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 De Rikni le coeur du sang félon nourriras [Morion & Ambre de Ventfroid] [Terminé]

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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



De Rikni le coeur du sang félon nourriras [Morion & Ambre de Ventfroid] [Terminé] - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: De Rikni le coeur du sang félon nourriras [Morion & Ambre de Ventfroid] [Terminé]   De Rikni le coeur du sang félon nourriras [Morion & Ambre de Ventfroid] [Terminé] - Page 2 EmptyDim 27 Nov 2016 - 17:24
Les idées les plus sombres entraînent souvent des conséquences qui le sont encore plus. Cela, Morion en était parfaitement conscient, c’était même ce qu’il recherchait depuis le début. Provoquer le chaos. Les risques qu’il prenait étaient parfaitement inconsidérés. Si par malheur, il se trompait sur la solidité des barreaux, sur la résistance des bandits, ou pire, sur l’intelligence des bêtes qui s’échinaient à rentrer dans le baraquement, alors ils étaient tous perdus. Truands, quels qu’ils soient, Talen, lui-même, sa femme, et son enfant à naître. Tous. Et cette résistance brute et glacée dont il faisait preuve, malgré les circonstances, depuis le début, n’aurait eu alors aucun intérêt, si ce n’était retarder un inévitable sort. Qu’il aurait peut-être même rendu pire. Mourir, voilà une chose bien triste à laquelle Morion refuserait de se résoudre, aussi longtemps qu’il vivrait, quitte à devoir défier la volonté des Dieux. Mais finir dévoré, puis relevé par les forces immondes qui s’opposaient à eux, répandant à son tour le carnage et l’horreur autour de lui, rejoint, qui sait, par ces mêmes truands qu’il haïssait, par son bras droit, par sa femme ? Que ferait-il ensuite ? Irait-il errer sans fin dans les marais, à la recherche inconsciente d’une vengeance animale qu’il ne pourrait jamais assouvir, sa conscience engloutie par la transformation ? Ou irait il jusqu’au Labret attaquer ses propres hommes, ou pire, jusqu’à son domaine, pour se livrer à des massacres sur ses propres terres ? Il était hors de question que cela arrive, même en pensée. Alors non, il n’avait vraiment pas intérêt à se tromper. Si jamais un seul fangeux réussissait à pénétrer les murs fortifiés par la harde de criminels, il fallait, impérativement, qu’ils soient tous tués, ces porcs, avant que ces bestioles aient l’idée de descendre au sous-sol. Ils étaient nombreux. Ils pourraient peut-être suffire à la satiété des fangeux. En tout cas il fallait y croire. Acculer Morion de la sorte n’était jamais une bonne idée, pas même pour lui. Il devenait vite adepte de moyens extrêmes pour tenter de recouvrer une liberté entravée, et cela pouvait parfois aller très loin, comme le prouvait l’incessant et puissant bruit qu’il produisait contre les tiges de métal le maintenant captif.

Mais il n’était pas seul, dans cette maison. Il en était même très loin. Il aurait été stupide de penser que les bandits les surveillant, et pourquoi pas même ceux du dessus, qui avaient très certainement entendu le tapage métallique dans les geôles, resteraient sans rien faire. Il en eut très vite la preuve. Il ne put dire que cela le surprit, mais dès l’étonnement et la fureur aveugle passés, ils ne tardèrent pas à réagir. Le premier parti en renfort, et le second… le pire en plus, qui se livra à une bien odieuse manoeuvre dissuasive. Il n’avait nul besoin de faire preuve de brutalité - Morion aurait probablement triplé ses efforts pour exciter les fangeux le cas échéant, faute de pouvoir faire autre chose - mais seulement de faire noter au comte le fait que si son stratagème fonctionnait, et il avait de bonnes chances de réussir, partis comme ils étaient, il serait le premier à en souffrir.

Et l’effet fut immédiat. A l’instant où le grincement de la grille retentit, l’avertissement de Raël devint futile. Morion s’arrêta en plein élan, prestement imité par Talen, dont la rage face au déshonneur du bandit couvait dans son regard, venimeux. D’un autre côté soyons honnête. L’on ne survivait pas à l’extérieur des murs de la cité avec un code d’honneur strict. Peut-être avaient-ils conclu d’une sorte de pacte vénal entre, eux, une forme bâtarde et sans valeur de ligne de conduite, de code de route, visant surtout non à préserver l’harmonie du groupe, mais au moins à prolonger leur survie. Le plus intelligent de la bande était à leur tête, les autres se contentaient d’obéir, quand ils n’en faisaient pas qu’à leur tête. Tout du moins le faisaient-ils en l’absence de présence de l’autorité suprême, ou lorsque leurs forfaits ne mettaient pas directement le groupe en danger.

Immobile, Morion tremblait de colère. Il n’était pas assez fou pour persister, non. Le sang dans la geôle de sa femme était encore frais, luisant aux quelques reflets qui parvenaient encore dans le sous-sol ténébreux. Si les fangeux pénétraient ici, Ambre serait, de toute évidence, la première personne prise pour cible, n’importe qui ici pouvait s’en douter, ils connaissaient fort bien le comportement de ces bêtes.

Il prit une profonde inspiration, et se renfonça dans l’ombre de sa cellule. Il jeta un oeil insistant à son épouse, qui n’avait point bougé malgré l’intervention du geôlier, puis son attention se cristallisa sur Raël. De tous, il était celui qui lui inspirait le plus de haine. Pourtant, Chris avait signé un arrêt de mort lente et douloureuse après ce qu’il avait fait à sa femme. Mais lui… la perversion qui exhalait de son être entier, nullement masquée, sans aucune gêne et visible dans chacun des reflets de son regard, dégoûtait profondément le comte, et lui inspirait une colère et une soif de sang infinies. Il n’était pas de ces hommes, normalement. Il le savait. Ou en tout cas, il pensait le savoir. Désormais, sans qu’il en ait réellement conscience, l’esprit accaparé par d’autres urgences bien plus poignantes, il se remettait en question. Les situations les plus critiques, n’étaient-elles pas de celles qui révélaient la nature profonde des hommes, leurs traits les plus profonds, les plus enfouis ? Etait-il réellement un homme si animé par la violence qu’il ne pouvait s’empêcher les effusions de sang qu’il crevait d’envie de provoquer, à cet instant ? Etait-il ce genre de personne, à vouloir par-dessus tout expier sa colère par le biais d’une vengeance sauvage, bestiale ? Il ne le pensait pas. Il ne l’espérait pas. Fusse le cas, il se serait alors illusionné lui-même, en sus de son entourage, sur ce qu’il était vraiment. Fort heureusement pour lui, en ces instants de tourments douloureux, les pensaient ne parvenaient guère à franchir l’orée de sa conscience. Il se serait probablement effondré, si tel avait été le cas.

Il resta ainsi pendant de longues minutes d’insupportable attente. De toute évidence, malgré la temporaire reddition de Morion et Talen, Raël n’avait aucune intention de fermer la cage. Une mesure de précaution fort avisée il fallait le reconnaître. A l’extérieur, les fangeux continuaient de hurler et de tenter d’abattre les résistances dressée par les hommes, et poursuivraient leur lutte acharnée jusqu’au lever du jour, cela ils pouvaient en être certains. Et encore, cela prenait uniquement s’ils ne parvenaient pas à entrer. La rage exacerbée par les invectives auditives de Morion avait nettement augmenté leur volonté d'entrer et les efforts qu'ils mettaient en oeuvre pour y arriver.

Un bruit, très clairement perceptible, malgré le bruit ambiant, malgré les borborygmes gutturaux des bêtes, malgré les ordres envoyés sèchement au-dessus d’eux, retentit, et balaya rancoeur et ressentiment aussi vite qu’un souffle orageux balayait le foin dans les champs. Des tuiles brisés et le lugubre craquement du bois meurtri d’une charpente que l’on venait de mettre sérieusement à mal. Morion leva presque immédiatement la tête. Si la colère s’était enfuie aussi vite, c’était pour une excellente raison. Elle avait cédé sa place à l’angoisse. Des gouttes de sueur glacée coulèrent lentement dans son dos, lorsque le premier cri retentit. Celui d’un bandit, tout d’abord, qui comme eux tous, avaient entendu le bruit. Un son qui fut immédiatement suivi par un grognement, un grattement morbide sur du bois, puis par un cri de colère et de cupidité. La maison empestait le sang. Et le pire était désormais une cruelle réalité; l’un d’entre eux venait de pénétrer dans la demeure. L’on pouvait également craindre que d’autres ne se joignent à la danse. Raël lui-même - et cela souleva une malsaine et indicible vague de satisfaction chez Morion, rapidement terrassée par l’inquiétude - leva un regard inquiet vers le plafond. C’était là le pire des scénarios, et il venait de se concrétiser.

Il jeta un regard haineux en direction du comte, regard qui s’adoucit de la pire des manières lorsqu’il vacilla vers la cage d’Ambre, toujours ouverte. Fort bien. S’ils perdaient leur lutte, alors les captifs également. Et cela serait encore plus savoureux comme victoire, bien qu’ils ne puissent y assister, si Morion leur survivait. Là où de toute évidence, en cas d’échec de leur part… Ambre ne passerait pas les quelques minutes de survie.
Ils ne pouvaient qu’attendre, alors que la lutte, au dessus, faisait rage. Même pas assister au combat. Juste tenter, par les échos qui venaient à eux, de déchiffrer le déroulement du combat. Y avait-il déjà des pertes ? Le fangeux, là-haut, était-il désormais seul ? Et surtout, la résistance venait d’être divisée par l’arrivée de ce dernier. Aussi, quid de ceux qui étaient restés en bas, où l’assaut était le plus violent ?

Morion ne pourrait avoir la réponse à ces questions qu’à une seule condition. Qu’une personne, ou plusieurs descende ici. Si elle était humaine cela signifiait de toute évidence qu’ils pouvaient se permettre d’envoyer quelqu’un ici, au lieu de le faire participer à la lutte. A contrario si jamais c’était un fangeux qui pointait le bout de son museau suintant de bave… Eh bien il n’aurait plus à se poser aucune question, seulement assister impuissant à la scène qu’à l’instant il redoutait le plus.

Raël ne resta pas longtemps, il fallait s’en douter. Après quelques secondes d’hésitation, et laissant la cage ouverte, il remonta pour aller aider ses confrères.

Durant ce temps, Morion s’assit contre la pierre froide, les yeux toujours levés, espérant que les brigands sauraient faire face à cette menace. L’on pouvait entendre les cris de guerre, les hurlements de la fange, le crissement des lames et les chocs contre le mobilier, les parois, le tout sans avoir aucune idée des faits réels, et de la tournure qu’ils étaient en train de prendre. C’était une sensation horrible, une attente proprement insoutenable. Talen était dans le même état que Morion, tentant de jauger par l’audition ce qui se déroulait au-dessus d’eux, mais c’était tellement fouillis que démêler tous les sons qui leur parvenaient était un défi qu’il ne parvint pas à relever, pas plus que son maître. Il finit par fermer les yeux, les coins de ses paupières se ridant sous l’effort, eux qui étaient déjà entoilés par le temps, et pria. Il pria fort chacun des dieux pour qu’Ils leur accordent leur miséricorde, la force de passer outre cette épreuve.

Au bout de presque deux heures d’une tension infecte, les bruits commencèrent à diminuer. Ils finirent, après une dizaine de minutes, par se calmer définitivement, excepté ceux en provenance de l’extérieur. Un moment bienvenu, mais néanmoins, ils ne savaient toujours pas si les brigands avaient ou non perdu cette bataille. Quoi que le temps que mettait un signe de vie à se manifester était un bon indicateur; les fangeux n’auraient pas attendu de reprendre leur souffle afin de leur faire savoir leur victoire.

Raël et Chris descendirent, tous deux couverts de sang. Et pas le leur, visiblement, bien que l’on put apercevoir au travers de la pénombre quelques ecchymoses et des traces de griffures. Les deux étaient aussi furieux l’un que l’autre. Chris jeta un oeil à la cage ouverte, puis à Raël, mais ne dit rien. Ambre n’avait pas l’air d’avoir subi de nouveaux sévices, ainsi l’acte de son camarade devenait plus clair. Il se dirigea vers la cage de Morion, et l’observa un moment, contenant difficilement sa colère. Les autres ne se montrèrent pas, visiblement trop occupés à panser leurs blessures. Voire pire.

«Toi, Ventfroid. Tu es directement responsable de la mort de deux de nos compagnons. J’espère que t’es fier de toi.»

Son ton plein de hargne ne laissait aucune place à l’hésitation quant à ses intentions. Il avait l’intention de faire payer le comte, et au prix fort. Le sang appelait le sang, la haine appelait la haine. Il en avait toujours été ainsi, et si au début, seule la satisfaction malsaine de pouvoir malmener des nobles, mêlés à un sentiment de puissance et de sadisme peu dissimulés, animait ses gestes, c’était désormais une colère vengeresse qui guidait mots, pensées, et actes. Il invectiva Raël d’un geste impérieux de la tête. Il ne voulait pas être dérangé. Surtout pas par Henri, qui ne manquerait pas de l’interrompre. Peu lui chalait qu’il subisse le courroux de son supérieur ensuite. De toute façon, ce dernier devait également être furieux. La résistance avait repris son cours, le fangeux probablement éliminé. Mais cela leur avait coûté cher, et il était très facile d’imputer les morts aux gestes de Morion.

Il ouvrit la cage, et fit sortir le comte brutalement, l’envoyant s’étaler contre le sol dur. A cet instant, le comte ne lutta même pas, à dire vrai. Il savait ce qui l’attendait - ou le devinait plus ou moins - et n’avait pas vraiment la possibilité de résister.
Le premier coup de pied le surprit, néanmoins. Couché sur le flanc, des mèches éparses masquant son regard et diminuant sa vision par la même occasion, il ne vit pas le coup arrivé en plein dans son estomac, coupant son souffle, et provoquant une amère remontée de bile dans sa gorge. Il émit un grognement sourd, qui peina à franchir les barrières de ses lèvres. Mais le bandit n’en avait pas terminé pour autant. Un deuxième coup frappa au même endroit, suivi d’un troisième. Très vite, les pieds ne suffirent plus, les poings s’abattirent sur ses côtes, sur son sternum, sur son visage. Chaque coup était animé d’une hargne un peu plus intense. Il n’avait pas juste l’intention de le faire souffrir, là. S’il crevait, abattu par les coups, par son souffle saccadé qui se faisait déjà de plus en plus rare, plus difficile, il s’en foutait royalement. On ne provoquait pas impunément la morts de brigands, quand bien même ceux-ci étaient de la pire espèce, sans en subir les conséquences. Et Henri pouvait bien gueuler tout ce qu’il voulait, le frapper à son tour si l’envie lui en prenait; le reste du groupe le suivrait, lui, et s’en donnerait aussi à coeur joie.

Lorsqu’il en eut fini avec Morion, même Chris était épuisé par la tâche. Son sang le maculait aussi bien que celui de Morion, qui ne bougeait plus du tout au sol. Il respirait faiblement, mais seule une proximité suffisante aurait permis de le deviner. Il était interne, le visage maculé de son propre sang, les cheveux collés à son visage par le liquide carmin. Son torse était rougeâtre aux endroits les plus épargnés, déjà violacé, voire presque noir aux endroits que Chris avait le plus violemment malmené. Il était appuyé contre le mur du fond de la pièce, entraîné, roulé par les coups. Des gouttes de sang s’étaient éparpillées par terre au rythme de son parcours. Le souffle court, sifflant, Chris lui jeta un regard plein de mépris, puis cracha dessus en guise de conclusion. Combien de temps cela avait-il duré ? Quelques minutes ? Dix ? Un quart d’heure ? Un bon moment, en tout cas. Et il allait en remettre une couche sur l’homme presque mort au sol, à demi-inconscient, quand Raël redescendit prestement dans les geôles. Il s’arrêta un moment, observant d’abord le masque de haine sur le visage de Chris, dont les yeux exorbités par la rage ne quittaient pas Morion, puis sur ce dernier, qu’il apostropha, le ton plein d’urgence.

«Fous le dans sa cellule, ça merde au-dessus, on manque de bras. Les bêtes continuent de s’affoler, on va pas passer la nuit si tu passes ton temps ici. Grouille.»

Chris serra les dents, visiblement plus enclin à démolir le comte pour de bon plutôt que d’aller aider ses compères, puis finit par obtempérer. Il traîna Morion comme un vulgaire fétu de paille au sol, le poussa du pied derrière les grilles, qu’il referma brutalement. Un dernier regard promettant toutes les souffrances du monde lui fut jeté, puis il quitta la pièce, non sans avoir jeté un regard au corps prostré d’Ambre, qui signifiait “ce sera ton tour ensuite”.
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: De Rikni le coeur du sang félon nourriras [Morion & Ambre de Ventfroid] [Terminé]   De Rikni le coeur du sang félon nourriras [Morion & Ambre de Ventfroid] [Terminé] - Page 2 EmptyDim 27 Nov 2016 - 22:55
Ambre se sentait terriblement exposée. Elle voyait la grille de sa cellule grande ouverte en baissant légèrement les yeux depuis sa position, voie toute tracée vers la liberté. Si proche, si palpable. Et pourtant… La jeune femme ne s’était jamais sentie autant vulnérable. Pour un peu elle se serait levée et aurait claqué la porte de sa prison elle-même pour s’enfermer de nouveau, si elle n’avait pas été surveillée par un bandit sanguinaire, et si ce simple effort n’aurait pas fait exploser son dos de douleur. Tout sauf se faire dévorer par ces monstres. Raël se servait du lien entre Morion et Ambre. Lui et ses compères en usaient et en abusaient, à un point tel que Talen en était délaissé, à peine considéré ou maltraité par les meurtriers. Dès lors qu’ils avaient appris l’identité du couple Ventfroid, il ne s’agissait plus que de ça : faire souffrir les mariés. Talen n’était qu’un cloporte indésirable dont la maltraitance n’apporterait jamais autant de satisfaction que celle itérée sur un couple, avec toutes les conséquences psychologiques que cela pouvait entraîner.

Et, encore une fois, cette pression psychologique avait fonctionné à merveille. Désormais que la porte de la prison de la comtesse était ouverte, laissant libre passage à n’importe quel monstre s’ils parvenaient jusqu’au sous-sol, Morion s’était figé. Ambre sentait son cœur battre dans sa poitrine, remonter presque dans sa gorge. Elle bougeait sous la petite cape, rampant doucement le plus loin possible de l’entrée de sa prison, jusqu’à ce que son corps effleure la surface du mur opposé, obstacle infranchissable. Maigre consolation de s’être écartée d’une dizaine de centimètres du danger. Cela n’avait fait que glisser la cape qui avait été posée sur ses épaules, en sus de la faire trembler de douleur, et les liens emprisonnant ses poignets l’empêchaient de se couvrir de nouveau. Le froid la reprendrait très vite. Mais à cet instant, elle ne voulait que reculer, vainement, devant le danger inévitable.

La jeune femme jeta un regard furtif à son époux, ses cheveux à moitié défaits, à peine retenus par son épingle à coiffer. Il avortait sa stratégie, encore une fois. A cause d’elle. Dès l’instant où elle avait été capturée avec eux, elle était devenue un poids et un obstacle. Morion brimait ses actions et en devenait impuissant. Par tous les Trois ce qu’elle pouvait se détester à cet instant. Pourquoi avoir pris le risque de sortir dehors ? Pourquoi ne pas avoir dépêché une escorte entière ? Ambre ne supportait pas de voir son époux enfermé, pas plus qu’elle ne supportait ses tentatives vouées à l’échec, ayant pour simples conséquences d’augmenter un peu plus la rage de leur geôliers. Souhaitait-il mourir ? La jeune femme ne comprenait pas. Mais elle était difficilement en état de comprendre. Elle ne pouvait que rester prostrée et fatiguée de son côté. Les quelques forces qui lui restaient, si elle en usait, il faudrait que cela soit au bon moment. Provoquer les hommes… elle ne voyait aucun avantage tant que Morion ne comptait pas user de sa dague. Alors provoquer les fangeux, par tous les dieux…

Ce qui devait arriver arriva. Craquement sinistre et lointain, puis un cri. Ambre se figea dans sa cellule avec un sursaut, redressant la tête et les épaules. Son regard se dirigea sur Raël, qui était inquiet. Mais il ne pouvait pas l’être autant que la comtesse. Plaquée contre le mur, elle désirait que ce dernier l’aspire. Son sang se mit à battre dans ses tempes alors que l’adrénaline embrasait son corps de nouveau. L’angoisse fut terrible. Un fangeux était entré dans la planque, peut-être plusieurs, et d’autres suivraient sûrement. Combien de temps avant qu’ils ne déciment tout le monde et termine par s’engouffrer au sous-sol ? Ambre lâcha un souffle désespéré. Elle se voyait déjà attaquée, dévorée vivante, et se sentait terriblement seule. Elle avait besoin d’une présence rassurante qu’elle n’avait pas. Son instinct lui hurlait de rejoindre la protection de son mari, mais elle ne pouvait pas. Tous ses souhaits étaient irréalisables. Elle se voyait mourir.

Doucement, la jeune femme se mit à pleurer en même temps que son angoisse achevait de la figer dans le recoin de sa cellule. Les yeux dans le vide tandis que tout le reste de son être était concentré sur le combat qui faisait rage dans les étages, la jeune femme n’entendit même pas Raël quitter les lieux. Terrifiée, son attention lui faisant remarquer sa cellule grande ouverte comme un feu d’artifice clignotant, la jeune femme ne pouvait plus que faire une chose : prier. Et c’est ce qu’elle fit. Elle s’adressa à chacun des dieux, longtemps, essayant d’échapper à la réalité autour d’elle. Elle leur demanda d’être cléments. Que s’ils n’accordaient plus d’importance à sa vie, qu’ils en accordent au moins à celle qui grandissait en elle, qui n’avait jamais demandé à mourir sans même être née. Elle pria pour son époux, pour Talen, pour eux trois. Et ses prières durèrent aussi longtemps que la lutte faisait rage à l’étage. La comtesse sursautait à chaque fois qu’un coup sourd retentissait plus fort, avec la désagréable sensation que la menace se rapprochait. L’attente angoissante était terrible.

Après un temps qui parut infini, l’agitation se calma. Comment était-ce possible ? N’y avait-il plus un seul bandit en vie ? Les fangeux se délectaient-ils de leurs proies avant de continuer leur exploration de la maison ? Pourquoi ce silence, tout d’un coup ? Les bandits avaient-ils terrassé l’intrus et réussi à colmater la brèche avant que d’autres s’y engouffrent ? Des questions toujours sans réponse jusqu’à… ce que Raël et Chris fassent leur apparition. Ironiquement, ce fut un soulagement immense de voir la tête de ces meurtriers. Les dieux lui accordaient encore un peu de vie : elle ne serait pas dévorée par une créature. Pas tout de suite.

Les deux hommes étaient exténués, ensanglantés, mais possédaient encore assez de force pour bouillir de rage. Maintenant que le danger immédiat était de toute évidence passé, ils revenaient vers celui qui avait eu l’audace de faire trop de bruit : Morion de Ventfroid. Ambre protesta faiblement lorsque son mari fut jeté au sol hors de sa cellule. Même ses cordes vocales semblaient lui faire défaut et son cri fut à peine remarqué par les autres. Ces crétins ne comprenaient-ils donc pas ? Plus ils s’acharneraient sur eux trois, plus ils feraient couler le sang dans cette pièce, et plus la détermination des fangeux à venir se délecter d’eux serait puissante. Par pitié, que la Trinité les garde de mourir à cause d’arriérés mentaux pareils !
Et Morion qui ne réagissait pas ! Pas même une seule parole ni acte d’échappement. Rien. Les coups se mirent à pleuvoir, rendant chaque fois son mari un peu plus méconnaissable. La comtesse voyait les bleus éclore, le sang couler de ses lèvres éclatées. Le comte sombrait petit à petit, poupée de chiffon ballotée par les attaques, et les protestations de la comtesse et de Talen n’y faisaient rien. Ambre découvrait le supplice de voir son mari approcher dangereusement la mort, nouvelle émotion bien trop extrême en cette nuit de malheur.

Ils furent sauvés par la situation. Raël redescendit, en besoin d’aide pour continuer la consolidation et empêcher d’autres créatures de se pointer. Avec mauvaise volonté, Chris lâcha Morion. Ce dernier fut lâché sans ménagement dans sa cellule, laissé pour mort, et la grille fut refermée avec brualité.

Ce déferlement de violence avait eu l’effet d’une décharge sur Ambre. L’imminence d’une mort possible et même fort probable de son époux l’avait frappée de plein fouet à chaque fois qu’un coup s’était abattu sur son visage ou sur ses côtes. Plus que son propre état, celui de Morion était devenu inquiétant lui aussi, ramenant à l’esprit de la comtesse la peur de perdre l’homme qu’elle aimait au premier plan. Grands dieux, respirait-il encore au moins ? Il n’allait pas mourir dans cette cellule, n’est-ce pas ?

Animée d’une volonté nouvelle, la comtesse se força à se redresser sur le côté, puis sur les fesses. Toujours les mains liées derrière son dos, elle était néanmoins désormais assise plutôt qu’éclatée sur le sol. Les yeux fermés, prenant une grande inspiration, serrant les dents, elle entreprit doucement de se mettre à genoux en basculant un peu, puis à ramper à moitié, petit à petit, pour enfin se laisser choir contre la grille séparant les deux geôles. Le métal froid et austère fut très froid sur son front et son épaule droite lorsqu’elle posa ces derniers dessus, à la fois pour s’appuyer et pour être au plus près pour observer Morion. Ce dernier gisait au sol, visiblement presque inconscient. C’était maintenant qu’il était aussi peu en état de bouger qu’elle ou presque qu’elle ressentait l’envie de se rapprocher de lui, sentir sa peau et son odeur. Elle faisait fi de sa honte et de son désir de lui épargner la vue de sa souffrance, et s’était rapprochée, oui. C’était ridicule, mais essentiel pour elle à cet instant. Elle voulait s’assurer que son état n’était pas aussi dramatique qu’il n’en avait l’air.

- Morion… ? Morion, réponds-moi s’il te plait. Dis-moi que tu m’entends. Concentrée sur la respiration de son mari, la jeune femme essayait de ne pas montrer l’étendue de son état avec ces simples mots. Mais elle était essoufflée d’avoir seulement rampé jusque-là, et sa faiblesse était palpable aux tremblements dans sa voix ainsi que sa tonalité très ténue. Chaque mouvement de son thorax éclatait son dos, mais elle restait assise et affalée contre cette grille, uniquement concentrée sur l’homme qu’elle aimait. Talen, retirez les cheveux de son visage avant qu’il n’étouffe, s’il vous plait.

L’homme s’était rapproché de son seigneur sans qu’elle n’ait à le demander, de toute façon. L’homme bouillait à la fois de rage et d’horreur. Se contorsionnant légèrement, se mettant dos au comte, il gratta doucement de ses doigts dans le vide avant de parvenir à écarter les mèches poisseuses et libérer les voies respiratoires de l’homme.
Talen regardait partout autour des sous-sols après cela, notant l’absence totale de gardes. Il était en colère, mais aussi inquiet.

- Je me demande s’il ne serait pas pertinent de profiter qu’ils soient occupés à surveiller les fangeux pour tenter une fuite. Je sais combien vous souffrez, ma Dame, mais si vous parvenez à vous déplacer jusqu’à nos armes et que vous parvenez à nous les glisser à travers la grille… Nous aurons peut-être même les moyens de briser la serrure.

Sans quitter son époux des yeux et son état catastrophique, la voix d’Ambre fut tranchante.

- Taisez-vous. C’est hors de question. Sans même considérer l’état déplorable dans lequel nous sommes pour tenter une fuite correcte, il fait toujours nuit noire, dehors. Je ne tiens pas à me jeter en offrande dans la gueule de ces monstres tant que je possède encore un minimum de lucidité. Je ne bougerai pas d’ici tant que le soleil ne sera pas levé.

- Ma dame… D’ici à ce que le soleil se lève, ils reviendront vous molester un peu plus.

La jeune femme frissonna sans rien dire.

- Espérons que la situation nécessite leur absence jusqu’à la fin de la nuit, termina-t-elle par répondre. Je ne puis rien faire de plus tant que notre chance de survie à l’extérieur de ces murs est nulle.

Elle reprit le silence, exténuée par ce simple échange. Sa voix était celle d’une pauvre enfant à bout de forces, mais tant pis. Ses yeux se baissèrent sur la petite fiole d’eau salée qu’elle avait donnée à son époux. Accrochée autour de son cou par une ficèle, le petit objet n’avait pas survécu au traitement infligé au comte. Des morceaux de cristal brillaient sur la chemise, éclatés, et le contenu salin avait mouillé la chemise de l’homme, se mélangeant aux traces sanguines. L’attaque de Morion avait réveillé son envie de lutte, sa rage de vaincre. Mais il était encore impossible d’agir sans s’assurer une mort rapide et douloureuse. Il fallait attendre encore quelques heures. Attendre le bon moment. Quitte à subir encore d’autres sévices.

- Morion…

Un dernier appel, à moitié désespéré, pour tenter d’échanger avec son mari durant cette brève accalmie accordée par l’absence des bandits.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



De Rikni le coeur du sang félon nourriras [Morion & Ambre de Ventfroid] [Terminé] - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: De Rikni le coeur du sang félon nourriras [Morion & Ambre de Ventfroid] [Terminé]   De Rikni le coeur du sang félon nourriras [Morion & Ambre de Ventfroid] [Terminé] - Page 2 EmptyLun 28 Nov 2016 - 3:23
La douleur. Une chose étrange, aux facettes, aux états multiples. Une petite pique, dérangeante, qui démangeait, même. Ou encore un grognement sourd, quelque part dans votre corps. Difficile à localiser, parfois. On a juste mal. On ne sait pas vraiment où, mais l’on sait que c’est douloureux. Ou encore un brasier ardent, très précis, inextinguible, sauf par les souffles réguliers du temps. Parfois, un noeud, une sensation de dureté, dans la gorge, le coeur ou l’estomac. Pas si douloureuse que ça, finalement, peut-être juste une gêne. Mais la manifestation d’une très grande douleur de l’esprit. Parfois, comme à la suite d’une séance de flagellation, des explosions. Des éclairs, marqués par une douloureuse persistance, de brefs moments de répit si l’on puis dire, juste avant les répliques, au moindre mouvement. Des déchirure dans le corps qui éclatent d’un coup, et laissent un goût chaud, amer. Et parfois, l’exact opposé. Un océan. Immense, profond, insondable. Un gouffre cyclopéen et obscur dans lequel esprit comme corps s’enfoncent et semblent ne jamais pouvoir retrouver la surface. C’est bien dans ces abysses que Morion était tombé, bien malgré lui. Pendant un long moment, il ne semblait être que douleur.
Devant ses yeux mi-clos, ternes et rendus vitreux par les sévices qu’il venait de subir, le monde n’avait plus aucune cohérence. Il se décomposait en un entrelacs de motifs dissemblables, à peine garnis de quelques couleurs, oscillant entre les nuances de gris et celles de brun. Et ce monde tournait. A une vitesse nulle, pourtant. Il sentait que son esprit tentait d’étranges calculs. Déterminer sa position, peut-être. Une puissante migraine le saisit, et il abandonna tout de suite cette idée. Enfin abandonna… Morion n’était plus réellement maître de ce que son esprit faisait. Dans un réflexe protecteur, il s’était abîmé en lui même, spectateur de sa propre existence, réfugié dans un coin sombre de son esprit où la douleur ne pouvait pas l’atteindre. Et pourtant, ses tentacules d’ombre menaçants étaient juste là, tout près. Il pouvait les voir, sentir leur caresse froide. Etait-ce d’ailleurs seulement de la douleur ? Ou pire ? Malgré sa curiosité maladive, il ne voulait surtout pas, jamais, avoir la réponse à cette question. Il n’y avait qu’un seul moyen de l’avoir, et il se refusait à l’employer. Le peu d’énergie qu’il avait, semblable à l’éclat d’une lanterne au milieu d’une tempête, fragile et vacillant, était entièrement mobilisé sur cet objectif simple, et pourtant horriblement difficile à atteindre; rester le plus éloigné possible de toute intrusion extérieure. Il se contentait de se laisser couler, doucement. Chaque mouvement, chaque contraction de l’un de ses muscles provoquait une douleur vomitive. Des tréfonds de sa torpeur, son esprit semblait ne plus l’intégrer, mais son corps lui, réagissait. Et il réagissait bien.
Dans des éclairs aussi rare que confus de lucidité, il se demandait si l’une des parties de son corps n’avait pas été brutalisée par Chris. Un homme dont à l’heure actuelle, il n’avait aucun souvenir précis. Juste un embrouillamini inextricable de sensations dont le goût variait entre l’infect et l’abject. Il avait à peine conscience de ce qui se tramait autour de lui. Plus aucune notion du temps qui passait. Son seul contact réel avec le monde qui l’entourait était la peau de son torse, qui était, à intervalles irréguliers, électrisée par la sensation de froid que dispensait le sol glacé. Et c’était tout. Les bruits lui parvenaient, bien sûr, mais son audition était comme sa vue. Il ne percevait, qu’après un temps qui paraissait infini, des échos amphigouriques, des ersatz de sensations qui n’avaient pas le moindre sens. Un bruit de métal devenait une cacophonie sans nom de hurlements dans sa tête, alors qu’un ordre crié paraissait lui parvenir du fin fond de l’univers, depuis ces confins que seuls les Dieux pouvaient fouler. Et d’ailleurs… Où étaient-ils, ces dieux ? A cet instant présent, alors que son esprit sombrait dans ces abysses noires et opaques, que faisaient-ils ? L’observaient-il couler de plus en plus loin dans les ténèbres, se gaussaient-ils de cette fragilité propre aux humains ? Préparaient-ils les esprits défunts à l’accueillir parmi eux ? Il ne savait pas. A dire vrai, il s’en moquait. Les questions fusaient inconsciemment, auréolées par un halo de délire, n’attendaient pas que son esprit les capte. Elles passaient, le narguaient de leur volubilité fébrile, dansaient ingambes devant sa conscience abasourdie, puis partaient, et disparaissaient bien vite. Eclats de consciences célères et seules preuves, pour l’instant, qu’il était encore en vie, et plus ou moins conscient.

S’il était mort durant cet instant, il ne l’eût probablement jamais su.

En mer, de nombreux marins vous le diront, il y a parfois des miracles, qui se produisent. Après une lourde tempête, lorsque la déferlante colérique des dieux finit de s’abattre, après avoir ravagé et coulé tous les bâtiments se trouvant sur la surface des eaux houleuses, lorsque chaque homme présent a été témoin de l’ire divine et en a subi les pleines conséquences, l’on lève parfois la tête. Persuadé d’être perdu, l’on lève un regard étonné comme au premier jour vers les cieux. L’on s’apprête à rejoindre la voûte céleste, alors… pourquoi ne pas anticiper un peu le trajet ? Et là, entre les voiles sombres de Rikni et l’immensité vide qui sépare l’homme de ces derniers, se trouvent un petit éclat. Faible et miroitant, l’éclat nitescent cristallise cependant toute l’attention. Au sommet de l’immensité des royaumes infinis d’Anür, se trouve un cercle lumineux, fragmentés une myriade d’éclats irisés. Le soleil. Juste là, à portée de main. Un soleil vivace et dansant, qui n’appelle qu’à une chose: être rejoint. C’est là que le marin naufragé connaît son second souffle, et pousse, d’une traite, rassemblant toute ses forces, son corps vers la surface.

L’océan de douleur, s’il est plus capricieux, fonctionne presque sur le même principe, pourtant. Tout d’abord, c’est une sensation vague, sur le visage. Si diffuse qu’elle paraît être un souffle d’air sur le nez, une brise si légère qu’elle ne ferait même pas trembler une feuille morte. Pourtant, elle persiste. Centimètre par centimètre, elle chasse une mèche de cheveux, puis une autre. Bien mal lui en prend à cet instant. Elle révèle des lèvres sanguinolentes, gonflées, perlant encore par endroits, entrouvertes et laissant apercevoir des dents qui si elles furent blanches, étaient désormais teintées de rouge. Le même liquide s’échappe également des narines. Par filets légers, ralentissant de plus en plus. Les joues sont bleuies, tant par le froid que par les coups subis. Puis viennent les yeux. La peau surmontant les arcades éclatée à de nombreux endroits, ayant déjà généreusement laissé couler le sang. Quelques perles sanguines ont d’ailleurs déjà séché, laissant à leur place une croûte encore rouge, mais tendant au brunâtre. A peine ouvert, l’azur des iris, entourés par un blanc relatif aux vaisseaux éclatés, n’a plus aucun éclat. Ils fixent un point irréel, bien plus loin que ce qu’il en a l’air, et ne semblent plus réagir aux mouvements qui l’entourent. Au rythme des vagues de douleur cependant, des éclats luminescents qui stimulent encore faiblement la conscience, ils bougent parfois, cependant. Un très léger décalage vers le côté, avant de reprendre leur place. Les paupières s’ouvrent un peu plus largement, avant de récupérer leur position initiale. Des signaux de vie certes, mais guère plus que de très légères ondes à la surface d’une eau désespérément plate.

Mais l’éclat, différent et pourtant semblable à celui que vise ce marin dont nous avons parlé, persiste. Un écho différent des autres, peut-être. Difforme, incompréhensible, qui vient d’un peu partout, et surtout nulle part, caresse l’orée de sa conscience. Même si Morion ne le comprend pas, il sait qu’il est là. C’est là le point crucial. Il sait. Et pour savoir, il faut être conscient.

Dès que ce constat est fait, les sensations nébuleuses deviennent des claques en pleine figure. De puissantes brasses vers la surface où brille ardemment ce soleil éclaté. En tout premier lieu, la douleur. Acide, omniprésente, dans chaque partie de son corps. La refouler, surtout. La contenir, comme une lame de fond serait contenue par une digue. Lorsqu’elle semble refluer, ensuite, un goût. Plusieurs, à dire vrai. Un goût de bile, horriblement acide et brûlant, accompagné par une sensation métallique, sur son palais. Le sang. Mais un autre aussi. Du… sel ? Les odeurs viennent après. La surface est proche. Promesses de futures bouffées d’oxygène, elles sont bien là. L’odeur du sang domine toutes les autres. Puissante et sauvage, elle emplit ses narines et ses poumons, comme si le monde n’était constitué que d’hémoglobine. Mais elle finit par se nuancer. L’odeur de la terre, toute proche de lui, encore humide, se révèle, timide. Elle emmène cependant avec elle toutes les autres, faisant, un bref instant, barrage aux effluves sanguins. Sa sueur. Une forte odeur de putréfaction, douloureuse pensée pour les fangeux. Et une odeur d’iode. Encore du sel.

Vient ensuite la vision. Nauséuse en premier lieu. Le tournis est fort, impossible à calmer, alors qu’il émerge, au bout d’un temps qui lui est inconnu, des sombres enfers desquels il était prisonnier, dans lesquels il s’était lui-même enfermé. Un motif régulier apparaît devant lui, noir et froid. La cage. Il cligne une fois, puis deux, des yeux. Il n’arrive pas à chasser ce voile qui masque son champ de vision et l’empêche de voir les choses avec netteté. Mais il devine, signe que son esprit recommence à tourner dans le bon sens, les détails que ses prunelles ne comprennent pas encore. Un rivet, ici. Une tâche de rouille, un peu plus haut. La jonction entre terre et métal, tout en bas. Et puis… “Morion”.

L’appel, faible, mais présent, est une bouée qui lui est lancée. Et il s’y accroche. De toutes ses misérables forces, il s’y accroche. Ses dents, ses mains liées, ses pieds s’il le faut, chacun de ses appendices se lie avec une férocité recouvrée et croissante à ce seul mot. Sa langue engourdie rampe dans sa bouche, avec une lenteur incroyable, chassant, goutte par goutte, le sang qui stagne contre sa joue intérieure. Elle finit par poindre entre ses lèvres, qui protestent à ce contact. Horriblement sensibles, la douleur est brutale, mais bienvenue. Elle se terre dans son antre à nouveau, tandis que la première goulée d’air véritable franchit sa gorge. Un éclat de feu vient accrocher son regard. Ce soleil il est juste là. La cage froide l’empêche de l’atteindre, mais au moins son esprit est-il désormais dans la même réalité que lui. Tout juste à la surface de cet océan, mais si proche… Il connaît cette rousseur flamboyante. Ses yeux s’y attachent, incapable de fixer autre chose. Elle est la seule véritable nuance de couleur dans cet enfer terne. Des paupières qui clignent encore, un peu plus vite. Un raclement de gorge laborieux.

Il essaya de parler, plusieurs fois. Mais son corps, après avoir fourni l’effort supplié par Ambre de son appel, refusa d’en faire plus. Son regard s’assombrit de frustration, mais il ne dit rien. Il attendrait. Il se figea une fois de plus. Il s’accrocha à quelques sensations durement choisies, mais qui le maintiendraient éveillé. Il n’avait pas le droit de sombrer une nouvelle fois, il le savait. Le soleil. Il s’accrocha à ce soleil de feu orange, aux éclats épars quoique ternis. Il ne les quittait pas une seule seconde des yeux. Le sel. Il sentait le sel et se concentrait sur cette odeur, de même que sur ce goût iodé qui persistait dans sa bouche. Cette fiole là n’aurait certainement aucune utilité contre un fangeux dès lors qu’elle était brisée. Cependant, elle lui permettait de se maintenir concentré, même si de l’extérieur, il aurait pu paraître mort. Même si cette concentration était tout au plus un faible halo de conscience. Les présents de sa femme le sauvaient encore une fois.

Alors qu’il désirait ardemment répondre, il n’y arrivait toujours pas, et restait étendu sans autres signes que les faibles mouvements de ses yeux, qui tentaient parfois une aventure incertaine vers le visage pâle de son épouse, son souffle qui s’était fait plus régulier, mais aussi plus rapide maintenant que la douleur était consciente. Il brûlait de s’enfermer à nouveau dans son royaume d’oubli distordu, mais ne pouvait en aucun cas se le permettre.

Il resta ainsi probablement longtemps. Très longtemps.

Ce fut Talen qui brisa le silence le premier, un faible sourire aux lèvres. Surveillant le comte sans discontinuer, il avait guetté tout signe conscient pouvant faire montre d’une quelconque amélioration de son état. Ou l’inverse. Ce n’était pas ce à quoi il s’attendait, mais le soulagement était perceptible, lorsqu’il prit la parole.

«Maîtresse, je crois qu’il nous entend. Il sourit à nouveau, baissant les yeux vers un Morion pourtant immobile, puis releva les yeux vers elle, explicitant ce qu’elle ne pouvait pas voir. Il serre les poings. Il est de nouveau en colère, je le crains.»

Les yeux de Morion s’étaient braqués sur ceux de sa femme, tout du moins, en dépit de sa vision compromise, vers l’endroit où il était sûr qu’ils étaient. Et le visage qu’il devinait, il le connaissait par coeur. Chaque grain de peau, chaque irrégularité. Et cela valait pour ses yeux.

Alors il retenta l’expérience. Le premier son qui quitta sa gorge fut parfaitement inintelligible. Mais il ne renonça pas. Il bougea légèrement sa langue dans sa bouche, laissant la salive l’envahir. Il poussa à nouveau le sang qui s’y était à nouveau installé vers l’extérieur de ses lèvres, puis retenta. Avec succès.

«… Ambre. Sa voix était éraillée, sèche, mais perceptible. Je suis là

Quatre mots, c’est tout ce qu’il put produire pour ce premier essai. Mais c’était déjà beaucoup. En revanche, son esprit recommençait à tourner à un régime satisfaisant. Il n’arrivait pas à déterminer combien de temps il était resté là, et ne le saurait jamais par lui-même. A chaque fois qu’il tentait de se remémorer quelque chose, son crâne était vrillé par une douleur aiguë sur chacune de ses tempes. Il bougea alors légèrement sa jambe, agitant son pied comme si quelque chose le démangeait.

«… Tal. Talen. Prends-la.»


Il ferma les yeux, sentant sa conscience vaciller à nouveau. Sa jambe hurla dès que Talen s’attaqua à sa botte pour y saisir la dague qui y était dissimulée. Dans son état il était incapable de s’en servir. Ils ignoraient tous Talen depuis le début. Il n’était qu’un domestique. Noble, certes, mais son nom n’avait pas l’éclat froid et prestigieux de celui des deux époux. En comparaison, il ne valait que peu de choses. Mais contrairement aux Ventfroid, il était en pleine possession de ses moyens, lui. La dague récupérée, Morion laissa un soupir profond lui échapper. Des glaires se coincèrent dans sa gorge, et une voix à moitié étouffée résonna faiblement.

«Au matin. Tie- Tiens-toi prête. Talen.»


Le domestique se rapprocha de Morion, lui intimant le silence. Il venait de ranger la dague de la même façon que Morion l’avait fait auparavant. En consentant un sacrifice de plus. Les solerets qu’il portait étaient solides et d’un excellent métal. Sitôt que la dague avait trouvé fourreau, bien que celui-ci fut insolite, elle avait cisaillé le cuir et attaqué la peau de son mollet. Ce n’était pas une blessure grave, mais il n’avait intérêt à bouger que si cela était nécessaire.

«J’ai bien compris, monseigneur. Je suis sûr qu’Edric aura déjà commencé à écumer Sarrant d’ici-là. La présence des hommes d’armes des Ventfroid saura distraire ces pourceaux, je le gage de ma vie.»

Un coin de lèvre de Morion bougea faiblement, signe qu’il avait essayé de sourire.

«Repose-toi, mon épouse. Demain matin… Demain matin on rentre chez nous.»

Lui-même finit par fermer les yeux. Il se battait pour rester éveillé, mais n’avait pas la force de garder ses paupières levées plus longtemps. Chaque once de force qu’il pouvait économiser lui serait précieuse plus tard. Ce plus tard qui arriverait certainement plus tôt que prévu, d’ailleurs. Une petite pensée fusa, avant de s’éteindre. Si Henri avait vu Chris, ou s’il le voyait dans cet état… Ca risquait de chauffer.
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Ce fut la première fois qu’Ambre vit son époux dans un tel état. Il avait été pire, immédiatement après sa blessure du Labret, mais elle n’avait pas été là. Elle ne l’avait retrouvé que trois semaines après, quand sa santé avait eu le temps de se stabiliser, et son état général avec. Là… Là, elle assistait aux minutes qui suivaient directement l’ignoble passage à tabac. Grands dieux, elle espérait qu’il n’avait rien de cassé. Son visage était gonflé, bleui, et la jeune femme savait sans le voir que cela devait être identique sinon pire sous sa chemise. L’homme respirait difficilement, réagissant à peine à ses appels, mettant vraisemblablement un temps considérable à comprendre que quelqu’un s’adressait à lui. Le voyant inerte, le regard perdu, à moitié capable de penser, la jeune femme fronça les sourcils contre le métal froid de la grille. Une larme coula après un battement de paupières, et elle resta là, avachie contre le fer, prenant un soin tout particulier à ce que son dos n’effleure pas le coin du mur de pierre derrière elle. Elle observait son mari au sol, sans le quitter des yeux. Avait-elle l’air aussi misérable et fragile lorsque cela avait été à lui de constater son état après les coups de fouet ? Des heures durant elle était restée dos à lui, sans réagir, sans montrer signe de vie à part les mouvements réguliers de sa respiration. C’était à elle désormais de constater toute l’étendue des dégâts chez son époux.

La colère était parvenue à se refaire un chemin jusque dans son cœur, malgré l’épuisement, malgré la douleur qui avait terminé par déclencher une migraine terrible à force de se concentrer pour l’ignorer. Elle voulait que ces bandits paient, mais en même temps, elle voulait surtout fuir d’ici, fuir tous les trois et ne jamais revenir, ne jamais se retourner. Fuir le trou mortel dans lequel ils étaient tombés, retrouver leur vie d’avant, en sécurité, derrière leurs murs. Préparer la vie de leur enfant sans avoir peur que des meurtriers n’interrompent brutalement leur journée. Le mélange de colère et de peur était délicat, telle l’huile qui ne parvient pas à se marier avec l’eau. La comtesse et son ego voulaient réparation et la mort de ces hommes. Autant par pure vengeance que pour s’assurer qu’ils ne leur fassent plus jamais de mal. La femme voulait simplement fuir, partir aussi loin que possible, sauver sa vie et celle de ceux qu’elle aimait, sans tenter d’actions inconsidérées.

