. Elle n’était pas certaine que ces monstres y soient sensibles, mais elle pourrait au moins essayer de se défendre. Peut-être que le feu de sa torche les chasserait aussi ?
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Marwen l'EsbigneurContrebandier
Marwen l'Esbigneur



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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyDim 9 Oct 2016 - 18:12
L’on avait sonné vêpres depuis quelque temps, mais déjà la nuit insinuait-elle ses longs doigts d’obscurité dans les venelles crasseuses des bas-quartiers du Goulot. Entre chien et loup, les rues se confondaient les unes aux autres, les gens ne sortaient que trop peu, et les seuls qui s’y risquaient voyaient leurs silhouettes se transformer en ombres sinistres qui rasaient les murs. Dans cette zone, le quartier s’étranglait entre la mer et les remparts, et les ruelles étaient dévorées par une eau lourde et vorace sitôt que le vent s’agitait, que la lune était ronde, où que la marée croissait plus fortement que d’ordinaire. Les murs des misérables masures et des bicoques borgnes portaient les traces d’un ressac âpre et souillé ; l’onde noire s’avançait en rampant sur la terre, rongeant d’un sel virulent bois et parois, emportant avec elle quelques cadavres de rats pour ne laisser dans son sillage que des relents d’algues pourries, de crustacés avariés et des détritus humains.

Plus que partout ailleurs, la fange qui faisait office de chaussée était profonde et conglutineuse, se mêlant à la vase et au sable décomposé que charriaient les eaux troubles. Les murs renversés des margouillis, les colombages rongés des habitations, les pierres tachetées de mousse du rempart luisaient d’humidité et gouttaient dans une complainte de caveau. La brume épaisse crachée de temps à autre par la mer stagnait en volutes funèbres que trouaient de loin en loin un lampion sinistre ou la lanterne rouge de ces quelques bordels où se rassemblaient la lie et la misère de la capitale.

Quelques clapotis visqueux se firent entendre, quelques bruits de succion émis par une paire de bottes laissant ses empreintes dans la vase. Marwen marchait d’un pas sûr et rapide dans une ruelle, longeant les murs et les encorbellements qui, en dépit du début de soirée, plongeaient le quartier dans une inquiétante obscurité. Une activité interlope, comme souvent, l’occupait depuis peu, l’envoyant noctambuler dans les tréfonds de la ville. Ses garouages dans des lieux aussi sordides et oubliés des puissants ne l’amenaient qu’à croiser peu de monde, et rien de très ragoûtant. Quelques mendiants mutilés traînassaient sur des marches de bois crevés, n’attendant plus rien du chaland, des silhouettes suspectes de faufilaient entre les pierres et les murs gercés par les embruns, des belles de nuit racolaient l'inconnu de leurs vulgarités lasses et de leurs charmes éventés, les invitant à se livrer à des amours vulgivagues et sans lendemain. Quelques passes, quelques étreintes, afin d’oublier dans une passion feinte le cruel poids d’une vie, celle, maladive, où les promesses se fanaient une à une et pourrissaient dans les cœurs.

Suite à sa perlustration durant laquelle il ne rencontra nul milicien, ceux-là étant trop en peine pour se perdre dans cet enfer, il s’arrêta devant ces vieux bâtiments croulants qui, en dépit de la surpopulation qui étreignait parfois Marbrume, s’avéraient pour la plupart vides. Laissant son ensis au fourreau après avoir prudemment vérifié que rien ne rôdait dans les environs, il se saisit d’une longue tige de métal, que l’on pourrait qualifier d’ancêtre de pied-de-biche, et s’attaqua aux murs. Telle une mite, il fit son travail de sape, rongeant les pierres et les briques, fragilisant lentement mais sûrement les fondations des édifices. L’œuvre était des plus simples ; déchausser ancres, chaînages, agrafes et clameaux, tous ces éléments d’architecture usités pour consolider les masures et leurs parois. Bien que nombre de ces pièces eussent été léchées par les eaux salées de la mer, lesquelles les avaient teintées d’une nuance érugineuse qui démentait de la bonne qualité de la ferraille, l’Esbigneur les plongeait une à une dans un gros sac de bure, sans distinction aucune. Voilà qui constituerait une sacrée récolte, toute prête à être fondue pour ensuite être revendue à quelques marchands, forgerons, ou encore à la milice elle-même. L’on manquait trop cruellement de métal, ces derniers temps.

Lorsqu’il fut satisfait de la quantité amassée, et que la toile lui pesait suffisamment lourd sur son épaule, le contrebandier se détourna de ces quelques bâtiments sur lesquels le temps n’obtiendrait que plus d’emprise encore. Il y avait fort à parier que, dans quelques semaines ou mois, d’autres pans, plus conséquents, viendraient à s’effondrer sur les quelques malheureux qui avaient pensé y trouver un toit. Marwen s’engagea sur les mêmes sentiers perdus, les mêmes venelles étroites, ces coupe-gorges que l’on n’osait parcourir d’un pas léger. La main sur le pommeau de son arme, il surveillait les environs, ratissant ces murs qu’il avait frôlés auparavant. Avoir un tel bagage sur les dos attisait assurément la curiosité et l’avidité d’autrui, aussi tâchait-il que de rapidement rejoindre un lieu qu’il savait sécurisé. Avec le couvre-feu qui régnait sur la capitale, mieux valait emprunter des voies détournées sitôt que l’on quittait le Goulot, car les chances de croiser une patrouille croissaient dès lors soudainement.

Bien astré, peut-être, il ne connut nul ennui, et parvint dans un de ces vieux bâtiments qui se ressemblaient tous les uns les autres. Dans le fond d’une pièce au mobilier défoncé, pillé par les miséreux, il déplaça une série de caisses en bois et de tonneaux crevés sur lesquels même le plus pauvre des mendiants ne porterait jamais son attention, et découvrit une petite trappe qu’il ouvrit avant de s’y glisser.

Dans ce souterrain, si Marwen maintint une allure toujours aussi rapide, celle-ci fut également bien plus décontractée. Certes, il n’avait plus de main libre pour s’emparer de son arme, sa dextre étant monopolisée par une torche qu’il avait allumée en rentrant, mais ces passages, bien moins fréquentés, s’avéraient dépourvus de toute personne et de tout garde. Si ce n’étaient de très vieux associés qui n’existaient peut-être même plus, ainsi que quelques voyous qui auraient découvert dans le plus grand des hasards ces tunnels, seul Marwen, vraisemblablement, avait connaissance de l’endroit. Toutefois, il devait faire attention à l’éventuelle présence de fangeux ; le réseau des anciennes canalisations n’était jamais loin, et celui-ci ayant été délaissé par les égoutiers, de nombreuses galeries s’écroulaient sur elles-mêmes lorsque d’autres s’ouvraient toutes seules sur de nouveaux passages.

Connaissant ce refuge et ses embranchements comme sa poche, au même titre que des myriades d’autres, il chemina rapidement sous terre, sous ces pierres et ces échafaudages en bois. Sac sur l’épaule, il franchit plusieurs carrefours sans jamais hésiter, ne prêtant guère attention à cette route qu’il n’avait que trop souvent effectuée. Bientôt, toutefois, il dut ralentir le pas.

Loin devant, n’était-ce pas une infime altération de luminosité qu’il avait aperçue ? N’y avait-il pas eu ce son mat, quelque part au-devant ? Il jeta un coup d’œil à sa propre oupille, se demandant si la potentielle personne ou la bestiole qui le devançait n’avait pas pu deviner sa présence à son tour. Il ne pouvait décemment pas éteindre la seule source de lumière qui l’accompagnait, même s’il connaissait bien ce réseau ; là, il se perdrait à coup sûr, ou bien prendrait tellement de temps à longer les murs dans la crainte de se cogner la trogne qu’il en ressentait un intense flegme rien qu’au fait d’y songer. Concentré sur l’autre présence qu’il pouvait bien y avoir avec lui dans ce tunnel, il conserva le regard braqué droit devant, tentant de percer l’obscurité qui se profilait. Il ne prit pas garde aux éventuelles traces de pas qui pouvaient se dessiner sur le sol, mais entendit assurément, de mieux en mieux, cette chose qui les avait faites.

Une seule personne, très certainement, sans quoi eût-il oui tout ce léger charivari que produisait normalement quelque cohorte que ce fût. Par ailleurs, s’étant bien rapproché, il ne croyait pas en la présence d’un fangeux ; la chiche lueur qui dansait plus loin réfutait l’hypothèse d’une de ces créatures. S’était décidé, que trop curieux de voir qui avait bien pu s’impatroniser dans ces lieux qui, quelque part, lui appartenaient presque, il hâta le pas, jusqu’à tomber sur la personne en question.

Celle-ci semblait l’attendre de pied ferme, lame en main. Marwen ne reconnut aucunement cette femme qui venait d’apparaître dans son champ de vision, et plissa les sourcils en se demandant comment diable avait-elle pu s’introduire ici.

« Que fous-tu là ? »

En se rapprochant, il avait alterné sa position ; sa main gauche s’était emparée du flambeau, et sa droite tenait le sac de bure, posé sur cette même épaule. Car mieux valait lâcher la toile que la torche dans un pareil univers afin, de défourrer son arme plus facilement. Mais depuis qu’il l’avait vue, il n’avait pas esquissé le moindre geste, se contentant de la détailler de son regard gris qui ne cillait pas. Sa vêture alliait la simplicité et côté pratique, mais ce fut le bas qui le fit réagir. En posant ses pupilles sur son pantalon ainsi que ses jambières, il devint subitement mauvais.

