[Terminé] Juste encore une bière (ft. Estelle De Chantauvent)

Une fois dans sa chambre, qu’elle verrouilla instinctivement, Estelle avait fini par se dévêtir, passer un peu d’eau sur son visage, son corps pour se rafraîchir un peu, elle avait ensuite enfilé sa tenue de nuit pour se glisser dans sa couche désormais vide de toute personne. Ce moment était devenu celui qu’elle haïssait le plus dans sa journée, l’instant où la solitude lui pesait davantage, là où la réalité finissait par la rattraper. Il était mort, il ne reviendrait, plus jamais. L’endroit était pourtant imprégné de souvenir, de son odeur et lorsque la rousse fermait les yeux, était-elle convaincue d’entendre sa voix. Ce soir-là Estelle tourna longuement dans ses draps, changeant un nombre incalculable de position, ce ne fut que sur le petit matin que le sommeil avait fini par l’emporter. Quelque heure après, la gérante avait ouvert les yeux avec cette même sensation, cette même solitude. Estelle n’avait pas traîné, fuyant cette chambre qu’elle n’appréciait plus. Rapidement, elle avait enfilé une jupe longue, des collants sombres, un corset et une chemise par-dessus. Sa chevelure n’avait été qu’à peine brossée et aucune crème ou quelconque forme de maquillage ne fut appliquée sur son visage.

Sa porte avait été rapidement ouverture, puis le bruit de ses pas sur le plancher de l’étage avait dû indiquer sa présence. La tenancière avait rapidement descendu ses marches, non pas sans démontrer une certaine grimace à la vue du sang sur son palier. Le responsable était tout trouvé et sa fatigue de la vieille expliquait qu’elle ne l’avait pas vu avant. Attrapant un torchon elle tenta vainement de faire disparaître la trace avant de se résoudre à descendre simplement marche par marche jusqu’en bas. Sans réellement prendre conscience de ses gestes, la jeune femme avait été dans la cuisine de l’établissement, mettre de l’eau à chauffer sur le feu, de quoi faire quelques infusions. Sortant deux tasses, une pour elle et pour son client –dont elle ignorait encore l’état-, déposant quelques plantes à l’intérieur. Sortant un plateau pour y mettre un peu de pain, de confiture et la fameuse infusion. Déversant le liquide désormais chaud dans les tasses, elle avait fini par abandonner les tasses. Prenant une légère inspiration, elle prit le temps d’avaler une gorgée de son propre mélange avant d’attraper le plateau pour le remonter jusqu’à la chambre.

Toujours dans ce non-dynamisme provoqué par le réveil, elle s’était retrouvée devant la porte, attendant qu’on lui autorise l’entrée pour le faire. Une fois à l’intérieur, elle fut surprise de le voir torse nu du jeune homme. Écarquillant les yeux, elle avait détourné le regard, déposant rapidement le petit plateau sur le bureau de la pièce.

- « Comment vous sentez-vous ce matin ? » débute-t-elle « Il doit y avoir un guérisseur pas loin si cela vous intéresse. Je suis tavernière, pas soigneuse moi… J’ai fait du mieux que je pouvais. »

Elle prend une légère inspiration, avant de l’aviser une nouvelle fois. Le lieu est encore calme, chose plutôt agréable pour les oreilles de la jeune femme.

- « Vous avez passé une bonne nuit j’espère ? »

Tu fouillas méticuleusement chaque meuble de la chambre, cherchant dans tous les tiroirs, armoire, et d’autres trucs qui finissent en « oir ». Mais rapidement tu entendis du bruit dehors. La rousse commençait à s’agiter. Ton regard se posa sur les vêtements qu’elle t’avait déposé. Des vêtements d’homme, pas simple déduction tu savais qu’elle n’appartenait pas à la tavernière, mais pourtant, ils étaient propres. Ils avaient donc une certaine importance à ses yeux. Peut-être une valeur sentimentale. Une bonne raison de ne pas les mettre. Tu n’es pas un voleur.