Ambre releva brusquement la tête lorsque Morion réagit enfin. Son prénom retentit dans l’air moite de la cellule. Sa voix était… grands dieux, ce qu’elle était faible. Elle voulait pouvoir lui faire du bien, le serrer contre elle, éponger d’un linge chaud les traces de sang qui souillaient son visage. L’embrasser, l’enlacer. Même ça, elle ne pouvait pas. A quoi s’était-elle attendue ? Que son mari se redresse et vienne l’embrasser au travers des grilles ? Qu’il lui murmure des mots rassurants en caressant son nez du sien ? Le pauvre comte ne pouvait même plus bouger. Pas plus qu’elle ne pouvait conserver la position assise bien longtemps.

- Toi, repose-toi, répondit Ambre d’une voix tremblante. Je suis désolée. Tellement désolée.

Retenant les sanglots qui menaçaient, la jeune femme se tut. Demain matin, oui. Elle prierait pour qu’au matin ils sortent de cet enfer. En attendant… En attendant il n’y avait qu’à attendre, impuissant. La comtesse se laissa glisser puis choir le long des grilles. Allongée sur le côté dans la position la moins rude pour son dos, elle resta ainsi, espérant pouvoir grappiller un peu de sommeil. Mais elle resta longtemps immobile sans parvenir à le trouver. Son esprit était en ébullition, trop attentif au retour d’une menace.

Mais il n’y eut pas d’autre menace pour la nuit. Les bandits furent occupés des heures pour maintenir les fangeux à distance. L’on entendait parfois des ordres criés, des coups sourds frappés, parfois des exclamations de joie lorsqu’un archer chopait une créature en train de grimper sur le toit, parfois des exclamations d’horreur lorsqu’ils réussissaient presque à pénétrer la masure. Mais ils tinrent bon. Bientôt, le jour se leva, et quand ils furent sûrs que les bestioles s’étaient retirées dans l’ombre des marais, ils purent se concentrer à nouveau sur leurs geôliers, et leurs préparations pour l’exode vers la grotte. Ils n’étaient pas dupes : avec la certitude que des humains se trouvaient dans la maison, il y avait forcément des fangeux encore tapis dans l’ombre d’une maison voisine, ou très proche. Mais il fallait le tenter, maintenant que le jour était levé.
Malheureusement pour nos prisonniers, Henri avait été blessé lors de la percée du premier fangeux dans la nuit. Se déplaçant désormais difficilement, il se contentait de préparer le départ, sans s’occuper des nobles. Lorsqu’il fut temps, il demanda simplement à ce qu’on aille les chercher. Sans surprise, Chris, Euverne et Raël furent parmi les premiers volontaires.

- Oh comme c’est mignon. La pauvre princesse en détresse près de son prince charmant.

La remarque moqueuse avait été lancée à la vision d’Ambre allongée contre la grille mitoyenne. Cette dernière sursauta face à la voix grasse, qui brisa la quiétude bienvenue qui s’était installée depuis plusieurs heures. Chris et Euverne se placèrent devant la cellule des deux hommes, tandis que Raël se présentait à l’encadrement de la porte toujours ouverte de celle de la comtesse.

- Par la Trinité, elle n’a même pas tenté une échappée malgré la perche tendue. Allez les gars, embarquez-les. Puis, se retournant vers Ambre. Toi tu restes avec moi, petite. On a vu combien l’odeur de ton sang les attirait, on prendra pas le risque de te faire voyager à pied, même en plein jour. Un bon petit tête-à-tête entre nous, tout ce que tu rêvais, n’est-ce pas ?

Quoi ? Ils veulent nous séparer ?
Raël jubilait. Pénétrant dans la cellule de la comtesse, il fondit sur elle. La jeune femme, restée près de la grille de son époux depuis qu’elle s’y était échouée, n’eut pas le temps de se reculer ou tenter de lui échapper. Brutalement, il l’attrapa par les cheveux et la força à rengorger le cou en arrière, lui arrachant un cri de douleur. Ce simple mouvement avait contracté les muscles de ses épaules, libérant une décharge douloureuse, comme si toutes ses plaies venaient de se rouvrir d’un coup. La présence même de cet homme la forçait à se crisper malgré elle. En même temps, Chris et Euverne ouvraient la cellule de Talen et de Morion pour les faire déménager. Le soleil était levé : il était temps pour eux de suivre jusqu’à la grotte. Et Raël n’avait pas résisté à l’envie perverse de commencer ses sévices sur la comtesse avant que le comte de Ventfroid ne les quitte. Qu’il regarde quand il commençait à disposer de sa catin de femme. Qu’il l’aperçoive retrousser ses jupons avant d’être violemment frappé pour avancer, menacé d’une arme, et tourner le dos à cette vision.

Ambre se retrouvait à genoux, la tête tirée en arrière, le souffle de l’homme dans le creux de son cou. Elle sentait son haleine infâme, sa poigne dans son chignon qui ne tenait plus que par une force inconnue, et son autre main, qui commença à se faire invasive. La robe de la comtesse était toujours déchirée et tombante sur sa taille, laissant tout son dos et son buste à nu. Les doigts du bandit griffèrent son épaule gauche, descendirent sur la naissance de sa poitrine, effleura le téton avant d’empoigner sans ménagement le mont de chair. Ambre s’agita sans trop oser, sachant l’homme armé. Un seul geste, et la dague se trouvant à sa ceinture pouvait venir faire un sourire écarlate sur sa gorge.

- Cessez, par pitié. J’attends un enfant… Ne m’enlevez pas ça, par tous les Trois… Je ferai tout ce que vous voulez, arrêtez !

Autant parler à un mort. Quoiqu’un mort n’aurait pas accueilli ces supplications pathétiques par un sourire malsain.

- Engrossée, vraiment ? Une chance pour toi alors. Une en moins pour moi, je rêvais d’avoir un petit bâtard avec une femme dans ton genre.

- S'il vous plait...

Ambre geignit de peur, le désespoir commençant à lui briser le cœur. Elle frissonna de dégoût quand elle sentit la trace humide de la langue du malfrat s’épanouir dans son cou, et son esprit recommença à se déconnecter. Les yeux vides, elle se remit à fixer le sol, comme lorsque le fouet s’était abattu, cruel. Elle s’abima dans un monde d’oubli. Mais cela ne dura que quelques secondes. Elle fut poussée sans ménagement vers l’avant, et, ayant toujours les mains liées derrière elle, elle ne put pas empêcher la chute. Elle rencontra le sol brutalement, sa poitrine s’écorchant sur la pierre sale. Son souffle fut coupé après qu’un cri d’appréhension se soit échappé de sa gorge.

- Ah non non, ça va pas aller, ça, claqua Raël derrière elle. On ne tient pas une levrette correcte sans les mains, hein ma belle ?

Profondément investi dans ses fantasmes lubriques, le truand sortit alors sa dague. D’un geste sec, il trancha les liens retenant les poignets de la comtesse. Sa première erreur. Peut-être la dernière.

Sentant les cordes glisser autour de ses poignets endoloris, la comtesse, dans un sursaut de survie, se remit à genoux, s’agrippa et se plaqua aux barreaux de la grille séparant sa cellule de celle de Morion et Talen. Ces derniers étaient tenus en respect par Chris et Euverne, qui les menaçaient de leurs propres armes. Ambre eut une vision figée du flocon d’argent brillant sur l’épée de Morion, pointée droit sur sa gorge, le mettant au défi de faire quoi que ce soit à part les suivre sagement vers la procession qui mènerait à la grotte. Ils n’étaient qu’indifférence face au sort de la comtesse, contrairement à Talen et Morion, bien évidemment. Durant la demi-seconde que dura cette vision, Ambre accrocha le regard du domestique. Il avait la dague, mais elle ne savait pas quand il jugerait le moment opportun de s’en servir. Il avait les mains toujours liées, après tout, à moins qu’il n’ait anticipé lorsque la comtesse dormait encore. Elle ne savait pas. Après le regard pour Talen, la comtesse croisa le regard de son mari. Un regard désolé, mais infiniment doux. Un regard qui disait Je t’aime. Ne m’en veux pas si je meurs.

Les phalanges de la comtesse blanchirent sur le métal de la grille lorsque Raël la tira en arrière pour lui faire lâcher prise et la forcer à prendre une position qui lui convenait. La jeune femme serra les doigts durant quelques brèves secondes, avant de s’abandonner. Elle se laissa enlacer, malgré tout le dégoût et la bile que cela faisait monter dans sa gorge. Elle inclina presque d’elle-même le cou lorsque Raël revint goûter sa peau : signe qui aurait dû alerter le bandit. Mais il ne prit ça que pour un signe de soumission résignée. Puis, après quelques secondes, lorsqu’elle crut le moment opportun, sa main droite s’éleva brutalement. Elle empoigna avec force le stylet qui trônait encore dans son chignon à moitié défait. D’un geste vif, elle arracha l’ustensile, qui termina de libérer sa chevelure de feu, et, dans le même geste, se retourna brutalement pour attaquer.

Citation :
Ambre
Attaque d’Ambre : 11
Résultat des dés : 4
Réussi.

Jet de localisation : 2. Ambre parvient à prendre pour cible le visage.

Raël
Habileté du bandit : 13
Pas de malus pour Esquive
Résultat des dés : 9
Réussi.

Réussite supérieure pour Ambre, l’attaque fait mouche. Bien joué ma fifille, bute-le cet enculé è_é

Le stylet tranchant se planta droit dans l’œil gauche du malfrat. La comtesse fut étonnée de sa propre habileté, mais, grâce aux dieux, ne perdit jamais la concentration à cet instant crucial. Alors que Raël s’était mis à hurler, reculant d’instinct, elle enfonça encore plus la tige, jusqu’à ce que l’objet filiforme tienne de lui-même dans le globe oculaire. Là, elle retira le stylet avec un bruit poisseux et ignoble qui arracha un autre cri déchirant à Raël.

- Aaah ! Putain de sale pute !

Mais l’homme était encore trop stupéfait par sa propre douleur et l’usage disparu d’un de ses yeux pour réussir à riposter à temps. La comtesse s’était déjà relevée, trébuchant à moitié, gémissant elle-même de douleur face à son dos qui protestait. Mais l’adrénaline avait rendu la douleur sourde, supportable. Elle s’élança hors de sa cellule, prête à fuir par tous les moyens, même à moitié nue. Il suffisait de rejoindre les chevaux.

Citation :
Je n’ai pas décrit ce qu’il se passe à côté en même temps pour Morion et Talen, pour t’en laisser toute la liberté. Mais j’imagine bien que Chris et Euverne ne restent pas immobiles quand leur ami se fait planter, ni Morion et Talen, d’ailleurs. Mais je voulais pas tout contrôler sans te laisser mettre ton grain de sel, du coup j’arrête là et je te laisse choisir ce qui se passe ou non durant ces très brèves secondes :p

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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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Aux toutes premières lueurs de l’aube, lorsque la clarté grisâtre qui précède cette dernière, voile encore légèrement ombreux, annonciateur des journées ensoleillées de cette fin de printemps, s’en fut, laissant place aux premiers rayons orangés, les cors retentirent. Un premier, tout d’abord, puis un second en réponse à celui-ci. Les hennissements des chevaux se firent entendre, ainsi que les ordres lancés à la petite troupe qui se mit en route. La poussière se souleva progressivement, puis se fit épais nuage, lorsque les chevaux partirent au galop en direction du plateau, et plus loin encore. Les Ventfroid venaient de lancer leur offensive, bien que leurs adversaires soient inconnus, dissimulés dans une place qui l’était tout autant. Peu leur en chalait, il fallait bien l’avouer. A la tête de la cavalerie, suivi par deux porte-étendards, Edric de Castelmont, armé jusqu’aux dents, portant sa lourde armure de combat, dirigeait la charge vers l’inconnu, déterminé. Son visage était dissimulé par la visière de son casque, mais l’on sentait toute la véhémence qui exhalait de lui. Dans la hargne qu’il mettait en éperonnant sa monture, dans la fougue guidant ses bras claquant les brides sur l’encolure de son destrier, dont le mors était déjà perlé de salive. Derrière lui, ses hommes étaient exactement pareil. Pas forcément aussi bien armés ni aussi bien protégés, ils avaient tous répondu à l’appel de leur commandant, lorsque celui-ci leur avait annoncé que leur Seigneur était porté disparu, et qu’il fallait galoper à son secours. Peu d’entre eux avaient fait montre de réticence. Le danger des routes à l’extérieur du plateau ou du domaine, ils le connaissaient. Le comté lui-même en était empli; il n’avait absolument pas été bâti pour faire face à une invasion de démons invincibles, les batailles avaient été aussi âpres que nombreuses. Mais Morion avait assisté à presque chacune d’entre elles et s’était montré un général investi et compétent. S’ils étaient en vie, bien que cela fusse principalement grâce à Edric, Marianne et Estrée, ce n’était certainement pas sans son concours. Leur allégeance et leur loyauté avaient force de loi; quoi qu’il pût être arrivé à Morion, à sa femme, ou à Talen, ils les retrouveraient. Ils priaient pour leur survie et leur sécurité.

Très bientôt, les paysans qui s’étaient remis au travail, les patrouilles de miliciens qui assuraient la sécurité de la place forte conquise, purent voir défiler, sans qu’ils ne ralentissent d’une once, la harde des Ventfroid, fonçant vers un but qui leur était inconnu. Une chevauchée comme l’on n’en voyait que très rarement; l’on préférait désormais les petites compagnies, et les batailles n’étaient pas prévues; elles leur tombaient dessus sans crier gare, dirigées par la fange ou les bandits, et ils ne pouvaient que réagir en conséquence. Un tel contingent armé, voilà qui avait de quoi attirer l’attention. Les étendards claquaient dans la brise du matin, emportés par l’élan des montures, leurs couleurs froides parfaitement visibles à des dizaines de mètres à la ronde. Encore un fait étonnant. Tous savaient que les habitants du comté n’en sortaient que rarement, hormis pour prêter quelques bras supplémentaires, des bras ouvriers qui plus est, afin de contribuer à l’effort agricole. Le dernier bataillon ainsi formé datait… Eh bien il datait de la conquête, lorsque, menés par Estrée, le domaine avait cerné la procession au niveau du plateau alors qu’elle était encore assaillie par les monstres qui la rongeaient par les flancs, puis de l’intérieur, ravageant l’effectif civil et mettant au plus mal le contingent militaire qui l’escortait. Depuis, ils s’étaient retirés derrières leurs hautes grilles de fer, derrière cette allée décorée des têtes des fangeux qui avaient attaqué depuis, des bandits, en guise d’avertissement à tous ceux qui auraient la folie - ou le courage - de mettre en péril la sécurité du domaine.

Pas cette fois. Il leur faudrait encore un moment pour atteindre Sarrant, mais la ville morte allait bientôt connaître un éclat de vie sauvage tel qu’elle n’en avait pas connu depuis très longtemps.

---

Au même moment, dans les geôles.

La nuit avait été affreusement longue. Morion, pendant les heures qui avaient précédé l’aube, ce moment où les fangeux, en théorie, devaient partir, se calmer, prendre la fuite face à l’astre de feu, avait connu plusieurs périodes d’insconscience. Son esprit avait été aussi chamboulé que son corps par Chris, qui l’avait rossé avec ce qu’il fallait de haine et de brutalité. Il avait cessé d’essayer de rester éveillé. Promettant à son épouse que le lendemain serait leur salut, il était resté immobile toute la nuit. Lorsque ses moments d’éveil étaient suffisamment clairs, lorsque son esprit fonctionnait au mieux de ce qui était possible, il entrouvrait parfois les yeux. Il observait sa femme, de longs moments, inquiet, et en même temps soulagé de voir qu’elle tenait le coup. Puis ses yeux s’abaissaient alors vers l’entrée des geôles, tout du moins ce qu’il pouvait en apercevoir. Les fangeux leur étaient, pour une fois, bien utiles. S’ils n’avaient senti la présence des truands et captifs, ils ne seraient peut-être pas venus, n’auraient pas autant accaparé l’attention. Et un tel scénario eût été bien pire pour le trio prisonnier. Car libérés de toute menace, il savait pertinemment que rien n’aurait pu retenir les pire d’entre eux. Il avait déjà goûté à leur courroux, et cela eût été peut-être encore plus difficile à supporter s’ils avaient eu le temps de se déchaîner sur lui en bonne et dûe forme. Mais le pire aurait été, de toute évidence, pour sa femme. Cela il en était parfaitement conscient. Lorsqu’il n’était pas perdu dans les limbes d’un semi-coma épais et vaporeux, il voyait sans cesse les expressions et regards lubriques de Raël, et Chris. Ces deux-là… Que les Dieux les gardent. Quand il en aurait le temps et les moyens, ils allaient regretter jusqu’à leur existence.

Ainsi, il s’économisait. Tandis qu’une partie de son esprit était libre de toute volonté, errant au hasard des réflexions, se perdant parfois loin dans les tréfonds d’une semi-conscience mucilagineuse, une autre jaugeait ses forces, la vitesse à laquelle son corps se remettait en état. Une bien forte expression cela étant dit. Il souffrait, c’était évident. Il mettrait plusieurs jours à s’en remettre, mais les affres du combat lui avaient au moins appris ceci. Supporter la douleur et définir avec un maximum de précision la vitesse à laquelle il redeviendrait maître de ses gestes. Par chance, malgré la présence des créatures tentant d’entrer dans la prison de fortune, ils furent laissés tranquille. C’était la meilleure chose qui pouvait leur arriver. Pour Morion, en tout cas, cela permettait surtout d’accumuler de l’énergie. Une force qu’il ne dispensait ni en gestes, bien que sa position fût des plus inconfortables, ni en paroles. Promettre sans cesse qu’ils sortiraient d’ici sains et saufs eût été d’une parfaite futilité. Il l’avait promis une fois; c’était amplement suffisant. S’ajoutait à cela un autre facteur, et pas des moindres; plus longtemps ses geôliers le penseraient brisé et vaincu - dans l’immédiat c’était un peu le cas - plus leur surprise serait grande lorsqu’il leur arracherait les tripes. Un stratagème vieux comme le monde, utilisé par de nombreuses bêtes. Feindre la mort ou l’extrême faiblesse pour ne représenter qu’une cible de faible intérêt. Et prendre la fuite, ou dans son cas, partir à l’assaut, lorsque l’attention était totalement détournée du piteux tas de chair qu’il représentait, à cet instant.

Talen attendait, également. Impatiemment, il fallait le dire. Ces espèces de débiles de truands avaient commis une erreur qui, l’espérait-il, leur serait fatale. Evidemment, il n’était qu’un domestique. Il n’était rien, face au monument qu’était le nom Ventfroid. Une prise de valeur, s’il en était, qui avait éclipsé l’attention des coupe-jarrets envers lui. Sans même parler de l’attrait charnel que représentait Ambre à elle toute seule. Ces imbéciles ne s’étaient pas un seul instant dit, de surcroît après les paroles d’Euverne, que les Castelmont étaient également membres de la noblesse ? Idiots. Talen portait déjà le casque et l’épée quand Marie de Ventfroid langeait encore son fils aîné. Un manque de clairvoyance dont le prix serait terriblement élevé.

Il n’y avait aucune chance pour que les bandits aient été massacrés, ou que la lutte acharnée qu’ils avaient menés pour que la place reste sauve les ait épuisés au point qu’ils les oublient. Evidemment. D’un autre côté, oubliés dans cette cave sordide, loin de tout, dans l’impossibilité de faire quoi que ce soit, combien de temps auraient-ils attendus les renforts menés par Edric ? Une éternité, probablement. Trop longtemps pour que leurs corps ne le supportent, en tout cas.

Ce fut ainsi sans surprise que la vision voilée de Morion aperçut, après avoir entendu les pas, les bandits redescendre dans la cage. Avaient-ils finalement pris la décision d’effectivement les faire bouger d’ici, malgré leur état ? Cela s’agitait, au-dessus. Peut-être le chef de troupe était plus bête qu’il n’en avait eu l’air à sa première visite. Le comte se força à rester immobile, lorsque les truands pénétrèrent dans la cellule. Ce fut horriblement difficile quand, comme l’on pouvait s’y attendre, Raël prit pour cible sa femme. Celui-là…. Il ne bougea finalement que lorsque Chris l’y força, sans ménagements. Il se laissa balloter, telle une poupée de chiffons, et étaler contre le mur dont il se servit comme appui. Irrémédiablement basse, sa tête et sa posture ne laissaient percevoir qu’un seul trait : la faiblesse. Chris l’avait presque tué. Il tenait à ce que le bandit s’en souvienne. Le plus longtemps possible. Talen joua le jeu, également. Des regards inquiets, à répétitions, en direction d’Ambre et du comte. Des appels murmurés, à peine audibles par crainte de représailles, ponctués par le regard narquois de l’archer qui le tenait en respect. Au travers des mèches ébouriffées, son regard torve ne quittait pas sa femme des yeux, cependant. A défaut de pouvoir intervenir en sa faveur, il puisait toute la rage dont il aurait besoin pour se mouvoir et se venger quand l’instant viendrait. Il supporta, la colère au ventre et le dégoût nouant sa gorge, la vue du porc lubrique caressant sa femme là où nul autre que lui-même n’avait le droit de poser ne serait-ce que les yeux. Il était presque plus difficile de rester passif devant cette scène immonde, que de la supporter. Il sentait les artères de son cou gonfler, libérant un torrent de sang dans sa tête battant le rythme des pulsations de plus en plus véloces de son coeur. Sa torpeur, balayée par son humeur massacrante et son ire, n’était plus qu’un lointain souvenir. Les décharges d’adrénaline atténuaient les douleur dont son corps était perclus. Ne pas bouger.

Il observa, encore. Suivit des yeux, presque contre son gré, la main vorace de Raël s’emparant de la poitrine de son épouse. Goûta une fois encore à la saveur d’une scène devant laquelle il était impuissant, alors qu’Ambre était malmenée une nouvelle fois, forcée à plier genoux face aux désirs primaux du truand. La lame qu’il avait sous la gorge l’en empêchait. Sa propre lame. La brève et ironique pensée traversa son esprit, un moment; n’eût-il point été parfaitement ridicule, de mourir égorgé par le présent de son épouse ? Il lui avait donné l’écu monnayant la chance en échange, pourtant.

Ses yeux vrillèrent les siens, lorsqu’ils se posèrent sur lui. Les lèvres pincées, il resta parfaitement muet. Qu’aurait-il pu dire, de toute façon ? “Je vais te sauver” ? Il ne savait même pas encore comment il allait pouvoir lutter contre les abjects projets, si aisément prédictibles de Raël. Néanmoins… Il refusa une fois de plus en silence les excuses muettes de sa femme. Le talon de sa botte gratta doucement le sol près de lui, vint cogner contre le mur derrière lui, à plusieurs reprises. Ce pied contre lequel était, des heures plutôt, dissimulé la lame de son épouse. Talen comprit le message, après quelques secondes à le voir tapoter sans raison contre ce mur. Il voulait qu’au moins, il se prépare à agir. L’occasion viendrait, c’était certain.

Et alors qu’il tremblait de plus en plus, la difficulté à se contenir se faisant intenable, ce fut son épouse qui lui offrit le moment d’agir, sur un plateau d’or baigné de sang. Morion entendit en vérité avant de constater de ses yeux l’horrible blessure que sa femme venait d’infliger à Raël. Il ne put s’en empêcher. Un rictus cruel déforma ses traits, alors que l’attention des bandits venait d’être détournée. «Ça c’est ma femme. Tu viens de rencontrer Ambre de Ventfroid, sale porc.» Les mots fusèrent presque dans sa gorge, mais cet instant était une véritable libération. Alors que les bandits se dirigeaient vers la cellule d’Ambre pour l’intercepter, et lui faire payer son affront, Talen partit violemment en avant, tel un bélier guidé par cent hommes, et percuta Euverne de plein fouet. Le pauvre s’écrasa sur les grilles, pris en étau entre un Talen vêtu d’une lourde armure, et de solides tiges de métal, qui refusèrent de laisser passer les deux hommes. Le souffle coupé, l’archer tenta de se dégager, mais ce fut inutile. Ils avaient ignoré Talen depuis le début. Ambre et Morion étaient tous deux dans un état déplorable, épuisés, le corps à moitié fonctionnel seulement. Le domestique, lui, n’avait eu qu’une valeur de bonus aux yeux des malfrats. Et de fait, hormis quelques coups bien sentis, avait eu une paix dont il n’aurait jamais du bénéficier. Tant pis pour eux, tiens.

Dès que son domestique se fut immobilisé, empêchant tout mouvement d’Euverne, Morion plongea au sol vers les solerets de Talen. Il y enfouit une main, les aplanissant au maximum pour pouvoir pénétrer entre le métal et le cuir, et y chercha la lame pour sectionner ses liens. Les hurlements de Raël résonnaient encore, et il avait intérêt à se dépêcher, s’il ne voulait pas que les autres rappliquent. Ce serait leur seule opportunité. Elle n’était déjà pas brillante, s’il échouait de son côté, ils étaient morts. Après l’assaut d’Ambre, fort bien mené, ils paieraient au centuple leur forfait.

Citation :
Test d’habileté

Morion de Ventfroid - Habileté : 11.
Jet : 5. Réussi.

Morion parvient à glisser ses poignets cordés contre la lame.

Morion de Ventfroid - Habileté + Force/2 : 11 + 13/2.
Jet : 1. Réussite Critique. Ventfroid RPZ si si ! :C

Morion appuya contre la corde de toutes ses forces dès qu’il sentit la lame gratter les tresses du cordage. Il se rompit avec une étonnante facilité, et l’élan donné par sa force enfonça sa main jusqu’à ce que le bout de ses doigts effleure le cuir épais du manche. Ouvrant grand les yeux, il saisit l’opportunité, et tira brutalement, collant la lame contre son poignet, et se retourna vivement pour cisailler, derrière les jambes de Talen, l’arrière des genoux d’Euverne. Il ne voulait pas le tuer, juste l’immobiliser. Talen l’aida en collant un coup de coudière sec et violent sur la tempe de l’archer, qui s’effrondra comme un tas de chiffon, inconscient. Manquerait plus qu’il ne crie.

«Ambre !»

La voix de Morion claqua dans la pièce. La scène avec Euverne n’avait duré qu’une dizaine de secondes, à peine plus, et Chris, élancé pour sauver Raël ou plus probablement châtier Ambre, tourna le regard vers Morion, qui venait juste de finir de trancher les liens de Talen. Il gronda. Lui avait l’épée de Morion, était en forme, quoique bien entamé par la lutte contre le fléau cette nuit, et le comte n’avait en tout et pour tout qu’une dague, quand son homme de main n’avait qu’une armure.

Il observa d’abord son épouse, lui intimant de se tenir tranquille. Si elle grimpait les marches, qui sait ce qu’elle trouverait à la surface. Il pouvait déjà entendre du remue-ménage, là haut. A tous les coups ils avaient été entendus. Morion jeta un oeil à Talen, les sourcils froncés. Qu’il protège Ambre par tous les moyens, au prix de sa vie s’il le fallait.

Il eut à peine le temps de retourner la tête vers Chris, qui lui fonçait dessus, épée en avant. Visiblement, la valeur de Morion venait de chuter très bas, car il n’avait pas seulement l’intention de le neutraliser. Ou plutôt, de façon définitive.

Citation :
Combat - Morion vs Chris

Chris - Attaque : 13.
Jet : 14. Raté.

Morion préféra profiter de l’élan de Chris, plutôt que de tenter de l’éviter. Il plissa les yeux, et se décala au bon moment et au bon endroit, d’un pas leste sur le côté, laissant le bandit percuter son épaule. La douleur fusa, mais la rotation ainsi imprimée lui fut d’une grande aide. Retournant le poignard en main, laissant le pommeau à vue pour frapper, il accrocha du regard la tempe de Chris, visant avec soin avant de frapper d’un geste ample et sec.

Citation :
Combat - Morion vs Chris

Morion de Ventfroid - Attaque : 14.
Malus pour Visée (-4)
Bonus pour Coups Précis (+4).
Jet : 2. Sacré Morion :c

La lame fusa comme un carreau d’arbalète, et vint s’abattre sur le crâne, violemment, du bandit, qui chancela un moment, avant de s’effondrer. Il bougeait encore faiblement, mais Morion venait de le mettre hors service avec une frappe chirurgicale. Il dut se retenir, maintenant que l’homme était à sa merci, de ne pas l’égorger céans-même. La tentation était grande. Mais sa femme était plus importante. Beaucoup plus. Pour l’instant. Il ramassa son épée. Son esprit eut un moment de faiblesse, cependant. Son pied fusa, instinctivement, pour venir éclater le nez de Chris désormais à terre. Un petit avant-goût.

Il entra ensuite dans la cellule de son épouse. Raël était le suivant sur sa liste. Malgré la douleur aveuglante, il commençait à reprendre ses esprits, et entre deux borborygmes endoloris, avait sorti son arme et titubé vers la comtesse. Morion laissait Talen faire, pour cette fois. Le domestique savait pertinemment qu’il n’avait pas le droit de le tuer. Mais l’oeil crevé de Raël était une aide suffisante; il ne lui fallut guère d’effort, harnaché comme il était, pour maîtriser le brigand et l’assommer à son tour.

Le comte sortit de la cellule seulement quelques secondes après y être entré. Il ignora le brigand au sol, y mettant toutes ses forces, et entoura les épaules de son épouse du drapé qu’elle avait perdu pendant la nuit. Il serra le tissu fermement autour d’elle, et le noua correctement.

A ce moment précis, Morion bouillait de colère, c’était perceptible à des lieux à la ronde. Il irradiait littéralement, encore tremblant. Il avait fait preuve d’un sang-froid et d’une exemplaire dextérité contre son agresseur, mais désormais que l’affrontement se calmait, l’ire affluait à nouveau, plus brutale que jamais. Il observa Ambre quelques secondes, puis leva les yeux vers la sortie des geôles, et non loin, leurs possessions. Il indiqua d’un geste sec de la tête à Talen de les récupérer, et se dirigea silencieusement vers la cage d’escalier, essayant de déceler les bruits qui pouvaient leur parvenir depuis les étages supérieurs.

Citation :
Test d’observation

Morion de Ventfroid - Intelligence : 16.
Bonus pour Sens du détail (+1)
Jet : 3. Réussi.

La plupart des bruits qui parvenait à ses oreilles venaient du sommet du baraquement. Les blessés laissaient parfois échapper des plaintes. Il entendit la voix d’Henri, qu’il avait bien mémorisé, à l’extérieur de la demeure. Fort bien. Quant au rez-de-chaussée, il semblait assez calme. Il entendit un bruit de pas se dirigeant vers l’extérieur, puis plus rien. C’était le moment.

Il retourna vers Ambre, et lui prit doucement les poignets. Il n’était que violence, à cet instant, mais fit un effort de concentration pour la refluer, doucement. Il plongea son regard dans le sien, pendant que Talen chaussait son bouclier et remettait son épée en place, guettant tout mouvement suspect à l’extérieur.
Il finit par la prendre contre lui, pressant ses épaules de ses mains, et guidant une main dans sa nuque, seule zone vraiment épargnée. Il ne voulait surtout pas toucher à son dos, la cape serait déjà assez difficile à supporter. Son étreinte, bien que se voulant rassurante, était en vérité plutôt impérieuse. Il était droit comme un i, et la tension en lui était parfaitement perceptible.

«J’ai manqué à tous mes devoirs, je suis impardonnable.» Sa voix grogna du fond de sa gorge, mais les mots, tout comme les sensations que cela induisait, étaient parfaitement sincère. Il s’en voulait cruellement pour s’être fait avoir aussi facilement par une bande de malfrats alors que jusqu’à présent, hormis quelques accrochages, tout s’était bien passé. «Reste droite mon amour, et viens. Je te ramène chez nous.»

Il s’écarta un bref instant et pencha la tête en avant pour laisser un long baiser sur son front. Ils n’avaient cependant guère le temps pour les retrouvailles touchantes, l’urgence était toujours là, plus que jamais.

S’assurant qu’Ambre était bien à sa suite, commandant à Talen de la placer sous sa protection et de n’en déroger sous aucun prétexte, il grimpa le premier dans l’escalier. Tout était à peu près silencieux, en dehors des blessés tout en haut et des quelques bruits d’activité à l’extérieur. Il entendait même leurs montures piaffer, d’ici. Il s’approcha de l’entrée, et écouta attentivement, dissimulé derrière le mur, intimant à Talen et Ambre de rester dans l’ombre des marches, essayant de déterminer le nombre de brigands à l’extérieur.

Citation :
Test d’observation

Morion de Ventfroid - Intelligence : 16.
Bonus pour Sens du détail (+1).
Jet : 8. Réussi.

Deux. Henri, et un autre dont la voix lui rappelait quelque chose, mais qu’il n’avait pas identifié. Il l’avait simplement entendu parler, sur le chemin. Il fit signe, en silence, à son épouse et son domestique de venir, en silence.

Citation :
Test de discrétion

Ambre de Ventfroid - Habileté : 12.
Jet : 6. Réussi.
Talen de Castelmont - Habileté : 11.
Jet : 4. Réussi.

Dès qu’ils furent près de lui, la voix de Morion s’éleva, doucement, un filet d’air sortant à peine de ses lèvres.

«Talen, ne tuez pas Henri, je le veux vivant, lui aussi. L’autre… peu m’importe s’il meurt dans l’affrontement. S’il survit, tant mieux.» Les paroles du comte puaient la cruauté, mais le domestique n’en tint pas compte. Aussi furieux que son maître, il avait plutôt même tendance, contrairement à ses principes de vie, à cautionner l’attitude de son seigneur. Il hocha doucement la tête.
Le comte détourna le regard vers Ambre. «Ne fais pas un geste, mon amour. Dès que nous aurons maîtrisé les deux à l’extérieur, tu pourras sortir.»

Il prit une profonde inspiration.

Citation :
Test Combat Surprise

Morion de Ventfroid - (ATT + HAB)/2 = (14+11)/2.
Jet : 3. Réussi.
Talen de Castelmont - (ATT + HAB)/2 = 12 + 11/2.
Jet : 13. Raté.

L’affrontement fut en demi-teinte. Si l’initiative surprit les deux brigands, Talen fut sérieusement mis à mal par celui qui, contrairement à Henri que Morion maîtrisa avec une indécente facilité, était en parfaite forme physique. Il fut victime d’un sérieux coup d’épée à l’épaule qui lui sectionna les attaches de l’armure, laissant un bras de fer tomber au sol, accompagné d’un généreux filet de sang. S’il en fallait plus pour abattre le domestique, qui répliqua avec la verve que l’on attendait de lui, il fallut le concours de Morion pour réussir à le défaire. Et la brève rixe avait fait son effet. L’on entendait crier en haut, et un regard entre les épais madriers posés par les malfrats durant la nuit apprit à ces derniers que le comte, sa femme et son bras droit étaient en train de se faire la malle. Des ordres furent beuglés et ceux qui étaient capables de bouger ne tardèrent pas. Morion désigna d’un geste urgent les montures, et prit son bouclier à Talen, tombé dans l’affrontement.

«Filez. Vite. C’est un ordre. Je vais les ralentir, ils ne doivent pas être nombreux. Foncez vers la sortie de Sarrant, d’ici quelques temps vous allez croiser Edric. Donnez-lui le signalement de la demeure. Il fronça les sourcils, jetant un regard hâtif vers l’entrée obscure de la bâtisse. Et dites lui que je les veux tous vivants. Même les blessés. Ses dents se serrèrent. Allez, allez-vous en !»

Il serra le bouclier de sa main gauche, et fonça se coller au chambranle de la porte, attendant que quelqu’un sorte pour abattre sa lame. Il invectiva les deux autres du regard. Il devrait, ou plutôt, devait s’en sortir, mais dans l’immédiat, préférait ne même pas penser à ce qui risquait de lui arriver. Quant à Talen, si la résignation couvait dans son regard, il savait qu’il aurait à forcer Ambre à le suivre. Les ordres de Morion avaient un poids cent fois plus important que les siens, et dusse-t-il s’attirer la rancoeur éternelle de sa maîtresse, il ne la laisserait pas mourir en restant ici. Elle était inutile, de toute façon. Il pria simplement pour qu’Edric poussât ses montures jusqu’à l’épuisement.
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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Fusant hors de sa cellule comme si elle avait les serpents de Rikni aux trousses, Ambre se rendit bien vite compte de la vanité de sa manœuvre. Maintenant qu’elle avait neutralisé pour un temps l’un des hommes, cela ne voulait pas dire que les autres étaient devenus hors-service. Son stylet était ridicule, comparable à une aiguille devant l’épée que portait Chris. Une ironie bien froide que la lame des Ventfroid ne se retourne contre eux. Brutalement figée dans sa course, Ambre échangea un regard avec Chris, tendue et tremblante, ses yeux furetant partout pour trouver une issue. Chris se rapprocha, épée levée. Ambre prit son stylet à deux mains, comme Morion lui avait appris à tenir une dague, mais la position fut purement et simple pathétique : le malfrat échappa un ricanement crispé, faisant quelques pas vers elle. Ce fut à cet instant que Talen chargea comme un taureau. Immobilisant Euverne, qui se met à pester – mais rien de bien audible par-dessus les véritables hurlements et insultes que Raël proférait toujours –, la charge clinqua contre les grilles. L’appel de Morion déstabilisa la comtesse, qui fit pivoter son regard vers son époux. Chris fit de même, et tiqua lorsqu’il vit une dague entre les mains du comte. Entre une pauvre femme avec une aiguille et un homme entrainé avec une dague, le choix fut vite fait. Ce fut Ambre qu’il laissa dans son dos. Cette dernière n’en fut pour autant pas soulagée du tout. Craignant Raël qui pestait toujours une main plaquée contre son œil, l’autre bras tentant de le guider pour sortir de la cellule, la jeune femme avança prudemment, essayant de se rendre utile malgré tout. Mais l’action fut trop rapide : à peine était-elle arrivée, capable de frapper de nouveau avec son stylet, que Chris tombé assommé au sol et Euverne s’effondrait en hurlant, les tendons des genoux sectionnés. Un autre coup bien placé le réduisit au silence. Morion passa devant elle sans se retourner pour se diriger vers Raël, et une dernière attaque sourde fit choir le truand au sol.

La comtesse ne décrispa pas les doigts de sa petite arme improvisée jusqu’à ce que Morion ne vienne à ses côtés. La respiration toujours vive, l’humeur fébrile, l’adrénaline embrasant chacun de ses sens, la jeune femme était difficile à calmer. Ses prunelles couraient sur chacun des corps inconscients, toujours peu à l’aise. Pourquoi Morion ne les tuait-il pas ? Pourquoi simplement les assommer, après tout ce qu’ils leur avaient fait subir ? Pourquoi garder ce danger ? Et s’ils avaient le temps de reprendre connaissance avant qu’ils ne puissent s’échapper définitivement ? Ambre paniquait, à cet instant. Elle n’aurait de repos que lorsqu’elle franchirait de nouveau les remparts sûrs de Marbrume ou les murs du domaine Ventfroid. Ici, ils étaient toujours terriblement exposés, et la clémence inattendue du comte était perturbante. Mais elle n’avait pas le temps de s’y arrêter. Elle voulait partir, courir, fuir avant que d’autres, alertés par les beuglements de Raël, ne viennent les cueillir.

La comtesse de Ventfroid avait très mauvaise mine. Si sa pâleur naturelle, habituellement, avait quelque chose de charmant, là son teint était tout simplement livide, fatigué. Son dos, ensanglanté, aux plaies grossières qui tentaient vainement de se refermer proprement, laissait entrevoir des croûtes à demi-formées, qui déjà se délitaient sous les mouvements brusques de la fuite. La peau de la jeune femme recommençait à saigner et tâcher sa robe. Robe qu’elle prit enfin le temps de remonter, au moins pour recouvrir le buste et les épaules. Le dos resterait déchiré, mais Morion en profita pour venir la recouvrir de sa cape. Cela eut pour effet de la calmer un petit peu. Quand il lui prit les poignets, elle baissa son épingle à cheveux, et se laissa aller contre lui. Mais elle restait raide, douloureuse, bien loin de l’étreinte qu’elle aurait voulu lui accorder. Même lever les bras pour l’enlacer était inenvisageable. Elle secoua la tête doucement, silencieusement, aux mots de son époux. Cela n’était sa faute en rien. Ils n’avaient pas le temps de tourner et retourner les évènements dans leur tête, de trouver un coupable ou de s’arrêter sur les détails.

- Il n’y a rien à pardonner, souffla-t-elle d’une voix faible mais émotive. Elle ferma les yeux sous le baiser de son mari. Ce dernier était défiguré par les bleus et les tuméfactions liés aux coups. Jamais elle ne pourrait accepter ça. Elle ferait écarteler tous ces hommes lorsqu’elle le pourrait. Mais pour l’instant, la peur dominait trop ses gestes et ses réactions. Son esprit n’était pas encore en état de voir aussi loin. Il fallait survivre pour l’instant. C’était tout. Je te suis.

Restant à la suite de son mari, raide dans sa cape, elle se fit aussi discrète que possible, même si sa démarche était parfois titubante. Jamais elle n’avait subi de tels sévices. Marcher devint une épreuve comme jamais. Monter les escaliers, encore pire. Elle suivit, à moitié là l’espace d’un moment, avant de se reconcentrer brutalement lorsqu’ils atteignirent la sortie. Le jour était encore timide, mais c’était bien assez pour apercevoir Henri et un autre homme dehors, et entendre leur voix. Ambre serrait les mains sur son stylet, faisant fureter son regard partout où elle pouvait. Craintive, son regard se bloqua sur les escaliers menant aux étages. Pour l’instant, tout était vide. N’avaient-ils rien entendu ? Les dieux se décidaient-ils enfin à leur sourire ?

Ambre hocha la tête en silence, l’œil fatigué, pour répondre à son époux. Oui, elle resterait à l’intérieur. Elle ne se voyait pas sauter sur deux hommes armée d’une épingle à cheveux dans tous les cas. Mais rester en arrière pendant que les deux nobles s’avançaient au-delà du danger n’était pour autant pas pour la rassurer du tout. Tendue comme un arc, elle resta en arrière, observant discrètement l’attaque subite à travers l’interstice millimétrique entre les planches qui barricadaient une fenêtre. Les bandits n’avaient pas lésiné sur le renforcement de la bâtisse durant la nuit : ce fut à peine si elle put suivre l’échange. Elle s’élança lorsqu’elle fut sûre que son époux et Talen n’avaient rien, lançant une prière muette à la Trinité pour continuer à les épargner ainsi jusqu’à ce qu’ils aient définitivement quitté les griffes de ces monstres. Des cris lancés dans les étages furent annonciateurs : d’autres les avaient vu sortir, en haut. Soudain harassée par la précipitation, la voix de la comtesse tira un peu dans les aigus :

- Te laisser seul ? Tu crois que tu peux faire front face à ceux qui restent ! Alors qu'il te suffit de nous suivre… !

Pourquoi s’entêter alors qu’ils avaient une chance de courir, tous les trois, de se retirer de la menace de ces hommes ? A quoi bon rester pour risquer sa vie ? La rage de Morion l’emportait sur l’instinct le plus primaire qui soit : l’envie de vivre. Ambre protesta, s’agita, et Talen vint l’agripper un peu sèchement par un poignet.

- Comtesse. Suivez-moi, s’il vous plait, lança-t-il en suivant l’ordre de son supérieur. Ne rendez pas les choses plus difficiles – je ne veux pas avoir à vous traîner dans votre état.

Ambre tira son bras à elle, mais Talen tenait bon. Il était déchiré d’avoir à faire ça, mais pas plus que la comtesse à la simple idée de laissée son mari en arrière. Elle se mit à paniquer lorsque Talen la força à parcourir quelques mètres, criant des choses à son mari qu’elle ne comprit pas elle-même.
Cela n’avait duré que quelques secondes, mais ce fut suffisant aux deux archers postés au premier étage de la planque. Voyant leurs prisonniers se faire la malle, ils bandèrent chacun leur arc, visant avec un soin précautionneux à travers les fines meurtrières laissées à travers leurs barricades. Ils ignoraient encore le sort de leurs amis, à part celui de Henri et d’un autre, gisant plus bas, mais hors de question pour eux de laisser filer ces prises qui pouvaient leur assurer pérennité pour un long moment. Il fallait tenter de les neutraliser, à défaut de les tuer.

Citation :
Morion : 1
Ambre : 2
Talen : 3
Résultat des dés : 2 et … 2.
Les deux archers prennent Ambre pour cible. ><

Bandit figurant 1
Tir bandit : 12
Malus -8 pour Ouvertures presque entièrement barricadées (-4) et Visée précise à la jambe (-4)
Bonus +2 pour Tir précis niveau 2
Résultat des dés : 6
Réussi tout juste. Ambre est touchée au mollet.

Bandit figurant 2
Tir bandit : 12
Malus -8 pour Ouvertures presque entièrement barricadées (-4) et Visée précise à la jambe (-4)
Bonus +2 pour Tir précis niveau 2
Résultat des dés : 9
Raté.

Sans prévenir, une flèche siffla dans l’air. Ambre, qui était tirée par le bras par Talen pour fuir à l’opposé, se trouvait dos à la menace. Le carreau se planta doit dans son mollet. Sans comprendre tout de suite, la comtesse s’effondra au sol, sentant sa jambe se dérober sous elle. Un cri surpris retentit, et Talen pesta en s’aplatissant au sol sur elle pour la protéger de son armure. Bonne initiative, car une seconde flèche filait, terminant par rebondir sur l’armure solide du domestique.

- Bordel de merde ! jura, une fois n’est pas coutume, le pauvre Talen qui n’avait jamais vu son rôle de protecteur être autant mis à mal en vingt-quatre heures.

Il attrapa brutalement la jeune femme sous les aisselles pour la traîner derrière une charrette de voyage que les bandits avaient placée là pour le départ, à quelques mètres. Ils étaient désormais à l’abri des archers. Ambre gémissait, se retenant de craquer. Grands dieux. Quand la douleur cesserait-elle ? Désormais le feu brûlait aussi dans sa jambe, précise, incisive, déchirant chairs et peut-être muscles. Ses plaintes terribles, s’ils avaient été un tantinet discrets jusqu’à présent, finissaient de préciser leur position. Si des fangeux ou d’autres bandits traînaient encore dans le coin, ils allaient être alertés très, très vite. De tels échos se répercutaient très facilement sur les bâtisses abandonnées du village mort.

- Je suis désolé, comtesse… Je dois vous enlever ça. Respirez fort.

Mais il lui laissa à peine le temps de se préparer qu’il arrachait la flèche d’un geste. Ambre trembla, serrant la main de l’homme à s’en briser les phalanges. Elle n’en pouvait plus. N’en pouvait tout simplement plus. Elle voulait arrêter de lutter, s’oublier dans un monde où la douleur n’existait plus. Mais il n’était pas encore temps pour ça.

Morion avait foncé les rejoindre derrière la charrette, dans une volonté de retrouver sa femme autant que d’éviter les flèches qui recommençaient à pleuvoir. Talen fut extrêmement réactif. Après avoir déchiré un pan de la cape de la comtesse pour en faire un bandage de fortune rapide autour du mollet de la jeune rousse, il releva les yeux vers le comte.

- Je suis le seul invulnérable face aux archers. Il tapota doucement son bouclier et son armure. Je vous la laisse, monseigneur. Puissent les dieux nous permettre de nous retrouver.

Mettant son bouclier en protection au-dessus de lui, légèrement incliné vers la façade ennemie, le chevalier fonça en avant.

