Échange de « bons » procédés [PV Esméra]

Darius jette un regard franchement amusé à Esméra. Elle a réellement toujours une réponse à tout et, l'espace d'un instant, il se l'imagine enfant, en train de tout observer et de tout commenter, sans doute au grand désespoir de son père. Même si elle parle comme une noble, même si elle connaît toutes les bonnes manières des dames de la haute société, le pirate peine souvent à se faire à l'idée qu'elle vit dans un monde où sa curiosité et son caractère impétueux n'ont aucune place. C'est dommage. Elle est particulièrement tandis qu'elle le regarde de son air concentré en tournant autour de lui, arme en main, prête à répondre à la conversation. Les nobles ne savent pas ce qu'ils manquent.

La baronne s'éloigne, profitant des zones d'ombres de la pièce somme toute éclairée sommairement pour se dissimuler. Darius la suit, sourire moqueur au coin des lèvres. Il sait parfaitement qu'elle cherche à l'attirer là-bas et il lui offre volontiers ce qu'Elle veut, curieux de voir la suite de leur petit jeu. Est-elle aussi habile qu'elle le prétend? Quelque chose lui dit qu'elle va, encore une fois, l'étonner.

Peut-être est-ce toi qui devra appeler à l’aide, Dorian… Et dans ce cas qui viendra? Darius observe Esméra dans la pénombre.

« Personne, dit-il calmement. Comme personne viendra te sauver si les choses tournent mal avec la compagnie que tu as choisie en connaissance de cause. »

Darius sert un regard entendu à Esméra. S'ils parlaient de se prêter mutuellement assistance pour retirer leurs vêtements, leur conversation prend maintenant un autre sens. La baronne se met en danger en venant à sa rencontre. Elle le sait et, quelque part, elle le veut. Elle aime le risque et il est la personne idéale pour lui faire goûter, ne serait-ce qu'un instant, une vie où tout peut basculer en une fraction de seconde. Darius se dit qu'elle le regrettera peut-être un jour. Ce jour n'est cependant pas encore arrivé.

La lame du stylet rejoint la seconde boucle de la cuirasse. Celle-ci se détache à moitié, plus solidement fixée que la première. Toujours visible, Darius lance un regard de défi à Esméra, non sans continuer à bouger pour lui rendre la tâche difficile. Il l'invite à continuer son petit tour d'adresse jusqu'à ce que les boucles soient toutes détachées et que la cuirasse puisse être facilement retirée.

« Pas mal du tout, commente-t-il, l'air approbateur. Je sens que ta précision va être ta force une fois que t'auras maîtrisé les mouvements que je t'ai appris... »

Darius s'enfonce dans l'ombre et s'approche lentement d'Esméra, jusqu'à ce qu'il soit assez près d'elle pour qu'elle sente irradier contre elle la chaleur de son corps et de son souffle. Il s'arrête, nulle arme en main, et fixe la baronne droit dans les yeux.

« Je suis à ta merci, murmure-t-il, le ton tranquille. Tu vas faire quoi, Esméra? »

Le pirate a une lueur joueuse dans le regard. Il n'est évidemment pas vraiment à la merci de la baronne, il pourrait rapidement la maîtriser. Cependant, il a envie de s'amuser, de voir ce qu'elle compte faire de l'occasion qu'il lui donne d'inverser les rôles. Et il s'attend à tout de la part de la jolie noble...

La conversation a pris, en effet, un tout autre sens. Il lui rappelle, à sa façon, qu’elle a choisi le danger de sa présence et que cela n’est pas sans risque. Esméra sait tout cela, elle n’est pas stupide. Elle sait très bien que le type qui lui fait face en cet instant n’est pas un gentil garçon recommandable. Très loin de là. Par contre, il représente tout ce qu’elle n’aura jamais, autant parce qu’elle est noble que parce qu’elle est une femme : la liberté absolue de faire ce qu’elle veut, quand elle le veut et avec qui elle le veut. Côtoyer un homme tel que lui, si peu recommandable qu’il soit, c’est un peu toucher ses rêves du bout de son plus petit doigt. Et cela, évidemment, elle ne lui avouera jamais. Alors elle se contente de ce qu’il offre : des leçons, des expériences agréables et c’est tout. Cela lui donne un aperçu vague de ce que pourrait être sa vie et cela, ça n’a pas de prix pour Esméra.

- On verra cela quand j’aurai appris tous les enchainements. En attendant…

Elle sourit de voir que tous ses essais ont été concluants. La cuirasse du pirate semble être sur le point de s’effondrer, rien ne serait plus facile que de poser une main sur lui pour qu’elle tombe au sol. D’autant plus que cet insolent pirate transpirant la virilité par tous les pores est tout près. Si près qu’elle peut percevoir la chaleur de son corps et ressentir la chaleur de son souffle sur elle. Ce n’est carrément pas du jeu, ça, elle le pense mais elle a un regard pour cette gorge si proche, tout ce corps splendide si proche…Elle pourrait sans problème le transpercer de son stylet, elle le sait et d’une certaine manière, elle est convaincue qu’il le sait aussi.

- Je pourrais faire n’importe quoi.

Elle observe avec attention ce visage en demi-teinte, cette mâchoire forte, ce regard perçant dardé sur elle.

