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 Dans le brouillard [Ft. Ombeline]

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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptySam 24 Avr 2021 - 22:23
Courant janvier 1167


La bâtisse de deux étages tanguait sous ses yeux bleus, comme si la terre tremblait. Quand il y réfléchissait, c’était bel et bien le cas : des secousses à peine perceptibles dansaient sous ses pas incertains. Pourtant, il était parvenu à destination, en s’aidant parfois d’une main contre les murs des autres habitations, en trébuchant souvent et en pestant beaucoup. Il ne s’était pas excusé lorsqu’il avait bousculé un autre passant qui s’était empressé de l’insulter. Mais la voix de l’autre avait semblé si lointaine et ce bref souvenir s’était évaporé aussi rapidement que la dernière chope d’hydromel qu’on lui avait servie. Jo’ avait refusé de lui amener un verre de plus, sous prétexte qu’il avait trop bu. Par les Trois, il ne buvait jamais, de quel droit le tenancier s’était-il permis du suspendre son service ? « Boire ne la ramènera pas ! » lui avait dit son ami, alors que le soldat, fou de rage, claquait la porte derrière lui.

Est-ce sa conscience qui l’arrêta quelques secondes devant l’entrée de la Balsamine, ou bien ses jambes trop lourdes qui protestèrent ? L’un ou l’autre ne purent entacher sa motivation et après un grognement, il se décida enfin à pénétrer dans la demeure. Il n’avait pas quitté le quartier de la Hanse, sans doute en aurait-il été incapable même s’il l’avait voulu. Ses pensées étaient trop embrumées pour qu’il puisse y réfléchir. Néanmoins, il lui restait suffisamment de lucidité pour savoir dans quel type d’établissement il venait de mettre les pieds. Il n’était pas tard et du monde était encore installé aux différentes tables du rez-de-chaussée : quelques groupes jouaient aux cartes, d’autres riaient de mauvaises blagues. Parmi cette population exclusivement masculine déambulaient avec sensualité quelques femmes, toutes en courbes indécentes et sourires aguicheurs.

Alaric gagna le comptoir, où une place vacante n’attendait que lui. Une fois assis, il commanda la boisson la moins chère – tout avait le même goût, de toute façon – puis balaya la salle du regard. Sa tête était vide. Un sentiment étrange l’animait, un sentiment sur lequel il ne pouvait mettre de mot. Un mélange de tristesse, de colère, d’incompréhension et d’abandon. Il en avait eu assez de se torturer et s’était laissé engloutir par des pensées obscures qui s’étaient emparées de lui, dès que la sentence était tombée : « Oh, vous n’êtes pas au courant ? La sergente de Rivefière a donné sa démission et a quitté la ville. Nul ne sait où elle est à présent. » Son cœur avait cessé de battre, mais la vie autour de lui avait continué. Il s’était senti en marge de cette dernière, comme s’il n’en faisait plus partie. Le temps avait changé son court : Alaric avançait plus lentement, à moins que les autres soient plus rapides ?

Il sursauta sur son tabouret, lorsqu’une longue chevelure corbeau entra dans son champ de vision. Il voulut dire son nom, mais les mots moururent sur ses lèvres. Ce n’était pas elle. Ses yeux n’étaient pas de glace, mais de… Brouillard ? Un voile grisâtre passait devant ses pupilles et leur donnait une teinte laiteuse. Hormis ce détail, la jeune femme était jolie : des formes rebondies, des lèvres pulpeuses et traits fins, témoin de son jeune âge.

- Tu lorgnes sur Ombeline, ricana le tenancier.

Alaric se retourna vers lui. L’homme avait une tête à faire peur, une cicatrice barrait son visage d’un côté et sa peau, aussi pâle que ses cheveux blonds, lui donnait un air plus mort que vif.

- Ombeline ? murmura le soldat, en fixant derechef son regard sur la jeune femme. Ses yeux…
- Paraît qu’elle voit qu’des tâches floues, mais t’sais, elle sait y faire. Alors, quelques pièces en plus ? ajouta l’homme, un sourire sur les lèvres qui ne ressemblait qu’à une laide grimace sur sa vilaine trogne.

Elle ne le verrait pas. En tout cas, pas bien. Alaric ne réfléchit pas plus longtemps et ajouta la somme demandée sur le comptoir. Il vida sa chope d’un trait et quitta son tabouret. La salle tangua autour de lui et il passa une main sur son front, comme si ce geste pouvait lui rendre un semblant de stabilité. Ombeline ne verrait pas l’épave qu’il était ; tous les deux seraient dans le brouillard. En chavirant légèrement, il se dirigea vers la jeune femme et posa une main sur son épaule afin d’annoncer sa présence.

- Ombeline ? Je… J’ai payé pour toi, bafouilla-t-il.

L’alcool avait dissipé ses craintes et ses doutes, mais désormais qu’il était face à la prostituée, une petite voix lui sifflait « Tu es perdu, sombre idiot. »
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyMar 27 Avr 2021 - 13:32
Le raclement des chaises contre le plancher, le bruit des godets heurtant la table, les cartes que l'on tire et les dés qui roulent, les éclats de voix, les rires et les messes-basses, autant de sons familiers pour Ombeline. Elle les écoutait ce soir-là avec un peu plus d'attention pour mieux les graver dans sa mémoire tandis qu'elle faisait le service.
Il ne s'était écoulé que quelques jours depuis sa conversation avec Cesare et le départ semblait à la foi imminent et lointain. Elle aurait aimé tourner les talons et dire définitivement adieu à la Balsamine au moment même de sa décision, couper le cordon d'un coup net, et pourtant... Pourtant elle se surprenait à redécouvrir ce qui faisait son quotidien et à en apprécier les aspects les plus triviaux. Les odeurs et les sons qui étaient pour elle autant de repères aussi connus que nécessaire devenaient à présent des souvenirs. Les Trois seuls savaient quel sort lui était réservé si elle quittait les murs protecteurs de la ville, aussi voulait-elle emporter quelques impressions de cette vie qu'elle s'apprêtait à laisser derrière elle à défaut de pouvoir y revenir un jour.

L'hiver apportait son lot de clients à la recherche d'un peu de chaleur et la présence de nouvelles filles pour prendre la place de celles tuées lors de l'invasion attirait également des curieux. Pour la jeune femme aveugle, rien ne changeait cependant et elle n'attirait plus grand-monde depuis qu'il était devenu monnaie courante de se méfier de tous les infirmes de la cité. Elle n'avait aucune morsure à cacher, mais la peur avait planté ses crocs profondément chez tout le monde, elle y comprit.
Cette voie sans issue qui l'aurait conduite sur le trottoir dès l'arrivée des beaux jours ne l'alarmait plus autant à présent qu'elle avait le projet de partir d'elle-même et de rebâtir ailleurs une vie qui ne pouvait être que plus saine. Peu importait qu'elle ne soit plus qu'une serveuse tandis que les autres avaient des clients, chaque journée passée sans qu'on ne la touche lui permettait de se réapproprier son propre corps et ce n'était pas désagréable comme impression. Aussi affichait-elle une expression sereine tandis qu'elle louvoyait entre les tables, son plateau à la main.

La pression sur son épaule fit presque sursauter la fleur de trottoir qui avait plus qu'habitude d'être hélée ou prise pas la taille. L'homme qui se tenait là n'était à ses yeux qu'une masse floue et un peu sombre, à peine plus détailler que le reste de son environnement. En revanche elle pouvait tout à fait constater son vacillement, entendre avec quelle difficulté il articulait ses mots et surtout sentir les relents d'alcool qu'il exhalait. Tous les symptômes étaient là, restait à en déterminer la cause et pour le moment, elle parierait sur "désespoir et perdition".

Avec un sourire, Ombeline lui prit la main et hocha la tête.

Bien sûr, attends-moi ici un instant.

