[Terminé] Eloigne la pluie (Madelyne & Aeryn)

Eloigne la pluie

Madelyne LaFemelle feat Aeryn Monclar

Alors que j’aligne les coups depuis un moment et que la rouquine en face de moi les arrête sans réelle difficulté, je m’agace un peu plus à chaque fois qu’elle s’amuse de temps à autre à les esquiver au lieu de parer. Toucher le vide n’étant d’aucune façon exutoire, cela ne fait donc que renforcer ma contrariété. Il m’arrive de tomber régulièrement aussi, que ce soit de moi même lorsque je glisse dans la boue ou bien que ce soit elle qui me repousse énergiquement. Je me relève à chaque fois avec un peu plus de pétulance.

« Arrête ça ! » , je grogne même une fois alors qu’elle s’est amusée à esquiver de nombreux coup à la suite, renforçant ma hargne.

La fatigue se fait toujours plus présente au fur et à mesure que le temps passe ; les muscles de mes bras commencent à brûler et je m’essouffle à force de porter de nombreux coups, de glisser et de me relever. Finalement, je lance un coup furieux sur son manche à balai qui se brise sous le choc.

Mon coup poursuit sa course jusqu’au sol, et Aeryn finit à son tour le cul dans la boue en riant.
Moi, j’ai perdu l’équilibre emportée par l’élan de mon coup libéré qui a fini au sol, mais je me rattrape de peu sur mon manche qui est à présent à la verticale reposé sur le sol.

Elle me félicite ensuite et me tend la main, et j’attrape son avant bras au niveau de son coude vigoureusement. Bon, maintenant que je suis lancée, j’ai juste envie de continuer…
Elle signale que l’on est bonne pour retourner se laver, et c’est vrai que l’on a de la boue de partout et contre toute attente elle m’invite à rester dormir à l’auberge. Je me demande bien pourquoi elle fait tout ça pour moi.

« Retourner à la caserne ? lui réponds-je estomaquée. Grand Dieux, non, j’ai fini ma journée et ça fait depuis la dernière lune que je n’y dors plus. A vrai dire, je loge gratuitement à la Choppe Sucrée à la fin de ma journée contre quelques services. »

Je me demande ce qu’en dira l’autre cinglé. Il ne sera pas content que je l’ai esquivé… Je souris avant de rajouter :

« Je ne sais pas comment te remercier pour ton hospitalité. Si je peux faire quoi que ce soit, tu me diras. »

Et finalement, de terminer sur :

« Mais c’est dommage de s’arrêter là, on commençait à peine à s’amuser ! Tu voudrais me montrer un peu comment tu fais tes acrobaties ? Je ne suis pas dans la milice depuis très longtemps et je ne sais pas faire grand-chose encore... »

« Retourner à la caserne ? Grand Dieux, non, j’ai fini ma journée et ça fait depuis la dernière lune que je n’y dors plus. À vrai dire, je loge gratuitement à la Choppe Sucrée à la fin de ma journée contre quelques services. »

Voilà qui me rappelait quelqu'un… La simple évocation de ce point commun m’arracha un autre sourire amusé… Même si je me demandais pourquoi elle évitait le lieu de vie de la milice depuis autant de temps… Quoique… Non, la chose était plutôt simple à deviner, mais n'avait-elle pas évoqué un fiancé milicien ? Si… Néanmoins, la blondinette avait aussi dit qu'elle aurait préféré être fiancée à quelqu'un d'autre… Tout cela me parut bien étrange et compliqué, probablement beaucoup trop pour moi d'ailleurs.

« Je ne sais pas comment te remercier pour ton hospitalité. Si je peux faire quoi que ce soit, tu me diras. »

J'écarquillais les yeux, surprise de l’entendre me remercier pour si peu, alors que je ne savais même pas pourquoi je l'avais ramenée ici. Ce genre de chose ne me ressemblait pas, après tout… Et puis… Fallait-il forcément demander quelque chose en retour alors que j’étais intervenue de moi-même sans jamais lui demander son avis ? Grotesque.

-Je n'ai besoin de rien, mais si tu tiens à me remercier, un simple “merci” suffit amplement, répondis-je, gênée par tant de manières auxquelles je n'étais évidemment pas habituées.

« Mais c’est dommage de s’arrêter là, on commençait à peine à s’amuser ! Tu voudrais me montrer un peu comment tu fais tes acrobaties ? Je ne suis pas dans la milice depuis très longtemps et je ne sais pas faire grand-chose encore... »

“Pas dans la milice depuis longtemps…” Oui, ça, je l'avais bien remarqué. Elle connaissait les bases, mais se montrait encore beaucoup trop maladroite. Elle manquait d'aisance, simplement parce qu’on lui avait appris à se battre comme un homme sans en avoir la carrure. Illogique. Stupide. Et tellement inapproprié… Bref, une idée digne de ces messieurs de la milice qui n'y connaissaient décidément rien.

Je fus tout de même ravie de voir naître en elle un véritable enthousiasme. Celui-ci éclairait si bien son visage qu’il semblait effacer toute trace de morosité.

-Je t'apprendrai tout ce que tu veux, mais pas ce soir. Je pense que nous avons toutes deux besoin de repos.

D'autant plus qu'elle avait bu et qu'il faisait à présent bien trop noir pour un entraînement digne de ce nom…

-Allez viens, lui lançais-je en lui indiquant l'intérieur d'un bref mouvement de tête.

Un bon bain. Un bon repas. Une bonne nuit. Il n'en fallait guère plus pour regagner quelques forces.

Eloigne la pluie

Madelyne LaFemelle feat Aeryn Monclar

Aeryn n’est pas décidée à poursuivre quoi que ce soit pour aujourd’hui, dommage. Elle signale que nous avons besoin de repos et, à la place, elle dit qu’elle m’apprendra tout ce que je veux puis m’invite à la suivre pour que nous retournions nous laver. La nuit commence à tomber et je la suis à l’intérieur sans protester. Je me demande bien comment elle pourrait bien m’apprendre tout ce que je veux. C’est si vaste, tout. Dans tout, il n’y a rien d’irréalisable.

« Vraiment tout ce que je veux ? je la questionne un tantinet taquine. M’apprendras-tu à changer les gens ? M’apprendras-tu comment retrouver la trace de celui que j’aime et faire qu’il m’aime aussi ? M’apprendras-tu à dissuader un monstre de me prendre pour femme ? M’apprendras-tu à sauver ma sœur malade ? M’apprendras-tu à m’intégrer dans la milice ? M’apprendras-tu à éradiquer la fange ? M’apprendras-tu à ressusciter mes parents ? M’apprendras-tu à aimer la vie ? »

Je superpose les questions les unes après les autres, volontairement, cherchant à la fois à plaisanter et à l’agacer avec espièglerie. Je ne sais pas pourquoi j’ai envie de la titiller à ce point, comme si je cherchais à m’amuser et à piquer à la fois. Je reste néanmoins désinvolte à chacune de mes questions, comme si elles pouvaient seulement être dérisoires alors que réellement, ce sont des plaies béantes et des fardeaux avec lesquels je dois vivre au quotidien.

J’aimerais réellement tout oublier, avoir une autre vie. Mais je crois au fond que toutes les vies se valent, ici bas. Des vies empreintes de misères et de souffrance, où même les plus bleus ont leur lot de tracas et leurs soucis. Mais certaines existances doivent tout de même mieux convenir à d’autres. Dommage que nous ne puissions pas les échanger. Je pense que beaucoup de gens ne s’en porteraient que bien mieux. Encore que je ne sache pas qui pourrait souhaiter la mienne.

« Vraiment tout ce que je veux ? M’apprendras-tu à changer les gens ? M’apprendras-tu comment retrouver la trace de celui que j’aime et faire qu’il m’aime aussi ? M’apprendras-tu à dissuader un monstre de me prendre pour femme ? M’apprendras-tu à sauver ma sœur malade ? M’apprendras-tu à m’intégrer dans la milice ? M’apprendras-tu à éradiquer la fange ? M’apprendras-tu à ressusciter mes parents ? M’apprendras-tu à aimer la vie ? »

“Qu'est-ce que…” Par les Trois, j'en serais presque venue à l'apprécier et la voilà qui rebondissant bêtement sur une simple phrase, en déblatérant une série de questions toutes plus grotesques les unes que les autres… Elle se fichait de moi ou bien ? À en juger par son sourire, la réponse ne pouvait être que “oui”. La milicienne plaisantait, certes, en se servant de sa vie… Mais où pouvait être l'humour là-dedans au juste ? J'admirai Finn pour son tempérament joyeux, malgré l'adversité, il cherchait toujours à voir la lumière dans les ténèbres. Je considérais cela comme une force... Néanmoins, je savais que ce n'était pas la même chose pour cette fille. Elle se moquait, purement et simplement de sa situation, comme si se trouvait là le moyen de l'accepter… Faiblesse…

-On ne t’a jamais dit de ne pas sortir les phrases de leur contexte ? lui demandais-je en l'observant comme si je me trouvais face à une gamine sans cervelle. Reste réaliste...

Fatigante… Voilà ce qu'elle était. Sa série de questions stupide ne fit qu’éveiller une vilaine migraine. Le genre de celles qui vous mettent les nerfs en pelote en faisant perdre toute patience… Patience étant une qualité très limitée chez moi, je ne pus que serrer les dents pour essayer de me retenir de lui mettre une gifle pour la réveiller. Se rendait-elle seulement compte de sa bêtise ?

-Pourquoi vouloir changer les gens ? S'ils sont trop nombreux contre toi, c'est que le problème ne vient pas des autres, mais de TOI, lui dis-je en m'approchant, une lueur noire dans les yeux. L'élu de ton cœur ne t'aime pas ? Et alors ? T'en verras d'autre ! Tu ne veux pas te marier ? Ne le fait pas, il n'yba personne derrière toi pour te pousser au derrière et t'y forcer. Quand bien même, ce serait le cas, quelques gouttes de poison devraient arranger le problème. Tu veux t'intégrer dans la milice ?

La belle affaire… Décidément, cette gamine était soit aveugle, soit totalement nombriliste pour ne se rendre compte de rien.

-Change ! Grandis ! Cessé de te comporter comme une gamine effrayée qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Où crois-tu êtres là au juste ? Tu penses que les gens sont bons par nature ? Laisse-moi te dire que tu te trompes. Dans ce monde, seule compte la survie et tout être sensé sera capable de tout pour y parvenir.

Il fallait qu'elle ouvre rapidement les yeux, sans quoi, sa vie ne se résumera qu’à servir de paillasson pour les uns et autres objets de plaisir pour les autres. En l’état, son existence n'avait aucune valeur, tout comme la mienne, la différence était dans le fait que je savais me montrer forte. Je savais que la faiblesse menait inéluctablement vers une mort rapide et que je ne comptais pas abandonner aussi bêtement.

-Tu ne peux PAS compter sur les autres, Mady. JAMAIS. Il va falloir apprendre à te débrouiller par toi-même, sans compter sur ta jolie frimousse pour te sortir de la merde, parce que tous les gens autour de toi ne feront qu’essayer de t'utiliser pour parvenir à leur fin.

Il y avait néanmoins des exceptions, j'avais certes mis du temps à le réaliser, mais je ne comptais pas le lui révéler puisqu’elle serait capable d'interpréter mes dires de plus mauvaise façon possible. La confiance devait se mériter, elle se gagnait, ce n'était pas une chose que l'on pouvait aisément accorder à n'importe qui, et cette femme me semblait beaucoup trop crédule pour le réaliser. Il fallait qu'elle ouvre rapidement les yeux sur les réalités de ce monde qui avait tant changer en si peu de temps.

- Penses-tu être la seule à avoir perdu des proches ? Regarde autour de toi, bon sang !

Pour survivre, elle ne pouvait pas se focaliser sur ce genre de détails, nous étions tous dans le même bateau à la coque percée. Rien ne la rendrait exceptionnelle. Sa vie ne valait pas plus cher que celle des autres. Comptait-elle sur la pitié des autres ? Cela ne marchait pas ainsi… Cela n'a jamais fonctionné ainsi. Les plus forts écraseront toujours les plus faibles si cela peut leur servir.

