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 Défier, ou déifier ?

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Edgar DuvalIngénieur
Edgar Duval



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MessageSujet: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyMar 10 Aoû 2021 - 11:32
22 novembre 1166

Encore une fois, la salle de classe se vidait progressivement des élèves ; des hommes éduqués pour la plupart, eussent-ils appartenus au bas peuple qui ne sauraient apprécier quelque séjour à l’Esplanade. Des officiers comme des marchands, ils ne se faisaient par prier pour quitter les lieux, lessivés devant les différentes leçons d’Edgar Duval. Ce dernier était resté assis à son bureau, se massant les yeux, fatigué d’avoir affaire à toutes ces personnes qui étaient là par hasard, pour échapper à on ne savait quelle autre obligation. L’hiver était rude, le moral des gens de Marbrume était rongé, et parsemer ses feuillets de formules mathématiques ésotérique n’adoucissait en rien les mœurs pour eux.

Le boiteux haussa les épaules, se leva de sa chaise puis, à l’aide d’un vieux chiffon, balaya les différentes notes qu’il avait grattées sur le tableau, comme faisant table rase de ces dernières heures improductives. Il se sentait comme vide, incapable de transmettre quoi que ce soit en cette période gangrénée par la peur et, dans une moindre mesure, la faim. Enfin.

Ses maux furent vite oubliés lorsqu’il loucha sur le tesson de vinasse, encore bien bouché ; et son verre mal nettoyé qui attendaient.

Il soupira. Il se rappelait que, ce soir, il profiterait d’une certaine fenêtre de tir, d’une brève escapade à la bibliothèque, certes en étant accompagné, mais d’une personne à qui il pouvait témoigner une considération suffisante.

Alors il détourna le regard, promettant des après plus sobres que d’ordinaire, dût son humeur demeurer maussade, mais stable. Il remit les lieux en ordre, verrouilla la salle et regagna le grand hall du Temple, là où il espérait retrouver un visage familier ; visage qui ne montrait pas encore sa présence, sans doute parce qu’il était plus sollicité encore que le professeur à une jambe.

Il s’était donc retrouvé, comme à l’accoutumée, dans la grande salle où l’ineffable effigie d’Anur, surplombant les gradins, semblait embrasser les fidèles d’un regard grave et profond. Seul Edgar et quelques autres roturiers s’y trouvaient, comme s’il eut s’agit d’une prière de bienfaisance, en retard, pour compenser quelque manque de piété. Lui attendait là, le menton relevé, la mine sombre, ses deux mains empoignant fermement sa canne.

« Que me réserves-Tu ce soir, ô grande déesse de la mort ? »
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Gudrun MercierPrêtresse
Gudrun Mercier



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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyMer 11 Aoû 2021 - 20:32
Et un mort de plus, Anür ait son âme. Gudrun quitta sa place devant le lit pour la laisser à ceux dont la tâche était d'emporter les corps à la morgue avant de les brûler. Une triste fin, après plusieurs jours d'agonie, et une triste façon de rejoindre les dieux. Elle ne perdait pas l'espoir que la Fange disparaisse un jour, et qu'elle puisse elle-même passer dans le royaume d'Anür comme il se devait, pas... comme ça. Dès qu'elle aurait accompli la volonté des dieux, cela allait de soi.

Mais elle avait d'autres chats à fouetter que de s'apitoyer sur la mort d'un pauvre hère. Après une dernière inspection, elle partit d'un pas vif vers le grand hall. Elle avait pour tâche d'accompagner à la bibliothèque le vieil homme avec qui elle avait passé une nuit blanche quelques jours plus tôt. Une requête assez incompréhensible d'après elle... Soit elle avait été si convaincante qu'on lui faisait déjà pleinement confiance, soit surveiller les visites à la bibliothèque se résumait à empêcher les visiteurs d'arracher les pages des ouvrages. La deuxième option était la plus probable, puisque les Morguestanais étaient si peu respectueux !

Arrivant dans le grand hall, elle reconnut sans peine la silhouette debout devant l'imposante statue d'Anür. Il semblait tenir droit cette fois-ci. Depuis cette fameuse nuit, ses sentiments étaient assez mitigés à l'égard du professeur. Elle venait tout juste de se remettre de la fatigue occasionnée par leurs échanges, et elle ne savait toujours pas quoi en penser. Avait-elle réussi à le remettre dans le droit chemin ? Si pouvoir parler d'Etiol lui avait fait du bien sur le moment, elle y avait repensé à tête reposée, et avait commencé à regretter cette imprudence. Cela ne lui plaisait guère d'avoir son destin entre les mains d'un ivrogne notoire, malgré sa promesse. C'est donc sans sourire qu'elle aborda l'ivrogne en question.

- Edgar ? Je suis heureuse de voir que vous continuez à prier Anür, mais nous devrions y aller avant qu'il ne soit trop tard.

Elle fit demi-tour sans attendre la réponse pour repartir vers l'aile du temple dont elle venait, ralentissant légèrement le rythme pour permettre à l'infirme de la suivre sans peine. Le trajet jusqu'à la bibliothèque se faisait par des couloirs larges et bien éclairés, et ils croisèrent nombre de prêtres sur le chemin. Aussi mit-elle sa curiosité en sourdine et se contenta-t-elle des politesses de mise.

- Vous êtes-vous remis de la fatigue de la semaine dernière ?

Ils arrivaient à l'entrée de la bibliothèque. Elle n'avait pas oublié les allusions du professeur à des livres moins... conventionnels.

- Eh bien, qu'espérez-vous trouver dans cet endroit poussiéreux ? Je crains de devoir vous surveiller comme le pêcheur surveille sa ligne, alors autant me mettre dans la confidence pour que je me rende utile.
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Edgar DuvalIngénieur
Edgar Duval



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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyMer 11 Aoû 2021 - 21:04
La prière fut de courte durée. La prêtresse, pieuse, consciencieuse, avait fait montre d’une ponctualité qu’Edgar aurait salué en des temps plus propices. Mais l’homme avait passé une journée difficile, sous l’empire d’un sevrage malvenu, et il en était à regretter intérieurement d’avoir pris cette décision. Elle avait revêtu ce masque de sévérité, sur lequel il aurait pu lire à s’y méprendre quelque mépris cordial. Mais elle semblait aussi tendue que lui, pour des raisons tout autres cependant. Après les convivialités échangées, brèves, il se leva prestement, comme un piquet, ne se faisant pas prier pour suivre la prêtresse, sans mot dire. Il la rattrapa jusqu’à marcher à ses côtés. Les dévots qu’ils croisaient sur leur chemin ne leur accordèrent que peu d’attention. Certains pouvaient se poser des questions à l’idée de voir un professeur badiner avec un membre du clergé – sous prétexte qu’on n’eut pas mélangé les torchons et les serviettes – mais les plus pieux comprenaient que les messes basses ne devaient pas avoir cours en pareille époque gangrenée. D’autres devoirs attendaient.

« Fatigue de quoi ? demanda-t-il sèchement. »

Il ne lui accorda pas un regard. Il réussit à se demander s’il avait été fatigant à l’égard de la sœur. C’en était à la limite de l’insulte, mais son esprit clairvoyant restait tyrannisé entre la douleur de sa guibole et l’objet de sa visite : se documenter sur cette entité mystérieuse qui ne faisait pas l’unanimité, dont le nom était silencié, censuré à l’envi, de crainte qu’une nouvelle colère divine ne s’abattît on ne su où. Il bouillait intérieurement, serrant sa canne, son impatience grandissant au fur et à mesure qu’il approchait du but. Elle l’interpela à nouveau, cette fois à l’entrée de la bibliothèque, à la vue de quelques autres dévots qui détournèrent le regard, surpris de constater une visite à pareil moment de la journée.

« Cela fait TROIS semaines que j’attends de pouvoir accéder aux ouvrages sur l’algèbre de Bill ! À un moment, ma sœur, ça commence à BIEN faire ! Je ne peux plus attendre qu’un de vos collègues ne cède à ma requête ! »

Il feignit l’esclandre, concerné par les oreilles indiscrètes aux alentours. Il aurait eu envie de jurer franchement, au fond, mais l’absence d’alcool lui donnait malgré tout un certain contrôle intérieur, comme s’il n’avait jamais subi les aléas d’une coprolalie hasardeuse. Il ne craignait pas pour sa réputation et c’était un homme respecté qui savait exiger les bonnes choses au bon moment. Alors, sans craindre ni de la réaction de sœur Gudrun, ni des imbéciles alentours, il se dirigea à l’endroit de sa convoitise, boitant dans l’immense enceinte de la bibliothèque, sa canne résonnant par à-coups en brefs échos, comme s’il dictait une métronome dans un silence des plus religieux qui n’attendait qu’à être rompu par un chœur, un orgue, qui ne vinrent jamais.

Il prit garde à s’éloigner des oreilles indiscrètes. Son regard n’avait rien de vitreux ce soir-là. Comme s’il remuait un fond de colère en lui. Gudrun la rejoindrait tôt ou tard ; c’était elle qui était chargée de sa surveillance après tout. Il darda un regard furieux sur son minois. Il maugréa ses mots, de crainte qu’ils fussent entendus entre deux étagères.

« Vous êtes la seule personne à qui je peux confier que je cherche à me renseigner sur la Fange et Etiol dans une moindre mesure. Alors surveillez-moi autant que vous voulez, vous allez m’aider de tout votre cœur. Vous me le devez ; êtes-vous si cruelle ?! Je me fais violence à ne pas me saouler pour quoi ? Pour vos belles prunelles ? Et c’est comme ça que vous m’accueillez ? “Edgar, vous êtes-vous remis ?” »

Il sembla mâcher d’autres mots incompréhensibles, pareil à un vieil homme grognon qui contenait d’obscènes jurons non désirés, tournant le regard, puis reprenant contenance, scrutant les iris de la prêtresse.

« La Fange m’obsède. Je fais des cauchemars tous les soirs à cause de ça. Je ne supporte pas d’accomplir mon devoir comme si de rien n’était. Si l’étude d’Etiol doit me permettre d’en savoir plus sur ce fléau, alors qu’il en soit ainsi. Guidez-moi jusqu’aux lieux qui vont bien. Si l’un de vos collègues nous surprend à lire ce qui ne devrait pas être lu par n’importe qui, dénoncez-moi, fâchez-vous comme vous voulez ; je m’en FOUS ! »

Il avait accentué le « FOUS ». Pour montrer qu’il s’en foutait qu’on l’affuble de renégat ou autre mot peu glorieux pour l’homme ès sciences qu’il était. Ce qui le préoccupait au plus haut point, outre sa jambe qui lui faisait un mal de chien et Gudrun qui semblait fatiguée de le supporter, c’était son ignorance, profonde, sur un pan de la mythologie qu’on avait tu à tort ou à raison, et sur ce fléau dévastateur tant redouté.

« Faisons-vite, comme ça on n’y passe pas la nuit comme la dernière fois, conclut-il, le ton toujours aussi sec. »
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Gudrun MercierPrêtresse
Gudrun Mercier



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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyJeu 12 Aoû 2021 - 15:23
Le professeur semblait être de mauvaise humeur ce jour-là. Gudrun ne prit même pas la peine de lui répondre quand elle constata que sa politesse était bien mal reçue. Elle le trouvait assez prétentieux de prétendre ignorer la fatigue, mais après tout, peut-être avait-il souvent l'occasion de passer des nuits blanches... En quelle compagnie, elle n'osait l'imaginer.

Elle commença à se demander s'il n'était pas encore saoul quand il commença à élever la voix à la bibliothèque. Certes, on pouvait comprendre qu'il n'allait pas crier sur les toits l'objet de ses recherches, mais de là à hausser le ton dans la bibliothèque... Ce n'était pas nécessaire, et très déplacé ! Fronçant les sourcils, elle le suivit entre deux rangées de livres, et put constater que non, il semblait tout à fait sobre. Elle aurait encore préféré qu'il soit ivre, au moins elle aurait pu avoir l'espoir que le faire dessoûler le rende plus agréable !

- Oh, c'est donc ainsi que vous le voyez ? Grand bien vous fasse de penser que je suis cruelle envers vous, mais vous ne me devez rien, et si vous n'êtes pas saoul ce soir ce n'est certainement pas de mon fait !

Il avait l'air furieux contre elle, et cela la mettait dans une colère noire. Après ces moments passés ensemble, elle avait cru qu'ils avaient partagé quelque chose, mais non ! Ces paroles lui faisaient d'autant plus mal et elle avait du mal à retrouver la patience dont elle faisait preuve habituellement avec ses ouailles.

- Mais bien sûr Edgar ! Où est donc passée votre intelligence ? Vous dénoncer ? Réalisez-vous à quel point ce serait stupide de ma part ? Ou croyez-vous que j'ai moi aussi perdu ma capacité à réfléchir ?

Elle ferma les yeux et prit une grande inspiration pour se calmer. Tout ça ne menait à rien, et si elle avait accepté de venir ici, c'était pour avoir des réponses, pas pour se chamailler avec un vieux grognon aigri. La dernière remarque d'Edgar faillit réduire à néant ses efforts pour retrouver la sérénité, mais au moins, ils étaient d'accord sur un point : plus vite cela serait fait, plus vite ils pourraient quitter cette bibliothèque et se séparer.

- Bon, écoutez... Vous imaginez bien qu'on ne m'a pas confié l'existence de livres de ce genre. Je ne connais même pas encore le quart de cet endroit, il est tellement grand ! Je ne peux penser qu'à un endroit où ce genre d'ouvrage pourrait être entreposé, c'est la réserve. Là où l'on stocke les manuscrits trop anciens pour être consultés, en attendant qu'ils soient copiés.

Elle poussa un soupir de dépit.

- Ce n'est pas l'idée la plus élaborée qui soit, mais cela vaut la peine d'essayer. Sauf si vous tenez tout de même à consulter le registre avant ? Je doute que ce genre de livre y soit indiqué. Ou du moins pas sous le nom que nous chercherions... Si j'étais en charge, je l'indiquerais sans doute comme ouvrage traitant de l'algèbre de Bâle, ou de Bile, comme vous voulez.
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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyVen 13 Aoû 2021 - 20:03



Défier, ou déifier ? Hbsh
Si les archives étaient aussi immense que solennelle, évoquant l’aspect froid et magistral d’une cathédrale, la réserve elle, avait bien plus les allures d’un labyrinthe qu’un esprit dément aurait choisit de couvrir de livre en guise de mur. De rares chandelles éclairaient parfois le croisement de plusieurs couloirs, sans doute pour aider les pauvres âmes à retrouver mais avait bien souvent sur l’esprit l’effet inverse rendant indissociable un passage sombre d’une autre.
A cette heure tardive, personne ne semblait vraiment avoir de temps à perdre ici à part notre fougueux duo. Tant mieux cela devait-il être pour eux, au vu du caractère de leur questionnement.

A l’entrée, près d’un bureau qui n’avait pas dut être débarrassé depuis bien trop longtemps se trouvait heureusement des bougeoirs neufs, indiquant que malgré les apparences, des gens devaient parfois descendre dans ce dédale. Sur un pupitre massif au centre de la pièce qui servait d’antichambre à la réserve trônait livre ouvert. Un index visiblement. Celui-ci était ouvert sur sa dernière partie, visiblement destinée aux ajouts récents. On pouvait y lire les titres suivants, d’une encre plus récente que le reste :

13/9 – Décoction et breuvages à base de plantes locales
18/9 – Conviction d'une croyance, ses défauts et ses forces
09/1 – Marbrume, Ville ancestrale, ville moderne



HRP:


Dernière édition par Dame Corbeau le Ven 20 Aoû 2021 - 15:49, édité 1 fois
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Edgar DuvalIngénieur
Edgar Duval



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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyDim 15 Aoû 2021 - 23:30
Non sans surprise, la sœur n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, ni à se faire sermoner par un factice chantre d’un patriarcat endeuillé. Somme toute, le vieil infirme était davantage préoccupé par les nerfs de sa guibole qui jouaient avec ses humeurs que par les réponses de Gudrun. Au final, ce fut elle qui fit montre d’intelligence et qui suggéra d’emmener l’ingénieur dans un coin de la bibliothèque que lui-même n’avait jamais visité : les sacro-saintes réserves.

Elle commit cependant un dernier écart qui, malgré la capacité de Duval à faire abstraction de certaines choses, ne passa pas.

« Algèbre de Bill. Pas de Bâle. Et allons-y pour le registre. J’ai l’impression qu’on se jette dans la gueule du loup et qu’on s’attire je ne sais quels ennuis. Jamais personne avant vous n’a accepté de m’accompagner à la réserve ; ce qui signifie sans doute aucun qu’il s’agit d’un lieu qui fleure la morosité et l’ennui. Tout ce qui me qualifie, en somme. »

Il avait dit ça le plus sérieusement du monde. Alors qu’il suivait Gudrun, un semblant de sourire en coin s’esquissait sur ses lèvres, tandis qu’il avait en tête le visage de deux trois prêtres pédants à qui il avait dû dire des obscénités bien moins accomodantes qu’à son hôte du soir.

Ils passèrent une lourde porte en bois sombre, faussement condamnée, qui menait à la fameuse Réserve, aux allures plus obscures encore que celle de la Bibliothèque. L’air y semblait paradoxalement plus respirable, fut-il plus lourd, embaumé de l’odeur acide du vieux parchemin qui ne demandait qu’à être lu et relu. Le vieil homme veilla à ne pas ébruiter ses pas avec sa canne, et suivait Gudrun dans une démarche presque religieuse, conscient qu’on lui avait octroyé quelque privilège à l’inviter en de pareils lieux. Ils finirent par atterrir dans une sorte d’antichambre, magistrale, qui ne révélait rien de l’immondice qu’elle cachait et qu’Edgar devinait : des chemins étroits, sombres, peut-être un rien sinueux, où se repérer relevait davantage du masochisme que de l’esprit pratique. Il observa un bref moment de silence tout en contemplant les intérieurs malgré la faible lueur qui dévoilait les lieux. L’atmosphère laissait peser un réel sentiment de quiétude et aussi d’insignifiance ; Edgar savait, au plus profond de lui-même, qu’il ne ressortirait pas d’ici sans avoir appris quelque chose qui ne l’eut pas bouleversé.

Aux côtés de Gudrun, il parcourut, sur le pupitre, ce qui ressemblait à un index, avec trois nouvelles lignes qui semblaient attirer l’attention. Il lui dit à voix basse, comme pour ne pas troubler le mutisme de la réserve :

« Mes questionnements sont d’ordre religieux. Je suggère donc que nous nous dirigions naturellement à la Conviction d'une croyance, ses défauts et ses forces. Pour ce qui est de ces histoires de décoctions, cela pourrait m’intéresser si je trouve autre chose que mon calmant pour ma guibole, mais ce n’est pas le sujet. Et pour ce qui est de Marbrume… »

Il se massa les tempes d’une main ferme, expirant.

« Ça commence déjà à me titiller les nerfs. Décidez si vous estimez avoir une meilleure idée, mais je me pencherais vraiment sur la dix-huit sur neuf. Comment on s’y rend, en plus ? »
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Gudrun MercierPrêtresse
Gudrun Mercier



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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyLun 16 Aoû 2021 - 17:10
La morosité et l'ennui. C'était comme ça qu'il se voyait donc. Gudrun aurait plutôt dit grossièreté et neurasthénie. Mais chacun son avis, et elle savait qu'elle ne pourrait pas faire bouger celui de cette tête de mule. Il avait déjà commencé à refaire preuve d'entêtement en la corrigeant. Bâle, Bill, Bulle, Boule ou Belle, qui voyait la différence ? C'était bien une excuse pour chercher d'autres livres non ? Pourquoi fallait-il qu'il soit toujours aussi tâtillon ? Elle se repentit assez vite de ces pensées, et pria Anür de lui prêter un peu plus de patience qu'elle n'en avait.

Elle prit les devants pour le mener à la réserve. Un drôle d'endroit, dont on lui avait simplement montré l'entrée, puisqu'elle n'aurait pas dû avoir à y être. Depuis, elle avait passé davantage de temps à l'infirmerie au milieu des gémissements qu'entre ces rangées de livres silencieux. Elle trouva un air particulièrement sinistre à l'endroit : sombre et lugubre malgré les chandelles, rempli de livres que nul ne lirait plus jamais et qui pourrissaient lentement dans leur coin, emportant leurs secrets dans la tombe. Si le royaume d'Etiol n'était pas un marécage, il ressemblerait sûrement à cela. Réprimant un frisson, elle se dirigea vers un pupitre où ils purent lire un index à la lueur d'une bougie.

Elle fronça les sourcils à la proposition d'Edgar.

- Je crois que c'est vous l'expert en termes de langue et de chiffrage, n'est-ce pas ? Mais j'aimerais bien que vous m'expliquiez ce qui vous fait croire que ces ouvrages rajoutés récemment sont ceux que nous cherchons. Je m'imaginais des ouvrages plus... vieux. Enfouis sous ces montagnes de connaissances vouées à disparaître. Enfin, il va me falloir vous faire confiance, une fois de plus...

Scrutant le visage qui semblait déjà agacé par ces recherches, elle sourit.

- Ma foi, je n'ai pas eu trop à m'en plaindre la dernière fois, alors autant continuer. Quant à s'y rendre, c'est une autre paire de manche. On classait différemment au temple d'Allange... Et la bibliothèque d'ici a un classement encore différent. Peut-être est-ce le même ? Je ne le maîtrise pas encore bien. Peut-être la dix-huitième rangée, neuvième étagère ? En partant de la gauche ou de la droite ? Du haut ou du bas ? Un jour, peut-être que tout le monde classera les livres de la même manière ! Mais ce serait être bien idéaliste. Enfin, je m'égare... Faites ce que vous voulez, je vais essayer d'aller trouver cet ouvrage.

Elle repartit, comptant les allées et les rangées, concentrée. Elle s'arrêta devant le rayonnage qui lui semblait être le bon, et se haussa sur la pointe des pieds pour observer les livres présents au neuvième étage et essayer de trouver ce fameux Conviction d'une croyance, ses défauts et ses forces...
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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyVen 20 Aoû 2021 - 13:13



Défier, ou déifier ? Hbsh
Après quelques errances au sein des couloirs trop nombreux et trop sombre, nos deux acolytes parviennent finalement à percevoir une logique dans le classement, bien que tordue. Encore un effort et les voilà trouvant l’ouvrage choisit. Le livre a visiblement connu des travaux récents, la couverture étant lisse et fraîche mais les feuillets semblant plus âgés, mais pas ancien pour autant. Après en avoir parcouru quelques pages, nos compères s’arrêtent sur ce passage :

« Il n’y a pas plus dangereux qu’une conviction aveugle à une exception près, celui qui la pratique. Plus personne au sein de cette cité n’a de doute sur ce fait. Plus depuis que ceux que l’on nomme bien maladroitement les purificateurs, ont mis en péril l’existence de chaque âme de cette cité, depuis le plus grand seigneur jusqu’à la plus basse des extractions. L’humanité elle-même a été mise en péril par une simple idée.

N’est-ce pas terrifiant ? De se dire que quelques mots, une pensée à peine, puissent nourrir et pervertir l’esprit d’une personne au point de lui ôter tout sens commun ? Une pensée qui a le rôle de guide, maîtresse, jusqu’à devenir folie pure ! “Nous sommes coupable“ ces simples mots qui nous ont a tous traversé l’esprit, même le temps d’une seconde en voyant l’horreur qui nous entoure. Une pensée anodine, naturelle, saine même oserais-je le dire.

Je me garderais bien de me faire porte-parole des dieux ou du Temple dans la recherche de la culpabilité et des origines de la Fange. Mais en tant qu’individu de notre temps, de notre espèce, je me suis demandé comme tout un chacun les raisons de nos malheurs, et cette pensée, cette si petite pensée que je sois en partie responsable de cette situation m’a effleuré, car il est normal de se demander si l’on n’a pas une part de responsabilité dans chaque événement de notre vie.

Mais chez certain, cette pensée est devenue si présente qu’elle en a exclue toute autre. Elle a commencé par chasser les autres possibilités de leurs pauvres âmes, puis le sens de la réflexion le plus basique, jusqu’à persuader son ôte qu’une violence radicale soit la seule solution. Ainsi une simple pensée, éphémère pour la majorité, est devenue une croyance définitive pour un petit nombre d’entre nous. Le vers, insidieusement, s’est planté dans le fruit.

Alors prenez garde à vos proches, prenez garde à vos voisins, prenez garde à vous-même. Car une pensée pourrait bien vite tout vous prendre si vous la laissé germé dans un mauvais endroit. Pour ceux ayant parcouru les récits de la bête, vous savez bien que l’horreur a bien souvent un visage humain. Alors ne laissons pas nos amis, nos familles devenir les monstres de demain. Ne laissons pas une conviction devenir une menace. »

Ainsi se conclut cette partie du livre qui semblent être un recueil de plusieurs témoignages et avis sur différent dérive de la pensée humaine.



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Edgar DuvalIngénieur
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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyVen 20 Aoû 2021 - 18:10
L’odeur de l’ouvrage était plus agréable encore que l’âcre senteur des parchemins oblitérés, délaissés sur foule d’étagières poussiéreuses, innombrables, inaccessibles, cachées dans les moult recoins de la réserve où il y avait à s’y méprendre des toiles d’araignées épars, preuve d’une inactivité criante ou, pis encore, d’un manque de volonté d’entretenir les lieux. Sans doute le fléau récent de la Fange y avait été pour quelque chose, et les quelques érudits sans nom qui eurent été affectés à ces tâches naguère avaient des obligations bien plus pressantes, dans ce présent morose dont même le vieil homme boîteux essayait, à sa manière, de s’arracher. Il laissa Gudrun maîtresse des lieux, en quelques sortes. Elle semblait plus encline à embrasser la logique des archives que d’Edgar, qui consentait à garder son énergie pour lire ce qui ne devait pas être lu. Il alluma un cierge qui tronait sur une table d’appoint dans l’allée, les torches étant insuffisantes pour y lire quoi que ce soit. Elle laissa la prêtresse faire, feuilleter, scrutant par-dessus son épaule. Par chance, il n’avait pas même besoin de lui faire signe de s’arrêter, eux deux semblaient préoccupés par les mêmes passages, désintéressés par les autres. Celui qui retint le plus leur attention semblait s’apparenter à un monologue, une plainte, une confession interdite, condamnée, coupable, vouée à être oubliée dans cet immense vase clos aux allures labyrinthiques et un semblant morbides.

Mais « nos deux acolytes » ne semblaient plus être seuls. Edgar eut le sentiment qu’un oiseau de mauvais augure se jouait d’eux ; un corbeau de malheur, dont les croassement semblaient se jouer de son humeur, dans sa boîte crânienne. En fait non, il n’avait rien entendu de tout cela ; c’était son humeur qui lui jouait des tours, l’absence d’éthanol dans son sang, sa guibole pénible aussi.

En fait, non. On entendait un bruit de porte qui se refermait, précédant des bruits de pas vifs et rapides. Il souffla aussitôt sur les bougies qu’il avait allumées, intima à Gudrun de le suivre pour disparaître à l’angle d’une étagère, regardant en direction de là où ils étaient auparavants. Dans la précipitation, il mit comme un bras en travers du corps de la prêtresse, comme s’il eût voulu la protéger d’on ne su quelle péripétie. Il lui jeta un œil désagréable ; il ne voulait pas être vu avec elle, et certainement qu’elle non plus, à en supposer le motif de leur présence céans.

Deux hommes encapés arrivèrent comme par hasard dans la même allée. Leur visage était à peine descriptible ; leur timbre de voix non plus. L’un d’eux observa le grimoire encore ouvert, compris. Le cœur de l’ingénieur battait à la chamade. Il se voyait déjà entrain de se faire botter le cul tout en laissant Gudrun s’enfuir discrètement.

Mais l’un des deux inconnus semblait s’impatienter, se saisissant d’un autre ouvrage aux allures plus sobres avant de le poser sur un présentoire.

« Gal! Gal! semblait-il maugréer à son acolyte inactif. »

Il visiblement saisi d’une impatience grandissante alors qu’il feuilletait grossièrement les pages de l’ouvrage décrépit.

L’autre tourna les talons.

« Plan eyi ber fikir atarlayi zahn yaplamraj.
Gal ve salas! Kryptogram balaranen lazem!
Cloak kanaslaranen garaklara ma?
Ayo. Bu sekelde, casuslarten katsanlaran. »

Après ce miasme incompréhensible, le vieil homme crut apercevoir les hommes extirper une feuille volante, soigneusement pliée, de l’ouvrage en question, avant de le ranger à leur place habituelle. Celui qui avait demeuré sceptique regarda en direction d’Edgar. Ce dernier s’effaça un peu plus, Gudrun derrière lui, de peur d’être repéré.

« Gal dadej! maugréa presque son camarade. »

À ces mots, l’individu tourna à nouveau les talons, et les deux hommes disparurent aussi vite qu’ils étaient venus. On entendit les mêmes bruits de pas s’énanouir, et le bruit de porte qui se referma.

L’estropié avait le cœur qui battait à la chamade. Il échangea un autre regard, presque foudroyant à Gudrun, comme s’il avait évité une catastrophe certaine.

Il prit la décision de sortir de sa fausse cachette après un court instant, essayant de reprendre contenance, verbalisant ce qu’il venait de se passer.

« Hormis “plan”, “cryptogramme” et “cloak”, je n’ai pas compris un seul foutu mot de ce foutu baragouinage… »

Il essaya de se concentrer à nouveau sur ce qu’il s’était mis en tête de lire, allant pour rallumer le cierge, mais se ravisa. C’était plus fort que lui.

« Sœur Gudrun, est-ce que quelqu’un sait que nous sommes là ? Est-ce que vous avez compris ce qu’il s’est dit ? Si ne je m’abuse, le terme “cloak” ressemble étrangement à celui de “cloaque” et, si je ne m’abuse encore, il s’agit d’une secte liée à Étiol, à savoir la divinité sur laquelle nous sommes venus nous documenter. Alors je ne veux pas faire de suppositions, mais s’il y a des choses que vous devez me dire avant que nous continuions les recherches, c’est maintenant ! »
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Gudrun MercierPrêtresse
Gudrun Mercier



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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptySam 21 Aoû 2021 - 17:29
"Il n’y a pas plus dangereux qu’une conviction aveugle à une exception près, celui qui la pratique."

Que voulait donc dire ce père Magelus par conviction aveugle ? Lorsqu'on était convaincu, cela voulait dire que l'on pouvait voir la vérité. Venant d'un prêtre, c'était très étrange. Ou bien voulait-il dire que certains étaient convaincus de voir la vérité, alors que c'était faux ? Tout comme ce temple aveugle à Etiol, et qui pourtant était persuadé d'avoir raison au sujet de ses dieux ? C'était intéressant, et cela ne faisait que la renforcer dans sa conviction qu'Etiol devrait être reconnu et vénéré dans ce duché. Elle se demandait néanmoins ce qu'étaient les "récits de la bête". Un conte populaire d'ici ? Elle allait poser la question à Edgar quand elle entendit des pas se rapprocher. Edgar souffla rapidement les bougies et l'emmena se cacher avant de lui faire comprendre de ne pas bouger. Mais pourquoi se comporter comme de vulgaires voleurs ? Elle était indignée. Certes, ils auraient sans doute eu du mal à justifier leur présence ici, mais ce n'était pas impossible, avec un peu de confiance...

Les bruits de pas s'arrêtèrent dans l'allée où ils se trouvaient un peu plus tôt. Gudrun jeta un coup d'oeil discrètement. Les individus qui venaient d'arriver n'étaient pas des prêtres, et n'étaient pas accompagnés non plus. Elle se recula derrière l'étagère où ils étaient cachés. Tout cela était très étrange, et les paroles qu'elle entendit l'étaient encore plus. Elle finit par les entendre repartir, ayant sans doute trouvé ce qu'ils cherchaient. Elle distingua Edgar qui s'avançait de nouveau dans l'allée, sans pouvoir voir son visage, maugréant encore une fois de plus, ce qu'elle décida d'ignorer. Elle devait commencer à s'habituer à sa manie de bougonner en permanence.

Elle crut qu'il allait rallumer le cierge, mais finalement, ce furent des questions et des mystères qui sortirent de sa bouche. Dire qu'il ne voulait pas faire de supposition, cela revenait à admettre qu'il en faisait déjà. Elle répondit d'un ton amer.

- Bien sûr que non, je n'ai rien compris ! Et le prêtre responsable dont je dépend sait que je dois me trouver à la bibliothèque à cette heure-ci. Je ne suis pas aussi libre de mes heures que vous semblez le penser ! En revanche, c'est plutôt à vous de m'expliquer ce que vous entendez par secte liée à Etiol, car vous semblez bien renseigné ! Vous n'avez peut-être pas cru bon de m'en informer ?

Plus elle y pensait, plus cela la rendait furieuse. Toute cette comédie pour lui faire cracher le morceau sur Etiol, et elle apprenait seulement maintenant qu'il avait eu ce genre d'information capitale !

- Vous êtes incroyablement effronté d'oser ensuite m'utiliser pour venir faire vos recherches ici ! Et même m'accuser de quoi que ce soit !

Malgré tout, elle restait plantée là, hors d'elle, attendant des réponses qui pourraient confirmer la lueur d'espoir qu'il lui avait laissée entrevoir.
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Edgar Duval



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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptySam 21 Aoû 2021 - 21:41
« Bien sûr que non, vous n’avez rien compris ! »

Il répétait presque les paroles de la prêtresse, levant le bras en l’air de consternation, comme s’il s’en voulait d’avoir émis une supposition aussi stupide. L’excès de sobriété, en plus de le rendre désagréable sous la douleur de sa guibole, avait visiblement pour don de le rendre paranoïaque plus que jamais. Il étouffa un juron, exempt de tout romantisme celui-là, et succomba. Il se saisit d’une flasque sous son manteau, la déboucha sans délicatesse, et but une, deux, trois gorgées avant de se calmer, reprendre contenance, évitant autant que possible le regard possiblement réprobateur – assassin ? — de la prêtresse contre qui il semblait avoir blasphémé à nouveau. Le pire, c’est qu’elle en avait rajouté alors qu’il s’était déshydraté de cette infecte eau de vie qui lui faisait oublier ses petits maux qui lui en faisaient voir de plus gros. Il était effronté, elle avait vu juste.

Il ne répondit pas. La respiration lourde, saccadée, il ralluma finalement le cierge, essayant de remettre de l’ordre dans ses pensées, déterminé à faire de cette escapade une entreprise productive, à « ne pas y passer la nuit ».

Il laissa une bonne minute de silence s’écouler, essayant de rendre intelligible la succession le lettres et de mot qu’il lisait à propos de cette espèce de monologue inconnu, cette lamentation qui avait fait naître en lui un sentiment de colère. De colère noire.

Ses yeux se plantèrent dans ceux de sœur Gudrun.

« J’vais plus y aller par quatre chemin avec vous, ma p’tite Dame. J’en ai vu, des collègues se faire excommunier parce qu’ils commençaient à se renseigner sur cette… Cette… Oh, vous me faites chier, Gudrun ! J’en viens à devoir douter du substantif à utiliser pour Étiol, maintenant ! J’en ai vu, des gens parler de lui. Ces mêmes gens ont perdu leur statut avant de perdre bien plus. Ils ont disparu. On les a oubliés ! Fini ! Il y a effectivement un semblant de culte de la terreur ici, le nom Étiol n’est pas bon à prononcer, et peut-être encore moins à entendre. Et je n’aime pas qu’on veuille faire taire les gens. Mais tout ce qui est dissimulé mérite d’être étudié. Ici il n’est pas question d’une entité qui ne suscite aucun intérêt, mais peut-être bien d’une divinité déchue, tue, damnée. Alors j’ai fait mes recherches sur les savoirs notoires, sur les ennemis publics. Les purificateurs sont notoires ; je hais ces enfants de salaud, ils n’ont aucune logique, aucun honneur, aucun amour. Ils sont aveugles en tout point ! Et puis, oui, ma p’tite dame, j’ai entendu parler du Cloaque. Ils portent bien leur nom, ces trous du cul ! Et non, Sœur Gudrun, je ne voulais pas vous en informer, tout comme je ne voulais pas évoquer ces histoires d’excommunion avec la vulgaire gravité qui est mienne ce soir ! Parce que je comme vous j’en croise, des abrutis de con de merde qui seraient prêt à dénoncer leurs frères pour moins que ça ! Et j’peux vous dire qu’on m’regarde bien de travers parfois ! »

Il tourna les talons. Il avait envie de frapper, quelque part. De hurler. Il serra sa canne, fermant les yeux. Comme si sa tête allait exploser.

Et puis, miraculeusement, vint un sentiment tout autre, apaisant. Comme s’il avait déjà vécu cette frustration à l’extrême, qu’il avait déjà chassée à sa manière, par la méthode la plus logique et légitime qui soit. Son corps frissonnant finit par s’immobiliser. Il regarda timidement par-dessus son épaule, se disant que, sous les effluves ou non, il devait prendre ses responsabilités à nouveau.

« Ce passage m’a énervé, sœur Gudrun. Quand je pense que les purificateurs croient que les Fangeux épargneraient certaines personnes pures, je vous jure sur les Trois que j’ai des envies de meurtre. Et je n’aime encore moins qu’on juge ma foi, je pense déjà vous avoir prouvé que celle-ci était vraie, et que quand bien même je saurais admettre que tout ce qui se rapporte à la nature serait l’œuvre des dieux quels qu’ils soient, l’homme est capable également de création. Je crois en la science et au progrès et je jetterai l’opprobre sur quiconque impose une foi aveuglante, un carcan de l’esprit aux âmes les plus fragiles. Il ne fait aucun doute que les dieux, fussent-ils trois ou quatre, font partie de nous tous. Sans exception. L’approche scientifique exprimerait les choses autrement, mais le constat est là : nous faisons partie du monde vivant. Le Ciel, la Terre et la Mer, s’ils ne sont pas l’œuvre de l’homme, sauraient être l’œuvre des dieux. Si les marécages n’appartiennent pas au domaine de Serus et qu’ils fussent le tout du crû d’Etiol, ils n’en restent pas moins une œuvre possiblement divine. Pour ce qui est de Marbrume, au diable le clergé médisant, c’est l’œuvre de la main de l’homme, pieu ou non, et de l’homme seul. Si les dieux n’avaient pas souhaité que nous connaissions la civilisation, ils ne nous auraient jamais permis d’être si intelligents pour ensuite nous punir de cette hérésie. Alors moi vivant, dans l’ombre, je combattrai à ma manière tous ces cultes de merde qui ne veulent répandre que le malheur et les ténèbres. Seules la vérité et la science doivent triompher. Et si pour cela il faut une fois il faut condamner Étiol ou se convertir à la Quatoria, j’accepterai l’alternative, je l’embrasserai ; rien ne changera dans mon œuvre, puisse ce fléau disparaître ET NOUS LAISSER VIVRE EN PAIX, MERDE ! »

Ses dernières paroles résonnèrent. L’éthanol semblait l’avoir un peu attaqué, le pauvre. Très vite des pensées noires ressurgirent, des souvenirs qui s’apparentaient plus à des cauchemars lors de ses moments de solitude, mais qui instillaient en lui ce sentiment de haine et d’impuissance. Au point de lui faire tourner la tête, de le faire chanceler, se rattrapant in-extremis contre une étagère, mais perdant son équilibre momentanément.


Dernière édition par Edgar Duval le Sam 21 Aoû 2021 - 23:29, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptySam 21 Aoû 2021 - 23:10
Edgar ne répondit pas tout de suite. Il semblait furieux lui-même, et se mit, comme il semblait en avoir l'habitude, à boire. Gudrun croisa les bras et fronça les sourcils encore plus bas, si cela était possible, essayant de respirer calmement pour avoir la patience d'attendre la réponse qu'elle espérait. Malheureusement, cette réponse ne vint jamais. Edgar, la fixant droit dans les yeux, se mit à l'insulter plus directement qu'on ne l'avait fait dans toute sa vie. Et même si, au fond, elle sentait bien que ces insultes n'avaient rien à voir avec elle, elle ne pouvait pas tolérer un tel manque de respect. Elle faillit répondre, se ravisa, et tourna les talons, comme lui, pour commencer à partir. De l'espoir, peut-être, mais rien qui justifiait de devoir rester à écouter encore ces sornettes. Elle s'arrêta un moment quand elle entendit Edgar reprendre, présentant un semblant d'excuse.

Elle écouta, parce que c'était ce qu'elle avait été formée à faire, et qu'elle ne pouvait pas laisser dans le besoin quelqu'un qui affirmait sa foi devant elle. Les épais rayonnages étouffaient la voix d'Edgar, la rendant presque raisonnable, alors qu'il blasphémait au-delà de ce qu'elle pensait humainement possible devant une prêtresse. Il finit en apothéose.

- Des cultes de merde Edgar ? Vous êtes devenu fou ?

Le vieil homme vacilla et se rattrapa à une étagère. Par réflexe plus que par envie, Gudrun combla la distance qui les séparait en quelques pas pour le soutenir au besoin.

- Vous êtes déjà soûl ? Cela m'étonnerait... Les dieux vous punissent tout simplement pour tout ce que vous venez de dire. Ma foi, on ne peut pas juger les actes des dieux à leur juste valeur, mais pour une fois, je suis bien contente qu'ils soient intervenus. Vos paroles n'ont aucun sens et vous vous en rendrez compte j'espère. Car ce sont eux qui nous sauveront en fin de compte. Vous vous appropriez notre intelligence et notre créativité, tout en admettant qu'ils nous viennent des dieux ? Vous êtes un ingrat et un hypocrite, c'est tout ce que je vois là. Vous osez opposer la vérité et au malheur et aux ténèbres ? Non, vraiment, je ne vous comprends pas, et je ne veux même pas comprendre comment votre esprit tordu en arrive à ces conclusions. Alors le minimum que vous puissiez faire pour me prouver votre foi, c'est de m'expliquer cette histoire de sectes, car pour le reste je crois que vous ne méritez pas le temps que je vous accorde.
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Edgar DuvalIngénieur
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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyDim 22 Aoû 2021 - 0:52
Le vieil homme se pinça l’arrête du nez, se massant les globes occulaires, focalisé sur le diaphragme, la respiration reprenant un rythme régulier alors qu’il se remettait de ses émotions. Il avait menacé de tourner de l’œil devant un hôte qui, aussi prévenant fût-il, se gardait bien d’accepter de pareils écarts de conduite. Il la regarda à nouveau, ses yeux naviguant entre les siens et ses lèvres, toujours aussi captivé par l’attitude sévère et constante de la prêtresse qui, malgré l’agacement évident, lui avait accordé un soutien salvateur, lui avait empêché de choir pitoyablement et se blesser un peu plus. Honteux et penaud, son regard se perdit dans la pénombre. Elle lui avait ôté les mots de la bouche ; mais les maux, eux, étaient encore bien présents. Son cœur semblait vouloir déchirer sa poitrine, triturer ses entrailles, comme mu par une volonté propre. Mais non. Garder contenance. Encore. Toujours.

À nouveau, dans un accès de lucidité, de calme et de clairvoyance, il s’aida de Gudrun pour allumer à nouveau le cierge, lui intimant de le laisser se mouvoir à nouveau seul, revenant à la lecture du pamphlet de malheur. Son doigt navigait consciencieusement sur chaque ligne, s’arrêtant parfois, revenant en arrière. Parfois les paroles assassines de Gudrun fusaient dans son esprit, parfois c’était les proses de cet inconnu qui acaparaient son attention.

Alors l’ingénieur lu. Alors l’ingénieur expliqua.

« Les purificateurs sont une secte qui sévit en Marbrume et dans une moindre mesure en Morguestanc. Ce sont des individus qui pensent que la Fange est une punition à celles et ceux qui se seraient écarté des voies de la Trinité. Elles pensent que la Fange s’attaquerait seulement aux infidèles. Notez bien qu’il est question ici de Trinité, non de Quatoria ; à mon humble connaissance, ceux-là n’ont strictement rien à voir avec Étiol. Pour faire valoir leur doctrine, ils essaient de faire rentrer des Fangeux dans l’enceinte de la cité. C’est à eux qu’on doit l’attaque de la Fange lors du couronnement en mai dernier… Et ma guibole complètement pétée… »

Ce n’était plus de la colère qu’il ressentait. À nouveau un semblant de tristesse, de désespoir aussi. Être estropié n’avait pas été agréable, mais le pire était déjà passé.

« Ça reste ni plus ni moins des enfants de salaud qui se croient au-dessus des lois. Enfin, pour ce qui est du Cloaque, de ce que j’en comprends, il s’agit d’une secte tout autre. C’est l’objet de ma visite céans, je les connais moins. Je sais juste qu’ils sont dangereux dans une moindre mesure, sans quoi leur existence ne serait tue. Les purificateurs sont un groupuscule terroriste, je n’en sais pas plus sur le Cloaque. Je ne pense pas que vous soyez véritablement de leur bord non plus ; ils n’ont pas l’air de porter la Trinité dans leur cœur ; seul compte pour eux Étiol, et que les trois autres dieux seraient des ennemis. Pour la Fange, cela serait l’œuvre d’Etiol, non celle de la Trinité ; nous sommes donc sur une autre croyance… »

Il haussa machinalement les épaules, ses yeux parcourant encore le texte à la recherche d’un indice.

« Je ne peux que réprouver l’existence de ces deux groupuscules, tout comme je condamne ceux qui forcent autrui à croire en la Trinité, au point de régenter la vie des plus pauvres gens jusqu’à leur dire quoi manger et à quelle heure. Seulement, nos amis les collègues du Clergé ne cherchent pas à nous faire disparaître sous les crocs des Fangeux, eux… »

Il marqua un silence, peinant à rester concentrer. Il finit par tourner la tête vers Gudrun.

« J’ai beau exprimer beaucoup de remord du plus profond de mon âme, sœur Gudrun, je me dois de tempérer vos propos de tout à l’heure. Ne vous en déplaise, les dieux ne me punissent pas, non ; ils m’ont déjà puni si tel est vraiment le cas. Vous aviez évoqué un nom lors de notre rencontre, quelque chose comme… Bernard ? Un frère ? Un amant ? Un enfant ? Non. Vous disiez qu’il était plus joyeux que moi quand il avait bu. Je ne pense pas que vous parleriez comme ça d’un de vos rejetons, alors je vous pose simplement la question, avez-vous une descendance ? »

Il semblait anormalement calme, le regard éclairé, inquisiteur, tandis qu’il plissait son front au point d’hausser le menton à l’attention de Gudrun.

« Parce que je vous le dis : il n’y a rien de pire et de moins naturel que de perdre un enfant… Vous l’auriez aimée, en plus, ma Cassandra. »

Il s’en retourna aux paragraphes, esquissant un petit sourire triste et mélancolique. Il se mit à caresser les pages, comme s’il caressait un souvenir, ou quelque chose d’agréable.

« J’étais venu quérir des informations sur Étiol et tout ce qui s’y rattachait, croyant que c’était possiblement son éviction dans les esprits qui aurait pu causer de fléau surnaturel. Tout ce que je ne puis expliquer par la science, je ne puis que le supposer doucement, en prenant soin de ne pas proférer ces élucubrations à n’importe qui… Mais je crois que je gagnerai à me renseigner davantage sur Les purificateurs. Il y a forcément une justification à leurs immondices, aussi fausse et cruelle fut-elle ; “l’horreur a bien souvent un visage humain”. »

Il s’était arrêté sur ledit passage, le pointant du doigt.

« À moins que… Vous avez assez supporté de mon sale caractère. »
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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyDim 22 Aoû 2021 - 14:50
Gudrun attendit patiemment que le vieil infirme se remette de sa crise, quelle qu'elle soit, et prit sur elle pour écouter ce qu'il avait à dire. Et apparemment, il en avait des choses à dire ! Elle se demandait bien comment il avait pu être au courant de tout cela. Elle-même au temple n'en avait pas entendu parler, mais il était fort probable qu'on la laissait dans l'ignorance volontairement.

- Sur ce point je vous l'accorde, ces hérétiques semblent particulièrement dangereux. Il est pourtant connu et reconnu que même les plus saints d'entre nous peuvent mourir sous les griffes des Fangeux.

En revanche, elle écouta plus attentivement ce qu'il disait du Cloaque.

- Si vous ne les connaissez pas, laissez-moi décider par moi-même de quel bord je suis. Il est évident qu'Étiol est responsable de la Fange Edgar. Je vous excuse de ne pas le penser, car vous n'avez pas été élevé sous la tutelle de quatre dieux, mais seulement de trois... Enfin, ils me semblent être des gens qui sont dans le vrai. Et ce n'est pas parce qu'un groupe est dangereux qu'on le cache, il y a parfois des raisons plus profondes. J'en suis la preuve vivante.

Elle observa Edgar qui relisait le texte, encore et encore, en invectivant de nouveau le clergé. Sa question lui revint en tête.

- Edgar, savez-vous ce que sont les récits de la bête auxquels le père Magelus fait allusion ? Est-ce un récit qui fait partie de vos coutumes locales ?

Le visage d'Edgar sembla s'animer davantage à un moment, alors qu'il semblait changer de sujet et aborder des choses plus personnelles, qui semblaient le toucher davantage. Elle se figea de stupeur au nom de Bernard. Elle ne se rappelait que vaguement l'avoir évoqué, mais c'était possible. Piquée au vif, elle ne put s'empêcher de le corriger.

- Pas Bernard. Einar. Vous m'insultez à nouveau à suggérer que je puisse avoir eu un amant. Vous n'avez aucun droit de me demander des comptes sur ma vie passée.

Elle s'adoucit néanmoins un peu à la mention de sa fille.

- Puisse-t-elle reposer en paix aux côtés d'Anür. Et puisse cette certitude vous soutenir dans ces moments difficiles.

Il était redevenu simplement mélancolique, l'alcool avait dû faire son effet. Elle soupira. Elle priait Anür et Rikni de lui donner la patience et la force de continuer à supporter cet homme encore un peu, sans se mettre à répondre à ses insultes.

- Oui, j''aimerais que vous soyez plus poli envers moi. Mais il me faut en savoir plus, je resterai donc ici pour trouver... Ce que l'on pourra trouver.

Elle se repencha, intriguée, sur le texte qu'Edgar pointait du doigt.

HRP:
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MessageSujet: Re: Défier, ou déifier ?   Défier, ou déifier ? EmptyDim 22 Aoû 2021 - 15:59
Le vieil homme soupira. Le dialogue, compte tenu de la situation a priori passible de répréhensions et de la difficulté des deux acolytes à s’accorder à tous les niveaux, progressait dans la plus grande difficulté. Lui connaissait ses torts au fond, c’était un vieux con imbu de sa personne, il le savait, et sœur Gudrun le lui faisait ressentir sans détour aucun.

Il lui fit face à nouveau, essayant de se redresser pour paraître un peu plus convaincant, son regard louchant presque, sans doute à cause de l’eau de vie.

« Vous voyez, vous dites qu’il est évident qu’Étiol est responsable de la Fange, mais moi… Je ne vois que ce que je crois ! Alors pour sûr vous avez l’intelligence de ne pas me sermonner pour ne pas avoir vécu sous les mêmes auspices que les vôtres, mais n’oubliez pas que je n’aime pas les prosélytes, et que si j’étais réellement convaincu par vos paroles, alors ni vous ni moi ne serions là ici et maintenant. Il n’en reste pas moins qu’Étiol est reconnu et volontairement silencié, et que ce sont les oppositions de croyances qui créent tant de problèmes… Mais et la Fange ? »

Il passa sous silence les remontrances de Gudrun vis-à-vis de ce nom qu’il avait écorché. Et de ses vœux pour Cassandra. Il détourna un instant le visage de la prêtresse, les yeux larmoyants, la laissant passer le texte en revue, une toute dernière fois. Il fit de même, malgré sa vue embuée, et remarqua cette fameuse référence aux récits de la bête.

« Après une seconde réflexion, dit-il, cette histoire d’horreur au visage humain me laisserait penser que la Fange ne serait pas l’œuvre des dieux, mais là encore, nous sommes dans la spéculation, et c’est en totale opposition avec ce que vous croyez. Ou peut-être qu’ils parlaient d’un autre genre d’horreur… Enfin, je n’ai jamais entendu parler de quoi que ce soit sur les récits de la bête mais ça vaut très certainement le détour. M’y conduirez-vous ? »

Auquel cas il ferma le livre. Au fond, il n’avait pas envie de se masturber l’esprit davantage sur ce passage, aussi confus que sujet à mésinterprétations dangereuses.
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