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| [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie | |
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InvitéInvité
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Lun 14 Fév 2022 - 15:33 | | | La leçon était sévère et pourtant, malgré l'évidente humiliation et la trop voyante déception qui s'affichait sur son visage, Esmée ne pouvait contredire les propos de la châtelaine. Si elle était en colère, et finalement cela ne faisait que peu de doute, la Sabran ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. Certainement avait-elle manqué de prudence. Dans sa quête miséricordieuse, elle avait oublié l'essentiel et cela bien malgré l'adage qui rappelait qu'une charité bien ordonnée devait commencer par soi-même.
Le souffle qu'elle libéra dans un ironique sourire se mua finalement en un rire douloureusement acerbe. Elle était jeune, effectivement et pourtant, elle s'osait à juger ce qu'était désormais le monde. C'était sans aucun doute là ce qu'elle avait de vanité. Croire que sa vision était meilleure que celle des autres. Prétendre qu'ils ne faisaient pas de leur mieux et qu'ils se contentaient d'agir égoïstement, seulement pour conserver leurs privilèges ou pour n'avoir pas à partager leurs biens.
Laissant son regard filer jusqu'à la rouquine, elle suivit ses pérégrinations d'un oeil confus. Entre remontrances et compliments, le ton de sa tirade passait de la correction à l'éloge. Si bien que la jeune noble s'en trouvait décontenancée et même désarçonnée. Alors, si elle avait voulu paraître maîtresse de ses émotions, Esmée se savait surtout intriguée. Chose que son invitée ne manquerait pas de relever dès qu'elle trouverait un intérêt à le faire. Ce constat malheureusement honnête, amena l'agacement dans les gestes de la Sabran qui peinait clairement à paraître détachée. Elle s'obligea donc à garder un peu de sa superbe en feignant le désintérêt avec l'aisance d'une souris découvrant un panier plein de fromages.
S'aventurant cependant jusqu'au siège installé face à une coiffeuse sculptée dans un bois précieux, elle s'employa à y prendre place avec la désinvolture d'une presque rebelle. Un statut qu'elle peinerait malheureusement à revendiquer tant elle avait la mine appliquée d'une élève en quête de savoir. Reste que la Vicomtesse voulait manifester son désaccord. Gardant alors la tête haute, elle fit distraitement jouer ses doigts sur un peigne au bois gravé d'or.
Cependant et quand bien même elle aurait voulu se défaire de la vision qu'offrait le corps nue de la rouquine, le regard d'Esmée en revenait toujours à elle. À sa peau ruisselante et brillante d'eau, à ses courbes joliment dessinées, à ses hanches harmonieusement sculptées et à tout ce qui la différenciait ou l'assimilait à sa propre personne. Ainsi fascinée malgré elle, non pas par ce que le physique de Roxanne avait de subjuguant, mais plutôt par ce que ses attitudes lui laissait à penser de son assurance, Esmée s'interrogeait. Était-ce ainsi qu'une femme se comportait dans l'intimité ?
La jeune noble n'avait pas eu l'occasion d'aborder ces sujets là avec sa défunte mère. D'ailleurs et d'aussi loin qu'elle se souvienne, jamais la Comtesse de Sabran n'avait partagé une quelconque intimité avec sa fille. En vérité, s'il lui fallait présentement être parfaitement honnête, Roxanne était assurément la première femme qu'elle voyait nue. La comparaison était alors inévitable et la question tout bonnement obligée : était-ce là ce que les hommes désiraient ?
Avec un froncement de sourcils, elle lorgna en direction de son reflet dans le vaste miroir. Elle avait les traits toujours jeunes et son visage, jusque là épargné, n'avait pas encore eu le temps de pleinement révéler sa beauté. Une femme enfant... L'épithète avait de quoi faire sourire, surtout lorsqu'il se confondait dans un discours aux allures de sermon. Il n'en demeurait pas moins entériné par sa sottise.
- Je ne comprends pas. Lâcha-t-elle finalement en baissant les yeux sur ses doigts frêles. Où se trouve votre intérêt dans cette démarche ?
C'était sans doute le plus vif questionnement qui la taraudait, alors même que l'évocation de sa blessure l'amena à déglutir le souvenir de l'ignoble cicatrice qui ornait sa cheville.
- Et pourquoi remettez-vous en doute ce que mon père à pu endurer de souffrance à la mort de son épouse et de ses deux fils. Croyez-vous que l'homme, malgré sa grande réputation, n'a pas éprouvé de chagrin ? Pensez-vous qu'il ne méritait pas de faire son deuil ? Loin de cette cité où, avant le tragique, il partageait joies et bonheurs avec les personnes qui faisaient notre foyer ?
Dernière édition par Esmée de Sabran le Lun 28 Fév 2022 - 9:40, édité 1 fois |
| | | Dame CorbeauMaître du jeu
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Jeu 24 Fév 2022 - 17:03 | | | 18 Avril 1167. Roxanne continua à lentement battre l’air de ses pieds nu, elle avait plus l’air d’une femme aux petites mœurs que d’une grande dame dans son attitude, pourtant il y avait quelque chose dans son maintien, dans l’assurance de son regard, qui dégageait indéniablement une conviction, non pas de supériorité, mais de pouvoir. Un pouvoir né de l’expérience. Cette expérience qui marque de manière indélébile. Qui vous offre une vue sur le monde plus précise et froide, distante. Dans les yeux vert émeraude, on lisait sans peine ce détachement lointain de ceux que rien ne peut plus surprendre, bon comme mauvais, des yeux qui en avaient trop vu pour regagner un jour cette trace d’innocence. Pourtant elle gloussa à la remarque d’Esmée, bien entêtée à préserver ce qui lui restait d’assurance et de volonté, quitte à nier l’évidence pointée. Pour cela, elle n’avait pas grand-chose à envier à la farouche détermination paternelle. Il lui manquait simplement l’expérience.
- Je mets tout cela en doute parce que je ne suis pas une idiote et que je sais que votre père est fait de ce bois qui choisira de rompre plutôt que de plier. Sauf si la chose qu’il souhaite protéger nécessite qu’il plie. Et comme vous venez de le dire, la seule chose restante sur cette terre suffisamment importante à ses yeux pour qu’il en vienne à plier, c’est vous Esmée. Il a déjà perdu tout le reste. Vous êtes celle qui l’a fait venir dans ces lieux reculés. Dans tout les autres cas, même celui où il aurait été mordu à votre place, il aurait fait front face à l’hostilité et les risques, deuil ou non. Un de ces hommes que l’on admire ou que l’on déteste.
Son rire devint sourire à mesure de cette tirade et elle pencha la tête sur le côté, comme un félin observant une proie potentielle, se questionnant sur sa nature ou s’amusant de ses actes. Il n’y avait toujours pas de moquerie dans son ton, mais toujours cette légère teinte tutorale, comme une patiente professeure face à une élève récalcitrante. A condition que la professeure en question semble prête à dévorer l’élève comme un chat une souris.
- Quant à mon intérêt, il est le bien être du royaume, Esmée. C’est là la chose qui me tient le plus à cœur et qui guide chacun de mes actes, du plus noble au plus odieux. Et dans le cas présent, l’influence de votre père ainsi que votre entrée dans la partie pourront à termes être des armes bien plus efficace que des mesures plus… drastiques diront nous.
Elle pointa le petit peigne que la jeune femme avait effleuré quelques instants plus tôt.
- Auriez-vous l’amabilité de me coiffer Esmée ? Je détesterais avoir des nœuds alors que j’ai enfin pu me nettoyer.
C’est d’un sourire franc, presque amical qu’elle lui fit cette demande avant de poursuivre de son ton amusé.
- Vous êtes une jeune femme ambitieuse. Oh, pas de celles qui veulent engranger du pouvoir et de la richesse à ne plus savoir qu’en faire, mais plutôt l’ambition de celle qui veut pouvoir changer les choses. Et cela, ce n’est pas au Labret que vous pourrez l’accomplir. Sans doute trouveriez-vous quelques pauvres âmes à aider, je ne doute point que cela soit dans vos cordes aux vues de votre détermination. Mais rien ne changera avec ces actes. Il y a toujours eu des gens prêts à aider, mais ceux qui ont l’occasion de faire plus, bien plus et en ont la volonté, cela se comptent sur les doigts d’une main à chaque génération. Lui expliqua-t-elle comme à l’évocation d’un sujet parfaitement banal.
- Vous pouvez bien entendu vous entêtez dans la version des choses qui diraient que je fais fausse route et que cette retraite anticipée n’a d’autres but que d’offrir à votre père endeuillé un lieu où se recueillir paisiblement. En ce cas, je n’insisterais pas, pas plus que je ne me mêlerais de la manière dont votre famille convaincra les autres nobles quand viendra le moment où je ne serais plus la seule à me poser les bonnes questions. Votre trajet sera alors le vôtre, aussi abruptement puisse-t-il finir. Qu’en pensez-vous ?
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| | | InvitéInvité
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Lun 28 Fév 2022 - 13:47 | | | Utilisé à bon escient, le silence pouvait être une arme redoutable. Pour autant, Esmée ne pouvait prétendre se mesurer à l'esprit d'une courtisane admirablement forgée par l'expérience. Pas encore... Alors et quand bien même elle prendrait le temps d'ordonner sa pensée pour contredire chacune des affirmations de la châtelaine, elle devait se rendre à l'évidence. L'enfant trop longtemps épargnée par la vie et ses malheurs n'était tout simplement pas de taille. Les yeux toujours baissés sur ses mains autrefois préservées, elle pinça les lèvres pour ne surtout pas s'avouer vaincue. Cependant, son regard à présent voilé de déception, voyait l'incontestable vérité dans le propos finement étayé de la rouquine. Ici, elle ne ferait jamais que panser les égratignures d'une humanité agonisante.
La mention d'un intérêt autrement plus essentiel que ses tergiversations de jeune fille sonna comme un coup de grâce. Était-elle donc seulement égoïste ? Vaniteuse au point de se penser à sa juste place ? Suffisamment bête pour croire en l'appel d'une destinée imaginée par les Dieux ? Le sang qui coulait dans ses veines voulait bouillir de colère. Il était celui d'une combattante quand bien même elle se trouvait incapable de manier l'épée. Elle était née Sabran et se devait de faire honneur à ce nom. Ce nouveau sursaut de fierté ranima l'or de ses prunelles. Il se disait que le maître faisait son apparition, lorsque l'élève se trouvait enfin prêt. Roxanne voulait jouer tout en lui offrant l'opportunité d'entrer dans la partie ? Personne ne pouvait prétendre à gagner sans prendre le risque de jeter les dés, pas même sa rousse "amie".
Relevant alors la tête pour mieux l'incliner sur le côté, Esmée glissa un regard sibyllin en direction de la noble. Les épreuves pouvaient certes aiguiser un tempérament d'allure acérée, mais il suffisait parfois d'une seule leçon pour apprendre à grandir. Elle le comprenait avec une certaine amertume.
Toujours sans un mot, la jeune femme laissa ses lèvres se parer d'un énigmatique sourire. Définitivement, Roxanne ne manquait pas de toupet. Et tandis qu'Esmée se prenait à trouver un charme amusant à ses minauderies, ses doigts en revinrent à effleurer le peigne gravé d'or. Elle les fit jouer sur la surface de bois ciselée et sans jamais quitter la châtelaine des yeux, attendit qu'elle achève de l'éclairer sur ses ambitions pour se saisir du précieux objet. Lentement, elle se redressa pour enfin quitter son siège. Seulement auréolée du murmure que soufflait le tissu de sa robe sur le parquet, elle se dirigea vers l'intrigante avant de s'installer à côté d'elle, presque contre son flanc. Son visage figé dans une expression neutre, elle dodelina un instant de la tête, avant que ses mains n'en viennent à effleurer les cheveux encore humides. Délicatement, elle ramena leur masse sur le côté et après un nouveau soupir, entreprit de les coiffer.
À l'image d'une camériste dévouée, la Vicomtesse s'appliqua à la tâche avec un soin précautionneux ; prenant son temps pour parfaire ses gestes, veillant à les rendre tout particulièrement caressants. Elle laissa ainsi glisser le peigne dans les mèches enflammées et parfois s'amusa à en nouer les pointes autour de ses doigts comme pour mieux les imprégner de son propre parfum. Le jeu dura, un instant ou peut-être plusieurs minutes, un temps tout le moins dédié à une étrange complicité qui devait tisser une entente silencieuse entre les deux femmes. Puis, dans un élan incalculé et sans une once de douceur, Esmée tira sur les longueurs rousses et soyeuses pour obliger Roxanne à incliner la tête en arrière, vers elle. Plongeant alors ses yeux d'ambre dans le regard toujours amusé du mentor qu'elle venait de se choisir, elle se pencha jusqu'à effleurer son cou de ses lèvres en chuchotant.
- Vous n'êtes définitivement pas à mon goût... Mais je vous accorde d'être convaincante. Elle souffla ces mots contre la peau claire et parfumée, avant de prendre une profonde inspiration. S'imprégnant ainsi de l'odeur délicate des fleurs qui avaient aidé à la confection du savon, elle susurra d'une voix devenue suave. Comme vous avez dû souffrir pour être aujourd'hui aussi forte. Est-ce là le sort que vous espérer me réserver ? ... Souhaitez-vous me voir devenir comme vous ? ... Pensez-vous vraiment que je pourrais en être capable... Roxanne ?
Dernière édition par Esmée de Sabran le Sam 5 Mar 2022 - 15:22, édité 1 fois |
| | | Dame CorbeauMaître du jeu
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Mar 1 Mar 2022 - 18:02 | | | 18 Avril 1167. La chatelaine ne fit rien pour cacher le plaisir tranquille procurer par l’attention de la jeune noble sans pour autant croire profondément à se revirement soudain. Elle avait bien souvent vu les cheminements d’esprit qui agitaient à présent celui de son involontaire élève temporaire. Celui d’une personne qui doit intégrer de nouvelle réalité pour évoluer tout en ne pouvant s’empêcher de combattre ses dernières à coup d’habitudes et de convictions profondément ancrée dans son subconscient par une éducation ou une vie. Dans le cas d’Esmée, c’était le deux. Pour autant les lueurs qui passèrent dans ses yeux avant qu’elle n’évite son regard pour se concentrer sur sa tâche semblèrent confirmer ses soupçons à Roxanne.
Rien n’était encore figé dans cet esprit juvénile mais acéré. Avec un peu de temps et d’applications, la graine prometteuse pourrait devenir une rose éclatante… et piquante ! Comme lui confirma la soudaine brutalité du geste de celle-ci. Elle ne fit rien pour s’y opposer, laissant sa nuque détendue accompagner le mouvement. Cela ne le rendait en rien agréable mais rendait la douleur presque anecdotique. En vérité elle fut un peu plus surprise par l’attitude ouvertement provoquante de la jeune fille qui soudain semblait vouloir paraître bien plus maîtresse de sa féminité, si ce n’est de sa sexualité, qu’elle ne l’était réellement. Un corps de femme, un esprit d’enfant et un ego de conquérante. Un mélange dangereux, explosif même, mais qui était pile ce dont elle avait besoin.
- Je suis désolée de vous déplaire, parce que votre joli minois et votre corps sont plutôt aux miens, plaisanta-t-elle sans gêne et sans laisser le moindre doute sur l’aspect purement érotique de cette déclaration.
Elle se demanda si elle devait à présent lui briser le nez d’un geste rapide de la paume pour lui inculquer une deuxième leçon dès à présent. Mais un louveteau avait besoin d’exercer ses crocs, même en mordant la patte de sa protectrice, inutile de lui faire gouter des sa mâchoire en retour… pour le moment tout du moins. Alors elle poursuivit sur le même ton tranquillement amusé sans se défaire de l’emprise de la jeune noble, ses mains diligemment posées sur le lit.
- Je te souhaite sincèrement de ne jamais avoir à devenir comme moi ma belle, je crois que tu es de toute façon un peu vieille pour t’y mettre, dit-elle d’un ton dur mais pas froid, une vérité ironique et simple qui semblait beaucoup l’amuser, sentiment encore renforcé par le soudain tutoiement. Ses paroles suivantes reprirent son détachement habituel.
- Mais vous devrez en effet vous endurcir quelque peu si vous escomptez vraiment changer quelque chose, sinon vous serez broyé sans peine par le monde que vous souhaitez modifier. Il est vieux et corrompu, réfractaire au changement. La bonne volonté ni suffira pas. Mais en effet je crois qu’avec un peu d’effort, tu pourrais bien avoir ta chance.
Elle soupira en se laissant aller en arrière plutôt que de forcer sur la prise de la jeune femme et l’obligea à maladroitement devoir s’asseoir en coin sur le lit pour ne pas se retrouvée déséquilibrée. Occasion qui permit à Roxanne de poser sa tête à demi sur ses cuisses.
- Parlez-moi donc des évènements qui ont conduit à votre… blessure dirons-nous pour le moment. Les évènements de cette journée sont confus pour tous, mais il est important que nous estimions quelle menace pèse sur cette vérité que votre famille cache. Dépeignez-moi donc un tableau d’ensemble Vicomtesse.
Roxanne remonta une jambe sur le lit, la repliant. Le tissu de sa chemise de nuit dévala très bas sur sa peau, révélant ses cuisses d’une manière qui aurait pu frôler l’obscénité mais qui, allié au comportement naturel et intimiste de l’étrange femme ne dépassait finalement pas une sorte d’érotisme tranquille comme ces romans à l’eau de rose où deux jeunes femmes discutant innocemment provoque l’émoi du lecteur par leur impudeur charnelle.
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| | | InvitéInvité
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Dim 6 Mar 2022 - 15:01 | | | Sur le bord du lit, presque adossée contre le bois du baldaquin, Esmée continuait d'observer les simagrées de la châtelaine. La rouquine se savait maîtresse de la situation. Il était alors vain de batailler bêtement seulement pour avoir le dernier mot. Bien que jeune, la Sabran savait qu'une parole de trop suffisait parfois à compromettre l'avenir de celui qui la prononçait seulement par orgueil. Il n'y avait alors aucun intérêt à dire sa pensée véritable. Comme il n'était pas nécessaire de se montrer vindicative. Pour cela, Esmée pouvait compter sur une irréprochable éducation. Évidemment, elle restait inexpérimentée et naïve, idéaliste et certainement trop innocente pour feindre sa rébellion avec assurance, mais elle avait atteint son but. Elle abandonna donc ses protestations au silence et déposa les armes en même temps qu'elle se séparait du peigne d'or et de bois. De même, ses doigts précédemment fermement agrippés aux mèches rouges, abdiquèrent pour libérer les cheveux qu'ils avaient souhaité garder prisonniers. Sans doute comprenait-elle avoir échappé à quelques remontrances trop vigoureuses. Au moins avait-elle la satisfaction de ne pas s'être montrée fadement docile.
La tête à présent posée sur la cuisse de son hôte, Roxanne continuait de mener la danse. Entre tutoiement et moqueries, elle affirmait son ascendance sans cruauté, mais avec l'assurance d'un conquérant satisfait. Esmée était cette jeune fille trop candide. Une presque bécasse qui avait mis sa vie en danger en croyant pouvoir aider. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'elle commettait une telle erreur. Fallait-il alors comprendre que la jeune femme n'apprenait pas de sa bêtise quand elle avait une fois de plus mis sa vie en péril seulement pour apporter son aide à une personne qui n'en avait pas fait la demande. À son tour, la Sabran laissa filer un soupir. Cependant, contrairement à celui de la châtelaine, son souffle s'empesa de regrets. Si le monde était effectivement vieux, corrompu et réfractaire, les Hommes manquaient tristement d'envergure. La plupart d'entre eux voyaient alors l'imbécile sacrifice dans le dévouement tandis qu'Esmée y trouvait du sens. Une vision qui échappait bien souvent aux plus éclairés. Parce qu'elle n'entendait pas sacrifier sa vie pour échouer à contenir la misère, non. Esmée s'armait seulement de ses privilèges pour la sauvegarde d'un idéal. À tort ou à raison, là n'était pas le propos. Tout du moins pas lorsqu'un homme s'arrogeait le pouvoir de se faire roi pour mieux se présenter en tyran.
- Je suppose que vous faites référence aux évènements qui ont rendu tragique le couronnement de notre très cher ancien Duc ? Elle arqua un sourcil tout en convenant que sa question n'appelait aucun réponse. Je doute pouvoir apporter quelques éléments utiles à votre précédent exposé. J'étais, comme chacun d'entre nous, présente à Marbrume afin de participer aux festivités qui devaient illustrer la gloire de notre souverain. Elle marqua une pause, papillonnant des yeux alors ses doigts retrouvaient leur chemin vers la chevelure rousse. J'ignore à quel moment tout a dégénéré. Je me souviens seulement des cris... Sa voix devint murmure pour s'éteindre dans le silence.
Une nouvelle fois, les visions de la fête devenue carnage voulurent la submerger. La panique, l'effroi, les pleures, l'odeur exécrable de la mort, la vision du sang et le toucher salvateur d'une main à laquelle elle s'était raccrochée comme une naufragée. Des images et des sensations qui, gravées dans sa mémoire, en venaient à lui refaire vivre l'instant d'un apocalypse meurtrier. À deux doigts de s'emballer, son coeur cogna avec vigueur contre sa poitrine. Elle pinça les lèvres et déglutit pour se prémunir de ses propres souvenirs, mais déjà elle entendait et revoyait la terreur. La profonde inspiration qui voulait gonfler son buste d'un peu de courage, se brisa dans un presque sanglot. Cependant, Esmée s'obligea à dire son cauchemar sans plus d'émotions. Pour cela, elle pressa sa langue contre ses incisives, avant de mordre dans le suave de sa chair. Un tremblement agita ses épaules et s'engouffra au plus profond de son être pour trouver à écorcer la cambrure de ses reins. Rien ne pourrait jamais effacer ce que cette journée avait laissé de stigmates dans l'esprit de la jeune femme.
- Je me trouvais avec mon fiancé... Marin. Un nouveau silence ponctua sa phrase alors que la seule prononciation de ce prénom suffisait à ranimer la douleur qui, indescriptible, l'avait irrémédiablement brisée. Il était mon phare dans cette monstrueuse tempête et je lui dois sans conteste d'être encore en vie. Il m'a portée à travers la cité et c'est grâce à lui que nous sommes parvenus aux pieds des barricades érigées pour endiguer l'invasion. Malheureusement, nous avons été séparés. Elle esquissa un fugace sourire avant que ses doigts n'en viennent à délicatement tresser les cheveux de la châtelaine. La foule était trop dense. Il y avait des blessés, de nombreuses femmes et des enfants. J'ai voulu me rendre utile... Un souffle chargé d'ironie accompagna son rire d'un peu plus de tristesse. Au final, j'ignore si j'ai pu aider ou sauver quelqu'un. Je me rappelle seulement avoir été hissée hors de la masse par quelques bras solides. J'ai appris le décès de mes frères et de ma mère quelques jours plus tard. Quant à Marin... Elle marqua une nouvelle pause pour mordre sa lèvre inférieure. Je ne l'ai plus jamais revu.
Ces derniers mots, prononcés comme une élégie, l'amenèrent à baisser les yeux. L'air étrangement triste, elle resta un instant immobile avant de finalement relever la tête. Ses doigts quittèrent leur ouvrage pour venir défaire sa coiffure trop stricte. Précédemment emprisonnés dans un sobre chignon, ses cheveux noirs en vinrent à dégringoler dans son dos et jusqu'à embrasser ses reins. Comme si elle avait voulu rompre avec ce que ses souvenirs lui rappelaient de peine, la Sabran choisit de se ranger à l'avis de son invité en se mettant à l'aise. Laissant alors son regard glisser sur le galbe d'une cuisse impudiquement offerte à sa vision, elle glissa sa main dans la masse sombre de ses indomptables boucles pour les délier, avant de se fendre d'un savoureux soupir. Le ton qu'elle employa ensuite s'empesa d'un peu de momerie pour donner le change tandis qu'elle reprenait.
- Alors oui. J'imagine ma vision trop puérile pour parfaitement saisir les rouages d'un monde sénescent. Je ne suis probablement pas armée pour combattre ses monstres, qu'ils soient nouveaux ou anciens. Mais je refuse de n'être qu'un jouet entre les mains d'un mégalomane... Fusse t-il Roi. Aussi, si vous pensez que je pourrais craindre la mort, rappelez-vous qu'il m'a déjà été donné de voir son visage. Pour autant, je n'ai pas la prétention de me croire aussi intrépide qu'une très digne représentante de sa Majesté. Je connais ma place dans notre société archaïque et je sais mes limites. Ce n'est pas à moi de décider s'il me faut retourner à la cour. Je ne suis que la fille d'un comte entièrement dévoué à son Roi.
Une nouvelle fois, elle se tut avant de pointer du menton en direction du ventre de Roxanne, là où elle savait trouver une cicatrice.
- A votre tour, Madame. |
| | | Dame CorbeauMaître du jeu
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Sam 12 Mar 2022 - 17:21 | | | 18 Avril 1167. Roxanne observa avec attention le parcours des sentiments et sensations qui défilèrent sur le visage de la jeune femme à mesure qu’elle rassemblait les lambeaux d’un douloureux et récent passé. Une fois de plus, elle afficha son inexpérience et sa jeunesse sans tout à fait parvenir à les dissimulés, mais malgré tout elle admira son contrôle sur sa propre voix. Elle avait les armes et les bases, ne lui manquerait plus que l’expérience pour peu qu’elle se donne une chance d’en obtenir.
Elle avait réussi après un travail de longue haleine à se faire une idée fort précise du déroulement de cette journée si morbide. Pour remonter la piste de ceux qui avait participé à son arrivée, elle avait dû commencer sur le plan le plus large possible, des milliers de témoignages aussi obscur que confus, bien souvent déformé par la peur et le temps écoulé. L’esprit humain manquait de rationalité pour faciliter ce genre de description, mais l’on pouvait tout de même apprendre à s’en servir si l’on prenait en compte ses défauts.
Des milliers des visions partielles et déformées d’une même situation, les statistiques et la persévérance étaient les deux outils les plus efficaces pour les interpréter. La récurrence d’une description, même si elle variait quelque peu d’un individu à l’autre finissait par confirmer la fiabilité d’une information, ou au contraire dissimuler les mensonges d’un groupe rendu identifiable ainsi. C’est ainsi qu’elle avait découvert Esmée et son secret, dissimulée au milieu de la masse de disparu.
Une jeune femme de haute naissance, aux cheveux noirs de jais, assise en bonne compagnie sur une estrade dont la beauté revenait souvent comme principale atout. L’évocation du nom de Sabran par l’un des autres survivant de la noblesse. Le mouvement de fuite guidé par la pression de la foule, les lieux de massacre qui en détournaient le cheminement. Elle avait listé les morts à mesure de cette douloureuse avancée. Pas les bonnes tenues, pas la bonne couleur de cheveux, pas le bon âge. Bien sûr, certain avait fini dans un tel état qu’affirmer leur identité ou leur apparence était pratiquement impossible, et elle faillit bien abandonner cette piste jusqu’au rapport de l’événement des barricades.
Une dispute et un attroupement, une belle jeune femme au milieu d’une masse grouillante, un homme hurlant et se battant pour repousser les autres, un enfant jeté au sol. Le milicien qui avait organisé la défense de cette zone avait évoqué la possibilité d’abattre la cause de se grabuge dans son rapport, mais quand l’homme en question avait fini par grimper quatre à quatre les barreaux de l’échelle, un « calme » relatif était revenu du moins jusqu’à l’assaut des premiers fangeux. A ce moment les rapports n’avaient plus aucun sens interprétable, trop de mort, trop de violence, trop vite, impossible suivre le devenir d’un seul individu.
Revenait alors la liste des cadavres et une fois encore, la surprise bien venue de ne pas y trouver ce qu’elle pensait. Les actions du comte avaient fini de dépeindre le tableau des évènements. Quand elle avait espionné cette demeure quelque jours plus tôt, elle avait été surprise de découvrir une Esmée en parfaite santé. Ni éclopée ni défigurée, rien de clairement visible sur sa personne apparente. Ce qui pourrait suffire…
Ses yeux toujours posés sur son joli visage triste, elle ne lui tint pas rigueur de ne pas se montrée aussi détaillée qu’elle aurait dû, que ce soit sur les raisons de cette « séparation » autant que sur la manière dont elle avait été mordue. Au moins ne lui mentit-elle pas sur les grandes lignes et le fit-elle avec assez d’assurance pour dissimuler ses cachoteries sous son émotion la plupart du temps. Ce serait une version bien suffisante pour la plupart une fois peaufinée.
- Les cheveux détachés vous vont mieux, dit-elle finalement sans que cela ne concerne ni le récit ni ses réactions. Vous devriez les laisser ainsi plus souvent.
Machinalement Roxanne sa main sur son ventre, un geste devenu automatique avec les années et les nombreuses pensées qui en avaient découlée. Son visage à elle ne trahit aucune émotion particulière, pas plus qu’il ne se ferma. Elle affichait toujours cet air de maîtrise taquine.
-Quand tout cela a commencé, de nombreuses émeutes ont éclaté, violente et désordonnée. Avec mon époux, je souhaitais rejoindre ma fille que nous pensions avoir laissé en sécurité hors du duché. Dans la cohue, une hallebarde m’a transpercé le ventre et fait tomber à bas de ma monture. J’ai survécu, eux non. Rien de rocambolesque à ce sujet j’en ai peur.
Elle haussa les épaules en signe d’une certaine impuissance et roula sur le ventre, ses cheveux libérerait retombant sur sa nuque. Alors qu’elle appuyait ses coudes sur le lit et son menton dans les paumes de ses mains pour regarder la jeune femme plus intensément.
- La dévotion, même apparente, est un outil utile. Mais la société archaïque, que nous connaissons toutes deux, connait un profond bouleversement actuellement. Le peuple apprend à lire, la fortune des nobles a perdu de son importance, les femmes se battent d’égal à égal… plus ou moins. Si il est bien une période où les limites n’ont plus cours, c’est celle-ci. Le tout est d’agir avec une certaine intelligence et non pas dans un but de rébellion contre ses aîné et sa couronne. La mort n'est pas la chose la plus à craindre ma chère. Surtout si comme vous le dîtes, un mégalomane se trouverait sur le seul trône qu’il nous reste.
Elle tendit l’une de ses mains et saisit l’une des mèches libérées de la jeune femme, la caressant lentement entre pouce et index pour en apprécier la texture soyeuse avant de la relâcher.
- Un tyran est parfois une chose aussi nécessaire qu’un sage, seule la situation le définit. Mais cessons la le débat politique, nous aurons bien le temps d’en avoir. Le marché que je proposerais au comte n’est point la question non plus. Son retour dans la cité prend en compte votre propre bien être c’est un fait. Mais croyez-moi lorsque je vous dis que votre propre place à votre retour ne tiens pas tant à ses choix qu’aux vôtres. C’est donc bien à vous que je le demande Esmée, non à votre père, non à votre roi, mais à vous. Souhaitez-vous revenir à Marbrume pour tenter d’y agir ? Ou n’êtes-vous réellement que la fille d'un comte entièrement dévoué à son Roi ?
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| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Lun 14 Mar 2022 - 15:50 | | | Un sourire fatigué survola les lèvres de la jeune noble. Laisser ses cheveux libres pour paraître plus jolie. Son père tout comme la morale trouveraient sans doute mille arguments pour contredire cette opinion. L'heure cependant n'était pas au débat. Roxanne l'avait très justement souligné. Un retour à la Cour l'obligerait toutefois à s'intéresser aux événements passés, à envisager ceux qui pourraient intervenir dans l'avenir, tout en supposant quels en seraient les impacts à courts et longs termes. Esmée n'avait jamais été la plus douée quand il s'agissait d'imaginer les rouages utiles à la bonne organisation d'une société ou quand il convenait de définir une gestion inéquitable de son économie. Trop naïve et trop idéaliste pour comprendre les nécessaires disparités. Trop privilégiées pour prendre la pleine mesure des contraintes liées à une dure vie de labeur. L'épisode du couronnement et surtout les tragiques événements qui l'avaient entouré auraient dû, très certainement, forger son opinion avec un peu plus de réalisme. Y repenser ne l'aidait pourtant pas à relativiser. Le monde était cruel. Il n'avait pas de conscience et s'affranchissait des habituelles considérations humaines. Ce jour là, de nombreux innocents avaient été tués. Ce jour là, de nombreuses crapules avaient survécu. Il n'y avait pas de justice dans l'épreuve.
Passant une main sur son front et laissant filer un soupir entre ses lèvres, Esmée ne pouvait malheureusement pas se résoudre à bêtement accepter ce constat. La simple idée de voir l'humanité réduite à ses seuls défauts livrait sa pensée à la migraine. À moins que ce ne fusse autre chose ? Les souvenirs et autres cauchemars qui l'habitaient depuis un an - bientôt - demeuraient trop vifs. Se rappeler de Marin, de leur course paniquée à travers la cité, mais aussi de tous les beaux moments qu'ils avaient partagés grevait son coeur d'une douleur restée inconsolable. Si tout cela n'avait eu lieu, s'ils avaient pris une autre direction cet après-midi là, ou si elle avait choisi de le suivre, ne seraient-ils pas heureux aujourd'hui ? Son père le lui avait répété et même crié, si bien qu'elle en était venue à s'interroger sur ses propres états d'âme ; le sacrifice en valait-il la peine ? Machinalement, son regard glissa de la rouquine à cette cheville qu'elle savait marquée d'une blessure plus profonde qu'à l'apparence. Elle avait rêvé un mariage et des enfants. Une vie simple avec l'homme qu'elle aimait, mais elle n'aurait pas admis de lui imposer sa damnation.
L'histoire de Roxanne, si elle lui parut plus rocambolesque que ce que la châtelaine voulait le lui faire croire - ce n'est pas tous les jours qu'il vous est donné de rencontrer une personne qui a survécu à un coup d'hallebarde dans le ventre - eut le mérite de lui rappeler que d'autres avaient dû revoir leurs rêves à la baisse. La tête et le visage penchés sur le côté, elle opina doucement du chef alors qu'avec ses dents, elle creusait l'intérieur de sa joue d'une nouvelle plaie. Sa bouche s'orna d'une moue contrariée avant qu'elle ne concède un peu de compassion à son invité peut-être un peu moins indésirable.
- Même si je suppose ma sollicitude malvenue, apprenez que je n'en reste pas moins navrée pour ce que vous avez dû traverser d'épreuves. Personne ne devrait avoir à subir l'atrocité, la violence ou... Elle interrompit sa phrase dans un souffle amusé, avant de doucement secouer la tête. Vous avez raison. Je vais donc vous épargner le manichéisme de ma pensée. Il est ennuyeux, niais et trop idéaliste. Notre monde change. Il a d'ores et déjà changé et il nous revient de décider si nous voulons être les acteurs ou les victimes de ses mutations.
À son tour, elle se laissa couler sur le lit afin de s'y étendre, mais contrairement à la rouquine, Esmée s'y allongea de tout son long. La tête auréolée de ses longs cheveux noirs et le regard tourné vers l'intrigante, elle l'observait, la joue collée contre un oreiller gonflé de plumes. Il y avait quelque chose d'étonnant dans son attitude. Une forme d'assurance tranquille qui pourtant laissait apparaître quelques failles. Roxanne avait assurément le désir de voir le monde changer en bien. Elle l'avait annoncé et revendiqué ; son intérêt était le bien être du royaume. La question demeurait pourtant entière, pourquoi elle ? Qu'est-ce qu'une jeune fille naïve et meurtrie pourrait apporter à cet intérêt que Roxanne prétendait vouloir sauvegarder et défendre ? Comme elle avait tendu la main pour éprouver le soyeux de ses cheveux entre ses doigts, Esmée laissa ses doigts s'aventurer vers l'épaule de la châtelaine afin d'apprécier le satin de sa peau. Au crépitement du feu s'ajouta le murmure d'une aventureuse caresse, alors que la jeune noble les faisait glisser le long du bras pâle.
- Je reviens à la Cour et après... Je suis naïve, mais pas assez sotte pour croire qu'il n'existe aucune condition à cette proposition empreinte de bonne volonté. Dites-moi, Roxanne, ce que vous attendez réellement de moi. Parce que je ne suis pas meilleure qu'une autre, loin de là. Je ne suis pas non plus le choix qui s'impose quand il s'agit d'évoquer l'intérêt de royaume. Prétendre le contraire m'obligerait à revoir mes prétentions à la hausse et nous savons toutes les deux que votre bienveillance à ses limites. Alors, partons du principe que je retourne à Marbrume et après... Pourquoi avez-vous besoin de moi ?
Elle ramena sa main vers elle et la cala sous sa joue, gardant son regard d'or rivé sur la Châtelaine.
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| | | Dame CorbeauMaître du jeu
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Jeu 17 Mar 2022 - 5:02 | | | 18 Avril 1167. La femme au multiple visage ne fit rien pour esquiver la caresse examinatrice et quelque peu osé de sa jeune partenaire, pas plus qu’elle ne contint le frisson agréable qui la parcouru et piqueta sa peau d’une fine couche de chaire de poule. Elle n’avait aucun doute quand au sens du geste lui-même et à l’absence presque total d’érotisme qu’il impliqué… presque. Mais elle avait appris par de très dure leçon que laisser cours à ses ressentis quand elle le pouvait rendait d’autant plus facile de le contraindre quand cela été nécessaire.
De plus il était finalement assez agréable de sentir le contact d’une personne qui n’attendait rien d’elle. Oh elle ne doutait pas qu’Esmée espérait elle aussi quelque chose de leur échange, mais pas d’elle directement. Pas de désir, pas d’espoir, pas de haine, peut-être une pointe antipathie mais que la jeune fille n’était pas assez cruelle pour lui faire ressentir d’une caresse. Pas besoin de se demander comment se plier pour lui plaire, ou se méfier d’une dague cachée sous un oreiller. Pas plus qu’à satisfaire un mal-être profond qu’elle ne pouvait combler, comme ce fut le cas avec la dame de Sombrebois. C’était rafraichissant.
- Ce serait vous mentir que de dire que votre sollicitude me touche, avec les années j’ai malheureusement perdu le don de m’appesantir sur le passé. Mais je la sais sincère et je vous en remercie, aussi idéaliste et niaise soit-elle. Lui répondit finalement la châtelaine d’un ton tranquille après de longue seconde de silence laissant planer un étrange temps entre la question finale de son interlocutrice et sa réaction décalée.
Elle se remonta sur le lit comme un chat émergeant de la sieste, étirant ses bras en avant dans un long étirement et se fit miroir d’Esmée qui ne l’avait pas lâchée des yeux. Une nouvelle fois elle laissa trainer le silence alors qu’elles se rendaient leur observation dubitative. L’une se demandant sans doute les pièges qui l’attendait, l’autre se questionnant sur sa capacité à les surmonter. Positionnées ainsi, elles avaient l’air de deux camarades de chambrée qui se chuchotait des histoires de garçon à les faire glousser bêtement.
Elle avait connu ce genre de situation par le passé, et déjà à l’époque, elle portait un masque, celle d’une fille comme Esmée, pleine de candeur et d’espoir. Elle avait ainsi gagné la sympathie d’une jeune femme toute aussi douce que celle qui lui faisait face ce soir. Elle avait attendu qu’elle ferme les yeux pour la tuer, enfonçant une longue aiguille à la base de sa nuque. Elle n’avait pas même eu le temps d’avoir mal, ni de souffrir de la découverte de la trahison de sa seule amie. Heureusement, ce soir elle n’aurait pas à réitérer une expérience aussi… déplaisante. Elle reprit la parole tout bas.
- C’est bien parce que vous êtes de celle que l’on n’attend pas à cette place que vous remplissait les conditions dont j’ai besoin. Votre nom est illustre, mais votre implication dans le grand jeu de la noblesse et celui du pouvoir est pour ainsi dire inexistant. A tel point que vous alliez épouser un homme indigne de vous… sur bien des aspects.
Elle chassa ce point délicat d’un geste de la main comme une simple mouche un peu trop insistante et poursuivit toujours du même ton conspirateur.
- Pour autant, vous n’êtes ni stupide, ni aveugle, inexpérimentée certes, un peu trop idéaliste c’est un fait mais du moment que vous ne laissez pas ce dernier prendre le pas sur votre bon sens je doute que cela nous pose problème. Une guerre se livre actuellement dans le royaume. Pas avec des boucliers et des épées, mais avec des mots et de l’or, pourtant elle peut faire chuter les défenses si douloureusement érigées aussi efficacement qu’une armée.
Un sourire complice teinté d’une pointe de malice se dessina sur ses belles lèvres.
- Je ne suis pas assez orgueilleuse pour croire que je vais vous persuader aussi aisément. Pas plus que je ne suis assez stupide pour vous livrer des détails sur tout cela avant de vous avoir éprouver quelque peu, vous pourriez être bien moins incorruptible que vous n’en avez l’air. Mais nous pourrions passer un marché. Un partenariat. Depuis votre ombre je vous guiderais là où votre présence comptera, je murmurais quoi dire à vôtre oreille pour convaincre ou impacter les autres. En échange je vous expliquerais à chaque étape, la raison pour laquelle je vous demande de le faire, ainsi vous pourrez accepter ou refuser en connaissance de cause. Si vous êtes aussi maline que je le pense, vous ne tarderez pas à tracer de vous-même un plan d’ensemble. Si c’est le cas je ne doute pas que nous pourrons discuter plus avant de ce que le futur nous réserve. Sinon, vous pourrez au moins profiter de la possibilité de voir certaine de vos valeurs mise en avant sous l’influence de nos actes. C’est plutôt équitable non ?
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| | | InvitéInvité
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Jeu 17 Mar 2022 - 13:26 | | | Son attention toujours acquise à la Châtelaine, Esmée observait ses gestes. La nonchalance avec laquelle elle parvenait à étirer son corps. La sensualité toute féline qui accompagnait ses plus évidents mouvements. L'enseignement qu'elle en tirait allait bien au-delà des mots. Il se distillait dans le creux de ses reins, s'accompagnait d'un frémissement curieux et concrétisait son apprentissage dans le silence d'une vigilante contemplation. Sensible à la beauté fluide et déliée de ces attitudes jamais observées auparavant, la jeune noble continuait de s'interroger. Pourrait-elle un jour rivaliser avec de telles créatures ? En avait-elle seulement envie ? Elle n'était pas fait du même bois. Tout du moins elle l'espérait et n'aspirait donc qu'à s'en persuader. Pourtant et sans même s'en rendre compte, elle rendit son sourire complice à Roxanne. Elle s'osa même à tendre les doigts de sa main libre vers elle, lui offrant de les saisir comme le simulacre d'une alliance.
- Vous ne cherchez pas à me persuader, je ne le crois pas, mais peut-être espérez-vous me convaincre. Son regard tranquillement posé sur le visage qui à présent lui faisait face, elle laissa s'installer un nouveau silence.
Roxanne demeurait indéchiffrable. À l'image d'une triste idole qu'un artiste voulait camoufler dans un décor inapproprié. Était-elle aussi insensible qu'elle l'affirmait ? Esmée en doutait. Personne ne pouvait parfaitement éteindre ses émotions autrement que dans la mort. Si la châtelaine se montrait alors plus froide et résolue que bien des gens, elle éprouvait invariablement quelques sentiments. Peut-être avait-elle choisi de les ignorer. Peut-être était-elle parvenue à les refouler, mais ils demeuraient enfouis sous une carapace solide et très certainement forgées dans le plus redoutable acier, celui du malheur. Un élan de sympathie afflua dans son esprit sans qu'Esmée ne parvienne à totalement le dissimuler aux yeux de sa destinataire. Elle ne connaissait rien de la vie de son "invité", mais se rappelait le tutoiement dans sa remarque dépourvue de moquerie. Elle était déjà trop vieille pour prétendre à devenir un jour comme elle. Comme cette image à l'esprit insondable. Comme un masque dont le secret résidait dans la métamorphose.
- C'est un grave défaut d'être équitable, quand les événements nous obligent à nous réfugier dans la satire. Un ironique sourire glissa sur ses lèvres.
Si une guerre se déroulait effectivement dans l'ombre, elle n'était pour l'heure qu'un pion sur l'échiquier de ses intrigues. Un pion sacrifiable et sacrifié, surtout lorsqu'il était poussé d'une main de maître. La blessure qu'elle veillait à dissimuler depuis presque un an la rendait vulnérable. Ce n'était alors que sa corruption physique qu'il convenait de craindre puisque cette dernière la rendait invariablement manipulable. Le jeu n'était-il pas déjà trop risqué pour qu'en plus il faille compter avec une pièce émoussée ? Les enjeux n'étaient-ils pas démesurés au regard de son inexpérience ? N'avait-elle finalement rien à craindre, sinon la mort ? Sa vie - telle qu'elle l'avait rêvée - n'était-elle pas déjà terminée ?
- Nous ne connaîtrons pas de fin heureuse, n'est-ce pas ? Englouties par le Monde ou dévorées par la Fange... Elle marqua une nouvelle pause, avant de prendre une profonde inspiration. Même dans mon ombre, je vous imagine plus éclairée que je ne le serai jamais. J'ai pourtant envie de me croire capable. J'aimerais vous garantir mon courage, ma force, la très grande foi qui anime mes pensées et chacun de mes actes mais... Je suis corruptible. Non pas par l'or ou le pouvoir, mais par ce que nous savons toutes les deux de mon état. Je ne ferai donc pas preuve de fausse modestie en attendant de vous que vous m'encouragiez à admettre mon potentiel caché. Je vous dirai simplement que mon souci, mon seul et unique souci - elle insista - est de garantir la sécurité des miens. Pouvez-vous me le promettre ?
Elle baissa les yeux et tout en pinçant les lèvres, prit le temps de tempérer ses paroles d'un soupir.
- Si tel est le cas... Nous pouvons prétendre à trouver un accord en consignant votre offre.
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| | | Dame CorbeauMaître du jeu
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Jeu 17 Mar 2022 - 17:49 | | | 18 Avril 1167. Roxanne n’hésita pas une seconde à accepter l’offre tactile de la jeune femme, glissant sa main sur son poignet nu pour laisser remonter ses doigts qui effleurèrent les détails de sa paume avant de venir se glisser entre les siens pour étreindre tendrement sa main. Pour autant ce geste ne répondait à aucun besoin de douceur ou de compassion, pas même d’une quelconque sensualité, bien que le geste en fut teinté par la nature même de la châtelaine.
La jeune noble souhaitait établir un contact, pas forcément physique cela dit. Plus une sorte de passerelle, une connexion qui lui permettrait d’appréhender un peu plus sa nature. Était-ce pour la cerner, la comprendre ? Ou plus personnel, pour se convaincre elle-même de ce qu’elle était ou non capable de devenir en s’exposant à un être si différent d’elle.
L’esprit d’Esmée était enfermé dans une cage forgée par ses années de dressage et de règles. Tout un système qui lui avait été inculquée pour lui rappeler une place à laquelle elle était sensée se tenir et ne pas entaché. Et par-delà ses barreaux, ses propres convictions qui auraient du être une force dans laquelle puiser pour permettre à sa volonté de tordre cette cage et s’en extirper, étaient finalement devenu des liens, une chaine qui l’entravait et la maintenait sur un sol de pierre froide.
Ainsi rêvait-elle de changer les choses, tout en étant intimement convaincue de ne jamais être de celle qui en auraient la force. Elle s’imaginait déjà disparaître dans l’oubli sans que rien qu’elle eu jamais fait n’ait réellement servit. Si cela était tout à fait plausible, Roxanne avait vécu bien trop d’épreuve contraire pour en accepter la simple fatalité. Elle se montra malgré tout parfaitement honnête.
-Il y a en effet peu de chance que vous et moi en connaissions une, même dans les meilleurs conditions. C’est un monde complexe et ancien, qui nous dépasse toutes les deux. Peut-être se contentera-t-il de disparaitre sous la menace qui l’assaille, ou bien peut-être que tout nos efforts seront vains. Cela est-il suffisant pour ne rien tenter ? Devons-nous accepter l’ordre des choses par simple crainte de ne pouvoir l’infléchir ?
Elle sourit tendrement en caressant le dos de la main d’Esmée de son pouce dans de minuscule cercle doux, à la limite de l’effleurement, faisant lentement chauffer la peau délicate et parfaite de la jeune noble. Sa voix prit une intonation désolée tout comme l’éclat de ses yeux.
- Je pourrais vous mentir Esmée, vous garantir cette sécurité en étant bien assez bonne actrice pour vous en convaincre, mais cela serait un bien mauvais départ pour un partenariat basé sur la confiance. Car aussi fort que je pourrais vous le promettre, cela reste faux. Un mirage qui n’aurait pour but que de vous rassurer. Plus personne n’est à l’abri aujourd’hui. Ni vous, ni votre père, ni aucun autre de personnes que vous considérez ou que vous considérerez proche un jour. Et cela que vous m’aidiez ou non. Vous pouvez refuser la main tendue aujourd’hui, vous ne tarderez pas à en découvrir une autre qui se contentera de pendre ce que j’ai demandé, ou pire, de balayer tout ce à quoi vous tenez simplement pour s’assurer que vous ne serez pas sur son chemin. Ni demain, ni jamais.
Son sourire se fit plus amuser et rassurant, contrebalançant la certaine fatalité annoncée.
-C’est le monde dans lequel vous êtes né, votre sang et votre nom vous prive à jamais de la sécurité que vous demandez. Vous pouvez choisir de fermer les yeux, d’attendre que cela arrive en espérant que ce soit le plus tard possible. Ou agir pour le bien et pour vous même en affrontant ces menaces en toute connaissance de cause et en ayant le privilège de savoir que si un malheur survient vous aurez au moins le droit de dire que c’est parce que vous avez agi pour ce qui vous semblez juste. Une bien piètre consolation en apparence, je vous l’accorde, mais qui, croyez-le bien, est une chose dont peu de gens peuvent se targuer Esmée.
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| | | InvitéInvité
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Jeu 17 Mar 2022 - 22:09 | | | Aucune promesse, aucun serment, pas même quelques mots pour la rassurer... Un marché honnête, un partenariat de confiance. Y avait-il besoin de plus ? Y avait-il jamais eu besoin de plus ? Toujours vivaces, les souvenirs réveillés continuaient d'affluer pour aiguiser l'amer de ses regrets. À une époque lointaine, dans une autre vie, elle avait eu cette même réflexion, cette même pensée. Ses rêves se teintaient alors d'un azur sans nuage. Aujourd'hui et comme l'avait si adroitement rappelé Roxanne, personne n'était plus à l'abri. Fallait-il alors admettre qu'il en avait déjà été autrement ou fallait-il comprendre que les plus hautes sphères du pouvoir se trouvaient présentement menacées par cette guerre mystérieuse évoquée quelques instants auparavant.
Un léger froncement de sourcil accompagna sa réflexion alors qu'Esmée s'évertuait à comprendre. Elle avait pu prétendre à la meilleure éducation possible et s'était toujours montrée disciplinée. Encline à perfectionner ses acquis et à combler chacune de ses lacunes. Littérature, histoire, philosophie, politique... Il lui avait été précisé, dès sa naissance, que le temps perdu à cet apprentissage ne lui servirait qu'à appâter un époux estimé digne. Digne... Un autre mot dont le sens ne se qualifiait qu'à la lueur d'un apologue.
- Hmm... Une onomatopée pour dire son accord aux tristes constats qui venaient d'être dressés par son invitée. Que pouvait-elle rajouter de plus pertinent à son exposé ?
La question était d'autant plus avérée qu'elle se confrontait à une vision d'ensemble probablement étayée de nombreux exemples, sinon d'expériences et de vécus. Qui était-elle alors pour contredire un tel bilan ? Sur le dos de sa main, les doigts de Roxanne s'animaient d'un peu de tendresse pour y tracer quelques caresses agréables. Étrangement, ce contact lui rappela sa mère et ses bons soins quand, certains soirs, l'enfant qu'elle était alors craignait de demeurer dans le noir.
- Peut-être... Je me souviens d'une époque où ce mot n'était qu'un jeu dédié aux apparences et aux faux semblants. J'en avais alors apprécié les limites au point de déjà me rendre compte comme j'avais sa probabilité en horreur. Aussi, pour reprendre vos propres termes, je dirais que si mon sang et mon nom me privent de sécurité, il m'obligent également à garder les yeux ouverts. Je n'entends pas demeurer comme le pantin d'un destin que je ne pourrai que subir. Si vous êtes ici ce soir, c'est bien parce que j'ai choisi d'agir plutôt que de m'abstenir.
Refermant ses doigts sur la main de la rouquine, elle l'attira légèrement vers elle, avant de s'enrouler dans son bras pour se glisser jusqu'à elle. Le dos ainsi lové contre sa poitrine, elle amena son visage à reposer dans le creux de son épaule, laissant ses cheveux agacer le minois de la châtelaine. Un sourire amusé ponctua son audace d'un trait de satisfaction, alors qu'elle concluait d'un ton soupirant.
- Merci de ne pas m'avoir menti. Tout du moins, pas cette fois. Quand voulez-vous retourner à Marbrume ?
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| | | Dame CorbeauMaître du jeu
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Lun 21 Mar 2022 - 14:03 | | | 18 Avril 1167. Était-on jamais autre chose que le misérable pantin d’un destin dont la nature même nous échappait ? Roxanne avait passé sa vie à l’influer, pour les autres, pour elle-même, ou pour des causes que certains considéraient comme plus « grandes ». Mais pourtant cette question la hantait toujours. Tout ces actes avaient-ils jamais eu un autre but que de combler les besoins d’une destinée dont elle ne déviait finalement pas ?
L’exemple de sa présence ce soir face à cette jeune femme noble en était un bon exemple alternatif, mais pas dans le sens où Esmée le supposait. Elle était là parce que tout avait été arrangé pour correspondre à ce dont elle avait besoin, ou croyait avoir besoin. En pensant agir indépendamment de la volonté de son père, du roi et de la société, elle avait fini par jouer le jeu d’une autre volonté qu’elle n’avait point soupçonné avant que celle-ci ne se révèle d’elle-même, à l’opposé de son ambition première.
Il n’y avait pas si longtemps, elle avait vu Rosen et son esprit torturé se perdre dans la même erreur, cette même conviction d’agir pour son propre besoin, ses propres valeurs, pour finalement se plonger dans les méandres d’un complot destiné à la perdre, ou plutôt dont sa chute était une composante utile. Des femmes qui voulaient faire les choses différement et qui comme les autres se retrouvaient à jouer le rôle que d’autres avaient esquissés pour elles. N’était-ce pas cela le destin, dans sa forme la plus pur ?
Roxanne était-elle, elle aussi, la marionnette de la destinée ? Elle avait toujours ou presque était un outil, sacrifiable le plus souvent. Mais au moins avait-elle pu se targuer d’en avoir, parfois douloureusement, conscience. Mais se tramait-il sous la surface de ses perceptions, un schéma bien plus complexe dont elle ne pouvait pas même percevoir le contour et qui ne lui serait révélé qu’une fois qu’elle l’aurait accompli, comme Esmée et Rosen ? Pour autant même cette angoissante possibilité, si elle s’avérait juste, serait-elle suffisante pour la pousser à dévier de ce chemin tracé ? Elle en doutait. « Des rêves déroulés sous tes pieds… » Elle retint un frisson à ce souvenir et l’enfoui plus loin dans son passé, là où était sa place.
Elle passa naturellement sa main libre sur le ventre d’Esmée et la pressa avec douceur contre elle, profitant la simplicité de cette tendresse si rarement éprouvée. Malgré la journée écoulée, les cheveux de la noble sentaient particulièrement bon, signe du soin quotidien qu’ils recevaient de leur détentrice et elle se laissa aller à ce contact chatouillant. Si bien qu’elle prit un long moment avant de finalement répondre à la question de sa compagne. Comme si y répondre risquait de briser cet instant fragile.
- Toujours un plaisir que de ne pas avoir à mentir ma chère… dit-elle d’un ton souriant, avant de poursuivre, plus sérieuse. Pour ma part, je partirais dès que je me serais entretenue avec votre père, d’autres affaires me pressent, même si la simplicité du costume d’Anne me manquera surement bien vite. Pour ce qui vous concerne, je suppose que vous rentrerez en sa compagnie si lui aussi accepte l’idée de regagner la cité. Sinon, je pense que ce sera à vous de répondre à cette question dans le cas où celui-ci estimerait qu’il n’est pas dans son intérêt d’accepter. Je suis curieuse de ce que vous dictera votre volonté dans ce cas.
Les Sabran pourraient faire front uni, ou se retrouver divisé par leur besoin personnel. Roxanne jouait une mise convenable dans cette partie, mais pas un va tout. Si jamais Icare se soustrayait à son devoir et que par la même Esmée choisissait de rester dans son ombre, elle perdrait certes un précieux atout en plus du temps écoulé, mais point assez pour faire basculer la partie qui se jouait.
- Comment était votre mère ? Demanda-t-elle soudainement à sa propre surprise.
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| | | InvitéInvité
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Mar 22 Mar 2022 - 15:13 | | | Les paupières closes et la respiration apaisée, Esmée voulait savourer ce que cet instant lui offrait de tendresse. Sur son ventre, la main de la châtelaine pesait le poids du souvenir, mais elle trouvait dans cette proximité une bienveillante sérénité. Une grâce que deux âmes malmenées par la vie s'accordaient dans le silence de leurs pensées tourmentées. Ainsi bercées par le crépitement du feu qui se mourrait dans l'âtre, ses rêveries mélancoliques s'auréolaient d'un peu de chaleur et d'une présence qu'elle acceptait finalement sans jugement.
- Triste. Finit-elle par répondre à la question de Roxanne. Tout le monde voyait ma mère comme une grande dame de la cour. Une femme d'exception, cultivée, belle... Pourtant sa seule fonction se résumait à l'ornement. Ce qui, vous me l'accorderez, est le rôle de toutes les femmes bien nées. Hermance de Choiseul n'a pas échappé à la règle, même si je reste convaincue qu'il existait entre mon père et elle, un réel attachement. L'apparition de la Fange l'a particulièrement éprouvée. À moins que ce ne soit l'inverse. Le Fléau lui a peut-être offert l'opportunité d'enfin exister pour et par elle-même. Un léger sourire survola ses lèvres. Je crois qu'elle imaginait notre fin toute proche. Parfois je me demande si elle a eu peur ou si elle a seulement accepté sa mort comme cette chose inévitable et attendue.
Un profond soupir l'amena à gonfler sa poitrine pour y garder le lourd de cette confidence. Le regard soudain embué de ce qu'il contenait de chagrin, Esmée papillonna des yeux. À ses cils, les larmes accrochaient le peu de lumière que diffusaient des chandelles déjà éplorées. L'enfant jamais ne pouvait se résoudre à la perte de sa mère et le temps n'y changerait rien. Elle manquerait, toujours et à jamais. Alors fallait-il seulement continuer et lui rendre le seul hommage qu'elle méritait.
- Je l'aimais. J'aimais son regard doux et la manière qu'elle avait de caresser mes cheveux. J'appréciais de sentir son souffle sur mon front, avant qu'elle ne me souhaite une bonne nuit. Ses sourires et mêmes ses remontrances... Tout, j'aimais tout ce qu'elle était.
Sans même s'en rendre compte, elle avait replié ses doigts sur ceux de la châtelaine pour les serrer plus fort. Le souffle qu'elle tentait de maîtriser s'empesait de bien trop d'émotions pour qu'elle y parvienne. Pour autant, Esmée refusait de pleinement se laisser aller à ce que ses mots lui soufflaient de détresse. Tout comme Marin, Hermance de Choiseul comptait au nombre des fantômes d'un passé qu'elle ne pouvait espérer voir ressuscité. Alors oui... Il fallait continuer. Ici ou ailleurs. À Choiseul ou à Marbrume. Aujourd'hui et demain.
- Mon père se trouve présentement à Marbrume. Il y séjournera jusqu'à la fin du mois. Je suppose que vous pourriez le rencontrer là-bas, dans notre manoir de l'Esplanade. Néanmoins, si vous choisissez cette option, gardez-vous de vous présenter devant lui sous les traits d'une pauvre barde. Je crains qu'il soit bien moins conciliant que moi. À présent... Si vous voulez bien m'excuser. Elle entreprit de délicatement se défaire de son étreinte pour se redresser sur le lit. Mes yeux sont secs.
Elle ne pouvait se livrer davantage et si elle avait pu crier sa détresse et sa révolte, Esmée se sentait seulement vide. Vide de tout. Vide d'avoir aimé, vide d'avoir rêvé. Ses doigts agrippèrent les couvertures et les fourrures dont le large lit se parait pour accueillir ses occupantes. Elle voulait seulement fuir, quitter cet endroit, sortir de cette chambre devenue trop petite pour contenir tout ce qu'elle aurait pu vomir de souffrance. Elle les détestait... Tous... Elle les haïssait avec la force du désespoir. La rage au ventre et le feu aux tempes, à en trembler de tous ses membres, elle les détestait de l'avoir ainsi abandonnée.
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| | | Dame CorbeauMaître du jeu
| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie Mer 23 Mar 2022 - 11:49 | | | 18 Avril 1167. Elle avait su sa question mal venue à l’instant même où elle l’avait posée, trop curieuse, trop soudaine, pour une jeune femme à la peine encore trop récente. Pour autant elle écouta la réponse avec attention, son esprit avide d’obtenir la réponse, pas tant celle des mots que celle de l’âme. Sous chaque intonation, sous chaque respiration se cachait les sentiments réels d’Esmée. La manière dont elle serra sa main avec un mélange étrange de peur, de regret, de besoin.
Il était toujours étonnant de voir comment l’on pouvait finir marquer de manière indélébile par des événements pourtant si différent. Que cela soit l’absence complète ou partielle d’une personne, ou qu’au contraire sa présence empoisonne notre quotidien. L’on pouvait finir tout aussi blesser. Une part d’elle-même enviait quelque peu la peine de sa compagne. La possibilité de regretter la disparition d’une mère, de ses attentions, des ses remarques, bonnes ou mauvaises. La mort d’un lien filial qui marque l’esprit aussi profondément qu’une lame marque la chaire.
Une autre était tout simplement incapable de réellement imaginer le sentiment dont il s’agissait. Elle pouvait bien entendu le théoriser, même le simuler parfois. Mais au final il s’agissait là d’une expérience qu’elle n’eu jamais à éprouver et qui resterait malgré ses nombreuses expériences, en dehors de sa portée. Pour souvenir maternel elle n’avait qu’un vague ovale rappelant un visage, sans doute plus né de son imagination que d’un souvenir réel. Son passé à elle était fait de barreaux, de fers, de peur et de coups, jusqu’à le voir lui. Lui ne lui avait jamais accordé d’amour, de tendresse, pas même vraiment de bienveillance, mais le soleil. Pure, éclatant, douloureux soleil.
Elle regarda Esmée fuir aussi lentement qu’elle le pouvait, sa gorge nouée de douleur malgré son affirmation. Si Roxanne avait découvert une vérité dans sa vie trop remplie de malheurs, c’est que la peine n’avait pas besoin de larmes pour s’exprimer. Appuyée sur un coude elle l’observa contourner le lit et se diriger vers la porte. De sa voix calme et taquine elle reprit la parole, son ton évoquant l’anecdote plus que la suite de leur intime échange.
- Connaissez-vous l’Histoire du roi Charsim, Esmée ? J’en doute. Langres n’a jamais aimé s’appesantir sur l’histoire des royaumes extérieurs, bien trop occupé à asseoir sa propre culture et à réglé ses propres conflits. A quoi bon apprendre, même à ses nobles, des histoires d’êtres que de leurs vies ils ne verraient jamais ? Ou pire, dont ils pourraient trouver la vision du monde… intéressante ?
Elle haussa les épaules comme si cette partie de l’histoire n’était finalement qu’un débat stérile et enchaina.
- Par-delà la mer, loin à l’Est existait un grand royaume, les richesses, même celles aussi humble que le blé et l’eau ne manquait jamais. Son roi, un homme qui se voulait grand et érudit, Charsim, convoqua un jour les sages de son domaine, du plus illustre au plus inconnu. Et il leur dit ceci : « De part la grandeur je veux me voir drapé et par la vérité, accompagné. C’est pourquoi je demanderais à ce que me soit forgé un anneau, un cercle de fer dont la seule richesse sera la vérité, absolue et infinie. Vous mes plus brillant esprit, vous mes plus chers penseurs. Vous me trouverez la vérité à graver sur cet anneau. Une phrase qui par toujours sera vraie, dont la sagesse m’accompagnera au sommet de ma gloire autant qu’aux plus profonds de mes tourments. »
Elle fixait Esmée, son regard brillant captant les flammes du feu, donnant à ses prunelles un éclat presque iréel.
- Bien sûr, soucieux de contenter leur maître, tous les érudits y allèrent de leur proposition. Voulant obtenir ses faveurs ils clamèrent que toujours son règne serait grand, que toujours son royaume serait prospère, que toujours son peuple serait fier. Les semaines passèrent, les mois s’enchainèrent et personne ne parvint à donner à Charsim la vérité qu’il convoitait tant. Agacé, sa patience mise rude épreuve, notre bon roi fini par menacer ses sujets de représailles, l’anneau serait forgé le lendemain, et que chacun perdrait un doigt s’il n’avait pas d’ici là sa vérité à graver. Alors que la fin de l’ultimatum approchait dangereusement, ce fut le jardinier que tous ignoraient ou raillaient qui s’avança devant son roi et lui dit « Je ne sais rien, des grandes sagesses, je ne sais rien des livres ou de la poésie, je ne sais rien du pouvoir ou de la grandeur. Mais je sais une vérité qui englobe chaque chose, être, objets, histoire et royaumes jusqu’à la nature elle-même. Si vous le souhaitez mon roi, je peux vous la murmurer. ». Charsim écouta son sujet lui chuchoter cette vérité dans le creux de l’oreille et ne put que l’accepter. L’anneau fut forgé, et la phrase suivante fut gravée.
Elle inclina la tête et offrit un sourire chaleureux et sincère, empreint d’une certaine tristesse.
- « Cela aussi passera ». Faites de beaux rêves Esmée.
Sans un mot de plus, elle se laissa aller sur son oreiller.
- HRP:
Je pense que cela conclue l'essentiel de ce qu'il y avait à dire pour cette première rencontre. J'espère que cette convocation t'auras plu. Je verrais avec Icare si elle souhaite un échange prochainement, sinon on verra pour l'organisation de la suite. En espérant que cette première expérience de convocation t'aura plu !
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| Sujet: Re: [Convocation]Une sombre note, une douce mélodie, rime donc ta vie | | | |
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