-Il serait temps de te réveiller, parce qu'il n'y a que deux possibilités ici, survivre ou mourir et dans tous les cas, tu le feras seule !

Eloigne la pluie

Madelyne LaFemelle feat Aeryn Monclar

Il semblerait que ma niaiserie ait touché plus que je ne l’aurais voulu la jeune femme rousse. La voilà qui s’offusque presque et qui me dit de rester réaliste. Je glousse de ma propre bêtise, mais c’est si drôle de la voir agacée. Quelque part, ça doit me montrer que je peux rendre la pareille. Que moi aussi, je peux toucher les gens et les piquer dans leur sensibilité comme ils l’ont si souvent fait avec la mienne.

Je l’écoute déverser un bon moment son indignation pour seulement quelques phrases taquines ancées dans un élan d’auto-dérision et je dois bien avouer que tout ce qu’elle peut me dire me passe bien au dessus de la tête. La vérité, c’est que je n’ai plus envie de vivre.

« Alors, tu ne peux pas m’apprendre tout ce que je veux. En fait, tu ne peux rien m’apprendre de ce que je voudrais vraiment », je lui signale avec un sourire triste.

Je n’ai plus vraiment envie de plaisanter à présent, je crois que je me suis bien accablée toute seule en quelques phrases stupides. Mais le seul truc que je retiens à toute sa causerie, c’est qu’elle m’a sous entendu que j’oublierai la seule personne en ce monde que je n’ai pas envie d’oublier, et que si je ne veux pas me marier, personne ne m’y obligera. Somme toute, elle me recommande d’empoisonner l’autre monstre.

« Je ne suis pas un assassin, je lui rétorque lorsqu’elle cesse enfin de m’asséner son sermon. Je tue que si je n’ai pas le choix. »

Je trouve ma phrase bizarre, presque contradictoire. Cela dit, je pense que le conseil d’Aeryn serait des plus avisés et il m’a bien traversé l’esprit déjà, d’empoisonner l’odieux fiancé. Encore faudrait-il que j’ai de quoi me procurer du poison. Ce n’est pas donné, et je ne sais même pas où je pourrais en trouver. Je pourrais sans doute trouver un moyen moins coûteux, mais j’ai toujours cette conviction en moi que je mérite ce qu’il m’arrive. Alors partant de là, il m’est compliqué de vouloir mettre fin à une situation que je présume être une sentence Divine. Mais je ne n’aborderai pas ce sujet avec elle.

« Et puis, ça coûte un bras, du poison. Et je n’ai plus le moindre sou en poche. »

Je soupire. De tout ce qu’elle m’a dit, le seul truc qui me reste en tête est « t’en verras un autre »
Merde ! Et si je n’ai pas envie de quelqu’un d’autre ? Si je n’ai pas envie d’abandonner ? Elle me fait tout un discours pour me dire d’être forte et de me battre, pour me dire de rentre les armes sur la seule chose pour laquelle je veux me battre ? C’est grotesque ! Et plus que tout, ça me fait mal. Mais la douleur n’est-elle pas un engrenage ?

« Mais ne crois pas que je pourrais me résigner à abandonner quoi que ce soit. Déjà, je le retrouverai, ce foutu chevalier, quand le moment sera venu. Et tu sais quoi, quand je l’aurai retrouvé et qu’il sera enfin épris de moi, je te l’amènerai. Et tu verras ! J’aurais au moins réussi quelque chose dans ma vie, et puisque c’est la seule chose en laquelle j’ai envie de me verser, tout ira bien désormais. Il n'y aura plus de fiancé rien rien d'autre entre nous. Juste lui et moi. »

Oui, chacun ses priorités et ses objectifs, mais elle ne peut pas comprendre. Je suis maudite, tout simplement. Maudite sous écailles de Rikni. Et un jour lorsqu’elle aura décidé que j’ai tiré ma peine, là alors, je pourrai enfin être heureuse et tout ira pour le mieux.

« Mais ne crois pas que je pourrais me résigner à abandonner quoi que ce soit. Déjà, je le retrouverai, ce foutu chevalier, quand le moment sera venu. Et tu sais quoi, quand je l’aurai retrouvé et qu’il sera enfin épris de moi, je te l’amènerai. Et tu verras ! J’aurais au moins réussi quelque chose dans ma vie, et puisque c’est la seule chose en laquelle j’ai envie de me verser, tout ira bien désormais. Il n'y aura plus de fiancé rien d'autre entre nous. Juste lui et moi. »

- Tu n'as strictement rien à me prouver, Mady, dis-je en un soupir las.

Je passais ma main sur mon front, essayant vainement de chasser cette foutue migraine. Je l'avais écoutée, probablement plus que ce que je ne l’aurai dû. Probablement plus que ce que je pouvais entendre et grands dieux ce que cela m'en coûtait.

-Je ne peux évidemment pas tout t'apprendre, seulement ce que je sais… Ce qui n'est déjà pas mal, tu peux me croire, précisais-je néanmoins, consciente qu’il était bien souvent difficile de me comprendre.

Les relations humaines n'ont jamais été mon truc. Discuter durant des heures autour d'une coupe pour parler de tout et de rien, très peu pour moi. Je n'ai jamais su me comporter “correctement” avec les autres. Je n'ai jamais su user de diplomatie pour dire ce que j'avais à dire. Mes mots pouvaient être souvent durs, brutaux… Ils sortaient brusquement de ma bouche sans jamais ajouter de note plus sucrée pour en atténuer l'acidité.

J'apprenais tout de même, chaque jour. J'essayais de contrôler mes regards constamment froids. J'essayais d'aller un peu plus vers les autres ou au moins d'accepter leur présence autour de moi. Néanmoins, je demeurais impulsive… Entière… On se trompait donc bien souvent sur mes intentions ou sur mes émotions et de cela, j'en étais parfaitement consciente.

