Marbrume


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 Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]

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Sélène de ColombelHaute-Prêtresse de Serus
Sélène de Colombel



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MessageSujet: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyLun 11 Jan 2016 - 15:25
L’hiver s’accrochait de toutes ses griffes au pays. Les froidures de la saison ne permettaient pas aux plantes de pousser et comme tous les ans, chacun espérait que cela ne durerait pas trop longtemps. Les réserves étaient pleines pour les habitants du Labret, ils pouvaient profiter de leurs récoltes ainsi que de l’aide de la Grande Batelière en cas de besoin. La surpopulation de Marbrume n’avait pas autant d’impact sur eux et c’était surtout les températures et les fangeux qui posaient problème.

Sélène était arrivée depuis plusieurs jours déjà. Après la visite de Côme, elle avait appris que des femmes auraient peut-être besoin de sa présence dans les villages sur le plateau et bien que le haut-prêtre soit leur guide au nom de Serus, il avait proposé à son ancienne élève de venir voir par elle-même les croyants. Une visite d’un représentant du clergé de Marbrume était toujours une bonne chose, cela montrait l’intérêt que portait l’église à ses croyants et donnait l’impression que la ville fortifiée n’oubliait pas ses gens restés courageusement hors des murs. C’était une maigre récompense en comparaison de la demande toujours croissante de nourriture, mais les petites gens savaient s’accommoder de ce que la noblesse voulait bien lui céder. C’est ainsi que la jeune femme avait fait son paquetage pour se rendre sur le plateau du Labret.
Elle avait redouté la période du voyage car sa première sortie depuis l’arrivée du Fléau s’était très mal terminée et elle ne devait qu’à la chance d’en avoir réchappé. Si le chevalier de Nouet n’avait pas été là, elle servirait certainement de repas aux vers à l’heure actuelle. Mais heureusement pour elle, le trajet se déroula sans accros, la petite troupe prenant toutes les précautions possibles pour éviter fangeux et bandits. Après trois jours de voyage, ils parvinrent à destination sans autre perte notable que celle d’une roue dans les derniers kilomètres. Le soulagement se fit ressentir chez tout le monde alors que le ciel se dégageait à mesure qu’ils quittaient la forêt pour entrer en terrain découvert. Ils pouvaient voir des fumeroles monter du sommet des hauteurs, signe qu’il y avait de la vie là-bas et certainement un feu crépitant pour que chacun puisse se réchauffer un peu. Habillée chaudement, la haute-prêtresse n’avait pas dit non lorsqu’on lui avait proposé de loger dans le presbytère, qui servait le plus souvent de lieu de vie commun. Le bâtiment possédait une grande salle commune qui accueillait à cette période de l’année les jeunes enfants et les anciens, leur permettant de se réunir autour d’un feu pour tricoter ou jouer en attendant que les adultes rentrent. Des appartements privés se trouvaient à l’étage, désert depuis que le jeune prêtre en fonction dans le village avait été happé par un fangeux. Sélène remercia les villageois pour leur hospitalité et demanda à ce qu’on prévienne les habitants alentours de sa venue. Elle n’allait pas faire de tournée générale, c’était bien trop dangereux et elle était trop précieuse à l’église, mais il fallait que l’on sache qu’elle était présente et disponible en cas de besoin. Aller dans le village d’à côté pour consulter la haute-prêtresse, c’était toujours moins long et moins dangereux que de se rendre à Marbrume. Ceux qui pourraient avoir vraiment besoin d’elle feraient le déplacement.

Dès son premier jour sur place, la jeune femme rendit visite aux trois femmes enceintes présentent au village. Heureusement pour elles, aucun de leur enfant ne viendrait en hiver. Le froid et le manque de nourriture y était toujours pour beaucoup dans le nombre de mort pendant les couches hivernales, Sélène était heureuse de ne pas avoir à subir cette épreuve. En tant que haute-prêtresse de Serus, elle avait le devoir de veiller sur les futures mères et sur leurs enfants, devoir perdre l’un ou l’autre, parfois même les deux, était une expérience douloureuse à laquelle elle ne parvenait pas à l’habituer.
Après l’auscultation des trois femmes, elle passa une journée entière en compagnie de l’herboriste attirée du village, celle qui faisait office de soigneuse en cas de fièvre ou de bobos. Sélène lui demanda certaines plantes pour ses patientes, lui donnant des recommandations pour lorsqu’elle serait parti et elles devisèrent sur les propriétés de certaines préparations ou essences végétales. Si la jeune femme était bien informée sur ce qu’il fallait donner à une femme enceinte, elle ignorait cependant beaucoup de choses sur les traitements pour les maladies ou les blessures et elle profita de la gentillesse de la vieille dame pour apprendre deux ou trois choses intéressantes et utiles. En retournant au presbytère le soir, elle se promit d’aller parfaite ses connaissances grâce à la bibliothèque de Marbrume.
Les jours suivants, elle se mit au service de la communauté, comme le voulait le culte du dieu cerf. Rester inactif n’était pas recommandé en hiver, et encore moins lorsqu’on était prêtre d’une divinité prônant le travail. On lui épargna les travaux de la terre, indigne de sa condition (chacun savait, rien qu’en la regardant marcher, qu’elle avait du sang bleu dans les veines) mais elle insista pour aider à cuisiner les repas communs, à garder les enfants ou à faire quelques travaux de couture ou de réparation des fortifications. Toutes les maisons avaient été renforcées par de lourdes planches, tous les matins on inspectait les dégâts pour être certain qu’il n’y avait pas de brèche et des palissades avaient été érigées autour du village afin de contenir la menace des fangeux le mieux possible. Cependant, personne n’était assez fou pour rester dehors à la tombée de la nuit. La jeune prêtresse, comme tout le monde, veillait à fermer toutes les portes et toutes les fenêtres en allant se coucher et on lui avait recommandé de garder près d’elle un poignard, pour se défendre, ainsi que ses bottes et sa cape au cas où elle devrait sortir du bâtiment pour fuir. Il était été dommage de mourir gelée après avoir échappé aux fangeux. En dehors de ces précautions, la vie était paisible, à défaut d’être facile.

Ce jour-là, Sélène était descendu vers la forêt car elle avait accepté de récolter quelques ingrédients pour l’herboriste. La vieille femme était fatiguée, se déplacer dans la neige récemment tombée et remonter la pente du plateau n’était plus à sa portée, aussi la haute-prêtresse s’était-elle proposée. Elle connaissait les plantes dont avait besoin l’herboriste et après qu’on lui ai expliqué où les trouver, elle s’était préparée à son expédition. Depuis qu’elle s’était installée au village, elle portait une robe très simple, en tissu solide, qui ne se démarquait de celles des paysannes que par les broderies fines dont l’avait agrémenté sa propriétaire. Par-dessous, elle portait au moins trois jupons et une chemisette et ne sortait jamais sans une cape chaude et de hautes bottes fourrées. Même si en cette époque troublée on acceptait de voir des femmes s’habiller avec des chausses d’homme, Sélène ne s’y résolvait pas tant qu’elle n’en avait pas expressément besoin. Ce fut son habillée ainsi, le capuchon de sa cape rabattu sur sa tête et une besace à l’épaule, qu’elle sortit du village pour se diriger vers la forêt.
Les premières neiges avaient rendu l’endroit magnifique. L’écorce noire des arbres ressortait sur l’écran immaculé du paysage. Les feuilles avaient été remplacées par des paquets blancs à l’aspect moelleux ou par des stalactites de glace transparente. Oubliant toute possibilité de danger, Sélène se promena dans ce décor enchanté les yeux grands ouverts, le sourire aux lèvres. C’était rare d’avoir de la neige si près de la côte, elle voulait en profiter autant que possible. Mais elle n’oublia pas pour autant sa mission et commença à récolter lichen et perce-neige sur son chemin tout en écoutant le chant des oiseaux, qui semblait résonner plus fort dans le paysage figé.
Elle ne tarda pas à récupérer la plupart des ingrédients et lorsqu’elle trouva le dernier, ses doigts étaient rouges d’avoir fouillé la neige et le bout de son nez était glacé. Ça ne serait pas de refus de rentrer se mettre au chaud ! Comme si Serus voulait lui épargner trop de peines, le gui qu’elle cherchait se trouva sur son chemin sans qu’elle ait besoin de s’aventurer hors des sentiers. D’un beau vert, la petite plante brillait dans les premières branches d’un arbre. Le seul problème était que ledit arbre se trouvait au bord d’une crevasse où devait peut-être couler un ruisseau en été. Le terrain était dangereusement incliné et la neige ne rendrait pas le tout facile, mais il était hors de question de faire demi-tour pour si peu. Entêtée, Sélène réajusta la sangle de la besace qu’elle avait passé en bandoulière et descendit la petite pente jusqu’à l’arbre porteur de gui. Bien sûr, la plante se trouvait du côté de la crevasse, ce qui allait obliger la brunette à s’accrocher au tronc et à se tenir en équilibre sur les racines pour ne pas glisser dans la neige. L’acrobatie était compliquée avec ses jupes, mais elle y parvint sans dommages.

Hissée sur la pointe des pieds sur une racine dépassant de la neige, la main tendue vers le gui juste au-dessus d’elle, Sélène s’accrochait à une petite branche à sa hauteur pour ne pas basculer vers le trou à moins d’un mètre derrière elle.
Elle y était presque…Presque…Encore un peu… Elle s’étirait le plus possible vers le ciel, maudissant sa petitesse. Et alors qu’elle touchait enfin les feuilles de gui, une voix profonde et toute proche résonna comme un coup de tonnerre. Surprise, la jeune femme sursauta en tournant la tête pour voir qui était là. Mais elle n’eut que le temps de voir un grand flou de blanc et de noir car ses pieds avaient glissé et elle se retrouva dans la neige avant de comprendre comment. La pente l’attira vers la crevasse à toute vitesse et elle ne dut qu’à ses réflexes de saisir une racine de l’arbre qui dépassait encore. Voilà qu’elle était suspendue d’une main à un morceau d’arbre, la moitié du corps se balançant déjà dans le vide. La panique envahit tout son corps.


Dernière édition par Sélène de Colombel le Jeu 14 Avr 2016 - 2:08, édité 1 fois
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Scarocci CorberaChevalier itinérant
Scarocci Corbera



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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyMar 12 Jan 2016 - 0:59
Scarocci patrouille.

Le chevalier se sentait à l'étroit dans Marbrume. Les rues n'étaient pas faites pour son cheval et lui. La pourriture mêlée à la peur rendait l'atmosphère irrespirable. Les gens se poignardaient, au lieu de s'entraider. Et bien qu'il ai fait le maximum pour aider ceux qu'il pouvait, Scarocci avait l'impression de ne servir à rien.

Surtout, il ne s'était fait aucun ami. Des connaissances, tout au plus. Personne qui n'accepterait de partager un verre en sa compagnie, de discuter du beau ou du mauvais temps, ou même de rester silencieusement auprès de lui. Il se sentait tellement déprimé que les fentes de son casque semblaient légèrement s'affaisser.

Scarocci avait beaucoup à voir avec les chiens. Lorsqu'il était heureux, il était extrêmement heureux. Et lorsqu'il était triste, il était triste à en crever.

Bidigon sentait le malheur de son cavalier, ce qui le rendait furieux. L'animal avait failli arracher le bras d'un enfant et s'était défoulé sur un chien, le piétinant quasiment à mort. Il avait même volé une pomme pour son maître, mais ce dernier n'en avait pas voulu. Ainsi, lorsque Scarocci reprit sa place sur le dos de Bidigon, ce fut le cheval qui guida le cavalier.

Il put sentir à travers les jambes de son maître que Scarocci reprenait vie à chaque pas qu'il s'éloignait de Marbrume. Les chemins boueux, la nature froide et hostile, les arbres et les marais plaisaient plus qu'à Scarocci. Ils croisèrent un renard. Le cheval renacla, grondant comme un taureau, alors que Scarocci fit un signe de la main à l'animal.

" Coucou messire Renard ! "

Le renard, terrifié, s'enfuit sans demander son reste. Scarocci poussa un "oh" de désappointement avant de s'affaisser un peu.

Il voyagea ainsi, silhouette solitaire pendant des heures. Sur son chemin, il aida un couple de marchand à dégager leur chariot qui s'était embourbé, et reconstitua un épouvantail délabré au milieu d'un champs abandonné.

" Un jour, ce fermier récupérera son champs, et remerciera celui ayant réparé son épouvantail ! N'est-ce pas Bidigon ? "

Bidigon souffla des naseaux, avant d'engloutir quelques pieds de maïs pourris.

Il s'arrêta dans une auberge, et aida gratuitement le propriétaire à nettoyer l'établissement, dégager la neige et s'occuper des chevaux. Scarocci s'occupa même de retaper un peu leur harnachement et leurs fers. Lorsqu'il voulurent le payer en or, il refusa, se contentant d'un lit et de nourriture. Puis, il s'en alla.

Lorsque Scarocci réfléchissait trop, son insouciance disparaissait, et un esprit sain, mature et terriblement conscient prenait le dessus. Alors, pour oublier et garder le moral, il faisait ce qu'il aimait le mieux. Aider les gens, sans réfléchir. Comme un vrai chevalier doit le faire.

Il arriva dans une forêt. Le doux balancement de Bidigon, les sabots de son cheval s'enfoncant dans la neige, tout ceci berçait le chevalier, qui contemplait le paysage avec mélancolie.

Puis, une vision. Une jeune femme, vraisemblablement, dans une position délicate. Toute petite et menue, le visage presque étouffé entre sa robe et son bras tendu vers le ciel, elle essayait d'attraper du gui trop haut pour elle. Scarocci leva la main en signe de paix, arrivant sur la droite de la femme.

" HOLA MADAME ! "

Surprise, elle sursauta et trébucha !

* OH MERDE ! *
pensa t-il, avant de se reprendre et crier " PALSAMBLEU ! "

Instantanément, Bidigon compris la volonté de son cavalier et se lança instantanément au trot, arrivant à hauteur de la jeune femme. Elle était suspendue au dessus du vide, accrochée à une racine. Ses doigts fins et rendus rouges par la morsure du froid tenaient avec peine. Si elle craquait, c'était une chute de plusieurs dizaines de mètres et la mort assurée.

Scarocci, dans son armure métallique rutilante et avec ton tabard vert, sauta avec habileté de son cheval.

" Mes excuses Ma Dame ! J'ai manqué de causer votre mort ! "

La neige était très présente, et le sol instable. Il la fixa dans les yeux. De son visage, seules ses deux billes bleues ressortaient.

" Ne paniquez pas et respirez calmement. "

Il se plia en deux, se baissant en avant autant que le permettait son armure.

" Ne lâchez pas cette racine ! Tenez encore dix secondes. "

Sa main gantelée, habile et colossale, attrapa doucement le poignet de la femme. Puis, comme une araignée, elle descendit, arrivant jusqu'au niveau de ses biceps inexistant. Il la tint avec fermeté, mais aussi avec une infinie douceur, comme s'il craignait de la briser. Il était à genoux dans la neige, une main posée sur une de ses jambes, l'autre, la droite, sur le bras de la paysanne qui s'accrochait.