« Oh, je vois. Toi, tu t’es assurément perdue. Encore des putains de miliciens qui viennent mener leurs disquisitions dans des lieux qu’ils ne connaissent aucunement, là, fourrer leur nez où ça ne les regarde pas. Et comme d’ordinaire, ils se plantent et s’égarent. Et là encore, ce sont toujours les bonnes femmes que je retrouve esseulées, avec leur sens de l’orientation merdique. Sérieux, lorsque je vois la milice de nos jours, ça me donne envie de gerber. »

Le ton relevait d’une acerbité profonde, d’une causticité certaine, mais son visage, lui, demeurait juste froid, ne trahissait qu’une légère moue dédaigneuse du côté de sa lèvre supérieure. D'un seul mouvement, il laissa choir le sac de bure, qui heurta le sol dans un tel retentissement que l’écho se répercuta sur les parois des secondes durant, jusqu’à s’évanouir dans les ténèbres, au loin. Et il dégaina sa lame.
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Elisabeth GardefeuApothicaire
Elisabeth Gardefeu



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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyDim 9 Oct 2016 - 19:26
S’attendant à ce qu’une créature puante et purulente ne lui saute dessus, l’égarée eut une seconde de perplexité en voyant les murs s’éclairer d’une lueur orangée un instant avant qu’apparaisse sa compagnie inattendue au détour du couloir. Car il était de notoriété publique que les fangeux ne s’amusaient pas à allumer des torches. La sagesse populaire ne fut pas démentie car ce fut une figure bel et bien humaine qui ne tarda pas à se montrer. Intérieurement, la demoiselle remercia la Trinité de lui avoir envoyé un humain plutôt qu’un monstre. Les humains, elle savait comment les gérer. Les humains ça pouvait être raisonné. Les humains ça pouvait être dupé. Les humains, ça pouvait mourir d’une éraflure de sa lame.
Bien, à présent que sa cervelle avait identifié la menace comme moins menaçante qu’elle ne devait l’être, elle fit une rapide inspection de l’animal : mâle, grand, crinière courte et l’œil vif, dans la force de l’âge, pas trop malingre et pas de guenilles trop déchirées. Il ne perdit pas de temps à la contempler et aboya tout de suite une question grondante, plus pour lui-même que pour elle, semblait-il. La distance entre eux se réduisit comme peau de chagrin, ce qui poussa la féline à rester sur ses gardes car la compagnie d’un inconnu dans un tel endroit ne signifiait pas nécessairement qu’elle était en sécurité. Elle le laissa l’inspecter à sa guise, tout comme elle l’inspecta en retour, plus en détails cette fois. Il semblait être venu avec quelques « affaires » et avait l’attitude d’un homme à l’aise dans son environnement. Si tel était le cas alors il pouvait être son billet pour sortir de cette foutue taupinière de malheur. Son regard vert tomba sur la garde d’une lame aux proportions plus intimidantes que la sienne. Si on ajoutait à cela cette expression typique sûr de lui et pas trop débile qu’il avait sur la trogne, elle le catalogua rapidement comme "danger potentiel important".

Le cabot des rues ne lui laissa pas le temps de réfléchir plus avant qu’il aboyât de nouveau, cette fois en montrant les crocs. Allons bon, qu’est-ce qui lui prenait maintenant ? De ce qu’elle comprit de son baragouinage, il avait une certaine hargne contre la milice féminine. Par quelle sorcellerie en était-il venu à la considérer comme tel ? Elle ne portait ni arme digne de ce nom, ni armoiries ducales et n’avait rien de cette allure militaire qui trahissait les mâtins du Duc même lorsqu’ils ne portaient pas leur uniforme. Instinctivement elle baissa une fraction de seconde les yeux sur elle-même. Ah, le pantalon. Évidemment.
Avec un soupir elle leva brièvement les yeux au ciel et le coin de ses lèvres s’étira imperceptiblement avec ironie. En quelques gestes lents, Elisabeth se redressa dans une attitude plus détendue et leva la main qui tenait son couteau avant de le remettre à sa ceinture pour signifier qu’elle ne cherchait pas querelle.

« T’énerves pas comme ça, tu vas réveiller les morts. »

La jeune femme écarta tranquillement les pans de son manteau pour montrer qu’elle ne portait aucune autre arme sur elle – du moins aucune qui ressemble à une épée – et rabattit en arrière sa capuche pour laisser voir son visage correctement. Elle ne connaissait pas le type face à elle et doutait fort qu’il la reconnut en retour. De toute façon, au point où elle en était, faire des mystères sur son identité n’aurait pas été d’un grand secours.
S’adressant à l’inconnu comme on le fait avec un animal agressif, une pointe de sarcasme en plus, elle tenta d’évaluer quelle stratégie aurait le plus de chances de fonctionner.

« Tout doux avec ton aiguille à tricoter. Je ne suis pas de la milice et j’aimerais autant qu’elle ne se ramène pas par ici, ce qui est un peu compromis si tu continu de monologuer aussi fort. Là, calme. »

Bon, et maintenant quoi ? Elle ne pouvait pas lui déballer toute son histoire par le menu pour justifier sa présence. Tout ce qu’elle voulait, c’était au moins qu’il se pousse du passage, au plus qu’il la ramène en surface. Le véritable miracle serait même qu’il accepte de lui servir de guide, aller et retour… Une petite idée germa dans son esprit.

« Et bien pour des tunnels déserts, c’est plutôt fréquenté. Je suis ravie d’apprendre qu’en plus d’une carte mangée aux mites, j’ai également eut des informations périmées. Si c’est toi le maître dans ce trou de rat, rassure-toi : je ne suis que de passage. Milles excuses si j’ai troublé ton commerce. Ou ton repos. »

Eli exécuta un simulacre de révérence, narquoise. Ce corniaud s’était quand même permit d’insinuer que les bonnes femmes étaient des incapables et l’apothicaire se sentait concernée dès qu’on remettait en question de près ou de loin la capacité de la gente féminine à se charger d’autre chose que du ménage et des chiards. Elle qui tenait toute seule un commerce spécialisé, elle qui savait lire et écrire dans tout ce ramassis de grouillots incapable de signer une facture par leur prénom. C’était sans doute de la fierté mal placée, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher.
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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyDim 9 Oct 2016 - 22:03
L’inconnue, avant même qu'elle ne l’eût vu arriver, s’était postée dans une position défense, l’arme à la main, prête à vendre chèrement sa vie dans l’hypothèse d’une mauvaise rencontre. Marwen n’avait pas hésité à user de mimétisme sur la prétendue milicienne, mais pour de tout autres raisons. Cela l’agaçait au plus haut point que de tomber nez à nez sur ces personnes totalement perdues qui demandaient, alors, leur chemin. S’ils devaient tous deux y passer, ce ne serait aucunement la première fois que l’Esbigneur devrait se battre dans ces tunnels, car l’homme n’était d’aucune façon altruiste, et que l’on eût découvert l’un de ses petits secrets l’exécrait fortement. Par ailleurs, il considérait que tout être humain ainsi égaré dans les divers embranchements de ce réseau avait délibérément cherché la merde en voulant y poursuivre son itinéraire. Quoi de plus con, véritablement, que de ne prendre aucune précaution et s’engager dans la première artère qui passait à votre portée, sans même la connaître ? Car pour se paumer de la sorte, il fallait définitivement forcer, aller toujours plus loin vers l’inconnu jusqu’à oublier sa position, jusqu’à oublier un simple prendre à droite puis à gauche qui vous aurait assurément reconduit vers la sortie. Et ç’avait été pire dès lors lorsqu’il avait aperçu ces afféteries militaires dont s’affublait d’ordinaire la milice. Certes, elle eût très bien pu récupérer cela sur un cadavre encore chaud, mais la conjecture qu’elle appartînt franchement à ce corps armé demeurait tout aussi probable. Et Marwen n’était pas de ceux qui tendent aveuglément la main à autrui, non, pas plus qu’il ne ressentait des pensées altruistes. Entre la mort d’un innocent et l’établissement d’un plan de ce réseau, il préférait encore opter pour la première solution.

Toutefois, alors qu’il avait exprimé le fond de sa réflexion et qu’il était sur le point de mettre ses menaces à exécution, le comportement de sa vis-à-vis lui fit revisiter son jugement. Elle occulta toutes les envies belliqueuses du contrebandier pour ranger son arme à sa ceinture, avant d’ouvrir les pans de sa cape, montrant ostensiblement qu’elle ne possédait rien d’autre et que, apparemment, elle ne cherchait pas non plus à le fourvoyer. Il la crut instantanément ; lui-même adoptait parfois un tel comportement, assuré et presque nonchalant, et cela tout en ignorant totalement la menace que pouvait représenter l’opposition, pour démontrer qu’il ne nourrissait aucune velléité agressive.

« Je vois », fit-il le plus simplement du monde en rangeant à son tour son arme et en balançant de nouveau son sac par-dessus l’épaule. Il étudia son visage, désormais révélé par le capuchon qu’elle avait rabattu. Non, définitivement, il ne connaissait pas ce visage aussi sérieux que volontaire qui tâchait d’imprimer une expression de confiance sur ses traits alors même que son âme n’en menait pas forcément large. Et elle n’avait aucunement la tronche de l’emploi, pour errer ainsi dans ces boyaux oubliés.

« Toutefois, je parle sur le ton qui me plaît. Entre la milice et la fange, je préfère encore ces premiers, et toi, manque de bol, t’es plutôt du côté des seconds, tu vois, l'informa-t-il quiètement tout en désignant du menton le trou d’obscurité qui se prolongeait derrière la jeune femme. T’as des égouts pas loin. »

Mais là voilà qui se lança dans quelques piques ironiques, dans une gestuelle sardonique, dans une attitude qui semblait ne pas avoir d’autre visée que de le provoquer. La regardant fixement après sa petite révérence, il acquiesça du chef, occultant tout le sarcasme que pour uniquement saisir la connotation première de cette inclinaison ; le respect attribué à son supérieur.

« Je suis moi aussi ravi de découvrir une femme qui aura enfin compris où se trouvait sa place ; avec les temps qui courent, cela est si rare. Oui, tu peux m’estimer comme le maître de céans, d’une certaine façon. Sache toutefois qu’une simple révérence ne te tirera pas d’affaire. Qui t’a refilé la carte miteuse dont tu parles, et pour quelle raison cherches-tu donc à te planquer ainsi ? Rien de très légal, je gage. Alors, quoi ? »
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Elisabeth GardefeuApothicaire
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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyDim 9 Oct 2016 - 22:49
Ce sagouin ne voulait pas baisser son arme et ne semblait pas non plus prêt à la laisser passer. Parfait ! En plus d’être moins stupide que la moyenne, ce qui présentement n’arrangeait pas du tout la donzelle, il était plus méfiant que la plupart des soudards. Décidément, elle avait le chic pour se dégoter des spécimens croustillants dans les pires occasions… Peut-être était-ce une façon pour Rikni de la tester dans sa volonté de faire fructifier son commerce par le biais d’opérations douteuses ? Ou une punition gentillette de Sérus pour tarder à se marier et avoir des enfants ? Dans tous les cas, sa malchance chronique prenait de plus en plus des allures de malédiction divine.
Son sourire se crispa un peu et bien que rien d’autre dans son attitude ne le laisse paraitre, son agacement venait d’enfler dangereusement. Non content de lui barrer le chemin et de la menacer, il se gaussait d’elle. Vraiment, quel homme merveilleux. Elle s’imaginait très bien en train de lui inoculer un venin particulièrement douloureux qui le transformerait en cloque suppurante sur pieds.

L’évocation des fangeux fit tout de même courir un frisson désagréable le long de sa nuque et elle jeta un rapide coup d’œil par-dessus son épaule. Il n’y avait rien de mal à avoir peur des fangeux. D’ailleurs, il était devenu commun à Marbrume de dire que les fiers-à-bras qui riaient du Fléau comme on se rit d’une tempête pour se faire mousser devant les dames, ne faisaient pas long feu. Redouter les fangeux, c’était faire preuve de jugeote et la belle n’était pas assez écervelée pour faire la maline à ce propos. Cependant, comme aucun bruit redoutable ne venait de par derrière, elle reconcentra son attention sur le vaurien qui se trouvait entre elle et la sortie.
Voilà qu’il se mettait à être curieux, le bougre ! Maudit soit-il d’avoir voulu faire une promenade nocturne, il n’aurait pas pu attendre le lendemain, non ? Mécontente de se faire interroger de la sorte, Eli se redressa de toute sa petite taille, les épaules bien droites et le menton relevé dans une expression insolente de défi.

« Et c’est le roi de la taupinière qui va me faire la morale sur la légalité de mes activités ? Parle donc plutôt de ce qu’il y a dans ce sac, je suis sûr que c’est très intéressant. Il y a fort à parier que la venue de la milice t’arrange aussi peu que moi. D’ailleurs… »

Un sourire espiègle éclaira le visage de l’apothicaire alors qu’elle venait de réaliser à quel point la venue des forces de l’ordre pouvait lui être favorable. Elle entortilla une longue mèche noire de ses cheveux autour de son doigt dans un geste faussement innocent.

« Je devrais plutôt faire en sorte qu’elle accoure à mon secours , en fait. Non seulement elle pourrait me faire sortir d’ici, mais en plus elle pourrait se targuer d’avoir arrêté un malfrat qui a enlevé une pauvre jeune fille innocente ! »

Elle haussa les sourcils. S’il n’était pas trop stupide, il l’avait parfaitement comprise : entre lui et sa gueule de brigand et elle avec ses grands yeux de biches, qui la milice allait-elle croire ? Qui pourrait mettre en doute les paroles d’une jeune fille sans défenses, au visage baigné de larmes, quand elle accuse le soudard à l’épée de l’avoir forcé à entrer dans ces tunnels sombre où elle n’a visiblement pas sa place.
Pour faire bonne mesure, Eli ajouta d’un air nonchalant :

« Mais tu as parfaitement raison, ta Majesté des souterrains : si tu veux hurler, fais-le autant que tu le souhaite. Après tout, si la milice n’arrive pas en premier, les fangeux le feront. Tu l’as dit toi-même. Et je suis persuadée que tu cours beaucoup, beaucoup plus vite qu’une horde de fangeux. Surtout dans le noir… »

Bien, les choses étaient posées : il l’avait menacé en rappelant qu’il était dans son élément et qu’il avait une arme, elle lui avait fait sentir qu’elle n’était pas née de la dernière pluie et que la situation pouvait soit se retourner à son avantage, soit tourner au drame pour tout le monde. Les présentations étant terminées, la jeune femme sortit un morceau de parchemin d’une escarcelle en cuir et avança d’un pas tranquille jusqu’à son interlocuteur pour piquer le gribouillis sur la pointe de son épée. On y distinguait une ligne tordue qui semblait indiquer quel embranchement prendre et laissant tout le reste des tunnels à l’imagination. Des notes griffonnées d’une main habile et visiblement différente de celle du dessinateur figurait dans les coins.

« Tiens, en gage de bonne volonté je te donne cette si précieuse et si précise carte de ta taupinière. Nul doute qu’elle te sera plus utile qu’à moi. Concernant mes affaires, elles ne te regardent pas. Cependant, permet-moi de te rectifier humblement, génie des profondeurs puantes : je ne cherche pas à me cacher. Je cherche à sortir. À présent, si tu permets, je voudrais reprendre mon chemin et te laisser vaquer à… Et bien à ce que tu étais en train de faire avec ton sac de ferraille. »

Sans quitter des yeux le visage coupé à la serpe qu’elle pouvait voir de plus près, elle posa son index libre sur le plat de la lame pour l’écarter. C’était probablement une mauvaise habitude, mais elle préférait l’effronterie à la soumission craintive. Ce type n’était pas rassurant mais il y avait quelque chose chez lui qui faisait écho au caractère de l’apothicaire et encourageait cette dernière à tirer sur la corde.
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Marwen l'EsbigneurContrebandier
Marwen l'Esbigneur



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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyLun 10 Oct 2016 - 1:57
L’évocation de la fange pouvant éventuellement rôder non loin d’eux, en la présence des égouts mitoyens de ces tunnels, ne manqua pas de faire naître le doute sur le visage si confiant de la jeune femme. Marwen le comprenait tout à fait, et ne s’étonna aucunement de la voir rapidement pivoter la tête derrière elle, jetant un coup d’œil par-dessus son épaule. Nul doute qu’elle redoutait de voir apparaître dans les ombres l’objet de ses peurs les plus enfouies. Mais elle vint rapidement darder de nouveau ses pupilles smaragdines dans sa direction après s’être aperçue que, sensiblement, rien ne viendrait pour le moment les déranger, et ses pupilles semblèrent presque se plisser. Doutait-elle vraiment de la véracité de ses dires ? Pensait-elle vraiment qu’il n’avait cherché qu’à lui faire peur, à la tirer à bas de son piédestal en la contraignant à lui avouer sa peur d’un regard mal avisé ? Il était fort possible à ce qu’elle en vienne à déchanter plus ou moins rapidement.

Soudainement agacée, la voilà qui se rebiffa, répondant à ses interrogations par d’autres questions jumelles aux siennes. Bien entendu que le commerce de l’Esbigneur n’avait rien de légal, cela, il ne le cachait nullement. Elle se mettait le doigt dans l’œil sur de bien nombreux points, aussi était-il temps d’éclaircir les choses.

« Je sais que l’on puisse comprendre que j’ai la tronche de l’emploi, pour les trucs pas nets. Mais t’as vu la tienne ? Si fait, ma curiosité s’en trouve exacerbée. Ce n’est aucunement parce que j’affirme que ton commerce n’est pas légal que je me protège du fait que le mien ne le soit pas. Bien évidemment que je verse dans l’illégalité. Dans ce sac, il y a des morceaux de ferrailles récupérés çà et là sur de vieux bâtiments. Ça peut valoir un certain prix une fois fondu. D’autres questions ? »

Il s’en foutait complètement de lui révéler ou non ses petites activités, et pour cause. Elle ne serait aucunement capable de les répéter à qui que ce fût, chose que ne semblait pas forcément comprendre la nouvelle-venue. Emplie d’une morgue soudaine, la voilà qui monta sur ses grands chevaux, le menaçant brusquement d’une potentielle descente de la milice ici-bas, ce qui, selon elle, le mettrait dans de beaux draps. Et elle eut en sus de cela l’outrecuidance de se dresser bien droite, de se rengorger, et de hausser un sourcil satisfait, comme pour juger du petit effet que son présage avait provoqué chez lui.

En vérité, oui, elle obtint finalement une réaction, car Marwen, bien que décidé à ne rien laisser paraître, flancha subitement. Mais ce ne fut pas l’effroi qui le submergea, ni même le doute, non, ce fut l’incrédulité, la stupeur d’une telle naïveté. Effectivement, il cligna des paupières, la dévisageant sous un nouvel angle, comme s’il ne s’agissait plus de la même personne à laquelle il était actuellement confronté. Il se mordit la langue, affecta une expression d’intense réflexion, baissant soudainement le regard en direction des bottes de la jeune femme, comme si la logique même de ce qu’elle venait de lui asséner ne parvenait pas à l’atteindre. Mais c’était somme évident ; la menace de cette gamine n’avait aucun poids. Distraitement, il dégaina de nouveau son ensis, et en jouant nonchalamment devant elle.

« Mmh… La connerie, c’est génétique, chez toi ? Ouais, effectivement, je veux bien comprendre que l’arrivée de la milice pourrait être casse-couilles, tout à fait. Mais pardonne-moi une nouvelle fois ma curiosité… Tu comptes la faire venir comment, céans même ? »

Il avait fermé un œil, écarquillant l’autre, couturé, tout en le plissant du même mouvement, de l’expression de celui qui a du mal à comprendre les tenants et aboutissants de son vis-à-vis. Dans le même temps, il avait effectué un pas, puis un nouveau, dans la direction de la jeune femme, écartant bien les oreilles dans l’espoir, peut-être, que cela donne un sens plus éclairé aux éventuelles inepties qu’elle pourrait encore proférer.

« Parce que, à cinq toises sous le sol, excuse ma possible impéritie en la matière, mais je doute fortement que ta voix puisse percer la terre. Ou alors… Oh, je sais ! Peut-être comptes-tu les alerter toi-même de mon activité ? Mais je t’en prie, fais donc. Mais n’es-tu pas déjà perdue, juste par hasard ? Il me semble bien que si. Allez, je suis bon joueur, un petit conseil ; tu auras plus vite fait d’emprunter le chemin par lequel je viens. Sauf que, ouais, pas sûr que je te laisse aussi librement passer, tu vois. En fait, je pourrai bien te trucider sur place, et j’en ressens bien l’envie. T’en as d’autres, des comme ça ? »

Il ne releva même pas la menace fangeuse, tout certain qu’il était qu’elle serait la première à être sur leur passage, vu la topographie du terrain. Il serait si simple de la jeter tout droit sur eux, de la faire trébucher ou de lui bousiller un genou pour qu’il la rattrape et la mette en charpie. D’ici là, il aurait assurément bien le temps de pouvoir s’esbigner de ce guet-apens.
Là, seulement maintenant, l’on pouvait dire que les choses étaient claires, et il y avait de fortes chances pour que sa vis-à-vis eût véritablement pris conscience de sa propre situation. D’ailleurs, elle fit le montra bien, peut-être volontaire, peut-être résignée, en sortant la carte dont elle avait parlé pour l’empaler sur la pointe de l’épée que tenait toujours Marwen.

Mais celui-ci s’en était à peine saisi pour y jeter un coup d’œil, après avoir déposé son sac, que la voilà qui faisait de nouveau insistance, trop désireuse de forcer le passage. Y allant au culot, elle avait posé un doigt sur la lame comme pour l’obvier de sa route. Ni une ni deux, Marwen ne réfléchit pas ; d’un brusque et ferme revers de la main, il vint la souffler bien copieusement au niveau de la joue.

« Tu permets, ouais ? » balança-t-il sans même décoller, ou presque, les yeux de la carte. Et plus décidé que jamais, il se campa, à son tour, bien droit dans le chemin menant vers la sortie, étudiant le plan. Somme toute basique, il s’agissait ni plus ni moins d’un tracé à la craie, qui, de bas en haut, révélait de manière plus ou moins évidente un tronçon de ce réseau. Il fronça les sourcils ; il pouvait comprendre qu’elle se fût perdue.

« Ouais, c’est plutôt sibyllin pour le néophyte, ça. Si t’es jamais venue par-là, m’étonne pas que tu te sois plantée. Mais… Qu’est-ce que tu irais foutre à l’Esplanade ? »

Car c’était précisément de cela qu’il s’agissait ; un plan menant tout droit dans le quartier noble, pour qui savait le lire. Il pouvait bien imaginer le tracé qui traversait la Rue des Hytres dans le Bourg-Levant avant d’osciller du côté du quartier du Temple que pour mieux, enfin, franchir cette grande ligne noirâtre qui, indubitablement, n’était pas autre que le Mur Intérieur. Une foultitude de questions tournoyaient dans l’esprit de Marwen, plus encore qu’au moment où il l’avait rencontrée. Si elle se frayait aux nobles… Il y avait possiblement un bon petit paquet à se faire. Non, là, il faudrait qu’elle s’explique pour de bon, et le regard qu’il lui lança alors, en se mettant plus que jamais en travers de son chemin, s’avérait des plus éloquents.
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Elisabeth GardefeuApothicaire
Elisabeth Gardefeu



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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyLun 10 Oct 2016 - 14:10
Face à cet étalage de faciès moqueur ou exagérément stupide qui lui faisait remarquer toute l’improbabilité de son raisonnement, Elisabeth n’avait eu qu’une seule pensée :

*Abruti…*

Des imbéciles de bas étage, elle en connaissait plus d’un et s’il était un peu fastidieux de converser avec eux, en général il suffisait de quelques arguments choc pour les convaincre et que la logique aille se faire pendre. Ensuite il y avait les empêcheurs de tourner en rond, un poil plus malin et pour qui les mensonges devaient être plus élaborés. Et pour finir, ils n’étaient pas légion, mais il y avait les petits futés avec qui elle ne pouvait pas s’en tirer si facilement et où il fallait jouer plus serré. A son grand damne, celui-là était de cette rare sous-espèce de brigand à ne pas avoir été bercé trop près du mur et dont la cervelle fonctionnait correctement. Ils jouaient à égalité, si on oubliait qu’elle était perdue dans un endroit inconnu, coupée de tout renfort possible et menacée par une épée.
Comme si ce n’était pas suffisant, l’autre lui rappela qu’il n’aurait de toute façon pas eu besoin de son arme puisqu’il pouvait l’écarter d’une simple gifle.

Elisabeth, malgré sa constitution de crevette, avait déjà mangé des soufflets plus copieux que celui-ci et n’était pas vraiment du genre à chouiner. Elle recula sous l’impact, surprise et un peu honteuse de se voir traiter comme une enfant, mais nullement plus apeurée qu’elle ne l’était un instant auparavant. En revanche, une étincelle de colère s’était allumée dans le fond de son regard. Ça, il allait le lui payer. Et comme la demoiselle n’était pas toujours du genre patiente, elle n’attendrait pas le déluge pour prendre sa revanche.
En reculant sous l’impact, les pans de sa cape étaient retombés autour d’elle, floutant les contours de sa silhouette et dérobant au regard les escarcelles à sa ceinture. Si d’une main elle se tint la joue comme l’aurait fait n’importe qui dans cette situation, l’autre avait cependant plongé immédiatement dans une des petites sacoches pour se refermer sur une poignée de poudre dont la consistance n’était pas sans rappeler la farine. À peine l’autre avait-il levé le nez du parchemin pour l’inciter à répondre par un regard sévère qu’elle lui jeta sa préparation au visage dans un geste ample et travaillé. Un nuage rougeâtre se forma dans la lumière de la torche, s’éparpillant avec légèreté autour du contrebandier. Ce mélange était une préparation spéciale dont l’apothicaire se réservait l’usage exclusif et qu’elle avait mis au point sur son temps libre. Les épices et les plantes broyés finement et savamment dosées donnaient un mélange atrocement irritant pour les muqueuses. Le nez et la gorge semblaient s’enflammer à la moindre inhalation et s’il y en avait dans les yeux, c’était pire encore. Si la poudre était tout à fait bénigne, elle n’en restait pas moins particulièrement douloureuse.

Profitant de l’effet de surprise, Liz se précipita en avant, contre le mur que représentait son si aimable compagnon et le percuta de toutes ses forces. Entre ses doigts, elle tenait fermement la longue aiguille qu’elle cachait toujours sur elle et la planta sans hésiter dans la première faille qu’elle put trouver, retenant son souffle pour ne pas subir les effets de sa propre attaque. La pointe perça le tissu sans encombre et entra dans la chair facilement avant de ressortir presque aussi vite alors que l’apothicaire reculait vivement de deux ou trois pas. N’étant pas certaine d’avoir la force nécessaire dans le bras, elle avait préféré profiter de son élan pour parvenir à ses fins. Les yeux un peu irrités par les retombées de la poudre mais la gorge préservée, elle conserva dans une main son arme de prédilection et attendit que l’autre réalise plus ou moins ce qui s’était passé. Le venin était entré dans le creux de l’épaule, entre deux muscles. C’était presque un miracle qu’elle soit parvenu à si bien viser. Les effets ne mettraient pas longtemps à se faire ressentir.
Un peu essoufflée par sa propre témérité et le cœur battant à tout rompre, la jeune femme se tenait sur la défensive, prête à s’enfuir dans le couloir qui menait soi-disant aux égouts.

« Là, maintenant on peut parler. »

Elle connaissait bien les effets de la toxine qu’elle venait de lui injecter. La substance était prélevée sur une variété de crapaud très spécifique dont elle avait étudié les applications avec une fascination croissante. Bientôt le ridicule petit trou qu’elle avait percé dans la chair de son agresseur allait produire une sensation de brûlure désagréable et toute la zone autour se mettrait à enfler. Puis il aurait des fourmis dans le bras avant de sentir ses muscles se tétaniser jusqu’à perdre l’usage de son membre. Et le plus beau, c’était qu’il s’agissait du bras qui tenait l’épée. Dans sa déveine, Eli avait sans doute apitoyé la bonne divinité et s’était vu offrir cette opportunité.

« Désolée, c’est de famille : on a un peu de mal à s’exprimer librement sous la menace d’une lame. »

L’empoisonneuse se redressa un peu pour mieux inspirer et remit correctement son manteau d’un mouvement d’épaule. Elle scrutait les réactions de son vis-à-vis avec une extrême attention, débarrassée de tout sourire feint.

« Maintenant que j’ai toute ton attention et que je sais que tu es moins débile que la plupart de tes congénères, ouvre bien tes esgourdes : je vais livrer une commande précieuse à un client qui n’aime pas qu’on se mêle de ses affaires. Il s’agit d’une des fioles que j’ai sur moi… Une de celles qui ne contient pas du poison, bien sûr. Et comme je n’ai pas toute la nuit, j’aimerais arriver là-bas au plus vite. Si je ne peux pas le faire par ton concours, ai au moins la politesse de ne pas être un obstacle. »

Il n’était pas utile de préciser le contenu de la fiole, ni de dire de laquelle il s’agissait. De toute façon, seul un initié pouvait savoir quel mélange n’était pas toxique parmi tout ce que transportait l’alchimiste et seule cette dernière connaissait les termes du contrat qui lui permettrait d’obtenir son salaire. Mais dans le doute, elle préférait ne donner aucune raison supplémentaire à ce ferrailleur nocturne de penser qu’il pouvait la doubler sur son propre contrat.

« Alors ? Est-ce que je dois me débarrasser de toi en faisant exploser ton cœur ou est-ce que tu peux m’être d’une quelconque utilité ? Je suis une bonne âme, je te laisse une nouvelle chance. »

S’il y avait une pointe de sarcasme dans sa voix, son expression mortellement sérieuse donnait une idée de la probabilité selon laquelle elle put avoir sur elle de quoi faire effectivement exploser le cœur de quelqu’un.
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Marwen l'EsbigneurContrebandier
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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyLun 10 Oct 2016 - 16:34
L’Esbigneur était toujours en train de contempler la carte que lui avait tendue la jeune femme lorsque, soudainement, le rapport de force s’inversa brusquement. Après la rapide baffe qu’il lui avait administrée, davantage pour faire bonne mesure que pour véritablement la mettre au tapis, Marwen avait relâché son attention ; la surprise tributaire de la torgnole avait fait perdre pied à la jeune femme l’espace de quelques secondes, et elle s’était tenue là, immobile, ne sachant que faire. Mais il semblait qu’elle avait promptement retrouvé ses esprits. Elle eut un ample mais rapidement mouvement de la main, qui dispersa dans l’air une myriade de petits grains de poussière, lesquels formèrent aussitôt une atmosphère plus dense et étrangement rougeâtre autour de la silhouette du contrebandier.

De manière évidente, il ne put que deviner là qu’il s’agissait d’une poudre dont la visée première n’était pas de le chatouiller, et il eut un mouvement de recul tout en relevant précipitamment le regard et sur ce nuage, et sur la femme qui en était à l’origine. Mais le mal était fait ; rapidement, bien trop rapidement, il sentit sa gorge s’étrangler, et il en fut de même pour l’intérieur de son nez. C’était comme ce foutu poivre qui vous restait coincé tout au bout de la langue et qu’il semblait être impossible à retenir, que ce fût par la toux ou par la déglutition. Et là, bien malgré lui, Marwen se mit justement à avaler de l’air que pour mieux la recracher par la suite. Des larmes coulèrent le long de son visage sans même qu’il ne ressentît la moindre peine de cœur, et il tâcha de les occulter bien piètrement à l’aide de la manche de son bras gauche. La torche fit de grandes embardées alors qu’il se pliait en deux, toussant toujours autant, crachant ses poumons, sans jamais pouvoir altérer son état. Cette situation puait la merde, il le savait, mais, se faisant violence, il parvint néanmoins à conserver les yeux juste assez ouverts, au travers des larmes qui lui brouillaient la vue, pour deviner où se situait encore son opposante.

Il l’imagina davantage qu’il ne la vit se jeter sur lui, dans une étreinte bien plus enragée qu’elle n’était passionnée. Marwen l’attendait, ce mouvement ; il ne s’agissait ni plus ni moins de la suite logique de ce qui venait déjà de se dérouler. Mais les crampes à l’abdomen aussi bien que les toux répétées l’empêchèrent d’obvier l'attaque. Décidé à vendre chèrement sa vie, il ne put que se saisir de la bonne femme pour lui donner un coup de coude sous le menton avant de la balancer contre le mur d’en face, dans un geste plus instinctif que véritablement médité. Lui-même s’appuyant pathétiquement contre la parroi de pierre froide, hésitant qu’il était à faire confiance à ses jambes, il souffla, cracha au sol, essuyant de ses lèvres la salive qu’il avait expulsée en rejetant de tout son être sa vis-à-vis. Un petit moment passa, dans l’expectative d’une nouvelle attaque, d’une parole, d’une résolution de la situation. Il n’avait que trop en tête, toujours, la sensation délicieuse de son coude heurtant celle qu’il avait prise pour une milicienne, le contact d’un pan de sa veste dans sa main, alors qu’il l’agrippait, que pour mieux la balancer par la suite, et la chaleur de sa torche qui avait caressé son visage. Mais surtout, éternellement, ce feu intérieur qui lui rongeait l’œsophage. Dans cette tourmente où ils s’étaient tous deux écharpés, il n’avait aucunement pris garde à la doucereuse piqûre qui lui avait perforé la peau. Mais ses effets s’en firent nonobstant sentir.

