Marbrume


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 [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric

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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptyVen 27 Sep 2019 - 20:55
Usson, 30 mai 1166


Elle ne l'avait toujours pas revu, et ça commençait à travailler son esprit. Était-il encore en vie? Naturellement, sans quoi la nouvelle aurait fait le tour du Labret en deux jours à peine. L'occupant du Domaine Pessan était relativement apprécié. Franc, honnête, droit, il ne laissait pas place aux mauvaises interprétations et commençait à bénéficier d'une bonne réputation dans les environs. Évidemment, le fait qu'il ait permis au vieux forgeron d'assurer une relève jeune et efficace y était pour quelque chose. Oui, s'il était mort, Mathilde l'aurait appris. Il était donc en vie.

Ce jour-là, à Usson, elle apprit par Martha que le Comte avait été vu à maintes reprises avec sa fille, la jeune Alix. Celle-ci s'avérait être un délicieux rayon de soleil qui illuminait les journées de ceux qui avaient la chance de pouvoir lui parler. D'un seul sourire, elle chassait les tracas des esprits. Un pouvoir dont elle n'était peut-être pas consciente, mais qui savait ravir Martha, laquelle en parlait à grands renforts de gestes exagérés et d'exclamations sur des tons variés. Décidément, elle avait le chic pour animer le four commun où se rassemblaient les femmes pour y faire cuir le pain.

Mathilde rangea soigneusement le fruit de la cuisson dans ses paniers, avant d'y déposer deux belles tartes aux poires de l'an passé, conservées dans un sirop qu'elle réutiliserait pour une autre recette, Rien ne se perdrait. Si, initialement, les tartes avaient été préparées pour ses gars, elle se dit que peut-être quelqu'un d'autre saurait en apprécier une part. La fermière prit alors la direction de la forge où on saurait la renseigner.

A la forge, Louis, le nouveau forgeron, fut surpris de croiser la veuve Dumas, lui qui ne voyait habituellement que les travailleurs de ses champs. Après quelques politesses au sujet des outils de qualités qui avaient amélioré la vie de ses gars, Mathilde arriva aux faits : elle espérait rencontrer le Comte -et sa fille, évidemment- prochainement. Louis afficha un air désolé en lui expliquant qu'ils avaient quitté Usson une heure auparavant pour regagner le domaine. Ils avaient même oublié un outil qui serait nécessaire au palefrenier. Mathilde proposa de faire le trajet, après tout cela ne représentait qu'un petit détour avant de rentrer, et ça lui donnerait l'occasion de rencontrer la fameuse Alix. Peu importe le prétexte de la visite, après tout. Un outil, la gamine, n'importe quoi tant que je peux m'assurer que nous ne sommes pas en brouille.

Un quart d'heure plus tard, depuis les portes du domaine, Mathilde hélait Guillaume, le maître d'écurie qui l'avait accompagnée, quelques semaines plus tôt, lors de la désastreuse réunion de nobles à Marbrume.

- Ser Guillaume! J'ai votre outil! Bonjour! Comment allez-vous?

Perchée sur sa jument, les cheveux au vent, la veuve Dumas était d'une humeur particulièrement enjouée. Le soleil, sans doute, de cette belle et chaude journée du printemps. Et tandis que l'homme avançait vers elle, son regard embrassa les champs dans lesquels les ouvriers travaillaient avec ardeur. Le domaine Pessan était bien vivant.
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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptyJeu 3 Oct 2019 - 8:45
Mais pourquoi est-il parti faire ce tournoi royal ? C'est la question que se pose encore Aymeric. Oh, éviter de se mettre le Roi à dos est la meilleure excuse qu'il puisse se trouver, mais il s'est retrouvé dans un combat à l'épée et en armure, alors que lui est un archer, et que pour le cas où il s'était entraîné pour le combat au cheval et à la lance. Il ne s'y est plus entraîné, depuis, préférant travailler le tir à l'arc en monte. Et il n'y est plus ridicule, surtout quand on compare cela à ses débuts. Il y parvient mieux depuis son hongre, Landroval, que de sa jument, Asphodèle. Landroval est plus massif, offrant une meilleure assise, et moins nerveux que la jument, qui adore être poussée et galoper vite. Landroval aime aussi, mais est bien plus calme.

Cette chaude journée ensoleillée est l'occasion de travailler du côté des chevaux, justement. Il semble que les nuages seront absents, peu de risque de voir surgir un fangeux, mais Aymeric reste prudent et il sait que Guillaume le sera aussi. Perché sur le toit de l'écurie qui bientôt accueillera une vache, il finalise des réparations, surpris de constater qu'au final l'écurie aura été refaite si vite. Une chose est sûre, ses deux montures sont plus heureuses ici qu'à l'Esplanade. Le pré où elles peuvent s'ébattre est grand, clôturé, et au fond coule une rivière où les montures peuvent boire. L'enclos pour les vaches est prêt aussi. L'avantage de cette petite rivière est qu'il ne faudra pas porter régulièrement de l'eau vers les bêtes, du moins les plus grosses. Guillaume songe à faire du cochon aussi. Aymeric, en plus des poules, aimerait des canards ou des oies. Le problème, c'est que ni Guillaume ni lui ne savent comment on s'en occupe. Le reste, Guillaume le gérait avant la Fange, et Aymeric connaît le côté plus "entretien" du boulot. Mais, et ça Guillaume a su le faire admettre à celui qui est désormais son patron mais qui plus jeune était son apprenti, si Aymeric aimerait des canards, c'est parce qu'il adore la viande de la volaille sauvage. Il aime bien le poulet aussi, mais moins. Le Comte préférera un canard ou un faisan à du sanglier ou du bœuf.

Bon, la petite sortie à Usson a fait du bien, surtout à Alix. Aymeric fait son possible pour que les horreurs qu'elle a vues à Marbrume en début de mois disparaissent. Le seul aspect positif est que désormais, elle se considère mieux protégée ici que dans la ville. Ici, les gens savent se protéger des fangeux. Des accidents arrivent, encore plus avec l'arrivée des "bannis mordus" qui n'ont pas les réflexes des gens d'ici. Aymeric ne plaisante jamais sur cet entraînement qu'il tente de rendre ludique auprès de sa fille. Et il lui apprend l'escalade. Les odeurs montent, cela aide à être moins facilement repérable par le nez de ces choses, puis étrangement, elles semblent regarder le sol et l'horizon, rarement vers le ciel, sauf si un bruit les y attire. Usson, c'est voir des gens et la petite est sociable au possible, c'est même une bénédiction pour le commerce. Les gens doivent se dire qu'avec une gamine si merveilleuse, le père ne peut qu'être bon et honnête. Et c'est le genre de réputation qui permet de négocier sans trop de difficultés. Il fallait une pièce pour la porte du poulailler, cela a offert à Alix l'occasion de jouer un peu avec Pyo, l'un de ses protégés. Et un moment agréable, c'est mieux avant les cours de maintien. La législatrice érudite est arrivée il y a une semaine. De haute bourgeoisie, dame de compagnie de la noblesse depuis petite et arrivée au service de la Pessan, elle s'est portée volontaire pour le projet qu'Aymeric mène. Veuve sans enfant, elle y a vu l'occasion de transmettre son savoir et de changer d'horizon et les occasions sont rares. Aymeric ne s'était pas attendu à ce qu'elle soit si jeune, mais les veuvages aussi sont rapides par ici et elle a une vraie expertise et une soif d'apprendre. Et comme la Pessan semble lui faire confiance aussi, elle pourra témoigner à la Comtesse que le Comte de Beauharnais est honnête et travailleur. C'est une magnifique garantie qu'il fournit ainsi sa propriétaire et partenaire en affaires. Aymeric est heureux ici, autant tout faire pour que la Pessan n'aie aucune raison de le virer, pas vrai ?

Le Comte, qui fignole le toit de l'écurie, remarque un cheval au loin et sa cavalière, sans pouvoir l'identifier. Comme personne n'imagine vraiment un Comte qui fait du travail manuel et qu'il est plus jeune que son palefrenier, il le laisse parfois gérer certaines situations. Depuis que les bannis mordus débarquent dans le Labret, plusieurs se sont dits que se mettre au service d'un Comte serait une bonne affaire. Et Aymeric s'est fait passer pour un ouvrier charpentier, un ouvrier agricole ou un garde archer, parfois il s'est présenté comme l'intendant, pour signaler qu'ils ne recrutaient pas mais que plusieurs fermes étaient à la recherche de manuels, pareil pour les commerces qui ont souvent besoin d'un coup de main. Puis, s'ils savent se battre, il y a des convois à convoyer, aussi dans le Labret. Ce n'est pas le boulot qui manque pour les courageux. Et si l'argent ne coule pas à flot, avoir de la bouffe et un toit, c'est pas mal. Surtout pour un banni. Quelques rumeurs se font entendre par contre, sur des gens tués à l'autre bout du Labret par un ouvrier marbruméen qui se serait transformé. Aymeric n'y croit pas. Ou pas totalement. Mais comme on ne l'a pas interrogé sur le sujet, il ne s'exprime pas non plus.

Toujours est-il qu'il se concentre sur son boulot, là sur le toit de l'écurie, pendant qu'au sol, il laissera Guillaume gérer la situation. La dame a-t-elle un souci avec son cheval ? Souhaite-t-elle discuter affaire, négocier quelque chose ? Voire offrir ses services ? Bon, de loin, difficile de le deviner. Aymeric a une bonne vue, mais pas suffisante pour voir les traits d'une personne et l'expression du visage à cette distance et allongé sur le toit, le Comte doit être peu visible. Ne pas voir, c'est mal, ne pas être vu, c'est mieux. Puis bon, ça a un côté enfantin qui l'amuse pas mal. Tiens, et si c'était une prêtresse. Bon, clairement, elle n'en avait pas la tenue, mais certains, à Marbrume du moins, se baladent parfois en civil. Cela peut être une simple question de lessive. Quand on soigne un blessé, il peut saigner sur vos vêtements et au bout d'un moment, il n'y en a plus de rechange. Cela l'arrangerait bien, tiens. Avoir des notions de doctrine du Culte ne serait pas superflu, Alix pose beaucoup de questions et lui n'a pas les réponses. Sa vision de la religiosité est assez simple en fait et s'il a un doute, il demande à son prochain passage au Temple. Un enfant est moins... patient.

Par contre, il n'a aucun mal à reconnaître la voix et l'accent de la dame qui se présente à son palefrenier. Bon, le fait qu'elle le connaisse l'a aussi aidé à être certain de l'identité de la visiteuse. Aymeric vérifie que sa réparation est bien terminée pendant que Guillaume répond :

- Dame Dumas, mon outil ? Le Comte était parti à la forge mais était revenu sans, j'ai cru qu'il n'était pas fini. Sinon ma foi ça va bien. Faut dire que quand le Comte a parlé de son projet de venir s'installer ici, j'étais enchanté. Le bon air, un grand pré, de l'herbe grasse, voilà ce qu'il faut à des chevaux. Z'avez vu l'espace qu'ils ont. Même quand il pleut ils vont pas forcément s'abriter. Et avec la petite rivière, ils sont autonomes pour boire aussi. J'vais mettre vot' cheval en pâturage, histoire qu'il s'amuse avec les nôtres. J'récupère mon outil juste après. Mais j'espère que vous vous êtes pas déplacée juste pour ça, ça n'était pas urgent.

Le palefrenier semble avoir retrouvé des couleurs. En tout cas, son regard pétille. L'oeil expert de Mathilde pourra voir que si une partie du domaine est prévu pour l'agriculture, et qu'ils sont huit à travailler dans des champs qui s'étendent pour ainsi dire à perte de vue, un autre espace se prépare pour l'élevage d'animaux. Un second pré est presque prêt et du côté de ce qu'ils nomment "la Ferme" et qui est plus proche du château que de la fermette, il y a sur l'arrière un petit enclos pour une chèvre, un clapier en phase de finalisation et un poulailler avec une dizaine de poules. Nul besoin d'être grand clerc pour comprendre que si nos deux hommes les ont installé si près du lieu de vie, c'est surtout pour que les enfants puissent y aller sans s'éloigner de l'abri des murs. Si Mathilde doit savoir que le Comte est père, elle ignore sans doute qu'un autre enfant, Alfred, fils de sa domestique, égaye lui aussi la vie dans la maison.

C'est probablement deux pieds que Mathilde verra quand un mouvement attirera son regard, puis, en prenant le recul nécessaire, un homme qui se suspend au toit des deux mains, puis d'une seule, avant de se laisser tomber en douceur sur le sol. Aymeric se frotte les mains sur son habit avant de tendre la droite à Mathilde.

- Je me demandais quand vous finiriez par passer. Mais maintenant que je vis depuis quelques semaines sur place, je réalise que ces moments sont difficiles à trouver. Ravi de vous revoir, Mathilde.

Le sourire est franc. Visiblement, ce séjour à la campagne fait autant de bien au palefrenier qu'au Comte.

- Bon, vous me pardonnerez cette entrée en matière un poil théâtrale. C'est que bientôt, j'aurai passer l'âge de ces conneries. Alors autant en profiter. Mais bon, avec tout ça, j'ai repris du muscle et perdu du gras. Et pourtant je bouffe, faut pas croire. Mais qu'est-ce que je cours aussi. En plus du boulot, il y a la gamine. On chasse le chat, on grimpe aux arbres, on s'essaie à la corde, j'l'envoie s'occuper de traire la chèvre et s'occuper des œufs, elle a ses cours et elle trouve encore le temps de coudre ou d'aider à la cuisine, à s'occuper d'Alfred ou à suivre ses cours. Là, c'est cours de maintien, pour se tenir comme une dame. Autant dire qu'après ça, ça sera une tornade. Et sur qui la tornade va s'abattre ?

Oh, il est loin de se plaindre, au contraire, il semble se marrer. Il soulève un sourcil puis montre des petites fabrications en bois d'un mètre carré chacune, avec des séparations régulières de la taille d'une bûche. Certain des moules sont vides, d'autres non. Et ce qu'il y a dedans à de quoi surprendre.

- Oui, un mélange de crottin de cheval et de paille. On le fait sécher. Cela fait un excellent bois de chauffage. Vu la taille de la bicoque, quand il faudra chauffer en hiver, mieux vaut avoir des réserves. Quand on aura la vache, cela accélérera encore la chose. C'est pratique et ça fait faire des économies. Z'avez un cheval, vous devriez essayer. J'vous fais visiter ou vous préférez rester avec Guillaume. C'est que j'voudrais pas déranger.

Si les deux se rapprochent, le Comte verra ça d'un bon œil. Tant que Guillaume continue à travailler pour lui, bien sûr. Puis il y a assez de boulot à faire aussi ailleurs. Le clapier à lapin devient prioritaire. La période est idéale pour les piégeages et un élevage de lapin est un moyen rapide pour fournir de la viande à pas mal de monde. Sans compter les peaux qui pourront aider à confectionner des tenues chaudes et peu chères. Faudra qu'il songe à négocier cela avec une couturière. Pour les plus grosses fourrures aussi, mais là, pour un manteau pour sa fille et lui. Qui sait, qu'il croiserait un ours. Oups, avec tout ça, il a oublié Mathilde.

- Là, à l'entrée, c'est un futur parterre de fleurs. Ma domestique est une ancienne ouvrière agricole. Je suis ravi de son boulot. Mais je ne sais que trop bien qu'on est malheureux si on est éloigné du boulot qu'on aime, alors je lui ai offert cette opportunité. Sinon, j'ai aussi une législatrice désormais, une haute bourgeoise qui donne des cours, à ma fille évidemment, et un peu à moi. J'la déteste allègrement durant les cours mais pour ce qui est du reste, c'est une sacrée gestionnaire. Elle calcule plus vite que moi et écrit beaucoup mieux. Bientôt elle pourra prendre ma place.

Il soulève un sourcil.

- Bref, si j'étais malin, je la virerais. Mais j'suis pas malin. Alors si vous avez besoin de conseil ou si le législateur de l'ordre semble vous jouer des tours ou vouloir vous faire avaler des couleuvres, vous pouvez passer ici et lui poser quelques questions. Pour ce qui est de mes rêves de devenir éleveur, faut déjà qu'on finisse les travaux, j'doute qu'on soit vraiment productif avant l'an prochain. Mais on pourra manger du poulet, du lapin et manger du fromage, en plus des légumes qui remplissent les champs. Que demande le peuple ?

Il rit, puis se reprend.

- Et vous, ça va ? Pas trop compliqué de gérer les ouvriers ? Et les nouveaux bannis, vous vous en sortez ?

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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptyLun 7 Oct 2019 - 17:07
- Pas urgent, mais j’avais besoin d’un prétexte pour passer voir ce que devenait le domaine. Ça parle, à Usson, les gens sont enthousiastes, j’avais envie de voir s’ils exagéraient ou pas. Et si vous étiez bien installés, aussi. C’est un gros changement mine de rien, tout cet air pur, ces prés fleuris, ces gens pas trop malhonnêtes et cette nourriture on ne peut plus fraîche.

Mathilde afficha un sourire narquois. Ser Guillaume serait probablement bien mieux ici qu’à l’Esplanade. Elle le connaissait très peu, mais elle imaginait qu’un homme comme lui verrait très vite les bénéfices du Labret pour les bêtes dont il prenait soin. Et puis comment pouvait-on bien vivre dans une ville surpeuplée, avec des toits pour seul horizon? Cela lui était totalement inconcevable.

La fermière sauta au bas de sa grosse Marguerite pour se réceptionner en souplesse sur le sol, en prenant soin de ne rien accrocher de sa main gauche, encore bandée, quatre semaines après avoir été brûlée par la lame chauffée au rouge d’un banni dont elle aurait la peau. Guillaume lui offrait une excuse toute trouvée pour s’attarder un peu sur le domaine. Que c’était commode!

- Marguerite appréciera certainement un peu de compagnie! Avez-vous fait semer une nouvelle prair… Elle s’interrompit devant la paire de pieds qui glisse du toit. Paire de pieds qui précède une paire de jambes pas très longues, une paire de fesses qui doit faire hausser bien des sourcils, un dos large, une paire d’épaules qui doit décourager bien des conflits, une chevelure fournie. Le Comte. C’est le noble qui s’est perché sur le toit pour… le regard de Mathilde remonte sur l’ouvrage fraîchement réparé. Ce gars défie vraiment toutes les idées préconçues qu’elle a lorsqu’on parle de la noblesse. Il remet en doute tout ce que son père a pu lui dire à ce sujet, et s’il s’est trompé sur les nobles, il peut s’être trompé sur à peu près n’importe quel autre sujet, ce qui est assez déstabilisant quand, comme Mathilde, on voue presque un culte au défunt patriarche de la famille.

Pour ne pas changer des bonnes habitudes, le Comte parle. Beaucoup. Et ne lui laisse pas en placer une, ce qui a le don de la faire sourire. Mathilde trouve cela bien commode, il brise la glace et ne l’oblige pas à se confondre en excuses pour leur dernière rencontre, plutôt houleuse. Elle aimerait lui dire qu’elle est heureuse de le retrouver en vie, de le savoir en sécurité avec sa gamine et avec Guillaume, que tous les trois font maintenant partie de son univers et que plus le temps passe, plus la menace de la Fange se fait pressante, plus elle s’accroche aux vivants pour ne pas tout laisser tomber. Mais il parle, alors elle se contente de lui serrer la main, les yeux emplis d’une émotion au sujet de laquelle elle gardera le silence.

Le Comte l’invite à visiter le domaine. Guillaume a sans doute saisi l’émotion de Mathilde et hoche de la tête avec le regard de l’homme bienveillant qu’il est aux yeux de la fermière. Je vous confie ma belle Marguerite, à plus tard ser! dit-elle en s’emparant, avec moult précautions, d’une tarte emballée dans un linge propre. C’est que le Comte est particulièrement enthousiaste, et qu’elle n’a pas envie de manquer ça. N’a-t-elle pas couru dans ces champs, lorsqu’elle était petite? N’a-t-elle pas reçu son premier bouquet de fleurs là, sous cet arbre, lorsque, du haut de ses sept ans et demi, le petit Jacques lui disait qu’elle était son amoureuse et qu’il l’épouserait un jour? Le Domaine Pessan est un endroit chargé de souvenirs, pour la fermière. Mais le pragmatisme d’Aymeric la sort de ses songes. Du crottin pour faire du feu, oui, c’est une bonne idée, d’autant plus qu’il est déjà chargé de foin à peine digéré. Mais il y a un bémol…

- C’est aussi un engrais qui m’est précieux aux champs. Je pourrai difficilement m’en passer, ma terre m’en voudrait et Sérus se montrerait probablement moins enclin à favoriser mes récoltes! Je récupère aussi une partie du fumier d’un éleveur du coin, Lance Damboise. J’entrepose pour une demi année, le temps que les graines soient brûlées et puis j’épands le tout dans le champ. Une fois au printemps, une fois en automne. Ça permet de réchauffer la terre et de tricher un peu sur les récoltes. Un parterre de fleurs, une bonne idée si celles-ci, en plus d’être jolies, sont comestibles ou utiles aux soins. Mais si la domestique est une ancienne de la terre, elle devrait avoir ce réflexe, sans aucun doute. - Je prends bonne note de l’offre pour la législatrice. Celui de l’Ordre a bien mené ses négociations, basées sur la logique que vous aviez déjà évoquée à la fin de l’hiver. Je reste attentive mais j’ai envie de lui faire confiance.

Elle promena une fois encore un regard très critique sur l’ensemble de l’œuvre. Les prés étaient fournis et l’herbe était visiblement grasse. Les champs semblaient déjà bien enrichis et promettaient une récolte plus que satisfaite pour subvenir aux besoins de la ferme et de ses habitants. Les poules disposaient d’un espace suffisant, qu’il faudrait peut-être renforcer un peu pour les sauver des renards qui se promenaient dans la campagne. Ils n’avaient besoin de rien, à dire vrai. Sauf peut-être… Un jambon fumé? J’ai encore ça en réserve.

Réflexe nouveau mais déjà bien acquis par son inconscient, Mathilde ferma le poing gauche lorsque le mot banni fut prononcé. Savait-il? Non, impossible, personne ne savait. Personne. La tension apparue soudainement la quitta tout aussi rapidement. Les ouvriers sont de bons travailleurs. Ils ont envie d’apprendre, ils aiment être aux champs et je me surprends à apprécier leur présence. C’est bon de sentir que la ferme est… vivante? Je sais qu’ils ne sont que de passage, mais il m’arrive de rêver d’obtenir d’autres champs et de les travailler avec les gars. Les premières récoltes annoncent un été prometteur. Si le ciel et la Fange nous le permettent, on devrait atteindre mes objectifs irréalisables dès cette année! Dire que j’ai failli ne pas voir ça! Son sourire s’évapora. Son regard se fit un peu plus sombre. Des fangeux, des bannis. Par deux fois, ce mois-ci, sa vie avait été menacée. Et avec l’étrange décision du Roi, l’arrivée des mordus au Labret venait ajouter un danger supplémentaire à son quotidien.

- C’est une drôle de directive que d’envoyer les mordus en dehors de la ville. Ils débarquent ici et sont des menaces de plus pour les fermiers chargés de nourrir Marbrume… Si au moins on les avait expédiés… je sais pas moi, dans les marais, comme bûcherons? J’ai promis à l’un d’eux de lui trouver une place… On était ensemble lors de l’invasion, à abattre des maisons quand les fangeux surgissaient de partout. Je l’ai revu au Temple, plus tard, et il m’a demandé mon aide. Vous serez heureux de savoir que je l’envoie chez de Terresang plutôt que de le garder chez moi dit-elle en guettant la réaction du Comte. Ils étaient ennemis, ils ne s’aimaient clairement pas, et malgré les efforts qu’elle faisait pour persuader Alexandre de revenir sur sa colère, elle n’entrevoyait pas de réconciliation entre ces deux nobles dont l’alliance aurait sans doute été profitable pour le Labret.

- Votre forgeron à Usson m’a donné une bonne excuse pour passer. A vrai dire j’espérais bien vous voir, vous et la jeune Alix. Je vous ai entrevus à Marbrume et j’ai été heureuse de vous savoir sains et saufs tous les deux. J’ai apporté une tarte à partager, comme deuxième excuse, au cas où la première ne suffisait pas… Je n’osais pas passer à cause de notre dernière discussion qui a été plutôt houleuse, et pour être tout à fait honnête, je ne sais toujours pas quelle conduite adopter face à un noble… J’évitais juste de commettre un nouvel impair, j’ai eu mon quota de coups durs pour l’année je crois. Elle sourit, un peu découragée par ce constat. Après tout, une fermière n’avait pas à rendre visite à un noble, sauf si elle avait quelque chose à lui demander, ce qui n’était pas le cas. L’Ordre l’avait conduite à transgresser son rang au point d’être invitée à l’Esplanade ; la Fange la poussait à transgresser encore la hiérarchie sociale au point de voisiner avec les sang-bleus, qui, finalement, étaient eux aussi des êtres humains. Tout cela était on ne peut plus déstabilisant pour elle, qui, toute sa vie durant, avait respecté de son mieux les rangs que les Trois eux-mêmes avaient attribué à leurs créations.
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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptyDim 20 Oct 2019 - 12:14
L'enthousiasme de Mathilde pour défendre le Labret amuse Guillaume, qui n'avait pas besoin qu'on lui vende la campagne. Il voit bien que Mathilde n'a pas connu le Comté de Beauharnais et surtout l'ancienne maison comtale. Les nobles ne s'étaient pas installés en ville mais avaient opté pour la campagne. Oh, bien évidemment, dans une "maisonnette" plus grande encore que celle-ci, car c'était la résidence principale. L'ancien Comte était un guerrier, c'est son épouse qui s'occupait de la décoration. Mais aucun ne chassait réellement, sinon pour des sorties imposantes où c'est leur nombre et les rabatteurs qui permettaient de ramener de la viande. De mémoire, Aymeric est le premier à s'être intéressé à l'arc et au piégeage. Ce gamin avait toujours été différent des autres membres de sa famille. Guillaume ne le jurerait pas, mais il est convaincu qu'il est né solitaire, et que ça n'est pas la vie qui l'a fait ainsi. Mais il est difficile d'en préjuger parce qu'il a été malade et fragile les premières années de sa vie. Ce qui fait que quand il a pu quitter sa chambre puis courir, l'extérieur, la verdure, l'espace étaient sources d'émerveillement. Petit, Aymeric était un passionné, doué pour ce qu'il aimait, indifférent à ce qui l'intéressait moins. Et comme il n'était pas l'héritier, les mondanités et la lecture lui passaient par dessus la jambe.

Et il faut bien dire ce qui est, depuis ce retour à la campagne, Guillaume retrouve l'Aymeric qu'il avait connu plus jeune. Toujours à râler sur les cours d'écriture et de maintien, trouvant diverses excuses pour éviter les corvées, mais il se force à les faire quand même pour le bien de sa fille. Cela doit être motivant pour elle de voir qu'il y a un domaine où elle est meilleure que son père. Pour les mondanités, ça n'est pas une surprise, mais pour l'alphabétisation, voilà qui pourrait motiver la petite, d'autant que jamais son père n'a prétendu que ça n'était pas utile. Son discours est plus simple : il n'est vraiment pas doué pour ça. Guillaume sait qu'il ne fait pas tous les efforts non plus pour y parvenir. Et il adresse un clin d’œil à Mathilde avant de s'occuper de Marguerite, car lui a vu l'entrée en matière du Comte. Et les trois chevaux ne se font pas la guerre, ni ne se cherchent les premiers instants. Marguerite semble avoir faim, Landroval semble vouloir lui foutre la paix et Asphodèle dépense son trop plein d'énergie plus loin. En somme, aucune guerre territoriale, tout va bien. Et Aymeric lui parle du domaine, répondant à la question qu'a posée Mathilde à Guillaume.

- Je ne vois pas trop pourquoi les gens s'enthousiasment. Quand le Labret a été repris, les Pessan ont fait revenir leurs fermiers pour qu'ils s'occupent des terres et aident à nourrir la population. Ce qui fait que dans l'ensemble, le domaine n'est resté inactif que peu de temps. Ils sont huit à œuvrer régulièrement sur ces terres, dans deux belles maisons et il semble savoir ce qu'ils font. La seule nouveauté, c'est que la maison principale retrouve une occupation aussi, avec un intendant. Mais tout ce qu'on fait, pour l'heure, outre aider quand on peut nos fermiers, c'est retaper la baraque, l'entretenir et envisager de faire un peu d'élevage pour avoir, en plus des légumes, de la viande, des œufs et du fromage. Il faudra du temps avant que ça ne soit rentable. Déjà parce qu'il faut tout faire, ensuite parce que nos connaissances dans l'élevage ne sont qu'empiriques. Je veux dire, Guillaume s'y connait, mais surtout en chevaux. Pour le reste, j'ai appris de lui. Alors, la vache, il voit à peu près comment la gérer, les poules, il y a plus compliqué, mais cela reste un métier et votre Lance sera toujours meilleur que moi. Sauf pour les chevaux, parce que le Guillaume, c'est son domaine.

Aymeric se voit comme un citoyen lambda, ancien milicien. Qu'il ait gagné un titre parce que son frère puis son père sont morts ne change pas fondamentalement ce qu'il est. Seule la perception des gens a changé, sans que cela ne l'émeuve outre mesure. Bon, il a quelques sous aussi, maintenant, même s'il travaille à perte, il peut voir venir. Pour l'heure. Pour les fermiers, il espère que sa présence est un plus. Parce que bon, il leur "vole" régulièrement de la nourriture. Heureusement, parfois il leur en apporte aussi. Mais outre ses dons de combattant, il essaie de leur offrir une sécurité du côté de la santé, ayant engagé une soigneuse pour qu'elle gère, ici, leurs petits bobos. A côté, il se montre respectueux de leur travail, ne leur dis pas quoi faire parce qu'il ignore ce qu'il convient de faire, n'étant pas agriculteur et il essaie d'organiser au mieux les convois de ce qu'ils ont récolté, ce qui là est un domaine où il est compétent. En tant qu'ex de l'externe, il connait des gens. Des récoltes non perdues, les fermiers apprécient. Et le reste, dans l'absolu, ne les dérange pas trop. Et donc, il ne comprend pas pourquoi les gens du Labret sont ravis de sa présence. Il est un héros du Chaudron ? Les vrais héros sont ici, eux ont affronté la fange pour nourrir le monde. A côté, Aymeric n'a tiré que quelques flèches au cours d'un combat perdu. Sur la question du crottin qui peut devenir de l'engrais ou des bûches, il écoute l'argument de Mathilde puis retrouve rapidement son côté rustique.

- Vous faites le choix de tricher un poil sur les récoltes, moi celui de ne pas me geler les miches. Faut dire que c'est plus ptit chez vous, ça garde sans doute mieux la chaleur. La bicoque que j'occupe, en hiver, ça sera un glaçon.

Faudrait peut-être qu'il trouve épouse avant l'hiver. Une femme, ça réchauffe, aussi. Mais ça ne serait une solution que pour lui. Son personnel et sa fille vireraient au bleu. Il a connu des nuits dehors par grand froid, il ne le souhaite à personne. Alors, l'engrais, c'est bien joli, mais si on ne peut plus bouger parce que le froid nous a engourdi, avoir une scarole de plus, ça change quelque chose ? Sans doute que non. L'offre pour la législatrice fait plaisir à Mathilde mais elle ne s'en servira probablement pas, étant satisfaite du législateur fourni par l'Ordre. Et c'est tant mieux, finalement, le Terresang avait de bons érudits. Le regard d'Aymeric s'éclaire quand elle parle jambon.

- Ca, j'vous avoue que j'en mange rarement et que j'ignore comment ça se fabrique. C'est dommage, d'autant que ça se garde plutôt bien. J'serai pas contre le fait d'apprendre à en faire, dès que j'aurai les cochons en suffisance pour les fabriquer. Sur quatre jambons, j'pourrais en garder un pour nous. De quoi nourrir la maison et les invités quelques jours, voire semaines

L'enthousiasme de Mathilde quant aux ouvriers fait plaisir au Comte, car c'est un peu à son initiative et il s'en serait voulu de l'avoir menée vers des chemins qu'elle n'aimait pas. Quant à son rêve, il sent un appel du pied mais la tempère de suite.

- Le fait d'avoir reçu un arc de sa Majesté n'en fait pas un ami ni de moi une personne qu'il écoute. J'ai déjà été ravi qu'il accepte qu'Alix fasse le trajet en bateau, même si je pense qu'il était plus ravi encore qu'un noble quitte utilement l'Esplanade. Je n'ai pas son oreille, je ne saurai défendre votre projet. Mais si les choses devaient évoluer, je n'hésiterai pas.

Qu'elle ne se fasse pas trop d'illusions. Puis le petit propos qui rappelle les événements du Chaudron. Il regarde sa main, ayant eu la décence de ne pas relever jusque là.

- Un souvenir du tournoi ? Sinon, je n'ai rien contre les mordus et je trouve la décision royale complètement idiote et commanditée par la peur, qui est rarement bonne conseillère. Votre banni a mis sa vie en danger pour sauver la cité et voilà sa récompense. D'autres ont fait autant pour l'humanité avec la même récompense. Il y avait d'autres méthodes mais je ne suis pas décideur, et j'avoue ne pas y avoir réfléchi.

Aucune allusion à Alexandre de Terresang. S'il prend en charge des gens qui méritent de l'être, grand bien lui fasse, mais cela ne change pas l'opinion qu'Aymeric a de lui. Le sourire d'Aymeric réapparaît quand il imagine combien la pauvre Mathilde s'est torturée avant de venir le voir.

- Je ne sais pas quelle attitude adopter face à un noble non plus, mais à la différence de vous, j'ai un titre qui me permet de commettre des impairs si le coeur m'en chante. Après tout, Comte, c'est un rang assez élevé. Plus que Vicomte, déjà.

Un petit sourire en coin, finalement, il aura quand même taclé le Terresang, mais sans en rajouter outre mesure. Ici, cela sent la petite pique humoristique plus que le règlement de compte.

- Je vous avais dit que vous étiez toujours la bienvenue chez moi et je n'ai pas pour habitude de parler pour ne rien dire. Mais j'apprécie aussi les tartes. Ou les cadeaux tout court. Après tout, j'étais juste venu avec une confiture de coing, non ?

Pour les coups durs, Aymeric retrouve un pragmatisme finalement assez terrien.

- L'année est loin d'être finie, on en est même pas à la moitié...

Avant de lui offrir un vrai sourire.

- Aussi, je vais vous inviter dans le salon des de Pessan. Les meubles sont confortables. Même moi qui suis né dans une famille qui avait du sou, j'ai jamais eu l'occasion de poser mon séant sur quelque chose d'aussi cossu. Alors, certes, cela ne changera pas le sens du monde, ni même votre journée, mais avoir le sentiment d'être sur un nuage, ça n'a pas de prix. Et c'est gratuit !
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptyVen 8 Nov 2019 - 4:00
La maison principale retrouvait une activité, et c'était bien là ce qui faisait que les gens s'enthousiasmaient. Les terres n'avaient que peu souffert de l'absence des ouvriers, le temps que la situation se calme et que la fange soit repoussée. Les labours avaient permis de venir à bout de la friche à peine installée et les cultures étaient reparties bon train. Les bâtiments, eux, demandaient plus de travail, et l'on attendait avec une certaine impatience le retour d'un maître des lieux. D'une certaine façon, le fait que le domaine soit à nouveau totalement fonctionnel, ou presque, mettait un peu de baume sur les blessures des paysans du coin. C'était un feu d'espoir allumé dans le coeur des gueux, qui voyaient un pan de leur passé reprendre vie, en dépit de la Fange. Mais comment l'expliquer à un homme qui, dans son esprit, ne faisait que son travail?

- Chaque ferme qui se relève est une victoire dans le coeur des natifs du Labret. J'ai connu ces terres cultivées à leur plein potentiel. J'ai vu les fumées des chaumières bien entretenues s'élever paresseusement dans le ciel d'automne. J'ai entendu les animaux accueillir le lever du soleil en criant de toute leur voix. Revenir ici a été difficile, parce que la vie avait quitté ces terres. Alors chaque maison qui se relève, chaque champ qui sort de la friche, chaque bête qui naît est une victoire sur la mort qui a bien failli emporter notre Labret. Voilà pourquoi on s'enthousiasme. Parce que voir la vie prendre le dessus, dans toute sa fragilité, nous redonne espoir en un avenir meilleur. Et l'espoir bah... ça fait vivre. Son sourire s'étira, malicieux. Et si les nobles recommencent à sortir de leur Esplanade, c'est que finalement la situation est un peu moins grave. J'imagine mal un noble qui a passé toute sa vie dans le luxe et le confort s'établir tout à coup ici pour le plaisir de vivre le grand frisson du danger. Silence. Regard qui se perd dans une réflexion aussi rapide qu'intense. Haussement de sourcil. Merde. C'EST un noble. Mais un noble qui combat, qui n'a pas peur de se mouiller, qui n'est pas comme les nobles que lui décrivait son père autrefois. Mathilde lève une main autoritaire pour imposer le silence face à une éventuelle réponse. Et avant que vous ne vous sentiez insulté, je ne parle pas des nobles guerriers qui sont aux premières lignes quand il s'agit de défendre le peuple.

Et maintenant, Mathilde, changeons de sujet subtilement en parlant de ce qui a animé son regard : la viande. Pas qu'elle soit tout à coup mal à l'aise, mais si elle pouvait éviter une nouvelle bourde avec de Beauharnais, ça serait bien. Elle les enchaîne avec lui, plus que de raison. Plus qu'avec les autres. Pourquoi? Elle n'a pas ce problème avec de Terresang, qui a peut-être le mérite d'avoir des réactions plus sanguines, et donc plus faciles à décoder, que la froideur dont le Comte a pu faire preuve par le passé alors qu'elle refusait d'héberger l'un de ses protégés. Mais avec de Terresang, Mathilde a l'impression d'être une égale, appréciée pour ce qu'elle est et non pour les révérences qu'elle ne sait de toute façon pas faire. Avec Beauharnais, c'est différent. Parfois chaleureux, parfois froid, elle a du mal à savoir sur quel pied danser. Peut-être à cause de sa franchise désarmante. Ou simplement de son attitude, bienveillante mais distante. Comme un fossé savamment entretenu qu'il ne lui permettra pas de franchir, et qu'il ne franchira pas lui-même. Ou bien... Ah, laisse tomber Mathilde.

Va pour la viande.

- Lorsque vous abattrez un porc, vous me préviendrez, je viendrai faire la corvée de transformation pour vous montrer, à vous et à vos gens. Fumaisons et salaisons, on faisait ça chaque automne avec mes parents. Un sacré travail qui en vaut la peine. Ça me surprend que vos gens le fassent pas. A moins qu'ils n'aient perdu la main. Faut juste pas avoir peur de se salir. Et avoir du sel sous la main. Et une main guérie. Elle le sera d'ici à l'automne.

Un souvenir du tournoi ? Elle eut un petit sourire nerveux et sans doute baissa-t-elle les yeux un instant. Elle ne répondit pas. Que pouvait-elle bien dire? Un accident stupide, messire, un manche de poêle en fonte bien trop chaud, un instant d'inattention. C'était ce qu'elle avait appris à répondre, à ses gars, à ses voisins. A part Alcide, personne ne connaissait la vérité. Mais certaines personnes avaient acquis sa confiance, et à ces personnes, Mathilde ne voulait pas mentir. Elle préférait alors dévier la conversation, ce qui, avec le Comte, n'était pas bien compliqué puisqu'il l'invitait à entrer pour partager sa tarte.