" Je vous tiens. Lâchez. "

Elle n'osa pas. Elle avait repris un peu contenance, mais il sentait la peur dans ses yeux. Il lui fit une promesse.

" Je ne vous lâcherais pas. Il ne vous arrivera rien de mal. "
Sa voix devint plus chaude. " Lâchez. "

Après un looong moment, elle lâcha la racine. Et rien ne se passa. Elle n'avait pas bougé d'un centimètre, suspendue dans le vide. Il la vit hoqueter de surprise. Le bras de Scarocci ne tremblait pas d'un pouce et, pendant un moment, légèrement recouvert par la neige tombée précédemment dans la journée, il ressemblait à une statue.

" Vous voyez ? "


Une statue qui parle. Il se leva, avec lenteur, tenant toujours la femme du bout de son bras, sans que la tâche ne semble représenter une quelconque difficulté. Un silence de mort était tombé sur eux, seulement brisé par la respiration de la jeune femme, et le bruit d'un oiseau décollant de sa branche. Puis, la statue se remit à bouger.

Sa main se déplaça légèrement, remontant jusqu'à saisir l'épaule et la jonction entre le bras et le torse. ll se tint tout droit, tenant la jeune femme au dessus du vide. Elle grimaçait. La douleur, sans doute.

Avec précaution, Scarocci recula, jusqu'à ce que la jeune femme revienne sur la terre ferme. Il l'attira contre lui, la prit par les épaules, et se retourna, la soulevant comme s'il s'agissait d'une petite fille qu'on faisait tourner dans les airs.

Il la reposa sur le sol. Désormais, il tournait le dos à la crevasse. Elle, était revenue en sécurité. Il fit une révérence, gâchée par le crissement de son armure.

" Pas de quoi s'inquiéter ! "

Bidigon, derrière, colossal et patient, contemplait la jeune femme avec une étonnant placidité.
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Sélène de ColombelHaute-Prêtresse de Serus
Sélène de Colombel



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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyMar 12 Jan 2016 - 13:26
« Pas de quoi s’inquiéter ? »
souffla Sélène, encore médusée par la mésaventure qu’elle venait de vivre.

Par quoi commencer ? La voix qui l’avait fait sursauter venait d’un géant en armure accompagné d’un… cheval ? Vu la taille de l’animal, il aurait tout aussi bien pu s’agir d’un monstre mythologique. Puis ledit géant s’était ensuite empressé d’essayer de réparer sa bourde – qui, au passage, aurait pu coûter une jambe, voir la vie, à la jeune femme - et lui avait fait une démonstration de force à l’état brute en la soulevant à bout de bras avec une facilité déconcertante. Même si avec son gantelet de fer il lui avait passablement broyé le bras. Et voilà qu’il lui sortait qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter ? Si c’était une plaisanterie ou un trait d’esprit, Sélène n’y goûtait pas vraiment.
Elle hésita un moment sur la marche à suivre : devait-elle lui en vouloir de lui avoir fait peur, provoquant de ce fait ce regrettable accident, ou devait-elle le remercier pour son aide ? Elle avait la désagréable impression que sous son casque, le chevalier était satisfait de sa performance. Cette impression suffit à lui faire choisir entre les deux options. Ses grands yeux bleus se couvrirent de nuages de tempête et ses épaules se raidirent sous l’effet de la colère.

« Peut-on savoir ce qui vous a pris de surgir de nulle part de la sorte ? Vous m’avez fait peur ! Si vous vous étiez annoncé avec plus de subtilité, je ne serais jamais tombée ! »


La haute prêtresse était quelqu’un de serein et patient, mais lorsqu’il lui arrivait de céder le pas à la colère, c’était l’explosion. Elle avait eu peur, elle avait eu mal et elle se sentait ridicule d’avoir ainsi perdu l’équilibre, tous les ingrédients étaient là pour qu’elle perde son calme. Même si se mettre en colère contre un homme capable de lui fendre le crâne d’une seule main n’était pas très judicieux…

« Vous êtes fier de votre exploit, Messire ? Après avoir provoqué ma chute, il était bien normal de m’aider à remonter ! Il n’y a vraiment pas de quoi fanfaronner ! Alors effacez-moi ce sourire que je devine sur votre visage ! »


Elle entreprit de faire tomber de ses vêtements la neige qui s’y était accrochée. Une partie avait déjà fondue, gorgeant le tissu d’eau glacée. Il fallait qu’elle rentre vite se sécher et changer de vêtements, sinon elle allait attraper la fièvre. Et dire qu’elle avait presque terminé sa récolte sans que rien ne lui soit arrivé.

« Et vous auriez pu me sortir de là à deux mains au lieu de m’arracher presque un bras en voulant faire le coq. »
marmonna-t-elle avec humeur en réarrangeant les plis de sa cape.

Le coup de sang était passé, elle chassa le reste de sa mauvaise humeur avec un soupir agacé et vérifia d’un coup d’œil le contenu de sa besace. Tout était là, heureusement. Tant pis pour le gui, elle y retournerait une prochaine fois. Son regard couleur aigue-marine scruta un instant la fente du casque à travers laquelle elle devinait tout juste la forme des yeux du chevalier.

« Vous n’avez pas idée de qui vous avez failli précipiter dans le vide, n’est-ce pas ? Peu importe, vous le saurez bientôt. Bien, puisque c’est grâce à vous que je me retrouve gelée jusqu’aux os, je vous suggère de terminer votre héroïque sauvetage en me ramenant là où je pourrais me réchauffer. Il était de toute façon temps que je rentre. »


L’expression de la jeune femme s’était adoucie, la colère laissant la place à une neutralité froide qu’on sentait emprunte d’un peu de mauvaise humeur quand même. Elle avisa le tabard du chevalier, essayant de se souvenir des couleurs qu’il portait. Mais apparemment, il devait venir d’ailleurs que Morguestanc car elle ne reconnaissait pas ses armoiries. L’homme était solide, beaucoup plus grand qu’elle et entièrement caparaçonné d’une armure de plaque. En plus d’être lourd, ça devait être particulièrement inconfortable à la longue, surtout par ce temps. Aah, la fierté des chevaliers…
Sélène désigna une direction avant de croiser les bras pour se donner un peu de contenance et éviter de trembler de froid.

« Il y a un village dans cette direction, sur le plateau du Labret. J’y séjourne actuellement. Emmenez-moi jusque-là et je ne vous tiendrais plus rigueur de votre maladresse. Vous aurez même droit à un repas chaud, si vous demandez poliment… »


Le vent se leva, piquant et mordant, agitant les branches nues des arbres. Les oiseaux s’étaient tut, soufflés par le froid, préférant gonfler leur plumage plutôt que de pousser la chansonnette. Un long frisson remonta dans le dos de la prêtresse et elle serra un peu plus sa cape autour d’elle.

« Peut-on se mettre en marche rapidement, je vous prie ? Il fait froid et la nuit tombe vite. »
dit-elle en détournant les yeux.

Sélène savait qu’elle ne lui laissait pas vraiment le choix, mais peu lui importait. Pour lui ce n’était rien de faire le chemin jusqu’au village, il y trouverait même un endroit où passer la nuit à l’abri. Pour elle ça représentait presque une heure de marche dans la neige alors qu’elle grelottait déjà. Il pouvait bien lui faire cette fleur, pour se faire pardonner.
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Scarocci Corbera



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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptySam 16 Jan 2016 - 12:05
La fierté et l’orgueil stratosphériques de Scarocci furent sauvagement abattus par le marteau des paroles de la jeune fille. Une fois son travail fait, elle piétina les restes, avant de les enflammer et de les enterrer profondément sous terre. Au fur et à mesure de ses paroles, le chevalier s'affaissait légèrement. D'un air gêné, il fixait ses mains, devenues fascinantes, faisant tourner ses pouces l'un autour de l'autre comme un petit enfant qu'on punissait, incapable de soutenir le regard de la jeune fille.

Lorsqu'elle termina son sermon, il murmura un "Pardon..." aussi franc et sincère que pitoyable, semblant presque au bord des larmes, ses yeux humides. Il croisa le regard injecté de sang de Bidigon, qui secoua doucement sa tête de droite à gauche, avant de lui tirer la langue. Mais Scarocci passa de la honte à l'engouement. Il devait escorter une dame ! Nouvelle aventure héroïque ! Nouvelle quête ! Il reprit contenance.

" Madame, vous n'aurez pas à marcher ! "

Il regarda Bidigon.

" Bidigon... "

Le cheval roula des yeux, fixant le ciel comme s'il était ennuyé et le destrier de plus d'une tonne s'accroupit comme un chameau le ferait dans la neige. Scarocci désigna son cheval.

" Mon fier destrier vous servira de monture ! Je m'excuse d'avance, la selle n'est pas faite pour s'asseoir en amazone et il n'y a pas de rènes ! Asseyez vous je vous prie ! "

La jeune femme s'assit avec prudence sur le destrier. Agité en permanence, il semblait au bord de l'explosion, mais se calma lorsque la jeune femme s'approcha. Ce que Scarocci ne manqua pas de remarquer.

" Oh ! Le voilà bien calme ! En général, Bidigon est excité comme une puce ! Plein d'énergie ! "

C'est le terme qu'il utilisait pour désigner une tonne et demie de muscles essayant de mordre tout ce qui passait à portée et violait la moitié des juments qu'il apercevait. Mais Scarocci était totalement aveugle à l'horreur qu'inspirait son énorme destrier, ne voyant qu'un aimable poulain "un peu excité". Lorsque sa protégée fut bien assise, Bidigon se releva.

" Haha ! C'est haut n'est ce pas ! "

Les pieds de la demoiselle étaient au niveau du visage du chevalier, qui n'était pas pour autant le plus petit des hommes.

Scarocci fouilla dans le sac se trouvant derrière la selle sur laquelle était Selène et en sorti une couverture épaisse, lourde mais chaude. Il la donna à Selène, l'aidant à sa déposer sur ses genoux et ses jambes.

" Donc... cette direction c'est ça ? "

Il pointa la mauvaise direction, avant de tourner doucement vers la bonne, guettant l'approbation sur le visage de la jeune femme. Une fois qu'il fut assuré d'avoir pris le bon chemin, il ria.

" Allez ! En avant ! "

Bidigon se mit en branle, obéissant au doigt et à l'oeil de Scarocci, adoptant son rythme de marche au fait que sa cavalière était en amazone, avec un rythme moins balancé, compensant en fonction de la neige et du terrain.

Scarocci marchait à côté de sa monture. A cause de sa patte folle, il avançait avec peine dans la neige, s’enfonçant avec son armure. Son mauvais pied traînait dans la neige, laissant un sillon derrière lui. A un moment, il sentit que la jeune femme le regardait.

" Hahaha ! Je suis un peu lent, désolé ! "

Il accéléra le rythme, faisant un vrai tintamarre, rythmé par sa respiration peinée.

" Au fait ! Je me rend compte que je ne me suis pas présenté Ma Dame ! Je suis Scarocci Corbera, chevalier errant, défenseur des faibles et pourfendeurs des fangeux ! "

Un bruit inquiétant se fit entendre dans les fourrés. Scarocci continuait de parler à la jeune femme, mais son visage casque se tourna vers l'origine du bruit, et sa main gauche, qui était posée sur le manche de son épée fit légèrement sortir l'arme du fourreau.

La lame bleutée brilla en reflétant l'astre lunaire avant de revenir dans le cuir. Le responsable de ce bruit n'était qu'un lapin. Aussi enjoué qu'il était, personne n'était plus sérieux et à l'affût que le chevalier lorsqu'il devait escorter une jeune femme, toute paysanne qu'elle soit.

La jeune femme ne parlait beaucoup. Il sentait l'inquiétude dû à la nuit qui tombait et le froid.

" N'ayez crainte, nous arriverons bientôt à votre charmante bourgade ! Je vous payerais un repas chaud. D'ailleurs, j'ai complètement oublié ! Comment vous appelez vous Ma Dame ? "


Dernière édition par Scarocci Corbera le Dim 17 Jan 2016 - 22:58, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptySam 16 Jan 2016 - 17:19
Le mastodonte qui servait de monture au chevalier sembla comprendre avec précision ce qu’on attendait de lui et s’agenouilla dans la neige pour permettre à sa nouvelle cavalière de monter. Étonnée et circonspecte, Sélène s’approcha du cheval dont elle frôla l’encolure du bout des doigts. L’animal la suivait du regard, comme pour surveiller sa mise en selle et lorsqu’elle fut assise et bien accrochée, il se remit debout.

« Merci Bidigon »
dit la jeune femme en passant une main sur le cou puissant et frémissant de son porteur.

Même s’il était un peu effrayant, l’étalon avait l’air remarquablement intelligent. La remarque du chevalier fit sourire Sélène qui hocha simplement la tête en guise d’approbation. Effectivement, elle était haut perchée. Elle prit la couverture qu’on lui tendait en remerciant à voix basse, un peu décontenancée par tant de bonne volonté de la part de l’homme qu’elle avait rabroué un instant auparavant.

« Donc... cette direction c'est ça ? » demanda-t-il en pointant le doigt dans le sens contraire de ce qu’elle avait indiqué.

La jeune femme secoua doucement la tête avec un léger sourire en coin pour lui faire comprendre qu’il n’y était pas du tout. Comme une girouette sous la brise, le chevalier tourna jusqu’à indiquer le bon chemin, ce qu’elle lui confirma en hochant simplement du chef. Satisfait d’avoir trouvé la bonne réponse, il donna le signal du départ et son destrier se mit en branle sans hésiter.
Le drôle de héros en armure était bien étrange. La vicomtesse n’avait pas le souvenir d’avoir déjà croisé pareil luron et elle devait admettre que cela l’intriguait. Il ne réagissait pas du tout comme elle s’y était attendu, riant de bon cœur alors qu’elle lui avait fait un accueil plutôt glacial et veillant à son confort sans rechigner. Il lui faisait beaucoup penser à une histoire de chevalerie qu’elle aimait qu’on lui lise étant enfant. Le héros était pétri de bonnes intentions et d’honneur, il n’était que générosité et s’attirait toujours beaucoup d’ennuis, ce qui ne manquait pas de la faire pleurer quand, à la fin de l’histoire, il se sacrifiait en souriant pour sauver les villageois qui avaient méchamment profité de lui. Sans trop savoir pourquoi, cet inconnu lui rappelait un peu ce personnage…

Sélène jetait de temps en temps des regards à son drôle de sauveur : il peinait à suivre la cadence, ralentit par la neige, son armure et une jambe visiblement en mauvais état. Plus ils approchaient de la lisière de la forêt et plus la prêtresse culpabilisait de lui imposer cette marche à pied. Le pauvre bougre ahanait sous son casque, mais il gardait le sourire et s’excusa même de sa lenteur lorsqu’il capta le regard qu’on posait sur lui. La cavalière se mordit l’intérieur de la lèvre, gênée d’être la responsable de sa peine. À vrai dire, elle n’avait pas envisagé le fait qu’il marche à côté du cheval, pensant qu’il monterait derrière elle.
Leur vitesse de déplacement avait également un autre désavantage : la nuit était en train de tomber et avec elle, le danger se rapprochait. L’hiver ne semblait pas avoir d’impact sur les fangeux mis à part le fait qu’il en emprisonnait certains dans la glace des mares où ils se reposaient le jour. À mesure que la pénombre tombait, Sélène devenait plus nerveuse et tendue.

« Au fait ! Je me rends compte que je ne me suis pas présenté Ma Dame ! Je suis Scarocci Corbera, chevalier errant, défenseur des faibles et pourfendeurs des fangeux ! »

La voix grave du chevalier l’interrompit dans ses pensées et elle revint à lui avec une ombre de sourire. Ça ne l’étonnait pas que cet homme se donne tant de titres, mais dans un sens il devait certainement les mériter. Elle essaya d’ignorer le bruit qui était sorti de fourrés et la vigilance de son escorte. Ça ne servait à rien de paniquer, elle était entre de bonnes mains – du moins elle l’espérait – et la fin de la forêt se trouvait juste devant eux. Une fois à découvert, ils n’auraient plus qu’à remonter la pente jusqu’au plateau et le village serait en vue. Si des fangeux sortaient des bois, ils pourraient les voir venir. À nouveau la voix de Scarocci la détourna de ces pensées angoissantes :

« N'ayez crainte, nous arriverons bientôt à votre charmante bourgade ! Je vous payerais un repas chaud. D'ailleurs, j'ai complètement oublié ! Comment vous appelez vous Ma Dame ? »
« Me payer un repas chaud ? »


C’était bien la première fois qu’on lui proposait cela. Qu’est-ce qui pouvait lui faire croire qu’elle avait besoin qu’on lui paye quoi que ce soit ? Elle se rappela alors qu’elle ne portait aucun signe distinctif de sa fonction ou de son rang et qu’après la chute dans la neige, elle ne devait pas ressembler à autre chose qu’à une simple paysanne. Un sourire amusé étira ses lèvres pleines et légèrement gercées par le froid. Elle n’allait pas se vexer pour si peu, après tout il faisait preuve de bonté envers elle en la pensant démunie. Il avait bon cœur.

« Navrée, je manque également à toutes les règles de politesse. Je suis Sélène de Colombel, vicomtesse de Cerbois et haute-prêtresse de Serus à Marbrume. Vous n’aurez rien à payer Messire Corbera, vous êtes mon invité. Je vous dois au moins cela après toute l’aide que vous m’avez apporté. Et je… Je vous prie de m’excuser pour mes dures paroles. J’ai eu peur et la journée a été longue, je me suis montrée injuste avec vous, vous ne méritiez pas d’être traité de cette façon. »


Ce n’était pas digne d’une dame de sa qualité de perdre patience comme elle l’avait fait et elle avait également le sentiment de s’être montrée particulièrement ingrate dans l’histoire. Bien sûr, c’était parce qu’il l’avait surprise qu’elle était tombée, mais rien ne disait qu’elle n’aurait pas glissé toute seule de toute façon. C’était un peu mesquin de lui en tenir rigueur et après tout, il s’était précipité pour la faire sortir de ce mauvais pas.
La forêt autour d’eux s’était éclaircie depuis quelques pas et bientôt ils débouchèrent à sa lisière. La pente du plateau du Labret se déroulait devant eux, couverte d’une couche blanche et duveteuse qui brillait sous la lumière de la lune. Il faisait totalement nuit à présent, on allait s’inquiéter au village… Il fallait rentrer rapidement avant que tout le monde ne soit barricadé. Sans compter que de nouveaux bruissements, plus inquiétants, semblaient agiter les bois. Un frisson de panique remonta dans le dos de Sélène et elle ne parvint pas à dissimuler le tremblement inquiet de sa voix :

« Messire ? Peut-être serait-il judicieux que vous montiez vous aussi en selle ? Nous pourrions gagner le village au petit galop en quelques minutes à présent. Je pense que ce serait plus prudent. »
Un craquement qui n’avait rien à voir avec une branche cédant sous le poids de la neige la fit sursauter.
« Je vous en prie, vous boitez et ce n’est pas le meilleur endroit pour combattre si d’aventure des fangeux venaient à surgir. Je suis certaine que votre cheval pourra supporter notre poids à tous les deux. N’est-ce pas Bidigon ? »


S’adresser au cheval ne changerait pas grand-chose, mais peut-être que si l’animal faisait signe qu’il était d’accord, cela encouragerait son maître à accepter l’idée. Sélène n’en était pas certaine, mais elle avait l’impression que le chevalier accordait de l’importance à sa monture, assez pour lui prêter une opinion humaine.
À cet instant, un vagissement effroyable retentit dans leur dos. Impossible de ne pas reconnaître un cri humain déformé, le signal d’alarme annonçant l’arrivée d’une troupe de monstres sortis de la vase. Ils devaient se trouver encore assez loin pour permettre la fuite, mais il ne fallait plus perdre de tempe en tergiversations. Sélène se sentait tétanisée, le regard braqué sur l’ombre des bois qu’ils venaient de quitter. Elle voulait s’enfuir à toute jambe, partir le plus loin possible et le plus vite possible. Depuis qu’elle était au village, elle avait déjà vécu trois attaques de fangeux. Les villageois n’étaient pas de taille à les affronter, la seule façon de survivre était de s’enfermer à double tour et d’attendre le retour du soleil.

« Il faut partir ! Nous devons prévenir le village qu’ils arrivent ! Je vous en prie, Messire ! »


Une silhouette décharnée jaillie alors d’un buisson épais pour se précipiter à la rencontre du chevalier, suivie par deux autres. Certainement l’avant-garde de la horde.
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Scarocci CorberaChevalier itinérant
Scarocci Corbera



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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyLun 18 Jan 2016 - 0:05
Scarocci haussa les sourcils derrière son casque lorsque la jeune femme se présenta. Il avait donc devant lui une dame importante ! Une haute-prêtresse, rien que ça ! Il se demanda ce qu'une haute prêtresse faisait seule dans les bois, à cueillir des plantes, mais préféra se taire à ce sujet.

" Oh ! Méprise méprise ! J'espère que vous ne m'en voudrez pas. Mais vous semblez bien jeune pour être une haute prêtresse ! Enfin, la valeur n'attend pas le nombre des années. "

Ils arrivèrent ensuite à la lisière. La jeune femme semblait légèrement inquiète. Un craquement l'avait faite sursauter, et elle craignait que ce soit un fangeux.

" Hahaha ! Pas de panique, je suis sûr que ce n'est qu'un... "

Un hurlement se fit entendre derrière eux, venant des profondeurs de la forêt. Scarocci termina sa phrase, de la voix lasse de celui qui viens de se planter.

"... sanglier. "

Il soupira, presque de lassitude. Derrière lui, Sélène cria. Avançant avec lenteur, Scarocci dégaina Gae Bolg. La lame bleutée brillait d'un air mystique, tranchant avec la neige pâle et les bois sombres. Un, deux, trois fangeux sortirent des bois. Une femme, un homme assez costaud, et un autre homme, plus jeune.

" Allez au village, Dame Colombe ! " dit-il en écorchant son nom. " Dites leur de préparer un repas chaud pour moi, et un lit ! "

Il fit tournoyer la lourde épée dans sa main, alors que les Fangeux arrivaient sur lui. Ils ralentirent légèrement, leurs yeux hagards oscillant de Scarocci à la jeune femme, qui semblait plus vulnérable. Puis, un des fangeux, le "jeune homme" fonça vers Scarocci.

Fonçant à toute vitesse, sans instinct de conservation, les bras battant l'air, la mâchoire déformée par la haine, il crachait dans sa course. Scarocci l'avisa, faisant passer son épée en main gauche, avant de changer de posture de combat.

Le fangeux sauta sur lui... et fut arrêté en plein vol. La lourde main de Scarocci se saisit de son cou, le chevalier reculant légèrement sous l'impact. Il leva son bras vers l'arrière, tenant le fangeux qui agitait ses bras dans le vide.

Le bruit glauque des os brisés se fit entendre, alors que Scarocci pulvérisait la trachée de son adversaire, dont la tête pencha sur le côté.

" HAHA ! "

Il le balança avec force sur le sol, le corps s'écrasant dans un bruit mat. Le fangeux leva son visage en geignant, avant que le pied de Scarocci n'arrive sur son crâne, brisant ce dernier, le sang explosant sur la neige, l'os fumant. Scarocci pointa son épée vers les deux autres Fangeux.

" VENEZ, CRÉATURES DU MAL ! JE VAIS VO... "

Il fut interrompu par le choc du fangeux adulte, qui l'envoya valser à deux mètres de là. Il se releva en gromellant.

Bidigon se mit à hennir, avant de se cabrer. Puis, il parti, galopant vers le village. Les muscles du cheval fendaient l'air, pulvérisant la neige à chaque impact de sabot, roulant d'une force et d'une vitalité inégalée. Lorsque Selène se retourna, un des fangeux arrachait un des morceaux de l'armure du chevalier.

****

Hector bailla. Ses yeux piquaient. Voilà des nuits qu'il servait de veilleur, et la concentration dont il faisait preuve prenaient beaucoup d''énergie.

La haute-prêtresse était revenue sur un cheval absolument énorme, totalement paniquée, parlant de fangeux et d'un chevalier. Le destrier, apparemment celui du chevalier, était devenu presque fou, bavant dans tous les sens, mordant un des garçons d'écrire. Il détruit même une poutre d'un coup de sabot, avant de se calmer, apaisé semble t-il par la présence de la prêtresse. Il sombra dans une crise d'agressivité dès qu'elle s'éloigna, et elle fut ainsi "forcée" de rester près d'un cheval bavant aux yeux roulant dans leurs orbites.

Les minutes passaient, avec une telle lenteur qu'elles semblaient être des heures. Le village était devenu presque mort, les gens s'enfermant dans leurs maisons. Seules quelques sentinelles guettaient la nuit. Puis, un bruit. De la feraille. Un homme. Un chevalier.

" Hohé ! Ne tirez pas ! "

Le chevalier trottinait de manière presque comique, à cause de la neige et de sa mauvaise jambe. Il tenait son arme par dessus l'épaule, sa main gantée sur la lame pleine de sang. Son armure était cabossée, avec une grosse trace de griffe, et du sang coulait de son bras gauche, dont l'épaulière et une partie de l'armure avait été arrachée.

Hector plissa les yeux sur le bras du chevalier. Son bras était musclé et dur, comme taillé dans le bois. La peau était pâle, les veines visibles. Un œil avisé aurait remarqué que le bras semblait presque trop gros pour l'armure, qui, visiblement, avait été faite pour quelqu'un de plus petit et moins massif.

Tout ceci mis à part, il semblait en pleine forme !

" Ouvrez je vous dit ! Les fangeux ne sont pas loin ! "

Les portes s'ouvrèrent avec précipitation. Scarocci puait la mort et le fangeux. Bidigon s'ébroua et trottina vers lui, lui léchant le casque comme un chien affectueux.. Un milicien lui demanda combien de fangeux arrivaient.

" Une vingtaine je pense ! Je ne suis pas resté compter ! " Répondit vaillamment Scarocci, qui essayait de cacher le fait qu'il avait le souffle court. Il aperçu Selène, faisant de grand geste de la main, comme un enfant disant bonjour à un camarade de classe au lointain.

" Ah, Dame Colombe ! Mes excuses pour le retard, un quatrième m'a attaqué, le lâche ! "
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Sélène de ColombelHaute-Prêtresse de Serus
Sélène de Colombel



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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyLun 18 Jan 2016 - 14:07
Sélène était née au sein d’une famille de chasseurs, dans un pays de chasseurs. Monter à cheval et tirer à l’arc faisait presque partie de son code génétique. Pourtant, rester en selle sur la fusée qu’était Bidigon s’avéra aussi aisé que de grimper à un arbre sans les mains. L’animal paniqué s’était élancé sans prévenir et sa cavalière n’avait pas eu d’autre choix que de s’accrocher de toutes ses forces à sa crinière pour ne pas être désarçonnée. Le temps qu’elle se rende compte qu’elle était lancée à plein galop, il était trop tard pour faire demi-tour et aller chercher le chevalier.
La jeune femme arriva au village plus vite qu’elle ne l’aurait imaginé. Les portes étaient encore ouvertes et elle put entrer sans difficulté. Mais son air inquiet fit frémir les derniers retardataires qui n’étaient pas encore rentrés chez eux.

« Des fangeux ! Ils sortent de la forêt ! Il va y avoir une attaque cette nuit ! »


Sélène descendit de cheval comme elle put sans tomber, trouvant la terre bien basse après avoir été perchée si haut. Elle laissa l’étalon aux mains d’un jeune homme qui voulut le conduire à l’écurie derrière le presbytère, mais l’animal sembla pris de folie. Alors qu’elle revenait vers lui pour tenter de l’apaiser, la jeune femme vit approcher trois hommes, deux armés d’arcs et un troisième avec une longue fourche. Elle les connaissait, il s’agissait du boucher et de ses apprentis. Depuis que la violence s’était emparée du monde, c’était vers eux que les villageois se tournaient pour ce qui était de les défendre.

« Z’avez rien vot’ honneur ? On commençait à s’faire de la bile, l’est tard. »
« Je n’ai rien, mais la promenade a failli mal tourner pour moi. Je dois au propriétaire de ce cheval d’être toujours intacte. Je vous en prie, sonnez l’alarme, nous allons essuyer une attaque ! »

« La ch’tiot Magda a vu un d’ces monstres au loin, à l’heure des loups. On s’doutait qu’ça tomberait. »
« Le chevalier qui m’a aidé, il est toujours dehors ! Il faut l’attendre. Des fangeux nous ont pris par surprise, il est resté combattre mais je suis certaine qu’il va arriver ! Postez des hommes, il faut quelqu’un pour lui ouvrir s’il revient. »


L’homme gratta sa barbe, un peu gêné. Il ne voulait pas rester dehors plus que nécessaire et c’était compréhensible. Entre attendre une haute-prêtresse et attendre un chevalier inconnu qui était potentiellement mort sous les coups d’un fangeux, il y avait un monde. Mais on ne discutait pas les ordres d’une femme aussi importante que celle qu’il avait sous les yeux. Malgré la frayeur dans son regard, Sélène était ferme et déterminée, sa voix ne tremblait pas et elle avait l’assurance de son rang, l’assurance des gens à qui l’on obéit. Le boucher ne chercha pas à discuter et accepta à condition que cela ne dure pas trop longtemps. La jeune femme hocha la tête et le laissa repartir pour donner ses directives pendant qu’elle-même s’occupait d’emmener Bidigon près de l’écurie vide du presbytère. Le bâtiment se trouvait en face de la porte par laquelle elle était rentrée, elle pourrait surveiller l’endroit facilement tout en surveillant le cheval. Ce dernier ne quittait pas non plus des yeux la porte fermée par laquelle ils étaient arrivés, comme s’il attendait que son maître la franchisse.
Un silence pesant s’installa. Les habitants s’étaient tous très vite enfermés chez eux et il ne restait plus personne dehors à part les quelques hommes qui s’étaient portés volontaires. Et le seul bâtiment encore ouvert était la grande salle communale qui servait de presbytère et de lieu de vie à la prêtresse. Cette dernière mentirait si elle affirmait ne pas avoir envie de se cloîtrer immédiatement, l’idée d’être encore dehors au moment d’une attaque la faisant frémir, mais elle voulait attendre encore un peu. Elle caressait d’un geste presque mécanique l’encolure de l’étalon fou, partageant sa tension et priant intérieurement Serus et Rikni. Avec sa force et une épée telle que la sienne, le chevalier Corbera ne pouvait pas être tombé tout de même… L’attente était pire que le feu de l’action.

Enfin une voix retentit, grondante comme la mer au pied d’une falaise. Elle fit sursauter tout le monde et les archers se penchèrent un peu par-dessus les palissades, leur flèche prête à transpercer le moindre monstre errant. Heureusement, il s’agissait de l’individu dont avait parlé la haute-prêtresse et sous ses injonctions, les portes s’entre-ouvrirent pour le laisser entrer. Toutes les sentinelles descendirent alors de leur poste pour aider à barricader la porte tandis que le « chef de la sécurité » du village demandait au chevalier ce qui se tramait. Apparemment ils allaient devoir essuyer une vague importante de fangeux, ce qui n’enchantait personne, mais depuis le temps tout le monde avait appris à s’enfermer correctement et la nuit pouvait passer sans qu’il y ait de victime.
Bidigon, tout heureux de retrouver son maître, fut le premier à venir le saluer, suivit de près par Sélène qui s’éclairait enfin d’un sourire, soulagée de revoir son étrange compagnon. Elle ne manqua pas de remarquer le sang sur son bras.

« Peu importe votre retard Messire, au moins vous êtes vivant. Ne nous attardons pas dehors, il faut se mettre à l’abri immédiatement. Je vais m’occuper de votre épaule, suivez-moi. »


Elle conduisit le duo Scarocci – Bidigon jusqu’à l’écurie avec empressement et une fois que l’animal fut à peu près installé, elle invita son hôte à la suivre dans le presbytère qu’elle se dépêcha de fermer à double tour comme on le lui avait montré. Des planches de bois cachaient les fenêtres et à la nuit tombée, chaque porte était renforcée par une ou plusieurs planches solides que l’on glissait dans des poignées de métal chevillées de chaque porté de la porte. Les forgerons et menuisiers du Plateau n’avaient pas chômé et l’entraide avait permis à tout le monde d’avoir sa propre protection afin de limiter les pertes humaines.
L’intérieur de la salle communale était somme toute très banal. La pièce principale du rez-de-chaussée était assez vaste pour accueillir facilement une vingtaine de personnes. Des tables et des bancs étaient alignés contre les murs, au fond un grand âtre permettait de faire un bon feu et des ustensiles de cuisine pendaient sur le linteau. Pour seules décorations, des couronnes de fleurs séchées sur les murs et des peintures représentant la forêt et des animaux au plafond. On pouvait deviner l’activité quotidienne qui régnait ici en journée grâce à quelques jouets pour enfant qui traînaient sous les tables ou au panier contenant un tricot qui avait été oublié. À l’annonce de crépuscule, tout le monde avait dû quitter les lieux précipitamment… Normalement Sélène avait toujours un peu de compagnie, certaines femmes préférant rester avec elle que de rentrer chez elles ou souhaitant simplement profiter de la chaleur de l’endroit pour la nuit. Mais ce soir personne. Il n’y avait qu’un petit feu mourant pour accueillir les deux âmes.

« Prenez le tabouret près de la cheminée et asseyez-vous. En tout premier lieu il faut s’occuper de votre blessure, ça serait une catastrophe si elle s’infectait. »


La jeune femme accompagna Scarocci jusqu’au siège qu’elle lui avait désigné avant d’aller chercher du bois pour raviver un peu les flammes. La proximité de la chaleur lui rappela qu’elle était elle-même gelée. Mais au moins elle était indemne, ce qui n’était pas le cas de son invité. Elle se préoccuperait d’elle plus tard. À gauche de la haute cheminée se trouvait, dans l’ombre, un recoin où un vieux fourneau et des étagères étaient mis à la disposition de tous. Ici en journée on faisait la cuisine pour les enfants, les vieillards et les protecteurs du village. Ce n’était pas grand-chose, mais tout le monde faisait l’effort de donner un peu de nourriture pour pouvoir faire ces repas et cela maintenait la cohésion de villageois. Sur les étagères, des herbes et des baies étaient autant utilisées pour la cuisine que par l’herboriste du coin pour ses préparations. Un grand bac d’eau froide était à disposition et Sélène remplit une casserole propre avant d’y jeter un lige et de revenir vers son patient.

« Vous pouvez retirer votre armure, ici nous sommes à l’abri. »


Mais le chevalier refusa. La jeune femme haussa les sourcils, étonnée, insista un peu, mais se retrouva à chaque fois confrontée à un refus catégorique. Cet homme était vraiment étrange… Bah, après tout, peut-être avait-il raison ? Les monstres ne tarderaient certainement pas à essayer de gravir les palissades et lorsqu’ils y parviendraient – ils y parvenaient toujours – il ne faudrait plus compter que sur les barricades de chaque demeure pour être sauf.

« Très bien… Mais retirez au-moins les pièces de votre bras. De toute façon il faudra les nettoyer. Et si votre blessure remonte trop haut il faudra également retirer votre plastron Messire. Sinon je ne pourrais pas vous soigner correctement. »


À la lumière tremblante et tamisée du feu, elle vit briller l’éclat d’un regard dans la fente du casque qui lui faisait face et elle prit cela pour un assentiment. Scarocci retira son gantelet et ses grands canons d’avant-bras qui couvraient même le coude. Sous sa carapace de métal, sa peau était pâle, tellement pâle que Sélène pouvait deviner le chemin de certaines veines à la surface. Elle ne fit aucune remarque mais ne tenta pas de dissimuler son étonnement.
Avec mille précautions, elle nettoya tout le sang et les impuretés qu’elle put, dégageant bien la zone de la blessure. Le fangeux avait lacéré la peau avec ses griffes. Deux longues plaies aux bords déchirés zébraient l’épaule, partant de l’intérieur pour remonter sur l’articulation et l’une d’entre elles descendait même sur le haut du triceps. Ce n’était pas très joli à voir, mais ça n’handicaperait pas la victime à vie si elle faisait attention à elle le temps de se remettre.

« Je suis navrée mais il va falloir retirer votre plastron. Je veux avoir de la place pour travailler à mon aise. Il faut recoudre, c’est plus sûr. J’espère que vous n’êtes pas douillet, Messire Corbera. »
ajouta-t-elle avec un petit sourire désolé pour essayer de lui insuffler un peu d’optimisme.

Même si c’était plutôt elle qui en avait besoin. Elle s’excusa et laissa un instant son patient pour disparaître dans le petit escalier à droite de l’âtre. Il n’y avait qu’un étage, composé d’un minuscule couloir avec une pièce au bout. C’était là que dormait la jeune femme. Elle y avait rangé toutes ses affaires. Une petite lampe à huile l’attendait et elle remercia silencieusement la bonne âme qui avait pensé à elle avant de partir. Très rapidement, elle retira tous ses vêtements mouillés et passa une robe simple à manches longues. Elle remit autour de ses hanches la ceinture qu’elle portait habituellement et qu’elle avait laissé le temps de son expédition. De nombreuses poches et bourses y étaient attachées. Avant de sortir, elle prit également un petit nécessaire à couture et un châle en laine.
De retour dans la salle commune, elle vida la casserole d’eau souillée et le rempli à nouveau avant de la poser entre les bûches incandescentes. Il ne fallut pas longtemps pour que l’eau se mette à bouillir. Une fois cela fait, elle s’empara d’une bouteille sur une étagère et en vida une longue rasade, donnant une couleur jaunâtre à l’eau.

« Ce distilla est une horreur à boire, mais il est efficace pour purifier les blessures. Je ne suis pas chirurgien ou apothicaire, mais j’ai quelques connaissances que je m’efforce d’approfondir. Je m’occupe des femmes enceintes, je sais comment empêcher le mal d’entrer dans le corps. Et j’ai déjà recousu des blessures. Si je suis parvenu à le faire sur un cerf et sur des chiens de chasse, votre épaule devrait être un jeu d’enfant. »


Tout en parlant, la demoiselle avait épongé les blessures avec un nouveau linge imbibé d’eau chaude et de liqueur. Si Scarocci avait mal, il n’en montrait rien. Dès qu’elle fut satisfaite, Sélène ouvrit son nécessaire à couture et en sortit du fil et une aiguille fine. Pour broder, elle était une experte. Alors elle ne doutait pas être capable de faire un travail propre et efficace. L’alcool avait dû endormir un peu la zone de la plaie, ce serait moins douloureux ainsi. Debout devant le chevalier, elle se mit au travail, penchée sur lui pour y voir le mieux possible, piquant d’une main et tenant la peau d’une autre. Pour se concentrer, elle se mit à parler presque en murmurant, sans faire attention à ce qu’elle racontait.

« La première fois que j’ai fait ça, je n’avais pas plus de dix ans. Bosco était le meilleur chien de chasse qui puisse exister, j’avais grandi avec lui. Il veillait tout le temps sur moi et m’accompagnait lorsque j’allais en forêt. Il levait les lièvres comme aucun autre. Un jour nous sommes tombés sur un sanglier qui a chargé et Bosco a essayé de lui faire peur pour qu’il fasse demi-tour. Cette brave bête m’a sauvé la vie, mais il s’est fait encorner. Mon père voulait l’abattre pour mettre fin à ses souffrances. J’étais désespérée et folle de chagrin, je me sentais responsable. J’ai ramené mon chien dans ma chambre et j’ai lavé sa blessure avant de la recoudre. Lorsqu’on est une fille de vicomte, on apprend à broder presque avant de savoir parler, l’exercice ne me semblait pas difficile. Bosco était très courageux, il avait mal mais il s’est laissé faire. Trois jours plus tard, il pouvait de nouveau se lever et marcher. Il est resté à mes côtés pendant encore cinq ans avant de s’éteindre de vieillesse. C’était une bête superbe : le poil noir et brillant, avec les pattes et le ventre couleur fauve. Une grosse tête carrée, des yeux intelligents… Je l’adorais. Il ne m’a jamais trahi et a toujours veillé sur moi. En échange, je prenais soin de lui presque plus que de moi-même, je l’emmenais partout où j’allais, je ne lui refusais aucune promenade, aucune pièce de viande. Ma mère devenait folle lorsqu’elle le trouvait dans mon lit, mais je ne voulais pas qu’il dorme ailleurs. Elle me menaçait de rester vieille fille si je persistais à mettre ce chien au centre de mon attention. Mais il avait pour moi plus de valeur que n’importe quel mariage, je préférais l’avoir lui plutôt qu’un homme, car je savais que je pouvais compter sur lui pour me protéger. Ce qui ne serait peut-être pas le cas de mon mari. Quand j’y repense, c’est un peu ridicule, mais les enfants font souvent des choses ridicules, n’est-ce pas ? »


Sélène relâcha sa respiration dans un soupir satisfait et fit habilement un nœud avant de couper le fil avec ses dents. C’était du beau travail, bien propre. Un sourire éclaira son visage et elle se redressa après avoir épongé une dernière fois les plaies suturées pour les nettoyer du sang qui avait suppuré et les anesthésier à nouveau. Elle resta un moment à observer ces deux lignes irrégulières et rouges qui tranchaient avec la blancheur de la peau. S’il n’avait pas émis de la chaleur, elle aurait pu croire que Scarocci était un mort revenu des limbes. La prêtresse s’écarta pour retourner à la petite cuisine où elle avait vu une petite marmite pleine l’attendre. C’était certainement son dîner. Il y en avait bien assez pour deux. Elle posa la marmite près des flammes pour en réchauffer le contenu et sortit un bol en bois ainsi qu’un pilon. Elle versa d’une main la moitié du contenu d’une de ses bourses en cuir, écrasant consciencieusement le tout de l’autre, grâce au pilon. Les graines de pavot avaient de grandes propriétés calmantes et analgésiques. Il était même possible d’en extraire une drogue puissante aux effets euphoriques. Scarocci n’aurait qu’à mélanger cette poudre avec son repas.

Des cris sinistres résonnèrent alors dans la nuit. Sélène suspendit son geste un instant, avant de reprendre, les épaules un peu raides. Elle revint près du feu avec le bol de pavot ainsi qu’un autre vide et deux cuillères de bois. Il fallait ignorer les bruits.
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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyJeu 21 Jan 2016 - 22:47
Scarocci se laissa conduire par Selène, la suivant en faisant de tout petits pas avec ses grandes jambes. Une fois qu'ils furent rentrés dans le bâtiment, elle ferma la porte à double tour, avant de traîner Scarocci par le poignet. Le chevalier s'était arrêté pour regarder la décoration. La pièce était vaste, chargée et aérée, et renforcée autant que possible. Mais ils n'étaient que deux, accompagnés d'un petit feu presque froid.

Sélène l'installa sur le tabouret et alimenta le feu, avant de faire... la cuisine ? Dans le même temps, elle demanda au chevalier de retirer son armure.

" Haha ! Pas question ! Je suis très bien dedans ! "

Elle insista.

" Non. "

Ré-insista.

" Noooooooooooooon... "

Elle recommença. Il rigola, avant d'essayer de la détendre et l'effrayer.

" Je suis nu sous cette armure vous savez ? "

Elle soupira de lassitude, même s'il put deviner l'ombre d'un sourire, ce qui le fit sourire lui-même. Il devint plus sérieux.

" Si des fangeux brisent cette porte, je préfère avoir mon armure pour les affronter. Elle m'a sauvé la vie des dizaines de fois. "

Même si elle était lustrée régulièrement, un oeil avisé remarque sans prblème les traces de coups, de griffures, d'éraflures, et des bosses typiques indiquant un re-forgeage complet ou partiel de certaines pièces. Finalement, elle parvint à le convaincre de retirer son bras.

Heureusement, ce n'était que le gauche. Il enleva son gantelet, ses canons d'avant et d'arrière bras, et sa spallière. Le métal tinta sur le sol, alors qu'il exposait son bras nu, blanc comme la neige, aux veines violettes, et entièrement glabre, bien qu'exagérément musclé.

Elle demanda ensuite qu'il retire son plastron. Avant qu'il dise un simple non, elle se leva et disparu dans un escalier.

" Bon. "

Il regarda autour de lui, tapant les pieds comme un enfant impatient. L'oeil de Scarocci s'imprégnait de l'endroit. Il pouvait y sentir le calme, la sérénité, les gens qui se retrouvent, qui discutent avec joie, avant de se coller les uns contre les autres, morts de peur. Un lieu de repos, de rencontre, et un futur tombeau. Il le sentait.

Sélène avait peur, elle aussi. Lorsqu'elle redescendit, le chevalier nota qu'elle s'était changée.

" Jolie robe. "

Elle se mit à sourire, avant de préparer une boisson, dont l'odeur faisait plisser les yeux de Scarocci. Il la cru de bon coeur lorsqu'elle dit que c'était une horreur à boire. Elle s'approcha ensuite avec son linge, une aiguille, et commença à recoudre Scarocci. Le chevalier ne sentait presque rien, regardant cette aiguille s'enfoncer dans sa peau et ressortir. Il se mit même à siffloter. Et se mit à regarder sa soigneuse, plus intéressante et agréable qu'une balafre sanguinolente.

Elle se mit ensuite à parler. De son chien. Bosco. Elle lui raconta son amour pour lui, la blessure qu'elle avait soignée, à quoi ressemblait le chien. Sa mort, et à quel point elle avait confiance en lui, avant de se trouver un peu ridicule.

" Pas du tout... c'est une très belle histoire ! " répondit Scarocci, la voix chargée par les lames, toujours aussi émotif. Et les belles histoires de ce genre le secouaient très facilement. Il renifla.

" Les chiens sont des animaux fantastiques. Je n'en ai jamais eu malheureusement. "

Il ne pouvait pas essuyer ses larmes sous son casque, alors il resta ainsi, supportant le liquide salé coulant sur son visage. Il remercia Sélène lorsqu'elle termina sa tâche.


Elle s'écarta alors qu'il soupirait de soulagement. Il avait pu garder son plastron. Il ré-enfila les morceaux de son armure, faite pour que le chevalier puisse l'enfiler seul, sans aide. Elle revint avec une marmite chargée, de la viande mélangée à du pain dans une soupe jaunâtre, et versa ce qui devait être leur repas. Puis, elle écrasa des graines dans un bol.

" Et bien, vous prenez soin de moi ! " dit-il en riant.

Puis, des cris, des hurlements. Le casque de Scarocci, qui cachait son visage, se releva avec lenteur, menacant et aux aguets.

" Ils arrivent. "

Les cris se firent de plus en plus forts. Grattement. Les Fangeux essayaient de défoncer les portes, tournant autour des palissades, hurlant et criant d'envie et de haine. Ils étaient si nombreux et criaient si forts qu'on aurait dit qu'ils étaient dans la pièce à côté. Il regarda Sélène. Elle tremblait, serrant les dents, les épaules raides.

Il tremblait lui aussi. Impossible de le cacher. Son armure faisait un petit bruit métallique alors que ses jambes tremblaient de manière presque incontrôlable. Il se mit à respirer fort. L’adrénaline emplissait tout le corps de Scarocci.

Il adorait se battre. Enfoncer son poing ou son arme dans la chair. Encaisser des coups, sentir la douleur prouver qu'il était en vie. Dehors, se trouvaient des dizaines d'adversaires, de quoi lui offrir, peut-être, quelque chose qui pourrait répondre à son attente d'un combat lui retournant le sang et la tête.

Des dizaines de créatures qu'il fallait tuer, et qui risquaient d'emporter et de massacrer des innocents.

Et le pire ? C'est que s'il sortait, il mettait la dame Colombe en danger.

" Je déteste ça. Attendre. Rester inactif. "

Bois brisé. La porte avait été brisée. Il vit au regard de Sélène que ce n'était pas quelque chose de normal. Plusieurs fangeux tournaient autour du presbytère, d'autres se répandant dans les rues vides.

Scarocci se leva, avant de se saisir de son épée. Il la sorti de son fourreau. La lame était longue, épaisse, et lourde. Une épée bâtarde, qu'il utilisait comme une simple épée longue, dont la lame bleutée reflétait la lumière. Il la fit tournoyer dans ses bras, avant de regarder Sélène.

" Vous n'avez rien à craindre, tant que je suis ici. "

Il ne pouvait en dire autant des autres, mais préféra rester rassurant.

Il détestait ça. Réfléchir. Arrêter d'être insouciant. Devoir être sérieux. La noirceur de la vie envahissait son esprit. Sa respiration, lourde, était devenue plus calme, contrôlée. Plusieurs minutes passèrent. Quelques Fangeux tapaient à la porte et aux fenêtres, avant de s'éloigner. Un cri plus fort, plus grave et puissants que les autres se faisait entendre de temps en temps.

" Dès que quelqu'un se met à crier, je sors. "

Il reporta son attention sur Sélène, demandant d'une voix plus douce et presque paternelle.

" Ça va ? "
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Sélène de ColombelHaute-Prêtresse de Serus
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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyVen 22 Jan 2016 - 0:44
« Eh bien, vous prenez soin de moi ! »
« C’est une maigre récompense pour m’avoir sauvé la vie. Par deux fois déjà. »


Le bruit horrible des fangeux contre la grande porte du village devait avoir réveillé tout le monde, si tant est que certains se soient déjà endormis. Lorsque le craquement sinistre du bois qui s’arrache à ses gonds retentit, un frisson désagréable remonta dans le dos de la jeune femme et instinctivement, elle fit un pas vers le chevalier pour rester dans son giron. Sélène n’était pas quelqu’un de particulièrement peureux, mais les fangeux la terrifiaient avec une rare efficacité. Le fait qu’il s’agisse d’humains morts, en état de putréfaction avancée et n’ayant comme unique but que de tuer d’autres humains avait un côté malsain et morbide qui la faisait frémir. Depuis qu’elle en avait vu pour de vrai, elle avait l’impression d’être redevenue une petite fille qui tremble face aux créatures de la nuit – elle qui n’avait jamais eu peur du noir, même en forêt.

Scarocci avait empoigné son épée et s’était relevé, visiblement prêt à en découdre si la moindre monstruosité apparaissait dans son champ de vision. Mais qu’est-ce qu’il essayait de prouver ? Il n’en avait pas eu assez avec une blessure ? Il en voulait d’autres ou alors est-ce qu’il voulait tout simplement mourir ? Peut-être que c’était juste de la fierté masculine ou qu’il voulait rouler des mécaniques devant elle. La jeune femme avait deux frères aînés, elle en savait un rayon sur les comportements stupides des hommes pour les beaux yeux des dames et trouvait cela à la fois stupide et charmant. Elle espérait juste que pour cette nuit, il se contenterait de faire le coq et qu’il ne plongerait pas réellement tête baissée dans la mêlée. Comme pour la rassurer à ce propos, il tourna vers elle la fente de son casque et lui assura qu’elle n’avait rien à craindre. En réponse, elle fit l’effort de sourire un peu.

« Dès que quelqu'un se met à crier, je sors. »
« J’espère que vous plaisantez… »
marmonna-t-elle.
« Ça va ? »

La jeune prêtresse se demanda quelle tête elle pouvait bien faire pour qu’il lui pose cette question. Elle inspira profondément et fit appel à tous ses talents de comédienne pour étouffer sa peur tout au fond d’elle. Un air presque serein se peignit sur ses traits fins et un sourire d’une grande douceur fit briller le bleu de ses yeux :

« Oui, ne vous en faites pas pour moi. J’ai connu bien pire. »


Les borborygmes des créatures se dispersèrent un peu, signe que la meute s’était éparpillée dans le village. Et ça c’était la meilleure nouvelle qui puisse tomber pour l’instant car trois fangeux grattant à une porte barricadée, ce n’était pas grand-chose comparé à vingt fangeux se déchaînant contre un panneau de bois. Sélène posa doucement une main sur le bras du seigneur Corbera pour l’inciter à baisser son épée.

« Aucune barricade ne tombera. Tous les habitants sont habitués et préparés, ne vous inquiétez pas. Et si vous entendez crier, il est déjà trop tard alors je vous interdis de sortir. Vous les feriez entrer… »


Elle s’écarta pour retourner près du feu, s’asseyant à même le sol avant de s’adosser à un des montant de pierre. Pour essayer de se calmer, elle inspira profondément et relâcha sa respiration, petit à petit.

« Ne vous agitez pas avec votre blessure. Sinon vous allez déchirer les fils et ça sera pire qu’avant. Asseyez-vous et dites-m ’en plus sur vous. Cela nous évitera de penser à ce qui se passe dehors. Votre nom m’est parfaitement inconnu, vous n’êtes pas du pays de Langres, n’est-ce pas ? D’où venez-vous ? »


Scarocci Corbera. Ce nom roulait sur la langue avec quelque chose chantant. Et le personnage qui le portait était des plus étrange lui aussi. Il refusait d’enlever son casque, même si dans la pénombre du presbytère il ne devait pas y voir grand-chose, il courait inconsciemment au-devant du danger, il était à la fois un rempart inébranlable et un gamin innocent. La cohabitation de tout cela dans un même être était intrigante. Mais Sélène s’était toujours plus attachée aux animaux étranges qu’aux autres, alors ça devait être la même chose pour les hommes.
Elle ramena ses genoux contre elle et les entoura de ses bras, laissant aller sa tête contre le mur derrière elle. La lumière dansante du feu jetait des éclats rougeoyants sur son profil, traçant des ombres mouvantes sur les plis de sa robe et sur les murs de la grande salle. Ses cheveux, qui avaient été mouillés par la neige fondue, étaient désormais parfaitement secs et s’étalaient en vagues innombrables sur ses épaules, dans le creux de son cou, lui procurant une caresse familière là où sa peau était nue. Elle regardait sans détour le chevalier qui lui faisait face : il la dépassait de plus d'une tête et elle se demandait en quoi il pouvait être fait. Il n'était pas invincible, il avait même une jambe boiteuse, mais il ne semblait pas s'affoler des blessures qu'il pouvait recevoir. Le fait qu'il soit si pâle l'étonnait aussi beaucoup et lui donnait envie de voir s'il était aussi blanc de la tête aux pieds. Encore un mystère autour de ce personnage sortit de nul part. Et la jeune femme n'aimait pas les secrets. "Tu es trop curieuse ma fille, ça te jouera des tours" lui répétait sa mère, mais jamais Sélène n'avait essayé de réprimer cet aspect de sa personnalité. Aujourd'hui, et pour mieux oublier que dehors la mort rôdait, l'objet de toute son attention serait l'homme dont elle venait de recoudre une plaie béante.
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Scarocci CorberaChevalier itinérant
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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptySam 23 Jan 2016 - 23:58
Sélène essaya de rassurer Scarocci, en lui disant que les habitants ne craignaient rien. Qu'ils étaient préparés, qu'ils avaient l'habitude. Le chevalier se demanda comment quiconque pouvait accepter de vivre ainsi dans la peur. Mais lorsqu'elle toucha son bras, il ne résista pas et baissa son épée, sans pour autant la lâcher. La jeune femme s'écarta pour s'asseoir dans un coin de la pièce.

" Bah ! Mon corps est ainsi fait ! Il se répare tout seul ! Et puis... j'ai une armure ! "

Il tapa du poing sur le pectoral de son armure, faisant un "bonk" sonore.

" Enfin, si vous voulez que je parle..."

Il se retourna, avant de remarquer le distillat que lui avait préparé Sélène. Après avoir déposé son épée sur le sol, il se saisit d'une louche et en prit une bonne rasade, accroupi devant la casserole. Il tourna son casque légèrement vers Sélène, pointant la casserole qui était au repos comme un dangereux animal sommeillant.

" C'est normal que cette eau ressemble à de la pisse ? "

Il se leva, tenant toujours la louche.

" Je n'aurais peut-être pas l'occasion de boire ca plus tard, alors autant le faire maintenant " dit-il avec un pessimisme surprenant. Il tourna le dos à Sélène, et fit remonter son casque jusqu'à ce que ses lèvres soient à découvert. De dos, on pouvait tout juste voir le haut de son cou, tandis qu'il buvait le liquide.

Il se mit à cracher et toussa, avant de parler d'une voix étranglée, faisant penser à une souris écrasée.

" Par la Dame, ce goût est horrible ! "

Il termine d'enfiler complètement son casque pile au moment où il se trouvait en face de Sélène.

" Donc ! Mon histoire ! " Il fit quelques pas vers son épée, et commenca à s'accroupir, avant de se mettre à genoux pour rattraper son épée qui se trouvait à terre. Il se leva avec lenteur, avant de masser son dos armuré.

" Haha ! Je ne suis plus de première jeunesse ! "

Comme s'il était au théâtre, bien qu'il n'ait qu'une spectatrice, il fit un grand mouvement, les bras écartés, l'un tenant son épée.

" Arcadia ! C'est de cette contrée que je viens ! Elle se trouve loin, très loin, à l'Est de votre monde ! J'en suis le prince héritier, l'espoir de ce peuple courageux et simple ! "


Sur le ton de la confidence, il s'approcha de Sélène, chuchotant.

" Il sont même un peu simplet... heureusement, je remonte le niveau. "

Puis,il fit un pas de coté, avant d'orienter son regard vers la droite, avant d'imiter à la perfection une voix féminine, celle de Sélène, quoi qu'avec un ton de voix extrêmement niais.

" Mais monseigneur Corbera, pourquoi êtes vous seul loin de chez vous ? "

Il refit un pas de côté, regardant vers la gauche, s'adressant à lui-même, où plutôt à la Sélène imitée.

" Car comment être un bon roi lorsqu'on ne connaît rien d'autre que son royaume ! Chez les Arcadiens, il est de tradition que le futur roi parte du pays, et ne revienne qu'avec une personne très spéciale ! " Son ton de voix changea, devenant plus mystérieux "Une femme ! Une épouse digne de lui et de son pays ! Ce n'est que ce moment venu, que je pourrais retourner chez moi ! "

Changement de personnage.

" Oooooh, c'est siiiiii romantiiiiiique ! Et à quoi ça ressemble Arcadia ? "

" Hahaha ! C'est beau ! Très beau ! Des plaines à perte de vue, immense, colossales, avec des forêts parsemant le paysage ! Nous n'avons pas beaucoup de montagnes, aussi, l'horizon est d'un vert vif et d'un bleu ciel ! Il n'y a pas d'ailleurs pas de ville, ou de village à proprement parler. Oh, bien sûr, il y a le fort familial, mais il ressemble plus à une énorme maison en pierre qu'à une forteresse ! Mais tout le pays est constellé de maisons, de propriétés et de bâtiments, entrecoupés par de verts pâturages et des récoltes s'étalant sur des lieues et des lieues ! "

Il reprit son souffle, avant de reprendre la parole, avec quelques trémolos dans la voix.

" Nous y vivons bien. Il n'y a pas de guerre, ni de mauvais temps. Les jours sont toujours chauds et illuminés. Mais les nuits sont noires, et pluvieuses ! "

Il revint à la position d'interrogateur, mais ce n'était plus Sélène qui parlait. Scarocci imitait cette fois la voix d'un soudard.

" ATTEND ATTEND UN PEU LE CHEVALIER ! Si y'a pas de guerre, pourquoi y a des ch'valiers ? Hein, hein ? "

Hop. Scarocci reprend la parole.

" Bonne question ! Nous nous battions, autrefois, mais nous sommes devenus unis ! La nature des hommes, hélas, nous incline au combat ! Aussi, afin de ne pas devenir des hommes mous, faibles et sans détermination... "

Un cri. Un cri dans la nuit. Pas celui d'un humain, mais d'un fangeux, qui cognait avec une forte herculéenne contre la porte. Scarocci pointa son épée vers la porte qui était légèrement enfoncée. Sa voix changea du tout au tout, devenant impériale et puissante, roulant telle une lame de fond, secouant les teintures et les toiles, faisant penser au brâme d'un cerf.


" AH LA FERME, JE SUIS EN TRAIN DE PARLER ! Donc, nous continuons de nous affronter entre nous, dans d'épiques tournois chevaleresques et des joutes mettant en scène les plus fiers guerriers du pays ! "


Il termina, enfin, par une révérence devant Sélène, son épée faisant un doux son dans l'air.

" Alors, Dame Colombe ? Satisfaite de mon récit ? Et vous, d'où venez vous ? Vous êtes un peu jeune pour être une haute-prêtresse, bien que je ne connaisse rien aux cultes d'ici. "
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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyDim 24 Jan 2016 - 4:09
La jeune femme ne s'attendait pas vraiment à un spectacle complet, mais elle était très favorable à toute loufoquerie qui pouvait les sortir un peu de l'atmosphère pesante qui planait. Le ton grandiloquent du chevalier et ses gestes exagérés donnaient l'impression qu'il était en train de se produire sur une scène et Sélène joua le jeu avec plaisir, se laissant même complètement entraîner dans l'histoire abracadabrantesque. Alors comme ça, il était prince héritier d'un royaume lointain et inconnu qui avait des allures de paradis ? Et il venait pour trouver une femme, rien que ça. Elle failli éclater de rire lorsqu'il imita sa voix avec beaucoup de talent et ne chercha pas à lui faire remarquer qu'elle n'était pas aussi niaise que ça. Elle n'avait aucune envie de démonter un récit aussi haut en couleurs. Qu'il soit réel ou complètement fictif, peu importait au fond, elle avait demandé qu'il raconte et il s'était exécuté sans rechigner, parvenant même à l'arracher à son angoisse. C'était comme de retomber en enfance lorsque le vieux conteur du coin venait demander à passer la nuit au chaud et qu’il payait son dîner avec des légendes fabuleuses. Sélène y était toujours très attentive et si en grandissant elle s'était efforcée de ne plus se montrer aussi rêveuse, elle s'émerveillait toujours aussi facilement.
Le beuglement du fangeux la fit sursauter, perçant la petite bulle de savon dans laquelle elle s'était enveloppée. L'espace d'une seconde, elle crut que les monstres allaient défoncer la porte, mais Scarocci ne se laissa pas démonter et sa voix à elle seule parut repousser l'attaque. La demoiselle allait de surprise en surprise avec cet énergumène, elle ne s'était pas attendu à ce que ce grand enfant un peu étrange puisse avoir une voix aussi sourde et puissante. En un clin d’œil, il était devenu exactement le chevalier qu'il semblait être lorsqu'on l’apercevait, puis l'impression s'estompa alors qu'il revenait à son récit. Pourtant les poutres vibraient paraissaient vibrer encore... En tout cas, c'était le cas de Sélène, qui ne voyait plus son patient sous le même angle. Si tant est qu'elle puisse s'être fait une idée définitive de lui depuis leur rencontre. L’artiste salua finalement son public qui se permit d’applaudir doucement pour cette prestation aussi inattendue qu’attendrissante.

« Alors, Dame Colombe ? Satisfaite de mon récit ? Et vous, d'où venez-vous ? Vous êtes un peu jeune pour être une haute-prêtresse, bien que je ne connaisse rien aux cultes d'ici. »

Ça, elle s’y attendait plus ou moins. Et si en temps normal elle n’étalait pas vraiment son histoire, pour ce soir elle ferait une exception. Non seulement ça la tiendrait occupée, mais peut-être que ça l’exorciserait aussi un peu de la douleur sourde et permanente qui la rongeait de l’intérieur et dont elle ne laissait jamais rien paraitre.

« Vous n’êtes pas le premier à me le dire. Mais c’est vrai qu’on pourrait s’attendre à ce que je ne sois que prêtresse. En fait la raison est pragmatique : je suis douée pour écouter les gens et pour m’occuper des femmes enceintes. Le temple fait valoir mes oracles concernant les enfants à naître. Et pour asseoir un peu mon autorité, ils m’ont nommé haute-prêtresse. Sans compter qu’ils avaient besoin de quelqu’un pour gérer les choses à Marbrume et mon mentor est déjà haut-prêtre ici, sur le plateau. »


Sélène laissa de nouveau aller sa tête contre la pierre et un petit soupir lui échappa. Le sourire qui étirait la commissure de ses lèvres n’était plus le même sourire joyeux, il avait quelque chose de las. Et son regard se perdit un instant dans les ténèbres qui entouraient la porte. L’espace d’une seconde, elle sembla ailleurs, très loin du presbytère, du plateau du Labret et de Morguestanc. Puis son esprit parut réintégrer son corps et elle se releva en époussetant sa robe.

« Je vais essayer de vous raconter une histoire moi aussi. Elle sera sans doute moins fantastique que la vôtre, vous m’en excuserez. Je viens d’une terre vallonnée et couverte de forêts, le long de la côte. L’air est à la fois salé et doux, il y a beaucoup de mousse sur les arbres et le vent chante presque tous les jours dans leurs branches. C’est le domaine de Cerbois, le territoire de mes ancêtres et le mien aujourd’hui. C’est une terre qui appartient aux loups. »
ajouta-t-elle avec cette fois une étincelle un rien farouche dans les yeux et un demi sourire mystérieux.
« Une meute y vit depuis des générations, ce sont tous de grands chasseurs. Pour que les hommes les acceptent un peu mieux, ils ont pris le nom de Colombel afin de ne pas les effrayer. Mais sous leurs plumes blanches se cache toujours un fauve. »


Elle fit un tour sur elle-même en tenant sa robe pour en faire une corolle ouverte autour de ses jambes, comme si l’oiseau retirait son plumage fragile. Sélène n’était pas encore une louve bien agressive, il lui manquait un peu d’expérience pour cela, et elle devait maintenir cette part d’elle-même bien cachée car ce n’était pas ce qu’on attendait d’une haute-prêtresse. Mais ses proches le savaient bien, elle n’était pas la petite fille fragile qu’on s’imaginait aisément.

« Il y a vingt ans, le jour de ma naissance, est apparu à Cerbois un troupeau de biches blanches. Mon père voulait en abattre pour me faire un manteau avec sa fourrure, mais il n’est jamais parvenu à les retrouver lorsqu’il avait ses armes avec lui. Pourtant c’était le meilleur loup qui soit… On a fini par croire que ces biches étaient une légende ou une hallucination. Mais… »
Cette fois se fut à son tour de prendre un air de conspiratrice et elle se pencha près du casque de Scarocci pour lui murmurer son secret. Si près, elle pouvait voir la couleur de ses yeux.
« Moi je les ai vu. Et pas qu’une fois. »


Elle se redressa, les mains derrière le dos avec un air mutin sur le visage.

« Je détestais restée enfermée, alors je partais de chez moi pour aller découvrir la forêt. Je partais à la recherche des animaux que je voyais dans les livres de la bibliothèque. Et un jour, je les ai vu. Près du ruisseau où je jouais toujours, elles étaient là, avec leurs faons. La plus vieille a levé la tête vers moi et m’a regardé sans bouger. Je n’osais même plus respirer. Elle a étiré le cou et j’ai approché ma main, juste assez près pour qu’elle la flaire. Puis elles sont parties, tranquillement. Et lorsque je suis rentrée, je n’ai rien dit à personne. Une petite louve, ça ne fait pas ami-ami avec les biches, ça doit les chasser. »
Sélène s’empara alors d’un arc invisible et encocha une flèche avant de le bander, avec une position parfaite. Elle visait la porte, prête à embrocher quiconque la franchirait.
« J’ai appris à chasser à cheval en même temps que d’apprendre les danses de la cour. Et j’aimais ça autant que d’explorer la forêt. J’ai transformé ma chambre d’enfant en refuge pour animaux blessés, j’y soignais les oiseaux, les renards, les chiens, les chats, les hérissons… C’est comme ça que le père Tibalt m’a remarqué. »


Ses bras retombèrent doucement le long de son corps. Replonger dans cette époque heureuse était à la fois délicieux et douloureux. C’était un autre temps, jamais elle ne pourrait retrouver les mêmes sensations à moins d’abandonner définitivement la prêtrise et de se détacher des affres de la cour pour ne se consacrer qu’à la chasse. Mais était-ce ce qu’elle voulait à long terme ? Pouvait-elle ruiner tous les efforts de ses parents, tous ses efforts à elle, simplement pour essayer de retrouver un peu de la liberté qu’elle avait étant enfant ? Non, elle n’avait pas le droit. Aujourd’hui elle avait des responsabilités et les fuir ne la rendrait pas plus heureuse.

« Mes frères étaient les bras armés de ma famille, moi je n’avais comme perspective que de me marier à celui qu’on m’avait choisi. Servir Serus me permettait d’ouvrir une nouvelle voie. J’ai donc été formée et j’ai découvert que j’étais douée pour tout ce qui touchait aux enfants. Une aubaine pour l’église puisque ce n’est pas un domaine très prisé des hommes. Leur seule grosse déception reste que leur haute-prêtresse n’est pas mariée et n’a aucun enfant. »

De nouveaux coups retentirent à la porte et elle recula instinctivement d’un pas.
« Je n’ai pas peur des bêtes, ni du noir. Je n’ai jamais été une pauvre jeune fille perdue en forêt et je ne le serais jamais. Mais ces choses… Elles me glacent le sang. Elles m’ôtent tout courage et je me retrouve à trembler toutes les nuits en priant pour qu’elles ne puissent pas m’atteindre. »


Sélène semblait avoir remis son manteau de plumes de colombe. Elle se sentait un peu bête, son histoire avait tourné presque à l’aveu. À vrai dire, depuis l’arrivée des fangeux, elle était bien contente de pouvoir se réfugier derrière l’image de la prêtresse, cela lui permettait de fermer les yeux lorsqu’elle avait peur et de trembler à sa guise. Mais quelque chose lui disait que bientôt, son sang et son nom se rappelleraient à elle et qu’il faudrait alors se tenir droite et ferme face aux ténèbres grandissantes. Est-ce que choisir la facilité tant qu’elle le pouvait faisait d’elle une lâche ? Très certainement. Du loup elle avait le cœur et les crocs, mais savait-elle encore s’en servir ? La question la taraudait de plus en plus ces dernières semaines.

« Je suis désolée, c’était un peu long et très certainement ennuyeux. Je crois que c’est la fatigue qui me rend si volubile. Peut-être qu’il est temps pour moi d’aller me coucher. Venez, je vais vous montrer où vous pourrez dormir, si tant est que vous y parveniez. L’étage est de toute façon plus facile à défendre que cette pièce. »


Après avoir rapidement vidé son bol du ragoût qu’il contenait, elle prit la direction des escaliers qu’elle avait déjà empruntés. Les vagissements des fangeux dehors ne s’étaient pas intensifié, on pouvait prendre ça comme une bonne nouvelle. L’escalier était étroit, on aurait eu du mal à y passer à deux de front. Il montait tout droit avant de tourner à gauche. Une porte se trouvait tout en haut, donnant sur un petit couloir avec une unique fenêtre. Tout au bout se trouvait une nouvelle porte, que la jeune femme poussa pour révéler la pièce où elle vivait. Une nouvelle fenêtre donnait sur le flanc gauche du bâtiment. Elle n’osa pas regarder et veilla à tenir la lampe éloignée pour que la clarté n’attire pas l’attention de monstres. Il y avait là un grand lit au montant très simple mais solide, une table de chevet, une coiffeuse avec un pichet d’eau et quelques affaires à Sélène, une commode sur laquelle reposait pour l’instant l’ancienne robe qu’elle portait et qui devait sécher. Un paravent replié était destiné à séparer l’espace où se trouvait le lit du reste de la pièce.
La jeune femme ouvrit le tiroir le plus en bas de la commode et en tira trois grosses couvertures. Puis elle prit un des deux oreillers présents sur le lit – c’était un grand luxe pour ce village – et revint près du chevalier.

« Voici de quoi vous installer. C’est très sommaire, mais demain nous vous trouverons mieux, je vous le promets. La bienséance me dicte de vous installer dans le couloir, mais au diable les convenances, je ne vais pas vous imposer de dormir sur mon seuil comme un chien de garde alors qu’il y a ces… choses… qui rôdent. Nous allons fermer les deux portes, ainsi nous les entendrons arriver si jamais elles parvenaient à entrer dans la salle commune. »


Elle déposa son chargement sur le haut de la commode et à la lumière tremblotante de la lampe, Scarocci put deviner le sourire gêné qu’elle affichait.

« Je suis profondément désolée de vous avoir crié dessus tout à l’heure. Ce n’était ni très gentil, ni très juste. Vous êtes très certainement le chevalier le plus étrange que je connaisse, il faut être complètement fou pour affronter des fangeux comme vous l’avez fait et revenir avec le sourire, mais vous êtes aussi la personne la plus courageuse et généreuse que je croise depuis longtemps. Vous m’avez aidé sans vous poser de questions, vous êtes prêt à vous ruer dehors pour des gens que vous ne connaissez même pas et vous n’avez encore rien demandé en échange de toute cela. Merci infiniment. »


Ne sachant pas vraiment pas quoi terminer, elle esquissa une révérence et alla tirer le paravent avant de se faufiler derrière, comme une ombre. Sans une hésitation, elle délassa rapidement le corsage de sa robe et laissa cette dernière glisser par terre, ne conservant que la légère robe blanche qu'elle portait dessous. Il ne faisait pas très chaud et un frisson plus tard, elle entrant dans les draps, espérant comme chaque nuit qu'ils seraient son armure, son mur infranchissable.


Dernière édition par Sélène de Colombel le Dim 24 Jan 2016 - 16:30, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyDim 24 Jan 2016 - 15:40
Les rôles s'étaient échangés, le conteur devenant l'audience. Lorsque Sélène raconta son histoire, Scarocci s'assit en position du lotus, son épée reposant sur ses jambes. Il regardait Sélène avec une vénération muette, buvant ses paroles. Si l'on pouvait entendre sa respiration, l'armure vivante ne bougeait plus, ressemblant à une statue alors que le chevalier se concentrait exclusivement sur son interlocutrice.

Ainsi donc, la jeune femme qu'il pensait être une douce colombe fragile cachait sous ses plumes une louve farouche et aventurière. Une belle chasseuse, une cavalière et une guérisseuse érudite. Lui qui n'avait aucun talent commença à admirer la personne se trouvant devant lui.

Elle ne lui cacha rien, contrairement à lui. Le chevalier comprit donc pourquoi elle était devenue prêtresse, et comprenait son choix.

Lorsque les fangeux se remirent à cogner, le casque de Scarocci s'orienta lentement vers la porte, se trouvant de profil face à Sélène. Ses doigts caressaient doucement la lame de Gae Bolg. Puis, elle termina son histoire.

" Je ne me suis pas ennuyé, au contraire. Vous êtes une bonne conteuse. "

Fatiguée, elle déclara vouloir aller se coucher, et proposa à Scarocci de la suivre pour qu'il sache l'endroit où il allait dormir. Le chevalier avait l'habitude de dormir par terre ou contre son cheval, mais avec des fangeux dehors, c'était du suicide, même pour lui. Il préféra ne rien dire sur ses préférences, restant immobile tandis que Sélène mangeait, ne touchant pas à son repas, préférant rester casqué.

L'homme et la femme montèrent les escaliers, le poids de Scarocci faisant grincer le bois. Elle l'emmena alors dans sa.... chambre ?

C'est quasiment à reculons que Scarocci continua de suivre Sélène. Il regardait autour de lui. La chambre était plutôt agréable, le lit deux places l’appelant dans son esprit. Un vrai appel à s'allonger dessus et à dormir. La jeune femme fouilla dans ses tiroirs tandis que le chevalier restait planté, la regardant. Elle déposé des couvertures et un oreiller sur une commode, et il s'en saisit. Puis, elle lui l'invita de s'installer dans sa chambre.