- Je pourrais faire ceci…

D’un mouvement lent et plutôt doux, elle lui fait sentir une pression un peu désagréable au niveau de son flanc gauche, juste sous les côtes, tout en souriant d’un air espiègle. Pour avoir vu des hommes périr sur la route qui la menée à Marbrume, la baronne sait qu’une blessure à cet endroit est mortelle, surtout si on relève la lame dans le corps. Elle enlève la pression et relève, par contre, la lame jusqu’à la gorge du pirate, tout en évitant de le blesser cette fois. Elle ajoute, d’une voix douce :

- Je pourrai appuyer fort et tirer d’un coup sec, de manière à ce que tu te taises à jamais tout en t’étouffant dans ton propre sang, comme un goret qu’on égorge…mais…

Un frisson se répandit sur tout son dos à cette perspective. Savoir qu’elle tient potentiellement sa vie au bout de sa lame la fait frémir une seconde alors que d’un mouvement qu’elle rend doux et presque tendre, elle ôte la lame de cette gorge avant de l’abaisser définitivement tout en la gardant à la main.

- Mais tu n’es pas à ma merci, Dorian, tu es ici parce que tu le veux bien et parce que tu l’as choisi en toute connaissance de cause et là…

Esméra range alors son stylet dans son fourreau avant de reporter toute son attention sur le pirate, un fin et mystérieux sourire sur les lèvres. Dans la maison, le silence s’installe de nouveau tandis que cette tension de tout à l’heure se réinstalle, alors qu’ils sont si proches l’un de l’autre. La baronne pose une main sur la cuirasse du pirate, d’un air paisible, pianotant pensivement ce torse large avant de donner une petite impulsion qui fait choir le vêtement au sol dans un bruit mat qui se répercute légèrement sur les parois de la petite pièce encombrée. La baronne en profite pour toucher ce rêve du bout des doigts, savourant cet instant-là avec une tranquille délectation, laissant les extrémités de ses doigts glisser avec douceur sur la chemise du pirate. Ce moment où dans le silence il y a bien plus qu’on ne le pense. Des désirs, des souhaits, des regrets, des remords. Inspirant profondément, elle leva enfin les yeux sur lui. Il y verra la même fougue étincelant dans l’ombre, une fougue teintée cette fois d’une certaine force tranquille, tempérée par un sourire tendre. Elle franchit le tout petit pas qui les sépare avant de venir déposer un baiser sur ses lèvres et murmurer dans un souffle chaud, à son oreille blessée, délicatesse exquise :

- Là…tu es à ma merci…

Je pourrais faire n'importe quoi. Darius sourit en coin. Il le sait parfaitement et il souhaite voir ce qu'elle va choisir parmi l'éventail de possibilités qui s'offre à elle alors qu'il la laisse œuvrer librement, sans contrainte, sans risque de réplique.

Le pirate sent la lame du stylet faire pression contre son flanc. Il ne bouge pas d'un millimètre, se contentant de regarder Esméra droit dans les yeux alors qu'elle laisse glisser lentement la lame afin de l'appuyer tout en délicatesse contre sa gorge. Tu vois, c'est facile, prendre une vie. Tu sais déjà comment. C'est ce qu'il semble dire pendant que la baronne lui décrit, d'une voix douce, la facilité avec laquelle elle pourrait le tuer et le laisser se noyer dans son sang. Il sourit à ses paroles. Ceux qui la côtoient ignorent à qui ils ont réellement à faire...

La lame quitte sa gorge. Le stylet est rangé. Esméra a raison. Il choisit d'être là, avec elle, dans cet ancien commerce abandonné. Tant qu'il trouvera son compte dans leur arrangement, il choisira d'y être. Il n'est pas à sa merci, sauf lorsqu'il s'offre volontairement en victime pour jouer. Il attend cependant avec une sorte d'impatience enfantine le jour, s'il vient, où elle réussira à le surprendre assez pour lui montrer qu'entre eux, lorsqu'ils dansent avec leurs lames, elle peut être un prédateur au même titre que lui. Pour l'instant, malgré ses petites démonstrations, elle est encore une proie. Dans certains domaines, à tout le moins.

Darius, qui n'a rien répondu, laisse le silence s'installer. Seuls les doigts d'Esméra pianotant contre la cuirasse vient perturber le vide soudain qui plane dans la pièce. Bien vite, sous l'impulsion de la main de la baronne, l'armure tombe par terre sans que ni l'un ni l'autre ne lui accorde un regard. Le pirate frissonne légèrement en sentant Esméra effleurer son torse à travers sa chemise. Il croise son regard, espiègle et fougueux, qu'elle agrémente d'un sourire presque tendre. Là... tu es à ma merci... Darius rit tout bas, presque silencieusement tandis que ses lèvres viennent retrouver celles de la baronne pour les frôler.

« Tu penses? », murmure-t-il dans un souffle moqueur.

Darius la fixe dans les yeux, puis la relâche et s'éloigne en enfilant sa chemise. Il récupère ensuite sa cuirasse et commence à en rattacher les sangles, jetant de temps à autre un coup d'œil à Esméra.

« J'ai à faire, annonce-t-il. T'as rien entendu de potentiellement utile pour moi entre nos deux rencontres? Je sais que c'est moi qui t'ai fait venir aujourd'hui, mais on sait jamais. »

Elle enfila sa cape puis se saisit du petit sac dans lequel repose la splendide robe qu’elle avait porté un peu plus tôt dans la journée avant de reporter son attention sur le pirate, amusée.

- Et moi je n’ai plus rien à faire ici. Quant à tes renseignements…non, je n’ai rien appris de probant si ce n’est le goût particulier d’Alexandre de Terresang pour les robes de velours noir. Tu auras peut-être un filon à exploiter de ce côté-là, cela lui sied particulièrement…En attendant…

Esméra fit une gracieuse révérence pleine de moquerie, lui décocha un clin d’œil et murmura un :

- A bientôt Dorian.

Elle ouvrit dissimula son visage sous l’immense capuche qui orne la longue cape qui couvre son corps et sortit enfin, pour regagner son logis, là-haut, dans le beau quartier de la Ville.

~ RP TERMINÉ ~

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