- L'été sera bien trop occupé que pour que je cours derrière les problèmes. Ma spécialité, avec les bourdes de protocole et de bienséance. Elle rit. Autre constat navrant, mais bien réel. Mais elle revint vite à l'objet de la discussion : la maison. Elle allait y entrer pour la première fois de sa vie et, quelque part, elle se sentait comme une gamine invitée à découvrir un trésor convoité. Si elle avait couru les champs, elle n'avait jamais mis un pied dans ce qui lui apparaissait comme un vaste château, miraculeusement réchappé de la Fange. La demeure n'a donc pas été pillée lors de la reprise du Labret? C'est un chance que tous n'ont pas eue.

La maison serait froide en hiver... C'était une évidence. Elle était gigantesque, s'élevant sur trois étages, bâtie pour une époque maintenant révolue. Probablement garnie de pièces d'apparat qui avaient maintenant perdu leur utilité. Aymeric serait-il du genre à leur redonner leur rôle? Pas forcément. Il était plutôt pragmatique, et recevrait sans doute dans un bureau aménagé pour la peine. Mais là, il l'invitait dans un salon qu'il qualifiait de cossu. C'était quoi, cossu, pour un type qui avait de toute évidence grandit avec un certain confort de vie?

- Vous pourriez n'occuper que quelques pièces durant l'hiver et fermer les autres. Qui a besoin de chauffer dix chambres quand il n'en occupe que deux? Prenez celle au-dessus des cuisines, vous n'aurez qu'une cheminée à chauffer pour vous nourrir et vous chauffer. Non? Fermez les pièces inutiles et contentez-vous du strict minimum. Un bureau pour vos affaires, un boudoir pour Alix, avec la salle-à-manger cela vous fait sept pièces sur un total de...? Pour Mathilde, qui ferait probablement rentrer ses bêtes dans sa maison durant l'hiver pour la réchauffer, la solution était toute simple... mais elle ne la suggérerait pas au Comte, persuadée que les odeurs liées à la cohabitation ne seraient pas du goût de la jeune Alix. A-t-elle songé à d'éventuels domestiques logeant sur place? Pas du tout, cela ne lui a même pas effleuré l'esprit, mais Aymeric ne manquera certainement pas de lui souligner, à sa façon, que sa vision est un peu trop simpliste.

Ce n'est que lorsque Aymeric l'inviterait à entrer qu'elle le suivrait docilement. Sans doute admirerait-elle les boiseries, plus que les dispositifs visant à sécuriser l'endroit contre les attaques de fangeux, et les tapisseries, s'il y en avait encore aux murs, avant de constater qu'un salon cossu était une chose totalement superflue dans sa vie, mais tellement confortable qu'elle s'y ferait vite. Et lorsqu'on apporterait un couteau et le nécessaire pour faire le service, Mathilde se ferait un plaisir de trancher dans la tarte, un généreux morceau pour Aymeric -parce qu'il faut bien nourrir les hommes, sa mère y mettait un point d'honneur, et un triangle plus modeste pour elle... parce qu'elle aurait l'occasion d'en déguster une autre part plus tard, chez elle, avec ses gars.
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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptyLun 11 Nov 2019 - 8:13
Quand elle lui explique pourquoi la population semble si heureuse de voir la maison à nouveau occupée par des nobles, Aymeric l'écoute avec attention, regard plongé dans celui de la fermière, sans ciller, ce qui est signe de haute concentration par rapport aux propos tenus. Et quand elle a fini, il répond, simplement.

- Du temps de la milice externe, avant et après la Fange, j'étais plus un milicien des marais qu'un milicien du Labret. Alors, hormis pour les zones proches des montagnes ou de la mer, on peut dire que les fermes étaient rares. Au contraire du braconnage. Les marais étaient plus fermés sur eux mêmes et étaient plutôt des zones de transit, puis orienté sur le travail du bois et de la pierre. Alors, l'esprit du Labret, je n'ai pas vraiment eu le temps de le cerner, je n'étais pas de sa reprise. Mais l'espoir, j'en parlais encore à ma fille. Je lui ai expliqué que tant qu'on continuait à espérer, que tant qu'il y aurait des gens comme nous qui pensent qu'il est important de travailler la terre et de vouloir nourrir ce qui reste d'humanité, que tant qu'il existait des gens qui plantent et se permettent ainsi de croire qu'il existera un demain, parce que la scarole plantée n'apparaîtra que dans quelques semaines, et donc que tant que l'espoir subsiste, nous serons vivants, car notre monde sera perdu quand il n'y aura plus de gens pour croire. De ce point de vue, je dois quand même être un labretain.

Il hausse les épaules pour ce qui sera de la suite.

- Vous connaissez les raisons pour lesquelles j'ai quitté l'Esplanade. C'est simplement parce que ça n'a jamais été chez moi et que ce monde est peuplé de gens plus dangereux que les fangeux eux-mêmes.

On pourrait aisément imaginer qu'il exagère, mais dans le fond il continue de le penser.

- Puis le chaudron nous l'a prouvé, Marbrume est un piège à ciel ouvert et l'Esplanade l'est plus encore, car elle donne l'illusion de la sécurité. L'attaque aurait eu lieu dans l'Esplanade et non dans le Chaudron, les habitants auraient encore moins survécu, même s'il y aurait eu moins de morts car l'Esplanade est moins peuplée. Dans le Goulot, on n'a pas hésité à rentrer, à chasser les gens, à les éliminer si on pensait qu'ils représentaient un danger de transformation ou si on ne pouvait s'assurer qu'ils n'étaient pas déjà devenus fangeux. Dans l'Esplanade, ça aurait hésiter. Et jamais ils n'oseront abattre un bel escalier en marbre pour grimper à l'étage avec une échelle, dans l'Esplanade, parce que ça serait ridicule...

Aymeric lève les yeux au ciel.

- Je suis quelqu'un de pragmatique, Mathilde. Je suis malheureux en ville, j'ai besoin d'espace vert. J'ai une fille et la meilleure garantie que j'ai de la nourrir est de vivre là où on produit la nourriture. Venir vivre dans le Labret n'est pas une perte de confort. Le confort, c'est avoir un toit et de la bouffe. Le confort, c'est ici. Mais je suis le seul "noble" qui semble l'avoir compris et ce avant même le Chaudron. Le danger est là-bas. Si le Labret, pour une raison ou une autre, décide de ne plus nourrir Marbrume, avec le soutien des miliciens ici sur place, Marbrume meurt. Parce qu'ils n'ont que peu de réserves, là-bas.

Son sourire se fait un peu plus triste.

- Quoi que je ne sois pas le premier, il semble qu'il y a un baron avec sa famille dans Usson, un labretain qui est revenu sur ses terres dès qu'il a pu. Maintenant, je ne sais pas s'il avait un logis dans l'Esplanade. Enfin, peu importe, ma présence ici est dictée par la logique, pas par un mieux-être ou une situation améliorée par quoi ou qu'est-ce. Mais cela, seul nous le savons, il n'est pas utile de le répéter. Si ma présence donne du courage aux gens d'ici, tant mieux. Et qu'importe si la raison qui fait qu'ils espèrent est mauvaise, l'important, c'est l'espoir

Boum, changement de sujet qu'Aymeric n'a pas vu venir. Le talent qu'a Mathilde de passer du coq à l'âne est épatant. Même si là elle parle de cochon. Et si elle est attentive, elle verra que le Comte a blémi.

- Pour les salaisons, il y a la cave où on pourra faire vieillir un jambon aussi bien qu'un fromage, même si j'ai trouvé quelqu'un pour s'en charger. Mais pour ce qui est du fumage et du séchage, je n'ai rien. Alors soit ça peut s'organiser dans une cheminée, soit il va falloir que je fabrique un fumoir. Et l'un dans l'autre, il va me falloir étudier le problème. Bon, la bibliothèque de Marbrume recèle de pas mal de trésors, même des conseils pour le fumage, j'imagine. J'en profiterai pour en apprendre plus sur l'élevage des cochons. Une viande qui se garde, c'est important aussi.

Aymeric semble abattu. Il pensait en avoir à peu près fini avec les réparations à l'extérieur. S'il doit fabriquer un fumoir, outre la fortune que cela représente, ce sont des semaines de travail dangereux, car il est plus aisé de réparer une maison de l'intérieur que de courir dehors pour planter un clou alors qu'un fangeux peut surgir à tout moment. Mais si le porc peut être une solution rentable, alors acheter un ou deux couples, cela commence à lui traverser doucettement l'esprit. Voire plus, car un adage dit que tout est bon dans le cochon. Mais est-ce que ça cohabite bien avec les chevaux, ces bêtes-là ? C'est pas toujours simple de réaliser qu'on n'y connait pas grand chose et que le domaine où on est le meilleur, c'est l'équarissage. Au final, il aura des oeufs, du fromage et de la viande de lapin. C'est pas avec ça qu'il sauvera Marbrume. Il y a à peine de quoi nourrir ses gens.

Bon, avec tout ça, elle n'a pas répondu à la question sur sa main. Un souci avec un de ses ouvriers dont elle veut taire la maladresse ? Ou pire, un galant qui l'aurait malmenée. Elle connaît le Comte de réputation, sait qu'il interviendrait sans doute si elle le lui demandait, et si elle a la possibilité de se déplacer seule pour rendre visite à un noble, c'est qu'elle n'est pas séquestrée. Sans doute un accident domestique stupide dont on n'aime pas parler, du style elle s'est brûlée la main sur une poêle trop chaude. Bon, il n'insistera pas. C'est qu'il la respecte, la fermière qu'Alexandre a pompeusement nommé "la Dame du Labret", oubliant que c'est lui qui l'a découverte.

- Non, la demeure n'a pas été pillée. Sans doute parce que les Pessan ont eu le temps de tout fermer avant de partir, je présume. Puis les fermiers qui sont revenus ont veillé sur le bâtiment. Sans compter que la famille Pessan est d'ici et est très respectée côté Marbrume, leurs commerces rendent de grands services. J'imagine qu'être mal vu soit des de Pessan soit des officiers de la Milice a pu en freiner certains.

Oui, un nom puissant offre certains avantages.

- Il y avait des travaux à faire quand même. Le blindage du rez-de-chaussée était évidemment le plus urgent, la toiture, les fenêtres et quelques rénovations liées à l'humidité, des choses comme ça. Mais c'était loin d'être le taudis que je craignais quand on m'a proposé de vivre ici. Ah, et comme la Comtesse nommait ça une "ferme", je l'imaginais plus petit, aussi. Quand j'étais petit, nos résidences secondaires étaient grandes aussi, mais je ne connaissais pas encore réellement les autres lieux de vie. Même les fermes des ouvriers agricoles des Pessan sont d'excellentes factures. Deux familles peuvent y vivre sans s'entretuer. Ma fermette dans les faubourgs est beaucoup plus fonctionnelle et plus petite, mais le couple qui y vit ne semble pas s'en plaindre. L'air marin doit en être pour beaucoup, puis lui était chévrier avant et elle lainière et ils n'ont pas de voisin pour les déranger. Je les envie presque. Enfin, surtout lui. Un travail qu'il aime et une compagne qui l'aime, puis un "patron" qui vit loin et lui fait confiance, c'est presque le paradis.

Et merde, il vient de dire à une veuve qu'il était en manque de femme. Alors, ça, dans le domaine des impairs, ça se situe où entre "gravissime" et "impardonnable" ? Il peut même pas poser la question à sa législatrice, spécialiste des bonnes manières, elle pourrait le vivre comme une avance. Et s'il y a bien une chose qu'il veut éviter, c'est de mettre son personnel féminin mal à l'aise. Il a même armé Bérénice, sa domestique, d'un poinçon pour qu'elle puisse le planter dans la cuisse d'un mâle trop entreprenant. Et vu qu'il n'y a que deux mâles qui vivent dans la maison et que l'un d'eux semble leur porter de l'affection mais sans velléité sexuelle, autant dire qu'il a armé sa domestique contre lui. Bon, heureusement, Mathilde commet une bourde, elle aussi, en l'invitant à ne chauffer que les pièces où ils vont vivre et pas les autres. Aymeric la regarde avec un sourire interrogateur, puis pose quand même la question.

- Je vous ai déjà donné l'impression que je gaspillais ou jetais l'argent par les fenêtres. Sauf pour ma fille, j'entends. Oui, parce qu'avec elle, je sais que je fais quelques folies. Mais en effet, on ne chauffera que les pièces où l'on vit et de préférence avec notre stock gratuit. Histoire que le bois serve à autre chose. Quoi qu'avec le fumoir en plus, ça va commencer à faire une sacrée quantité. Heureusement que la vache arrive. Ca va en faire de la quantité... Délicieusement superflu

dit Aymeric après avoir posé son séant dans un fauteuil du salon.

- Mais tellement pratique pour fêter un contrat. On peut se détendre, on est bien, le client repart satisfait. Mais c'est un piège aussi, parce que quand il faut travailler, et ça m'arrive souvent, il est difficile d'en décoller. En toute honnêteté, je serais chez moi, je m'en débarrasserais. En échange d'un bon prix, je n'ai pas perdu le nord. Mais je me dis que si je retrouve épouse, elle aura du plaisir à venir ici, pour faire ses ouvrages de couture ou pour y recevoir les gens, enfin, ce genre de truc auxquels je ne participe pas. Je n'ai jamais été doué pour les mondanités, je suis souvent un hôte exécrable, même quand je veux bien faire. Tenez, je n'ai même pas songé à du lait pour accompagner la tarte.

