Marbrume


-33%
Le deal à ne pas rater :
Trottinette électrique pliable Ninebot E2 E Segway à 199€
199 € 299 €
Voir le deal

Partagez

 

 Piège et poulailler | Mathilde & Lance

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Aller à la page : 1, 2  Suivant
InvitéInvité
avatar



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyJeu 17 Jan 2019 - 11:21
17 janvier 1166 - Usson


Mélusine détestait l’hiver. C’était toujours plus difficile de trouver de la nourriture, de se cacher et elle avait toujours froid. Heureusement, maintenant elle avait Aiglemont. Aiglemont faisait du feu et le feu c’était chaud. Aiglemont arrivait à faire plein de chose, elle soignait aussi. Mais ce qu’Aiglemont ne pouvait pas faire, c’était inventer de la nourriture. Et de la nourriture, elles en avaient besoin. Alors, Mélusine partit en trouver, se rendant là où elle était sûre d’en récolter.

Le labret, ce n’était pas la première fois qu’elle y venait. Non, elle se souvenait y être déjà venue, avant. Avant que les morts envahissent les vivants et avant que les vivants envahissent les morts. Maintenant, il y avait trop de monde. Et elle n’aimait pas ça, le monde. Aiglemont n’aimait pas non plus. D’ailleurs, elle ne lui avait pas dit où elle était allée. De toute façon, Aiglemont ne lui posait jamais la question. Elle partait, elle revenait et c’était très bien comme ça.

Le plateau, ce n’était pas vraiment son domaine. Elle avait l’habitude de se cacher dans les arbres, à travers les fougères, escalader les rochers. Là, tout était plat, tout était champs ou presque. Difficile de s’y cacher ou même de s’y déplacer sans être repéré. Elle était donc forcée de prendre son temps, observer chaque recoin, repérer une cachette et la rejoindre avant de recommencer. Mais cela en valait la peine, elle le savait. Aussi, le chant ou plutôt le hurlement si singulier du coq qui agressa ses oreilles le confirma.

Un poulailler était une mine d’or et non pas seulement pour les renards du coin. Non seulement il y avait de la volaille pas trop encombrante, mais en plus des œufs. Assez naturellement, la petite se dirigea là où on son estomac la guidait. Au début, elle se montra assez prudente. Elle savait bien que seul un idiot laisserait ces poules sans surveillance aucune. Elle chercha la trace d’un chien, d’un paysan et même d’un piège. Sur ses gardes, prête à fuir aux moindres bruits et mouvements suspects, elle s’avança pas à pas, rampant au sol tel un prédateur s’approchant de sa proie. Choisissant scrupuleusement où elle posait ses mains et ses pieds, elle parvint à atteindre son objectif et escalader la clôture sans trop de difficulté.

Le problème était tout autre. Sa présence n’était pas la bienvenue et bien vite les poules se mirent à paniquer et les valeureuses à l’attaquer. Évidemment, l’agitation n’était pas sans bruit et bien vite elle risquait de se faire repérer. Sans attendre, la petite se mit à courir dans l’enclos, chassant les poules jusqu’à en piéger une. D’un geste habille, elle lui brisa la nuque avant de l’accrocher à son dos à l’aide d’une corde. Ceci fait, elle jugea avoir encore assez de temps pour vandaliser les nids et enfiler trois œufs dans une de ses petites sacoches. Mais maintenant, elle n’avait plus le temps. Elle pouvait entendre les vivants s’approcher.

Plus précipitée qu’à son arrivée, elle se laissa tomber de l’autre côté de grillage avant de mettre à courir. Elle devait fuir, vite, avant qu’on ne la voie. Sinon, elle serait chassée et tuée. L’erreur était humaine et prévisible. Les pièges qu’elle avait su éviter en allant la prirent au dépourvu au retour. Un filet, semblable à ceux qu’on utilisait pour la pêche, mais en plus gros, la souleva brutalement du sol. La panique submergea alors la petite sauvageonne qui se mit à se débattre de toutes ses forces, ne faisant que s’emmêler davantage dans le cordage.

Sa main partit rapidement à la recherche de sa dague, mais elle constata avec effroi que cette dernière jonchait sur le sol. Son bras trop court pour l’attraper, elle se maudit d’être encore si petite, trop petite. Désespérée, elle tenta de tirer sur la corde à l’aide de ses dents alors qu’elle pouvait entendre des pas se rapprocher, encore… et encore…



Revenir en haut Aller en bas
Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyVen 18 Jan 2019 - 3:22
Tôt le matin, Mathilde avait, selon sa routine habituelle, grignoté quelques noix avant de s'occuper de ses animaux. Un rapide tour au poulailler, pour récupérer les premiers oeufs -toutes les poules n'ayant pas le même horaire de ponte, il fallait y aller au moins trois fois par matin- et changer l'eau, puis traire la vache pour se délecter d'une copieuse rasade de lait, et en garder une portion plus que valable pour une vieille connaissance du village voisin.

Un coup d'oeil vers ses champs lui avait indiqué qu'il lui faudrait récolter les derniers oignons dans les prochains jours. Bien au chaud sous une couche épaisse de feuilles et de paille, les feuilles indiquaient qu'ils étaient prêts. Elle était ensuite rentrée pour ranger les oeufs dans un panier, y ajouter une gourde de lait et quelques carottes, et se débarbouiller sommairement. Elle sortit à nouveau pour aller à l'étable et enfourcher sa jument. Direction Usson. La veille, les miliciens lui avaient parlé du drame que vivait Lance, un voisin de longue date. Enfant, elle l'avait souvent rencontré au détour d'un boisé en train de piéger le même animal qu'elle traquait avec son père. C'était devenu un jeu. Alors lorsqu'elle avait entendu parlé de la naissance catastrophique de l'enfant, Mathilde s'était promis d'apporter un peu d'aide au jeune veuf.

Il ne lui avait pas fallu longtemps pour arriver à Usson et retrouver celui qui avait encore ses longs cheveux, que toute femme sensée lui enviait. Elle lui avait offert son écoute bienveillante, ses oeufs, son lait, ses carottes et son aide pour prendre soin de cette enfant à laquelle il n'avait donné aucun nom. Elle se souvenait qu'autrefois, il fuyait les cris et les larmes en s'éloignant de la maison et des corvées quotidiennes, alors subtilement, dans une conversation qui durait, parsemée de silences lourds, elle avait fait allusion à son toit qui coulait. Quelques minutes plus tard, Mathilde était à nouveau perchée sur sa jument, un minuscule bébé soigneusement emmailloté contre elle, Lance au devant.