Scarocci regarda Sélène, les couvertures, le lit, le sol de la chambre, les couvertures, Sélène, les couvertures, la chambre. Il s'était légèrement affaissé et les iris de ses yeux venaient de s'agrandir d'un coup.

Elle se mit ensuite à le complimenter, beaucoup, presque trop à son goût. Scarocci n'avait guère l'habitude des compliments et ne savait jamais réagir proprement devant eux. Il prit la parole d'une voix émue et visiblement très gêné, se rabaissant au passage.

" Voyons ! C'est normal ! J'ai la force et les armes, il est aisé d'être généreux et courageux ! Si je n'avais ni l'un ni l'autre, je me serais sûrement enfui lâchement ! "

Comme un fantôme, elle disparu derrière le paravent et Scarocci pu entendre de manière distincte le bruit des vêtements qui tombent et le frottement du tissu contre la peau nue. Le coeur du chevalier battait à tout rompre et sa respiration était devenue aussi sonore que celle d'un taureau. Le chevalier était visiblement très, très mal à l'aise devant la situation, même si la jeune femme n'avait pas fait l'ombre du début de l'ébauche d'une avance. C'est avec une voix très affectée qu'il prit la parole.

" Je, euh... d... d'accord. Je vais dormir là bas. Dans le coin. Entre l’armoire et le mur. J'y... serais bien. Haha. Ha "

Tout le courage et le panache du chevalier s'était évanoui, et c'est avec un malaise faisant penser à la peur panique que le chevalier parlait. Il se déplaça derrière le paravent, même si cela ressemblait plutôt à une fuite précipitée, et Scarocci avait longuement hésité entre accepter et s'enfuir quasiment en courant.

Il commença à enlever son armure, avec une lenteur exagérée, ne gardant absolument rien, si ce n'est son casque. Il jeta un œil par dessus le paravent. Ses phrases étaient devenues courtes et informelles.

" Bonne nuit Sélène. Merci encore pour votre gentillesse. Je suis content de vous avoir rencontrée. Ne me réveillez pas demain. "

Il enleva son casque, rangeant ses affaire. Puis, il déplaça le paravent, de telle manière à ce qu'il soit entre le lit de Sélène et son "coin de pièce", allant du mur jusqu'à la commode. Abrité derrière cette protection, il se sentait plus tranquille.

Sans son armure de plates, sa cotte de maille ou même ses sous vêtements, il dormait intégralement nu. Il disposa ses couvertures de manière à se faire un lit confortable, avant de s'allonger en position foetale, respirant avec force, n'arrivant pas à cacher son stress.

La présence de son épée à côté de lui le rassurait. Si quelqu'un entrait, il saurait défendre la Colombe.

Roulé en boule et sous ses couvertures qui cachaient tout son corps, du crâne jusqu'aux pieds, il commença à s'endormir.
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Sélène de ColombelHaute-Prêtresse de Serus
Sélène de Colombel



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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyDim 24 Jan 2016 - 19:18
Emmitouflée jusqu’au nez, la jeune prêtresse fixait un point invisible sur le mur. Elle écoutait les bruits de pas du chevalier, imaginait son parcours. Il avait l’air d’avoir du mal à respirer sous son casque, son armure devait lui peser après toute une journée à la porter. Le bruit de métal qu’il faisait à chaque pièce qu’il retirait dura un bon moment. Il n’avait peut-être pas assez de lumière pour voir ce qu’il faisait ? Ou alors il essayer de faire le plus doucement possible. Lorsqu’il lui souhaita une bonne nuit, elle répondit d’une voix un peu étouffée par les draps :

« Bonne nuit Scarocci. Moi aussi je suis contente de vous connaître. »


Étrangement, le fait de souhaiter bonne nuit à quelqu’un l’apaisa, la ramenant à une époque où elle vivait sous le même toit que sa famille. Elle ne prêta même pas attention au fait que le chevalier déplaçait son paravent pour le mettre entre eux. Doucement mais sûrement, le sommeil la rattrapa et elle se sentie aspirée par les ténèbres.
***
Elle était chez elle, à Cerbois. Habillée pour aller à la chasse, son arc passé en travers de sa poitrine, un carquois plein contre la cuisse. Il y avait un grand soleil au-dessus de la forêt et le vent agitait doucement les feuilles des arbres. Elle avançait sans un bruit entre les fourrés, se gorgeant de l’odeur des bois, de la caresse de la brise d’été, du chat des oiseaux. Le sol sous ses pieds étouffait ses pas tandis qu’elle progressait sur un sentier qu’elle arpentait souvent, autrefois. Il la mena directement jusqu’au petit ruisseau où l’attendait un grand cerf à la robe immaculée. Dans sa ramure, du liseron en fleur se disputait la place avec de la mousse verte. Tout naturellement, Sélène s’approcha pour le caresser avant de montrer sur son dos. D’un bond prodigieux, le cerf traversa le cours d’eau et s’élança dans la forêt. La jeune femme sentait son cœur battre à tout rompre alors que la paysage défilait si vie autour d’elle qu’il en devenait flou.
La course effrénée prit fin sur le bord d’une falaise. La jeune femme descendit de sa monture étonnant et avança jusqu’à ce que la pointe de ses pieds soit presque dans le vide. Plusieurs mètres plus bas, la mer grondait et s’écrasait contre la pierre avec fracas, éclatant ses vagues en centaines de gerbes d’écume et une bruine salée venait couvrir la peau de Sélène. Elle ferma les yeux un instant, se laissa envahir par le bruit du vent et de la mer, par la sensation de totale liberté qui s’offrait à elle. Jusqu’à ce que quelque chose vienne la perturber dans sa méditation. Une pointe d’inquiétude qui enflait dangereusement vite et qui se transformait en angoisse. Elle se retourna et ne vit plus trace du cerf. Le ciel s’était couvert de nuages sombres et la forêt était noire et morte. Plus de chants d’oiseau, plus de feuilles dans les arbres, juste des branches nues qui faisaient un bruit d’os qui s’entrechoquent. Une violente bourraque la poussa dans le dos et elle tomba à genoux. Puis des silhouettes s’avancèrent, trainant les pieds, maugréant des malédictions incompréhensibles. Ils étaient dix, ils étaient cent, ils étaient mille. Leur face décomposée fut bientôt clairement visible, ainsi que leurs griffes, leurs crocs, leurs orbites vites, leurs vêtements en lambeaux. Elle était encerclée, acculée, prise au piège. Elle recula en s’écorchant les mains sur le sol, incapable de se relever et lorsque le bord de la falaise apparut sous ses doigts, elle tourna son regard vers le bas. Peut-être que la mer offrait une mort moins douloureuse ? Mais les rochers battus par les flots étaient à présent grouillants de cadavres animés qui tendaient leurs bras rachitiques vers elle. Il était trop tard. La horde se rua soudainement en avant, pour la déchirer et la dévorer.
***

« AAAAH ! »


Sélène se redressa dans son lit en criant, paniquée, les pupilles dilatées par la peur. Elle se retourna frénétiquement pour trouver le danger qui la menaçait tant, mais il n’y avait plus que le calme de la chambre qu’un timide soleil hivernal commençait à illuminer. Sa respiration hiératique se calma doucement, de même que les battements désordonnés de son cœur. C’était juste un maudit cauchemar… Encore essoufflée et un peu tremblante, elle ramena ses genoux contre elle et posa son front dessus en inspirant profondément pour retrouver son calme. Depuis qu’elle était hors de Marbrume, elle faisait presque toutes les nuits de mauvais rêves. Cependant rien qui ne la réveille en pleine nuit, lorsqu’elle émergeait en sursaut comme elle venait de le faire, c’était toujours à l’aube. Au moins, elle ne perdait pas d’heures de sommeil.
D’un geste ample, la demoiselle écarta ses draps et sortit du lit pour se diriger vers la coiffeuse. Elle avait besoin de boire et de se rafraichir. L’eau était glacée, mais tant mieux, cela lui fit l’effet d’une gifle. Elle ne se rappela la présence du chevalier que lorsque ce dernier se retourna dans sa couverture. Le bruit la fit sursauter et elle mit une seconde à se souvenir qu’il s’était couché dans un coin de la chambre la veille. Quel sommeil de plomb il avait, il n’avait même pas moufté alors qu’elle avait crié à plein poumons. Et il était supposé la protéger si des fangeux parvenaient à monter ? En repensant à ces abominations, Sélène jeta un œil par la fenêtre : elle vit deux silhouettes errantes dans la rue, mais c’était tout. Comme après chaque attaque, il faudrait faire un peu de ménage car certains monstres étaient à la traîne lorsque le soleil se levait. Mais cinq fangeux disséminés dans le village, ce n’était pas grand-chose comparé à la meute qui était venue. Scarocci ne serait pas de trop pour aider à les éliminer.

En parlant de lui, il était peut-être temps de le réveiller. Ses paroles résonnèrent alors dans la mémoire de la jeune femme : « Ne me réveillez pas demain. ». Est-ce qu’il voulait faire la grasse matinée parce qu’il manquait de sommeil ? Elle hésita un instant à l’appeler pour qu’il émerge quand même. Tant qu’il n’était pas réveillé, elle ne pouvait pas sortir du presbytère, c’était lui qui avait l’épée, pas elle. Mais s’il ne voulait pas qu’elle le dérange, c’était certainement pour une bonne raison. Adossée contre le montant de la fenêtre, les bras croisés sur sa robe de nuit, elle fixait le paravent près de la commode, d’où provenait le bruit d’une respiration lente et profonde. La curiosité revint à la charge et elle se mordilla la lèvre en se fustigeant intérieurement : ce n’était pas bien de vouloir voir quelqu’un si cette personne tenait à rester anonyme. Mais en même temps, c’était étrange de vouloir se cacher à ce point-là. Elle ne savait de lui que son nom, en admettant qu’il lui ait donné son véritable nom, et le reste n’avait été que fabulations et secrets.
À pas de loup, elle s’approcha de la commode. Le gros tas de couvertures se soulevait à un rythme régulier. Elle se pencha un peu, tenta d’apercevoir quelque chose, un coin de visage, une épaule ou une main, mais rien. Il semblait s’être roulé en boule complètement sous son drap et ne laissait rien dépasser. Un peu déçue mais pas encore assez frustrée par sa curiosité pour aller jusqu’à dépasser les limites de la courtoisie élémentaire, Sélène recula d’un pas en soupirant. Au moins, il dormait tellement profondément qu’il n’avait pas remarqué qu’elle était debout.

La jeune prêtresse fit une toilette complète en silence avant d’enfiler sa robe et son châle puis de sortir de la chambre sur la pointe des pieds. Elle s’arma de courage et surtout d’un vieux tisonnier en métal qui restait toujours dans sa chambre et traversa le couloir silencieux. Arrivée à la porte tout au bout, elle colla son oreille contre le bois pour essayer de savoir si une créature l’attendait, mais le silence paraissait total aussi ouvrit-elle tout doucement le loquet. L’escalier était désert lui aussi. Comme une ombre, elle le descendit pas à pas, tenant son arme improvisée à deux mains. C’était stupide… Elle aurait mieux fait de réveiller le chevalier plutôt que de descendre elle-même ! Mais à peine cette réflexion lui traversa-t-elle l’esprit qu’elle se corrigea : elle pouvait aussi se débrouiller toute seule ! Après tout, il n’y avait pas eu de fracas de porte arrachée et pas de signe de fangeux jusqu’ici alors elle n’avait pas à redouter d’en croiser un à l’intérieur. En théorie.

Le sort voulu que dans la pratique, il en soit tout autrement. Un de ces horribles monstres avait réussi à se faufiler dans la salle commune du presbytère et s’y était retrouvé enfermé au moment du lever du soleil. Visiblement gêné par la lumière et un peu perdu, il se tenait dans un coin d’ombre, appuyé contre un mur et serait probablement resté là bien sagement si le tintement du tisonnier contre la pierre ne l’avait pas sorti de sa torpeur. Avec un grognement, il se tourna vers l’escalier dans lequel Sélène avait déjà disparu précipitamment. Elle sut qu’il était sur ses traces lorsqu’un beuglement inhumain retentit dans son dos.
La créature se jetait en avant plus qu’elle ne courait, mais elle allait vite. Sélène referma la porte qui donnait sur le couloir, mais n’eut pas le temps de descendre la barre en bois qui la condamnerait et le fangeux se jeta sur la porte, l’ouvrant à la volée et jeta à terre sa victime. La voie était libre, il pouvait se jeter sur elle. La prêtresse eut soudain l’impression de revivre son cauchemar : impossible de fuir, elle était au sol et une gueule désarticulée et béante arrivait sur elle. Elle poussa un cri de panique et réagit sans se rendre compte, tendant le tisonnier pointu entre elle et le danger. Lorsque le poids du corps du monstre lui tomba dessus, elle crut que s’en était fini, mais par chance, la chose était morte. Emportée par son élan, elle s’était empalée la tête sur le tisonnier et son crâne rendu un peu mou par son long séjour dans la vase avait était percé de part en part sans difficultés.
Sélène n’attendit pas de vérifier s’il était bien mort. Avec des gestes désordonnés, elle repoussa le cadavre et se précipita dans la chambre dont elle ferma la porte dans un grand claquement. Adossée contre le bois, elle était pétrifiée. Sa robe et son visage avait été éclaboussés par le sang noirâtre de la créature.

« Scarocci… »
Sa voix s’étrangla d’elle-même avant de reprendre plus fort.
« Scarocci ! Réveillez-vous, nom d’un chien ! Scarocci ! Debout ! »


Peu lui importait la demande qu’il lui avait faite, peu lui importait de le voir ou non, tout ce qu’elle voulait maintenant c’était qu’il se réveille pour ne pas avoir à affronter un autre monstre toute seule. Ses genoux tremblaient un peu, mais elle était elle-même étonnée de constater qu’elle ne s’écroulait pas et qu’aucune larme ne venait embuer son regard. Seule la peur lui tétanisait les muscles tandis que son cœur battait si fort dans sa poitrine qu’elle avait l’impression qu’il allait en sortir et fuir.
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Scarocci CorberaChevalier itinérant
Scarocci Corbera



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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyDim 24 Jan 2016 - 23:15
Scarocci rêve.

Il est nu, parcourant de vastes prairies vertes, qui s'étendent jusqu'à l'horizon. Il n'y a pas âme qui vive. Juste lui et Bidigon. Parfois, il croise quelques animaux. Renards, lapins, colombes, et, étrangement, beaucoup de cerfs et de loups.

Bidigon est au triple galop, inépuisable et plein d'énergie. Le vent souffle sur le visage de Scarocci qui, les bras grands ouverts, profite de cette caresse, cette véritable drogue qu'est la vitesse.

Puis, un tonnement. La plaine s'emplit d'un grand cri.

" Scarocciiii ! "

Bidigon s'arrête et Scarocci soupire, les bras ballant.

" Et merde... "

" Scarocci ! Réveillez-vous, nom d’un chien ! Scarocci ! Debout ! "

Scarocci grogne, et se reveille d'un coup, comme frappé par la foudre, se cognant de manière sonore contre l'armoire. Il parle d'une voix grave qui vire sur l'aigu à la fin.

" HEIN QUE QUOI PARDON KESKICEPASSE ON NOUS ATTAAAAAAAAAAAQUE ! "

Il se lève d'un coup, emmitouflé dans ses couvertures. Le paravent est toujours là. Rien n'a bougé. Mais il sent que Sélène respire avec force. Il sent la peur, la détresse.

" Un problème Sélène ?! "

Elle parle vite, d'une voix calme mais qui sous entend une panique latente et froide. Un fangeux se trouvait en dessous. Elle s'est barricadée et a tué le fangeux.

" Palsambleu ! Attendez que je m'habille ! "

Il fit glisser son épée sur le sol, en dessous du paravent.

" Prenez ça en attendant. "

Il s'habilla et commença à enfiler son armure. On pouvait entendre aux bruits secs, précis, sans aucune hésitations de l'armure, qu'il avait fait cette action des centaines de fois. Il sentait la panique autour de Sélène, et essaya de la calmer. Comme il n'avait pas son casque, sa voix n'était plus étouffée, et était plus sonore, plus grave et claire, envahissant la pièce pour se diriger vers Sélène. Il était calme, presque flegmatique

" C'est normal d'avoir peur Sélène. Mais vous avez bien agis, et vous pouvez être fière de ce que vous avez fait. Je sais que les fangeux ont tendance à en foutre partout, alors changez vous. Prenez des vêtements épais, qui couvrent votre peau. Vérifiez que vous n'êtes pas blessée. Dans la panique, on ne se rend pas compte de nos blessures. "

La main de Scarocci se mit à dépasser du paravent. Il la ferma en poing, avec le pouce dressé vers le ciel.

" Compris ? "

Bruit de ferraille. Scarocci était maintenant entièrement équipé, son armure gris-argenté au complet. Il sortit de derrière le paravent avec panache. Sélène s'était changée. Il regarda le visage de la jeune femme, puis une serviette humide et sale qui traînait quelque part. Le chevalier eu vite fait de comprendre qu'elle avait été aspergée de sang et de chair. Apparemment, deux autres fangeux erraient dans les rues.

" Le noir fangeux vous va à ravir Ma Dame. " dit-il en s'inclinant. Puis, il reprit son sérieux, reprenant son épée.

" Bien. Si un fangeux est arrivé ici, c'est qu'ils peuvent être partout. Restez derrière moi à trois mètres. Si un fangeux arrive, cachez vous. S'il me prend par surprise, crize, jetez vous à mes pieds, et baissez vous. C'est clair ? "

Scarocci ouvrit la porte avec prudence. Le cadavre du fangeux traînait au milieu du couloir, la porte ouverte à la volée. Le sang se mélangeais aux entrailles et au bois.

" Écartez vous mais regardez bien Sélène. "

Scarocci leva son épée et trancha le fangeux plusieurs fois, enfoncant son épée dans son crâne. Le sang s'écoula de la lame de Gae Bolg, et goutta contre le sol. La lame retrouva son aspect neutre. Aucune trace de sang dessus.

Scarocci se retourna et saisit Sélène par la taille.

" Holà ! "

Il enjamba le cadavre et déposa Sélène de l'autre côté.

" Je ne voudrais pas que vos pieds soient souillés par le sang de ce monstre. Nettoyer tout ça risque d'être une horreur. Allez. Soyez attentive Ma Dame. "

Gae Bolg pointée vers l'avant, Scarocci descendit les escaliers, avec peine à cause de sa jambe. Il devait descendre marche par marche. Aucun signe de quoi que ce soit. Ils fouillèrent le presbytère, sans rien trouver.

" Hum... si la porte est fermée, je me demande comment il est entré... enfin. " Il se tourna vers Sélène.

" Vous m'avez dit que d'autres fangeux étaient dehors, c'est ca ? Bien. Restez ici alors. Je vais faire ce pour quoi je suis arrivé. "

Il ouvrit la porte. Il faisait frisquet, sans plus. Le village était encore inactif, même si le chevalier devinait la présence d'individus éveillés dans leurs maisons. Il avait le nez pour ça. Il sentait la vie. Il marcha d'un air malassuré dans la terre meuble.

Un henissement se fit entendre, suivi d'un bruit de porte en bois pulvérisée. Bidigon sorti de son écurie, détruisant la moitié de son box au passage.

" Bidigon ! "

Le cheval s'arrête pile devant son maître, avant de lui présenter son côté. Sans attendre, le chevalier se hisse sur le cheval, soulevant les 110 kilos de muscles et d'acier avec une main, et grimpe sur son cheval non sellé, ce qui ne semble pas déranger ce dernier. Scarocci lève son épée vers le ciel pâle, tandis que Bidigon se cabre théâtralement.

" CITOYENS ET CITOYENNES ! IL RESTE DES FANGEUX DANS LE VILLAGE ! MOI, CHEVALIER SANS PEUR ET SANS REPROCHE, M'EN VAIS DE CE PAS LES CHASSER ! "

Des volets s'ouvrent avec fracas, avant qu'un homme patibulaire et à la voix fatiguée se mette à crier.

" TA GUEUUUUUUULE ! "

Scarocci pointa son épée vers lui, mais la terrifiante vision qu'était le chevalier parla d'une voix chaleureuse et amicale.

" ET BONJOUR A VOUS, CITOYEN ANONYME ! "

Avisant un fangeux halluciné dans l'artère principale du village, Scarocci chargea. D'instinct, le fangeux sauta sur lui. Bidigon, en pleine course, s'écarta légèrement, et Gae Bolg décapita le fangeux, faisant voler sa tête en l'air. Le chevalier était parfaitement synchronisé avec sa surpuissante monture, et, à cheval, l'handicap qu'était sa jambe n'existait plus. S'il est redoutable à pied, ce n'est que sur Bidigon que Scarocci est réellement lui même.

Chevauchant sa colossale et infernale monture, Scarocci patrouilla les rues. Un autre fangeux fut tué par Bidigon, qui piétina le corps mou et s'acharna dessus. Le troisième s'enfui du village, et Scarocci renonça à le poursuivre. Il se contenta de l'invectiver de loin.

L'absence de discrétion du chevalier avait reveillé plus ou moins tout le village, et de nombreuses personnes étaient sorties. Une bonne partie s'était dirigée vers le presbytère, d'où émanaient une certaine agitation. Scarocci revint au trot, espérant que rien de grave ne se passait.
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Sélène de ColombelHaute-Prêtresse de Serus
Sélène de Colombel



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MessageSujet: Re: Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera]   Terminé | “Le courage croît en osant et la peur en hésitant” [Scarocci Corbera] EmptyLun 25 Jan 2016 - 1:33
Le chevalier marmotte s’était finalement réveillé. Et avec énergie semblait-il. La jeune femme ne vit qu’un bout de couverture être rejeté avec force hors du périmètre du paravent

« Un problème Sélène ?! »
« Il y a un fangeux dans le couloir, il était en bas, il a réussi à rentrer, je ne sais pas comment, il s’est jeté sur moi et j’avais pris un tisonnier, il s’est empalé dessus et je crois qu’il est mort, mais je n’en suis pas certaine et dehors il y en a d’autres. Je ne veux pas ressortir seule. »
débita-t-elle dans un seul souffle.

Cette explication succincte sembla suffire à Scarocci qui se mit en mouvement. Sélène vit la monstrueuse épée glisser à ses pieds mais ne prit pas la peine de tenter de la soulever, elle sentait encore ses mains trembler sous l'impact du fangeux et ne souhaitait pas renouveler si vite l'expérience d'avoir une arme en main. Au lieu de cela, elle prit une grande inspiration pour retrouver un peu son calme et elle se laissa bercer par la voix du chevalier dont la vibration grave était agréable. Elle n’avait pas remarqué qu’elle avait un peu de fangeux sur elle et dès qu’elle le vit, elle se défit de sa robe et s’essuya le visage, dégoûtée. Sans tarder elle enfila une nouvelle robe à manches longues. De son côté, l’armure vivante était de retour et semblait de bonne humeur malgré ce réveil en fanfare. Sélène hocha la tête, signe qu’elle avait bien comprit toutes les directives et lui emboîta le pas dans le couloir. Voir le fangeux se transformer en bouillie puante sous les coups de Scarocci n’avait rien de très agréable, elle ne voyait pas pourquoi elle devait « bien regarder ». Mais elle ne bougea pas d’un pouce et ne dit pas un mot jusqu’à ce qu’ils soient redescendus. Aucun autre fangeux ne fit son apparition, à son grand soulagement.

« Vous m'avez dit que d'autres fangeux étaient dehors, c'est ça ? Bien. Restez ici alors. Je vais faire ce pour quoi je suis arrivé. »
« Je ne bouge pas d’ici. Faites attention quand même. »


Elle l’aida à défaire les barricades et remarqué à cette occasion qu’une planche avait été endommagée, laissant la place pour un corps de se faufiler. Le fangeux avait la morphologie d’un adolescent, c’était certainement pour ça qu’il était parvenu à entrer et pas les autres. Il faudrait combler ce trou rapidement pour que d’autres ne puisse pas prendre le même chemin.
La jeune femme en était à remettre un peu d’ordre dans les bancs renversés lorsqu’elle entendit la voix tonitruante de Scarocci à l’extérieur. Elle ne parvint pas à retenir un éclat de rire en imaginant la pose qu’il devait avoir pris pour faire son annonce. C’était un brin ridicule de se présenter de la sorte, mais il pouvait bien gonfler le poitrail autant qu’il voulait puisque c’était lui qui débarrassait le village des fangeux restant.

Les villageois ne tardèrent par arriver au presbytère, certains inquiets de savoir si la célébrité temporaire du coin était toujours en vie et en un seul morceau, d’autres très inquiets après avoir vu cet espèce d’hurluberlu agiter son épée dans le village. Sélène s’efforçait de rassurer tout le monde et surtout de prendre des nouvelles. Est-ce que les vieux étaient tous là ? Quelqu’un avait-il vu les jumeaux ? Comment se portait les familles vivant proche de la porte ? Est-ce qu’il y avait des blessés ? Est-ce qu’il y avait des morts ? La peur de la nuit passée rendait tout le monde très volubile et la jeune femme avait toutes les difficultés du monde à endiguer le flot de questions et de commentaires. Elle-même était un peu secouée par les événements et aurait préféré ne pas avoir à faire l’intendance, mais c’était son rôle en tant que figure d’autorité.
Lorsque Scarocci réapparu à l’entrée du presbytère, les habitants s’écartèrent un peu et la rumeur des conversations baissa soudainement. La prêtresse, quant à elle, était soulagée de le voir et de pouvoir enfin expliquer clairement la situation à son propos. Elle se fraya un chemin parmi les personnes présente et saisi la main du chevalier pour le tirer à sa suite. À vrai dire, tout ce qu’elle était capable de tenir avec une main, c’était deux doigts gantés car la paume était trop grande. Elle ramena son protecteur près de l’âtre où le feu avait été ranimé et tout le monde eut alors le regard braqué sur lui.

« Mes amis, je vous présente le chevalier Scarocci Corbera. Il a eu la bonté de me ramener avant que les portes ne se ferment hier et c’est lui qui s’est occupé des fangeux restant ce matin. »

« C’t’un drôle d’oiseau, Vot’e Honneur. J’veux pas manquer l’respect mais d’où qui sort ? »
« Et bien… Il était en route pour le plateau lors nos chemins se sont rencontrés. »


Les commérages commençaient déjà, elle le sentait. On jetait des regards méfiants ou goguenards à cet individu au visage masqué, chacun y allait de son petit commentaire et les questions allaient bientôt fuser. Sélène inspira profondément et retrouva tout l’aplomb dont elle avait besoin. Sa voix claire porta haut sous la voute de la grande salle :

« Je vous demande à tous de bien vouloir vous calmer à présent. Personne ne manque à l’appel et nous avons tous survécu à la nuit, il faut s’en réjouir. Quand à messire de Corbera, sachez que je l’ai engagé à mon service pour assurer la sécurité du village jusqu’à mon départ, à la fin de la semaine. Je réponds de lui. Quelqu’un a-t-il une objection à ce qu’un guerrier aguerri nous protège ? »


Le regard bleu de la prêtresse parcouru la foule et elle en vit beaucoup baisser les yeux, comme des enfants prit en faute. Difficile de remettre en cause son choix une fois qu’il était présenté comme elle l’avait fait. De son côté, elle espérait que le chevalier allait tenir sa langue encore quelques instants avant de s’’étonné d’avoir été engagé sans qu’on le lui demande. Pour éviter la moindre intervention malvenue, elle reprit :

« Bien, je pense qu’il est temps que chacun reparte à ses activités. Nos défenses ont été endommagées, il va falloir des bras pour les remettre d’aplomb. Je laisse le soin à maître Reymar d’organiser le travail et les équipes, je compte sur chacun d’entre vous pour participer aux rénovations. »


Tout monde sembla approuver et les conversations reprirent tandis que les uns et les autres se mettaient d’accord pour savoir quoi faire en priorité. De son côté, Sélène tira un peu sur le bras de Scarocci pour attirer son attention et lui fit signe de se pencher pour lui parler à voix basse :

« Je suis navrée de cette petite duperie, mais les villageois sont très méfiants vis-à-vis des étrangers. Si vous êtes officiellement à mon service, ils accepteront mieux votre présence. De plus, je suis toute à fait prête à vous engager réellement. Il me faut quelqu’un pour assurer un peu de tranquillité à cet endroit et on peut dire que vous avez fait vos preuves. Les frais de votre séjour seront pris à charge par le temple et une fois de retour à Marbrume, je vous paierais correctement pour votre travail. Est-ce que vous acceptez de rester ? »
Elle sourit et ajouta avec un brin de malice :
« Vous aurez votre propre lit dès ce soir et une habitation rien qu’à vous le temps que vous resterez. »


Elle n’attendit pas longtemps avant d’avoir sa réponse et un sourire radieux illumina son visage. C’était une bonne nouvelle pour tout le monde car tous les partis avaient à y gagner.

« Merci. Bien, je vais me charger de vous installer. Et vous, si vous êtes d’accord, il faudrait aller aider aux réparations. Je vais aussi trouver une place pour Bidigon. Je vous reverrais à l’heure de déjeuner, les femmes préparent toujours un repas collectif ici pour les équipes de surveillance et de réparation. »


À cet instant, une petite fille déboula comme une tornade et s'accrocha aux jupes de la prêtresse, bientôt suivit par une autre. Leur mère s'excusa platement, visiblement assez embarrassée de voir sa progéniture traiter aussi familièrement une Dame, mais Sélène lui assura qu'il n'y avait aucun problème. Les deux petites levèrent les yeux vers le chevalier avec un mélange de crainte et d'admiration. On leur avait certainement déjà raconté une histoire où un homme tout en armure sauvait une quelconque princesse du danger.

« T’es vachement grand, m’sieur l’chevalier. »
« T’as tué beaucoup d’monstres ? »

La curiosité semblait prendre le pas sur la méfiance et les deux petites se mirent à bombarder de questions Scarocci. La jeune femme, qui était en pleine discussion avec deux femmes à propos de l’organisation des tâches de la journée, ne put lui venir en aide qu’après un long moment.
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