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 Renaître de ses cendres [Grayle]

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Grayle



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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptySam 19 Jan 2019 - 1:20
Le corps a ses raisons que la raison ignore.

Grayle n'était plus un petit garçon. Il en avait vu des corps, de filles comme de femmes, de tout âge et de tout gabarit. Il n'était pas... impressionnable. Ou du moins, difficile à intimider. Perdre ses moyens n'était pas son genre. Du moins, avec la gent féminine.

Et pourtant, lorsqu'elle accepta, un petit sourire non-calculé, instinctif, put se voir sur ses lèvres. Son petit coeur bondit un peu dans sa poitrine, lui envoyant des petits frissons chantants. Pourquoi est ce que ca lui faisait tant plaisir qu'elle accepte ? Elle avait un visage fatigué et pâle, sans réel charme, et son corps, qu'il pouvait deviner maigre, sans réelle forme ni attraît, étant entièrement vêtu. Il n'avait aucune raison de se sentir... comme ca !

Du pied, il tira une chaise afin de s'approcher un peu d'elle, même si une distance relativement correcte était respectée, afin de ne pas s'introduire dans son espace vital. Il regarda le liquide carmin à travers le verre, remua ce dernier et en bu un peu. Pendant un bref instant, le bâtard ressemblait à son noble de père. L'illusion prit fin au bout d'un bref instant, et le jeune "marin" refit surface.

- Madame ?

Sa voix, d'ordinaire claire et mielleuse, devint un poil plus aigu. Il suivit le regard de la brune, et se retourna vers l'objet de son attention. Un miroir de poche. Celui de la comtesse Sophie.

* OHPUTAINDEBORDELDEMERDEL'IDIOT *

- Oh, c'est ca qui vous fait dire ceci ?
dit-il d'une voix extrêmement calme.

* POURQUOIESTCEQUEJ'AIPASVUCA !!*


Il reprit calmement un peu de vin, et fit un clin d'oeil charmeur à Louise.

- Je n'ai pas de "Madame" si ca vous intéresse.

*TROUVEQUELQUECHOSEN'IMPORTEQUOI*

- J'ai trouvé ce petit miroir au port. Je l'ai apporté chez moi. Je pense que j'en tirerais un bon prix. Vous ne pensez pas ?


Il reprit un peu de vin, victorieusement.

* Grayle, t'es quand même beaucoup trop fort*
pensa t-il fièrement, même si quelque chose le troublait. Cacher son métier à Louise pour ne pas l'effrayer, était compréhensible. Ca demandait de la discrétion, et de mentir. Mais... pourquoi était-il, intérieurement, aussi véhément contre l'idée que Louise ait pu penser qu'il ait une compagne ?

Lui même ne savait pas.


Dernière édition par Grayle le Dim 3 Mar 2019 - 12:25, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptySam 19 Jan 2019 - 12:06
Le voisin ne sembla pas comprendre tout de suite et la jeune femme dû fixer un temps avec insistance le bijoux de dame pour qu’il donne une réponse à la question qu’elle avait tâché de judicieusement contourner. Non, ils n’attendaient pas de madame. Pas d’épouse. Du moins, c’est ce qu’il sous-entendait.

Il lui servit une histoire de découverte inopinée pour expliquer le présence du petit miroir chez lui. Et le curieux brin de femme ne s’amuserait pas à creuser davantage la question. Égoïstement, elle se contentait grandement de cette réponse : s’il n’avait pas de compagne, il serait peut-être plus enclin à partager son temps avec elle. Et avec l’enfant que la présence d’un tiers masculin ravissait plus que tout. C’est ce à quoi elle pensait avant tout. Le petit avant le reste du monde. Une dichotomie placée sous le filtre de son amour maternel incommensurable.

C’est un joli objet, murmura la jeune femme, parlant tout bas par habitude, pour ne pas réveiller son fils endormi. Je suis persuadée que vous en tirerez un raisonnable pécule.

L’érudite continua fixer le petit miroir de bourgeoise qui lui rappelait celui qu’elle avait abandonné dans ses contrées oubliées. Elle se rappela le sien, en bois marqueté. Beaucoup moins criard que celui que son voisin détenait. Une futilité dont elle ne s’était guère encombrée.

Ne vous faites pas accuser de l’avoir voler, c’est tout, pensa-t-elle, prévenante.

Elle adressa un doux sourire au jeune homme et porte précautionneusement le vin à ses lèvres. Une éternité qu’elle ne s’était pas offert un plaisir de la sorte. Le contenu de son verre n’avait pas le prestige de ce qui avait remplit son gobelet par le passé, dans la demeure de ses parents, mais il avait été épicé ce qu’il faut pour en cacher l’amertume.

Là encore, des souvenirs affluèrent. Et elle les chassa pour n’écouter que le silence paisible de la nuit.

La petite flamme posée entre l’érudite et son aimable voisin éclairait qu’une partie de leur visages. Elle aimait être là, à moitié dissimulée dans les ombres, devant cet homme dont elle ne connaissait pas grand-chose mais qui lui assurait une certaine protection. Pour la première fois, sa solitude de mère fille se fit moins pesante. Un potentiel interlocuteur privilégié en cas de problème ou de déroute. Il avait déjà su se montrer présent, aimable et brave. Un lot de qualité dont elle ne pouvait pas de pâmer de pouvoir offrir en retour.

Dehors, le frimas venu de la mer commençait à couler contre les murs du petits immeuble. Un courant d’air vient lécher le pied nu de la jeune mère. Alors elle replia ses deux jambes sous sa jupe de velours usé. Elle était si amaigrie qu’elle ne semblait pas prendre de place sur ce fauteuil.

Il y eut un silence dans lequel ni l’un ni l’autre ne trouvèrent à dire et personne ne s’en offusqua. L’érudite savourait le vin et le doux instant de calme. Parce qu’elle savait qu’ils viendraient à parler Ce soir ou un autre soir, d’ailleurs ; elle n’était pas dupe.

Ce n’était pas la première fois qu’elle se tenait dans le noir avec un homme et une bouteille de vin, après tout.
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyVen 8 Fév 2019 - 1:32
- Je ne sais pas si je le vendrais... ca me semble mal de monnayer les souvenirs des autres contre de l'argent répondit celui qui vendait son propre corps et une affection parfois fausse à des âmes en peine. Il lui rendit son sourire.

- Les gens ne me soupçonnent jamais... même quand je suis coupable.

Lui, avait pris ses aises. Il ne semblait pas gêner par la présence d'une intrue chez lui. Il la fixait, sans insister, ni créer d'embarras. Sans cette lueur perverse et gênante que pouvaient avoir les hommes affamés de chair frâiche, même lorsqu'elle est sur le squelette d'une érudite peu attirante. Il aimait le reflet des flammes sur le visage creusé de sa voisine.

- Je regrette de ne pas avoir de cheminée.

Simple constat. Il n'attendait pas de réponse en particulier. Elle était du genre à aimer les silences, et lui, qui passait la plupart de son temps auprès d'êtres humains, était capable de savourer les instants tranquilles. Un léger coup de vit fit frisonner la jeune femme. Le jeune homme le remarqua, et se leva. Il tira un tiroir, et en extraya une lourde couverture de laine.

Sans rien dire, ni excuse, ni permission, il entoura la jeune femme de la couverture, des pieds jusqu'aux épaules, laissant ses bras libres de tout mouvement. Par Serus, qu'elle était maigre !

- Comment est le vin ?

Il était curieux d'une autre chose. Avait-elle un compagnon ? Pourquoi devait-il s'en soucier d'ailleurs ? Qu'elle soit seule et présente avec un tel enfant indiquait qu'elle était probablement sans mari. Etait-il parti en abandonnant l'enfant ? Si c'était le cas, c'était un beau salaud...

Toutefois, il resta coît, et laissa le silence se réinstaller. La lumière des flammes éclairait les cheveux de la femme. Ils étaient... peu coiffés. Un peu gras. Pour Grayle qui était habitué à fréquenter d'élégantes putains, c'était plus crispant qu'il n'aurait osé l'avouer.

Sans mot dire, il toucha ses cheveux, puis son crâne... et commenca à la masser, humant l'air d'une chanson de sa mère.


Dernière édition par Grayle le Jeu 14 Mar 2019 - 19:11, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyJeu 21 Fév 2019 - 13:58
Dans sa longue fuite vers Marbrume, l’érudite avait été contrainte de laisser dans son sillage tout un tat d’objets et d’effets personnels en tout genre. Tout ce qui n’avait pas d’intérêt vital. Les bijoux de sa mère, les boutons en argent, les petits objets personnel de grande finesse, et avait enlevé jusqu’au fil d’or qui brodait autrefois ses robes. Inutile de vivre dans l’opulence avec l’estomac fendu de faim.

Le désintérêt pour la valeur marchande de l’homme l’étonna donc. Quoi que soit son métier, il devait bien gagner sa vie pour se permettre l’assurance dont il se pâmait. Certes, il n’avait point un sourire de criminel. Si elle lui avait facilement accordé sa confiance, il ne devait guère s’attirer les foudres des autres petites gens.

La voisine plongea à nouveau les lèvres dans le verre de vin qu’on lui proposait, songeuse. Cet instant avait à la fois la saveur d’autre fois et l’odeur du neuf. Il y avait ce gobelet qu’elle faisait rouler entre ses doigts pour capter l’arôme et l’épice comme elle l’avait fait tant de fois autours de ses grandes tables où les bourgeois aiment se fendre en bavardages infécond et sans fin. Même si elle n’était pas à son aise, elle savourait cette sensation de confort, de sécurité et de sérénité qui flottait autour de ce lieu. S’il avait voulu lui faire du mal, il aurait déjà pu le faire de bien des façons. Mais jamais elle ne s’était ainsi retrouvé seule chez un homme dont elle connaissait à peine le nom, qui ne connaissait ni les lettres, ni les chiffres et avec qui elle ne pouvait guère parler d’aucune de ses études et travaux sans passer pour plus étrangère que ce qu’elle n’était déjà. Et comme elle n’avait jamais appris à parler pour ne rien dire, elle ne trouva rien à dire.

Le voisin lui demanda comment elle trouva le vin et elle se contenta de dire succinctement qu’elle le trouvait bon avec un sourire. Pas merveilleux parce que, pour quiconque avait connu l’abondance dans leurs jeunes années, avaient de quoi trouver la boisson d’aujourd’hui fort fade. Souvent, elle était coupée à l’eau d’ailleurs. Ce n’était pas le cas de ce verre-là, et l’écarlate de la robe lui monta bientôt à la tête. Les pommettes qui saillaient au-dessus de ses joues creuses s’empourprèrent. Il valait mieux mettre ça sur le compte du vin que sur la gêne de la savante lorsque l’homme l’enveloppa avec une bienveillance intransigeante dans une couverture. Elle voulut dire merci mais elle l’avait trop dit en trop peu de temps et se retint de peur de l’agacer.

Parce qu’il s’était rapproché d’elle, elle se prépara à ce qu’il la touche. Et il passa les doigts dans ses cheveux avec la même tendresse étrange dont il avait fait usage, quelque jours plus tôt.

L’effet sur l’érudite fut presque le même que la fois précédente. Quoique sa crispation s’atténua un peu parce qu’elle s’y attendait et que l’homme se mit à chantonner et que la chanson était belle. Sans savoir ce qu’il avait en tête, elle décida de le laisser entremêler ses grandes phalanges chaudes à ce pétrin de vertèbres et de tendons que formait sa délicate nuque.

Tout ceci la ramenait bien des années en arrière. Avant la Fange. Avant l’enfant. Lorsque son corps ne ressemblait pas encore à celui d’un cadavre en devenir et qu’elle pouvait encore se préoccuper d’elle. Lorsqu’elle avait eu ce quelque chose qui rend les femmes désirables. Ce brin d’insouciance, rayonnante de l’intérieur et qui éclate dans le moindre sourire, avant que l’âge et la grossesse ne pétrisse la viande prématurément. Ce souvenir là revenait lorsqu’elle laissait affluer les images derrière ses pupilles. Avec le recul, l’érudite songeait qu’elle aurait dû profiter davantage de ce temps. Passer moins de temps dans les livres. Peut-être qu’un esprit moins forgé l’aurait amené vers d’autres route. Et il était trop tard pour avoir des regrets.

Egoïstement, l’érudite profita de ces rémanence au fil de la chanson et se protégea de toute la tristesse qui y étaient associés pour ne garder que ce qu’il y avait de doux dans ce moment. C’était dans ce genre d’instant qu’elle retrouvait ce fragment d’humanité qu’elle pensait parti depuis que le monde avait cessé de tourner.

Quand elle sentit la chanson tirer sur la fin, elle captura avec douceur la main de l’homme et entrecroisa ses doigts avec les siens et porter les phalanges à ses lèvres. Là, elle y déposa un baiser chaste. Un signe de reconnaissance dont on usait parfois entre les gens de son éducation. Elle le laissa finir, et se leva prudemment de son fauteuil, laissant glisser la couverture qui lui donnait de l’épaisseur. Elle posa le verre sur le premier plan qu’elle trouva et fit volteface en arrangeant le ruban qui tenait son chignon en place. Quand elle aurait traversé le pallier pour retourner chez elle, elle l’enlèverait certainement mais le geste tenait plus du rituel qu’autre chose. Elle ne pouvait pas se présenter ainsi débraillée : seule les putains allaient les cheveux détachés.

Elle sourit au voisin et ne chercha pas à éviter son regard malgré une certaine timidité qui lui serrait la gorge. Parce qu’elle ne trouvait toujours pas les mots qu’il fallait dire, elle se contenta de montrer la porte du bout du doigt et murmurer :

Je vais y aller, Grayle. Merci pour le verre. Et la chanson.

Elle ne lui demandait pas la permission. Maladroitement, elle aurait voulu exprimer sa reconnaissance plus explicitement qu’en se tenant si loin de lui, droite et distante alors qu’ils s’étaient tenus si proche l’instant d’avant.

Il ne fallait pas qu’il prenne cela comme une fuite ou une esquive. Elle préférait simplement s’en aller et emporter le souvenir de ce bel instant avec elle avant qu’il ne dégénère ou traine en longueur et ne laisse que de l’ennui dans leur sillage. Elle l’avait suffisamment importuné et il la retrouverait sans aisément s’il voulait la revoir puisqu’il n’y avait qu’un palier à traverser.

Autrement, il pouvait parfaitement la retenir mais la jeune femme n’y croyait guère. Il lui avait donné déjà bien assez de temps et il aurait été déraisonnable de penser qu’il voulut en réclamer plus. Les minutes avaient déjà tendance à s’étirer lorsqu’ils étaient ensemble.
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyDim 3 Mar 2019 - 13:12
Le baiser sur sa main était fugace, presque imperceptible. Et s'il ne réchauffa guère le corps -déjà brûlant en comparaison de celle de l'érudite-, il envoya quelques frissons de bonheur au cœur du jeune homme. Il était heureux qu'elle fasse ce geste. Pas parce qu'elle lui témoignait de l'affection, mais parce que voir cette femme solitaire s'ouvrir un tout petit peu à lui indiquait qu'il faisait un bon travail. Qu'elle se sentait bien, et mieux.

Et bien plus que pour le simple plaisir charnel, c'est pour le -naïf, certes- désir de rendre les gens heureux, au moins quelques instants, que Grayle s'était dirigé vers la prostitution. Petità petit, il sentit les muscles de son dos maigrichon et de sa nuque squelettique se détendre.

Elle se leva silencieusement, presque cérémonieusement, avant de remettre de l'ordre dans ses cheveux, toujours digne. Presque régalienne, remettant sans s'en rendre compte un peu de distance entre eux. Grayle réalisait, encore une fois, tout ce qui les séparait, tant dans leur mentalités que leurs histoires respectives, même s'il ne connaissait pas celle de l'érudite. Il lui tissait des origines plus ou moins proches de la réalité, via des fils de soupçons et de présomptions.

Ironique pour une ancienne noble et le bâtard qui aurait pu en être un.

Elle s'éloigna et commença à battre en retraite près de sa porte, avant de le remercier. En amour comme en mer, il faut savoir jusqu'où pousser sa chance, et Grayle compris qu'il était mieux de s'en tenir là pour aujourd'hui.

Mais à quoi bon naviguer si l'on a pas l'esprit aventureux ?

Il s'avança vers elle, comme un souffle, avec une lenteur trompeuse, se trouvant sur elle avant qu'elle ne puisse réagir. Comme la dernière fois, il la prit doucement dans ses bras et la serra contre lui, blottissant son visage soucieux contre son torse, grattouillant gentiment ses cheveux sans les défaire. Il maintint le contact quelques instants seulement, avant de s'éloigner lui aussi.

- Revenez quand vous voulez d'accord ? Et dites bonne nuit au petit de ma part.

Il ferma la porte, mais ne s'en éloigna pas.


Dernière édition par Grayle le Jeu 14 Mar 2019 - 19:11, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyLun 4 Mar 2019 - 16:12
Avant qu’elle ne s’échappe, comme ils l’avaient déjà fait, le voisin vint serrer le bout de féminité osseuse et à vif dans ses grands bras plein de bienveillance. Elle écrasa un soupire contre le torse chaleureux de l’homme parce qu’il était fort agréable de de se trouver ici, protégée, soutenue et comme un peu moins infaillible qu’il y a quelques semaines. Quelque part, l’érudite s’en voulait pour tout ce temps qu’elle avait l’impression de lui voler.

Il était un homme. Elle était une femme. L’enfant qui dormait en face du pallier était la preuve que la réfugiée connaissait les jeux qui lient les personnes de sexe opposés de sensiblement le même âge et à peu près dans la même situation épineuse. Loin d’être une sotte, elle se doutait de tout ce remus qui agitait ce doux protecteur. Et elle ne savait que faire de cette affection dont elle profitait simplement parce que cela lui donnait d’être moins seule dans la situation que les dieux et un autre homme avait créée.

Bientôt, l’étreinte se rompit. La jeune mère eut l’impression de sortir la tête de l’eau après un moment magique de quiétude. Les bruits du monde revenaient, plein d’agitation, alors que, l’instant d’avant, tout semblait plus sourd et serein.

Revenez quand vous voulez d'accord ? Et dites bonne nuit au petit de ma part, murmura le voisin.

Elle hocha lentement la tête avec un doux sourire au bord des lèvres. Et il referma la porte. Mais elle ne rentra pas tout de suite pour rejoindre l’enfant dans son sommeil de petit ange déchu.

Son dos s’affaissa contre la porte. Le plancher n’avait encore pas crissé. Elle savait que l’homme juste derrière.

Que c’était dur pour l’érudite de réfléchir à ce qu’elle avait à penser…

Elle avait l’impression de ne point mériter l’attention tendre et amical de cet homme. Depuis qu’ils avaient emménagé dans ces nouveaux quartiers, il avait fait tant pour elle et l’enfant. De toutes les personnes qu’elle fréquentait à Marbrume, c’était le seul à qui elle avait accepté de confier le fruit de ses entrailles et le secret qui allait de pair. Quelque part, elle le sentait, elle le savait, elle le craignait : elle avait besoin de lui. Pas parce qu’un remus de sentiments flous l’agitait prodigieusement. Pas d’émoi de jeune fille ou de curiosité de ces choses.

Il y a longtemps, elle avait connu l’amour, le vrai. Il ne lui avait rien apporté de bon, si fait. Et homme-là, aussi gentil et serviable qu’il était ne pouvait point rivaliser avec le passé et tout ce qu’il y avait de grand dans le souvenir du père de l’enfant. Les sentiments n’entraient pas la ligne d’équation de la mathématicienne. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle ne pouvait se payer de luxe de laisser s’éloigner les gens prêts à l’épauler. Depuis peu, elle se sentait moins forte, taillée dans une roche friable et cassante. Et pour ne pas risquer de le perdre, elle le sentait, elle le savait, les petites attentions ne devaient pas toujours se présenter de façon univoque.

Elle leva les yeux au ciel, se mordit la lèvre supérieur et lâcha un autre soupir. Ses inquiétudes allaient de pair dans cette relation : quand il fallait partir et quand il fallait se revoir.

Tout ce qui suivit ne fut que calcul. Une arithmétique qui échappait un peu à la femme de chiffres mais qui méritait tentative.

Doucement, elle toqua à nouveau, grattant presque le bois du bout de ses doigts rachitiques. Le voisin ouvrit et l’érudite se mit sur la pointe des pieds pour dépose un baiser sur ses lèvres. C’était doux, timide et pudique, à l’image de la jeune femme. Une sensation fugace et un peu froide qui laissait à peine la trace d’une émotion.

Quand ses talons retouchèrent le sol, elle sourit fugacement à l’homme. Pas de honte. Pas de gêne. Presque un échange de bons procédés pour sa part.

Bonne nuit, Grayle, elle souffla.

Et elle franchit le seuil, rentra chez elle et tourna la clef dans la serrure.

Dans le petit lit, le petit dormait à point fermé. Sa mère sourit. Tout ce jeu d’adulte n’existait que pour préserver les dernières brides de son enfance.

Elle s’assit sur le lit et caressa les cheveux blond tirant sur le roux de son garçon. Il lui rappelait tellement le père de l’enfant qu’elle se fit violence pour rejeter la petite culpabilité qui voulait l’enrober d’une chape d’indignité. Ses choix n’avaient jamais été bons en matière d’homme. Et elle aurait été humiliée de savoir le véritable métier de son doux voisin.

L’érudite se dévêtit pour se glisser dans les draps avec l’enfant. Elle l’enserra avec la tendresse d’une mère sans le réveiller. Elle s’endormit sans mal avec pour seul espoir qu’elle n’avait pas déposé là la graine qui envenimerait leur complicité solidaire.
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyMar 12 Mar 2019 - 23:48
Le baiser avait surpris Grayle.

Ce n'est pas qu'il n'était pas habitué aux baisers. Il en avait donné et reçu un nombre incalculable. Parfois discrets, parfois passionnés, experts ou maladroits. Par des femmes jeunes et vieilles.

Mais celui là était spécial. Il n'était pas le fruit de la passion dévorante et incontrôlable d'une femme plongée dans la luxure, ou d'une séductrice aux yeux de biche.

Elle ne l'avait pas embrassé parce qu'il lui faisait l'amour ou lui donnait du plaisir.

C'est la première fois qu'on l'embrassait en dehors de son travail. Alors pour Grayle, aussi furtif, aussi calculé soit-il, ce baiser avait une signification que la veuve ne pouvait soupçonner. Et le jeune homme, plein de bonnes intentions, qui s'imaginait conquérant, lueur de chaleur pour un petit coeur tout brisé, fut celui qui resta interdit, tout bouleversé et tourneboulé par les événements, il la laissa s'échapper sans faire un quelconque geste pour la retenir.

Quelle femme ! Sans le moindre effort, elle avait retourné ses propres armes contre lui. Elle n'était certes pas très belle -mais pas vilaine- ni bavarde, et le détestera lorsqu'elle apprendra son métier. Certes, elle n'était pas sportive, ni très sociable. Trop intelligente, trop brillante, trop attentionnée, pleine de valeurs et de qualité qu'il n'avait pas.

Il ne la méritait pas vraiment. Mais une femme comme elle et son enfant méritaient un peu d'instants heureux au milieu de la triste marée à laquelle ressemblait leur vie. Et c'est bien le moins qu'il puisse faire.

Il s'allongea sur son lit, regardant le mur, le sol, le plafond. Une heure passa, sans que le jeune amoureux n'arrive à calmer ses pensées fusant dans tous les sens, tel un feu d'artifice incontrôlé. Il ouvrit la fenêtre, et s’enfonça dans le froid de la nuit pour calmer ses ardeurs.

Au petit matin, L'érudite pourra remarquer un petit visage souriant dessiné à l'extérieur sur la buée de sa fenêtre.

Même au travail, Grayle pensa souvent à Louise, "opérant"... de façon presque mécanique. L'esprit ailleurs.

Si elle l'avait embrassé, c'est qu'il lui plaisait. Un petit peu au moins. Mais que faire ensuite ? En matière de séduction subtile, en dehors d'un bordel, l'homme redevenait enfant. Surtout qu'elle l'intimidait, cette femme intelligente et plus cultivée que lui. Elle avait eu un mari. Elle avait un enfant. Qu'avait-il diable à lui faire découvrir, à lui apprendre ?

Il décida de se fier à la maxime qu'il se répétait chaque matin depuis que sa mère la lui avait appris.

" Sois bon, ou ne fais rien. "

Alors, il continua d'être gentil et attentionné. Il toqua plusieurs fois à la porte de l'érudite, apportant un panier de fruits, ou un peu de nourriture dont le duo manquait sévèrement.

Mais, ne voulant pas... s'imposer à la jeune femme, Grayle se fit parfois plus discret, plus prudent, moins bavard qu'à l'accoutumée. Ils ne se croisaient pas souvent. Pour ne pas éveiller des soupçons qu'il devinait, il passait au port avant de revenir chez lui, afin de ne plus ramener dans son sillage les odeurs de parfum féminin. Et, prétextant des travaux et la présence renforcée de la milice chez lui, ne reçu plus aucune cliente chez lui.

Son appartement était devenu bien calme ! Chaque nuit qu'il passait chez lui, il fixait le mur commun entre sa chambre et celle de Louise, essayant de la deviner à travers la cloison. Comment dormait-elle ? Contre son enfant ? Lui tournait-il le dos ? Était-elle nue ? Habillée ?

Puis, un jour, alors que l'hiver commençait à approcher de la fin, il glissa un papier sous la porte de l'érudite. Sur lequel était simplement écrit :

" Balade près de la mer ? "



Dernière édition par Grayle le Jeu 14 Mar 2019 - 19:22, édité 1 fois
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Louise OchaisonErudite
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyMer 13 Mar 2019 - 20:16
La nuit d’après, l’érudite dormit d’un sommeil de plomb. Pour la première fois depuis longtemps elle se savait un peu moins seule. Trop honorée que quelqu’un lui accorde un peu de temps pour protéger son âme et celle du petit.

Les semaines qui suivirent, pourtant, l’homme se fit plus discret. Attentionné juste ce qu’il faut pour qu’elle ne s’inquiétât pas de la sorte de distance que l’homme mettait entre eux deux. C’était étrange de le voir venir, apporter des fruits, venir jouer avec l’enfant, et repartir vite. De plus en plus, elle lui confiait son fils avec une confiance aveugle. Peu de temps en tête à tête : l’un comme l’autre, même sans se l’avouer, ils s’évitaient soigneusement.

Avec le temps, l’érudite finit par s’en vouloir. Elle passait le plus de temps possible à l’étude pour éviter d’avoir à penser à l’organisation de son foyer. Parfois, il est plus facile d’arranger des idées que de prédire les conséquences de actes. Les échanges des hommes avaient une complexité plus grande que le grand ordonnancement du ciel, pour la jeune femme.

Dans les semaines qui suivirent, elle eut, de fait, d’autres choses à penser : des nobliaux la recrutèrent et elle entra sous la protection de quelques comtes et comtesses qui voyaient en elle un esprit impressionnable, docile et dévoué. Pendant qu’elle devait se dépêtrer avec son lot d’angoisse, de craintes liées à ces phases de la vie où tout semble instable, vacillant et tendu, elle prit un peu moins de nouvelles du voisin. Il n’y avait qu’au moment de dormir, où ses pensaient voguaient tout de même de l’autre côté du mur, où l’homme devait ronfler dans un lit froid pendant qu’elle avait la chance de s’allonger tous les soirs contre le corps chaud du petit.

Et, quelque jour après qu’elle ait retrouvé une note déposée par une comtesse, dans son chez elle, qu’elle sentait, depuis, complètement insécure, elle trouva un autre papier. Quelques mots griffonnés. « Balade près de la mer ? ». Comme elle ne pensait pas le voisin lettré, elle chercha un moment de qui pouvait le bout de papier. Sans réponse, elle finit par frapper à sa porte, gênée de lui demander si elle avait vu quelqu’un glisser la note sous sa porte.

Elle toqua chez lui, un peu sotte. Quand il ouvrit, elle lui adressa un sourire doux et gêné.

Bonjour, elle souffla en lui tendant les quelques mots. On m’a laissé ça. C’est non signé. Avez-vous vu quelqu’un entrer ?

Cela aurait pu être une menace. Un rendez-vous réclamé par des gens qui ne lui voulaient pas du bien. Même si les jours commençaient à raccourcir et que, au fond, elle trouvait l'idée bonne, elle voulut s'assurer que ce n'était pas un piège tendu par n'importe quel manant.

Elle était à mille lieux de penser que le voisin réclamait un peu de son temps de la sorte.
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyJeu 14 Mar 2019 - 20:41
Grayle était au lit.

Le prostitué/videur n'avait pas été au travail depuis quelques jours. Et pour cause. Il était alité. Chargé de protéger les filles des potentiels clients violents ou autre menace physique, il s'en était sorti avec un bel hématome autour de l'oeil droit après un brutal combat avec un client qui se croyait chez lui.

La peau était devenue violette, dans un beau rond englobant son oeil et son arcade sourcilière. Allongé et fixant le plafond, une serviette d'eau fraîche sur le visage, il était resté ainsi toute la journée. S'il était quelqu'un de dynamique et actif, les longues journées et nuit sur la mer parfois d'huile, à ne rien faire, l'avait habitué aux longs moments de silence et d'inactivité, qu'il avait appris à apprécier.

Lorsqu'on toqua à sa porte, il ne réagit pas. Lorsqu'il entendit la voix de Louise, il bondit de son lit, et vint lui ouvrir.

- Bonjour dit-il d'une voix aimable, prenant le papier... son papier. Il la vit remarquer son visage martyrisé, et il se mit à sourire.

- Rien de grave. Une bagarre d'ivrognes au port. Hm...

Grayle n'était pas une lettré. Il ne savait pas écrire, ni vraiment lire. Compter, seulement. Mais il avait des amis pour écrire pour lui. Lorsque quelques unes des prostituées apprirent que Grayle avait le béguin pour quelqu'un, il n'eut aucune mal pour qu'on écrive, élégamment pour lui, ces quelques mots.

- Personne n'est entré
dit-il en souriant, agitant le message devant elle. Je l'ai glissé sous votre porte.

Il la laissa absorber cette information un petit moment, avant de s'appuyer contre sa porte, jambes croisées, avant de lui rendre le message.

- Votre réponse ? Je connais de très beaux coins.


Dernière édition par Grayle le Dim 14 Avr 2019 - 13:04, édité 1 fois
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Louise OchaisonErudite
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyDim 24 Mar 2019 - 16:38
Quand il ouvrit la porte, l’érudite eut un pincement au cœur en voyant la trogne de l’homme. Une grande marque violacée aux couleurs du ciel quand le soleil tombait vers la mer, le soir. Un poing avait dû se ficher là et avait laissé un joli souvenir.

Oh… souffla la jeune femme, toute désolée d’avoir à le déranger.

La blessure était encore fraîche et, instinctivement, la jeune mère leva le bras pour encadrer le visage du voisin entre ses mains froides. Avec le bout du doigts, elle jaugea le gonflement des chairs et s’assura que la paupière restait mobile même si elle se montrait toute boursoufflée. Rassurée, elle reprit tout de suite ses distances. Parce que c’était une familiarité qui ne lui ressemblait pas et parce qu’elle avait soudain craint de lui infliger bien plus de douleur.

Aussitôt, l’homme la rassura : c’était le fruit d’une rixe de taverne qu’il portait sur le visage. Rien de plus. Rien de moins. L’explication lui suffit. Elle ne cherchera pas à creuser plus.

Alors, seulement, il répondit à sa question. Et la réaction de l'érudite fut tout autre bien que sensiblement exprimé avec les mêmes mots :

Oh… fit-elle à nouveau et sur un ton très différent.

Alors ça… C’était à la fois adorable et étrange. Quelque part, l’érudite avait pensé que quelques bavardages et des sorties avec l’enfant auraient suffi au ciment étrange qui liaient leur relation pudique et raisonnable. De la part de l'homme, la proposition paraissait tout aussi décente et, parce que personne ne lui avait proposé un moment pour elle - et rien que pour elle-, l’idée de se dédouaner de ses obligations de mère avait une saveur d’indignité.

Elle reprit le papier pour le relire et le plia soigneusement entre ses longs doigts maigrissimes. Une ride striait son front. La même que celle qui barre le visage des mères soucieuses lorsqu’elle guette leur progénitures joueuse et intrépide.

Je… Je ne savais pas que vous saviez écrire, murmura-t-elle sans répondre à sa question.

Son regard fuit vers la porte de la petite alcôve où elle vivait avec le petit. Son garçon était à l’intérieur et il avait eu du mal à récupérer de la nuit précédente parce que le tapage de la forge, de l’autre côté de la rue, c’était fait plus bruyant dans la matinée et jusqu’à tard dans l’après-midi : un des four s’était écroulé et il s’en était fallu de peu pour que tout l’endroit finisse dans un grand brasier. Elle recula pour ouvrir la porte, glissant un œil vers le lit. Maintenant que tout était redevenu calme, le petit dormait comme un petit angelot et, avec le voisin, ils auraient le temps de profiter du soir avant qu’elle lui propose de sortir un peu de nuit. Qu’il court. Qu’il joue. Qu’il fasse l’enfant.

En attendant, elle avait peut-être le temps de s’amuser un peu à être un peu vivante, elle aussi. Qu’elle profite de la tombée du jour. Qu’elle arrête de faire la mère pour être un peu la femme.

D’où elle était, elle murmura à l’intention de l’homme :

Allons y. Mais pas trop longtemps.

Le temps qu’il se prépare, elle se faufila chez elle pour enfiler un manteau et laisser une petite note à l’enfant. Pas trop longue. Écrite en gros. Voilà longtemps que l'enfançon avait appris à lire les grandes lettres simplifiées que sa douce mère lui laissait souvent. C'est qu’ils vivaient une vie à deux vitesses à cause de cette diablerie de maladie : une sous le soleil et une autre sous la lune.

En attendant, l’érudite était ravie de sortir sans but pour profiter des dernières minutes d’un jour qui lui appartenait. Sans le voisin, elle n’en aurait jamais rien fait.

Voilà peut-être qui trahissait le véritable métier de cet homme dont elle ne connaissait encore rien : il la forçait à prendre un temps qu’elle n’avait pas.
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyMar 16 Avr 2019 - 2:16
Elle était belle, dans ce gros manteau. La fragilité de l'érudite, qui le frustrait, l’agaçait, le repoussait et le fascinait, était masquée par l'épaisse couche de vêtements. Le visage creux, presque angulaire de la jeune femme, tranchait avec la rondeur de son apparat, qu'on devinait chaud et confortable.

Lui était plus fraîchement habillé. L'habitude de la mer, lors de ses années de marin et de corsaire, cette mer froide et impitoyable, avait fait de Grayle quelqu'un de peu frisquet. En plus de son pantalon de toile épaisse, il était donc simplement vêtu de grosses bottes et d'un veste en cuir et de fourrure par dessus une chemise de lin. Il vit à son regard qu'elle avait froid rien qu'en le regardant.

Il lui offrit un sourire dont seul lui avait le secret, la contemplant de haut en bas.

- C'est la première fois que je vous vois à la lumière du jour. Silence, puis sourire. Ca vous va bien. Il faudra que je vous fasse sortir plus souvent.

Il hésita ensuite. Ils s'étaient embrassés, mais était-ce réel ? Intéressé ? Simple pitié d'une femme pour un homme dont elle devine les envies pour elle ? Est-ce que ca lui donnait l'autorisation de la toucher ? Est-ce qu'elle s'en formaliserait ? Elle qui était si secrète, apprécierait t-elle d'être vue au bras d'un autre ?

Les femmes ne se rendent jamais compte de toutes les questions que se posent les hommes.

Il lui prit doucement le bras, avant de retirer prestement sa main.

- Allez, suivez moi.

Ils marchèrent côte à côte dans les ruelles. Grayle n'avait pas l'habitude de ceci. Il fréquentait les femmes dans les chambres, les boudoirs, les couloirs isolés. Dans cette situation, il était maître en son domaine, plein d'assurance et de charme. Là, dehors, aux yeux de tous, le jeune homme habitué aux secrets était encore hésitant, tâtant le terrain. Ils passèrent sous le corps de garde, et saluèrent le milicien de garde. Il inspecta leurs bras pour voir s'ils n'étaient pas bannis, et se contenta de les avertir.

- Le couvre-feu est dans une heure. Si vous ne revenez pas, c'est la nuit dehors !

Ils sortirent donc. En s'éloignant des murs, on arrivait près des plages. Pas assez solides ni grandes pour qu'une force invasive y débarque, elles étaient plus ou moins laissées à l'abandon. Grayle pointa une petite île à l'horizon, avant de désigner les rochers sous marbrume.

- Il y avait des contrebandiers ici et là, avant. Je crois qu'ils ne sont plus très actifs, depuis qu'il n'y a plus personne avec qui contrebander. On ne risque rien.

Les remparts derrière eux finissaient contre les falaises toujours plus grandes et plus hautes, surplombées d'autres remparts, des maisons des quartiers riches, et de la forteresse de marbrume, phare de civilisation au dessus de la nature indomptée de la mer. Eux deux, sur la plage sableuse et fraîche, minuscules silhouettes écrasées par la majesté du dernier bastion de l'humanité, étaient seuls au monde.

Il la reprit par le bras, juste au dessus du poignet, afin qu'elle le suive, vers le bord de la plage, vers la mer, vers le soleil couchant. Il continua de faire la conversation pour eux.

- Je jouais souvent ici, quand j'étais petit. Et c'est sur ces falaises que j'ai appris l'escalade. Je vous y emmènerait bien, mais ce n'est pas la bonne saison. Quand l'été viendra, je vous emmènerait là haut. La vue est superbe.

Promesses d'un avenir lointain qui serait toujours inchangé et paisible. S'il savait !

Mais voilà que le soleil se couchait. L'astre solaire, tellement jaune qu'il en était blanc, épousa doucement la mer. Le ciel orangé se refléta brusquement dans la mer. Devant eux, la mer était devenue enflammée et ardente, aux milles et unes nuances orange.

C'était une belle vision. Celle d'une journée se terminant, imperturbable, peu importe les milles et uns événements leur tombant dessus. Demain sera un autre jour. Et le suivant. Et, même lorsque l'humanité entière sera éteinte et remplacée par des fangeux, le soleil continuera ce rituel, chaque jour.

Est-ce que les fangeux pourraient apprécier ce spectacle autant qu'eux ? Grayle en doutait.

Autre que le flux et le reflux parfaitement rythmé de l'eau s'écrasant sur la plage, apportant à leurs nez une douce odeur de sel, il n'y avait pas le moindre bruit. Silencieusement, Grayle s'approcha de Louise, derrière elle. Posant doucement son menton sur son crâne, ses deux bas enlacèrent le corps de l'érudite, les mains se rejoignant sur le ventre plat de la jeune femme.

La trinité en soit remerciée, elle ne le repoussa pas. Mais, désireux de ne pas briser l'enchantement, il resta silencieux. Laissant son affection muette parler pour lui.
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyMar 16 Avr 2019 - 18:48
Dans son manteau de lainages, l’érudite ressemblait à une des ces enfançonnes qu’ont habille avec les frusques de l’aîné par faute d’argent pour en fournir d'autres. Son corps malingre flottait dans ces couches de vêtement qui, autrefois, avait été à sa taille ; quand des rondeur couvrait encore sa carcasse qui, aujourd’hui, saillait, comme la structure d’une cathédrale une fois que le feu ait rongé tout ce qu’il y avait à bruler.
 
Le voisin, lui, n’avait presque pas de guenille sur le dos. Instinctivement, elle eut un frisson pour lui, mais ne dit rien.  Derrière elle, elle ferma à clef précautionneusement. Elle espérait qu’ils soient rentrés avant que son petit n’ouvre ses paupières d’ange.

Elle rangea ses clefs dans ses poches et se tint devant lui. Il la détaillait étrangement, presque comme s’il ne l’avait jamais vue. La jeune femme fronça les sourcils de peur de trouver une pointe de dégoût dans ses yeux sombres. Fort heureusement, il n’en était rien. Il lui souffla que ce fût la première fois qu’il la croisait sans que la nuit ne les enrobe d’un étau d’ombres. Ce qu’il voyait lui plaisait et il ne tira qu’un sourire gêné à la mère maudite. Quelque part, elle espéra que la remarque fut entière et franche parce qu’elle n’avait guère de moyen à investir pour paraître plus séduisante.
 
Était-ce un compliment de courtoisie ou une pointe de séduction masquée ? Voulait-il la gêner ou la mettre à l’aise ? Attendait-il compliment lui aussi en retour ? Devait-elle se permettre un trait d’esprit ou ce n’était pas là le rôle d’une invitée ? Pourquoi parlait-il de « plus souvent » alors qu’il n’était guère sûr de passer un moment agréable en sa compagnie ? Qu’est-ce qui motivait cette envie soudaine ? Pourquoi lui prenait-il le bras pour le lâcher l’instant d’après ? Était-ce la sensation de tenir des os qui le rebutait ? Ou était-ce qu’il ne voulait-il pas la brusquer ?
 
Les hommes n'imaginent pas la complexité de la pensée féminine au questionnement prompt et à la remise en question permanente. Tout ce qu’elle voulait, c’était profiter d’un moment et il n’imaginait guère la horde de préoccupations qui ricochaient dans les méninges fatiguées de celle qu'il accompagnait.
 
Dans les rues, ils se baladèrent ensemble, côté à côté. Les commerçants essayaient de les alpaguer mais l’érudite avait appris à ne jamais tendre l’oreille à ce genre d’incitation. Le voisin, plus curieux, s’approchait parfois. De la même manière, quand la garde les approcha pour inspecter leur bras, ce fut l’homme qui se dirigea le premier vers eux parce que la jeune lettrée fermait trop son esprit aux remous qui émanaient de la foule. Pour une femme, il était toujours délicat de se découvrir, ne serait-ce que le poignet, en pleine rue, mais l’érudite se plia à l’exercice, trouvant dans la présence de l’homme qui l’accompagnait quelque chose de rassurant.
 
On leur rappela l’heure du couvre-feu et ils purent circuler à leur bon gré. Et on les laissa reprendre leur promenade tardive. Direction : la petite plage, sur le bord du port qui couraient sur une vingtaine de mètres et où les carcasses de bateaux formaient une haie d’honneur à la fois sinistre et poétique. A cette heure, l’endroit paraissait déserté sans ces grand squelettes éventrés. Dans sa famille, les bateaux furent durant des décennies la base d’un long labeur et d’une fortune qui les avaient élevés socialement. Son éducation, elle la devait à la mer. Et, marchant aux côté de l’homme, elle regardait l’horizon avec reconnaissance. Car cette marche dans le sable avait le parfum d’une finalité, comme la fin d’un chapitre qui finissait sur une pointe de douceur. Là d’où elle venait, on construisait les navires et, ici, on les démontait pour récupérer le bois. Autrefois, elle se promenait sur les quais pour discuter affaire avec son frère, le ventre rond d’un enfant indigne et, aujourd’hui, l’homme qui l’accompagnait savait donner un peu de son temps pour partager des sourires avec la chair de sa chair. Et la lumière de l’astre qui tombait dans l’eau rehaussait les embruns et les lumières d’un peu de majesté ordinaire.
 
C’était fou ce que le monde continuait d’être beau même quand l’humanité était plus que jamais menacée.
 
L’érudite regarda l’île que l’homme lui montrait et écouta les brides qu’il lâchait sur son passé. Il jouait sur les falaises, aimait grimper sur la roche avant de s’attaquer aux toits. Ils se projetait déjà à l’emmener l’été sur le bord des falaises et cette idée bouleversa un peu l’érudite. Chaque matin, elle craignait ce que le lendemain et les jours suivant lui réservait. L’été semblait loin et elle imaginait que le voisin se serait lassé d’elle avant.
 
Bientôt, ils s’arrêtèrent ensemble pour se tourner face à se soleil qu’on voyait plonger vers la ligne de l’horizon brumeux. Dans le ciel, les teintes vermeilles, prunes et pourpre se mélangèrent et s’emmêlèrent dans les nuages fumeux qui striaient le ciel coloré. Les yeux charmés par ce sortilège quotidien, elle regarda les cieux se mouvoir en tenant fermement son manteau sur ses côtes. Le vent du soir se levait et ébranlait sa silhouette, arrachant quelques mèches de cheveux à ce chignon strict et serré. Le ressac imposait sa litanie et, inconsciemment, l’érudite avait calé sa respiration sur ce leitmotiv d’écume salée.
 
Bientôt, elle sentit les bras de l’homme se fermer sur elle, ses mains se poser sur ses hanches. Il la dépassait d’une tête alors il posa son menton sur le haut de son crâne pour admirer le spectacle exactement dans la même direction. Doucement, la jeune mère glissa ses doigts maigrelets dans les mains qui paraissaient immenses pour profiter de leur chaleur. Toutes ses extrémités à elle étaient gelées. Le bout de ses doigts, de ses pieds, de ses oreilles et de son nez. Cependant, au fond de son cœur, un étrange brasier, éteint depuis une éternité, se remettait à rougeoyer un peu.
 
Elle ferma les paupières, comme s’il avait suffi de les rouvrir pour se trouver ailleurs. A des centaines de lieux d’ici, loin de la misère et de la Frange.
 
Comme le voisin, la jeune femme ne voulut pas glisser un mot parce qu’elle n’en trouvait pas d’assez joli pour rivaliser avec la magie de l’instant. Elle attendit que les ombres grandissent, que le bois du charnier de navire s’assombrisse, pour que d’un commun accord tacite, ils se remettent en route, rebroussant chemin. Elle avait glissé la main dans la sienne pour ne pas rompre le lien de chaleur qu’ils avaient commencé à tisser sur la plage.
 
Basiquement, la jeune mère n’avait rien dit tout du long. Dans ces gestes et cette volonté de garder leurs corps un peu lié, elle transmettait bien plus que ce qu’elle aurait pu lui dire ou lui écrire en une flopée de mots hasardeux et timides.
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyMer 1 Mai 2019 - 19:57
Ses doigts n'étaient pas grands, mais, entre celles de l'homme, ils semblaient absolument minuscules. Le garçon de passe était pourtant loin d'avoir des mains viriles et puissantes. Les dix doigts de l'érudite, qui avaient trouvés refuges entre celle de l'homme, se retrouvèrent ainsi abrités du froid, doucement caressés avec cette pointe de sensualité mêlée d'affection presque fraternelle par ceux du jeune homme.

Aucun mot ne fut échangé et le couple muet resta ainsi immobile jusqu'à ce que le soleil soit presque entièrement couché dans la mer. Puis, ils rentrèrent ensemble, main dans la main.

Le milicien de garde les regarda avec douceur, leur lançant un sourire affable et protecteur, avant de leur souhaiter un sympathique " Bonne nuit ", pour fermer la porte derrière eux.

Les rues étaient vides et les commerces commençaient à fermer. S'ils n'étaient pas seuls, c'était tout comme. Autour du couple s'était érigée, invisible, une barrière de silence et de sécurité, un cocon de chaleur et d'affection encore fragile mais réel.

Le coeur léger, en avait presque oublié son honteux secret. Lorsqu'il revint en mémoire, son coeur s'alourdit un instant, avant que les soucis ne s'évanouissent dans la simplicité d'un petit moment de bonheur.

Parfois il interceptait son regard, alors, il le lui rendait, sans défaillir. Il ouvrit la porte de leur immeuble, et la referma derrière eux. Ils montèrent les escaliers, doucement, comme s'ils avaient peur de reveiller le reste des voisins.

Grayle ne lâcha pas la main de Louise, quand bien même celà ne facilitait pas leur montée.

Et puis, vint l'instant fatidique, celui de la séparation... car ils n'étaient que voisin. Elle était mère, et veuve. Il jeta un oeil à la porte réparée de l'érudite. Sa place n'était pas encore derrière cette porte. Face à face, comme deux idiots, un petit silence se fit, et naturemment, ce fut Grayle qui le brisa.

- Louise... merci d'avoir accepté de sortir. Ca m'a fait du bien.

Il s'approcha d'elle, doucement, ayant encore peur de la brusquer. Il lui prit doucement les mains, et elle se laissa faire. Plus détendue, plus apaisée, les joues un peu rosies -à cause du froid, de la honte, du désir-, elle était encore plus adorable aux yeux du jeune homme, qui ressentait une envie instinctive de la protéger contre le reste du monde.

- Il faudra refaire ça...

Les mains de Louise était toujours froides. Il approcha la gauche de son visage, et lui fit un baisemain poli, ses lèvres humides caressant doucement deux phalanges. Le baiser était appuyé, suivi du souffle ardent sorti de ses lèvres.

Doucement, ses mains glissèrent contre les hanches de la femme, avant de se rejoindre dans le creux de son dos. L'une remonta contre son épaule, et il l'attira vers lui.

Sans sommation, il l'embrassa, la serrant contre lui avec ardeur, sans cacher le désir qu'il avait pour elle. Le baiser fut poli, exactement le même que celui qu'elle lui avait accordé, la première fois, avant de devenir plus langoureux et surtout, beaucoup, beaucoup, beaucoup plus long, alors que lèvres et langues faisaient plus ample connaissance.

Tous deux dans le petit couloir, brûlant comme deux étoiles, ils partagèrent leur premier vrai baiser.


Dernière édition par Grayle le Ven 21 Juin 2019 - 23:33, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptyVen 10 Mai 2019 - 18:13
Plein d’appréhension, l’érudite se confronta sur le chemin du retour à la désagréable appréhension de la fin. Les jours, les nuits, les âges, les royaume et les règnes en avaient une, alors ce moment devait périr aussi. Il laisserait la marque diffuse d’un souvenir tendre. Celui du vent qui piquait son manteau et venait couler sa froidure entre les côté. Celui de l’air salé. Et de cette grande main chaude qui enveloppait complètement ses petits doigts malingres. L’un contre l’autre, les pieds les ramenaient d’instinct à ma maison alors que leurs têtes étaient ailleurs.

Seule la fraicheur contenue dans les ombre qui progressait venaient tâter la carcasse sèche de la jeune mère pour lui faire presser le pas. Ces piqûres de lance d’une armée invisible lui rappelaient sa longue fuite vers la ville des damnés et elle songea qu’il aurait été agréable d’avoir quelqu’un comme le voisin pour la protéger dans ces moment-là. Et, bientôt, elle se trouva à l’étage de leur petite bâtisse, face à face sur ce palier. Là où ils s’étaient tant de fois tenus : entre deux petits univers, les leurs, dans cet espace de sentence où tombait le couperait des aveux et des promesses. Le palier ressemblait à ce qui est peint sur les linteaux du Temple, parce qu’on croit que les âmes sont pesées pour accéder à une peine plus ou moins clémente. Et, si le jugement devait tomber, il viendrait de l’homme ; car l’érudite se sentait encore trop morcelée pour se constituer en jury impartial et juste.

La tendresse du jugement de l’homme écorcha la partie d’elle qui se cachait toujours sous un masque de dignité fragile et froid. Elle avait l’impression de ne pas avoir le droit à ces bras autours de sa taille, à la douceur de ce baisemain respectueux qui ne pouvait pas constituer convenables adieux.

Le pourpre brûla les joues creuse de l’érudite bien avant que les mains chaudes de l’homme ne viennent encadrer ses pommettes. Elles ne s’arrêtèrent pas en si bon chemin et se prirent à parcourir les contours anguleux pour revenir se poser sur les hanches saillantes, remontant le long d’une colonne vertébrale où chaque vertèbre dépassait par absence de chair ; et puis, sur son épaule qui n’était plus qu’une articulation sèche, emboitée comme celle d’une poupée, il exerça une pression qui la précipita avec tendresse contre lui. Il y eut un premier baiser. Un doux. Respectueux. Semblable à celui qui venait d’elle. Fait de la même intensité que celui qu’elle avait hasardeusement débrouillé après quelques verres de vin. Et puis, tout ceci pris plus d’ampleur. Les lèvres s’entrouvrirent pour partager le souffle. Du mélange, aussi tâtonnant qu’impulsif, il en résultait un saut prodigieux et vertigineux. Comme s’ils avaient voulu tremper les pieds dans l’écume d’un petit lac et qu’ils se retrouvaient au fond de l’océan.

L’érudite ferma les yeux pour qu’il n’y ait plus qu’eux. Tout ce qu’il y avait autours s’évanouissait au fur et à mesure de toute façon. Pendant un battement de cils, un sentiment de force retourna sa ventraille. Une invincibilité qui garda ses mains sur celles de l’homme pour que, avec une infinie douceur, elle les repousse tendrement lorsque l’étreinte tirait vers la fin.

Le baiser passé, l’érudite retrouva un bout de sa raison. La vulnérabilité venait de pair. Au fond, elle ignorait les intentions de cet adorable voisin au moins autant qu’elle n’aurait su maîtriser le chamboulement étrange qui était le sien. Elle eut envie de lui hurler de fuir. Que ce n’était pas quelque chose de bien et de sain ce qu’il y avait entre eux. Qu’il y avait l’enfant et qu’il n’y aurait rien de plus important que cela dans sa courte vie. Elle voulut lui avouer tout ce qu’il y avait de monstrueux chez elle. Mais elle n’en fit rien. Le gosier emmêlé dans un nœud gordien, elle s’appliqua à sourire.

Oui, il faudra refaire ça, souffla-t-elle.

Et, d’un commun accord, ils rentrèrent chez eux avec un peu moins de solitude dans l’âme.

Pour cet instant qu’ils venaient de partager, l’érudite ne savait pas encore combien elle allait se trouver sale. Combien elle allait se détester et se penser plus sotte que la dernière des gueuses. Car il le mensonge latent qui planait entre eux deux ne pouvait pas rester secret indéfiniment.




La nuit fut courte et le lendemain était un belle journée pour se faire écrivain public. La date s’y prêtait en particulier parce qu’elle rappelait le souvenir d’une vague d’arrivées de migrants. Dans le ventre de Marbrume avait afflué nombre de refugiés avec l’expansion du Fléau. Pour l’occasion les réfugiés se faisaient nostalgiques : ceux qui gardaient l’espoir de revoir les gens de l’autre côté des remparts venaient donner des nouvelles à leurs morts. Parmi ceux-là, l’érudite connaissait des habitués. Des gens qui comptaient sur la douceur et la délicatesse de son ouvrage pour coucher sur du papier de mauvaise qualité tout ce qu’un vivant pouvait vouloir transmettre aux morts. La jeune femme se pliait à toutes les dictées avant discrétion et son empathie habituelle. Parce que, si elle n’avait pas vu les ravages de la Fange, peut-être qu’elle aurait eu envie, elle aussi, de chercher désespérément à prendre contact avec ceux qui appartenait à un monde grignoté par l’inconnu. Chacun avait sa manière de renouer avec l’au-delà. Parler pour ne pas oublier. Prier pour protéger. Tenter d’écrire pour obtenir des nouvelles. Pourtant, dans le domaine, la scribe était encore tombé une fieffée originalité. Un spécimen sacrément mal luné.

C’était une brave femme qui s’approchait du demi-siècle. Un coquette morceau d’extravagance qui avait réussi à se trouver une place dans la société marbrumienne, aidée par une famille nombreuse et de nombreux cousins avec qui elle avait pu se serrer le coudes. Elle n’était pas particulièrement bien en chair, mais elle semblait manger à sa fin. A côté de l’écrivain publique, tout était une affaire de proportion et elle paraissait surdimensionnée. Pendant qu’elle dictait la longue lettre, sous un pan de toile cirée sur la place du marché, la dame prenait des envolées lyriques et tous les yeux qui se posaient sur elle étaient pleins de gêne.

Si l’érudite redoutait ce travail en particulier, c’était parce que tout ce qui sortait de la bouche de cette cliente délurée avait une connotation déplacée : les mots dictés alternaient sensualité maladroite et grivoiserie peu élégante. Tout cela débordait d’un érotisme de font de tiroir pour un amant abandonné du côté des morts. Quelque chose d’une cavalerie bouseuse.

Les jours de la lettrée s’empourpraient de minutes en minutes et elle aurait tout donné pour que la voix de l’extravagante ne portât pas autant. A mesure que le parchemin se noircissait, la jeune femme ne pouvait pas cacher son envie que cela se finisse, complètement détachée du discours. Ce n’était que les mots d’une autre et elle se sentait sale que ce soit sa main qui soit réquisitionné pour accomplit ce dessein.

Quand le morceau de palabres raturées toucha à sa fin, la cliente tendit les doigts pour s’assurer du travail même si son illettrisme ne lui permettait pas une vérification bien poussée sur le choix des mots. L’érudite évita soigneusement les yeux de la cliente, honteuse de sa production. Pour détendre l’atmosphère, la brave dame se sentit obligée de se permettre une pique, amusée par la timidité de son obligée :

Ne faites pas cette tête, ma jolie. Les temps sont durs mais vous devriez vous y remettre.
Par… Pardon ? Se remettre à quoi ?
Aux choses de l’amour, voyons !

La jeune femme pâlit davantage. Alors son aînée se pencha dans sa direction pour susurrer.

Si vous avez des craintes, demandez un professionnel.
Un quoi ? s’offusqua finalement la jeune mère.
Un professionnel enfin ! Un homme pour vous rassasier, vous savez. Quelqu’un qui n’aura que faire de …

Puis elle dévisagea de façon très désobligeante le morceau de femme vouté sur sa plume. Ses yeux soulignèrent toute la maigreur maladive avec une pointe de condescendance.

… ça.

La scribe déglutit, baissa les yeux et cacheta la lettre bien vite, en prenant soin d’économiser la cire. Si fait, elle n’avait jamais compris l’attraction inéluctable qui pousse les âmes à mettre la main à la bourse, perdre leur or tout en prenant le risque d’avoir à donner la vie ; tout cela, pour rassasier une envie du corps. Un instinct d’une bassesse dont l’érudite savait trop bien se détacher. Elle avait perdu le désire de frotter son ventre contre un autre, tard dans la nuit, depuis que quelque chose de monstrueux avait grandi dans entre sa tripaille. Rien de ce qu’elle avait eu à écrire, rien de cette tendresse bestial, d’animal primaire, ne venait faire tressaillir un peu de faim. Rien ne venait l’émoustiller de la façon escomptée.

Elle avait toujours été plus prompte à jouer de l’esprit qu’à jouer du corps. Mais la précision que la cliente lui donna juste après lui décrocha la mâchoire dans une grimace affreuse :

Demandez Grayle, conseilla l’originale.
Grayle ?
Grayle au Boudoir, oui.

Pantoise, la maigrelette regarda l’autre se lever et s’éloigner. Elle n’ajouta rien mais le nom, peu commun qu’on venait de lui donner ouvrit un gouffre de possibilités monstrueuses. Une porte des enfer par laquelle passeraient maintenant tous les doutes.

Grayle, c’était le voisin. Et le voisin était pêcheur. Alors, non, ça ne pouvait pas s’agir de lui. Pourquoi donc en même temps ?

Cependant, l’érudite n’était pas une sotte et, l’information avalée, elle trouvait quelques éléments pour fissurer la façade que l’homme voulait se donner. Qu’il soit une professionnel des plaisirs aurait expliqué un grand nombre de petits détails que la jeune femme avait trouvé étrange de prime abord sans jamais pensé qu’il y ait des femmes assez sottes pour s’adonner à ce genre de bassesse.

D’abord, il y avait le petit miroir qu’elle avait trouvé chez lui, la nuit où il lui avait offert du vin. Un objet de femme, elle l’avait souligné. Maintenant, la provenance semblait plus évidente. Et puis, il y avait ses odeur d’encens et de parfum qu’elle trouvait continuellement dans le pli de ses habits lorsqu’ils se tenaient dans les bras l’un de l’autre. Tout venait en mémoire, affluait et creusait ses soupçons de doutes.

Pendant le reste de l’après-midi, elle fit en sorte de lui trouver des excuses. Celles qu’on lui avait déjà servie. Mais, comme la crasse, il y a des soupçons tenaces et, à la fin de la journée, l’érudite voulut en avoir le cœur net : en rentrant, ses pieds la guidèrent à un endroit où ils ne l’auraient jamais porté avant.

Elle entra dans le Boudoir sans savoir ce qu’elle cherchait. Et elle tomba vite dessus.

Le voisin était là, dans un costume qui ne lui ressemblait pas. Des matières légères et luxueuse pour habiller une musculature qu’elle avait déjà vue exhiber sans gênes. Autours, les créatures étaient toutes plus en chair, rondes et sensuelles. Des divinités dans un endroit tamisé, chaud et parfumé.

Les yeux tombèrent sur l’homme dans cet endroit. Et les larmes lui montèrent aux yeux tout d’un coup. Il la vit aussi. Alors elle voulut disparaitre.

Sans même y avoir pensé, la jeune mère avait bondit dehors pour fuir cet endroit et cette révélation. D’un coup et d’un seul, elle trouvait une raison toute désignée à toute l’attention que l’homme lui donnait sans qu’elle ne l’ait vraiment mérité. Et d’un coup, elle se sentit honteuse que les instants partagés ensemble, qu’elle pensait emprunts d’une humanité en perdition, n’aient existé que pour un intérêt financier.

Elle se détesta d’avoir penser qu’il y eut des restes de beauté dans une monde détestablement en déclin. Et pire encore : elle se haït pour avoir pensé possible qu’une once de douceur puisse la toucher elle dans sa condition d’une grande précarité.

Elle fuit, ne sachant pas encore que faire avec cette révélation détestable.

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GrayleGarçon de passe
Grayle



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MessageSujet: Re: Renaître de ses cendres [Grayle]   Renaître de ses cendres [Grayle] - Page 2 EmptySam 22 Juin 2019 - 0:57
Le Grayle avait gardé le sourire aux lèvres pendant toute la nuit. Il avait trouvé quelqu'un. Ce quelqu'un, cette femme, Louise, Louise d'Ochaison. Une âme qui remuait la sienne. Enfin, une femme contre laquelle il n'éprouvait pas qu'un désir physique, mais un désir tout simple. Celui de sentir son odeur, de la voir respirer, de la voir sourire, de la voir heureuse, de la voir l'aimer, lui. Elle ne faisait pas semblant comme ses clientes, elle n'était pas... trompée par les ravages d'un orgasme quelconque obscurcissant son jugement. Non, elle s'était rapprochée de lui et l'avait embrassé car elle l'aimait non pas car elle l'avait payé, mais parce qu'elle appréciait son âme.

Ca ne lui était jamais arrivé. Il se reveilla en souriant, s'habilla en souriant, traversa la rue en souriant, et entra tel un fier conquérant dans le bordel, avant qu'on l'envoie se laver -le bordel avait des bains plus propres que chez lui- et s'habiller. La matinée se déroulait normalement, paisiblement. Il n'y avait pas énormément de clients, pas encore, aussi s'occupa t-il du ménage, sifflotant d'un air guilleret, réfléchissant à sa prochaine sortie avec Louise. Qu'il était pressé de la voir !

Mais il aurait bien aimé ne pas la voir aussi tôt. Leurs regards se croisèrent, et il... ne fit rien. Pas d'expression étonnée, pas de bouche grande ouverte, pas de "attend !". Il la regarda, passivement, neutre, son esprit complètement gelé, n'arrivant pas à réaliser ce qui se passait.

Quand elle s'échappa sans rien dire, il resta ainsi, immobile, un moment, alors que tous les regards des prostituées présentes et de la matrone convergeaient lentement vers lui. L'une secouait la tête lentement de gauche à droite, alors que l'autre soupirait un "l'idiot", comprenant instantanément ce qui s'était passé. Un petit coup de pied au derrière de la part d'une d'entre elle.

- Va la chercher.

Il démarra en trombe, filant comme un carreau d'arbalète. Il était tellement rouge, tellement paniqué, tellement honteux, tellement chaud, que la fraîcheur extérieure ne l'affecta même pas.

Heureusement, pour toutes ses qualités, Louise n'était pas une athlète et Grayle la rattrapa avec une facilité presque désolante, attendant d'être dans une ruelle presque vide pour l'intercepter.

- Louise !

Il posa sa main sur son épaule.

- Louise, Louise, Louise Louise !

Elle essaya de le dégager, mais, aussi fluide et vif que le vent marin, se retrouva devant elle, posant ses mains sur ses épaules, avant de se mettre à genoux devant elle. La panique sur son visage était claire. Il ne savait pas du tout gérer ca.

- Je peux tout expliquer !

Et, abandonnant le mensonge, décida de tout balancer. Il n'aimait pas les scènes, ni les disputes. Il décida d'aller droit au but. Pas comme ces amoureux transis qui échangeaient des dizaines et des dizaines de paroles sans fin pour s'expliquer encore et encore, dans un langage feutré, des évidences. En mer, on n'avait pas le temps pour ca. Et pour Grayle, en amour non plus. Aussi l'érudite allait devoir faire avec sa franchise. Et sa naïveté. Il n'avait jamais vraiment su faire une déclaration. Alors, tenter de recoller les morceaux d'une relation n'ayant pas vraiment commencée...

- C'est exactement ce que tu crois ! Je bosse dans un bordel ! Il ralentit un peu le flot de ses pensées, ayant lâché tout ca d'un coup. Je n'osais pas te le dire car j'avais... peur que tu fasse exactement ca. Mais ca ne change rien sur ce que je ressens !
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