Alors, encore une fois, je soupirais en essayant de prendre sur moi pour ne pas me laisser emporter par mon mauvais caractère. Je n'avais pas à me détendre ici, elle ne m'agressait pas, ne cherchait pas à me blesser… À moi donc de lui prouver que je n'avais aucune mauvaise intention envers elle. Je fis un pas de plus, me plaçant face à elle pour poser mes mains sur ses épaules… Autant imiter Finn, puisque lui savait y faire avec les gens...

-Ce que j'ai essayé de te dire c'est que tu n'es pas obligée de tout accepter. Tu as le choix, même s'il ne sera certainement pas gratuit. Te rebeller contre tes “collègues” amènera forcément quelques coups de fouet… Mais c'est ta résistance et ta persévérance, qui changeront la donne.

La grande salle commençait à se remplir peu à peu. Au moins les clients n'en étaient encore qu’au bol de soupe et pas à la coupe de trop… Néanmoins, je n'aimais pas avoir des spectateurs curieux de savoir ce que deux femmes couvertes de boues pouvaient bien avoir à se dire. Je ne voulais pas non plus prendre le risque de voir mes frères arriver pour se mêler de la conversation… Mieux valait décamper.

-Viens...

Je l'attrapais par le poignet sans pour autant resserrer ma prise. Je la conduisis dans la cuisine, esquivant le personnel ou les tables encombrées pour prendre le chemin de l'escalier de service. Je grimpais les marches avant de relâcher sa main une fois sur le pallier. Enfin, je me retournais vers elle, mon visage dû se faire plus doux, du moins, je l'espérais.

-Être forte, ce n'est pas de tuer tout le monde avec un couteau à pain, mais de résister à tout en gardant la tête haute. Forcément cela implique tout de même quelques souffrances, autant physiques que morales… C'est encore à toi de voir si tu peux endurer cela ou bien de seulement laisser tomber… Toutefois, si tu as au moins l'ambition d'être aimée par ton chevalier disparu… Évite de laisser tomber ou de devenir un fardeau pour lui. Personne n'a besoin de ça.

Eloigne la pluie

Madelyne LaFemelle feat Aeryn Monclar

Alors que j’étais partie sur une plaisanterie – possiblement de mauvais goût je veux bien l’accorder – et que j’étais redevenue plus ou moins sérieuse devant son exaspération, voilà que je me sens bête lorsqu’elle me dit à présent que je n’ai rien à lui prouver. Évidemment que je n’ai rien à lui prouver… Et même lorsqu’elle passe ensuite une main sur son front agacé, je n’ai plus envie de m’en amuser. Elle poursuit toujours aussi sérieuse, disant qu’elle ne peut pas tout m’apprendre, il va de soit ! Et je me sens encore plus sotte.

Elle pose soudain ses mains sur mes épaules pour préciser le fond de sa pensée, comme si j’avais pu être sérieuse un seul instant dans ma raillerie.

« Je plaisantais... » je bredouille penaude.

Maintenant, je me sens vraiment comme la dernière des péronnelles.

Elle m’attrape la main pour m’entraîner dans la cuisine puis en haut d’un escalier où elle me signale que d’être fort ce n’est pas de tuer mais de supporter. Et elle finit en me disant que j’ai au moins de l’ambition mais de ne pas être un fardeau pour le chevalier.

Ah ben oui, qu’elle m’achève maintenant ! Le coup de grâce ! Remarque elle a peut-être raison, c’est peut-être pour ça qu’il est parti sans rien dire et qu’il ne pourra jamais tenir à moi un tant soit peu si je ne suis q’une croix. Toutes les fois où il a été exaspéré par mon comportement et toute les fois où il m’a rabaissée. Peut-être qu’il a fini par se lasser de moi. Peut-être que c’est comme ça qu’il me voit, comme un fardeau.

Je sens les larmes monter. Manquerait plus que je me mette à chialer maintenant !

« A quoi bon ? Je m’exclame en envoyant un coup de poing dans le mur. A quoi bon ne pas abandonner ? Je ne suis pas de son monde, je ne le serais jamais et tu as raison, de surcroît je ne suis qu’un fardeau ! Pourquoi il pourrait bien vouloir de moi… »

Je n’ai aucune idée d’où il peut être ni de pourquoi il est reparti sans rien dire. Peut-être qu’il lui est arrivé quelque chose, mais je refuse de croire à cette hypothèse. Non, il n’en a cure de moi et voilà tout. Mais je le retrouverai. Parce que je me suis fait la promesse de le retrouver et de lui parler.
Si telle est la volonté des Trois, il va de soit, et j’envoie un autre coup de poing dans le mur de ma senestre cette fois en sentant une larme couler.

« Merde, fait chier à la fin cette vie de merde... », je marmonne en soupirant.

Mes deux phalanges concernées de chaque poing lancinent, mais si je m’écoutais, j’achèverais ce crétin de mur. J’essuie discrètement la larme qui a coulé en espérant qu’Aeryn n’a rien vu.

« C’est bon, ça va mieux », je prétends calmement avec un sourire qui risque bien d’être agaçant.

Une plaisanterie… Je n'ai jamais compris ni apprécié cette manière de mentir. C'est comme ça que je voyais personnellement l'humour. Évidemment, tous ceux me connaissant un tant soit peu ne pourtant qu'affirmer que j'en suis totalement dépourvu. Cela m'échappe. Je ne comprends pas ce qu'il y a d'amusant dans le fait de dénigrer les autres ainsi et surtout de se dénigrer soi-même. Quel intérêt ? Pourquoi vouloir absolument passer pour plus bête que ce qu’on ne l'est déjà ?

Alors, lorsque la milicienne m'avoua que tout cela n'était qu'une blague de mauvais goût, je ne pus que soupirer. À vrai dire, je n'y croyais pas une seule seconde. Elle avait évoqué tous ses malheurs, ses traumatismes, y ajouter une teinte d'humour ne les rendaient certainement pas moins douloureux. Elle mentait, à l’évidence, je pouvais mettre ma main à couper… Mais pas à moi, même si la gamine ne s'en rend visiblement pas compte.

Je la laissais s'énerver, se défouler, donner de grands coups dans le mur en lançant quelques interrogations absurdes sous fond de sinistrose…

-Et à quoi bon céder à la fatalité,lui demandais-je en m'adossant négligemment contre le mur, bras croisés.C'est sûr, abandonner, c'est facile, mais ça ne t'apportera rien non plus...

Mis à part une vie plus brève et plus malheureuse. M'enfin, chacun son truc. Une vie de merde… Voilà une façon bien simpliste de voir les choses. Personnellement, je ne l’ai jamais vue ainsi. La vie peut-être ce qu’elle est, c’est à nous-même d’en faire ce que nous voulons. Elle ne deviendra “merdique” que lorsque nous l’aurons décidé… Quand nous aurons choisi d’abandonner pour simplement subir en attendant les bras croisés que le déluge ou bien la mort ne vienne tout balayer.

-Rien n’est jamais acquis ici-bas, peu importe ce que tu veux obtenir ou accomplir, il te faudra te battre pour ça. Tu peux te cacher derrière toutes les blagues possibles et imaginable, la réalité de ce monde ne changera pas pour autant… Mais toi, tu peux. Encore faut-il en avoir le courage.

Pourquoi lui disais-je tout cela au juste ? Cela ne me concernait en rien et puis je ne connaissais absolument pas cette fille… Nous étions même probablement trop différentes pour pouvoir nous entendre. Je n’ai jamais supporté les faibles, l’on ne m’avait pas élevé pour faire de moi une bonne-samaritaine. Je n’ai jamais été très tolérante non plus… Chez les Monclar, une larme se payait d’un violent coup de poing… Parce que notre père nous voulait forts, mais surtout, il nous voulait vivants.

-Cela suffit pour aujourd’hui, va donc te décrasser et te reposer. Nous verrons demain pour un véritable entraînement si tu le souhaites.

Je commandais donc deux bains… Chose que la nouvelle employée de l’auberge prit assez mal, mais tant pis, je ne comptais pas dormir en étant couverte de boue. Une fois encore, je fournis à Madelyne quelques vêtements de rechanges, une tenue de nuit ainsi qu’une autre pour le lendemain. Ensuite, je la laissais tranquille pour m’enfermer dans ma chambre et n’en sortir qu’à l’aube. Je passais par la cuisine pour y récupérer quelques morceaux de pain, un peu de lard et un restant de soupe que j’apportais dans la chambre de la milicienne. J’entrais sans frapper, non pas par impolitesse, mais plutôt parce que j’avais les mains pleines.

-Allez, debout !

Eloigne la pluie

Madelyne LaFemelle feat Aeryn Monclar

Je suis tellement lasse et cette Aeryn ne m’aide en rien. Allons-bon ! On est partie pour un long dialogue dénué de toute logique alors je préfère y mettre court immédiatement.

« J’ai d’autres problèmes plus préoccupants présentement, à vrai dire. »

Bon, c’est un peu mentir et ne pas mentir à la fois. Si je suis mariée prochainement, le reste n’aura plus d’importance. Ca marche aussi en sens inverse ; si l’autre vaurien ne veut pas de moi, pourquoi me battre pour essayer de me soustraire à ce sort ?

J’ai de bonnes raisons de croire que tout se retrouve, que les Dieux nous font payer nos dettes. Je m’étais jurée si je sortais en vie de cette cave de tout faire le retrouver, mais il faudrait déjà que j’en ai les moyens. Et quand on manque de moyen d’agir, cela complique tout.

Un jour peut-être que Rikni estimera que j’ai payé mon dû et que je pourrai avoir une vie meilleure. Peut-être même que je pourrais avoir quelques instants de bonheur. De vrais.

Mais quand ça sera le cas, je le saurai. Je le saurai parce que tout ira dans ce sens. Il n’y aura plus d’entraves ni de complications sur mon chemin.

Certes, d’aucuns diront que l’on ne devrait pas s’apitoyer sur son sort et qu’au contraire, on devrait faire preuve d’audace. Mais au point où j’en suis, je crois que je suis bien trop résignée. Même mes prières s’estompent et se font plus légèrement.

Il n’y a plus grand-chose qui me rattache à la vie je crois bien. Je suis épuisée de mener de vaines batailles contre le monde entier, contre ce monde qui n’est de toute évidence pas fait pour moi.

Et la soirée se finie ainsi, un autre bain et au lit. Ah, quelle est longue cette nuit… Je cogite une bonne partie et je me réveille incessamment. Vous me direz, ce n’est pas comme si j’avais un sommeil calme d’ordinaire, il y a toujours une angoisse pour troubler mon sommeil.

Pour cette nuit, mes rêves sont tous axés sur la crainte que l’autre monstre me retrouve dans cette auberge où je ne suis pas censée être.

Que me ferait-il ? Non, la vraie question est : que me fera-t-il quand je le reverrai s’il s’en est rendu compte ? Avec un peu de chance, il était trop occupé dans la soirée pour s’être soucié de moi.

Au matin je suis réveillée par l’arrivée d’Aeryn qui vient les bras chargés de nourriture. Je crois qu’on ne m’a jamais mené à manger au lit… du pain, du lard et de la soupe. Je me gratte la tête perplexe, le regard encore flou de ma courte nuit de sommeil.

J’hésite à lancer une blague, et puis je me ravise, me souvenant que ça n’a pas été mon fort hier.

Bon, je commençais sincèrement à me demander pourquoi je faisais tout ça pour une inconnue sacrément agaçante. Je la réveillais, probablement comme le ferait une mère avec son enfant paresseux… Enfin, je dis ça, mais je n'en sais rien. Je n'ai jamais connu ma mère et Rodrick nous réveillait en nous expulsant du lit… Du moins, lorsque nous ne nous levions pas de nous-mêmes, comme en cas de blessure légère ou de vilain rhume. Bref, je posais mon plateau chargé de nourriture sur la commode branlante de la chambre, serrant les dents pour ce comportement inhabituel que je supportais de moins en moins.

Un regard en sa direction et je compris que la milicienne était tout aussi étonnée que moi… Pitié, faites qu'elle ne dise rien et surtout pas une blague, je n'étais certainement pas d'humeur à le supporter.

-Quoi que tu puisses avoir à dire, garde-le pour toi, lui recommandais-je avant d'ajouter. Mange sans en abuser, sinon la nourriture te restera sur l'estomac. Et ne traîne pas, je suppose que nous avons toutes deux des choses à faire. Je t'attends dans la cour.

Histoire d'éviter questions ou remarques en tous genre, je désertais la pièce presque aussitôt. Je retournais dans l'arrière-cour de l'auberge, la boue n'avait pas eut le temps de sécher, forcément… Néanmoins, je n'avais guère de temps à perdre dans un autre bain avant de me rendre au quartier général de la compagnie. Quelle idée, vraiment… La pensée m'arracha un soupir plus que contrarié.

En attendant la blondinette, je ramassais les bâtons de la veille. Je souris en récupérant les deux morceaux composant celui que j'avais utilisé. Ouais, elle avait de la ressource la gamine, dommage qu'elle utilisais son énergie en plaisanteries ridicules et en auto apitoiement qui ne la mèneraient jamais à rien. M'enfin, ce n'était pas mon problème. Elle n'était pas mon amie et ne le serait probablement jamais… Ma patience avait beaucoup trop de limites pour supporter ce genre de tempérament. Elle n’était pas non plus ma sœur, de sang ou d'armes… Elle n'était rien du tout.

Au lieu de perdre mon temps en réflexion aussi grotesques qu’inutiles, je décidais d'étirer mes muscles encore trop tendus par la contrariété et surtout pour être restés inactifs durant la nuit. Une fois échauffés, un minimum, je travaillais leur souplesse… C'est à ce moment-là que la blondinette arriva.

-Fais comme moi, lui dis-je sans m'arrêter dans mes mouvements.

J'étirais mes bras en les levant vers le ciel, comme si je cherchais à le toucher. Je les fis descendre jusqu'au sol. Jambes, bras, bassin, tout y passa jusqu'à ce que j’estime cela suffisant.

-Ne quitte jamais ta chambre sans avoir fait tout cela auparavant. Tu ne peux savoir de quoi sera composé ta journée, par conséquent mieux vaut se tenir prête.

Les hommes pouvaient aisément s'en passer, puisqu’ils ne comptaient que sur leur force brute. Mais ce ne pouvait être notre cas à nous, les dieux ne nous avaient pas façonné de la même manière… Néanmoins, nous avions l'agilité, l'aisance et la résistance pour nous… Voilà sur quoi il nous fallait travailler.

-Un petit combat à mains nues, ça te dit ? Histoire que je vois de quoi tu es capable.

A la demande des joueurs, je viens déposer un mjitage d'une action qui semble coincer

[Terminé] Eloigne la pluie (Madelyne & Aeryn) - Page 2 IfDH7cb

Madelyne LaFemelle
Tentative d'Attaque sur Aeryn
Attaque : 8 (pas de bonus, pas de malus)
Pour réussir, il faut faire 8 et moins,
Pour échouer, il faut faire 9 et plus,
Résultat : 11, echec

Aeryn Monclar
Tentative d'Attaque en contre de l'attaque loupé de Madelyne
Attaque : 11 (pas de bonus, pas de malus)
Pour réussir, il faut faire 11 et moins,
Pour échouer, il faut faire 12 et plus,
Résultat : 2, réussite

Conclusion de l'action : Madelyne tente de faire chuter Aeryn, celle-ci se fait nénamoins repérer par Aeryn. Cette dernière contre attaque de ce fait et parvient à réussir l'attaque.

Eloigne la pluie

Madelyne LaFemelle feat Aeryn Monclar

Bah… elle me fait la remarque d’elle même, pas de blague. Dommage, j’avais bien eu envie de lancer « Un jour, on m’a appelé Princesse... »

Mais je vois que j’ai bien fait de fermer ma gueule. J’aurais même pu rajouter « J’y avais pas cru, avant ce matin... ».

Bref, je mange la soupe aussi rapidement que j’y arrive, me forçant à y faire tremper quelques morceaux de pain pour un peu plus de consistance. Je n’ai jamais vraiment faim le matin déjà, encore moins en ce moment.

Toutefois, je mange tellement peu de viande que ce serait dommage de laisser passer une telle occasion, alors je finis tout le lard et même si à plusieurs reprises j’ai des hauts le cœur pendant que je me restaure, j’arrive à manger à peu près tout du moment que je chasse les angoisses habituelles qui m’assaillent.

Je bois ensuite un peu d'eau avec précaution puis je me lève pour remettre ma tenue qui a séché dans la nuit puis je descends retrouver la jeune fille dans la courette comme elle me l’a demandé.

Toujours aussi peu avenante, elle m’assène de divers conseils à peine l’ai-je rejointe et dont je n’ai réellement que faire. Quoi, elle me recommande de m’échauffer à sa manière ? Je sais très bien m’échauffer. C’est... insultant.

Elle me dit de le faire avant de quitter ma chambre ? C’est inutile.

Puis quand elle me propose un combat à main nues en continuant de s’échauffer, j’acquiesce malicieusement en faisait mine de retirer ma besace pour aller la poser contre le mur en face, passant entre le puits à ma senestre et elle qui est ma dextre afin de tenter en réalité de lui envoyer traîtreusement un coup de pieds bien placé dans l’arrière du genou, juste ce qu’il faut pour le faire plier afin de la faire s’écrouler misérablement dans la boue.

Pourquoi faisais-je tout cela, au juste ? Parce qu’elle me l'avait demandé ? D'accord… Mais pourquoi avoir accepté, finalement ?