Il s'est rapidement redressé pour aller en chercher une cruche et deux tasses.

- A moins que vous ne préfériez manger dans la cuisine ? Après tout, on y mange aussi nos repas...

Elle pourra y voir l'installation, l'agencement. Là aussi, c'est du luxe. Aymeric n'est pas convaincu que dans les bonnes tavernes, ils aient autant d'espace et de matériel. Mais ici, il ne s'en plaint pas. Sa domestique aime travailler ici, même si là elle est à l'étage, aimant rester non loin de la vicomtesse histoire de garder les deux enfants à l'oeil. Si Mathilde est observatrice, elle remarquera qu'une barrière bloque l'accès du premier vers le rez-de-chaussée. Une idée qu'ils ont eue avec Guillaume pour protéger le petit Alfred, fils de sa domestique et qui est encore trop petit que pour maîtriser et sa marche et sa sécurité. Et la large part de tarte qu'elle lui propose, Aymeric la coupe en trois parts, en réservant une pour Alix et une pour Alfred.

- La grande est gourmande et si ça lui plaît, elle voudra la recette. Elle développe une vraie passion pour les arts ménagers. Et ça n'est pas qu'à mon contact. Quand elle était encore dans les rues et qu'elle trouvait un petit boulot de domestique, elle n'hésitait pas à faire quelques pâtisseries pour les offrir aux enfants du Temple.

La fierté dans le regard d'Aymeric ne peut être feinte, c'est qu'il est fier de sa fille. Avec la vie qu'elle a eue, elle aurait pu être égoiste, voire vengeresse, avant de retrouver son père, ou pédante et savourant son nouveau statut après que son père l'ait reconnue et adoptée. Mais non, avant, elle songeait aux autres, alors qu'elle a été proche de mourir de faim, et maintenant, elle songe Temple, donation, travail et aide aux pauvres. Aussi la laisse-t-il gagner son argent de poche. Elle apprend à dépiauter un lapin. Les peaux, elle en fait ce qu'elle veut. Un don au Temple, car pour les mariages, les peaux, c'est important. Ou elle les vend à une couturière car deux belles peaux font de bons gants. C'est une fois de temps en temps qu'elle peut gérer son lapin de bout en bout, mais dans l'absolu, ça peut sauver des vies de savoir fabriquer un piège, retirer la peau d'une proie, ne conserver que le comestible et revendre une peau. Cela reste du jeu pour Alix, comme grimper aux arbres, courir sans bruit, ce qu'elle apprend avec lui, cuisiner, reconnaître les aliments, reconnaître les cultures, ce qu'elle fait avec Bérénice ou devenir responsable, ce qu'elle fait en surveillant Alfred... sous la surveillance de Bérénice, qui tient à bien rester la mère de son fils. Mais bon, elle a vite remarqué qu'avoir une autre enfant mobilise plutôt bien son fils et que l'autorité du Comte, cette présence masculine, l'aide aussi. Aymeric ne le lui reprochera pas. S'il engage des femmes, c'est aussi pour qu'Alix ait des modèles féminins. C'est pourquoi il va vers les prêtresses plutôt que les prêtres et que la plupart des gens avec qui il négocie sont des femmes, histoire qu'Alix voit qu'une femme n'est pas qu'une domestique, qu'il existe des fermières, des sergentes, des mercenaires, des prêtresses, des boulangères et que son univers futur est rempli de possibles.

- Alix est plus douée que moi pour tout ce qui est apprentissage. C'est fou, elle se passionne pour tout. Vider un lapin ne la répugne pas. Fabriquer un piège l'amuse. Coudre la passionne. Elle fait des efforts déments pour le maintien, sait faire une révérence. Elle écrit déjà mieux que moi, mais j'avoue n'avoir jamais été doué dans ce domaine. Et puis elle a un de ces charmes, avec ces yeux pétillants et avides de savoir et cette certitude qu'elle a que les gens peuvent lui apprendre beaucoup. Son envie d'aider, aussi en échange. C'est tellement naturel que les gens fondent en sa présence, moi aussi, je l'avoue. Je crois que si les choses se passent bien pour moi, si je ne suis pas perçu comme un étranger ou un manipulateur, c'est grâce à elle. Elle, elle est noble. Pas par le sang, mais par le coeur, vous voyez ? Elle avait cette noblesse avant de savoir qu'elle en avait aussi le sang. Enfin, la noblesse que moi j'appelle de mes vœux. Celles de gens qui sont fait pour guider et peuvent servir de modèles ou de référents. C'est ce que j'essaie d'être. Je ne donne pas de leçons, j'essaie d'agir justement. Quand je négocie un contrat, j'ai envie que chacun en sorte gagnant. Mais ça n'est pas toujours simple. J'ai bousculé votre vie en venant vous trouver j'en suis conscient. C'était prétentieux d'imaginer que je pourrais vous apporter quelque chose. J'ai échangé votre savoir contre un peu d'argent, en gros. Mais comme vous semblez y trouver votre compte, tant mieux. Mais c'est une erreur je crois que d'essayer de rendre les gens heureux. Parce que chacun a son idée du bonheur. Moi, c'est l'air frais, protéger et transmettre. Quand je me lève le matin, je sais pourquoi je le fais, pour Alix. Je n'aurais pas dû vous proposer de vous occuper de sa petite protégée, ça n'était pas mon rôle. Et même si je pense qu'il serait bon pour vous de trouver un mari et de lui donner un enfant, si Serus décide qu'il sera le bon père pour cet enfant, je ne vous en parlerai pas. Je n'ai pas à vous pousser dans une voie ou une autre. En tant qu'ami, je n'ai qu'à soutenir vos choix, les discuter si tel est votre désir, car j'ai mon bon sens aussi. Mais plus jamais je ne vous forcerai la main.

Mince, encore un long laïus. Cela devient une spécialité... mais le plus important n'a pas été dit.

- Même si mes intentions étaient bonnes, je n'ai pas à me projeter et à imaginer ce qui pourrait vous rendre heureuse. Votre vie vous appartient et mon côté trop... con ? protecteur ? intrusif ? vous choisirez le mot qui convient n'a pas lieu d'être. Enfin, bref, je vous présente mes excuses pour tout ça, que ça ait bien marché ou pas. L'Ordre, l'Esplanade, la petite, tout.
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptySam 23 Nov 2019 - 5:02
- Ne faites pas fabriquer quelque chose qu'on a à Usson. Depuis la Fange, on s'est organisés dans le coin pour économiser le bois. On avait presque tous un four à pain, avant. Maintenant, on cuit nos pains dans le four commun, sur la place. Pareil pour le fumoir, il y en a un disponible, il suffit de voir avec les voisins pour s'assurer qu'on va être plusieurs à l'utiliser et donc à apporter du bois. Laissez tomber les livres, rien de tel que de prendre un peu de temps avec des fermiers qui ont passé leur vie à parfaire leurs pratiques pour les transmettre, de génération en génération.

Certains livres avaient de jolies images, Mathilde avait eu l'occasion d'en voir une ou deux fois, à Marbrume et à Usson, mais elle n'avait jamais compris la fascination que certains pouvaient avoir à la simple évocation d'un ouvrage traitant d'un sujet lié au travail de la terre. Elle comprenait la nécessité de tracer des plans, pour construire une maison ou planifier un champ de cultures, mais pourquoi consulter un livre pour savoir comment fumer un jambon quand on avait, pour voisins, de véritables experts en la matière? Les livres renfermaient-ils des secrets plus attirants que le savoir-faire des petites gens?

Aymeric entreprend de résumer les travaux d'urgence réalisés sur les bâtiments. Elle ne peut s'empêcher de sourire à l'évocation de la ferme, qui relève plutôt du domaine. La Pessan doit avoir des moyens financiers considérables pour parler de cet endroit comme d'une simple ferme de campagne. Mathilde relève-t-elle l'allusion du Comte à une vie de couple? Absolument pas. La fermière conçoit que chaque être humain aspire à aimer et à être aimé. Il est normal de songer qu'un homme ayant une épouse aimante et un métier qu'il affectionne soit un homme chanceux, quelle que soit sa condition sociale. Et comme Aymeric s'adonne à son plaisir apparemment préféré (la faire rougir, avec une aisance déconcertante, en soulignant l'innocence dont elle peut faire preuve, de temps à autres), Mathilde se préoccupe plutôt de ce que le Comte pense de l'idée qu'elle se forge de lui et s'assoit en silence, une fois qu'il l'a invitée à le faire.

C'est fou ce qu'il parle. Parlait-il autant, la première fois qu'ils s'étaient rencontrés? Est-ce qu'il souffre du manque d'écoute, au point de profiter de la moindre visite pour se délier la langue? A moins qu'elle ne lui rappelle le visage familier d'une prêtresse à qui on peut raconter tout et n'importe quoi dans le cadre d'une confession... Ce n'est que le mouvement du Comte se levant qui la sort de ses interrogations. Mathilde fronce les sourcils. A-t-il parlé d'épouse? Merde, elle n'a pas écouté, mais elle s'est levée, machinalement. C'est ce qu'on doit faire, quand une personne d'un rang supérieur au vôtre se lève, non?

- La cuisine...?

Elle n'a même pas le temps de répondre quoi que ce soit d'autre que le Comte l'entraîne à sa suite, jusqu'à la cuisine où elle trouve tout le nécessaire au service. Là encore, le Comte corrige le tir en partageant sa part en trois. La fermière fronce les sourcils, à nouveau.

- Ma mère vous sermonnerait. Vous travaillez dur, vous ne devriez pas vous priver de ce petit réconfort. Vous devez prendre des forces, il reste bien assez de cette gourmandise pour toute la famille. Haussement de sourcil presque inquisiteur. A moins que vous ne me pensiez mauvaise cuisinière? Hm? Elle conclut en gloussant de rire et n'entama sa portion qu'une fois que le noble eût donné le signal, avant de s'interrompre pour un long, un très long laïus (un autre), qui a le don de lui en boucher un coin.

- Vous êtes incroyablement fier de votre fille, n'est-ce pas? C'est beau à voir. Votre regard s'adoucit à chaque fois que vous évoquez son nom, et vous affichez un petit sourire léger. C'est ça que j'envie chez vous, cette fierté infinie qui trahit l'amour sans limite d'un père pour sa fille. Le regard de mon père me manque chaque jour, et je pense que je ne pourrai jamais, moi, éprouver ce sentiment envers un enfant.

Elle avait eu le temps de finir la collation improvisée, et se demandait maintenant quoi lui répondre. Le corniaud s'était excusé. Elle ne se serait pas attendue à ça. Décidément, il avait le don de faire mentir son père, qui avait toujours décrit les nobles comme des gens hautains, distants, pédants et dotés d'une mauvaise foi extraordinaire.

- Je... Ami. Il avait dit ami. Est-ce qu'être l'amie d'une personne d'un rang supérieur impliquait d'envoyer paître le protocole? Sans doute pas. Deux veufs du sexe opposé pouvaient-ils être amis? Avec Lance, la question ne se posait pas, elle savait qu'il ne s'intéresserait jamais à elle autrement. Mais avec un autre? L'amitié était une vaste question à laquelle elle avait longuement réfléchi. Elle avait conclut que ce genre de lien prenait du temps à se tisser. La Fange avait eu le chic d'emporter approximativement tous ses amis de longue date, ne lui laissait pas d'autre choix que d'arrêter de s'en faire, pour ne plus avoir à souffrir de leur mort. Plus d'amis, plus d'amants, plus de famille. Fermer son coeur, pour ne plus avoir à le réparer... et puis de Beauharnais était arrivé, suivi de près par de Terresang. La douce Amélise avait suivi. Alcide était finalement arrivé. Le coeur de Mathilde s'était rouvert aux autres, et elle savait qu'elle pleurerait encore. Je ne m'attendais pas à des excuses. Je sais pas quoi dire. Admettre l'évidence était peut-être un bon point de départ.

- Je sais que vous êtes bienveillant envers moi. Et je vous crois bienveillant, de façon générale, avec ceux qui vous entourent. Si vos intentions avaient été mauvaises, je ne serais pas revenue. Je sais que vous espériez trouver un endroit sûr pour l'enfant, mais la sécurité est une chose que je ne peux pas assurer, pour qui que ce soit. Encore moins maintenant. Peut-être avait-elle instinctivement refermé le poing sur sa blessure, mais si c'était le cas, elle ne s'en était même pas rendu compte. Faire affaire avec l'Ordre m'a ouvert les possibilités dont je rêvais. Je ne manquais pas d'idées, seulement de bras. Maintenant que je les ai, je n'ai plus qu'à laisser libre court à mes ambitions démesurées! Elle rit. Elle y croit, réellement, et ne s'en cache pas, même si elle est consciente que les chances de garder tous ses gars en vie jusqu'à l'hiver sont infimes. Parce que cultiver les champs reste un travail risqué, qui oblige les paysans à s'exposer à la Fange. Bien sûr, ils ont appris à prendre un certain nombre de précautions, mais tout de même... Ça serait malhonnête de dire qu'il n'y a pas aussi un lot d'emmerdes à gérer depuis qu'une grosse grange a poussé à côté de l'ancienne, mais j'apprends à faire avec. Parce que tout ça a apporté un sens à ce que je faisais. Pas que cultiver seule une terre n'ait aucun sens, mais là, disons que transmettre ce que j'ai appris, ça donne un sens à ma vie autre que simplement faire pousser de la nourriture. Elle sourit. Je n'ai pas donné d'enfant à mon Philibert, Serus nous a refusé ce bonheur, pour une raison que j'ignore. Peut-être préfère-t-il que je fasse pousser des légumes plutôt que des enfants. Mais avec un peu de chance, je serai mariée d'ici à la fin de l'été. A condition qu'Alcide ne se fasse pas tuer. Une éventualité qu'autrefois elle aurait sciemment ignorée, mais plus maintenant. L'invasion de Marbrume l'avait clairement mise devant un fait pourtant bien établi : personne n'échapperait à la Fange. Ce n'était qu'une question de temps. Elle avait obtenu un sursit, mais pour combien de temps?

- Votre bienveillance me fait du bien. Elle me confronte parfois dans mes valeurs, elle bouscule mes certitudes, elle défie mes petites routines, mais elle me fait du bien, et je vous suis infiniment reconnaissante pour cela. Et pour l'Ordre, ses emmerdes, son dirigeant un peu sanguin mais fort sympathique, et sa montagne de travail engendrée. Elle rit. Cet accord était tout ce dont elle avait besoin pour vivre. Il avait donné un sens à son travail, et un sens à sa vie, tout en lui permettant de continuer à faire tourner sa ferme, sa chère ferme, sa seule et unique obsession.

- Mais vous, Aymeric, avec votre fille à vos côtés et malgré le soin que vous portez à lui montrer qu'une femme n'est pas qu'une épouse, j'imagine que la question du mariage finira bien par se présenter à vous, à un moment ou à un autre. Y a-t-il seulement une femme dans les environs qui puisse être assez douce, discrète, et qui soit dotée d'un caractère bien trempé pour pouvoir vous tenir tête de temps en temps? Elle sourit. Peut-être que la de Pessan et lui avaient déjà trouvé un accord, et que sa présence au domaine devançait l'arrivée de la promise.
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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptyDim 24 Nov 2019 - 9:58
- Vous êtes gentille, Mathilde, et j'sens bien que vous aimez vos gens, les travailleurs de la terre en général et les Labretans en particulier. Puis je sens bien aussi que la tradition orale et la transmission vous tiennent chaud. Mais vous oubliez un ou deux détails. Vous baignez dedans depuis que vous êtes née. Les gestes, vous les voyez depuis qu'vous êtes en âge de voir. Des porcs, vous en avez découpé par dizaine, certainement, et vous les avez transformés souvent, ou vous l'avez vu faire. Moi je sais les abattre et les découper, mais ça s'arrête à cela. Après, c'était le boucher qui prenait la suite et qui procédait à la transformation de la carcasse en charcuterie, parts de viande, rôti et j'en oublie. Si on n'a jamais vu la transformation, aussi doué qu'on soit, on finira forcément par oublier un détail. Imaginons que pour faire votre tarte, il faille trois œufs et que je l'oublie, ben jamais je ne saurai refaire votre tarte, et il est même probable qu'elle soit immangeable, malgré toute ma bonne volonté.

Etre didactique n'est pas toujours simple, mais sur ce plan, avec les questions qu'Alix peut poser, il commence à bien s'en sortir.

- Les livres, ça laisse une trace. Si on sait lire, on peut revenir dessus et comme réentendre ce que la personne nous a dit, presque "revoir" les gestes qu'il nous expliquait, s'ils ont bien été décrits. Ca ne vaudra jamais la présence du mentor ou du précepteur, nous sommes d'accord, mais cela aide mieux que juste la mémoire, quand tout ça n'est pas inscrit en nous. Imaginez, Mahilde...

Oui, il s'emballe.

- Qu'un bonhomme ou une bonne femme vienne chez vous, avec des piles de parchemin, et que vous lui expliquiez quoi semer, quand et comment, pendant un an. Ce qu'on peut faire pousser au printemps, en été, en automne, en hiver, comment on protège ses plantations, comment on les conserve au mieux, et que cette personne note tout. Imaginez, dans vingt ou cent ans, quelqu'un qui n'a pas grandi comme travailleur de la terre mais qui s'est découvert cette passion, reprenne vos conseils pour démarrer une ferme et cultive. Vous ne le connaissez pas, il ne vous connaît pas, et pourtant, il travaillerait comme vous. Les livres, ça permet de transmettre à travers les lieux et les âges. Il faut avoir énormément d'amour du métier pour vouloir transmettre, et forcément, cela vient de passionnés. Alors j'estime que oui, il vaut la peine d'écouter ce qu'ils nous communiquent, parfois de loin dans le passé. Puis l'adapter à nous, évidemment. J'aurais des bases, des recettes, des conseils, de quelqu'un qui devait être doué dans son domaine. Et cela ne m'empêchera pas d'apprendre aussi de visu, auprès de bouchers, auprès de fermiers, auprès de vous. Et qui sait si au final, je n'aurai pas ma propre recette de jambon, ou de saucisse fumée ou sèche. Parce que moi, je cherche aussi à faire des choses qui peuvent se garder plusieurs jours, voire semaines, pour nos miliciens qui partent parfois des jours en vadrouille. Cela prend plus de temps, du temps que la plupart des gens n'ont pas. Moi, je peux me le permettre. Mon fromage est à pâte dure, ma viande sera séchée et fumée, cela différera les bénéfices, c'est vrai. Mais je me dis que ça aidera aussi à mieux distribuer la nourriture, si on ne craint pas qu'elle ne pourrisse le jour même, voyez ?

Evidemment qu'elle voit. Il oublie à qui il parle. Alors il hausse les épaules et part sur un autre point.

- Alors, cuire un pain ne prend pas des jours, et je me dis que venir en cuire au four d'Usson de temps à autre, que ça soit personnellement ou que Bérénice le fasse, c'est une excellente idée. Les gens pourraient en profiter pour me faire leurs doléances. Quant à Bérénice, cela lui ferait du bien à elle de voir des gens... de sa condition. Je sais que ça peut déphaser, quand on est ouvrière agricole, de ne côtoyer qu'un type comme moi, sa gamine et son palefrenier, habitués à un autre monde. Revoir d'autres fermiers ou pouvoir discuter des conditions de travail, échanger des trucs avec d'autres domestiques, pouvoir dire du mal des patrons, ça fait du bien. Mais fumer ou sécher peut prendre des jours et pour être tout à fait franc, je ne peux me permettre de rester des jours devant un fumoir ou d'y laisser quelqu'un. L'avoir à domicile ne sera vraiment pas un luxe. Et donc, il va falloir que j'apprenne à fabriquer un fumoir et à m'en servir. Donc que j'apprenne aussi des recettes. Donc que je cours voir des bouchers charcutiers, que je vois le matériel, que j'étudie l'élevage de cochon, des choses comme ça. Avec des notes pour pouvoir reproduire les jours où je serai seul pour le faire. Et vous savez quoi ? J'sens que ça va me passionner.

Fin de cette discussion. Il sera ravi d'apprendre, mais il y a quand même des choses qu'il fera à sa manière. Parce que se balader dehors, ça reste dangereux, et qu'aller à un fumoir qui est à 20 mètres de murs protecteurs le rassure plus que de passer une demi-heure pour atteindre un fumoir et peut-être se trouver bloqué à Usson plusieurs jours parce qu'un orage imprévu s'exprime longuement. L'ambiance est agréable, aussi évite-t-il de relever qu'il n'a pas connu sa mère et que sa fille évite pour l'heure d'en parler. Mais ça le tracasse quand même. Pour l'heure, ils ont deux sujets tabous. La mère d'Alix. Un tabou partiel. Il lui a dit qu'ils étaient jeunes et très amoureux quand ils l'ont accidentellement conçue, mais il n'a rien révélé de son identité. L'autre tabou, c'est ce qui s'est passé dans le Chaudron. Alix y a survécu, mais y a vu des choses que personne ne devrait voir. Parler peut faire du bien, mais tout à sa joie d'avoir retrouvé sa fille en vie, fille visiblement marquée mais soulagée de le voir, il a fait le choix immédiat de mettre cet enfer derrière eux et de regarder devant. D'ailleurs il a vite fui Marbrume, le lendemain des faits. La sécurité, c'était le Labret. La veille du couronnement, un tel propos l'aurait fait passer pour fou. Désormais, d'autres doivent nourrir la même impression.

Et voilà que c'est Mathilde qui se lâche. Oui, visiblement, sa vie a été solidement bousculée, mais au final, cela semble lui plaire. Mais alors qu'il y avait des montagnes sur lesquelles réagir, le brave Aymeric ne posera qu'une question, sur le seul détail pour lequel finalement il n'a probablement joué aucun rôle, même indirect.

- Vous allez vous marier ? Enfin, si vous en parlez, c'est que vous avez réussi à coincer un olibrius qui se doit bien d'accepter ce mariage. Bon, olibrius, c'est pas bien. Je ne doute pas que c'est une bonne âme, votre veuvage reste encore relativement récent, la pression ne devait pas être trop forte sur vos épaules. S'il y a un cadeau qui vous ferait plaisir, du genre celui qu'un fermier ne peut offrir mais un noble oui, n'hésitez pas.

Il ne l'obligera pas à parler de son fiancé, c'est sa vie à elle. Mais il ne le lui interdira pas non plus. Finalement, l'arrivée du printemps 1166 aura été marquante et chamboulante pour Mathilde aussi.

- Z'avez déjà fini de constuire la grange ?

Oui, dans le fond, c'est l'autre information qui l'étonne. Alors, certes, l'Ordre a plus de moyens que notre Aymeric et le boulot a dû être fait avec des artisans, mais amener le matériel puis les hommes et faire le boulot, rien que de jour, et pas en continu car même si le fangeux est moins présent dans le Labret il l'est quand même, c'est un sacré exploit dans ce délai.

- Et tant que j'y suis, c'est compliqué, l'élevage de porc ? Et vous pensez qu'il est utile de séparer mes chevaux de mes vaches ?

Non, parce que s'il peut récupérer la clôture centrale pour faire l'enclos à cochons. De ce qu'il a vu en démarchant pour trouver une vache pleine, c'est que l'installation de cochons peut se faire proche de la maison, cour intérieure, là où on peut aussi mettre les lapins et les poules et ça fonctionne en relative bonne intelligence. Donc, avec la petite chèvre, le clapier à lapins et le poulailler, il se voit bien barricader en se servant des murs pour faire sa porcherie. Et deux couples de cochon, quand ça sera prêt. Deux porcs et deux... Comment on appelle la femelle d'un porc ?

- Une épouse ? Oui, la question viendra vite à se poser. Bon, il y a un noble qui vit au Labret, hormis moi. Vous m'excuserez, je ne compte pas Alexandre dans le lot, quand on conserve un logis à l'Esplanade, le logis au Labret tient lieu de seconde résidence. En même temps, il n'a pas tort, l'air frais et la nourriture saine ne peuvent que lui faire du bien. Ce qui prouve qu'il est un poil moins con que les autres. Donc, disais-je, un Baron de Rune que je n'ai jamais vu vivrait à Usson même, avec sa fille. Elle pourrait être une option et épouser une dame du coin pourrait renforcer ma bonne fortune au Labret. Y'a l'option de choisir une épouse qui me ressemble. Des nobles qui ont quitté leur famille pour rejoindre la Milice, j'en connais qu'une. Mais l'option saute d'elle-même, je déteste son frère. Et ceci pour autant qu'elle aurait voulu m'épouser. Si on quitte une famille, c'est pas pour rejoindre une autre. Mais au moins, on se tient en haute estime.

Voilà pour les noms "clairs et connus". Mais la liste est loin d'être finie.

- Après, il y a une flopée de veuves ou filles de bonne famille qui cherchent un époux potable, un qui puisse entretenir une famille et je me suis bien remis sur le marché avec ma forge, et bientôt ma ferme d'élevage. Même la Pessan pourrait s'inscrire sur la liste, au bout d'un moment. Ca résoudrait quelques problèmes mais je ne sais pas si ça serait le meilleur choix vis-à-vis de ma réputation. Y'a la soeur du nouveau sergent aussi. Entre héros du Chaudron, ça pourrait bien plaire, ça. Mais je doute qu'elle ait le sou. Une prêtresse, ça serait bien vu aussi je pense et ça ne serait pas pour me déplaire. Il y a beaucoup d'avantages à épouser une prêtresse, déjà pour s'assurer de bien rester dans la lignée de ce qu'attendent les Trois...

Il se gratte la barbe.

- Cela fait beaucoup de monde et ça sera prise de tête. Soit la réputation, soit la fortune, soit un mix des deux. Oui, quelque part, va falloir qu'on m'y aide. Bon, j'imagine qu'une mondaine serait ravie de me faire une liste de prétendantes. J'pourrais demander la même chose à une prêtresse. Voire aux deux. Puis il me restera à les rencontrer pour voir avec laquelle je pourrai m'entendre le mieux. Pfff...

Oui, c'était un gros soupir, car ça ressemble plus à une corvée qu'à autre chose, vu comme ça.

- Ces choses-là sont plus simples chez vous, pas vrai ? Vous vous rencontrez, vous vous plaisez et vogue la galère, on peut lancer les noces. Notez, je pourrais aussi, mais il est temps que je cesse de salir mon nom, car c'est celui de la petite. Alors jouer dans les règles... Puis il doit bien y en avoir une de potable dans le lot. Par contre, une chose est sûre, je me marierai à Usson. Voilà qui donnera de l'éclat au Labret, qu'un Comte s'y marie. Et comme signal, ça serait fantastique. Sans compter que ça coûtera moins cher, seront pas nombreux à oser faire le déplacement.

Et il éclate de rire. Il commence à acquérir le bon sens terrien.
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptyMar 26 Nov 2019 - 3:45
Mathilde plissa les yeux tandis qu'Aymeric exposait son point de vue sur les façons d'apprendre des gestes qui étaient loin de lui être familiers. Elle plissa les yeux, l'écoutant le plus sérieusement du monde, lui qui avait le don de partager ses pensées avec une facilité déconcertante... même si celles-ci omettaient parfois des évidences. Pourtant, plus il développait ses idées, plus elle avait envie d'avoir cette capacité à décoder les livres... pas pour les lire, mais bien pour en écrire un et y consigner la somme des connaissances que son père lui avait transmises. Ainsi, privée de descendance, leur travail ne serait pas oublié. Combien de temps fallait-il pour apprendre à écrire? Mathilde écouta, patiemment, jusqu'à la fin, et se permit de conclure avec le même sérieux.

- Aymeric. Les corvées se partagent. La découpe, la transformation, le fumage, tout. Comment voulez-vous que nous survivions si nous nous condamnons à travailler seuls, chacun de notre côté? Elle sourit. On se relaie au fumoir, on se rassemble entre voisins pour faire boucherie. C'est comme ça depuis toujours. Avant c'était une façon de fêter, aujourd'hui c'est une façon de survivre. Elle haussa les épaules. Certes, il fallait se déplacer, et cela était désormais un peu plus dangereux qu'autrefois, mais... c'était ça ou perdre les denrées et mourir.

- La grange n'est pas finie, non, mais ça ne tardera pas. En tout cas, elle a déjà l'allure de ce qu'elle sera une fois la toiture terminée et les murs complètement fermés. Alors elle attire l'oeil, déjà, bien qu'elle soit vide. Il s'appelle Alcide. ajouta-t-elle en passant à un tout autre sujet. Sa spécialité, avec Aymeric. Lui parlait beaucoup, elle sautillait de sujets en sujets. Un troisième interlocuteur eût sans doute trouvé cela très difficile à suivre. J'ai accepté, peut-être un peu vite. Une décision prise en rentrant de Marbrume, début du mois. Je n'étais peut-être pas tout à fait lucide... mais... Elle haussa les épaules, un sourire amoureux aux lèvres. Elle n'ennuierait pas plus l'homme qui lui faisait face avec des histoires de coeur, un coeur qu'elle savait bien trop enclin à aimer. Elle souffrirait, c'était une évidence, mais les événements de Marbrume l'avaient convaincue qu'il fallait vivre tout ce que la vie avait à offrir, pour ne rien regretter, le moment venu. Un mariage d'amour n'était-il pas une chose à laquelle elle aspirait depuis longtemps? Je n'ai pas vraiment besoin de cadeaux. Ce n'est pas comme si je débutais un nouveau ménage, avec les draps à broder et la vaisselle à acheter... Mais avoir un bras solide sur lequel déposer ma panique le jour où j'irai au Temple sera sans doute le meilleur des réconforts. Si ce jour arrive. Elle sourit, un peu tristement cette fois. Il fallait être lucide, son fiancé menait une vie dangereuse et courait au devant de la mort, comme un enfant qui se jette dans les bras de sa mère. Les chances qu'ils arrivent tous deux indemnes au mariage étaient infimes, mais si ce jour arrivait, elle espérait pouvoir compter sur une personne de confiance. Or, il y en avait un qui lui inspirait naturellement ce sentiment, et il se trouvait très précisément en face d'elle.

Lorsqu'Aymeric évoqua les multiples possibilités qui s'offraient à lui, Mathilde blêmit... jusqu'à l'évocation des noces au Labret, qui feraient naturellement le tri parmi les invités de marque. Elle rit, elle aussi. Le bon sens. Il commençait à comprendre le truc. Ça a l'air très compliqué vos affaires. Très compliqué et absolument pas guidé par le coeur. Vous ne croyez pas qu'être amoureux serait la meilleure des options, pour une fois? Chez nous, les petites gens, les mariages d'amour ne sont pas une règle générale, mais les choses changent. Je n'aimais pas mon premier mari, bien qu'il soit la gentillesse incarnée. Je l'ai épousé pour que mon père soit tranquillisé. Il espérait voir naître l'enfant qui lui succéderait à la ferme. Certaines familles s'allient pour gagner en importance, pour des histoires de dots, pour régler un conflit. Y a des histoires de métiers aussi, qu'il faut transmettre. Un fermier ne pourra pas reprendre la forge de son beau-père du jour au lendemain. Le forgeron va préférer marier sa fille à un homme du métier. Peut-être que maintenant, avec la Fange, on est un peu moins protocolaires. Mais les fêtes sont toujours aussi colorées! J'espère être invitée aux festivités du Comte, le jour venu! Et puis il faudra qu'Alix apprécie la future mariée. Je crois que c'est réellement le premier de vos soucis. ajouta-t-elle, un sourire malicieux s'étirant sur son visage.

Elle imaginait un grand banquet et de la musique. Des fleurs, partout, et des draperies, même si le Comte n'était pas porté sur la décoration. Son épouse le serait, nécessairement. Une débauche de lanternes, dans une salle gigantesque, des troubadours, des danseurs, des jongleurs... De quoi émerveiller les paysans du coin et faire parler de cette fête pendant trois ou quatre générations. Mathilde en venait presque à oublier la Fange, et la certitude qu'elle viendrait à bout de l'humanité avant que la prochaine génération ne connaisse ses vieux jours. Ce qui ne l'empêcha pas de revenir à des considérations plus pragmatiques.

- Les chevaux et les vaches font bon ménage. Ils ne mangent pas les mêmes herbes, et se tiennent compagnie les uns, les autres. Et puis l'avantage c'est qu'à force de rester ensemble, il vous suffira de mener un cheval vers la pâture voisine pour que toutes les vaches suivent. C'est assez commode et ça permettra un ramassage plus rapide de vos futur combustible. Pas qu'elle avait du mal à imaginer Aymeric à haranguer ses vaches pour les faire avancer, entre deux jurons bien sentis, mais c'était tout comme... l'idée seule suffit à la faire sourire.

- Je vous ai vu partir en avant, à Marbrume. L'instant d'avant j'avais du mal à choisir qui, de vous ou d'Alexandre, j'allais encourager, c'est bête hein? Je me suis retrouvée avec votre adversaire à essayer de monter des barricades pendant que vous courriez au devant des goules. J'étais certaine que je ne vous reverrais pas. Heureusement vous êtes un coriace. J'ai pleuré de joie quand on a évoqué votre nom parmi les survivants. Sa voix avait naturellement baissé d'un ton. Les événements étaient encore frais dans son esprit. Trop frais. Assez que pour peupler régulièrement ses rêves, et la tenir éveillée une partie de la nuit. Alcide faisait de son mieux pour la réconforter, lorsqu'il réussissait à s'éclipser de la caserne, mais la plupart du temps, elle se réveillait seule et retrouvait son calme une fois que ses mains avaient trouvé le manche de la fourche qu'on lui avait offerte. Alix, elle a vu tout ça?
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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptyJeu 28 Nov 2019 - 1:23
- Mathilde, je suis plus buté qu'un âne qui a décidé de ne pas bouger. Cela a freiné ma progression au sein de la milice, cela m'a aidé pour mes soins après ma chute de cheval et c'est aussi cela qui fait que j'ai osé quitter l'Esplanade pour venir ici. Alors, oui, vos arguments sont excellents, oui, ça serait certainement plus simple pour moi de me faire aider par des gens de métier et probablement même meilleur sur le plan social et tout ça. Mais j'ai envie que le fumoir soit ici. J'ai envie de me dire que le premier saucisson qu'on sortira sera réellement le mien, je veux ressentir cette fierté. Et pour l'heure, j'ai les moyens et l'énergie pour le faire. Alors, possible que d'ici un an ou deux, je regrette et que je me dise que finalement, j'aurais mieux fait d'écouter la mère Dumas, qui sera plus terrienne que je ne le serai jamais. Mais voilà, si j'arrive pas à être heureux dans ce que je fais, ce ne seront pas des regrets d'avoir dépensé trop d'énergie en pure perte, mais des remords de n'avoir pas réussi à être heureux, parce que je n'ai pas osé prendre un risque. Je ne crains pas l'échec, mais l'ennui. Si je dois échouer, je veux le faire avec panache !

Bizarrement, même si l'argument peut la faire sourire, je pense qu'elle le comprend. Sa vie a changé dernièrement, elle forme des gens. Alors, elle pourrait se dire que l'important, c'est qu'ils soient formés, mais Aymeric ne doute pas qu'elle ressent un plaisir fort à transmettre. Pour Aymeric, c'est pareil, il veut cette satisfaction d'avoir produit, par lui-même. Il ne sera peut-être jamais un grand producteur, ses produits ne vaudront sans doute pas ceux d'autres éleveurs, mais ce seront les siens, avec sa sueur, son énergie et qui sait ses larmes. Il est fier de ses fromages de chèvre, mais il lui manque quelque chose. Il a offert une chouette bicoque à ses deux chévriers, mais même si le fromage porte son nom, ça n'est pas lui qui le fabrique. Ici, il peut fabriquer. C'est cela qui l'excite. Alors, on ne lui volera pas son premier saucisson. Ca sera le sien. C'est comme le premier paon qu'il a ramené. Depuis, il sait les plumer, il sait dépecer les sangliers, tanner les peaux. Désormais, il veut savoir fabriquer un saucisson.

- Alcide ? Drôle de nom pour une grange !

Elle est passée tellement vite du coq à l'âne qu'il n'a pas pu s'empêcher de faire cette touche d'humour. Mais il redevient sérieux quand il réalise qu'elle aimerait qu'il la conduise à l'autel.

- J'en serai honoré, Mathilde !

En espérant que toutes les orphelines du Labret n'espèrent pas la même chose pour le jour de leurs noces. Quoi que, s'il a droit au buffet après... Et puisqu'on parle mariage, voilà qu'elle parle du sien et du fait qu'Alix devra aimer sa nouvelle belle-mère.

- Je pense qu'Alix sera ravie que je me remarie, elle a encore l'illusion qu'un couple est fait pour être heureux. Étrangement, j'ai envie d'y croire aussi. Je pense que le Temple sera ouvert à tous, de toute manière, pour les noces. Pour le banquet, j'imagine qu'on fera un peu privé, mais si on gère les choses de manière intelligente, on pourra faire une fête où tout le monde pourrait danser quand même. Si j'invite les artisans à apporter quelques excédents, il y aura de quoi boire et manger, puis une fois que les musiciens en ont fini avec les sangs-bleus, ils pourront faire de la musique du côté des culs terreux. Et il est fort possible que je quitte les sangs-bleus pour aller m'amuser un peu. Mais faudra qu'j'apprenne à danser. Une belle danse, pour mon épouse, puis les vraies danses, celles où on rit et où on boit. Cela fera du bien. Oui, faudra que ça soit un beau jour. J'pense qu'on en a tous besoin.

Bon, chevaux et vaches font bon ménage. C'est une excellente nouvelle et cela permettra à Aymeric de récupérer la barrière centrale pour en faire l'enclos pour la porcherie. Il n'y a pas de petits profits et il voit l'économie de travail que cela représente. Bon, faudra voir si la chèvre supportera les porcs. Suspense ! Le souvenir du chaudron rend Aymeric mélancolique. Il ne se doutait pas, au moment de son premier combat dans le tournoi, que ça serait le moment du tournant dans l'histoire de Marbrume. Car désormais, les fangeux sont dans les murs.

- Mon premier réflexe a été de chercher Alix du regard, mais je ne l'ai pas vue. Je lui avais donné les pistes pour se protéger des fangeux, elle était sans doute mieux armée que la majorité des gens présents, miliciens inclus. Alors, j'ai prié pour qu'elle ait survécu à la première vague, car c'est en état pris par surprise qu'on est le plus en danger, c'est vrai pour moi aussi, et ma priorité a été de repousser la fange, car c'était aussi le meilleur moyen de la sauver elle. Entrer dans le Chaudron pouvait aider à sauver des centaines de vies, et étrangement, j'ai eu l'intuition que je pourrais y être utile, en tant qu'archer. Nos regards sont différents. Les épéistes ont tendance à foncer, les archers à réfléchir. Et il fallait un peu des deux pour ramener les survivants vers la civilisation. Beaucoup ont eu l'impression qu'on a perdu des milliers de vies, moi pas. Moi, j'ai eu le sentiment qu'on pouvait sauver des centaines de gens. C'est très différent. En sauvant, on reste acteur de son destin.

Dire ça ou parler dans le vide, c'est presque pareil. Presque. Aymeric n'entre pas trop dans les détails, il n'en donnera qu'un.

- Au tout début, les gens fuyaient, poursuivis par les fangeux, dont certains étaient au milieu d'eux. Forcément, la milice bloquait le tout et forcément frappait au hasard. J'ai crié aux civils de croiser les bras au-dessus de la tête. Ceux qui le faisaient pouvaient passer, et les fangeux eux étaient repérés. C'était une bonne idée. La suite a été plus compliquée et vous m'excuserez, mais je vais éviter d'en parler.

Aymeric a le statut de héros, ça n'est pas juste parce qu'il a songé à faire croiser des bras. Mais qu'il parle d'une idée surprenante et pas des combats en dit long sur l'horreur qu'ils ont vécue. Les hommes aiment en général conter leurs combats. Quant à la question concernant Alix, il fait une grimace.

- Elle a vu, oui. Je me doutais que par réflexe, elle se replierait soit vers la Choppe sucrée, là où nous logions, soit vers le Temple. Elle a préféré secourir les blessés puis s'est trouvée liée à un groupe qui tentait de comprendre comment les fangeux étaient arrivés là. Je sais juste que des fangeux sont sortis d'une maison pour sauter sur elle et qu'un milicien s'est sacrifié pour la sauver elle et les personnes qui les accompagnaient. Je l'ai retrouvée non loin de la Caserne, le lieu vers lequel on avait envoyé les survivants. Elle a tenté de me parler mais était en même temps tellement soulagée de me voir en vie. Je l'ai ramenée à la Choppe, on est parti le lendemain. Je voulais l'éloigner de cet enfer. On n'en a jamais réellement parlé. Je sais juste qu'elle en fait encore des cauchemars. J'en fais aussi. Mais ici, elle se sent en sécurité. Puis il y a sa petite chèvre, les œufs, les cours, les pièges, l'escalade. On a fait le choix de vivre, au présent, et de préparer l'avenir. C'est la meilleure revanche qu'on puisse prendre sur le destin. Je vois ça ainsi. J'ignore si elle aussi. Je ne sais pas trop quoi faire, pour dire vrai, sinon être là...
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptyMar 3 Déc 2019 - 23:00
- Je comprends... d'une certaine façon. C'est juste que... eh bien vous n'aiderez personne, dans un moment de réjouissances où justement, tout le monde s'entraide. Ça va jaser. Les nobles n'en font qu'à leur tête, ils croient tout savoir, blablabla... Enfin vous serez le seul concerné, parce que si Terresang est dans les parages, il est évident que je vais le traîner de force aux corvées. Vous pourriez échanger vos recettes de saucissons. Butée, elle l'était. Peut-être autant que l'homme qui lui faisait face, ce qui risquait, un jour, de les mener tous les deux à une longue argumentation sur un détail tout à fait anodin. Elle haussa les épaules et afficha un sourire espiègle. Si je ne peux pas vous persuader, je tâcherai d'en parler à Alix, elle aime apprendre, elle aime aider, elle aura bien raison de la tête de bourrique qu'est son père ajouta-t-elle en riant. Il fallait le prendre par les sentiments, et la seule faiblesse du Comte était, de toute évidence, sa fille.

Mathilde sourit en imaginant la fête. Et les danses. Danser lui manquait beaucoup. A la ferme, Gauthier jouait souvent des airs sur son pipeau et elle battait la mesure du bout du pied, gardant péniblement un semblant de contenance, elle qui rêvait de s'élancer dans une gigue aussi entraînante qu'autrefois. Elle s'était fait une joie de pouvoir participer à la grande fête de Marbrume, imaginant d’immenses rondes autour de feux de joie tout aussi immenses, mais tout ne s'était finalement pas déroulée comme prévu et avait plutôt viré au cauchemar. Au lieu de rire et de danser, on avait pleuré les morts dont les corps avaient été entassés sur de gigantesques bûchers.

- Je ne sais pas ce qu'on danse dans la haute société, mais je peux vous apprendre les danses du peuple. Je crois qu’on a effectivement besoin de danser, plus que jamais. Parce qu’on a beau avoir sauvé des vies, les images qui me réveillent chaque nuit sont bien loin de la fête à laquelle j’aspirais. Je crois que j’aurais préféré être auprès des archers. Tout était si confus, aux barricades. Je me sentais profondément inutile, et tellement exposée alors que j’aurais pu me percher quelque part en hauteur pour décocher des flèches sur les goules. C'était votre première rencontre avec autant de fangeux à la fois? Elle haussa les épaules… les flèches n’auraient été efficaces que si elles avaient été mêlées à celles des archers. C’était là leur force, celle d’être en groupe. Elle le savait. Mais c’était trop tard pour revenir sur ce qui avait été fait. Vous avez raison, on ne peut que vivre au présent, savourer chaque jour, chaque moment, parce que demain tout peut s’arrêter. Je ne le vois ni comme une revanche ni comme une fatalité, c’est juste… ce qu’il convient de faire. Quant à Alix, comme pour n’importe qui, je pense, il faut qu’elle sache que si elle a envie ou besoin de parler, de mettre des mots sur ce qu’elle a vu, il y a des gens prêts à l’écouter, n’importe quand. Et si parler à une inconnue lui est plus facile, je serai là pour elle, si elle le souhaite.

Elle fit une petite moue. Le temps ne ralentissait pas, pas plus que la course du soleil dans le ciel du Labret. Il lui fallait raisonnablement songer à rentrer, changer son pansement, s'exercer un peu puis partager le repas du soir avec les gars. Il va falloir que je me remette en route. Je veux pouvoir m’exercer à l’arc avant la tombée de la nuit. Un petit bobo mal placé et paf, vous voilà vulnérable si des voleurs décident de s’en prendre à votre vie. Est-ce que c’est très arrogant si je vous défie dans un concours amical de tir à l’arc? Papa me disait que j’étais douée, mais j’aimerais savoir si je peux espérer rivaliser avec un homme de métier… et apprendre de vous, tant qu’à faire!
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Aymeric de BeauharnaisComte
Aymeric de Beauharnais



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MessageSujet: Re: [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric   [Domaine Pessan] La curiosité est souvent plus forte que la raison | Pv Aymeric EmptyJeu 5 Déc 2019 - 19:55
- Vous savez, veuve Dumas future madame Alcide de la Grange, si les gens se disent que le Comte n'en fait qu'à sa tête, cela améliorera encore ma popularité, puisqu'on parlera de moi. Quelle est sa part de mystère ? Quels ingrédients secrets veut-il nous cacher ? Est-il capable de faire une nourriture qui soit aussi bonne que la nôtre ? Pensez-vous que le roi commandera du saucisson Beauharnais ou qu'il continuera à manger le nôtre ? Cela pourrait être une saine émulation.

L'œil d'Aymeric pétille. Oh, le rôle des nobles est aussi de faire partie des ragots. Qu'il ait un aspect original ne le dérange finalement pas. Au pire, on dira de lui qu'il a une fille charmante, qu'il est bon chasseur et bon archer, courageux mais qu'en voulant devenir charcutier indépendant, il a visé trop haut. Au mieux, qu'en prime il fait un saucisson loin d'être dégueulasse et qu'il pourrait être un bon terrien s'il n'avait pas ses occupations de Comte. Après, s'il échoue, il échoue. Il mangera sa réserve de sauciflard dégueulasse en guise de punition et ira écouter le Vicomte se foutre de la poire du Comte arrogant.

- Par contre, ne croyez pas que vous puissiez corrompre ma fille. Elle va avoir neuf ans, est convaincue que je sais tout sur tout et que je prends les bonnes décisions, même si elles ne sont pas comprises par les autres. J'allais dire la plèbe, mais ça serait laisser croire qu'elle y voit une différence de classe. Les autres, c'est tout le monde, sauf moi. Elle est encore à l'âge où son père est presque l'égal des dieux. Cela lui passera, peut-être. J'espère juste que ça ne sera pas parce que je l'aurais déçue. Mais il est inutile de tenter de la manipuler, elle, pour m'atteindre, moi, elle sera de mon côté. Et moi du sien. Au mieux, elle vous proposera de venir faire fumer vos viandes dans mon fumoir.

Et Aymeric serait bien fichu d'accepter.

- Je n'ai pas encore vu la salle des fêtes à Usson. Je l'imagine grande et haute. une pièce unique avec des brasiers à même le sol qui permettent de réchauffer les cœurs et les corps. J'ai toujours trouvé les brasiers à même le sol fascinant. Des tables sur les côtés, des tapisseries peut-être ? Une table avec les victuailles, en hauteur, où chacun pourrait piocher pour manger ce qu'il aime. Des tables sur les côtés où ceux qui veulent manger mangeront, et cela danserait à la lueur des brasiers. Les musiciens seraient un peu en hauteur, là où peu avant on aura salué les fêtés, qu'ils le soient pour s'être mariés, pour avoir été récompensés par le Roi ou pour avoir été élu meilleur fermier du Labret. Car quelque part, cela serait surtout le Labret qu'on fêterait.

Faudrait qu'il y songe, à un système qui pourrait allier récompense et donc motivation pour les travailleurs, et reconnaissance pour ces gens qui permettent à tous de vivre. Cela, et d'autres projets, le motive. Peut-être pourrait-il se fendre d'un courrier à la Cour pour émettre ses suggestions, mais le Roi a, forcément, d'autres priorités plus... prioritaires, comme la sécurisation du Morguestanc. D'un autre côté, qui ne tente rien n'a rien. Il y réfléchira, mais plus tard, car Mathilde aborde le Chaudron, en imaginant qu'elle aurait été plus efficace à ses côtés. Enfin, c'est ainsi qu'il le comprend.

- C'était un bordel monstre de notre côté, comme si des animaux fuyant un incendie de forêt fonçaient sur votre champ. Avant même d'entrer dans le Chaudron, nous avons usé de nos armes, sans savoir si celui face à nous était humain ou fangeux. Nous sommes parvenus à les différencier en demandant qu'ils croisent les bras au dessus de la tête. C'est un geste qu'un fangeux ne pose pas. Et cela a permis de faire sortir la population qui était sur ce barrage filtrant. Alors nous sommes entrés. Mais on peut mettre les meilleurs stratégies en place...

Il hausse les épaules.

- Le fangeux est vicié, vous savez ? Mais il fonce et il détruit, en cela il ne surprend pas. Mais nos alliés sont parfois surprenants. De courage comme de bêtise. Cela fait des nuits et des nuits que j'essaie de comprendre les choix que les alliés ont posé. Des morts, j'en ai vu par dizaine ce jour-là, et j'ai tué deux innocents aussi. Le premier au barrage filtrant, il fonçait en hurlant et n'a pas croisé les bras au-dessus de la tête, j'ai cru que c'était un fangeux qui fonçait sur le sergent qui nous commandait. Le second, un chevalier qui affrontait la fange. Entre le moment où j'ai tiré ma flèche et le moment où elle a atteint son but, le fangeux et lui avaient interverti leurs places. La flèche est passée dans l'interstice de ses pièces d'armure, au niveau du cou. C'est de cela dont je devrais cauchemarder. Et ça n'est pas cela qui m'empêche de dormir, mais les choix de mes alliés...

Mathilde devrait comprendre que si le fait d'avoir tué deux innocents le tourmente moins que les choix de ses alliés, c'est que ces choix devaient être particulièrement difficiles... ou choquants. Et qu'il n'en parlera pas.

- Alors, je veux bien dire à Alix qu'elle peut m'en parler si elle le souhaite et que je l'écouterai. Mais je n'aurai pas les réponses si elle a été confrontée aux mêmes choses que moi. Et encore, moi, j'ai pu commander, donner des ordres, organiser les choses pour sauver le plus de gens, et tous les archers sont revenus sains et saufs, preuve que j'ai sans doute pas fait que des conneries. Mais elle ? Qui aura écouté une enfant ? Et pourtant, elle était mieux armée pour survivre que la plupart des gens vivant à Marbrume, car elle, elle connaissait des trucs pour échapper à la Fange. Vous imaginez sa frustration d'avoir eu les moyens de conseiller les gens pour les sauver et personne pour l'écouter ?

Il grimace en imaginant cette frustration. Lui peut se consoler en se disant qu'il a sauvé des vies. N'en aurait-il sauvé qu'une que ça aurait donné du sens à son action. Mais Alix... Mathilde prend congé, Aymeric a failli ne même pas l'entendre.

- Arrogant de vouloir m'affronter ? C'est évident ! Mais j'aurais dit "audacieux" et j'aime l'audace. Je prendrai un réel plaisir à vous affronter, à armes égales, donc soit avec votre arc, soit avec le mien. A arc différent, on juge plus difficilement du talent des archers. Mais si vous voulez jouer avec mon arc royal, je tiens à ce que vous me laissiez jouer avec votre fourche royale aussi. Est-elle aussi extraordinaire pour vous que mon arc pour moi ? J'aimerais bien le comprendre.

Il a été instructeur pour la Milice. Ici, au Labret, ce sont des miliciens routiniers, ses cours n'ont plus cours. Mais il aime instruire, alors s'il y a des choses à corriger chez Mathilde, il la guidera volontiers via ses conseils. Même s'il se doute qu'elle préférera ceux de son père. Mathilde a le même regard quand elle parle de son père qu'Alix quand elle regarde son Comte de père.

- J'espère pouvoir passer avant l'été. Dans les trois semaines, donc
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