Le trajet s'était passé sans encombre. La petite, bercée par les battements du coeur de Mathilde, le pas régulier des chevaux et la voix de son père, n'avait pas daigné broncher. Il avait été convenu que Mathilde s'occuperait de l'enfant pendant que Lance travaillerait au toit pour arranger ce trou qui avait été approximativement bouché quelques semaines plus tôt. La journée, bien que fraîche, paraissait parfaitement calme et paisible. Paisible jusqu'à ce que les cris des poules parvint aux oreilles de Mathilde, qui, inquiète, talonna légèrement les flancs de sa monture. Puis elle vit le piège s'élever, et une forme humaine s'y débattre.

S'en prendre à sa ferme, c'était s'en prendre à sa vie. Mathilde saisit son arc et y encocha une flèche. Un claquement de langue indiqua à sa monture de ralentir. Une fois le muret en pierre sèche délimitant sa propriété passé, il n'y avait plus que quelques pas à faire pour rejoindre le piège et la proie qui y était. Elle baissa les yeux. Une dague, sur le sol. Des plumes. DES PLUMES?! Son sang ne fit qu'un tour. La garce avait volé une poule. Elle allait lui briser la nuque. La transpercer de flèches. La pendre par les pouces.

- Lance! Fais quelque chose! Ma poule!

Du sang froid, Mathilde, du sang froid en tout temps. Oui papa, facile à dire quand on est mort. Et ce précieux petit paquet qui me gêne dans mes gestes. Que faire?! A ton avis Mathilde, élémentaire. Ah oui. Merci papa.

Mathilde ne cédait plus à la panique. Elle avait retrouvé son calme, ou presque, rassurée de ne pas être seule face à cette intruse.

- Qui va là?
Revenir en haut Aller en bas
Lance DamboiseÉleveur
Lance Damboise



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyVen 18 Jan 2019 - 15:21
Lance avait l’impression d’être devenu un fangeux. Il continuait d’agir, de faire ses tâches quotidiennes, mais n’avait plus le cœur à rien. C’était comme si son esprit était ailleurs, tout s’était passé trop vite, la naissance de sa fille et la disparition d’Ariane. Ariane, par tous les Dieux. Il avait beau l’avoir vue partir en cendre, il ne se faisait toujours pas à l’idée. Sa présence hantait les lieux, même la nuit il avait encore l’impression d’entendre son souffle, de sentir sa chaleur près de lui. On aurait pu penser qu’il n’arriverait jamais à l’aimer, lui qui préférait les hommes. C’est ce qu’il avait cru lui-même, mais après dix ans de complicité il avait bien compris que les choses étaient plus complexes. Il éprouvait pour elle une affection profonde et désintéressée, et la perdre si brutalement était un déchirement.

Il était tôt, mais il se sentait parfaitement réveillé. Le bébé qu’Ariane lui avait laissé avait son propre rythme, et celui de Lance s’était calqué dessus plus rapidement qu’il ne l’aurait imaginé. Cela faisait seulement quelques minutes qu’il avait ouvert les yeux, et il entendit un début de pleurs, la journée pouvait commencer. Cet enfant… Heureusement que la Trinité avait une grande importance pour lui. Sans sa foi, et la certitude que sa femme avait volontiers offert sa vie pour que ce bébé voit le jour, il aurait sans aucun doute commis l’irréparable. À quoi bon ? Elle était faible, cette gosse, et élever un enfant dans un monde pareil était de la pure folie. Pourtant il s’était refusé à précipiter son destin. Il aurait vraiment voulu pouvoir la confier à quelqu’un, mais personne n’avait voulu d’une telle responsabilité, pas même pour quelques jours.

Machinalement, il s’était donc occupé du bébé, la nourrissant et la changeant. Il ne débordait clairement pas de tendresse pour celle qui lui avait pris sa femme, mais chantonna distraitement un air pour l’apaiser avant de la remettre au lit. L’abandonnant alors dans la maison, maintenant que ses besoins étaient comblés, il partit voir ses chevaux. C’était la seule chose qui le maintenait encore à flot, ses bêtes. Avant de partir pour Marbrume, il en avait de toutes sortes, des chevaux bien sûr, mais aussi des ânes, des chiens, des poules, des lapins, une vache et un taureau, des chèvres, et même des cochons. Il ne savait pas qui était venu se servir sur ses terres, mais à son retour il n’avait retrouvé qu’une petite partie de ses chevaux, deux ânes seulement, et quelques chèvres. L’une de ses juments attendait d’ailleurs un petit, et il la couvait tout particulièrement.

Il avait fini de nettoyer les écuries et de distribuer le foin quand il entendit le pas régulier d’un cheval qui approchait. C’était Mathilde, il ne la voyait pas très souvent mais la comptait sans peine parmi ses plus vieilles amies. Leurs familles s’aidaient mutuellement depuis très longtemps, c’était d’ailleurs grâce à elle qu’il avait pu se fournir en semences et transformer une partie de ses terres en un vaste potager. De quoi pouvoir se nourrir, et fournir Marbrume en légumes divers. Elle aussi avait subit de terribles pertes, mais elle était forte, bien plus que lui. Au début, Lance n’avait pas su quoi lui dire, préférant échanger des banalités, entrecoupés de silences, que de toucher au cœur du problème. Il avait aussi grignoté toutes les carottes, depuis enfant il aimait les ronger comme ça, toutes crues, juste frottées pour enlever la terre. Mais Ariane avait fini par entrer dans la conversation, et lorsque Mathilde aborda le sujet de son toit qui fuyait, il vit enfin une petite échappatoire. L’affaire fut rapidement entendue, il s’occuperait de la fuite et elle de la petite.

Ça n’avait l’air de rien, mais chevaucher hors de ses terres, sans sentir le poids du bébé contre lui, lui fit un bien fou. Il avait vraiment besoin de sortir de sa routine, et se montrait déjà plus ouvert et libéré. Tout se passa bien jusqu’à ce qu’ils arrivent près de la ferme, où l’on entendait un boucan inhabituel. Sans trop comprendre, Lance se laissa dépasser par Mathilde, qu’il suivit alors. Il chercha d’abord à voir l’origine de ce raffut, jusqu’à ce que la jeune femme sorte son arc, l’air très remontée.