S'éloignant rapidement pour aller poser au comptoir le plateau qu'elle tenait, elle profita de l'occasion pour demander à Dom ce qu'il avait servi au pauvre bougre qui tenait à peine debout. Le vieux ronchon se dédouana de toute accusation, arguant que le bonhomme était déjà rond comme une queue de pelle en arrivant. Avec un bref soupir par le nez, la jeune femme retourna auprès de son inattendu client.
Le problème des hommes ivres, c'était leur tendance à se montrer imprévisibles. On ne pouvait pas vraiment interdire aux clients alcoolisés de prendre une catin, mais le garde au pied de l'escalier avait la consigne de prêter une oreille attentive aux appels pouvant provenir des chambres lorsqu'un ivrogne montait. Combien de fois un joyeux luron s'était-il changé en brute violente sous les effets de la vinasse ?

Néanmoins, la jeune femme se targuait de pouvoir pressentir les ennuis avec juste quelques mots de part des autres. Or elle n'avait pas l'impression que celui-là serait un problème et s'inquiétait plus de le voir tourner de l'œil que d'être agressée. Une main posée sur son bras, elle leva l'autre pour la porter à son front. Il ne semblait pas avoir de fièvre, pourtant elle était certaine d'avoir senti que ses mains étaient froides.

Ça n'a pas l'air d'aller fort... Viens, il y a trop de bruit ici.

Et la voilà qui l'entraînait à sa suite en direction des escaliers, les plans de sa robe rouge virevoltants autour de ses jambes. Justin les laissa passer sans faire d'histoire et après une ascension durant laquelle Ombeline veilla à ce que le milicien ne dégringole pas les marches tête la première, ils furent devant la porte de la petite chambre que la belle-de-nuit appelait encore "chez elle".
Le mobilier et la décoration étaient sobre, presque spartiate, mais agrémenté de touches de couleurs pour un rendu plus personnel. Ce n'était pas bien spacieux, mais au moins ils étaient entre quatre murs et pas seulement cachés derrière un rideau comme dans certains bouges.
La donzelle attira son client jusqu'au lit et le fit s'asseoir.

Là, c'est mieux. Est-ce que ça va aller ? Comment t'appelles-tu ?

Agenouillée devant lui, elle tendit une main pour lui effleurer la joue, l'air inquiète. Cela faisait un moment qu'elle n'avait pas vu quelqu'un s'enivrer autant et pourtant ce n'était pas les poivrots qui manquaient par ici. Malgré la barbe qui lui piquait les doigts, elle était prête à parier qu'il n'était pas très âgé.


Dernière édition par Ombeline le Mar 4 Mai 2021 - 18:14, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyJeu 29 Avr 2021 - 10:49
Alaric suivit Ombeline du regard, tandis qu’elle rapportait son plateau sur le comptoir et échangeait quelques mots avec le tenancier. Il resta planté au milieu de la salle, les bras ballants. Le brouhaha ambiant lui parvenait de loin, comme si son corps entier était prisonnier d’une bulle. Il entendait des sons, mais ne les saisissait pas ; il voyait les autres clients, mais ne les distinguait pas. Enfin, lorsque la noiraude le rejoignit, sa bulle éclata et le bruit lui vrilla les tympans. Alaric tressaillit lorsqu’elle posa une main sur son front avant de s’enquérir de sa santé.

Pendant qu’il cherchait ses mots pour lui répondre, il se laissa entraîner vers l’étage. Les pans de sa robe rouge tournoyaient sous les yeux du soldat, l’hypnotisant ; il manqua de rater une marche et trébucha. De justesse, il parvint à se rattraper après avoir poussé un grognement. Une fois sur le palier, il la suivit jusque dans sa chambre, pas plus grande que la sienne, plus accueillante sans aucun doute. Néanmoins, Alaric n’était pas là pour apprécier la décoration des lieux, plutôt son occupante. Il s’assit sur le lit à ses côtés ; le rythme de son cœur s’accéléra.

Il fronça les sourcils, resta coi quelques secondes et la toisa, sans comprendre. Déjà dans la salle, elle lui avait dit « ça n’a pas l’air d’aller ». Désormais, elle s’enquérait de sa santé, de son état, elle demandait son nom. Peut-être s’était-il trompé d’endroit finalement. Mais qu’en savait-il ? Il avait souvent eu l’impression d’être le seul jeune homme de la ville à n’avoir jamais fréquenté ce genre d’établissement. Il n’en avait jamais ressenti la moindre envie, ce qui, apparemment, faisait de lui une exception.

- Je croyais que tu ne voyais rien, dit-il d’un ton sec.

Il grimaça et détourna le regard des yeux laiteux qui le dévisageaient. Il pouvait y observer son reflet, celui d’un homme rongé par le chagrin, une image qu’il avait envie d’effacer de son esprit.

- Je m’appelle Alaric.

Il tâcha de focaliser son attention ailleurs, détaillant de ses yeux bleus les courbes gracieuses d’Ombeline. Était-ce si grave qu’il ne la désire pas ? Enfin, pas vraiment. Son esprit était en totale contradiction avec son corps, et il ne savait pas quelle partie de lui il devait écouter.

- Je n’ai pas payé pour… Pour que tu me demandes comment je vais, articula-t-il après un effort de réflexion.

Bien sûr qu’il n’allait pas bien ! Et même cette pauvre catin aveugle l’avait remarqué. Qui se rendait à la Balsamine en étant au meilleure de sa forme ? Qui se permettait de bafouer les règles établies par les Trois pour son simple plaisir ? À la pensée des dieux, Alaric grommela. Il ne voulait pas encore cogiter à leur sujet. Jamais il n’avait été autant fâché à leur égard. Lui qui les avait toujours supportés, lui qui avait cru être dans leurs bonnes grâces pour avoir échapper à la mort une dizaine de fois, perdait petit à petit… la foi. Il n’avait plus que l’impression d’être un jouet entre leurs mains infinies. La colère s’amplifia à nouveau dans son cœur fracturé ; le seul remède qu’il trouva fut de plaquer ses lèvres sur celles d’Ombeline.
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyMar 4 Mai 2021 - 21:15
Je croyais que tu ne voyais rien.

Voilà qu'il se mettait à aboyer. S'il n'avait pas payé pour être là, elle aurait montré les crocs en retour. Rien ne lui hérissait plus le poil que le ton qu'il employait. Mais elle avait de la bouteille, assez pour ne pas réagir et se contenter d'un discret soupir en retirant sa main.
Cette situation n'avait rien d'originale ou de surprenant : quand on se retrouvait au fond du trou et que l'on avait trop honte de sa propre déchéance, on allait s'engourdir auprès d'une aveugle pour espérer ne pas être jugé. Parfois, Ombeline avait l'impression d'être simplement une statue capable de bouger et que l'on se plairait à étreindre en sachant que l'on ne coure pas le risque d'échanger comme avec un véritable être vivant. Elle ne pouvait pas voir, elle se taisait sur commande, elle aimait à la carte, elle écoutait toujours. Parfait lorsque l'on était un milicien aviné et à la recherche de la perdition la plus totale. Le plus drôle, c'était qu'ils pensaient tous qu'elle ne les reconnaîtrait jamais simplement parce qu'elle n'y voyait rien. Mais combien de fois lui était-il arrivé d'entendre une voix connue dans la rue ?

Je n’ai pas payé pour… Pour que tu me demandes comment je vais.

Je sais. Mais pas besoin d'y voir pour sentir que tu tiens à peine sur tes ja-HUMF !

La bonne vieille méthode du "ferme ta gueule et mets-toi au travail". Enfin, sa version polie puisque les plus rustres se contentaient généralement de saisir une poignée de cheveux pour la descendre entre leurs jambes. À choisir, il valait mieux un baiser, même s'il sentait trop fort l'alcool et dénotait une certaine hargne.
La jeune femme abandonna toute idée de le repousser ou de fuir, elle était trop bien dressée pour se rebeller pour si peu. Cependant, elle se sentait moins à l'aise que d'habitude. Après plusieurs mois sans clients, replonger dans le bain lui donnait l'impression d'un choc thermique. Ou peut-être être était-ce à cause de sa dernière conversation avec le prêtre ? Son départ imminent ? La promesse d'une vie toute autre qui serait menacée par ce retour à ce qu'elle avait toujours connu ?

Le pauvre Alaric ne méritait pas qu'elle fasse moins d'efforts pour lui qu'elle n'en avait fait pour d'autres au cours de ces dernières années. Il était ivre et visiblement torturé par quelque chose, mais il ne donnait pas l'impression d'être un mauvais bougre. Puisqu'il ne souhaitait surtout pas en parler, elle ne pouvait rien faire d'autre que de lui céder en espérant qu'il en tirerait un peu de réconfort malgré tout.
Ses épaules se décrispèrent, elle se détendit et lui prit doucement le visage à deux mains. Elle était presque certaine de le sentir tendu, fébrile, bien que pour de mauvaises raisons. Avait-il seulement envie d'être là ? Il n'en donnait pas l'impression, pourtant personne dans la salle principale ne semblait l'accompagner ou le pousser à consommer. Personne à impressionner donc...

Il fallait qu'elle en ait le coeur net. Lorsqu'ils s'écartèrent un instant l'un de l'autre, elle glissa ses doigts dans sa nuque pour le retenir tout proche d'elle et parla tout bas :

A-attends un instant, est-ce que c'est vraiment ce que tu es venu chercher ? Je suis toute à toi pour aussi longtemps qu'il faudra, alors si tu veux que je me taise, je vais le faire. Mais tu n'as pas l'air d'en avoir envie... Et pas besoin de mes yeux pour le voir.

Elle se redressa et avant qu'il ne puisse bouger, elle était assise à califourchon sur ses cuisses et lui prenait les mains pour qu'il les pose autour de sa taille. Enfin, elle l'enlaça de nouveau, mais en le serrant contre elle doucement, la joue posée contre sa tête. D'une main elle lui caressa la nuque.

Mon lit est à toi, cette chambre entière est à toi, et moi aussi. Rien ne te force, on peut aussi rester comme ça, s'allonger et ne rien dire. Mais si c'est un moment d'oublis que tu veux, alors je ne dis plus rien, d'accord ?

Joignant le geste à la parole, elle se tût en desserrant son étreinte pour mieux défaire le mince lacet qui refermait le col pourtant déjà généreusement ouvert de sa robe. D'un roulement d'épaule, elle se débarrassa du tissu qui lui découvrit alors le buste, exposant sa peau pâle à la lumière tremblotante de la chandelle qui éclairait la pièce. Un sourire désormais silencieux ourlait ses lèvres. Elle lui laissait le choix, mais en réalité il n'avait même pas besoin de choisir, il pouvait avoir les deux. Beaucoup de clients étaient d'ailleurs plus enclins à s'accorder un vrai laisser-aller après l'action pourtant supposée les détendre.
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyJeu 6 Mai 2021 - 19:02
Les mains d’Ombeline étaient chaudes contre ses joues, tout comme ses lèvres qu’il embrassait sans tendresse. Celles de Sydonnie étaient plus sèches et pourtant, il ne s’était jamais lassé de les caresser. Alaric sentit le corps de la jeune femme se détendre contre lui et il approfondit leur baiser, tandis que ses mains se refermaient derrière sa nuque, comme s’il avait besoin d’être encore plus proche d’elle. Il s’apprêtait à quémander un nouveau baiser passionné, lorsqu’Ombeline prit la parole.

Le soldat lui lança un regard noir qui, il était certain, elle était capable de percevoir. Pourtant, elle n’avait pas tort. Et ce qu’elle avait dit l’avait fait tressaillir malgré lui. Si tu veux que je me taise, je me tais. Les quelques piécettes qu’il avait données sur le comptoir avait privé Ombeline de son libre arbitre. Même s’il s’agissait de son gagne-pain, Alaric savait qu’il la forçait. Depuis quand se comportait-il de la sorte ? Son crâne le lançait, il ne parvenait pas à assembler des phrases cohérentes dans son esprit. Il s’était pourtant juré de ne plus jamais boire une goutte d’alcool. Ces derniers temps, toutes ses bonnes résolutions étaient parties en fumée, évaporées avec son sourire bienveillant, son rire franc.

Alors qu’il essayait de mettre de l’ordre dans ses pensées, Ombeline s’était assise sur lui, ses mains avaient saisi les siennes qu’elle avait ensuite posé sur ses hanches fines. Il ne s’était pas attendu à une étreinte aussi douce, mais d’instinct, il caressa le dos de la jeune femme et laissa redescendre le rythme de son cœur brisé.

Alors je ne dis plus rien. Il n’avait pas voulu la faire taire en l’embrassant, il avait… Il avait plutôt essayé de fuir ce qu’elle était en train de lui dire. Mais au fond, n’était-ce pas un peu la même chose ? Il déglutit, lorsqu’elle défit les lacets de son corset, le tissu soyeux chut de ses épaules délicates, lui laissant tout le loisir de la dévorer des yeux.

- Tu es belle, Ombeline, dit-il d’une voix pâteuse.

Il ne pouvait que la complimenter, après l’horrible comportement qu’il avait eu à son égard. Et puis, c’était la stricte vérité.

- Je ne veux pas que tu te taises, je veux…

Par les Trois ! Qu’il était difficile d’aligner ses pensées, de démêler le vrai du faux. Découragé par l’effort, il déposa son front contre l’épaule de la jeune femme et soupira.

- J’ai trop bu, maugréa-t-il, comme si Ombeline n’avait pas pu s’en apercevoir elle-même.

Mais cette réflexion lui parvint à retardement, comme tout le reste. Sans décoller son front, il passa ses bras autour du corps de la prostituée et la serra fort contre lui ; preuve qu’il luttait vaillamment, un combat interne qu’il n’était pas certain de gagner. Qu’est-ce que tu veux, qu’est-ce que tu fais ? La réponse était si facile, mais si compliquée à prononcer. Il craignait qu’elle lui broie la gorge et lui brûle les lèvres, qu’elle pulvérise le reste de son cœur.

- Elle est partie, et maintenant…

Des larmes piquaient ses yeux.

- Je ne voulais pas que tu te taises, répéta-t-il.

Sa parole était décousue, la faute à la quantité d’alcool qu’il avait ingérée au cours de la journée. Il ne savait pas par où commencer, ne se souvenait plus ce qu’il avait déjà dit. Ce dont il était sûr, c’est qu’il devait d’abord expliquer à Ombeline qu’il était désolé. Il était désolé d’avoir payé pour elle, désolé de l’avoir forcée, désolé de l’utiliser. C’était ça : il utilisait cette jolie et gentille jeune fille parce qu’il était trop lâche pour affronter la dure réalité. Fuir était si doux. Doux. Il était quelqu’un de doux. Sydonnie ne lui avait-elle pas déjà dit ? Sydonnie, Sydonnie, Sydonnie.

Avec délicatesse, il déposa un baiser à la base de son cou, huma son parfum. Il était différent de celui de la sergente. Oh, bien sûr, sa peau sentait bon. Mais ce n’était ni le goût, ni l’arôme qu’il avait désiré.

- Sydonnie, murmura-t-il contre la peau nue d’Ombeline. Je veux Sydonnie.
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyJeu 13 Mai 2021 - 20:49
La jeune femme l'étreignit en retour, avec moins de désespoir et plus de douceur. Elle n'était pas bien épaisse, mais elle savait rendre les embrassades accueillantes et réconfortantes. Sans doute parce qu'elle tirait elle-même un certain réconfort de ces moments... Il y avait quelque chose d'inexplicablement rassurant à être sincèrement serrée dans les bras. Évidemment, cela n'était pas valable pour toutes les étreintes ! Et à l'inverse, certaines étaient plus efficaces que d’autres.

Elle put presque sentir les réticences d'Alaric se craqueler sous la pression de leur contact, telle une coquille d'œuf dur qui se fissure mais refuse de vraiment céder. Ni l'alcool, ni la galante compagnie qu'il cherchait ne pourrait tenir ses démons en respect éternellement, c'était une vérité applicable à chaque homme et qu'Ombeline connaissait bien. Toutes les filles de joie l'apprenait un jour ou l'autre : la fuite en avant était bien souvent une chute à peine contrôlée, et ce que l'on cherchait à fuir en sautant dans le vide se retrouvait toujours au fond du gouffre, à attendre sagement que l'on s'écrase. Elle aurait aimé lui dire qu'elle combattrait les démons à sa place, mais elle ne détenait pas de tels pouvoirs aussi garda-t-elle le silence.

La voix étouffée et mal articulée d'Alaric ne put cacher bien longtemps la nature du problème. Une femme était la cause de son malheur et c'était auprès d'une femme qu'il essayait de se soigner. Réflexe qui aurait été presque flatteur pour Ombeline si elle n'avait pas conscience d'être un pâle substitut. Elle n'en concevait cependant aucun outrage et continuait de caresser doucement la nuque du jeune homme en le gardant contre elle, ordonnant ses cheveux à chaque passage de sa main.
L’espace d’un instant, elle se remémora l’odeur de l’encens et des onguents aux plantes, le maillage épais de la tunique de prêtrise, la chaleur autour de ses épaules. Quelque part, Alaric était lui aussi un substitut.

Je ne voulais pas que tu te taises.

Ce n’est pas grave, tout va bien, dit-elle à voix basse pour le rassurer.

Elle ne pouvait pas vraiment en vouloir à quelqu’un d’aussi imbibé d’être un peu incohérent. S’il affirmait désormais qu’il ne voulait pas lui imposer le silence, elle voulait bien le croire. Tout comme elle était certaine que l’espace d’un instant, il avait sincèrement souhaité qu’elle se taise.

Sans s’émouvoir du baiser, elle ferma brièvement les yeux en laissant l’une de ses mains redescendre le long du coup du milicien, passer sur la pomme d’adam et se glisser sous le col de son vêtement. Elle ne se sentait pas l’envie d’être trop invasive mais ne pouvait pas non plus rester immobile. On attendait d’elle qu’elle réagisse, qu’elle ressente, qu’elle ait la politesse de simuler. Le jeune homme ne la dégoutait pas, mais si elle avait eu le choix, ça n’aurait pas été lui qu’elle aurait aimé caresser.
Le prénom familier à ses oreilles fit apparaître dans son esprit les couleurs floues de la sergente qu’elle connaissait. Leur soirée de jeu de carte, leurs conversations occasionnelles qui s’étaient espacées de plus en plus, le son de sa voix, tout s’assemblait dans un portrait fait de sensations et de bruits qui étaient pour elle “Sydonnie”.

Il faut croire que toutes les Sydonnie de Marbrume sont des personnes à part. Celle que je connais est la personne la plus courageuse et astucieuse qui soit.

Un sourire lui monta naturellement à la bouche et elle piqua un baiser sur la tempe d’Alaric.

Je ne peux pas me changer en ta Sydonnie, mais peut-être que tu pourrais me parler d’elle ? De quelle couleur sont ses yeux ? Quel parfum ont ses cheveux ? Qu’est-ce qui la rend si particulier ?
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AlaricGarde de Sombrebois
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyDim 16 Mai 2021 - 12:37
Les paroles d’Ombeline le rassurèrent un peu : elle n’avait pas l’air de lui tenir rigueur de son comportement comme il aurait pu le croire. Mais non, elle était gentille Ombeline, douce aussi, il aimait le contact de ses caresses contre sa nuque, sa voix bienveillante qui effleurait sa peau.

Cependant, il arrêta leur étreinte et la dévisagea, lorsqu’elle énonça les qualités de la Sydonnie qu’elle connaissait. Courageuse et astucieuse. Était-il possible qu’il s’agisse de la même personne ? Pour sûr, la sergente possédait ces traits de caractère, mais comment aurait-elle pu connaître une prostituée ? Alaric n’avait pas envie de le savoir et, au fond, cela l’importait peu. Ce qui comptait, c’était ce qu’ils avaient vécu ensemble, les sourires qu’elle lui avait offerts, leurs nombreuses promenades dans la cité, leurs étreintes tantôt tendres, tantôt passionnées.

Il était venu pour l’oublier, mais elle accaparait toutes ses pensées. Ombeline l’avait bien compris et, après avoir embrassé sa tempe, l’enjoignit de lui parler de celle qui ne cessait de faire battre son cœur. Alaric voulu refuser, mais paradoxalement, il avait envie de parler d’elle, ce qu’il avait aimé chez la sergente et au contraire, ce qui l’avait rendu fou. Peut-être que de cette manière, il se sentirait mieux.

Le soldat attrapa une des mains d’Ombeline et la fit basculer à côté de lui, afin qu’ils tombent tous les deux sur son lit, face à face. Son front touchait presque le sien, son souffle chaud chatouillait son nez. Alaric glissa ses doigts dans les cheveux de la jeune femme, les contempla quelques secondes avant de répondre à sa question.

- Elle a des cheveux noirs, comme toi, commença-t-il. Mais ses yeux, ils sont bleus. Un beau bleu, précisa-t-il.

Il ferma les yeux avant de l’imaginer en face de lui.

- Elle a un parfum fruité, tu sais, renforcé par l’odeur agréable des plantes médicinales. L’arôme du cuir ne la quitte jamais car elle porte souvent son armure. Et puis quand elle boit du vin, et elle en boit beaucoup…

Il rit. Comme si sa disparition n’était qu’un simple cauchemar. Comme si elle était effectivement devant lui et qu’il pouvait humer son odeur tout son saoul.

- Elle sent bon, conclut-il, parce qu’il valait mieux qu’il arrête là ses souvenirs.

Parfois, quand ils avaient passé la nuit ensemble, il lui trouvait une senteur de forêt, de pins. Comme lui. Et il avait aimé cette sensation, ce sentiment qu’elle n’appartenait qu’à lui. Son regard se voila. Comment était-ce possible de passer de la joie à la peine en si peu de temps ?

- Les autres miliciens, ils la trouvaient sévère… Elle l’est, mais moi… Moi je sais, je la vois telle qu’elle est. Je voyais ses rêves et ses peurs… Je le croyais. Mais elle est partie sans me le dire. Alors peut-être que rien n’était vrai.

Alaric passa ses mains sur son visage, un réflexe instinctif pour masquer sa détresse évidente, pour cacher les larmes qui perlaient au coin de ses yeux. Tel un petit garçon qui a trop honte de pleurer devant ses amis, il se recroquevilla afin d’échapper au regard blanc d’Ombeline qui, malgré sa vue précaire, n’était pas suffisamment aveugle pour ignorer ce qui se déroulait sous ses yeux.

- Mais c’est de ma faute, lâcha-t-il entre deux sanglots. Je n’aurais pas dû…

Rêve d’elle. M’attacher à elle. Ne vivre plus que pour elle. N’avait-elle pas été claire à ce sujet ? Pas de promesses, pas d’attaches.

- Tomber amoureux.
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyMer 26 Mai 2021 - 18:11
Son matelas n’était pas le plus confortable, mais elle aimait se laisser tomber dans son lit malgré tout. L’épaisse couverture les accueillit et un rai de lumière éclaira une partie du visage d’Alaric, donnant l’occasion à la jeune femme de l’observer un peu mieux. Il avait les traits marqués, mais ne semblait pas bien vieux, comme elle l’avait deviné. Pour un dernier client, elle aurait pu tomber bien plus mal, même s’il n’avait pas ces mêmes yeux mordorés qu’elle espérait revoir très bientôt.
Il accepta enfin de s’ouvrir un peu plus à propos de cette fameuse Sydonnie qui lui avait brisé le cœur par son départ. Un instant, elle s’était demandée s’il n’allait pas repousser l’idée et s’emmurer dans son propre esprit. Une attitude normale pour un homme, mais regrettable. De plus, Ombeline était désormais curieuse d’en savoir plus à propos de cette histoire. Ce serait certainement triste, mais même les histoires d’amour contrarié avait de beaux moments.

La première remarque lui fit souffler un rire bref par le nez tant cela ressemblait à une insulte détournée. Elle avait les yeux bleus “mais un beau bleu”, donc rien à voir avec les prunelles grisâtres qui étaient les siennes. Pourtant, elle avait eut les yeux bleus elle aussi, à une époque. Un bleu très pâle, semblable à un ciel d’été. Peut-être que Sydonnie les avait-eu bleu sombre ?
Il était plus facile pour elle de s’imaginer une odeur. Un parfum était aussi parlant qu’une image et chaque personne qu’elle avait rencontré avait la sienne. Pour Irène, il s’agissait de quelque chose de suave et raffiné ainsi que de l’odeur du pain grillé avec du thé, pour la plupart des miliciens il s’agissait de sueur, de cuir, de rouille et souvent de relents d’alcool et pour Cesare… L’encens, la cire à bougie, les baumes cicatrisants et ce qu’elle associait à des parchemins poussiéreux. Étrangement, elle aussi associait les fruits, le cuir et les herbes séchées à la Sydonnie qu’elle connaissait. Bien sûr, elle ne s’était pas tenue si proche d’elle qu’elle ait pu mémoriser correctement, pourtant elle était prête à parier que c’était à peu de choses près ce qu’elle connaissait de la sergente.

Peut-être qu’il s’agissait bel et bien d’une seule et même personne puisqu’Alaric parlait d’armure. Les femmes dans la milice n’étaient pas si nombreuses, il ne devait donc pas y avoir des dizaines de Sydonnies dans leurs rangs. Pourtant la fleur de trottoir ne fit aucune remarque.
Quelques mots de plus et elle comprit d’où venait la détresse du jeune homme : sa belle avait disparu sans un mot et en plus de son absence, il devait composer avec l’incompréhension. Elle pouvait concevoir que ce soit douloureux, la sensation ne lui était pas inconnue. Mauvais souvenir de jeunesse qui lui laissait un goût amer dans la bouche, mais qui prouvait également qu’il était tout à fait possible de s’en remettre.

Levant une main vers lui, Ombeline chercha ses doigts pour les lui prendre doucement et les écarter, lui libérant le visage. Avec précaution, elle essuya les larmes qu’elle devinait à l’éclat brillant qu’elles accrochaient, caressant les pommettes et les tempes au passage, passant parfois sur les paupières closes dans un geste apaisant.

Elle est partie… Mais au moins, elle est encore en vie, pas vrai ?

Elle tenta un sourire un peu triste. C’était un réconfort bien mince, mais lorsque toute sa vie se résume à donner son corps à de parfaits inconnus, on apprend à se contenter de petites bonnes nouvelles.

Ce n’est pas une faute de tomber amoureux. Parfois ça peut ressembler à un mauvais tour du sort ou à une malédiction, mais ce n’est pas un mal, ni un crime. C’est simplement… Un peu encombrant parfois.

Et elle en savait quelque chose !
Patiemment, elle passa une main dans ses cheveux, les poussant derrière l’oreille d’une caresse en cherchant ses mots. Elle ne pouvait pas ramener la jeune femme d’un claquement de doigts ni même prétendre savoir ce qu’il s’était passé pour qu’elle disparaisse de cette façon, pourtant elle se sentait le devoir de dire quelque chose. D’un autre côté, avec tout ce qu’avait bu le milicien, peut-être qu’il n’était pas utile de trop parler. Peut-être qu’elle pouvait se contenter d’être là et de le serrer dans ses bras en le berçant ?

Je crois… Que ta Sydonnie et la mienne sont une seule et même personne, avoua-t-elle avec une sorte d’inquiétude. Je ne connais pas beaucoup de femmes avec ce prénom et il n’y en a qu’une qui soit sergente dans la milice. Je ne prétends pas la connaître par cœur, mais nous avons eu l’occasion de parler à de nombreuses reprises et contre toute attente, elle est devenue mon amie.

L’espace d’un instant, elle se remémora leurs discussions et souffla un rire par le nez en se rappelant leur rencontre. Une soirée mémorable.

Elle est drôle à sa façon. Et elle n’a peur de rien. Je ne sais pas si c’est du courage ou du culot, mais ça lui réussit plutôt bien. Mais je sais aussi qu’elle n’est pas heureuse, pas vraiment. Il y a quelque chose de cassé au fond d’elle, ça peut s’entendre dans ses mots parfois. Alors je ne sais pas pourquoi elle est partie, ni comment, mais je crois que grâce à toi elle a pu être un peu moins seule.

La jeune femme lui glissa un baiser au coin des lèvres, comme un remerciement. La milicienne n’avait peut-être pas été amoureuse, mais il était évident que de ne pas être seule n’avait été que positif. Insuffisant pour rattraper cette fracture qui la rendait malheureuse, mais assez pour lui permettre de tenir encore un peu. Avoir quelqu’un sur qui compter, une épaule sur laquelle se reposer ou simplement savoir que l’on retrouve quelqu’un en qui on a confiance après une longue journée, c’était un privilège qui se faisait rare à Marbrume.
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyMar 1 Juin 2021 - 14:45
La douceur des doigts d’Ombeline contre les siens le calma peu à peu. Alaric se sentait honteux de pleurer ainsi, face à une inconnue. Pire, dans son lit. S’il n’avait pas été aussi saoul et malheureux, il aurait pu rire de cette situation cocasse. Un jour, peut-être, il pourrait en reparler le sourire aux lèvres. Ce soir-là, cependant, rire n’était pas à l’ordre du jour. Un gémissement plaintif étreignit sa gorge lorsque la prostituée lui demanda si elle était toujours en vie. Il l’espérait, oui, mais qu’en savait-il ? Elle était partie et, vu la tête bornée et désespérée qu’était Sydonnie et la fourberie des lieux, extra et intra-muros, rien n’était moins sûr. Peut-être était-ce la partie la plus horrible à accepter : celle de ne jamais savoir. On aurait pu croire que, lorsque l’on aimait quelqu’un, lorsque l’on était lié à l’autre par des sentiments forts et indéfectibles, d’une manière ou d’une autre, on saurait s’il lui arrivait quelque chose. Un sixième sens étrange, inexplicable, qui faisait vibrer les liens qui les unissaient au moindre tracas. Mais non. Rien de tout cela n’existait. Que ce soit pour un être aimé ou un parfait inconnu… L’ignorance était identique.

- Je ne sais pas, finit-il par répondre. Bon sang, j’en sais rien si elle vit toujours.

Le sourire d’Ombeline ne réchauffa pas son cœur. Du moins, ce qu’il en restait. Encombrant, oui, ce n’était pas faux. Un mauvais coup de sort ? Pas vraiment… Car un mauvais coup du sort ne l’aurait pas rendu aussi heureux, même si ce bonheur tout relatif fut bref. Plus la lumière était vive, plus les ténèbres étaient sombres. Alaric en saisissait tous les sens, ainsi bercé par les caresses apaisantes de la jeune femme.

Le soldat se redressa sur ses coudes et fixa Ombeline, ses larmes séchées sur les joues. Vu ce qu’elle lui avait appris quelques minutes plus tôt, il n’était pas vraiment surpris qu’elle connaisse Sydonnie. De toute façon, qui n’avait jamais entendu parler de La sergente de Marbrume ? Mais il avait en face de lui une amie de son amante, ce qui, finalement, était assez inattendu. Étaient-ce les Trois qui l’avaient poussé dans ses bras ? Il aurait pu choisir n’importe quelle maison close, n’importe quelle fille de joie. Et c’était pourtant dans les bras d’Ombeline qu’il avait échoué.

- C’est elle, affirma-t-il après sa brève présentation.

Un pâle sourire flotta sur ses lèvres rosies.

- Toi aussi, tu l’avais vu, souffla-t-il. Le mal-être qui la rongeait.

Il la dévisagea, laissa glisser sa main contre sa joue droite, soulignant son œil grisâtre de son pouce.

- Tu vois beaucoup de choses, avec ces yeux là…

Un nouveau voile de tristesse obscurcit les siens et il secoua la tête.

- Si j’avais vraiment réussi à la rendre un peu heureuse, à l’apaiser… Elle ne serait pas partie.

Car c’était bel et bien le fond du problème : il avait échoué. Être tombé amoureux ? Le temps cicatriserait ses blessures. Mais avoir failli une fois de plus à sauver quelqu’un ? C’était insupportable. Alaric ne broncha pas lorsqu’elle déposa un baiser au coin de ses lèvres. Son regard était perdu sur un point fixe, sans doute situé au centre du joli nez d’Ombeline, ses pensées sombres entremêlées dans de mauvais souvenirs.

- Et maintenant…, commença-t-il.

Un rictus déforma ses traits.

- Je me comporte comme un abruti. En fait, je ne sais pas… Je ne sais plus comment je dois vivre, Ombeline. Qu’importe les chemins que je prends… Moi je suis toujours là et les autres disparaissent.

Alaric ferma les yeux et prit une profonde inspiration.

- Franchement je me demande… Je me demande pourquoi les Trois me gardent en vie.
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyMar 8 Juin 2021 - 14:53
Ça pour se comporter comme un abruti… Mais elle ne pouvait pas vraiment le blâmer, il était au bout du rouleau et se posait mille questions dont il n’aurait peut-être jamais la réponse. Peut-être que dans la même situation, elle n’aurait pas fait mieux ? Une petite voix au fond d’elle lui souffla qu’elle était plus forte qu’un cœur brisé et qu’elle ne se serait certainement pas imbibée avant de se jeter dans les bras d’un inconnu, mais plutôt enfermée dans une chambre pour pleurer tout son saoule avant de se rappeler que la vie n’attendrait pas qu’elle ait fait son deuil pour continuer.
Quelque part, elle pouvait comprendre ce qui avait lié Alaric et Sydonnie : ils se ressemblaient étrangement. Tout en se complétant, sans doute. L’espace d’un instant, elle s’imagina Sydonnie dans un corps masculin et l’image d’Alaric s’imposa, bien qu’il n’ait pas la même crinière sombre que la sergente. Peut-être à cause de la même intonation brisée, de la même aura de tristesse.

Elle laissa échapper un bref rire sans joie. Il se posait des questions sans réponses, uniquement bonnes à se torturer.

Et moi je suis toujours celle qu’on laisse derrière, qu’on met de côté pour ne pas s’encombrer. Mais il ne faut pas y voir de message de la part des Trois. Pour moi c’est assez évident : je suis un poids-mort à cause de mes yeux, c’est comme ça. Pour toi, il s’agit peut-être de ton travail, tout simplement… Tu es supposé aider et protéger, rien d’étonnant à ce que parfois des vies t’échappent, tu ne penses pas ? Il ne faut pas en faire un marqueur d’échec.

Ombeline changea de position pour s’installer tout à fait sur le dos, les mains posées sur son ventre et le regard perdu au plafond dont elle ne distinguait aucun détail.

Pourquoi voudraient-ils se débarrasser de toi alors qu’ils me gardent en vie ? J’ai survécu à deux invasions de fangeux alors que je bafoue tous les jours leurs règles. Qui sommes-nous pour tenter d’interpréter leurs volontés ? Je n’aurais pas cette prétention. Rien ne te dis que leurs desseins ne vont pas au-delà de ce que tu peux percevoir, ni même qu’ils jugent une âme de façon dont nous autres, mortels, la jugeons.

La jeune femme laissa échapper un rire en réalisant qu’elle se mettait presque à parler comme Cesare. Peut-être pourrait-elle aider le prêtre dans ses fonctions une fois au Labret ? Elle n’avait pas l’éducation d’une prêtresse, ni même toutes les connaissances, mais rassurer et faire preuve d’un peu de bienveillance serait sans doute dans ses cordes. Il faudrait bien que quelqu’un contrebalance la sévérité froide de son compagnon.

Ce n’est pas à toi de sauver le monde, Alaric. Tout ce que tu peux faire c’est l’aider, garder une épaule disponible au cas où quelqu’un voudrait s’y appuyer, comme tu l’as fait avec Sydonnie, et espérer que les gens prennent les bonnes décisions. Parce que, en fin de compte, on ne peut pas sauver des gens qui ne veulent pas l’être. Et la décision finale ne t’appartient pas. Alors ne l’envisage pas comme un échec, conclu-t-elle en levant une main pour lui caresser la joue et rabattre ses cheveux en arrière.
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyLun 14 Juin 2021 - 11:39
Toujours couché sur le flanc, Alaric écoutait Ombeline parler de son ressenti vis-à-vis des Trois et de ses faiblesses. La prostituée était aveugle, et elle n’avait pas peur d’affirmer que ses yeux étaient un poids pour elle. Le soldat se demanda si la jeune femme n’avait jamais vu ou si sa vue avait diminué avec le temps, jusqu’à devenir un amas de flou, cerclé de contours brouillés. Il la trouva si courageuse d’être capable de prendre du recul, d’oser prononcer ses défauts à autrui, comme si elle les maîtrisait. Non, ce n’était pas une impression : Ombeline gardait le contrôle sur ce qui était à sa portée, sans pleurer ce qu’elle ne pouvait plus avoir.

Alaric n’ajouta rien tandis que la jeune femme se couchait sur le dos, son regard vissé sur le plafond de la chambre. Après un soupir, il fit de même. Il tenta de fermer les yeux, mais la tête lui tourna instantanément. Un grognement franchit ses lèvres, alors qu’il passait ses mains derrière sa nuque, afin de rehausser un peu sa tête.

Une fois de plus, son discours était empli de justesse. Comment pouvait-il parler des Trois face à une prostituée ? Plus cette conversation avançait, plus il prenait la mesure de son comportement absurde. À moins qu’il ne commence enfin à dessaouler ? Souvent, Alaric s’était demandé quel était le plan que les divinités avaient tracé pour lui. Mais qui était-il pour tenter de comprendre leurs desseins ? Ombeline le ramenait à l’ordre avec douceur et c’était tout ce dont il avait besoin.

Tu ne peux pas sauver tout le monde. Ce n’était pas la première fois qu’on le lui disait. L’idée-même le rendait malade, alors qu’il savait qu’elle avait raison. Mais comment l’accepter ? Chacun suivait ses propres chemins, choisissait ses propres voies. Si, comme la prostituée l’indiquait, certains préféraient ne pas être sauvés, il n’était pas de son ressort de les faire changer d’avis. Il avait été une épaule sur laquelle Sydonnie avait pu s’appuyer, c’était vrai. Pas autant qu’il l’aurait voulu, mais… peut-être pouvait-il au moins se satisfaire de ces quelques mois, au cours desquels il avait été heureux et, à l’écoute d’Ombeline, il l’espérait, la sergente aussi avait vécu quelques moments de joie. Ses souvenirs étaient encore vifs, et il était sûr qu’il n’avait pas imaginé les sourires fugaces qui avaient illuminé son visage, les rires brefs qui avaient éclairé sa voix.

- Merci Ombeline, murmura-t-il, alors qu’il savourait la caresse de ses doigts dans ses cheveux.

Si les murs ne tournaient pas autant quand il fermait les yeux, il aurait pu s’endormir. Sans être luxueux, le matelas était confortable et les gestes tendres d’Ombeline le berçaient.

- Je sais que tu as raison, mais… Je ne sais pas comment faire. Pour aller mieux, précisa-t-il. Je crois… Je crois que ça m’effraie. Comment fais-tu pour être... aussi forte ?

Il soupira une fois de plus, avant de se retourner pour la regarder. Pour commencer, il pourrait arrêter de se poser autant de questions, mais ça non plus, il ne savait pas comment faire. Toutes ces interrogations sans réponse s’imposaient à lui, sans qu’il n’en ait le contrôle.

- Je voulais pas t’embêter avec tout ça, finit-il par s’excuser.
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyMer 16 Juin 2021 - 12:18
Ombeline se sentie rassurée que ses mots apportent un peu de confort à son client. Raisonner une personne ivre et au cœur brisé n’était pas un exercice facile, mais Alaric semblait être assez vif pour comprendre que s’enfoncer dans le malheur ne l’aiderait pas. S’il était évident qu’il ne sortirait pas de cette chambre frais comme un gardon - elle le plaignait par avance pour la gueule de bois qu’il devrait essuyer le lendemain ! - elle espérait qu’il emporterait ses mots avec lui comme une source de réconfort jusqu’à ce que la peine s’efface.

Sa question provoqua un rire franc chez la jeune femme qui se serait elle-même définie comme bien des choses mais certainement pas comme forte. C’était assez flatteur, cependant elle n’était pas sûre que le fait d’être réaliste soit synonyme de force. Elle n’avait pas eu d’autre choix que d’accepter sa condition et tenter d’en tirer le meilleur ou de se laisser dépérir et mourir misérablement dans une ruelle.

Ça ne m’embête pas du tout, rassure-toi. À vrai dire, je préfère être ici qu’en bas au service. Et je crois que malheureusement, il n’y a pas de recette pour aller mieux… Il faut serrer les dents, faire un pied de nez au sort chaque matin en continuant de s’activer malgré tout ce qui peut se passer.

Elle eut un haussement d’épaules et une moue, l’air de dire qu’elle n’en savait pas plus malgré sa supposée force.

Je ne sais pas s’il faut du courage pour traverser les épreuves ou s’il suffit d’être particulièrement entêté. Personnellement, j’ai plus l’impression d’être têtue que forte. Je sais que je suis inapte à vivre seule et qu’il me faudra toujours de l’aide, je serai déjà morte mille fois sans l’intervention d’autres personnes. Mais ça m’agace de penser que je puisse donner raison à ces têtes de lards qui se fichent de moi en pariant sur ma mort à la prochaine catastrophe. Alors peu importe ce qui me tombe sur le coin du nez, si je peux faire face à Anür en étant fière de m’être battue jusqu’au bout pour avancer tout au long de ma vie, c’est le principal.

La jeune femme eut un hochement de tête résolu et ferme. En vérité, elle pensait à cela depuis qu’elle avait accepté d’aller au Labret. Loin des murs de la ville et de tout ce qu’elle connaissait, en pleine nature, entourée de bruit et de couleurs qu’elle n’avait pas appris à reconnaître, ses chances de survie reposeraient principalement sur sa prudence, Cesare, ainsi qu’une bonne dose de chance. Elle y laisserait sans doute sa peau, mais elle n’aurait pas de regrets. Une telle aventure aux côtés de l’ecclésiaste valait toujours mieux qu’une longue vie morne entre les murs de la Balsamine. Ou pire, d’être jetée à la rue pour y mourir seule et misérable.

Malgré le sujet presque lugubre qu’ils abordaient, Ombeline se mit à sourire, le rose aux joues. Elle ajouta avec plus de douceur :

En plus, il n’y a pas qu’Anür que je veuille impressionner. Que ce soit pendant cette vie ou dans ce qui nous attend après, il y a quelqu’un en face de qui je veux pouvoir me tenir fièrement en sachant que j’ai tout fait pour rester droite sur mes pieds sans abandonner. On a déjà de la peine pour moi à cause de mes yeux, ma fierté ne supporterait pas qu’on ait de la peine pour moi à cause de mon manque de volonté. Ça serait vraiment pathétique et venant d’une catin aveugle, ça veut dire beaucoup !

Elle laissa éclater un rire, consciente de l’ironie de ses propres mots. On ne durait pas longtemps dans le métier sans apprendre à faire de ses faiblesses des forces. Ou tout du moins des armes.

Tu ne voudrais pouvoir faire face à Sydonnie, peu importe dans combien de temps, et pouvoir lui dire raconter tout ce que tu as vu et fait depuis votre séparation ? Imagine-la avec sa grosse voix et ses sourcils froncés, en train de t’enguirlander pour avoir tout laissé tomber d’un coup. Elle, elle aura certainement des choses à raconter. Ça serait bien de pouvoir lui rendre la pareille. Même si ça va être pénible de mettre un pied devant l’autre pendant quelques temps…
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyVen 18 Juin 2021 - 16:14
À vrai dire, je préfère être ici qu’en bas au service. Alaric hocha la tête sans rien ajouter. Il avait beau s’être comporté comme un idiot, il avait pu garder suffisamment de lucidité pour ne pas agir comme la plupart des hommes qui passaient la porte de la Balsamine. Au fond, il avait payé la prostituée pour une soirée plutôt calme – du moins pour elle – ce qui le réconforta un peu. Allongé sur le flanc, il se perdit dans ses prunelles laiteuses ; ses paroles percutaient son cœur malgré leur douceur, le délivraient des méfaits vaporeux de l’alcool. Il était venu se plaindre auprès d’une prostituée, alors que c’était elle qui avait tout à plaindre. Il se sentait honteux, petit et par habitude, adressa une prière mentale aux Trois non pas pour qu’ils lui pardonnent, mais pour qu’ils éclairent quelque peu la vie d’Ombeline.

Quand il y réfléchissait, Alaric avait su aussi faire preuve d’opiniâtreté, lorsqu’il avait rejoint la milice, d’acharnement, lorsqu’il avait combattu jour et nuit pour protéger Sombrebois. Quand il s’agissait de gérer ses émotions, en revanche, il était complètement perdu. Cette soirée n’était que le reflet de ses sentiments dont il n’était pas capable de démêler les sens. Il perdait l’un de ses repères, et il avait l’impression que sa vie se disloquait. Sydonnie avait été un point d’ancrage auquel il s’était accroché corps et âme ; la chute était d’autant plus douloureuse. S’il pouvait vivre pour lui, comme le faisait Ombeline, peut-être aurait-il plus facile d’appréhender le futur. Mais en fait, « lui », qui était-ce ?

Sa franchise le surprit une fois de plus, mais ayant compris un peu plus le personnage, Alaric se contenta de lui sourire. Il y avait tant de volonté dans ce petit bout de femme, tant à retenir et à apprendre de ses mots. Un regain d’énergie s’empara du soldat qui se redressa un peu trop brusquement avant de s’asseoir. Pour un peu, il avait presque oublié les trop nombreuses chopes qu’il avait siphonnées.

Tu as raison, je voudrais l’impressionner, mais…

Elle, elle aura certainement des choses à raconter.

La sensation lui passerait certainement avec le temps. Qui sait ? Peut-être qu’un jour, il n’y penserait plus, même si l’idée lui semblait impossible. Pour l’heure, cependant, il n’avait aucune envie d’apprendre ce qu’elle pouvait faire sans lui. C’était injuste et complètement puérile, il en avait confiance, mais il ne pouvait s’empêcher de ressentir ces sentiments négatifs.

Est-ce mal si je n’ai pas envie qu’elle vive… Plein de choses sans moi ?

Il était partagé : bien sûr, il ne voulait que son bonheur – il avait toujours été sa priorité – mais un trouble étrange alourdissait son cœur. Une sorte de jalousie idiote sur laquelle il ne pouvait mettre de mots. Comme si tout ce qu’il avait fait pour elle – ce qu’Ombeline avait pris soin de le lui rappeler – n’existait plus, effacé par un futur hypothétique qu’elle passerait sans lui. Alaric soupira ; il ne voulait pas se laisser emporter par de telles pensées, sombres et pourtant si tentantes. À cet instant, il lui semblait que lui en vouloir était une réponse bien plus facile.
Le soldat balaya la pièce du regard, avant de reporter son attention sur la jeune femme. D’une certaine manière, Ombeline devrait rester un exemple pour lui. Elle serait là pour lui rappeler qu’il ne peut pas abandonner, qu’il devait garder la tête haute. La vie n’était pas facile, mais elle valait la peine qu’on se batte pour elle. Par les Trois, il le savait !

Ça ne t’ennuie pas si je reste un peu alors ? demanda-t-il, penaud.

Pour être franc, il n’était pas certain qu’il serait capable de descendre les escaliers seul, encore moins regagner la taverne de Jo sans multiplier les chutes.
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptySam 17 Juil 2021 - 15:53
La question fit glousser la jeune femme qui fit non de la tête pour le rassurer. C’était sans doute un peu puéril, mais pas anormal. D’ailleurs elle s’était elle-même prise à concevoir une bête jalousie envers les femmes se présentant au temple pour recevoir les conseils et prière de Cesare. Une réaction stupide mais qu’elle ne trouvait pas anormale.

Ce n’est pas vraiment quelque chose de bien, fit-elle avec un petit air amusé. Mais c’est plutôt normal de penser ça. Il ne faut pas s’en vouloir, tant qu’on se reprend en se souvenant qu’il vaut mieux que l’autre soit heureux et puisse vivre… Même sans nous.

Elle eut un petit haussement d’épaules désolé et compréhensif. Sans nouvelles de Sydonnie et avec la perspective qu’elle l’ai quitté pour peut-être vivre mieux, il y avait de quoi ruminer. Pourtant Ombeline était certaine que ce n’était pas lui que la sergente avait voulu quitter, mais de vieux démons qui ne la laissait pas en paix.

S’étirant comme un chat au sortir de la sieste, la brunette se redressa sur un coude lorsque Alaric lui demanda s’il pouvait s’attarder un peu. Il devait voir la pièce toute entière tanguer, l’idée de remettre les pieds dehors en ne pouvant pas aligner deux pas correctement ne devait pas l’enchanter. Une chance pour lui que la fille qu’il ait choisi soit justement celle qui puisse prendre tout son temps.

Tu peux rester et même faire un somme si tu veux. Il faudrait simplement que tu retires tes bottes et te débraille un peu, pour faire illusion. Sinon je risque de me faire tirer les oreilles, expliqua-t-elle en se redressant sur le lit pour lui faire une place.

Personne ne viendrait les déranger, la nouvelle du départ d’Ombeline s’était répandue et tous les habitants de la Balsamine savaient qu’il ne servait à rien de la presser à faire son travail. Qu’elle ait un dernier client représentait déjà un hommage à toutes ces années de travail, inutile de le mettre à la porte trop rapidement.

Je te réveillerai plus tard si tu veux, ajouta-t-elle.
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MessageSujet: Re: Dans le brouillard [Ft. Ombeline]   Dans le brouillard [Ft. Ombeline] EmptyJeu 22 Juil 2021 - 11:38
L’état et les pensées d’Alaric avaient l’air d’amuser la jeune femme, qui gloussa à sa question. Il avait l’impression d’être un enfant, demandant l’approbation d’un adulte : « puis-je ressentir cela, Ombeline ? » Une fois de plus, ses réponses furent pleines de sens et malgré l’alcool ingéré, le soldat saisissait son raisonnement. Ressentir de la jalousie envers la vie de Sydonnie, un futur qu’elle bâtirait sans lui, n’était pas bien par définition, mais c’était une réaction humaine. Cependant, il ne pouvait se laisser noyer dans cette émotion trop négative. Ombeline n’avait pas tort, la rancœur qu’il éprouvait ne devait pas entacher l’essentiel : le bonheur de la sergente, même s’il en était exclu. L’idée lui serrait horriblement le cœur, mais au fond de lui, il savait que c’était la seule bonne solution possible. Il avait eu des sentiments pour elle ; il devait respecter les siens.

Il penserait à tout cela plus tard, un mal de crâne commençait à pointer au milieu de son front. Il grimaça et hocha la tête, avant de se débarrasser de ses bottes qu’il laissa traîner au pied du lit. Ce fut un soulagement d’apprendre qu’elle acceptait qu’il dorme un peu dans sa chambre. Sa tête lui semblait si lourde, ses paupières pesantes, même s’il luttait pour ne pas fermer les yeux, afin que la pièce ne tangue pas à nouveau.

- Merci, Ombeline, murmura-t-il, alors qu’il se laissait retomber sur le matelas à côté de la prostituée.

D’instinct et sans lui demander son avis, il passa un bras autour de sa taille et la serra contre lui. Il se recroquevilla contre son dos et huma son parfum, écouta le rythme lent de son cœur afin de se laisser bercer.

- Tu m’as beaucoup aidé, souffla-t-il contre sa peau.

Et sans attendre – ou entendre – une réponse de sa part, il sombra dans un sommeil profond, parsemé de rêves sans queue ni tête, tantôt effrayants, tantôt réconfortants. Sa mère flotta dans des limbes inconscients, remplacée par des silhouettes dont il ne distinguait pas les visages. Des contours s’imposaient à lui et, comme par miracle, il devinait parfois qui rendait visite à ses songes : Hector – à moins qu’il ne s’agisse de son ancien coutilier ? – Cyrielle, alors qu’il pensait l’avoir complètement oubliée – à moins qu’il ne s’agisse de Margaux ? – ou encore la jeune Marie, celle qu’il avait égorgée de sang-froid – à moins qu’il ne s’agisse de son propre reflet ? Et bien sûr, quand tout ce sang l’effrayait et inondait ses rêves, lorsque le liquide poisseux les modulait en cauchemars, Sydonnie lui apparaissait. Une douce mélodie rythmait les images qui défilaient sous ses paupières, jusqu’à ce qu’elle se transforme en un rythme plus percutant, désagréable. Une harpe muée en tambour, des percussions frénétiques qui n’étaient autre que les battements de son cœur.

Alaric ouvrit les yeux. Couché sur le dos, il avait trop chaud, la sueur plaquait ses cheveux sur son front, sa chemise contre son corps. Un gémissement s’échappa de ses lèvres et il porta ses deux mains sur son visage. Par les Trois ! Son mal de crâne ne s’était en rien arrangé et son ventre protestait également. Il hésitait entre devoir manger ou devoir vomir. Il grimaça. Il n’avait pas dû dormir beaucoup, trois ou quatre heures tout au plus, il se sentait courbaturé, pas reposé pour un sou. Ses yeux bleus fixèrent alors le plafond inconnu et, petit à petit, les souvenirs de la veille lui revinrent en mémoire.

Un petit rire attira son attention, et il se retourna. Allongée à côté de lui, Ombeline le regardait, un sourire sur les lèvres.

- J’ai pas l’habitude de boire autant, maugréa-t-il.

Sa lucidité revenait petit à petit. Le rouge colora ses joues, lorsqu’il se souvint de son comportement et des paroles qu’ils avaient échangées.

- Je suis désolé, euh... Je pense que je devrais pouvoir te laisser maintenant, ajouta-t-il en se redressant lentement, de peur que les lancements de son crâne ne transpercent littéralement son front. Et te laisser te reposer.

Il avait la bouche pâteuse, il lui tardait de boire de l'eau, de plonger son visage dans une bassine d'eau froide.

- Je… Je ne sais pas si je me souviens de tout, avoua-t-il, honteux. J’espère que je ne t’ai rien fait de… euh, mal.

Afin d’éviter ses yeux laiteux, non pas parce qu’ils le dérangeaient, mais parce qu’il savait qu’Ombeline lirait la gêne qui le tenaillait, Alaric s’avança vers le bord du lit afin de passer ses bottes.

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