D’abord, il y eut un nouveau réchauffement, profond, au sein de son épaule, puis cela se traduisit par une démangeaison désagréable, mais supportable. Il mira l’inconnue.

« Qu’est-ce que t’as encore foutu, sorcière de merde ? »

Rapidement, l’incommodité se propagea dans tout son bras, qui fut parcouru de mauvais frissons et de petits tremblements. Il tenta bien de les apaiser en remuant son membre, mais celui-ci semblait rechigner à la simple idée de se mouvoir. L’avait-elle empoisonné ? Assurément, mais il se demandait bien quel était le venin employé. Le bras toujours engourdi, menaçant de devenir glacial, il médita sur cette étrange maladie qui vous contractait tous les muscles, si intensément qu’ils finissaient par éclater de leur propre torsion. Il n’était pas décidé à mourir seul. Lâchant la torche qu’il tenait toujours de sa main gauche, il usa de sa senestre pour récupérer sa lame. Il était de manière évidente bien moins doué de la gauche que de la droite, mais sur un malentendu, sur une taillade lancée à l’improvisade, cela pouvait faire l’affaire.

Toutefois, le discours qu’elle lui tint alors lui mit la puce à l’oreille ; non, elle ne l’avait pas empoisonné jusqu’à la mort, sans quoi ne tiendrait-elle pas pareille explication. Les effets de la poudre s’estompant enfin, il put l’écouter sans faillir. La sorcière devait livrer une commande précieuse à un client qui n’appréciait pas à ce que l’on se mêle de ses petites entreprises. Vu la destination, l’Esplanade, voilà qui n’était guère étonnant. Et bien entendu, tout cela ne put être raconté sans rajouter une petite dose de menace. Ils étaient revenus à un statut quo.

« Maintenant que j’ai une plus petite idée de ce que sont tes artifices, laisse-moi te dire que tu ne m’auras plus au dépourvu, sorcière. Aussi, si ce ne sont tes philtres d’amour à la con, tu ne me prendras pas le cœur. Et ne te fourvoie pas ; de ma senestre, je suis certes bien moins gauche -arharharh- mais je ne doute pas que ça sera assez pour te pourfendre définitivement. »

La respiration encore sifflante que d’avoir trop longtemps été privé d’air, il la considéra d’un regard appuyé, le bras droit ballant, mais son jumeau toujours aussi menaçant de son ensis. Puis, en dépit de tout ce qu’il venait de se passer, il ne put réprimer mince mais non moins torve sourire, avant de brusquement s’asseoir au sol.

« Je puis te conduire là où tu le souhaites plus rapidement que quiconque et, surtout, sans risquer de te faire arrêter par la garde, commença-t-il le plus tranquillement du monde, adossé contre le mur. Mais pour cela, connasse, il te faudra m’obéir pour de bon. Je connais les dangers qui rôdent au-delà, alors j’y tiens, c’est une question de survie pour toi comme pour moi. Mais tu t’en doutes, je ne ferai pas cela gratuitement. Un marché à passer ? »

Le regard levé vers elle, tout assis qu’il demeurait toujours, il attendit sa réponse, un brin amusé. Puis, se rendant compte de son bras récalcitrant, il rabattit une jambe contre lui, laissant l’autre allongée, et posa son membre mort sur le genou élevé.

« Combien de temps encore, avant la fin de ta merde ? fit-il en désignant le bras en question. Je ne prendrai pas le risque de m’aventurer dans ces boyaux sans lui. »
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Elisabeth GardefeuApothicaire
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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyLun 10 Oct 2016 - 17:32
Elle s’était attendu à devoir se défendre bec et ongle, ou pire, s’enfuir en courant vers les fangeux pour laisser la brutasse dans le noir. Après tout, il pouvait bien balancer des coups d’épée dans tous les sens, s’il ne pouvait pas tenir sa torche en même temps ça ne le mènerait pas loin. Mais au lieu de cela, il rendit les armes et se laissa choir au sol, les yeux rouges, la voix rauque d’avoir toussé et le rostre barbouillé de divers fluides. Sans parler de son bras ballant qui donnait une allure plutôt ridicule au personnage. Pourtant il semblait s’en accommoder à sa façon.
Acceptant cette courte trêve, Elisabeth s’adossa au mur d’en face et en profita pour porter une main à son cou où elle avait pris un mauvais coup. On verrait fleurir un joli bleu dans quelques heures et elle pariait sur des douleurs à la déglutition pour les jours à venir. Ils en seraient quittes tous les deux pour repenser à cette rencontre en avalant douloureusement leur soupe jusqu’à la fin de la semaine. Son épaule aussi lui faisait mal, il l’avait bazardé comme un sac de sable contre un mur et comme elle ne pesait pas plus lourd qu’un moineau en sous-nutrition, elle n’avait pas opposé beaucoup de résistance avant de percuter la pierre. Mais c’était bien assez de montrer qu’elle avait mal à un endroit.

Comme attendu, c’était l’argent qui motivait l’animal. L’apothicaire aurait été mal placée pour lui faire la morale sur ce point, mais comme leur vice était commun elle ne se réjouissait pas de partager le fruit de son labeur. Après tout, c’était elle qui avait passé le contrat, trouvé les ingrédients et préparé la mixture ! En plus de devoir venir se perdre sous terre pour se prendre une rouste par un total inconnu. Alors si par-dessus le marché elle devait diviser par deux ses bénéfices…
Elle réfléchit un instant, ignorant volontairement la question sur le venin.

« J’adorerai faire confiance à un merdeux comme toi, mais il y a certains détails piquants qui me refroidissent pas mal. »

Ses prunelles en amande se posèrent sur l’épée un bref instant. Elle n’appréciait pas vraiment d’être prise pour cible d’une menace à main armée. La première condition tacite était de ranger ce cure-dent peu amical.

« Pour commencer, tu vas ravaler ton venin parce que le mien est beaucoup plus efficace. Les mots doux de la part d’un inconnu, à la longue c’est très mauvais pour la concentration. Or j’ai besoin d’être concentrée pour être obéissante. Certainement la faute à une tare génétique dont tu as parlé tout à l’heure. »

Elle esquissa un sourire en coin mesquin tout en se massant le cou. Cet enfant de putain n’y avait pas été du dos de la cuillère et elle trouvait sa vengeance beaucoup trop douce en comparaison de ce qu’il lui avait envoyé dans la figure. Sans parler du fait qu’elle devrait se couvrir la gorge pour ne pas exposer la moindre trace de lutte qui pourrait être mal interprétée. Se préoccupant à nouveau de son interlocuteur, elle lui demanda de but en blanc d’essayer d’écarter les doigts ou de serrer le poing pour évaluer les dégâts.
Liz ne dissimula pas sa surprise en apprenant qu’il n’avait aucune difficulté particulière à respirer tandis que son bras semblait totalement hors d’usage, de l’épaule jusqu’au bout des doigts. L’intérêt médical passa avant les considérations plus terre à terre et elle se retint tout juste de l’examiner elle-même, préférant s’en tenir à de rapides hypothèses mentales.

« Vu ton état, je te conseille de t’exercer à l’ambidextrie pour te palucher car tu ne retrouveras une souplesse du poignet que dans deux ou trois jours. À moins que je ne dépense un peu de temps et d’énergie pour t’éviter cela… »

De nouveau, elle parut réfléchir, mais ne perdit pas trop de temps et se décida bien vite. Quittant le mur contre lequel elle s’était adossée, elle s’approcha d’un pas et posa un genou à terre pour se retrouver à la hauteur du brigand et le regarder dans les yeux.

« Un tiers de mes gains de ce soir, plus les soins nécessaires pour te faire retrouver ton bras dans l’heure. Sans compter ma parole d’obéir à tes instructions si cela peut nous garder en vie et loin des cachots. »

Elle n’avait pas de meilleure offre à faire et ne comptait pas non plus se plier en quatre pour lui. Ce qu’elle proposait était plutôt raisonnable si on comptait dans le prix total celui des substances à utiliser pour soigner le venin. Tout devenait cher à Marbrume, les produits d’apothicaire encore plus. Méfiante comme un chat, elle offrit sa main gauche pour sceller l’accord. Elle aurait bien tendu la droite, si l’autre partie en présence avait pu utiliser la sienne.
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Marwen l'EsbigneurContrebandier
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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyLun 10 Oct 2016 - 19:39
Se raclant la gorge une fois de plus afin d’éliminer les derniers vestiges de la poudre, Marwen, en attendant la réponse de la sorcière, zieuta son épaule. C’était assurément l’épicentre de son incommodité ; tirant fortement sur le col de sa tunique, affichant une drôle de trogne en se tordant le cou pour observer sa peau, il remarqua une petite piqûre qui saignait encore un peu. Les lèvres gonflées de l’infime lésion se coloraient d’un rouge cramoisi qui en disait long sur la virulence du produit utilisé, et il se demandait si le venin avait ou non fini de se propager. Allait-il en rester là, avec son bras ballant, ou son cou n’allait pas tarder à subir la même chose ? Pour les fonctions respiratoires, c’eût pu être des plus fâcheux. Son petit sourire amusé le quitta l’’espace de quelque temps pour laissa la place à une fugace grimace.

L’autre réfléchissait toujours aux paroles que lui avait adressées Marwen, puis elle prit enfin un semblant de décision. Davantage qu’un premier accord, ce furent surtout des remontrances qu’elle lui balança, ce dont se gaussa définitivement le contrebandier, lui faisant oublier son indisposition.

« Mon cul, ouais. Des piqûres, un venin lénifiant, commença-t-il en désignant son bras mort. Plus qu’une tare génétique, t’es plutôt dans le genre moustique que serpent ou autre araignée à la con, à ce que j’ai compris, hein ? Très ennuyante, mais facile à claquer. »

Ce disant, il ne put s’empêcher de lui dédier son plus grand sourire narquois, et ses yeux luirent d’autant plus d’une nitescence hautement sarcastique qu’ils étaient encore légèrement embués. Toutefois, étant donné la position assise dans laquelle il se trouvait et son impéritie à se servir de sa main droite, renfourner son ensis s’avérait une tâche impossible à réaliser. Ne sachant que faire quant à ce sujet, car il avait bien vu que l’arme préoccupait la sorcière, il décida de la remettre à sa droite, sous son bras qui ne répondait plus. Difficile de mieux faire, en de telles circonstances. Le nez encore irrité, il éternua, non sans jurer par la suite, avant de se soumettre à l’examen primaire de la sorcière. Remuer le bras ou serrer les doigts ? Que dalle.

« T’es bien gentille, mais tu crois que j’essaie de faire quoi, depuis tout à l’heure ? C’est pas fou-fou, tout ça, hein. »

Voyant l’expression presque soucieuse de la jeune femme, laquelle fixait son bras avec attention, il se dit que les choses allaient peut-être plus mal que prévu, ce qui l’énerva franchement. Elle n’avait pas vraiment l’air au fait de ses propres artifices, de ce dont ils pouvaient être capables comme de la durée de leurs effets. Il se retint tout juste de la traiter de sorcière de pacotille et de se fendre d’une remarque insinuant que la bonne femme qu’elle était s’avérait tant à chier que cela qu’elle parvenait même à trahir sa nature féminine en foirant sa popote. Au lieu de quoi, il se fit violence, leva les yeux au ciel, et toussa quelque peu, expirant des restes de poudre. Il écouta d’une oreille distraite sa prochaine pique.

« Merci bien pour ta sollicitude, mais t’en fais pas, il y en a toujours une ou deux pour se hâter de s’occuper de moi, n’en déplaise à ton ego de femme. »

Cela dit, l’approche suivante ne manqua pas d’accaparer son attention ; cessant de s’appuyer sur le mur opposé au sien, elle vint se poster face à lui, le fixant avec détermination. Oui, elle était encline à ce qu’un marché soit passé, à hauteur d’un tiers de la somme obtenue, en sus d’un antidote pour contrer le poison qui parcourait librement son bras. Il croisa son regard smaragdin, plissant les yeux. Il vit bien sa main qui lui était tendue, afin de conclure l’accord, mais l'Esbigneur cherchait au-delà de tout ça. Connaissant que trop légèrement le calcul, il lui fallait un instant de réflexion pour trouver ce qui était tout juste supérieur au tiers, pour des raisons qu’il expliqua enfin, une fois les mathématiques effectuées.

« Quatre pour dix. Car la guérison de mon bras est obligatoire pour aller là où tu le souhaites, tu découvriras bientôt pourquoi. Quant à ton obéissance, elle est tout autant de mise. »
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Elisabeth GardefeuApothicaire
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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyLun 10 Oct 2016 - 21:06
S’il existait une médaille du mérite pour avoir gardé sa patience dans l’adversité, Elisabeth estimait qu’elle méritait la sienne amplement. Ignorant royalement le ramassis de conneries que l’autre lui servait, elle ne s’intéressa qu’à la dernière partie de son discours. Qu’il tente donc de se rengorger et de flatter son égo blessé, il restait que celui des deux qui avait un membre inutilisable c’était lui. Et elle aurait parié qu’il n’y avait pas que ce membre-là d’inutilisable, malgré la pitoyable tentative du rustaud pour la vexer.
Ce salopard essayait de grappiller des parts supplémentaires. À ce rythme, autant qu’elle lui donne la totalité de la somme et lui fasse le baise-main ! Elle reprit son bras et se redressa pour s’écarter.

« Non. »

Il croyait quoi l’ahurit ? Qu’elle n’avait que lui comme solution ? Cette nuit n’en finissait pas et elle préférait s’asseoir sur une partie de la somme et aller de jour à l’Esplanade, ça lui reviendrait moins cher que de donner ce qu’il demandait. Restant hors de portée de sa poigne, elle croisa les bras en le toisant de haut.

« Ce que je vends vaut une fortune et je suis déjà obligée de baisser les prix. Tu n’auras pas plus que le tiers de la somme. Estime-toi heureux de faire un profit aussi important. Mais si c’est trop peu pour sa Majesté de la Fange… »

Elle se pencha pour ramasser la torche à ses pieds qu’elle avait fait tombé un peu plus tôt et envoya un coup de pied dans l’autre pour l’écarter du ruffian. Sans attendre qu’il peste ou se redresse, elle le dépassa pour repartir d’où elle venait, parvenant finalement à aller dans la direction qu’elle voulait. Auprès trois pas, elle tourna les talons et le considéra avec une mine entre le dégoût et la pitié.

« Je vais perdre un temps fou mais je saurais retrouver mon chemin pour repartir d’où je viens. Et toi tu n’auras qu’à t’accommoder de trois jours de paralysie et des effets secondaires. Tu t’en fiches puisqu’il y a tant de personnes pour veiller sur toi, pas vrai ? Et puis mon poison est tout juste une piqûre de moustique à tes yeux, tu ne crains rien. »

À avoir les yeux plus gros que le ventre, on récoltait du vent. La jeune femme n’était pas très encline à la générosité, encore moins avec les rats d’égout. Cependant, une idée lui trottait dans la tête depuis un moment et elle n’arrivait pas à s’en défaire.

« T’es pas complètement stupide et pas aussi rachitique que beaucoup trop de personnes ces derniers temps… J’ai besoin de bras régulièrement pour des livraisons de ce genre. En moins dangereux la plupart du temps. Prends le tiers de ce la somme cette fois-ci, montre-moi que je peux te confier de la marchandise fragile et les prochains contrats de ce genre te rapporterons quatre pour dix de la somme. Ce à quoi j’ajoute des rabais sur les soins ou les produits que tu pourrais vouloir te procurer chez moi. Dans ma boutique, j'entend. »

Pouvoir compter sur quelqu’un de compétent pour faire ce genre de boulot valait bien quelques sacrifices monétaires. Eli n’était pas dupe, elle savait bien qu’elle n’était pas faite de l’étoffe de ceux qui vont crapahuter et se battre. Sa place était dans son laboratoire ou derrière le comptoir, à vendre ce qu’elle savait faire de mieux : des drogues à vous expédier sur la lune, des poisons capables de vous faire cracher vos tripes et des onguents assez puissants pour effacer jusqu’au souvenir d’une brûlure. Pouvoir se décharger de la partie la plus dangereuse du travail lui ôterait une épine du pied.
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Marwen l'EsbigneurContrebandier
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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyLun 10 Oct 2016 - 22:50
Au non annonçant un point final aux négociations, Marwen plissa les yeux face au refus. Elle se donnait beaucoup trop d’importance, la sorcière, et commençait définitivement à lui courir sur le haricot. En vérité, la situation qu’il vivait était celle, typique, que l’on trouvait au sein même des histoires et des saynètes que contaient les rhapsodes. La fameuse rencontre, inexorable, entre deux personnes qui se détestaient, et l’un comme l’autre ne pouvaient s’empêcher de raconter leurs plans pour buter son prochain ou encore de se fendre de répliques sarcastiques. Puis venait toujours, indubitablement, ce moment où l’un d’entre eux parvenait à s’échapper, que ce fût à cause du temps écoulé, de l’aide d’un allier, ou tout un tas d’autres conneries qui faisaient que ce temps passé à jaspiner avait été gâché. L’Esbigneur vivait cette dernière scène de l’avant-dernier acte, alors qu’il aurait très bien pu régler le problème de lui-même, une heure auparavant. Ne plus poser de question, lui trancher la gorge, et continuer sa route, voilà qui lui aurait épargné une abominable toux et un poids mort en guise de bras. Mais non, comme d’ordinaire, il fallait qu’il eût parlé, qu’il se fût amusé à sa manière, et qu’il eût cherché davantage de profits qu’il ne pouvait déjà en faire avec sa ferraille.

Lorsqu’elle lui avait rétorqué ce même non, il s’était levé, bien que difficilement. Il s’en foutait bien, en fin de compte, qu’elle puisse galérer à joindre les deux bouts en vendant au rabais ses damnées poudres, ses artefacts ou même son cul. Les lueurs des torches vacillèrent dangereusement lorsqu’elle donna un coup de pied dans l’une avant de ramasser l’autre, et les ombres dansèrent sur le visage peu amène de l’Esbigneur autant que sur celui, assuré, de la bonne femme. Elle le dépassa, s’aventurant dans ce boyau de ténèbres qu’avait jusque-là défendu le contrebandier, et fit mine de tourner les talons pour de bon avant de se retourner une dernière fois.

Il s’en battait les couilles violent de son bras droit qui lui faisait défaut ; ce n’était rien comparé à l’envie de coller une branlée à cette sorcière qui pavanait là sans retenue. Par ce simple refus, l’idée de lui péter le crâne et de l’enfoncer contre les marches un peu plus loin, dissimulées dans la pénombre, le faisait presque saliver. Peut-être même, en fait, pourrait-il récupérer ses poudres et ses poisons, qu’il revendrait çà et là. Ainsi, il n’aurait pas tant perdu que cela sa soirée avec elle. Dans la mort, elle trouverait une certaine utilité, en sus de fermer sa grande gueule à jamais.

Il la laissait dégoiser tout son saoul, s’étant emparé de nouveau de son épée, et son regard s’attardait sur le sac de bure qui gisait toujours au sol. Et puis, aussitôt, il oublia totalement l’existence de cette toile bourrée de ferraille ; une lame lui ressortant entre deux côtes, la sorcière n’allait pas courir bien loin, et, à son tour, il n’aurait pas à caracoler bien longtemps, après l’avoir délestée, pour récupérer ses possessions.

Arme bien en main, gauche, il se dirigea d’un air résolu, sus à la sorcière, qui continua son discours. Il ne l’avait que trop laissée parler, il ne l’avait que trop écoutée, et voilà où il en était arrivé.

« Ferme ta putain de gu… », commença-t-il d’un ton glacial, sans même hausser la voix. Il s’arrêta toutefois ; ce qu’elle avait à lui dire attisait sa curiosité, une fois de plus. Il se mordit intérieurement la joue, puis la lèvre, tout en fronçant le nez, l’air indécis. Au fond de son être se déroulait une lutte acharnée. De nouveau, il suspendait son geste pour lui laisser langueyer ses conneries, et, assurément, il en viendrait à le regretter par la suite. Mieux valait lui enfoncer directement le museau jusqu’au cerveau, une bonne fois pour toutes. De cela, il en était certain, il n’en retirerait nul remords. Quoique.

Oui, il serait donc payé à hauteur d’un tiers de la somme convenue entre le type de la sorcière et cette dernière. Toutefois, d’autres affaires ne tarderaient pas à lui tomber entre les mains, et, ces fois-là, lui serait versé les quarante pour cent qu’il venait justement de demander. Et sans avoir cette pétasse sur le dos. Quant aux propres marchandises qu’elle pourrait alors lui vendre à un tarif réduit, il y méditait encore. Assurément, il avait constaté de leur efficacité. En fin de compte, peut-être que cette histoire pouvait bien valoir le coup.
S’étant arrêté en plein milieu de son élan, il fit un nouveau pas en avant, bien plus tranquille, et ce fut à son tour que de la dévisager longuement.

« Ça marche, lâcha-t-il finalement. Faisons ainsi. Un tiers maintenant, quatre dixièmes lors des prochaines fois. Heureux d’avoir enfin pu trouver un arrangement, et j’espère en conclure bien d’autres avec toi. Ce fut un véritable plaisir. Bien, désormais, je compte bien sur toi pour me réparer tout ça. »

Du menton, il désigna sèchement son bras, toujours aussi ballottant.
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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyMar 11 Oct 2016 - 18:15
Elle s’était tenue prête à sortir son couteau pour lui offrir la mort qu’il méritait quand il désamorça son geste et sembla percuter qu’elle lui faisait une nouvelle offre. Pas trop tôt ! Est-ce que son cerveau marchait au ralenti ou est-ce qu’il avait simplement les oreilles trop sales pour comprendre ce qu’elle disait ? Quoi qu’il en soit, elle était plutôt contente qu’il s’abstienne de lui taper dessus à coup d’épée et que l’appât du gain soit le plus fort. Ses doigts se dénouèrent de la poignée du couteau qu’ils avaient enserré.

*Heureux d’avoir pu trouver un arrangement… Pff, quelle branque. C’est moi qui t’ai proposé l’accord, cervelle de têtard.*

Ce type avait visiblement comme solution miracle de frapper jusqu’à ce que le problème s’arrange ou jusqu’à ce qu’il meure. Elle s’était peut-être trompé sur son degré d’intelligence... Mais elle préféra garder cette remarque pour elle-même, se contentant de fixer l’épée d’un œil réprobateur jusqu’à ce qu’il se décide à la ranger. Après quoi, l’apothicaire lui tendit la torche sans un mot et se mit à fouiller dans ses affaires. C’était peut-être mieux pour eux qu’ils la ferment et se contente de faire chacun leur travail puisque visiblement ils étaient incapables de proférer autre chose que des insultes l’un envers l’autre. Mettant finalement la main sur ce qu’elle cherchait, elle ouvrit une petite bourse où se trouvait une pâte grise assez épaisse et à la capiteuse odeur de fleurs. Elle se saisit également d’une petite fiole contenant un liquide transparent.

« D’habitude j’ai du meilleur matériel, mais on va faire avec les moyens du bord. Si tu arrives à ne pas pleurer cette fois, je te promets de ne dire à personne que tu t’es barbouillé le visage de larmes et de morve lors de notre première rencontre. »

Se retenant à grand peine de sourire, elle leva la fiole devant la torche pour y voir clair et y plongea une aiguille très similaire à celle employée pour injecter le poison. La seule différence était que celle-ci était vide et propre. Créant une légère aspiration pour que la pointe creuse se remplisse, Liz reboucha la fiole et la remit à sa ceinture. Tenant d’une main t’instrument de torture, elle plongea un doigt de son autre main dans la pâte en prévision de l’opération à effectuer. Croisant brièvement le regard acéré de son nouveau partenaire commercial, elle lui adresse un sourire presque innocent.

« Ça va peut-être piquer un peu. »

Elle aurait pu ajouter qu’elle était désolée de devoir faire ça, mais on lui avait appris à ne pas mentir. S’appliquant à bien viser, elle tira sur le col de celui dont elle ne connaissait même pas le nom et planta son aiguille dans le trou précédemment formé. Contrairement aux apparences, la demoiselle n’était pas sadique et lorsqu’elle entrait en phase de travail, elle s’appliquait toujours beaucoup. Même quand il s’agissait de soigner la brute qui lui avait collé une gifle quelques minutes plus tôt. Retirant les quelques centimètres de métal de la plaie avec précaution en vérifiant que le liquide était bien entré, elle appliqua immédiatement la pâte sur le trou minuscule et l’étala sur la zone enflée en effectuant des cercles concentriques.

« Ça va prendre quelques minutes. Tu seras un peu gourd et tes doigts vont mettre plusieurs heures à retrouver leur sensibilité, mais au moins tu pourras bouger le bras et tenir la torche. On va essayer d’accélérer un peu les choses, je n’ai pas envie de moisir ici plus longtemps que nécessaire. »

C’était le mieux qu’elle puisse faire avec ce qu’elle avait pris sur elle.
Relâchant le col, elle essuya ses mains sur son pantalon sans s’inquiéter de le salir et rangea bouse, fiole et aiguille jusqu’à tout faire disparaître. Puis, sans crier gare, elle prit le poignet amorphe et leva le bras avant de le replier, en faisant jouer chaque articulation. Effectuant l’opération quatre ou cinq fois, le poids d’un membre mort visiblement pénible à supporter pour elle qui ne devait pas pouvoir soulever grand-chose, elle le laissa retomber avec un soupir et décréta qu’il n’y avait plus qu’à attendre.

« Maintenant je serais ravie de savoir à qui j’ai à faire. J’ai bien compris que tu étais le seigneur incontesté des couloirs puants, mais j’imagine qu’on te donne un nom ? Pour ta part, tu peux m’appeler Elisabeth ou utiliser n’importe quel autre dérivé qui t’amusera, tant que tu ravales tes noms d’oiseau. »
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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyMer 12 Oct 2016 - 0:38
Voilà qui venait d’être conclu, enfin, après près de trente minutes de violence, qu’elle fût verbale ou non. Un accord qui lançait l’Esbigneur comme la sorcière sur un partenariat commercial, et ils s’appréciaient tant l’un et l’autre que celui-ci en devenait drôlement hasardeux. Mais qui vivrait verrait, comme le disait si bien le dicton. Lorsqu’il lui désigna son membre inerte, la jeune femme se mit à l’ouvrage, puisant dans sa besace quelques fioles et flacons qui n’auguraient rien de bon. Ayant reçu la torche qu’elle avait possédée jusque-là, il veilla à bien l’éclairer afin qu’elle ne se plantât pas dans ses produits ; il ne tenait pas vraiment à crever de la gangrène, et espérait même qu’il ne fût pas déjà trop tard. Elle déballa une petite escarcelle retenant en son sein une espèce de pâte qui, contrairement à ce qu’il s’attendait, fleurait pour le moins bon. Bien entendu, tous ces soins médicaux ne purent se dérouler sans quelques menus brocards çà et là, et la sorcière ne s’en priva aucunement tout en rappelant à quel point ses sortilèges l’avaient fait pleurer. Aussi fallait-il qu’il se tînt à carreau ?

Il faillit agir exactement à rebours, pris d’une soudaine foucade. Geindre au moindre geste, appréhender le plus infime contact, et se tortiller de douleur dès la première piqûre, par simple jeu de l'emmerder. Cela dit, ils en avaient tous les deux déjà bien bavé, et il se sentirait bien con si elle en venait à tant perdre patience qu’elle lui refuserait les soins promis. Aussi rangea-t-il cette idée au placard.

« Va te faire foutre. Et toi, ça va, la gorge ? Tu vas faire comment pour avaler, la prochaine fois ? »

Voilà qui s'avérait aussi grossier que gratuit, et s’il avait aperçu un peu le caractère de sa vis-à-vis, il était certain que cela lui ferait amplement plaisir. Elle prépara ses mixtures et ses aiguilles d’un air très savant, somme toute assez concentré, ce qui n’était pas pour déplaire au contrebandier. Là encore, il préférait de loin à ce qu’elle s’appliquât. Lorsque cela fut effectué, elle le prévint bien que son affaire risquait de piquer.

« Je m’en doutais. Vas-y, moustique », fit-il en haussant des épaules, en référence à l’une de ses phrases antérieures. La phase médicinale ne se différencia pas, ou si peu, de la fois précédente où elle lui avait déjà planté l’un de ses bouts de fer dans l’épaule ; il ne ressentit presque rien, surtout lorsqu’il comparut la sensation avec celle d’irritation et d’inflammation qui avait pris possession de son membre mort. Et il devait aussi avouer qu’elle savait y faire, la bonne femme, alliant adresse et douceur. A vrai dire, cela en devenait étonnant. Avec délicatesse, elle avait ouvert le col de Marwen, et, habitée de cette même patience, planta scrupuleusement la pointe à l’endroit précis où l’une de ses jumelles y avait laissé un petit trou. Alors qu’elle se trouvait plus proche de lui qu’elle ne l’avait jamais été jusque-là, il se tordait le cou à la regarder faire, et ses lèvres s’ourlèrent de plus en plus d’un petit sourire que l’on pouvait juger de satisfait.

« Tu vois, je te l’avais bien dit qu’il y en aurait toujours pour s’occuper de moi. »

Il crut percevoir comme un flux, un petit frisson, se répandre du haut de son épaule jusqu’à son bras, mais sans doute s’agissait-il davantage de son imagination, bien trop focalisée sur les gestes de la sorcière, plutôt que d’une véritable réaction. Après que l’aiguille fût retirée, elle badigeonna avec attention la crevasse de cette même pâte qui embaumait la fleur, avant de lui expliquer ce qu’il était susceptible de ressentir. Sa main et ses doigts demeureraient ankylosés, et son bras perdrait son caractère passible, à l’instar de ce qu’il connaissait déjà présentement. Il fronça les sourcils, s’attendant à une guérison pure et dure, mais assurément avait-il surestimé la sorcière. Il n’appréciait pas de ne ressentir aucune sensation dans son bras fort ; c’était comme s’il devenait sourd d’un côté, comme si la simple sensation de ses mouvements, de l’air qui effleure sa peau dans un geste, l’empêchait de définir avec précision où il devrait arrêter un éventuel coup de lame.

« Plusieurs heures ? Merde. J’ai l’impression de prendre un gros risque, là. Et même si je suis joueur, je ne parie jamais sur ma vie. »

Comme pour donner de la voix à cela, ou pour tenter de dissiper plus rapidement encore les effets de son venin, la voilà qui s’empara brutalement de son bras pour le plier et le déplier. Il la laissait délibérément agir, et son membre se mouvait dans tous les sens sous l’effet de sa main. D’un point de vue extérieur, l’on ne l'aurait pas dit autre qu’un pantin au bras totalement désarticulé. Toutefois, petit à petit, il ressentit effectivement la vie animer son bras. Cela commença par ses dernières phalanges qui se murent imperceptiblement, et, avec le temps comme avec une bonne dose de volonté, sa main se contracta enfin. Pendant ce temps-là s’étaient déroulées les présentations. Elisabeth.

« Entendu, sorcière. Je vais faire un effort sur Elisabeth, lui expliqua-t-il tout en la regardant de bas en haut. Eli, c’est un prénom de bougre, ça, et bien que t’aies pas l’air bien roulé, tu ressembles pas trop encore à Jo l’Clodo. T’as un peu de marge avant de t’hommasser complètement. Quant à Liz ou Beth, ce sont déjà d’autres noms. Et puis Elisabeth, ça fait très sorcière, ouais. Limite que ça m’étonne pas même. Moi, c’est Marwen l’Esbigneur. Et tu peux m’appeler comme tu veux, je m’en care. »

Son bras se portait désormais bien mieux. Il moulina de sa lame, afin d’appréhender ses futurs mouvements, de s’acclimater à cette étrange sensation qu’était justement l’insensibilité, puis il la rangea dans son fourreau, récupérant et sa torche, et son sac de ferraille.