« Oulà, attends un peu ! »

Accélérant pour la rattraper, Lance se retrouva vite devant un spectacle déroutant. Un fangeux se débattant dans un filet, pendu à un arbre. Non, attendez…

« C’est… un enfant ? »

Le doute perçait dans sa voix, il avait dû réfléchir logiquement pour en arriver à cette conclusion. Les fangeux ne s’attaquaient pas aux animaux, et n’utilisaient pas d’armes, mais pour le reste… La petite personne prise au piège était crasseuse et mince, et dotée de longs cheveux noirs et sales. On aurait dit un animal, et il émanait d’elle une odeur très désagréable que Lance reconnu comme celle de peaux qu’on n’aurait ni tannés, ni même nettoyés correctement. Après un moment d’observation, il descendit de son cheval et s’approcha prudemment, ramassant le couteau.

« Ça va, petit ? »

Au moins, s’il l’entendait parler, il serait sûr d’avoir à faire à quelqu’un de bien vivant. Mathilde semblait être un peu plus calme, mais on venait quand même de lui tuer une de ses poules. Ça n’avait peut-être l’air de rien, mais Lance, qui avait aussi des terres et des animaux, savait à quel point cela pouvait être rageant. Il se tourna vers la jeune femme d’un air incertain.

« Qu’est-ce qu’on va en faire ? Je sais bien que c’est un voleur, mais… il n’est pas du coin. » C’était la manière la plus élégante qu’il ait trouvé pour dire qu’ils avaient capturé un sauvageon fou en cavale, et qu’il se voyait mal l’emmener à la milice. Lance attrapa ensuite le filet, l’air de ne pas du tout savoir comment libérer l’enfant. « Tu as faim, petit ? On va te sortir de là. » Enfin, peut-être, un jour, s’il arrivait à démêler tout ça.
Revenir en haut Aller en bas
InvitéInvité
avatar



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyVen 18 Jan 2019 - 16:49
Une respiration forte, crasseuse et irrégulière semblable à une bête prise de panique émanait de la petite sauvageonne lorsqu’elle vit, entre deux mèches de cheveux gras, les deux vivants s’approcher du haut de leur monture. Cessant immédiatement tout mouvement, seuls ses deux yeux bleus zigzaguaient vivement entre les deux individus, captant chacun de leur geste. D’ailleurs, Mélusine remarqua tout de suite la flèche pointée sur elle et prête à venir transpercer son front. Aussi, la colère autant sur le visage que dans la voix de la femme la fit tressaillir. Elle savait, elle avait vu ce qu’une flèche était capable de faire à un visage humain. C’était son tour.

Tremblante de peur, la petite se mit à déglutir en sentant ses larmes monter à ses yeux. C’était la fin. Elle était terrifiée, terrifiée par la mort, mais aussi par tout ce qui pouvait lui arriver après ou avant. Alors qu’elle s’apprêtait à accepter son destin funeste, l’homme s’interposa, lui arrachant un sursaut.

Son regard fixé sur lui, elle écouta ses paroles sans pour autant y répondre ni y réagir. Étrangement, il lui paraissait plus doux, plus amical. Elle détailla alors sa longue chevelure féminine et ses yeux fatigués dans un calme absolu. Mais lorsqu’il descendit du grand et immense cheval, la panique regagna la petite Mélusine, un peu plus lorsqu’il récupéra sa dague. Les paroles rassurantes et même sympathisantes, elle ne les entendait pas.

Mélusine ne voyait, ne sentait et n’entendait qu’une seule et unique chose : la lame se rapprocher de son corps. Dès lorsqu’elle la vit s’approcher, son instinct de survie se déclencha. Sans crier gare, les mains de l’enfant s’agrippèrent avec force au bras du pauvre éleveur avant de venir y planter ses dents. Les yeux fermés, la petite secoua vivement et bestialement sa tête dans un grognement sauvage afin de lui arracher la peau, mais surtout et avant tout, lui faire lâcher son arme.

Et lorsqu’elle fut repoussée, d’une manière ou d’une autre, Mélusine adopta une attitude encore plus animale, dévoilant ses dents tel un loup pour intimider son adversaire tout en prenant autant de distance que possible avec ce dernier.
Revenir en haut Aller en bas
Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptySam 19 Jan 2019 - 3:38
Lance l'avait devancée... ce qui n'était pas plus mal, parce qu'abattre un voleur, c'est une chose, mais tuer un enfant... Elle ne s'en serait jamais remise.

- Attends! On sait pas quelles maladies il transporte. Et...

De grands yeux bleus se révélaient sous les mèches noires de l'intruse. Elle avait l'air terrorisée, mais son comportement ressemblait plus à celui d'un animal qu'à celui d'une jeune fille. C'était la première fois que Mathilde faisait face à une sauvageonne.

- C'est une gamine... Mais je peux pas la laisser repartir, elle va revenir et elle va ravager mon poulailler. Et le reste.

La voix de Mathilde était inflexible. Sa survie dépendait de sa ferme. Sa vie toute entière tournait autour d'elle, tout comme ça avait été le cas pour ses ancêtres, depuis des générations. Tout être, animal ou humain, qui s'en prenait à une parcelle ou à une bête ne pouvait pas filer. Mathilde le savait. Si un renard trouvait une faille, il revenait toujours pour finir le travail. Il fallait le capturer, ou sacrifier les poules, c'est ce que son père lui avait appris. Dans ce cas, le renard était une petite fille... mais la règle ne changeait pas.

C'est à peine si elle avait relâché la tension dans la corde de son arc. Avec ses grands yeux bleus plein de larmes, la gamine essayait de faire pitié, mais elle avait frappé à la mauvaise porte. Et Lance qui voulait la libérer, Lance qui s'approchait, Lance qui essayait de défaire le filet...

- Fais gaffe, elle pourrait...

Mathilde lâcha un juron. La gamine avait planté ses crocs dans le bras de Lance et allait le bouffer, mais elle ne pouvait se résoudre à tirer. Abattre une enfant. Non. Elle descendit rapidement de sa jument pour rejoindre la cannibale et sa proie, glissa le bout de son arc entre deux mailles du filet et asséna un coup, sec mais pas trop dur, à la mâchoire de la gamine.

- Lâche-le! Il veut t'aider.

