[LIBRE] Inauguration de « la Rose Blanche » (Fev. 1166)

Les plats arrivèrent à point nommé sur la tablée chaleureuse de ma petite troupe et après avoir chaudement remercié le tenancier de quelques mots plein de gratitude autant que de sympathie nos estomacs purent finalement cesser d'ergoter et se remplir du bouillon fumant aux effluves marines. La chaire était simple mais savoureuse et nul ne pipa mot tandis que nous rompions du pain afin de saucer les assiettes creuses. Plongeant ma cuillère dans le liquide encore brulant de sa cuisson. Récoltant une pomme de terre, je la portais à mes lippes délicatement et en appréciais le gout terreux mais sain dans un sourire. Un coup d'oeil à la ronde m'indiquait rapidement que la majorité des services tournaient autour de ressources de la pèche autant que de la terre. Mais, cela n'avait rien d'étonnant au vu des difficultés que nous avions tous à nous procurer de la viande ainsi que certains produits noble comme citadin, bourgeois comme roturier. Oh, evidemment les réserves des demeures de l'Esplanade se tarissaient peu à peu et certaines denrées se raréfiaient mais nous étions loin d'ètre les plus à plaindre. 


De toute manière la situation portuaire de Marbrume était une chance car sans les bans de poissons de la baie atterissant sur la criée la famine aurait déjà anéantie une bonne partie de ses habitants. Aussi, je ne fis guère de manière devant les morceaux de poissons dans ma cuillière et les avalais avec délection. De la nourriture simple mais agréable au palais. L'aubergiste avait du talent pour rendre quelque chose de commun aussi délicieux. Bien que je me fis la réflexion qu'il ne devait pas ètre le cuisinier derrière ce bouillon. De la nourriture de soldat commenta l'un de mes officiers et vassaux et je me contentais d'acquieser. Le seigneur de Cassis Pontfroid était dans le vrai. De la nourriture de soldat en effet mais de la bonne ce qui n'allait pas toujours de soi. Je me fis la réflexion que ce petit bouge bien sympathique plairait grandement à mes Griffons. Encore faudrait-il que je les prévienne de bien se tenir en ces lieux sous peine de sanction sévère. Ce Nath avait l'air d'un bon gars et je ne lui souhaitais que la plus belle des réussites. 


L'attention de ma tablée fut retenue par les propos du barde qui salua l'assemblée de manière bien solonnelle. Francis jaugea l'homme d'un oeil appréciateur alors que celui-ci accordait son luth avant de présenter la ballade de sa sélection. Contrairement à quelques uns de mes hommes, je pus me payer le luxe de ne pas avoir à me retourner pour observer le ménestrel user de ses talents. Je ne connaissais pas cette tirade mais ser Francis si et à en juger par son expression le barde l'avait conquis tout autant que la majorité de la selle. Ne constituant nullement une exception, j'applaudissais à tout rompre le musicien. A dire vrai, la chanson m'avait tant plu tant par ses paroles que la virtuosité de son interprète que je me levais prestement et demandais à mon acolyte de me donner une pièce d'argent de ma bourse. Une fois debout, j'avisais le maitre des lieux en grande conversation avec une jeune femme aux vetements simples mais fonctionnels trahissant presque immédiatement pour qui s'était déjà rendu dans le Labret une profession de cultivatrice. 


Je ne mis guère de temps avant d'atteindre le chanteur adulé. Lui tendant la pièce dans un sourire amical, je le félicitais pour son oeuvre. "Un grand bravo sieur ménestrel. Cette prestation était de toute beauté. Vous venez de ravir nos oreilles autant que le bouillon nos panses. Si vous cherchez du travail n'hésitez pas à passer au manoir de Sombreval. Nombre d'amateurs de lyricisme se trouvent là-bas." Puis, après avoir serré la main de l'homme je retournais m'installer à ma place et reprenais l'abattage de mon plat qui de chaud était passé à tiède. Ecoutant d'une oreille distraite les débats de mes vassaux, je me lancais avec ser Francis dans une conversation animée au sujet de la lyre et du luth. Mon ami préférait le second là ou je privilégiais la première.