Je me posais cette question en la voyant arriver dans la courette. Je perdais mon temps, à l'évidence, puisqu’elle se fichait bien de ce que je pouvais lui raconter. Elle disait vouloir apprendre, la veille, mais je me rendais bien compte que c'était faux, entièrement faux. Cette femme ne veut rien apprendre du tout, elle cherche juste à obtenir les choses comme l'on obtiendrait un fichu cadeau… Comme si la vie en était un. Je m'étais laissée “attendrir” par ces pleurnicheries de la veille et je commençais à le regretter amèrement. La milicienne était venue au rendez-vous, certes, alors qu’elle aurait pu simplement partir après avoir été nourrie, lavée et avoir passé une bonne nuit aux frais de la mercenaire. Je ne l'aurai même pas retenue, à vrai dire… Pourquoi n'aurai-je fait ? Mais alors pourquoi me rejoindre si c'était pour se montrer si peu concernée par l'unique chose qu'elle m'avait demandé ? Non, décidément, son attitude me semblait bien trop étrange pour ne pas éveiller ma méfiance.

Je ne faisais confiance à personne, du moins à quelques exceptions près et encore… Je restais volontairement à distance, dans le doute… Mais elle… Bon sang, pourquoi me rejoindre de cette manière en passant à cet endroit précis alors qu'il serait plus simple de suivre une ligne droite… Son sac… Elle aurait pu le laisser dans la grande salle, totalement déserte à cette heure, ou alors, elle pouvait aussi le poser sur l'une des caisses disposées devant la porte… Non, pas de doute, la blondinette mijotait un truc et autant dire que je n'appréciais pas particulièrement la manœuvre.

“Ne tourne le dos à personne, jamais.” S'il y avait bien un conseil de mon paternel que je m'évertuais à suivre, c'était bien celui-là. Aussi veillais-je toujours à me placer de sorte à ne jamais offrir mon dos à personne, en particulier dans ce genre de cas. Néanmoins, j'étais curieuse de voir ce qu'elle comptait faire, la milicienne. Alors, tout en continuant mes étirements, comme si de rien était, je la suivais du regard… Et lorsque je la vis me contourner pour se placer justement derrière moi, je compris que cette idiote était bien plus vicieuse que ce qu'elle laissait supposer.

“L'attaque des lâches vise le dos. Elle est réservée aux faibles et aux désespérés, même une femme assez couillue te regardera dans les yeux tandis que tu avaleras le poison qu’elle t'a servie. Méfie-toi des gens, la bonté comme la confiance, n'existe que dans les contes de fées."

Attendre, réfléchir avant d'agir… La laisser venir, prendre le temps de tout analyser… Et tandis que son pied se relevait, je me retournais à peine, assez vivement pour me saisir de son bras avant de faire passer son corps déséquilibré par-dessus le mien. Le choc de sa chute résonna un moment entre les murs entourant la cours. Mes yeux fixaient les siens alors que mon visage se fit de marbre.

-Encore une blague, je présume ? lui demandais-je en haussant un sourcil. T'es pas douée pour les coups en douce, n'est-ce pas ?

Sans pour autant lâcher son bras, je me plaçais de sorte à pouvoir l'aider à se relever…

D'ordinaire, je l'aurai probablement insulté, veillant à appuyer sur tous les points sensibles jusqu'à les faire saigner… Je lui aurai probablement aussi cassé le bras également, même si Mady n'avait pas eu le temps de m'atteindre… Pourtant, avec elle, je me montrais beaucoup plus… patiente. Probablement trop... Et je n'aimais pas cela.

-On va faire plus simple et jouer l'honnêteté, tu veux ? Cet entraînement t'intéresse vraiment ou tu veux continuer les pitreries ? Parce que… Honnêtement hein… j'ai quand même d'autres chats à fouetter pour m'amuser à perdre du temps à apprendre quelque chose à une gamine qui semble s'en foutre totalement.

Je lui faisais face, le dos droit, les bras balants n'attendant que le moment où je devrais attaquer. Plus de bride de confiance, rien. Je ne serais jamais assez sotte pour sous-estimer qui que ce soi et certainement pas quelqu'un qui m'avait déjà attaquer une fois... Même s'il ne s'agissait que d'un "essai".

Eloigne la pluie

Madelyne LaFemelle feat Aeryn Monclar

Alors que j’ai voulu la faire tomber, elle a à peine pivoter pour me faire basculer lourdement par dessus elle dans la boue. Et vlam, me voilà étalée de tout mon long là où elle aurait dû être à ma place. Ah, encore une fois, j’ai l’air bien fine ! Je vais être belle quand je vais repartir après.

Lorsque elle me dit :

« Encore une blague, je présume ? »

J’éclate de rire. Puis elle souligne par une question dont on peut aisément deviner la réponse que je ne suis pas la meilleure pour les fourberies comme celle que je viens de tenter.

« Faut croire que non, je ne suis pas plus douée de ce côté là que le reste, je le crains. »

Elle fait le tour pour m’aider à me relever sans me lâcher, craignant probablement de subir un nouveau coup bas, puis elle s’enquiert de mon sérieux. Je soupire. Ah, on ne doit pas souvent rire avec elle…

Je ne sais pas trop si j’ai le temps de m’attarder. Je cherche l’astre du jour dans le ciel, il n’est pas encore visible, je dois bien avoir un petit moment devant moi avant de devoir partir.

« Montre moi plutôt tes acrobaties si tu veux bien, lui demandé-je. »

Elle a l’air bien agile comparée à moi et ce serait bien que je m’améliore car cela peut tout changer dans un combat. Je ne pourrais jamais miser sur la force ni sur l’endurance, c’est un fait. Mais je pourrais bien plus aisément miser sur la souplesse, la rapidité et la gestuelle alors c’est sur ça que je dois aussi travailler. Je pourrais commencer par comprendre comment elle vient de faire sa prise.

« Ce que tu viens de faire, ça marche aussi sur une personne très lourde et plus grande que moi ? »

J’imagine que oui, qu’elle n’a pas dû reposer mon poids sur elle quand elle m’a fait chuter, mais c’est allé si vite que je n’ai pas eu le temps de me pencher sur la question.

Je levais les yeux au ciel, m’abstenant ainsi de tout commentaire inutile, lorsqu’elle recommença à se dénigrer. La milicienne avait beau sourire, rire de ses sottises ou encore de ses mésaventures, moi, je ne le supportais pas. On ne m’avait pas élevé pour faire de moi une femme douce et docile. Pour mon père, je n’étais même pas une femme après tout, il y avait veillé. Rodrick était un homme dur, froid, violent. Il pointait du doigt tout ce qui n’était pas fait de marbre pour lui attribuer immédiatement le terme “faiblesse ”, et ce, quel que soit la forme qu’elle pouvait prendre. Il n’aurait pas apprécié Madelyne, pas le moins du monde, pour bien des raisons. Mais qu’importe.

« Montre moi plutôt tes acrobaties si tu veux bien, lui demandé-je. »

Encore une fois, je tiquais sur ses manières. J’entendais fonctionner d’une certaine façon, celle que l’on avait utilisé pour me former, celle que j’employais chaque jour… Et elle, en bonne novice, cherchait à m’imposer une autre méthode… Je grognais...

-Et si tu m’écoutais, pour une fois ? lui dis-je en croisant les bras. Avec sérieux…

Mieux valait préciser…

« Ce que tu viens de faire, ça marche aussi sur une personne très lourde et plus grande que moi ? »

-Plus ou moins, il y a tout de même quelques nuances. Tu es une femme, tu es fine, pour ne pas dire un peu trop maigre, j’ai pu me permettre certaines choses, mais aussi et surtout parce que tu étais déséquilibrée, précisais-je en désignant la jambe qu’elle voulut utiliser pour me cogner. Je me suis servie de ton propre poids, en le faisant basculer, c’est tout. En revanche, je m’y serais prise autrement avec un homme en armure. Viens-là.

Je la laissais approcher, se placer face à moi. Durant ce temps, j’observais sa démarche, sa carrure… tout en essayant de me remémorer les méthodes d’enseignement de mon père, les coups et les chocs en moins, évidemment. Lorsque je songe à certain de nos entraînements, je me demande comment mes frères et moi avons réussi à survivre… C’est dire. Mais cela remontait à loin, si loin. Avec le temps, l’on ne réfléchit plus comme avant. La méthode est là, évidemment, mais c’est l’instinct et l’expérience qui prennent le pas sur le reste. Un peu comme si c’était le corps qui gardait tout en mémoire et non pas la tête comme lorsqu’on apprend une chanson par exemple. Ici, il me fallait donc décortiquer des réflexes acquis depuis des lustres, pas facile donc de simplement lui montrer bêtement comme l’on pouvait le faire avec les épées avant de pouvoir enfin croiser le fer. Elwin saurait faire, sûrement, il était bien plus patient et pédagogue que moi…

-Je ne sais pas vraiment comment t’expliquer tout cela, puisque c’est devenu instinctif, mais je vais essayer. Tout corps a ses faiblesses. Que ton adversaire soit grand, petit, gros ou maigre, tant qu’il est humain ses os se plient aux mêmes endroits et tu peux le déséquilibrer de la même façon, débutais-je en soupirant, peu sûre de moi, puisque je venais tout de même de lui dire que je n’aurai pas agis de la même façon avec un gros bonhomme en armure qu’avec elle. Mais bref, je poursuivis. Je ne pourrais pas t’enseigner grand-chose aujourd’hui, mais je vais opter pour quelque chose de générique qui pourra potentiellement te sauver la vie...

Collant son poitrail à mon dos, j'avançais la pointe de mon pied droit entre les siens. De ma main gauche, je tirais sur son bras pour la déséquilibrer en faisant pencher son poids vers l'avant. Je n'ai plus qu'à passer mon bras droit sous son aisselle gauche avant de pivoter légèrement pour la faire basculer. Je guidais sa chute pour ne pas la blesser, mes mouvements se firent volontairement lents pour lui donner le temps de les mémoriser.

Chaque geste fut énoncé auparavant, décrit et décortiqué afin qu'elle en comprenne la raison. Si je posais une main à cet endroit c’était pour mieux diriger et répartir son poids. Si je plaçais mon pied à tel endroit tout en exerçant une pression ailleurs, ce n'était que pour mieux la guider vers sa chute. Je lui montrais ainsi deux ou trois techniques qui n'avaient rien de bien compliqué et dont le seul but était de faire tomber l'adversaire pour prendre le dessus. Évidemment, sans la vitesse et la force normalement utilisées en combat, notre petit balai n'avait rien de très glorieux… Si bien que je ne fus que moyennement surprise d'entendre quelques claquements de mains lents, mais plutôt sonore lorsque Mady me fit enfin chuter.

-Bien joué, blondinette ! s'écria-t-il, l'air goguenard.Il en faut pour faire tomber ma sœur, mais tu as l'air de très bien t'en sortir.

-Et tu t'en réjouis en plus , ralais-je en me relevant. Qu'est-ce que tu fais là ?

-Tu étais en retard, je suis donc gentiment venu te chercher.

Moui, à d'autres… Il était bien évidemment inquiet, ils l'étaient tous après ma petite crise du mois dernier. Chacun d'eux me surveillait, tour à tour, comme si je pouvais simplement disparaître… Au moins ils me laissaient vivre ici et ils avaient heureusement arrêté de me suivre depuis quelques jours.

-Mais comme ce qui se passe ici me paraît bien amusant, je vais dire à Kaël que je ne t'ai pas trouvé tout de suite… Histoire que je puisse au moins regarder.

Lui aussi me fit lever les yeux au ciel, mais certainement pas pour les mêmes raisons. Elwin s'amusait vraiment, il avait encore tout du gamin, même s'il était plus âgé que moi.

-Si tu veux rester, rends toi utile au moins... Mady, je te présente Elwin, l'un de mes frères. Il est grand, il est lourd et pas seulement pour son poids, je pense qu'il pourrait être un bon adversaire, déclarais-je avant de murmurer à l'oreille de la milicienne. Et puis… Tu n'as pas à te retenir avec lui.

Je m’éloignais un peu pour leur laisser assez de place tout en pouvant les observer. Confiant, me mercenaire se plaça devant la jolie blondinette en lui offrant son plus beau sourire narquois.

-C'est Mady ton prénom ou c'est un diminutif ?

-N'en profites pas pour draguer toi, grondais-je depuis mon coin.Allez Mady, fiche-moi ce crétin par terre, il le mérite, tu peux me croire.