- Morion…

La comtesse tenta de dire quelque chose, mais ça n’était pas fini. Jamais fini, dans ce village de malheur. Alerté par le bordel ambiant, le dernier bandit qui n’était ni mort ni assommé surgit du côté d’un mur. Jusqu’à présent occupé à remplir des seaux d’eau pour abreuver une dernière fois les chevaux avant le départ, il avait entendu les cris. Aussitôt qu’il nota la présence intruse de Morion, il fonça.

Citation :
Bandit figurant 3
Attaque du bandit : 13
Résultat des dés : 14
Raté.

Morion de Ventfroid
Attaque de Morion : 14
Résultat des dés : 4
Réussi.

L’habileté du comte aurait presque été jolie à voir dans un autre contexte. Ambre ignorait s’il se battait toujours ainsi, ayant peu pour coutume d’assister à un champ de bataille, mais ses coups furent incisifs, tranchants, froids et particulièrement secs. La colère animait chacun de ses gestes, de toute évidence. Cet homme-là était insistant, et le comte n’eut d’autre choix que de le tuer purement et simplement sur le coup pour éviter une attaque mortelle. Regardant le corps tomber et convulser en se vidant de son sang, Ambre se recroquevilla contre la charrette, la respiration encore difficile. Elle releva les yeux vers son mari, et au même moment, un fracas sourd retentit au-dessus de leurs têtes. Talen avait pénétré l’étage.

Citation :
Talen de Castelmont
Attaque de Talen : 12
Résultat des dés : 9
Réussi.

Bandit figurant 1
Habileté du bandit : 13
Pas de malus pour Esquive
Résultat des dés : 14
Raté. Il se prend l’attaque, sonné, hors-jeu.

Talen de Castelmont
Attaque de Talen : 12
Résultat des dés : 6
Réussi.

Bandit figurant 2
Habileté du bandit : 13
Pas de malus pour Esquive
Résultat des dés : 1
Réussite critique. Cela lui permet d’enchaîner sur une attaque directement avec un bonus.

Bandit figurant 2
Attaque du bandit : 13
Bonus +2 suite à la réussite critique
Résultat des dés : 7
Réussi.

Talen de Castelmont
Parade de Talen : 14
Résultat des dés : 5
Réussi.

Réussite Talen supérieure à celle du bandit.

Talen les maîtrise tous les deux.

Talen déboula comme un taureau dans la pièce où étaient placés les archers. Ces derniers l’avaient vu venir, et avaient canardé l’homme de leurs flèches dès son arrivée dans la pièce. Mais Talen avança, bouclier levé sur son visage, seule partie de son corps réellement vulnérable face aux flèches. Quant à son bras découvert depuis le dernier assaut, il le garda sérieusement plaqué derrière ledit bouclier. Les flèches rebondissent sur l’armure et le bouclier, inutiles, et les archers sortent donc leurs dagues pour faire face à son assaut. Mais les dagues face à un chevalier caparaçonné, armé d’une épée et d’un bouclier, nul besoin d’être devin pour deviner qu’ils ne feraient pas long feu. Le premier homme fut totalement sonné par la charge et le bouclier qui se fracassa sur son crâne, quant au second, quand Talen se retourna d’une traite pour l’enchaîner, s’il parvint à l’éviter, sa propre attaque fut futile. Talen n’eut aucun mal à parer et à le frapper à son tour, et les ordres de Moriont furent exécutés : les deux hommes restèrent assommés, tout simplement.

Puis le silence revint. Huit bandits mis hors d’état de nuire grâce à une chance insolente, ajoutés à ceux qui avaient péri dans la nuit à cause des fangeux. Le groupe dans son entier paraissait être contrôlé. S’il en restait, ils n’étaient en tout cas plus présents dans la planque de Sarrant.
Ambre était exténuée. Il était temps de fuir, pour de bon, et elle dut obtenir l’aide des deux hommes pour grimper sur son cheval. L’effort fut surhumain. Prendre appui sur un étrier ne fut jamais aussi impossible. Son dos protestait, sa jambe gauche, percée, protestait aussi désormais. Elle avait mal, partout, et la présence de Morion sur le cheval fut indispensable. Elle ne pouvait pas tenir seule.

L’on pouvait croire que c’était fini, enfin fini. Mais non. Quand les hommes partirent au galop, l’enfer se déchaina. Chaque soubresaut, chaque mouvement du cheval, chaque vibration, tout se répercutait dans son dos. Les bras autour de son époux, la jeune femme serrait la chemise de Morion jusqu’à s’en faire mal avec les ongles. La comtesse sentit ses plaies se rouvrir, suinter. Le sang chaud coulait et coulait encore. A plusieurs reprises, elle manqua de sombrer, retenue uniquement par un Morion attentif, qui ralentissait alors assez la monture, voire l’arrêtait, pour l’empêcher de glisser. Il lui murmurait des mots rassurants, des mots d’encouragement. « Plus que trois lieues, Ambre. » Plus que deux. Plus qu’une. Ambre arrêta de compter, cela ne signifiait plus rien pour elle. Elle ne voyait plus rien. Seul le corps de Morion existait encore, celui sur lequel elle pouvait s’accrocher, celui qui lui permettait de ne pas chuter de son cheval comme un vulgaire fétu de paille.
Sur la route, ils croisèrent la délégation des Ventfroid. Edric de Castelmont fut terriblement heureux de cette trouvaille inespéré, en même temps qu’il fut terrifié. Sa première rencontre avec Ambre de Ventfroid lui apporta la vision d’une femme brisée, à peine en état de réagir à ce qui se déroulait autour d’elle, juste prête à mourir ou presque. Quant à l’état de Morion et de Talen qu’il connaissait bien, pleins de bleus… Les retrouvailles furent loin d’être agréables.

Ambre entendit à peine les échanges. Edric était envoyé sur Sarrant pour capturer les bandits laissés à l’abandon, ligotés dans leur inconscience, tandis que Talen et Morion continuaient au galop, suivis par d’autres hommes de la troupe pour une escorte correcte. La jeune femme lutta et lutta encore face à la douleur, ignoble et infinie, qui semblait ne jamais vouloir s’arrêter.
Puis, enfin, l’ébauche d’un château se présenta à leur vue. La comtesse s’y accrocha. Ils dépassèrent des portes lourdement gardées, des baraquements, des paysans et des travailleurs qui s’amassèrent le long des routes pour accueillir le retour du seigneur du domaine. Mais les acclamations se remplacèrent bien vite par des murmures d’effroi et de peine à la vue de leur état. Personne ne prit le temps de ralentir, et les chevaux évoluèrent jusqu’au château. Là, enfin, Ambre put voir un visage connu. Marianne se précipitait vers eux ; et l’on fit descendre la comtesse du cheval – ou plutôt, on la fit glisser et l’on rattrapa son corps fatigué. A cet instant, l’esprit d’Ambre de Ventfroid cessa de lutter. Elle venait de voir un visage familier. Ils étaient rentrés. Le danger avait définitivement disparu. Ils étaient sauvés. A partir de là, elle n’avait plus à rester alerte et concentrée sur sa survie. Dès que cette information remonta à son cerveau, son esprit sombra. La jeune femme tomba inconsciente sur le perron du château. Simplement et brutalement.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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Le soleil brillait, encore, insolent, inflexible. Peu de temps auparavant, il en était de même lorsqu’ils avaient été fauchés par le sort. Il les surplombait de toute son ardente majesté, dardant son regard de feu sans paupière partout sur les terres séchées de la campagne dans laquelle les chevaux avançaient, innocents et imperturbables. Tout autour des cavaliers, la nature n’exprimait qu’un douloureux silence. Une faible brise soufflait, de temps en temps. L’air sifflait à leurs oreilles lorsqu’ils accéléraient la cadence, mais dès qu’ils ralentissaient, force était de constater que le monde autour d’eux semblait comme mort, figé dans une seconde estivale et étouffante. C’était comme si les Dieux, la nature, le monde entier répondait sans bruit au tourment qui les affligeait. L’on n’entendait aucun bruit d’oiseau, aucun bruissement de feuilles. Les herbes les plus hautes semblaient retenir leur souffle, ne point oser la moindre ondulation, dès qu’ils passaient à proximité. Ils pouvaient voir à des centaines de coudées à la ronde, et pourtant, l’atmosphère était des plus oppressantes. En revanche, l’attention des cavaliers était bien ailleurs. Pour les trois.

Ce qu’ils avaient laissé derrière eux, il était difficile de ne point y penser. Les souvenirs étaient encore vivaces, présents, les accompagnant au rythme du bruit mat des sabots contre la terre aride, et avaient laissé des séquelles parfaitement visibles sur chacun d’eux. Même s’ils s’en étaient sortis… Beaucoup de choses avaient changé ces dernières vingt-quatre heures, pour eux tous. Talen, en tête de convoi, ne réfléchissait plus vraiment. Il gardait un oeil vif sur son environnement, guettant, l’inquiétude lui tordant le ventre toute autre présence qui pourrait être suspecte. «Plus jamais» se disait-il. A cet instant peu d’hommes sur terre s’en voulaient autant que lui. Il était toujours plus facile de constater le mauvais que le bon, et il ne faisait pas exception; la vérité était plutôt limpide, pourtant. Sans lui, Morion et Ambre seraient morts. Pour Ambre, son tourment aurait probablement été multiplié par cent, par mille, entre les mains crasseuses, aux ongles noircis par le vice, à la peau graissée par la lubricité, des coupe-jarrets qui leur avaient donné, l’espace d’une journée, un aperçu de la pire part d’ombre de l’humanité. Son mari aurait probablement été torturé pendant quelques heures afin d’assouvir leurs pulsions sadiques, et Talen aurait été vulgairement exécuté après avoir été rossé, pauvre domestique sans valeur qu’il avait été pour eux. Mais cela ne changeait rien. De tous les rôles qu’il avait occupé au service des Ventfroid, celui qu’il avait pris le plus à coeur avait été celui de protecteur. Discret, quoiqu’un peu en dehors des clous par moments, cette place d’égide à l’encontre des dangers menaçant ses maîtres s’était vue renforcée par la disparition des parents du comte. Mais aujourd’hui, tout ce qu’il voyait, c’était son échec. Un échec d’autant plus cuisant qu’en plus de son maître, qui avait, à sa décharge, tendance à frayer avec les pires engeances et danger courant encore ces terres, sa maîtresse avait été victime de sa propre faiblesse. Une faute qu’il estimait impardonnable. Et cela se voyait tant et si bien qu’un aveugle l’eût remarqué. A leur manière et sans en avoir conscience les brigands l’avaient lui aussi brisé. Son visage, qui commençait à s’entoiler de rides, le temps passant et les difficultés se faisant pléthore, ne portait plus ce masque laconique, placide, légèrement grinçant d’un humour poli, mais caustique, aux expressions discrètes mais toujours amusantes, pour peu que l’on pût les déchiffrer. Noir, son regard assassinait et calcinait sur place la végétation, le sol, le ciel, le soleil. Fermé comme une huître, son visage impassible n’affichait rien d’autre que la méfiance et une sombre colère à peine refoulée. Il n’y avait rien de plus inutile qu’un bouclier fendu. Et c’était, à ses yeux, ce qu’il avait été. Il serrait fermement les rênes de son destrier d’une main gantée de fer, l’autre pratiquement paralysée par le coup d’épée qu’il avait subi, reposant entre ses jambes carapaçonnées, inerte. Son dos était voûté par l’épuisement, un épuisement aussi bien physique que moral. Son esprit s’interrogeait. Tout d’abord, sur ce qu’il aurait pu faire afin que ces horreurs n’existassent pas, qu’ils échappassent à tout supplice. Mais la plus douloureuse d’entre elles ne concernait pas ses maîtres. Ils étaient saufs; mais par les Trois, comment allait-il seulement pouvoir regarder son frère en face après ce qu’il venait de se passer ?

A quelques galopades derrière lui, Morion avançait, silencieux comme la mort. Car c’était bien la mort qui assiégeait son âme, à cet instant. Tenant d’une main le sceptre de la colère, de l’autre le sceau du dégoût, elle trônait fièrement, leste et guillerette, sur les vestiges du moral réduit en pièces du comte. L’allure de leur monture était des plus irrégulières. Ils n’avaient pas le temps de se reposer, c’était un fait. Néanmoins, il ne pouvait pas non plus adopter l’allure véloce qui les avait conduit initialement jusqu’à Sarrant. Ambre ne le supporterait pas. Et il avait des doutes quant aux capacités de son propre corps à supporter quelques heures de chevauchée soutenue. Lorsqu’il se devait d’accélérer, serrant les dents en sachant quelle serait la douleur de sa femme, sa main empoignait les deux rênes d’une poigne de fer, et l’autre venait enserrer le poignet de son épouse, qu’il tirait vers lui pour la plaquer contre son propre dos. Un geste bien futile visant à la rassurer, à imposer sa présence à elle; il ne l’oubliait pas, il savait ce qu’elle endurait. Ses tempes battaient, depuis qu’ils étaient partis, sans discontinuer une seule seconde. Ces sourdes pulsations, conjuguées aux rayons impérieux du soleil au-dessus d’eux, eurent tôt fait de déclencher une migraine lancinante. Il l’ignora. Son regard était focalisé sur la route qu’ils suivaient. Sur ses bas-côtés également. Bosquets et épais taillis clairsemés le long du chemin de convoyage étaient nombreux. Si les fangeux étaient une menace illusoire par ce temps sec et ardent, les bandits, eux, demeuraient. Et ceux qu’ils avaient par miracle réussi à défaire n’étaient bien malheureusement pas les seuls à fouler de leurs pattes impies le sol de ce monde.
Alors il préférait ne pas penser. Il détournait parfois la tête d’un quart, surveillant l’éveil de sa femme ou une aggravation de son état, puis s’en retournait au chemin, comptant machinalement la distance qui le séparait de l’enceinte sécure de son domaine. Lui qui y allait généralement par demande de ses soeurs, par temps de crise, il n’avait jamais ressenti une telle hâte d’y parvenir. Et jamais le parcours qui le menait habituellement là-bas ne lui avait paru aussi long. C’était insoutenable. Chaque seconde de plus passée en pleine campagne, loin de toute civilisation, augmentait les risques que son épouse perde définitivement pied, ou pire, succombe à ses blessures. Et sous les remous de la colère, pointait une terrible angoisse. Il ferait tout ce qui était humainement possible pour qu’elle s’en sorte, bien que cela ne dépende en aucun cas de sa propre volonté. Mais il ferait quand même. Mais l’inquiétude était avant tout dirigée vers son futur enfant, quelque part sous les pans de tissu massacrés qui masquaient le ventre d’Ambre. Bien qu’il ne soit qu’à l’état de concept, plus que de véritable être vivant, était-il capable de subir une telle épreuve et en sortir indemne ? L’énergie sapée de son épouse suffirait-elle à le maintenir en vie ? Que pouvaient-ils vraiment faire ? Et que se passerait-il alors si jamais, si les pires prédictions étaient validées, l’enfant ne voyait jamais le jour ?
Il chassa avec une brutalité à peine mesurée ces pensées de son esprit, les engonçant dans un coin sombre de son esprit, et les verrouillant à grands coups de colère et de mépris. Ces mêmes émotions qu’il ressentait toujours aussi puissamment, dirigée intégralement contre ces bandits. Diantre ce qu’ils allaient souffrir. Quoique… Pas intégralement. Il s’auto-flagellait mentalement aussi pour les mêmes raisons que Talen. Il avait failli. Il revoyait encore leurs faciès hideux, leurs expressions porcines, leurs mains dégoûtantes arpentant le corps sacré de son épouse. Par réflexe ses dents grincèrent bruyamment, et ses yeux se plissèrent de fureur. Les prochains soleils qui s’élèveraient sur ce monde seraient rouge du sang versé pour payer le prix des tourments subis. Il en faisait le serment. Il savait pertinemment qu’en agissant ainsi, en dehors de toute notion de justice, en ne se gargarisant que de la vengeance pure et furieuse, il était aux antipodes de tous ses principes de vie. Mais jamais cette idée, qui quelques semaines plus tôt auraient provoqué une sombre frustration ainsi qu’une blessure amère dans sa fierté, n’avait eu aussi peu d’importance. Certaines choses étaient intolérables, impardonnables. Il ne serait pas un quart d’homme s’il ne réagissait pas avec la violence qui s’imposait. Peut-être était-il dans le faux, mais il en était intimement convaincu. Ce genre d’épreuve n’appelait jamais, jamais l’abnégation. Au diable l’honneur et la noblesse, au diable les codes et l’éthique qui étaient ses points de repère les plus solides dans la vie. Il fallait payer, et le tribut serait terriblement lourd. Mortellement lourd, même.

A intervalles réguliers, Morion tenait Ambre au courant de la distance déjà parcourue. Il faisait de son mieux, dès que son esprit arrivait à maintenir son allure et à parler en même temps, pour l’empêcher de sombrer. Si elle tombait inconsciente, il n’aurait pas plus de mal à la ramener au domaine, le souci n’était pas là. Il craignait surtout que s’enfoncer dans les limbes du coma soit irrémédiable. Et il avait eu sa dose de choses insupportables pour les dix prochaines années. Alors il parlait. Parfois ses mots n’avaient guère de sens, du bruit envoyé aux oreilles de son épouse pour qu’elle reste attentive. Il contait parfois une anecdote incongrue qu’il avait vécu, durant une traversée. Et parfois il la rassurait tout simplement. L’assurait qu’elle tiendrait le coup, qu’ils étaient tous proches du domaine, qu’Edric allait bientôt les retrouver. Qu’elle était forte et qu’ils s’en sortiraient.

Comme à ce moment-là. Il fit stopper Talen, qui resta à une dizaine de mètres d’eux deux, jetant des coups d’oeil méfiants aux alentours, puis stoppa lui-même son destrier. Silencieux, il attendit quelques secondes que la douleur intenable de sa femme reflue légèrement, qu’elle puisse au moins supporter une chevauchée encore un peu plus longue. Tournant la tête vers elle, il l’observa. Sourcils froncés et visage fermé, il se contentait de jauger son état, au début.
Sa main libre glissa contre l’une de celle qui le ceignait, et ses doigts passèrent entre les siens, la serrant fermement. Il la plaqua contre son abdomen, un pli soucieux en travers du fond, et bougea légèrement son buste de manière à pouvoir venir laisser un baiser contre son front. Il soupira doucement, puis appuya sa propre tête contre la sienne, malgré l’inconfort d’une telle position.

«Courage mon amour, nous y sommes presque. Tout cela sera bientôt derrière nous, pour de bon.
Il serra plus fermement ses doigts entre les siens. Ne dors pas tout de suite, je t’en prie, attends d’être arrivée chez nous. Pense à notre foyer, pense à notre enfant, mais surtout, ne t’endors pas.»

Il attendit quelques minutes de plus, mais s’interrompit avant d’avoir pu éperonner sa monture. Tout comme lui, Talen avait été interpelé par un son fort, caractéristique. Si au départ, l’un comme l’autre s’étaient crispés, voyant là une nouvelle menace encore inconnue, qui venait suivre à celle à laquelle ils avaient échappé de justesse, ils finirent par reconnaître ce son. Le cor d’Edric.

A cet instant, une chape de plomb lourde comme le monde quitta les épaules du comte. Du même coup, il ressentit avec bien plus de netteté les courbatures, contusions et fêlures dont il était perclus, mais il s’en moquait royalement, tout était compensé à merveille par l’indicible soulagement qu’il ressentait. Il laissa les montures à l’arrêt, attendant que le nuage de poussière qui s’élevait au loin, précédé par un torrent d’armures d’argent poussées par le vent les entoure, montant de fiers destriers. un silence étrange régna pendant quelques secondes, comme si la compagnie menée par le chevalier de Castelmont essayait de voir s’ils étaient des ennemis ou des alliés. Mais à dire vrai, c’était plutôt la stupeur qui les empêchait de parler, de se mouvoir. Qu’il s’agisse d’eux ou du colosse de fer qui venait de s’arrêter entre Talen et Morion, les mots leur manquaient. Que leur était-il arrivé, par les Trois ? La réponse était pourtant évidente, mais ils n’avaient encore jamais vu aucun des trois nobles dans un tel état. Et la plupart de ceux qui avaient affaire à des bandits de grand chemin ne revenaient tout simplement pas. Entre miracle et scène horrifique, ils ne savaient sur quel pied danser. Leur regard vacillait entre Talen, qui fixait avec une ostensible obstination un point perdu au dessus de l’épaule d’Edric, évitant à tout prix de croiser le regard que dissimulait encore l’épaisse visière de son heaume, Morion, dont le teint bleui, rougi, violacé était inquiétant, et Ambre, qu’ils découvraient pour la première fois. Quelques murmures s’échappèrent de certains casques. Ceux qui étaient dos à la comtesse purent voir que la cape qu’elle portait arborait des tâches sombres à divers endroits, et n’importe lequel d’entre eux avait reconnu là les marques du sang.

Edric retira son casque, et avant de prendre la parole, soutint le regard lugubre de Morion. Puis il observa son frère, les mâchoires serrées, impassible, qui refusait toujours de le voir en face. Il émit à cette constatation un grognement sourd, amer, mais n’ajouta rien. Il fit avancer sa monture à la hauteur de celle de son seigneur, et observa, réellement soucieux, le visage d’Ambre, ainsi que sa posture.

«Par les dieux… Monseigneur, d’où sortez-vous pour être dans pareil état ?

Plus tard, Edric, répondit Morion d’un ton sec, sombre. Nous devons nous hâter de gagner le domaine. Ambre ne tiendra pas longtemps sur un cheval, je tiens à l’épargner autant que possible.

Très bien, nous vous accompagnons. Vos soeurs sont mortes d’inquiétude, et vu votre état ça va pas s’arranger… Au moins êtes-vous sauf, je gage que c’est le principal.

Non, répliqua le comte, le regard à nouveau marqué du fer de l’ire qui brûlait toujours en lui. A l’ouest de Sarrant, en périphérie de la ville, se trouve l’endroit où nous avons été retenus captifs. La demeure est haute, et il y a des traces de lutte, vous la retrouverez facilement, c’est la seule à avoir été barricadée contre les Fangeux. Trouvez tous les brigands encore en vie là bas. Tous, Edric, même les impotents, même les blessés. Escortez-les au domaine, et faites les mettre au fer. Je m’occuperai d’eux en temps voulu. Et je les veux vivants.

Êtes-vous certain qu-

Je ne tolèrerai aucune réplique, messire de Castelmont. Vous tenez vos ordres. Exécutez-les, où c’est sur vous que j’abattrai mon courroux. Quant aux malfrats, ils vont savoir ce que c’est de mener guerre contre Morion de Ventfroid.»

Edric hocha la tête en guise d’assentiment, mais son regard en disait long sur ce qu’il pensait de Morion à cet instant. Beaucoup d’inquiétude. Le comte ne parlait jamais de guerre. Jamais lorsqu’il s’agissait d’être humains. S’il considérait les bandits à l’égal des fangeux, ça risquait de chauffer sévère dans les geôles du château. Il interrogea Talen du regard, mais devant son mutisme et son absence volontaire de la conversation, rendit les armes. Inutile de lui forcer la main. Pour l’instant. Il donna finalement quelques ordres secs, et détacha la moitié de son bataillon pour escorter les nobles jusqu’au domaine. La quinzaine qui lui restait serait amplement suffisante pour rapatrier ces bandits. Quoiqu’à lui tout seul, il était déjà une menace qui en imposait.

Peu désireux de maintenir la présence de Morion, et surtout celle d’Ambre qui l’inquiétait plus qu’il ne voulait bien le montrer, il les salua, et ordonna le départ aux hommes qui l’accompagnait.

Le reste du trajet fut… Etrange. Tout d’abord, les chevaliers, bannerets, simples hommes d’armes qui les entouraient était d’un mutisme d’outre-tombe. Ils ne faisaient aucun commentaire, mais leur attitude anxieuse et leur posture raide laissaient clairement voir leur inquiétude. Leur seigneur dans cet état-là… quelques uns l’avaient vu après l’opération du Labret, bien évidemment, et avaient pu le voir dans un état bien pire. Néanmoins, les circonstances étaient justifiables. La fange, l’orage, la guerre… Comment s’en sortir indemne ? Mais là, non seulement il n’y avait aucune raison, si ce n’est un tour particulièrement pervers du sort, mais en plus, sa femme en avait subi les conséquence, elle aussi. Eux qui avaient tant attendu de rencontrer la femme mystérieuse de leur seigneur, depuis déjà quelques mois, étaient peinés de voir dans quel état il la leur amenait. Et la colère sourdait chez chacun d’eux. Ils étaient pour beaucoup des chevaliers exilés, ou des hommes de guerre, dont l’honneur faisait la fierté. Constater que l’on pouvait infliger pareils sévices à une Dame, cela les mettait résolument hors d’eux. Nombreux étaient ceux qui avaient envie de rejoindre Edric sur le champ.

Morion se permettait enfin une forme de détente. Plus obligé de se concentrer sur ce qui l’entourait, rasséréné par la présence de ses hommes, il avait fini par courber doucement l’échine, se laissant porter par le cheval. Il ne se concentrait plus que sur Ambre, laissant aux autres le soin de le ramener au domaine. Il ignorait, à leur passage par les zones habitées ou fréquentées du plateau, les regards qui se posaient sur eux. Le comte et la comtesse de Ventfroid dans cet état, voilà qui aurait de quoi faire parler les langues les plus pendues pendant de nombreux jours. Mais il s’en fichait totalement. Ses yeux restaient braqués sur l’encolure ondulante de sa monture, et s’abaissaient parfois jusqu’à la main d’Ambre, qu’il refusait de lâcher.

Une heure, peut-être un peu plus, après avoir quitté Edric, ils passèrent l’allée où les têtes étaient soit enfoncées sur des piques, soit pendues aux arbres les plus proches de la route. Derrière les quelques bosquets épars, annonces morbides à tout brigand, banni, ou même fangeux, se trouvait le domaine et ses hautes grilles noires, déformées après de nombreuses luttes, renforcées d’épais madriers taillés en pointes. Un domaine en état de siège, voilà ce qu’il en était. Et au loin, au bout d’une route sinueuse, le château, haute bâtisse de pierre sombre aux bases blanchies par le sel des embruns et des vagues qui venaient s’éclater contre l’à-pic rocheux sur lequel il était érigé. La première promesse de sécurité depuis ce qui paraissait à Morion comme étant une véritable éternité.

Après les grilles franchies, alors qu’ils se rapprochaient des baraquements, Morion constata que derrière les montures qui masquaient leur vision, les exilés, réfugiés du domaine s’amassaient pour les accueillir. Tout d’abord avec joie. Ils n’étaient pas au courant de l’arrivée de Morion, même si le départ de trente hommes du domaine avait tout de même fait réfléchir certains. Le Labret à côté cependant, ce n’était pas si anormal que cela. Mais en s’approchant, en constatant que le cercle protecteur des cavaliers refusait de se dessouder d’eux, et en plissant les yeux pour mieux voir, ils purent se rendre compte dans quel état leur protecteur revenait, accompagné par une femme qu’ils devinèrent comme étant celle du comte. De nombreuses personnes ici avaient noué des contacts, au fil des rotations sur le plateau, avec les gens de la ville. La nouvelle du mariage du comte, si elle n’avait pas été spécialement mise en valeur par Estrée ou Marianne, avait tout de même couru la campagne jusqu’ici. Et puis Edric n’avait pas lésiné sur l’annonce à grands cris de joie et à coups de moqueries à peine masquées sur le mariage tardif de Morion, et la beauté supposée de son épouse. C’était que pour le tirer de sa solitude, il avait fallu un morceau de choix à n’en pas douter, se plaisait-il à répéter à qui voulait bien l’entendre. Néanmoins, le morceau en question était brisé et terni par la douleur, à cet instant. L’inquiétude les gagna, ils voulaient se rapprocher pour les rassurer, les saluer. Et c’est ce que Morion aurait fait en temps normal. A défaut d’être aussi intégré que son chevalier commandant à la troupe de réfugiés qui logeait ici, il avait tout de même mis de nombreuses fois mis la main à la pâte, et avait tissé des liens solides, quoiqu’un peu distants, avec tous ces gens. Mais là… là non.

La seule personne qui fut autorisée à franchir le mur de montures qui bloquait tous les accès aux paysans et autres manants fut Marianne, qui se précipita sur eux, pâle comme la lune, et visiblement morte d’inquiétude. De profonds cernes marquaient clairement le manque de sommeil; elle n’avait pas fermé l’oeil de la nuit. Tout comme Estrée, qui malgré ses bravades et son caractère bien trempé, avait craint une missive, un avertissement, peu importe, toute nouvelle funeste en provenance de l’endroit où était Morion, quel qu’il soit. Ou pire, que le sort réservé à leur père soit celui de son frère. Une disparition soudaine, et plus jamais de nouvelles. Par les temps qui couraient, ce genre de choses était synonyme de mort, et d’une mort le plus souvent horrible. Comme il aurait été abject de revoir son frère sous les traits des créatures contre lesquelles ils luttaient depuis des mois et des mois. La vision n’avait cessé de la tourmenter.

«Morion ! Loués soient les Dieux, vous êtes tous sains et saufs… Si tu savais comme nous étions inquiets, ici... Elle s’approcha encore un peu du comte, et plaqua une main devant sa bouche lorsqu’il amorça la descente de sa monture. Pas vis à vis de lui. Son état était sévère et les marques parfaitement visibles, mais l’état d’Ambre l’horrifiait purement et simplement. Quelques semaines plus tôt, Estrée était dans le même état, blafarde, à mi-chemin entre vie et mort, et cette vision se mêla à la scène qui se déroulait sous ses yeux, soulevant son estomac. Elle fit un pas en direction de la comtesse pour aider sa descente, mais fut brutalement stoppée par le bras tendu de Morion, qui tenait toujours la main de son épouse. Personne ne toucherait plus son épouse. Je… Je vais faire mander les meilleurs de nos guérisseurs. Ils vont s’occuper de vous et...»

Elle s’interrompit, muette de stupeur, quand Ambre finit par sombrer. Morion la rattrapa de justesse, avant qu’elle ne touche le sol, et resta silencieux, à l’observer. Elle respirait, son coeur battait; il s’en assura lui-même. Un bref soupir de soulagement franchit ses lèvres. L’épuisement, la douleur, le trajet, avaient fini par avoir raison de sa conscience, mais elle était en vie. Evitant de toucher les endroits les plus marqués de son dos, il glissa son bras derrière ses omoplates, et l’autre sous ses genoux. Un léger grognement en réponse à la douleur qui saisit ses côtes s’échappa de sa gorge, mais son regard dissuada quiconque de seulement tenter de lui venir en aide.

«Je monte. Préviens Estrée de mon retour. Fais monter un guérisseur le plus vite possible. Que personne ne nous dérange, hormis lui. Et…
Il ferma les yeux un moment, légèrement étourdi, puis les rouvrit. Edric va revenir, accompagné par des captifs. Qu’ils ne soient ni nourris, ni abreuvés jusqu’à ce que j’en donne l’ordre. Retirez-leur leurs vestes et chemises qu’ils restent uniquement en chausses. Et enchaînés debout.»

Les yeux de Marianne s’écarquillèrent. Qu’avaient-ils faits pour mettre son frère dans une rage pareille, qu’il veuille à ce point les faire souffrir ? Question stupide, il suffisait de regarder Ambre. Elle doutait sérieusement que ce soit pour ce que lui avait subi qu’il était aussi profondément remonté. Elle-même sentait la colère lui nouer le ventre alors qu’elle n’avait pas été sur les lieux. Elle hocha doucement la tête, osant à peine lui répondre. Il posa le regard sur elle, adoucissant légèrement le ton cassant qu’avait pris sa voix.

«Attendez-moi dans mon bureau. Je viendrai vous voir dès que je serai rassuré sur son état.»

Il releva la tête, en direction de Talen, cette fois.

«Talen. Lave-toi, change-toi, et repose-toi. Nous discuterons au retour d’Edric. Ménage-toi.»

Eteint, le domestique se contenta de hocher la tête, toujours solidement campé sur son cheval, qu’il finit par éperonner sans conviction pour le conduire aux écuries. Il fut bientôt suivi par le contingent militaire, laissant le comte gravir seul les marches, accompagné par sa soeur mutique. Ils étaient enfin arrivés.

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Suite : Même quand la blessure guérit, la cicatrice demeure.
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