L'intruse avait lâché prise, et ne devrait pas perdre de dent à cause du coup, même si elle le méritait franchement. Mathilde recula, entraînant Lance avec elle à une distance raisonnable de la sauvageonne. La petite puait le sang, mais Mathilde puait le cheval, tout comme Lance, alors entre puants, elle s'abstint de le faire remarquer.

- Elle t'a pas râté! Merde! Ça va?
Revenir en haut Aller en bas
Lance DamboiseÉleveur
Lance Damboise



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptySam 19 Jan 2019 - 15:26
Mathilde avait raison, s’ils laissaient partir la gamine, elle allait revenir tout saccager dès qu’elle aurait une petite faim. Elle savait où trouver la ferme maintenant, et c’était réellement un problème. Cela dit, aussi sauvage qu’elle pouvait avoir l’air, ça restait un enfant, un être humain. Ils n’allaient tout de même pas la transpercer de flèches et faire brûler son corps. C’est pourquoi Lance avait tenté une approche plus en douceur. Il aurait bien aimé établir un contact, mais la petite était farouche et le fixait de ses grands yeux bleus sans réagir à ce qu’il pouvait lui dire. Est-ce qu’au moins elle le comprenait ? Il n’en était même pas sûr. Il n’avait jamais croisé quelqu’un comme elle, mais à son attitude, elle ne semblait pas avoir eu beaucoup de contacts avec d’autres êtres humains.

Bref, il s’était quand même approché. Face à un animal, il aurait peut-être fait plus attention, ou au moins agit plus lentement, histoire de voir venir. Voir une enfant avait altéré son jugement, et il comprit vite son erreur. Lance laissa échapper un cri alors que la sauvageonne s’était jeté sur son bras pour planter ses crocs en dessous de son poignet. Il avait tenté un instant de resserrer sa prise sur la dague, mais la douleur lui fit rapidement lâcher. On aurait dit un chien, c’est ce qui le frappa, elle n’avait heureusement pas une mâchoire aussi dangereuse, ni autant de force, mais le principe était le même. Alors il eut la même attitude que face à un chien, le plus important, c’était de ne pas tenter de récupérer son bras. Tirer dessus était un réflexe naturel, mais ça risquait surtout d’aggraver la blessure, et d’encourager la petite à forcer encore plus dans le sens opposé. Au lieu de ça, il tenta de saisir la gamine à la gorge de son autre main, la faire manquer d’air l’aurait sans doute vite découragée, mais avec la panique et le filet qui le gênait, il n’arrivait pas à être efficace. Heureusement, Mathilde arriva à la rescousse et lui donna un coup avec son arc, la décontenançant assez longtemps pour qu’il puisse récupérer son bras.

« Ça va… Oh la vache… »

Lance serra son bras contre lui en regardant sa blessure, elle était moins profonde que ce qu’il avait craint, mais on voyait qu’elle avait touché une zone avec pas mal de veines car le sang coulait abondamment. Il sortit de sa poche un mouchoir et appuya sur la morsure. Bizarrement, il n’en voulait pas complètement à la gosse, quand un animal attaquait, c’était bien souvent la faute du dresseur.

« Compliquée, cette histoire… »

Lance souffla un bon coup pour reprendre contenance. Il fallait gérer la situation, calmement.

« Comment tu vois les choses, petite ? »

Il avait fait un pas vers elle, mais se tenait bien trop loin pour se faire attraper à nouveau.

« Je t’explique, quand on prend quelque chose à quelqu’un, il faut le payer, c’est-à-dire donner autre chose en échange. Un objet, un petit service, n’importe, c’est ce qui fait qu’ici on peut vivre ensemble sans constamment s’attaquer les uns les autres. Tu as pris une poule, d’accord, c’est fait, on ne va pas revenir là-dessus. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais personnellement, je trouve que mourir pour une poule, ce serait un peu cher payé, tu ne trouves pas ? On devrait pouvoir trouver une autre solution, non ? »

Lance ne cherchait pas à dire des choses particulièrement intelligentes. En fait, il observait. Il voulait voir réagir la gamine, même si elle ne comprenait peut-être pas tout ce qu’il racontait. Si déjà ils arrivaient à communiquer un minimum, ce serait un grand pas de fait. Après s’être tu un bref moment, il demanda avec un léger sourire.

« Tu as un nom ? Moi, je m’appelle Lance, et elle, c’est Mathilde. »
Revenir en haut Aller en bas
InvitéInvité
avatar



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyDim 20 Jan 2019 - 13:39
Se massant brièvement la joue sous le coup reçu, la petite fille ne dévia jamais son regard des deux adultes. Ses lèvres et ses dents avaient pris la couleur acre du sang de sa victime, la rendant plus lugubre encore. Néanmoins, la frappe et l’altercation eurent le mérite de lui faire rependre légèrement les esprits. Elle comprit qu’elle n’était pas encore morte, pas encore. Pourquoi ? ça, elle ne le comprenait pas. De même pour la question bien trop compliquée de l’homme qu’elle venait de mordre de toutes ses misérables forces. Comment elle voyait ? Si elle avait eu l’intention de lui répondre, elle lui aurait sûrement dit « comme toi. » ou alors « en couleurs ». Difficile de répondre à une question qui nous paraissait si ridiculement évidente que le sens nous en échappait.

Le reste en revanche avait déjà plus de sens, en partie. Le troc, Mélusine connaissait. C’était chose courante même avant la Fange et très utilisés même chez les bannis. Même Aiglemont fonctionnait ainsi, c’est pour dire. Pourtant, jamais il lui était venu à l’idée de fonctionner ainsi avec les vivants. Trop imprévisible et elle n’avait pas grand-chose à échanger. Mais cela, c’était le monsieur qui ne le comprenait pas. Pour une poule, il avait dit. Pour sa vie elle lui aurait répondu. Peut-être que pour lui, ce n’était pas grand-chose, mais cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas pu rêver d’un si bon et grand repas.

Légèrement plus détendue, elle avait porté toute son attention et son écoute sur ce dernier, ne glissant son regard sur la dame que lorsqu’il la lui présenta. C’était peut-être une madame, mais était bizarrement plus intimidante que lui. Si Mélusine ne prononça pas immédiatement de réponse, elle fit tout de même l’effort de hocher la tête, lui indiquant simplement qu’elle l’avait compris.

Craignant un peu la réaction de Madame, la petite sauvageonne hésita longuement. Baissant son regard sur ce qu’elle possédait, elle humidifia ses lèvres pour finalement ouvrir délicatement la sacoche en sa possession. Son ventre cria brutalement à la vue de ces petites délices qu’elle s’apprêtait à abandonner. La faim la faisait hésiter plus que nécessaire. Jamais elle n’aurait pensé autant regretté un simple œuf au plat sans réelle saveur… D’une main tremblante, elle en sortit un déjà fissuré avant de le tendre dans la direction des deux adultes, essayant de démontrer sa bonne volonté.

« … mélu..sine… »

Son élocution était aussi épouvantable que son état. Ayant perdu l’habitude d’utiliser ses cordes vocales, ces dernières s’étaient déformées rendant sa voix rauque et à peine audible.
Revenir en haut Aller en bas
Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyDim 20 Jan 2019 - 17:30
Mathilde se disait que Lance parlait beaucoup trop à cette petite tueuse de poule. Malgré la morsure, il ne semblait pas lui en vouloir. Avait-il conscience que la blessure pouvait très bien s'aggraver et entrainer sa mort?

N'exagère pas, Mathilde, c'est une morsure, il en a vu d'autres. Peut-être, mais papa, on sait pas quelle maladie elle transporte, cette gamine! On n'est jamais trop prudent! Et la charité, Mathilde, tu oublies la charité? Papa, elle a tué une poule! Oui, parce qu'elle a faim.

Mathilde était clairement en grand débat intérieur lorsqu'elle vit la sauvageonne sortir l'oeuf. Elle fit un grand effort pour rester calme. Les voleurs l'insupportaient, quel que soit leur âge. Elle avait toujours accepté de troquer des services contre de la nourriture, et travaillait fort chaque jour à faire pousser ses légumes et à prendre soin de ses quelques bêtes. Elle porta la main à sa poitrine, sur laquelle commençait à remuer le bébé sans nom, et se radoucit immédiatement. Cette petite boule de vie luttait pour sa survie, comme la sauvageonne à la voix rauque. A son allure générale, il était clair qu'elle ne comptait que sur elle-même depuis des années. Mathilde n'avait pas pitié, mais elle avait de l'empathie pour cette grande enfant qui n'avait peut-être jamais appris à fonctionner avec les être humains.

Mélusine. Quelqu'un lui avait donné un nom. Elle avait donc connu au moins un parent, ou une personne assez aimable que pour prendre soin d'elle. Depuis combien de temps n'était-ce plus le cas. Mathilde s'approcha du piège, calmement, mais garda une distance de sécurité pour ne pas exposer le bébé à une réaction imprévisible.

- C'est ma maison. Ma terre. Ma poule. Tu dois travailler avant de la manger.

Mathilde avait une idée derrière la tête. Lance devait développer son sens paternel, elle avait un toit à faire réparer, et Mélusine devait travailler pour réparer son erreur. Mathilde sourit.

- Tu vas aider Lance. Je vais préparer un repas pour toi. La poule crue te rendra malade.

Mathilde plissa les yeux.

- On te libère, ne nous fais pas mal.

Sinon tu l'embroches. Non papa, pas une enfant. Pas une enfant.
Revenir en haut Aller en bas
Lance DamboiseÉleveur
Lance Damboise



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyMar 22 Jan 2019 - 11:46
Mélusine, alors cette petite avait un prénom. Un très joli prénom d’ailleurs, mais un peu long et sophistiqué pour quelqu’un à l’aspect aussi sauvage. Qui avait bien pu le lui donner ? Elle avait bien dû avoir une famille, ou au moins quelqu’un pour s’occuper d’elle, est-ce qu’elle avait tout perdu ? En tout cas, son petit discours avait eu le mérite de faire un peu fondre la glace, même s’il y avait encore du chemin. Quand Lance vit la gamine sortir un œuf, cassé, et sans aucun doute volé lui aussi, il eut un regard passablement inquiet du côté de Mathilde. La gosse faisait un effort, c’était une bonne chose, mais il était évident qu’elle n’avait rien à offrir. Heureusement, son amie ne prit pas les choses trop mal, elle proposa de la faire travailler, c’était une bonne idée. Réparer le toit avec lui… pardon ?

« Ah, bon ? »

Le jeune homme cacha mal sa surprise lorsqu'il entendit son nom. C’était sérieux, vraiment ? Il venait de se faire attaquer, et il allait devoir monter sur le toit avec la gosse, et lui donner des outils ?

« Heu… D’accord. »

Lance n’avait pas l’air particulièrement ravi, mais ça restait la meilleure solution, alors… il allait se sacrifier. Avec prudence, il s’approcha, ramassa le couteau par terre, et s’approcha encore. Cette fois-ci, il n’allait pas se faire avoir, et observait la sauvageonne avec attention.

« On va y aller doucement, d’accord ? Je veux juste te faire sortir de là. Et ne pense pas essayer de t’enfuir non plus. Moi et mon cheval, on ne fait qu’un, je t’assure que tu n’irais loin, surtout ici. Ça manque d’obstacles, ce ne serait même pas amusant. »

Doucement, donc, Lance approcha donc sa main du filet, choisissant un endroit aussi loin du corps de Mélusine que c’était permis. Il tailla alors quelques cordes, et regarda la dague.

« Et bien, il est tranchant ton petit machin, c’est pas un jouet. Je te le rendrais quand tu partiras. »

Il termina de faire son trou, rangea la dague, et lui attrapa doucement les pieds pour qu’elle soit moins en boule et emmêlée, et parvienne enfin à sortir. Voilà, une bonne chose de faite, maintenant il n’y avait plus qu’à la garder à l’œil.
Revenir en haut Aller en bas
InvitéInvité
avatar



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyMar 22 Jan 2019 - 17:36
La Madame avait l’air soudainement plus gentille, lui proposant même à manger. Mais tout cela restait confus dans la tête de la petite. Travailler pour manger, c’était ce qu’elle faisait avant, avant les morts. Maintenant, c’était différent. Jamais elle devait compter sur les autres, Aiglemont lui avait dit, mais elle l’avait aussi appris toute seule. Elle ne comprenait pas non plus pourquoi elle n’était pas punie, tuer. Elle, elle aurait fait. Parce que c’est ce qu’on fait au voleur maintenant.

Alors elle se dit que soit ils étaient gentils, et donc idiots, soit ils étaient méchants, et le pire était à craindre. Ses sens lui criaient toujours de fuir. Elle n’aimait pas être avec les vivants. Ses yeux s’étaient d’ailleurs posés sur l’horizon, mais le Monsieur avait compris. Il avait raison, elle n’y arriverait pas. Résignée, elle ne pouvait que prier… Enfin, non, même cela elle ne le pouvait plus, jamais les Trois ne viendraient la sauver….

Évitant un maximum tout contact avec celui qu’elle venait de mordre, elle le regarda défaire simplement les cordages, en utilisant son couteau, sa possession. Ce qu’il lui dit la fit un peu tiquer. Son regard était rempli d’incompréhension. Ce n’était pas les mots qu’elle ne parvenait pas à comprendre, mais leur sens. Évidemment, que ce ne fût pas un jouet, elle n’en avait plus ou presque…

Le contact de ses mains sur ses pieds fut quelque chose de très brutal pour la petite. Tout son corps se tendit à nouveau dans un sursaut incontrôlé et rapidement suivit par des réflexes irréfléchis. Mélusine se débattait, se tortillait à nouveau dans tous les sens. Ce contact était insupportable et lorsqu’enfin il la relâcha, la délivrant finalement de sa prison, elle tomba sur les fesses. Encore apeurée, elle se recula vivement, rampant en arrière sur le sol avant de les observer longuement.

Ce qu’elle attendait ? C’était la suite, savoir ce qu’ils allaient lui faire. Mais rien, il ne semblait pas vouloir l’attaquer, enfin, presque. Ses doigts amochés se mirent à jouer nerveusement avec l’herbe sous ses pieds.

« … sage… pas… partir… »

Un murmure qui traversa difficilement sa gorge alors qu’elle se releva un peu maladroitement. C’était presque plus pour elle que pour les rassurer qu’elle avait prononcé ses mots, elle devait se convaincre… Se contrôler. Mais qu’ils n’essaient même pas de l’approcher, Mélusine gardait farouchement une distance de sécurité d’au moins deux mètres entre eux. Et lorsqu’elle se décida à également rendre la poule au cou brisé, elle la lança dans la direction de la femme.

« a..toi… »







Revenir en haut Aller en bas
Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyMar 22 Jan 2019 - 20:37
Mathilde remit son arc au dos. La gamine était terrorisée et n'avait décidément pas de repères. En tout cas pas les mêmes repères que n'importe quel être humain avait. Elle était là parce qu'elle avait faim, et elle reviendrait à la ferme si elle y entrapercevait la moindre possibilité d'y trouver de la nourriture sans se faire tuer. Si Mélusine arrivait à comprendre qu'en échange d'un petit service, elle pourrait manger à sa faim à chaque fois qu'elle viendrait, Mathilde ne serait pas obligée de prendre des mesures contre elle. Demander aux miliciens de s'en occuper attirerait trop leur attention sur sa petite ferme, et elle n'y tenait pas particulièrement.

- Je te sors les outils, Lance. Il y a des bottes de chaume dans la grange.

Elle avait bien vu l'hésitation de Lance, et comprenait qu'il soit un peu craintif quant aux réactions de Mélusine. Mais le bébé avait faim, Mélusine aussi, et elle ne voulait pas faire attendre les enfants. L'espace d'un instant, Mathilde songea qu'elle aurait pu être la mère de ces deux enfants, et que son Philibert aurait réparé le toit en un rien de temps. La vie avait voulu qu'il en soit autrement. Elle fut sortie de ses pensées par les mouvements de Mélusine qui se débattait. Bon sang, que lui était-il arrivé?

- Tout va bien.

Elle savait qu'elle ne réussirait pas à la rassurer, mais elle essayait au moins de ne pas attiser sa peur. Constatant la distance qu'elle mettait entre eux, Mathilde ne tenta même pas de l'approcher. Elle se dirigea vers le puits tout proche, y jeta un seau et le fit remonter. L'eau était glacée, mais ferait l'affaire.

- Mélusine, tu peux te débarbouiller le visage et les mains. Ensuite tu travailleras.

Bien. Voici qu'elle donnait les consignes que sa mère répétait chaque jour, autrefois. Peut-être que cela réveillerait des souvenirs dans l'esprit de la sauvageonne. Des souvenirs heureux. Lorsqu'elle repassa devant elle, elle ramassa la poule et fit la grimace.

- Allez hop, au travail, tous!

En passant derrière Lance, elle lui murmura.

- Si elle s'avise de toucher à un seul de tes cheveux, crie et je l'embroche.

Le ton était léger, mais elle était très sérieuse et Lance le savait. Entre la sauvageonne tueuse de poule et l'homme qu'elle connaissait depuis des années, le choix était vite fait. Elle poursuivit son chemin, entra dans la maison, déposa la poule sur la table, raviva le feu pour faire chauffer la marmite d'eau suspendue à la crémaillère et sortit finalement l'enfant de sa grande écharpe.
Revenir en haut Aller en bas
Lance DamboiseÉleveur
Lance Damboise



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyJeu 24 Jan 2019 - 12:19
Et voilà, encore une erreur, Lance avait à peine touché la gamine qu’elle se mit à se débattre dans tous les sens. Il pensait qu’elle avait fini par comprendre qu’il ne lui ferait pas de mal, mais apparemment la confiance allait mettre plus de temps que ça à s’installer. Il la lâcha donc, et la petite fille tomba sans douceur sur le sol, et recula de plusieurs mètres. Elle était terrorisée, et il préféra ne pas s’approcher d’elle. Mathilde lui chuchota alors qu’elle le protégerait.

« Ça devrait aller, j’espère quand même pouvoir me défendre face une gamine de dix ans. »

La gamine en question lança la poule morte vers Mathilde, et s’il était à peu près sûr qu’elle ne le dévorerait pas, il commença sérieusement à se demander comment ils allaient pouvoir travailler ensemble. Il espérait qu’en ne la brusquant pas trop, ils arriveraient peut-être à collaborer un minimum.

« Tu as entendu la cheffe ? On se débarbouille, et on y va. »

Pour la motiver un peu, Lance décida de montrer l’exemple en allant près du seau pour se laver sommairement les mains et le visage. Il s’éloigna ensuite pour qu’elle puisse faire de même sans qu’ils ne se retrouvent trop proches. Et quand elle se décida, il commença à partir vers la grange, et lui fit signe de le suivre.

« On va d’abord récupérer tout ce qu’il nous faut. Ne t’inquiète pas, le travail qui nous attend n’est pas bien compliqué. Il faut juste avoir l’œil. »

Arrivé à la grange, Lance trouva les gerbes de paille, les branches de noisetier, les outils, qu’il plaça dans un seau, ainsi qu’une échelle. Après avoir pris une belle quantité de chaume et de branches sous un bras, et l’échelle sous l’autre, il donna un léger coup de pied dans le seau pour le rapprocher un peu de la fillette.

« Tu peux me porter ça, Mélusine ? Allez, on y va. »

La maison de Mathilde était une belle chaumière traditionnelle qui avait un certain charme. Lance en fit le tour avant de trouver enfin l’endroit où la paille était placée complètement en vrac. Il lâcha ses bottes et le pointa du doigt.

« C’est là qu’est le trou, il est plus grand que je pensais. »

Il redressa l’échelle et l’appuya contre le bord du toit, avant d’observer la petite.

« Voilà, tu peux déjà grimper et commencer à enlever la paille qui est différente du reste pendant que je fais monter celle qu’on va utiliser. »

Laissant la petite faire ce qu’elle voulait, Lance se mit à lancer une à une les bottes de paille sur le toit, un peu en dessous du trou. Quand il eut fini, il prit les outils et grimpa rejoindre Mélusine. Après avoir fini de jeter la paille mal foutue, il fut un peu surprit de voir qu’on avait en fait bouché le trou avec une planche.

« Oulà, je sais pas qui a réparé ce toit, mais il ne savait pas ce qu’il faisait. » Il attrapa la planche et tira dessus, forçant jusqu’à ce qu’elle cède, puis il la balança en bas. Il observa un instant la charpente, qui lui parut en bon état. « Très bien, on peut commencer. » Lance prit parmi les outils une sorte de raquette rectangulaire en bois, et la tendit à la fillette. « Ça, c’est une batte, on s’en sert pour battre la chaume et lui donner sa forme. Pas besoin de calculs savants, il faut juste que ce soit harmonieux, qu’on ne voit pas la différence entre cette zone et le reste quand on aura fini. Ensuite, on bloque la paille dans une tige de noisetier, on fixe le tout aux liteaux – ces gros bouts de bois qui portent tous le toit – avec du fil de fer. Et quand c’est fait, on remet une couche de paille par dessus et on recommence jusqu’à ce que le trou soit complètement bouché. Tu vois ? C’est tout simple. »

Les explication données, Lance prit une première botte de paille, et détacha les liens pour l’étaler sur le trou et bien l’entremêler avec le reste. Il espérait que la petite préfère taper sur la paille que sur sa tête, mais restait méfiant quand même. Quand il eut bien tout placé, il prit lui aussi une batte pour tout égaliser.

« Mathilde fait un peu peur, pas vrai ? » Il eut un petit sourire. « Faut pas que tu t’inquiète, elle est très gentille en vrai. »
Revenir en haut Aller en bas
InvitéInvité
avatar



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyJeu 31 Jan 2019 - 9:35
Ses sens en éveil, la petite fille se montra particulièrement attentive aux différents mouvements des vivants, écoutant également leur parole sans pour autant y répondre. La langue, elle ne l’avait pas perdue, mais l’utiliser là dehors était dangereux, faire du bruit était dangereux. Alors, elle ne le faisait pas, elle ne le faisait plus. Même avec les vivants, la moindre parole de travers pouvait être fatale, elle l’avait bien vu.

Finalement, plutôt docilement, la fille se rendit vers le puits. Le premier réflexe ne fut pas celui attendu. Non, lorsqu’elle vit de l’eau aussi facile, propre et surtout sans danger, sa seule et première envie fut de la boire jusqu’à plus soif. Chose qu’elle fit avant qu’elle ne s’aperçoive du regard interloqué. À contrecœur, elle usa rapidement de l’eau pour nettoyer ses mains et son visage, retirant le sang de sa peau et de ses lèvres.

Enfin, elle suivit l’homme tout en gardant une distance de sécurité. Travailler, elle allait devoir travailler. Mais à quoi ? Ses yeux observèrent chaque objet ramassé par le vivant avant de finalement se relever sur le toit. De là, elle réussit à comprendre leur mission. Un bruit, sourd et métallique qu’elle n’avait plus l’habitude d’entendre depuis sa nouvelle vie, lui provoqua un nouveau sursaut. D’un coup, son regard effrayé se braqua sur le fermier avant qu’elle ne remarque le sceau. Clignant des yeux, il lui fallut un peu de temps avant de comprendre ce qu’il lui demandait.

Sans difficulté aucune, la sauvageonne escalada l’échelle et s’avança prudemment sur le toit. Habituée à grimper aux arbres et aux rochers, la chaumière n’était guère impressionnante pour la petite qui se mit donc à retirer la paille en trop.

Le reste des explications furent bien trop longues et rapidement énoncées pour que Mélusine puisse les assimiler et les comprendre. Enfin, en avait-elle seulement envie ? Aucun sourire ni aucun soupçon d’intérêt n’animaient son visage. Non, elle se contentait de faire ce qu’on lui disait, ni plus ni moins. Un peu perdue, elle jaugea l’outil dans ses mains avant de fixer longuement le vivant. Est-ce que l’idée de le frapper et de s’enfuir lui avait traversé l’esprit ? Oui. Évidemment. Mais elle n’en fit rien. Les risques étaient trop grands pour le moment. Alors, elle l’imita, essayant tant bien que mal de l’aider dans sa tâche en espérant que cela suffise à calmer les esprits.

La remarque de ce dernier ne lui fit ni chaud ni froid tant que Mélusine avait l’impression d’être déconnectée de la réalité. Ce genre de travaux, de proximité, lui rappelait des souvenirs enfouis, lointains qu’elle préférait oublier. Car aujourd’hui, plus rien n’était comme avant et tout ce qu’elle voyait ici, était des vivants trop idiots pour le réaliser. Ce n’était pas de la gentillesse, mais de la faiblesse à ses yeux, et elle en usait pour survivre.

« gentille ou pas... pas important.... quand même me tuer ? »

Finit-elle par demander en cessant son activité et en posant ses deux yeux bleus sur ce dernier.

Revenir en haut Aller en bas
Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptyJeu 31 Jan 2019 - 16:46
Changer un bébé. Voilà une activité qu'elle n'avait pas eu l'occasion d'avoir depuis des années. Autrefois, c'était le genre de tâche qui aidait sa mère, lorsqu'elle se remettait de ses accouchements. Aujourd'hui, Mathilde aurait dû, comme sa mère avant elle, mettre au monde ce genre de crapouille, la garder contre elle pour l'aider à survivre à grands renforts de chaleur corporelle et de lait maternel. Mais il n'en était rien. Son ventre était resté vide, elle avait sans doute trop attendu avant de se marier et elle était désormais trop vieille. Que deviendrait la ferme familiale, à sa mort? Tout en changeant les langes, Mathilde se dit que Lance ferait un époux acceptable, et que cette enfant pourrait être une digne héritière. En transférant l'élevage ici, les chevaux deviendraient d'excellents alliés pour engraisser les terres fertiles, qui produiraient du foin et de l'avoine pour les nourrir. Il y avait une alliance naturelle qui pouvait s'opérer, bien que Lance n'aimât pas les femmes. Enfin pas autrement qu'en amitié.

Mathilde s'installa non loin du feu pour nourrir l'enfant. Survivrait-elle? En tout cas, elle avait l'air, du haut de ses quelques jours, d'avoir une force tranquille qui la porterait loin dans la vie. Mathilde la plaignait un peu. Lance verrait en elle la cause de la perte d'une grande amie. Toujours. Mathilde sourit. Elle avait le hoquet. Pauvre petite chose, sa poitrine se soulevait, régulièrement, prise d'un spasme. Puis elle se calma, et s'endormit. Alors seulement, Mathilde l'emmaillota et la plaça dans un panier pour enfin s'occuper de la poule.

Passer d'un instant si doux et paisible à une activité aussi sanglante ne fut pas facile. Saigner, plumer, éviscérer. Les gestes étaient rapides, sûrs, elle les avait acquis il y a des années de cela. Rapidement, la carcasse fut désossée et ajoutée à ce qui serait bientôt un ragoût de lentilles. Les pierres chaudes accueillir des boules de pâte qui, une fois cuites et refroidies, seraient d'excellentes galettes d'avoine et de raisins secs que la gamine pourrait emporter. Mélusine, quelle avait donc été ta vie pour que tu sois aussi sauvage et que tu te méfies de tes semblables? Mathilde espérait secrètement pouvoir l'apprivoiser, et qu'elle sache qu'elle aurait un refuge à la ferme.

En haut, tout semblait bien se passer. Le temps s'écoulait dans le calme. Soit Mélusine avait égorgé Lance, soit il avait réussi à ne pas l'effrayer. L'air de rien, Mathilde sortit pour aller voir.

quand même me tuer ? Merde, C'était d'elle dont elle parlait? Elle lui avait fichu une sacrée frousse. Bonne chance pour la mettre en confiance après ça, Mathilde. Pas de pitié, Mathilde, elle a essayé de te voler, tu n'as pas besoin de la prendre sous ton aile. Papa, c'est une gamine terrorisée qui crève de faim, pas un monstre. Peut-être que je peux faire un effort, hein?

- Tout va bien là-haut? J'espère que vous avez faim!

Très vite, la maison fut envahie d'une odeur de nourriture prête à être consommée. Elle réchaufferait les coeurs et les corps. Mathilde rentra pour mettre la table, trancha du pain qui ferait office d'assiettes et mit la marmite hors du feu. Quelques herbes pour aromatiser le tout, et ce serait parfait. Encore fallait-il que Mélusine accepte de rentrer dans la maison.
Revenir en haut Aller en bas
Lance DamboiseÉleveur
Lance Damboise



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance EmptySam 2 Fév 2019 - 14:35
La petite s’était jetée sur le seau pour boire, ce qui surprit un peu Lance au début. Pourtant, il aurait dû s’en douter, bien sûr qu’elle n’avait pas juste faim, elle manquait de tout, ça se voyait. Elle se méfiait de tout aussi, sursautant au moindre bruit comme un animal prit au piège. Il doutait vraiment de parvenir à lui faire faire quoi que ce soit. Pourtant, une fois sur le toit, les choses ne se passèrent pas si mal. Lance battait la paille avec un geste que l’habitude avait rendue assuré, et elle l’imitait plus ou moins. Ils avaient un peu avancé quand il tenta à nouveau de communiquer avec la petite, et sa réponse lui fit hausser les sourcils.

« Te tuer ? Non, non, personne ne va te tuer. On répare le toit, et après on va manger ce que Mathilde a préparé. C’est notre accord. »

Il étalait une nouvelle couche de paille quand il entendit Mathilde. Il s’arrêta pour lui faire un signe de la main.

« Ça va, oui, on devrait bientôt arriver au bout. »

Lance lui sourit, ça allait, la petite ne lui avait pas encore fracassé le crâne à coups de batte. Il se remit ensuite à battre la paille, il avait dans l’idée de faire le plus gros du travail aujourd’hui, puis de repasser plus tard pour s’occuper des finitions et s’assurer que la réparation était parfaite. Il ne voulait pas forcer une gamine affamée à travailler pendant des heures. Silencieux, il se concentra sur sa tâche, et quand il eut fixé la dernière branche de noisetier, il rassembla les outils.

« Voilà, je pense que c’est bon. Tu as bien travaillé. » Assis sur le toit, il regarda la petite, ses grands yeux bleus ressortaient beaucoup sur son visage encadré de cheveux noirs. « Tu sais, si un jour tu as très faim, ou que tu as un problème, tu pourrais venir me voir. J’habite de l’autre côté du village, un endroit avec pleins d’animaux, surtout des chevaux. Tu l’as peut-être déjà vu. » D’un signe, il montra vaguement la direction de sa ferme, puis il se releva. « Viens, on redescend. »

Le jeune homme fit tomber les outils et le reste de paille en bas du toit, puis descendit avec la gamine. Il rassembla le matériel dans le seau et le laissa là, faisant le tour de la maison pour rejoindre l’entrée. Il s’arrêta devant.

« À toi l’honneur, Mélusine. Je te promets qu’il ne t’arrivera rien. Nous allons juste manger une bonne poule, tous ensemble. »

Il lui fit un sourire qu’il voulut encourageant, et lui ouvrit la porte. Le fumet alléchant du ragoût se fit sentir jusqu’à l’extérieur.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
MessageSujet: Re: Piège et poulailler | Mathilde & Lance   Piège et poulailler | Mathilde & Lance Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
Piège et poulailler | Mathilde & Lance
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 2Aller à la page : 1, 2  Suivant

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Alentours de Marbrume ⚜ :: Plateau du Labret :: Usson :: La ferme Dumas-
Sauter vers: