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 Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred

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Clémence SarravilliersGuérisseuse
Clémence Sarravilliers



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MessageSujet: Re: Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred   Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred - Page 3 EmptyJeu 3 Mar 2022 - 11:56
L'air abattu de Morgred ne passa pas inaperçu aux de la sage-femme. La pauvre en aurait presque regretté son intervention… Presque, évidemment, car le sourire des fillettes ne tardèrent pas effacer toutes traces de remords de son esprit. Néanmoins, ne voulant point causer de torts au marin, Clémence se promit d'avoir une conversation avec lui. Plus tard, évidemment, lorsque ses filles ne seraient plus là pour entendre ce qu'elle pouvait avoir à lui dire et inversement. Sans discuter, elle obéit au pêcheur et se servit sans se faire prier.

-C'est préférable en effet, Philippa, rétorqua l'accoucheuse feignant de ne point avoir remarqué le changement dans le comportement de Morgred qui devait, probablement, se forcer à agir de la sorte pour ne point décevoir ses filles. Contrairement à ce que l'on pense, apprendre à lire n'est pas bien difficile. Écrire, en revanche, demande un peu plus d'entraînement. Vous pourriez apprendre également, Morgred, même si je doute que vous en ayez l'utilité au quotidien.

L'empressement de Philippa faisait réellement plaisir à voir. Sa curiosité, son envie d'apprendre ces choses d'ordinaire et injustement réservées aux plus riches, avaient sans doute de quoi faire rêver une petite fille étrangère à ce monde. Clarence rêvait de la noblesse, de leurs belles toilettes et de leurs fêtes… Au moins, les désirs de Philippa se voyaient bien plus simples à combler.

-Je...hésita Clémence, craignant qu'une nouvelle proposition de sa part ne soit mal prise par son hôte… Je dois rendre visite à Vivienne demain matin, afin de m'assurer que tout va bien… Donc...Euh… Je pourrais...éventuellement, si vous le souhaitez… venir les chercher ici et vous les ramener ensuite. Enfin… C'est une possibilité…Voilà… Ces galettes sont délicieuses!

-Moi ze suis d'accord ! s'écria brusquement Philippa.

-Moi aussi, renchérit Eulalie tandis que Béatrice se tournait vers son père.

-Je connais le chemin de la maison de Clémence, papa. Ce n'est pas si loin d'ici…

De son côté, Clémence ne disait plus rien et regrettait déjà sa proposition. Après tout, il était fort possible que Morgred le prenne mal. Et ne voulant ni le mettre dans une position délicate, ni saper son autorité parentale, la sage-femme préféra attendre en silence, n'osant point lever les yeux.
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MessageSujet: Re: Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred   Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred - Page 3 EmptyLun 7 Mar 2022 - 22:42
Après que Clémence et ses enfants se soient servies, Morgred récupéra à son tour une galette, puis répondit à la suggestion de la sage-femme d’un haussement d’épaules. Non content de n’avoir effectivement aucun intérêt pratique à maîtriser la lecture et l’écriture, le pêcheur questionnait ses capacités à y parvenir. À ses yeux, toutes les lettres n’étaient que symboles identiques. Il n’avait ni l’envie ni la patience de se prêter à cet apprentissage, mais ne doutait pas des aptitudes de ses filles. Elles réussiraient là où il ne pouvait qu’échouer et se ridiculiser.

Lorsqu’elles se manifestèrent de nouveau, après la proposition de Clémence, le marin les observa tour à tour, prenant une bouchée de galette.

— Je sais que tu te souviens du chemin, marmonna-t-il, songeur, mais j’aime pas trop l’idée que vous traîniez seules dans les rues du port. J’aime pas trop l’idée que vous retourniez là-bas non plus, d’ailleurs, précisa-t-il en reportant son regard sur l’accoucheuse.

Morgred s’adossa à sa chaise dans un soupir, croisant finalement ses bras sur son torse.

— Pour demain, ça pourrait faire. Selon quand vous devez vous libérer, je peux venir les chercher après la pêche, si vous préférez. Ça vous évitera d’errer toute la journée entre les quartiers, suggéra le pêcheur, pour les autres jours, il faudra voir. Pour les nuits, aussi. Mais vous attendez pas à y aller tous les quat’ matins.

Le nocher avait beau tempérer les ardeurs de ses plus jeunes filles, il savait néanmoins qu’il parlait dans le vide, surtout en ce qui concernait Philippa. Elle n’avait de cesse de gigoter sur les genoux de Clémence, probablement surexcitée à l’idée d’apprendre à lire dès le lendemain. Peut-être impatiente de pouvoir changer un quotidien qui n’avait rien d’intéressant. Morgred ne se leurrait pas : les fillettes devaient s’ennuyer lorsqu’elles restaient chez les voisines.

— Alors, c’est décidé ! Papa va pêcher, on attend que Clémence vient nous chercher, on va chez elle, on lit, et papa vient nous récupérer après ! Ça te va Clémence ? s’enquit la petite en levant de nouveau ses grands yeux bleus vers la sage-femme.

Dans un nouveau soupir – d’attendrissement, cette fois – Morgred secoua la tête et se releva.

— On a tout le repas pour en parler, cesse de t’impatienter, Philippa. Et rejoins ta place, on va manger. Eulalie, tu veux bien resservir Clémence, s’il te plaît ? Béatrice ?

Dans une routine presque bien rodée, Eulalie se saisit de la carafe de lait pour remplir le verre de leur invitée, pendant que Béatrice débarrassait prestement l’assiette de galettes – vide – dans une bassine. Elle achemina ensuite la moins lourde des deux marmites sur la table, puis tendit une à une à son père chacune des écuelles. Méticuleusement, le marin tâcha d’y déposer un filet de sole, recouvert d’une sauce aux amandes, ainsi que quelques panais et carottes, taillés et cuits par les petites.

Lorsque tout le monde fut servi, Morgred se réinstalla enfin.

— Bien, bon appétit. Les filles ont préparé les légumes. Elles avaient d’ailleurs fait les galettes, aussi, précisa-t-il, comme pour leur rendre les honneurs.
— Eh mais ! s’exclama Philippa avec de grands yeux, mais ! il est bon l’poisson !

Le pêcheur ne put lutter : l’étonnement si franc de sa benjamine le prêta à rire. Brièvement. Mais tout de même.

— Tu en doutais ? Je pêchais déjà à ton âge. Ce serait dommage de pas savoir cuisiner c’que j’ramène.
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Clémence SarravilliersGuérisseuse
Clémence Sarravilliers



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MessageSujet: Re: Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred   Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred - Page 3 EmptyMer 9 Mar 2022 - 6:28
L'espace d'un instant, Clémence se demanda si le marin la réprimandait également, lorsqu'elle mentionna sa prochaine visite à sa patiente. À dire vrai, la sage-femme n'éprouvait guère l'envie de retourner se perdre dans les sombres venelles des bas-quartiers portuaire, mais elle ne pouvait point décemment laisser une telle patiente sans soin. D'autant plus que celle-ci devait se reposer en ayant ses enfants auprès d'elle, ce qui risquait fort de compliquer les choses.

Toutefois, dans le doute, l'accoucheuse se contenta d'un regard bordé de sourcils légèrement arqués, signe de son incompréhension. Malgré tout, il était également hors de question pour Clémence de laisser trois petites filles vagabonder seules dans les rues.

-Votre père a raison, je ne serais pas rassurée non plus de vous savoir seules. J'aime autant venir vous chercher ici. Votre père pourra venir vous récupérer une fois qu'il sera rentré de la pêche. Cela vous permettra également de lui montrer vos progrès.
-On saura lire dès demain ? demanda bien naïvement la petite dernière.
-Non, pouffa gentiment l'accoucheuse en aidant Philippa à descendre de ses genoux. Il y a plusieurs étapes à franchir avant de commencer l'apprentissage.
-Comme quoi ?
-Eh bien, il faut d'abord connaître les lettres de l'alphabet et apprendre à le déchiffrer.
-L'alpha-quoi ?
-L'alphabet, répéta-t-elle tout en caressant la douce tignasse de l'enfant. C'est la base. Celui-ci contient toutes les lettres qui, ensembles, deviennent des sons plus ou moins complexes formant ainsi des mots…Mais nous verrons cela demain, veux-tu. Ne t'en fais pas, c'est bien plus simple qu'il n'y paraît.
-J'espère, parce que dit comme ça… Ça fait un peu peur.
-En réalité, ce n'est pas beaucoup plus difficile que de reconnaître les poissons selon leur type. La sole, le bar, la sardine…
-Le hareng !
-Exactement! Et bien, pour l'alphabet, les lettres ont également des noms : A, B, C , D… des lettres que vous employez chaque jour sans même vous en rendre compte.
-Ooooh! S'exclama Philippa, visiblement très impressionnée parce qu'elle venait d'apprendre, ce qui, évidemment, ne l'aide absolument pas à réfréner son enthousiasme, au grand dam de son père.

D'ailleurs, dès que celui-ci fit signe à ses filles, la table se vit prestement débarrassée, son verre fut de nouveau rempli de même que les assiettes pleines de mets joliment colorés.

-Bon appétit, rétorqua Clémence, luttant contre son éducation plus protocolaire faisant de ces délicates formules des marques d'impolitesses et ce… pour quelques obscures raisons que la sage-femme n'avait jamais pu comprendre.

Pour l'heure, l'ancienne bourgeoise se fichait bien de cette politesse guindée et probablement aussi dépassée que l'époque de ces seigneurs que Clarence admirait tant. Après tout, malgré la mauvaise humeur de Morgred ou tout du moins son humeur changeante, Clémence passait un bon moment empreint d'une simplicité et d'un naturel qu'elle appréciait grandement. Et puis… L'étonnement de Philippa si parfaitement exprimé ne manqua pas d'attirer l'attention des personnes présentent… Enfin, il serait plus juste d'affirmer que ce fut la réaction du père qui attira l'attention plutôt que la remarque de sa fille. Morgred souriait…

-Eh bien les filles, il semblerait que vous ayez beaucoup à m'apprendre. Vous vous débrouillez déjà très bien en cuisine. C'est remarquable, les félicita Clémence après avoir goûté aux fameux légumes juste avant de prendre une bouchée du poisson qui sentait divinement bon.Et vous aussi, Morgred. Peut-être devrais-je me mettre à la pêche, cela ferait peut-être de moi une meilleure cuisinière.

Évidemment, la sage-femme plaisantait. Le pêcheur était assez bien placé pour savoir que Clémence ne s'approcherait jamais suffisamment près de la mer pour pouvoir s'adonner à pareille activité. Après plusieurs minutes, passées à rire, à répondre aux questions des filles tout en se régalant de ce repas si gentiment offert, la sage-femme au ventre plein finit par se lever. Comme par habitude, celle-ci commença à débarrasser la table avant de se rendre compte qu'elle ne savait absolument pas où mettre la vaisselle sale. Évidemment… Clémence n'était pas chez elle et la maison avait beau être petite, celle-ci avait été suffisamment bien aménagée pour être pratique.

-Je m'en occupe, lui dit Béatrice avant de se saisir des assiettes.
-Laisse-moi t'aider.
-Si tu veux, rétorqua-t-elle en haussant les épaules avant de la guider jusqu'à la bassine.

Tout en faisant la vaisselle, la sage-femme prit le temps d'observer l'aînée. Le décès de sa mère l'avait immanquablement projeté à une position qu'elle était encore bien trop jeune pour tenir. Heureusement, cette dernière pouvait compter sur son père ainsi que sur l'appui de son oncle… Néanmoins, être l'aînée dans une famille endeuillée était toujours une chose compliquée. D'un seul coup, juste comme ça, Béatrice avait cessé de n'être qu'une enfant. Pourtant, même si elle mourrait d'envie de prendre cette gamine dans ses bras, de lui murmurer quelques paroles réconfortantes, Clémence ne fit rien. Elle aussi avait été la sœur aînée, elle connaissait fort bien cette sensation et ce besoin de paraître inébranlable. Elle se devait d'être un soutien, autant pour son père que pour ses jeunes sœurs. Quel poids insoutenable pour de si petites épaules…

Une fois que tout fut terminée, il était temps pour la sage-femme de regagner son foyer. Celle-ci remercia bien chaleureusement toute la petite famille, leur promettant de venir les chercher le lendemain à la mi-journée. Une fois seule avec le marin, l'accoucheuse se tourna vers lui :

-Merci encore pour cette soirée, Morgred. Elle fut des plus agréables, lança-t-elle joyeusement avant de foncer les sourcils. Néanmoins, et même si je suis sincèrement navrée de vous avoir si involontairement offensé, je suis toutefois désolée de vous entendre dire que vos filles pourraient nous déranger, ma soeur et moi. Ce que Clarence leur a promis, elle le pensait et je connais ma sœur : elle tiendra ses promesses si et seulement si vous autorisez vos filles à l'aider à tenir parole. C'est une étape difficile que vous avez à traverser tous les quatres… Et j'ai été à la place de votre aînée… Je sais que même si celle-ci doit faire face à de nouvelles responsabilités, elle n'en reste pas moins une enfant. Et elle doit avoir la possibilité, même minime de le rester… sans quoi…

"Sans quoi, elle deviendra comme moi," aurait-elle voulu ajouter sans pourtant oser.

-Il ne m'appartient évidemment pas de vous faire la leçon. Je n'en ai ni le droit, ni le pouvoir… Pour autant, j'aimerai vraiment que vous compreniez que nous tenons beaucoup à vous. Alors si l'on peut faire quoique ce soit pour changer un tout petit peu votre quotidien, nous le ferons avec plaisir…
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MessageSujet: Re: Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred   Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred - Page 3 EmptySam 12 Mar 2022 - 13:55
Le calme de la nuit avait toujours eu un effet rassérénant sur le pêcheur. À l’inverse de beaucoup, il ne la redoutait pas – peut-être à tort, tandis que les Fangeux grouillaient probablement à l’extérieur des remparts –, profitait au contraire du silence qui l’accompagnait pour ordonner ses pensées.
Ainsi, les paroles de Clémence le surprirent inévitablement. D’abord par leur seule présence, alors qu’il n’était guère accoutumé à errer accompagné à une heure si tardive, ensuite par leur contenu. Avait-elle songé à cela toute la soirée durant ? Avait-il, sans le vouloir, assombri le repas plaisant qu’elle prétendait avoir partagé avec eux ?

— Je sais tout ça, affirma-t-il finalement après plusieurs secondes, je suis pas inquiet à l’idée de vous laisser mes filles. J’ai une pleine confiance en Clarence et en vous.

De la part de Morgred, cet aveu n’était pas anodin. Pour lui qui ne comptait que sur lui-même, qui ne jurait que pour et par sa famille, admettre qu’il puisse céder à autrui tout ce qui lui restait, tout ce pour quoi il existait désormais, n’était pas rien. Bien entendu, pour le deviner, fallait-il encore le connaître intimement.

— Le problème vient pas tant de vous que d’elles. Béatrice est assez grande pour se réfréner, pour entendre que chacun a une vie, des besoins. Elle le comprend d’autant plus maintenant, même si j’essaye de la décharger d’un rôle qu’elle a l'air de vouloir endosser instinctivement, énonça-t-il en fronçant légèrement les sourcils.

Béatrice aidait activement Margot dans les tâches quotidiennes depuis un à deux ans environ. Elle savait se débrouiller bien avant le décès de sa mère, prenait naturellement le relai à présent. Mais Clémence avait raison, et Morgred le réalisait bien : il n’appartenait pas à son aînée de remplacer le vide laissé par Margot. Ni vis-à-vis de ses sœurs – ce à quoi elle ne semblait pour le moment pas même penser – ni dans l’entretien de la maison. Le fait est que son soutien ponctuel était néanmoins profitable au veuf.

— Mais Eulalie et Philippa sont différentes et plus petites. Eulalie… n’est pas de très bonne constitution. Elle est souvent fatiguée, alitée. Elle a appris à vivre avec ça, s’en plaint jamais, et s’occupe donc d’un rien pour pas s’ennuyer. J’imagine que la seule idée de pouvoir lire, dans ces moments-là, plutôt que d’attendre son rétablissement, l’enthousiasme beaucoup. Quant à Philippa… vous l’avez vu par vous-même, soupira-t-il en remuant brièvement la tête, si je leur impose pas de limites, elles voudront venir chez vous chaque jour. Quoi que vous en disiez, je peux pas l’admettre, même si vous les appréciez et réciproquement. À l’exception de ces derniers jours, un peu particuliers, je les donne même pas aussi souvent à garder à Nizier, et…

Et Clarence et vous n’êtes pas de la famille.

— Même si votre maison est grande, j’ai pas qu’une fille, j’en ai trois. C’est parfois… éprouvant, concéda-t-il en baissant les yeux, du moins ça l’était.

Il devait bien avouer que depuis le décès de leur mère, ses enfants n’étaient plus comme avant, même si la présence de Clémence, ce soir, avait ouvert une fenêtre hors du temps au sein de laquelle Eulalie et Philippa, au moins, avaient oublié.

— Vous vous souvenez, ce que vous m’avez dit, plus ou moins par ici, plus tôt dans l’après-midi ? hasarda-t-il en lançant un regard à l’accoucheuse, vous m’avez dit ne pas être venue par peur de vous imposer. J'espère pas vous avoir fait croire un seul instant que ce serait le cas. Et si c’est le cas, alors pardon… parce que c’est faux : vous serez toujours la bienvenue chez nous, et j’aime à penser que les filles vous l’ont prouvé ce soir, expliqua-t-il en reportant son attention sur le chemin qu’ils empruntaient, vous me répétez qu’on vous gênera jamais, que vous nous appréciez, mais… cette impression qui vous a freinée, elle me freine aussi.

Réalisant qu’il se confiait encore, se justifiait bien trop, cependant qu’il avait plutôt l’habitude de vivre sans se soucier du regard ou de l’avis des autres, Morgred haussa les épaules. Comme si ce simple geste suffisait à clore la conversation.

— J’suis navré qu’elle me fasse passer pour un rabat-joie.
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Clémence SarravilliersGuérisseuse
Clémence Sarravilliers



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MessageSujet: Re: Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred   Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred - Page 3 EmptyDim 13 Mar 2022 - 8:27


Troubler le silence en présence de Morgred ressemblait toujours un peu à une sorte d'affront, une offense , une profanation. Quelque part, Clémence comprenait aisément cet étrange bien-être trouvé dans le mutisme et la réflexion profonde. Un instant réservé à soi, où toute personne, trop bavarde, était vue comme une intruse venant violer ce petit moment de sérénité et d'intimité qu'il était impossible de partager avec autrui. La sage-femme savait apprécier ces instants de calme si bien qu'il lui arrivait même d'en abuser en se plongeant dans un profond mustisme qui pouvait même durer des heures. Néanmoins, cette fois le temps lui était compté. Si cette discussion ne venait pas rapidement, alors qu'ils se trouvaient à présent seuls dans les rues désertées, qui pouvait dire quand l'occasion se présenterait de nouveau ?

Elle avait donc tout fait pour ne point paraître "agressive" dans son approche. La sage-femme usa même de sa voix la plus douce et posée, celle-là même qu'elle employait habituellement avec ses patientes, plus particulièrement celles vivants de forts mauvais instants. Un ton de choix, à dire vrai… Après tout, le marin endeuillé faisait de son mieux pour lutter contre la tristesse et la déprime qui avait tendance à s'installer chez les jeunes veufs ou veuves. Clémence était passée par là elle aussi, et à cette époque, la jeune femme avait choisi de se murer dans un profond silence, s'isolant volontairement des siens comme pour espérer trouver un avenir. Mais, là où leur deux situations différaient en tout point, c'est qu'à l'inverse du pêcheur, Clémence n'avait pas d'enfant. À cette époque-là, la seule en réalité, la jeune femme avait osé vivre pour elles-même avant de s'oublier de nouveau. De l'abnégation pour beaucoup, une forme de fuite pour celle qui préférait ignorer sa réalité en se focalisant sur celle des autres. Au moins avait-elle un tant soit peu l'impression de respirer.

Ainsi, après s'être librement exprimée, livrant ses impressions au marin, Clémence se tut, le laissant ainsi développer ses propres ressentis. La sage-femme put ainsi comprendre ce que les sombres regards du pêcheur pouvait dissimuler. Morgred faisait de son mieux pour préserver tout le monde sans perdre de vue l'éducation de ses filles. Évidemment, là-dessus, Clémence ne trouva rien à redire. Après tout, elle n'était pas mère, même si, plus jeune, elle avait tout fait pour combler les besoins d'amour maternel de sa sœur… Néanmoins, nul ne peut remplacer une mère, surtout pas une enfant et cela la sage-femme ne le savait que trop bien. Le poids de l'éducation, le devoir de façonner de futurs adultes responsables, l'accoucheuse ne l'avait jamais ressenti. Ainsi se contenta-t-elle de hocher doucement la tête tout en écoutant les sages paroles du père de famille.

-Morgred… Nos deux situations ne sont pas comparables. Je suis pratiquement une vieille fille … Je vis avec ma sœur dans une grande maison dans laquelle je ne fais que passer. Je n'existe plus que pour mon travail à présent et cela me convient parfaitement. Je ne m'en plains pas, j'aime mon travail … Mais il n'y a rien à troubler, à perturber ou à déranger dans ma vie. Vous, vous formez une belle et grande famille. Vous venez de subir une perte qui vous pousse à réorganiser toute une existence tout en devant faire face à la tristesse propre au deuil. C'est quelque chose de difficile et nous y faisons tous face d'une manière différente et, parfois… Un étranger n'y a pas sa place. Et, c'est ce que je suis : une étrangère. Je n'ai pas envie d'être vue comme un poids supplémentaire, c'est tout.

Marchant les mains jointes disposées dans son dos, la sage-femme souriait. Elle comprenait parfaitement les paroles du pêcheur et cette retenue qu'ils semblaient avoir en commun. Aussi, lorsque Morgred manifesta son envie de clore la conversation ici, probablement par pudeur, l'accoucheuse attendrie, vint lui donner un bien délicat coup d'épaule.

-Vous êtes un père, Morgred. C'est une lourde responsabilité que vous assumez pourtant à merveille. Cela ne fait pas de vous un rabats-joie pour autant. Pas à mes yeux en tout cas, conclue-t-elle en souriant.
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MessageSujet: Re: Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred   Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred - Page 3 EmptyJeu 17 Mar 2022 - 21:58
Une… vieille fille ? La réflexion laissa Morgred perplexe. Il n’avait jamais songé à l’âge de Clémence, ne pensait pas avoir échangé avec elle sur le sujet. Il se souvenait de la dizaine d’années d’écart entre elle et Clarence – il s’en souvenait très bien, dans la mesure où la différence qu’il avait avec Ombeline était la même –, connaissait l’âge de la plus jeune Sarravilliers, pour avoir assisté à la fête de ses vingt ans, mais n’avait jamais croisé les deux informations. Pas avant ce soir, à tout le moins.
Ainsi, Clémence devait être trentenaire également… Était-ce à dire qu’il deviendrait pratiquement un vieux garçon, passée la période de son deuil ?

Le coup d’épaule à peine perceptible de la sage-femme l’arracha à ses méditations, le prêtant presque à sourire. Si lui n’était pas rabat-joie, personne ne l’était.

— Je sais pas si je l’ai déjà dit ou si je l’ai juste pensé… Alors au cas où, je vais me répéter ou l'expliquer pour la première fois : vous êtes ni un poids ni une étrangère. Il n’est pas une fois où votre présence m’a pas aidé. Pas une seule, insista-t-il en levant les yeux sur elle, soutenant son regard un moment, avant de le détourner sur le chemin, donc… vous inquiétez pas trop.

En tout état de cause, Morgred n’était pas rancunier. Même si les paroles de Clémence devaient le heurter, voire le blesser, il ne lui en tiendrait pas rigueur longtemps.

Jugeant que le débat était clos, à présent, le marin retourna à son mutisme, avançant aux côtés de la sage-femme le long des quais, au cœur des ruelles, jusqu’à atteindre Bourg-Levant où il sembla au pêcheur que le calme était encore plus plaisant. Comme si celui-là ne risquait pas d’être troublé par un quelconque ivrogne au détour d’une rue, par un voleur habile ou un dépravé violent.
S’il avait eu les moyens, c’est sans doute là qu’il se serait installé, même si sa masure avait au moins l’avantage d’être proche d’Anür et du travail qui l’occupait quotidiennement.

— Bien, souffla-t-il au pied de la maison de Clémence, levant les yeux sur la façade, comme il le faisait à chaque fois – comme s’il ne réalisait toujours pas combien ce bâtiment était grand, me reste plus qu’à vous souhaiter de passer une bonne nuit. Reposez-vous, vous en aurez besoin, je… gage que vos élèves vont être en forme. Et peut-être un peu indisciplinées, de fait.

Un léger sourire aux lèvres à la seule idée d’imaginer Philippa se concentrer sur une tâche exclusive – essayer, du moins –, s’impatienter de ne pas progresser assez vite ou s’offusquer de voir ses sœurs apprendre plus facilement, le marin adressa un signe de tête à l’accoucheuse, en reculant de quelques pas.

— Merci d’avoir accepté l’invitation, Clémence. Ce fut un honneur et un plaisir de vous recevoir, murmura-t-il presque, à demain.

Et sans attendre, comme souvent à l’instant de s’éclipser, l’homme tourna les talons et s’enfonça dans les rues désertées.
Si ses filles avaient indéniablement profité de cette soirée, du bol d’air que la sage-femme leur avait apporté, Morgred ne pouvait le nier : lui-même sentait son cœur un peu plus léger, à l’issue de ce repas.
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MessageSujet: Re: Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred   Aux grands maux, les grands remèdes | Morgred - Page 3 Empty
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