Au bout d’un moment, tu entendis l’aubergiste arriver devant la porte et s’arrêter. Sans réfléchir, et d’instinct, tu lui dis « Entrer. » » Et c’est ce qu’elle fit, pour te fixer avec de grands yeux avant de partir vers le bureau de la pièce pour déposer un plateau contenant de la nourriture et du thé, que tu pouvais reconnaitre rien qu’à l’odeur. Elle posa alors une question, et toi reprenant tes habitudes, tu lui dis directement. « Oui. » Terne, vide, sans émotion … comme d’habitude. À la fin, on s’habituait rapidement à ta manière de répondre, il fallait espérer que la tavernière pouvait s’habituer à cela.

Tu réfléchis deux secondes à pourquoi elle t’avait fixé avec de grands yeux avant comprendre que tu étais encore torse nu. Mais elle a nettoyé tes blessures hier … elle ne t’avait déjà pas vu torse nue ? Tu ne réfléchis pas plus à cette question, prenant ta chemise au sol, qui avait aussi besoin d’être réparée, avant de la mettre.

La tavernière continua s’excusant de ne pas t’avoir soigné correctement. Tu lui répondis au tac au tac. « Merci. » Pas plus, pas moins. Elle te demanda si tu avais passé une bonne nuit… La nuit n’avait pas été bonne, mais tu as pu dormir. . « Pas vraiment, si j’avais bu plus, je n’aurais même pas commencé à cauchemarder. » Tu la regardas un moment, ne respirant même plus. Un calme bien étrange s’installa, mais avant qu’elle parte, tu l’interceptas en l’attrapant à l’épaule et tu lui tendis de ton autre main les vêtements qui semblaient tenir à ses yeux.

- « Reprenez-les. Ils sont propres, laver, nettoyer et ce sont des vêtements pour hommes. Je ne sais pas à qui ils étaient, mais ce n’est pas à moi de les mettre, je les salirais juste. » Et pas qu’un peu, tu allais mettre du sang dessus et certainement pas les ramener dans le même état qu’au départ. Ils risquent d’être déchirés, coupés, salis. Tu ne préféras pas les lui rendre dans un aussi mauvais état.

Tu te retournas pour aller manger avant de simplement lâcher. « Je pense pas avoir assez sur moi pour payer tout ce que vous avez fait, mais je vous payerais en temps voulu ou je travaillerais pour vous pour me faire rembourser… Vous auriez du matériel de couture ? Je payerais aussi pour cela. » Elle devait mieux savoir que toi si il y avait du matériel de couture ici ou non.

Nuit de sommeil ou non, son client ne semblait pas changer. Ses réponses étaient toujours aussi courtes, presque froides. Si la situation ne plaisait pas vraiment à la rouquine, elle ne lui déplaisait pas non plus. Ce n’était simplement pas évident pour elle grande bavarde de jongler avec un interlocuteur aussi peu expressif. Il avait visiblement mal dormi, du moins, c’est ce qu’elle crut comprendre entre les lignes. Là aussi c’était une première, généralement les clients ne se plaignaient pas des nuits passées ici, les chambres étaient décorées avec goût, les couches de bonne qualité et le calme omniprésent lorsque chacun se couche, alors pourquoi ? Ses sourcils s’étaient froncés légèrement, alors qu’il évoquait le fait qu’il aurait dû boire davantage, cette fois, Estelle ne put retenir un soupir et même si elle avait essayé d’être discrète il était bien là. Ne souhaitant pas juger, la tavernière n’essayait pas d’y réfléchir, après tout, chacun était libre d’agir comme il l’entendait, mais si elle ne l’avait pas soigné cette nuit-là, il serait mort, en avait-il conscience ?

- « Vous devriez vraiment trouver une autre solution… Des guérisseurs il y en a beaucoup, des herboristes aussi, si vous n’avez pas beaucoup de moyens, certains sont plutôt compréhensifs. »

Elle avait passé une main sur son avant-bras, retirant convenablement les manches de sa chemise, c’était très certainement un petit geste nerveux, qui indiquait que malgré l’assurance qu’elle affichait, elle n’était pas très à l’aise avec la situation. N’osa-t-elle pas lui signifier ce qui était parfaitement compréhensible, n’aborda pas le soin, ni même sa façon de s’endormir et sa possible mort –et transformation en fangeux- si elle n’était pas intervenue. Récupérant les affaires qu’il semble lui rendre, Estelle affiche cette légère moue, ce petit visage d’incompréhension. Il semble vraiment hors champ de sa compréhension.

- « Ce sont les vêtements de mon mari » répondit-elle, incapable de parler au passé « Il n’en a plus besoin, vous pouviez les garder, ça vous éviterez de sortir ainsi… » elle à un petit geste du menton, afin de démontrer son torse nu.

Il s’éloigne finalement, prend la direction de la petite table pour commencer à prendre son repas du matin. Il a l’air plutôt en forme malgré ses blessures et ses mouvements restent fluides, signe qu’il devait avoir l’habitude de se déplacer avec des plaies sur le corps. Instinctivement, la gérante rabat les vêtements qu’elle a en main contre elle. L’inconnu qui ne s’est toujours pas identifié finit par évoquer qu’il n’aura pas les moyens de payer la prestation dans sa globalité, Estelle se contente de rouler un peu des épaules. Il n’était pas question qu’il règle les soins, n’était-elle pas soigneuse, mais gérante d’une auberge/taverne.

- « Il ne faut régler que la chambre et vos consommations. » Répond-elle simplement « Si vous souhaitez venir travailler, cela ne me gêne pas. Je fais souvent des soirées à thème et j’ai toujours besoin d’un peu de renfort. » Elle réfléchit pour l’aiguille et le fil, par le passé elle en avait, mais depuis que son feu mari était mort, elle n’avait plus retouché quoi que ce soit de ce type « Je dois avoir ça, je vais regarder… Vous êtes certains pour les vêtements, vous ne pouvez pas sortir ainsi ensanglanté… La milice de l’intérieur risque de vous tomber dessus. »

C’était une évidence. Un homme marchant dans les rues de la ville avec des traces de sang aussi importantes cela attirait l’attention et si ce n’était pas la milice qui lui tombait dessus, cela serait sans aucun doute quelques brigands ou individus louches. Elle le laissa méditer sur la question, délaissant les affaires vers l’entrée de la chambre, qu’elle avait quitté à petits pas pour retourner dans propre chambre. Une fois à l’intérieur, elle avait ouvert les tiroirs, son armoire, s’était glissée sous le lit jusqu’à trouver enfin sa petite boîte de couture particulièrement poussiéreuse : un an qu’elle n’avait pas joué de l’aiguille, un an que ce petit coffret en bois avait disparu de son champ de vision. Quelques pas plus loin, elle fût de nouveau dans la chambre louée par son client, elle avait évidemment toqué avant d’entrer et avait attendu qu’on l’autorise à le faire pour s’infiltrer à l’intérieur.

- « Voilà, vous devriez trouver votre bonheur là-dedans » elle tendit le petit coffret en bois « Aiguille, fils et autres, ça devrait suffire. » Elle étire un sourire « Je ne vous propose pas mon aide, je ne suis pas très douée en couture. Si vous avez encore besoin de moi, je suis en bas. »

Elle avait attendu sa réponse avant de descendre, de retourner à son occupation, fallait-il déjà s’activer un peu pour que tout soit prêt pour l’ouverture en milieu de matinée.

Elle soupira, c’était la première fois que tu pouvais l’entendre soupire. Tu ne savais pas pourquoi, mais tu avais un don pour faire soupirer les gens. Peu importe qui, peu importe quand. Ils soupiraient toujours face à toi. Elle reparla des guérisseurs et des herboristes à nouveau. Tu n’allais pas te mettre à la contre dire à nouveau, si elle en parlait à nouveau, c’était que ça avait de l’importance à ses yeux… Est-ce que c’était important à ses yeux que tu ailles bien ? Peut-être, c’était peut-être grâce à cette gentillesse qu’elle arrivait à attirer des clients réguliers et aussi amicaux qui la protégeaient en cas de problème. Tu lui répondis quelque chose pour qu’elle arrête de s’inquiéter un peu. Elle avait mieux à faire que s’occuper de toi.« J’y penserais quand je serais chez le guérisseur. »

Tu essayas de lui rendre ses vêtements, mais elle fut un peu contre. Elle avait peur que tu sortes torse nu ? C’était légèrement bête comme justification, on aurait plus dit qu’elle voulait se débarrasser des vêtements. Tu lui donnas les vêtements en insistant quelque peu. « On garde avec soi ce qu’on a peur d’oublier, je ne sais pas si c’est vrai, mais c’est ce qu’une femme vivant loin d’ici m’a dit une fois et elle avait toujours raison. »

Sans un mot de plus, tu partis vers ton lit prenant ton plateau sur les jambes t’apprêtant à manger. Mais avant de partir de quoi recoudre elle fit deux trois réflexions. D’abord, tu ne devais payer que pour la chambre et les consommations.« Bien. » Que si tu voulais vraiment, tu pouvais venir travailler chez elle pour des soirées à thème. « Entendu. » Et enfin elle te demanda si tu étais certain pour les vêtements.« Oui, je les laverais à la caserne une fois que je serais passé chez le guérisseur. »

Mener une discussion avec toi, certaine personne y arrivait, d’autres non. L’aubergiste semblait y arriver petit à petit. Elle partit chercher de quoi coudre et sur ce petit moment sans elle, tu commenças à manger. Et de manière très étrange. Tu trempas la brioche directement dans la confiture, retirant le pain avec une assez grande quantité de gelée dessus que tu avalas en moins en deux bouchers. Et alors que tu mangeais le pain de manière rapide et féroce, tu pris bien plus de temps avec le thé. Que tu semblais bien apprécié. Oui, tu étais un homme résistant à la bière, mais avec une faiblesse pour le thé. La fameuse femme dans la forêt dont tu as parlé plutôt t’avait fait goûter aux meilleurs thés que tu as bu boire de ta vie. Celle de l’aubergiste n’était pas aussi bonne mais … Mais elle avait un goût appréciable.

Après un léger moment, elle revint toquer à la porte. Et tu dis sur un ton légèrement plus doux. « Entrer » Oui, le thé avait l’étrange capacité d’un peu t’attendrir. Ton visage restait dur, et tes émotions insondables, mais on pouvait sentir que tu étais plus doux dans ta voix. La rousse rentra pour déposer un petit coffret en bois avec tout ce qu’il te fallait à l’intérieur. Elle te sourit à nouveau avant de partir, expliquant qu’elle serait en bas en cas de besoin. « Je n’hésiterais pas. »

Tu te retrouvas seul dans ta chambre. Et tu te laissas un léger moment de pur calme avant de déposer le plateau sur le bureau. Et de prendre la boîte poussiéreuse. Tu l’ouvris sans prendre le temps de la frotter et tu commenças rapidement ton boulot. Tu pris une bobine de fil partageant les mêmes couleurs que ta chemise et que ta tenue. Tu glissas agilement le fil dans le chas de l’aiguille avant de recoudre avant une dextérité exemplaire.

Quelque temps après, tu redescendis, plateau en main, avec poser dessus de l’argent, peut-être pas assez pour payer, la boîte de couture toujours un peu poussiéreuse et la tasse de thé vide. « Voilà, je pense qu’il y a tout … attendez. »Tu sortis de ta poche la clé de la chambre que la rousse t’avait donnée hier soir avant que cette histoire de banni commence. Tu déposas la clé sur le plateau avant de te retourner. « Merci pour la générosité. » Et sans un autre mot, tu marchas vers la sortie pour trouver un guérisseur.