« Bon, en avant les histoires. L’on va par là-bas. Atta’, deux secondes », fit-il en désignant l’endroit défendu jusque-là par Elisabeth. Il se racla une dernière fois la gorge avant de cracher au sol. Tant pis pour l’effet des plus romantiques dans cette balade en tête-à-tête, mais il préférait de loin se purger une bonne fois pour toutes les poumons de cette maudite poudre plutôt que de prendre le risque d’éternuer subitement au pire moment possible.

Ils caracolèrent de concorde dans des embranchements qui se ressemblaient tous les uns aux autres, mais jamais Marwen n’hésitait-il sur le choix à prendre. Il parvenait à se situer mentalement, réussissant presque à déterminer sous quel bâtiment ils se trouvaient actuellement. De boyau en boyau, il amenait la sorcière à parcourir, plusieurs toisons en dessous, des rues assurément encombrées de quelques patrouilles peu accortes et d’autres brigands peu commodes. Rapidement, toutefois, l’atmosphère commença à s’altérer, devenant plus moite, plus dense, et l’air charria des odeurs punaises. Enfin, par-delà un petit mur que l’on avait éboulé pierre par pierre, l’univers changea du tout au tout.

Ils s’étaient engouffrés dans les profondeurs des égouts. Il n’y avait rien de perceptible ou de palpable, mais c’était comme s’il se dégageait de l’air une purée de pois verdâtre qui vous mettait mal à l’aise, comme si le simple fait de respirer, que ce fût par la bouche ou par le nez, vous donnerait toutes les maladies du monde, en faisant peser dans votre estomac et vos poumons un sac de briques qui se désagrégeait. L’odeur était fétide, abjecte, et véhiculait des relents de nuages poisseux qui flottaient çà et là dans un brouillard opaque. De petites flaques d’eau croupies barraient le passage, s’étendant parfois à de véritables étangs infects, et il fallait le contourner avec précaution, de peur de disparaître au fond d’un trou puant. Il lui montra l’exemple.

« Gaffe où tu fous les pieds. Mire un peu ça. »

Délaissant son sac, Marwen s’empara d’une grosse pierre qui traînait là, avant de désigner ce qui se trouvait à deux pas de là. Devant eux, le chemin apparaissait comme étant plat, bien qu’une marre d’eau recouvrait le sol. Tout au plus, et ce n’était là qu’une histoire de semelle trempée, rien de plus, si l’on souhaitait continuer le chemin. Pourtant, lorsqu’il laissa tomber le caillou au sol, les eaux s’ouvrirent en deux sous l’effet de l’impact, et, plutôt que de ricocher sur de la roche, à un pouce en dessous de l’onde croupie, la pierre creva les flots, disparaissant dans des abîmes verdâtres et oubliés.

« Il y a de quoi surprendre les néophytes. Et t’as l’air de vouloir t’imposer, toi, de te montrer forte et assurée. Je te garantis que j’ai déjà vu des plus coriaces pousser un petit cri bien viril en se rendant compte qu’il venait, dans une fraction de seconde, faire le pas de trop. Je ne voudrais pas que tu te tournes en ridicule juste avant de mourir. Car, ouais, eu égard au bouillon de culture que c’est, si jamais tu ne disparais pas, happée par je ne sais pas quoi qui se tapis au fin fond de cet abysse, ou que le poids de ta vêture ne t’entraîne tout simplement pas à la noyade, le lendemain, tu chies du sang, et le surlendemain, t’es morte. »

L’Esbigneur la considéra de nouveau, un petit moment, pour être certain qu’elle eût bien compris le message. Puis il se fendit d’un fin sourire, avant de brusquement, sans que rien n’eût annoncé son geste, la pousser dans ce précipice insondable.




Ce ne fut qu’au dernier instant qu’il la retint par sa dextre, avant de la ramener à lui. Il plia et replia une fois de plus son bras, l’air de rien. Son expression amusée ne l’avait pas quitté.

« Ouais, ça a l’air de bien fonctionner, ton enduit, là. Fort heureusement, ai-je envie d’ajouter. Bon, on continue ? » lança-t-il goguenard tout en récupérant son sac.
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MessageSujet: Re: Les gens de l'ombre [Marwen]   Les gens de l'ombre [Marwen] EmptyMer 12 Oct 2016 - 15:11
À la flopée de commentaires sur son prénom, l’apothicaire se contenta de croiser les bras et de hausser un sourcil dubitatif. Elle n’était pas certaine de savoir si elle devait être vexée ou simplement soulagée qu’il consente à l’appeler par son prénom. Évidemment, elle ne couperait pas à « moustique » ou « sorcière » de temps en temps, elle en était certaine, mais c’était toujours mieux que rien.
Le laissant mouliner dans le vide pour dérouiller son articulation, elle s’intéressa au contenu de l’escarcelle où elle avait rangé les fioles qu’elle devait vendre. Par précaution, elle avait rembourré les emplacements pour les précieux objets en verre avec du tissu et s’en félicita en constatant que cette bourre avait été tassée, certainement à cause de ses démêlées avec son associé à la langue bien pendue. Préférant la prudence, elle entreprit de remettre correctement sa marchandise à l’abri de la casse avant de suivre son guide. Un instant la jeune femme avait espéré qu’il se déleste de son sac encombrant et bruyant, mais le butin semblait précieux et vraisemblablement, il ferait le voyage avec eux.

L’Esbigneur savait où il allait et son assurance dans le choix de la direction avait de quoi impressionner. Si de temps à autre Liz parvenait à deviner où ils se trouvaient approximativement, la plupart du temps elle n’arrivait pas à se repérer et le temps qu’ils passèrent à marcher dans le noir lui sembla une éternité. Pourtant il n’y avait tant de route que cela entre son point d’entrée dans les souterrains et l’enceinte du quartier noble. De temps à autre, une infiltration d’eau rendait les murs et les plafonds luisants d’humidité, laissant flotter dans l’air une odeur de moisissure désagréable et il arriva que leur route croise celle d’un rat en vadrouille. La brunette n’était pas particulièrement froussarde, on pouvait même dire qu’elle n’avait pas froid aux yeux, mais dans cet environnement qu’elle ne connait pas et où seule la lumière de la torche l’aidait à y voir quelque chose, elle se sentait plus en danger et plus vulnérable. La présence de Marwen la rassurait à peine et elle espérait bien que la promenade ne durerait pas trop longtemps.

Lorsqu’ils parvinrent à l’éboulement donnant sur les égouts, Elisabeth ne put s’empêcher de porter une main à son visage pour essayer de se prémunir contre la puanteur nauséabonde qui leur sauta au visage. Encore plus glauque que les tunnels qu’ils avaient arpentés, l’endroit empestait et donnait l’impression que toutes les infections et les maladies de l’humanités s’étaient donnée rendez-vous dans cet endroit. Répugnant. Sans parler de la possibilité de fangeux !

« On est vraiment obligé de passer par ici ? »

L’alchimiste descendit dans la conduite d’égout à la suite de Marwen qui, comme pour lui donner des raisons supplémentaires de ne pas aimer le trajet, lui fit la démonstration qu’il fallait se méfier du terrain lui-même avant de se méfier de ce qui y rôdait. Obnubilée par les remous de l’eau verdâtre d’où la pierre ne ressortirait jamais, Eli se fit complètement prendre au dépourvu par la fourberie de son guide et poussa un cri de surprise en basculant en avant.
Rattrapée au dernier moment et ramené en « sécurité » dans le giron de l’Esbigneur, elle s’accrocha par réflexe de toutes ses forces au bras qui la retenait, le cœur encore affolé par ce qu’il venait d’arriver. Est-ce qu'il venait d'essayer de la tuer ou est-ce qu'il faisait simplement le fier ? À moins qu'il ne s'amuse simplement à la terroriser pour essayer d'avoir de l'ascendant sur elle. Il lui fallut deux secondes de plus pour se détourner de la flaque et foudroyer du regard son guide avant de le repousser brutalement, furieuse.

« Et tu trouves ça drôle, espèce d’enfoiré ? On a pas assez avec la milice et les fangeux, faut qu’en plus tu t’amuses à me suspendre au-dessus d’un trou plein de flotte dégueulasse ! C’est vrai que c’est hilarant, ce genre de bouffonnerie ! »

D’un geste rageur, elle lui écrasa la pointe du pied avec le talon et fit volte-face pour continuer d’avancer dans le conduit, maudissant le contrebandier sur trois générations pour avoir un sens de l’humour aussi douteux. Elle le lui rendrait au centuple, des moyens de faire souffrir quelqu’un il n’y avait que ça sur les étagères de sa boutique.

« Espèce de gros sac à merde, enculeur de chèvre, branle glaive, pet foireux, peigne-cul, couillon, trognard ! La prochaine fois, je t’entraîne en enfer avec moi ! »

Depuis le temps qu’elle connaissait Tempérance, l’apothicaire avait retenu une flopée d’insultes de son cru et en trouvait parfois l’utilité lorsqu’il s’agissait de déverser son trop-plein de ressentiments. Elle aurait bien aimé pouvoir rentrer chez elle et ne plus avoir à supporter la compagnie d’un sieur aussi douteux, mais sa pénitence n’était pas terminée et elle devait ruminer en sachant que si elle se retournait, elle verrait la face narquoise de son guide. Il arrivait à la faire fulminer par sa seule présence.
Esquivant les flaques traîtresses sur son chemin, Elisabeth marmonnait toujours en veillant, malgré sa colère, à ne pas claquer des talons pour réveiller toute la ville, lorsqu’un rat presque aussi gros qu’un chat croisa sa route. Ni une ni deux, elle shoota dedans avec hargne pour le renvoyer dans les ténèbres, n’ayant aucune pitié pour la bestiole. S’il était aussi énorme, c’était qu’il vivait grassement sur la misère de la ville et ces animaux étaient aussi vicieux que les fangeux. Un instant la demoiselle s’imagina qu’il s’agissait de Marwen et cela lui fit un bien fou d’entendre le couinement du rongeur en heurtant le sol. Ce qui l’énervait le plus dans cet histoire c’était qu’elle s’était laissé avoir comme une bleusaille.

Au bout d’un long moment, la conduite nauséabonde se sépara en deux, offrant de nouveau un choix encombrant à faire. Toujours de mauvaise humeur, Eli se planta au milieu du chemin et jeta un regard noir par-dessus son épaule au contrebandier.

« J’en ai assez de galoper dans la fange. Tu trouves peut-être cet endroit douillet et chaleureux, mais moi pas ! Où est-ce qu’on sort de cette bauge, à la fin ? »

Elle ne rêvait plus que d’un bain, même froid s’il le fallait, avec beaucoup de savon et une brosse pour se récurer à s’en arracher la peau. Elle ne menait pas la vie de grand château et ne rechignait jamais à se salir les mains, mais cette fois c’était un peu trop lui demander et elle espérait que cette expérience toucherait bientôt à sa fin.
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