Champs de ferme et champs de batailles

Juste de même:

Alexandre change de tête. Merde, il se méfie lui aussi...

- Je préfère l'avoir proche de moi en vie que de le laisser partir dans les marais affronter les bannis, les sectaires et les fangeux, pour finalement le voir revenir des morts.

Mathilde comprenait évidemment les craintes d'Alexandre. Elle-même n'avait pas vraiment envie de vivre avec un mort en sursit juste à côté d'elle, mais Scarocci l'avait rassurée, et si Alexandre ne lui offrait pas un toit, elle le ferait, malgré les risques que cela comportait. Elle ne pouvait se résoudre à tourner le dos à un homme qui en avait tant fait pour le peuple... enfin, pour ce qu'elle en savait.

- Alexandre... le roi a envoyé des centaines de mordus vers le Labret. Ces gens n'ont plus rien, et en plus on leur ferme nos portes au nez sous prétexte qu'on a peur que peut-être, un jour, ils se réveilleront en fangeux pour nous dévorer. On préfère les laisser crever dans la nature, livrés aux bannis, aux voleurs, aux sectaires. On offre à la Fange de la viande sur un plateau d'argent, et on attend sagement de les voir se transformer en bêtes qui vont nous attaquer. Si on fait ça, on ne vaut pas mieux que le roi.

Elle était sérieuse, et méprisait cordialement sa majesté le roi-des-imbéciles, qui préférait larguer un risque potentiel mais contrôlable vers le Labret, où se trouvaient les rares courageux encore capables de fournir aux planqués de la ville de quoi survivre. Là où les mordus ne seraient que difficilement repérables. Là où les dégâts, en cas d'attaque, seraient terribles.

- Corbera a été mordu il y a deux ans. Il est toujours là, toujours debout, toujours en vie. Il m'a juré que si un jour, il se sentait mourir, il chevaucherait Bidigon pour s'éloigner le plus loin possible de nous. J'ai peur des mordus, oui, mais je ne laisserai pas ce gars se faire dévorer parce qu'il n'aura trouvé personne pour l'aider.

Il soupira, bon sang … il ne pouvait rien refuser à cette fermière mais la manœuvre était dangereuse . Si le bougre se faisait tuer à proximité du domaine, il risquait d'avoir une véritable catastrophe sur les bras, pour le moment, il n'avait pas eu à subir d'assaut de la Fange mais il n'aura pratiquement jamais cette chance dans le futur, tôt ou tard, un fangeux traversa le cordon de sécurité de la milice et il devra soit se cacher soit combattre mais il espérait que cela ne vienne pas de suite.

Il regarda une nouvelle fois le vice champion du Tournoi des Preux et reporta son regard sur la veuve Dumas, elle n'avait pas tort sur le traitement qui avait été réservé à ces nouveaux bannis, il grimaça à l'évocation de l'exemple sur la non gestion des bannis du Roi et il était bien sûr de notoriété public que le Vicomte était fidèle au Roi comme avait pu témoigner son incartade avec un pseudo prêtre qui dénigré le nouveau souverain de Marbrume lors du Grand Marché mais qu'importe, il était également de notoriété public que le Seigneur de Terresang gardait une certaine rancune envers Sigfroi qui avait condamné sa famille devant les portes de Marbrume en même temps que les Sarosse.

 « Soit. »

Il soupira, oui une nouvelle fois, avant de sourire légèrement.

 « Je veux bien le prendre à la ferme mais si il se passe le moindre truc anormal Mathilde, je ne mettrais pas la vie de mes hommes en jeu. »

Petit cri de joie de Mathilde, dont le visage s'illumine d'un sourire ravi. Elle saute au cou d'Alexandre et le serre dans ses bras, un instant seulement, avant de réaliser qu'ils sont en public, que ça peut nuire à la réputation du Vicomte et que ça va jaser de la Dumas-fiancée-qui-se-pend-au-cou-d'un-noble. Elle relâche immédiatement son étreinte et toussote, presque gênée.

- Désolée... dit-elle en retenant un rire. Merci. Merci pour lui! Au moindre truc louche, tu protégeras tes gens, j'en suis certaine. Mais il n'y aura rien. Rien d'autre qu'un bon travaillant qui te sera éternellement reconnaissant. Et puis je pourrai te le voler de temps en temps!

Elle lui fait un clin d'oeil et tourne les talons pour rejoindre Corbera, un peu plus loin. Quelques mots échangés avec lui suffisent à lui faire comprendre la situation. En guise de remerciement, le géant prend la fermière dans ses bras et la fait tournoyer dans les airs en poussant des gros Merci.

Quelques minutes plus tard, Mathilde salue Alexandre, Scarocci et les autres personnes présentes avant de prendre le chemin du retour, pour regagner sa ferme. A l'occasion, Corbera pourra travailler chez elle et rendre de menus services grâce à sa force prodigieuse et à celle de son cheval. Pour le chevalier, c'est la fin d'un exil et un nouveau départ.

C'est finiiii!: