[interlude]Et si tout ne tenait qu'à un fil

Je ne fus pas étonnée de le voir se détourner ainsi pour mieux renoncer à parler avec moi. Comment lui en vouloir alors que je n'étais pas disposée à lui apporter la moindre information sur le sujet qui semblait tant l'intéresser. Mais comment le pourrais-je après tout ? Je ne le connais pas, moi, ce type-là. Ce n'est qu'un inconnu, un homme étrange qui accompagne un individu qui l'est encore plus.

Je n'ai pas confiance en lui et évoquer toute cette histoire face à un inconnu qui ne m'inspire rien d'autre que de la méfiance me fut tout bonnement impossible.

Je l'ai donc laissé prendre ses distances sans même chercher à le retenir et ce, malgré ma propre curiosité qui me poussait à en demander plus… à en apprendre plus. J'ai essayé, pourtant, de le guider vers une personne qui en savait presque autant que moi et qui, avec ses connaissances et ses facultés, auraient pu l'aider… Mais il avait fait son choix. Que pouvais-je faire de plus alors que je continuais moi-même à me méfier de lui.

Je ne pouvais m'empêcher de me dire qu'il avait tout inventé. Que cette histoire avait été imaginé apres avoir espionné ma conversation avec sœur Isolde… Je la connaissais moi, cette technique qui consister à se confier, à se livrer afin d'obtenir une confession. J'en avais usé aussi souvent que j'en fus la victime. Mais ici, le risque était bien trop important pour que je me permette pareil écart.

Ainsi, j'étais restée dans mon coin et avais veillée à ne me concentrer que sur la tâche pour laquelle on me payait. L'arrivée à Sombrebois fut ressentie comme une sorte de libération, un soulagement parfaitement visible sur les visages de tous les membres du convoi. Je les observais se disperser tout en me demandant que faire et où aller… Je fus évidemment tentée de demander après Alaric, ne serait-ce que pour le saluer. Mais l'on nous appris que la délégation royale été arrivée le matin même, je supposais donc que le capitaine devait être occupé au château… Je pouvais aussi me rendre directement au Temple pour rencontrer les deux orphelins que Théophile m'avait demandé d'escorter jusqu'au Labret … Mais je ne tenais pas à me retrouver face à des inconnus dans l'immédiat.

- Que fais-tu? me demanda Braan tout en récupérant son paquetage à l'arrière du chariot. Tu comptes rester planter là encore longtemps ? Je te préviens, tu risques de prendre racine...

J'avais beau savoir qu'il plaisantait, son sourire fut même un excellent indice, mais je n'étais décidément pas d'humeur. Dans ma tête, le récit de Clay continuait de résonné et je ressentais le besoin d'en parler… Mais pas à mon collègue … Ma première pensée alla tout naturellement à Alaric. Pensée que je balayais rapidement tandis que mon regard se posait sur le dos de la prêtresse qui commençait à s'éloigner.

-Je peux te laisser t'occuper de mes affaires ? demandais-je à l'archer.
- Bien-sûr mais...
- Merci ! rétorquais-je précipitamment avant de rejoindre soeur Isolde, au pas de course. Excusez-moi, ma sœur… Mais j'ai une nouvelle fois besoin de vos lumières. Puis-je vous déranger quelques minutes ?

Pauvre femme, je me détestais de la mêler égoïstement à tout cela. Mais je devais me délivrer de ce poids supplémentaire… Je devais comprendre… J'avais désespérément besoin d'elle. Ainsi, je l'entraînais avec moi sans pour autant la presser. Je me sentais animée par toutes ces questions sans réponses et cette histoire que je devais impérativement raconter. Et c'est ce que je fis sans détour. Je lui parlais des rêves de Clay sans rien omettre ou ajouter.

-Je lui ai conseillé de venir vous en parler puisqu'il s'agit d'un rêve… Mais il ne semble pas disposé à vouloir le faire. Je ne sais pas si vous pourriez l'interpréter… Néanmoins… Je suis un peu perdue parce-que… Je vous ai parlé de cette fameuse statue de femme, celle avec l'armure et le symbole. Mais ce que je ne vous ai pas dis c'est que cette femme me ressemblait… Je me refuse de croire qu'il puisse s'agir de moi, même un moi du futur… Je ne peux pas l'envisager, vous comprenez ? Et pourtant, aujourd'hui, un homme que je ne connais pas vient me parler de cette femme en étant persuadé que c'est bien moi… Peut-il avoir inventé tout cela ? Vous y croyez vous ? Parce que moi… Je ne sais pas...

En cette fin de journée, les derniers rayons du soleil enflammaient le ciel, couronnaient la ramure des arbres, perçaient entre les feuillages, caressaient les champs, s’écrasaient sur les remparts de Sombrebois. Dans l'azur désormais assombri, l'obscurité étendait ses longs doigts paresseux. Une brise légère soufflait un parfum de grande liberté.

Des volatiles passaient en caquetant devant eux alors qu’ils pénétraient entre les murs de la ville dressée sur leur route. Des toits de fortune, commerçants et ouvriers, étaient éparpillés le long de l'allée en terre battue. Dans les artères de Sombrebois, la population s'éveillait et s’activait d'une frénésie de ruche. Les travailleurs se hâtaient d'un pas attentif ; les artisans vérifiaient une dernière fois leurs étalages ; les vendeurs vantaient leurs étals, proposant des prix cassés pour ceux venant au plus tôt à l'Aube un peu avant les festivités de demain. Demain, les habitants trinqueront à la santé du jeune héritier de Sombrebois, danseront autour de l'effigie des Trois.

« Je suis contente d’être là. » Lâcha-t-elle pour elle-même tandis qu’elle expirait sa tension par une profonde respiration.

Au milieu de toute cette agitation, Isolde s’esquiva de quelques mouvements amples d’épaules, manquant de percuter une femme les bras chargés d’animaux, un autre avec des jouets en bois. Elle se décala d’un geste élégant, pivota d’un pas léger sur le côté pour laisser passer une nuée d’enfants, comme un matador avec un taureau, son regard les suivit lentement tandis qu’il disparaissait dans l’angle d’une rue. Elle glissa d’abord une main derrière sa nuque en soupirant, la caressa lentement, puis ses doigts glissèrent sur son cœur. Des battements enflaient sa poitrine ; son soulagement éclatant avec eux. La tension se désamorça imperceptiblement dans ses épaules et elle s’autorisa à respirer à nouveau.

Soudain, elle sentit arriver à sa droite et elle se laissa entraîner. Elle écouta avec une attention toute particulière.

« Aeryn. » Commença-t-elle, en la saisissant lentement par le poignet, dans une délicate précaution pour qu’elles se détachent du convoi et s’éloignent lentement de la foule. Un temps. « Je vous écoute »

Néanmoins, Isolde était interdite parce qu’elle lui annonçait. Son interprétation des Rêves était trop limitée et elle craignait de brimer Aeryn dans des croyances erronées. Aussi, son regard acéré balaya Clay, un peu plus éloignée. Que lui avait-il dit réellement pour qu’elle semble si confuse ?

« Je vous remercie de m’en avoir parlé. » Ajouta Isolde tandis qu’elle relâchait son poignet lentement. « Je chercherai ce qu’il faut pour vous aider à comprendre ce qu’il se passe, c’est une promesse. » Lui sourit-elle. « Voulez-vous bien marcher avec moi, Aeryn ? »

Entamant une marche lente et paisible dans les ruelles, Isolde espérait de cette manière que l’esprit d’Aeryn s’apaise de lui-même.

« Bien. » Commença-t-elle, comme si elle se remémorait la liste des faits. « Je ne connais pas l’interprétation des rêves pour trouver les mots qui vous rassureront suffisamment. Néanmoins… »

Un temps, à nouveau.

« Je comptais lire les écrits du Temple de Sombrebois et de Marbrume, pour chercher une solution à vos questionnements. Je ne vous laisserai pas tomber mais je ne peux vous apporter les réponses pour l’instant. Je ne souhaite pas vous orienter dans une mauvaise direction. » Acheva-t-elle en l’observant, reprenant. « Je me demande si… » elle sembla hésiter, un moment, s’humecta les lèvres. « Si des cas comme les vôtres pouvaient être recensés ou l’ont été dans le passé. »

Elle pencha légèrement la tête, fronçant joliment ses sourcils sur une moue dubitative.

« Je vous transmettrai les informations que j’ai pu obtenir. Quant à Clay… » Fit-elle en laissant son regard se dérober sur le dos du mercenaire. « Je pense que nous avons tous nos secrets. Il viendra m’en parler si l’envie lui prend. Mais ce qui compte, maintenant, c’est vous. Laissez-moi approfondir mes recherches et vous apporter quelque chose de… »

Isolde retint un frisson d'excitation à la mention mystérieuse des rêves de Clay. Était-ce un mal, une bénédiction, un signe des Trois ou une parfaite calomnie imaginée par des esprits un peu trop superstitieux ? Elle ferma les yeux, avant de les rouvrir sur un regard souligné de détermination.

« Tangible. »

Soyons honnêtes, je ne m'attendais à aucun miracle. Je ressentais seulement ce vif besoin de parler de tout cela à une personne de confiance capable de m'aiguiller. Heureusement pour moi, la bienveillance de la prêtresse la poussa à écouter mes confidences, même si, pour l'heure, elle n'avait aucune réponse à me donner. Rien d'étonnant à cela après tout, toute cette histoire nous dépassait totalement.

Ainsi, lorsqu'elle m'invita à marcher à ses côtés, je la suivis docilement tout en l'écoutant m'expliquer qu'elle comptait faire ses propres recherches… Dans les livres.

-Ont-ils tant de choses à nous apprendre ? Les bouquins, je veux dire …

Mon père m'avait raconté une fois que les érudits aimaient tout inscrire dans leurs cahiers. Évidemment, sa façon de m'expliquer tout cela tenait plus de la moquerie qu'autre chose. Une perte de temps, selon ses dires… Personnellement, je me fichais un peu d'où provenaient les réponses à mes questions tant qu'elles existaient. C'était tout ce qui comptait à mes yeux : comprendre et cesser de redouter que le ciel nous tombe sur la tête.

-Merci ma sœur, lui dis-je en baissant humblement la tête. En ce qui concerne cet homme… Je ne suis pas du genre à forcer les gens ou à leur tirer les vers du nez. Je lui ai donné un conseil, libre à lui de le suivre ou non… Personnellement, je ne sais pas si je peux lui faire confiance… Il y a quelque chose chez lui et plus particulièrement chez l'homme qu'il protège qui me met fort mal à l'aise dans que je ne puisse l'expliquer. Et puis… On ne m'a pas élevée de manière à ce que je puisse faire confiance aveuglément. Mon père se méfiait de tout et tout le monde, en permanence…

Est-ce que la famille de ma mère avait un rapport avec ces agissements ? Peut-être, peut-être pas. Là aussi, je n'avais que trop peu d'éléments en ma possession pour me faire la moindre idée… Mais peut-être que sœur Isolde savait, elle ?

-Dites … Est-ce que… par hasard, dans vos bouquins… Il est écrit quelque chose à propos du peuple des routes ? lui demandais-je sans grand espoir. On m'a dit que ma mère en aurait fait partie, mais… Je ne sais pas grand-chose à leur sujet. Ce n'est peut-être pas important cela dit.

Elle ressera les pans de son châle pour chasser la brise fraîche. Le léger froid s'insinuait le long de ses chevilles, remontait comme des serpents invisibles le long de ses jambes avant de s’agripper avec possessivité à ses hanches. Elle hocha la tête et ramena machinalement derrière son oreille une mèche dissidente échappée de sa longue tresse.
Elle eût l’air amusée par les mots d’Aeryn.

« A nous apprendre ? Peut-être pas. A nous souvenir ? Sûrement, oui. Voyons cela comme des mémoires écrites, l’apprentissage quant à lui, se fait par la vie. » Répondit-elle avec un sourire de philosophe.

Isolde dressa son attention affûtée sans quitter du regard la figure massive de Lucian qui transmettait des consignes avec la précision d'un stratège mais la fluidité d'un artiste. Les yeux d'Isolde se plissèrent sur deux fentes attentives, presque comme ceux d'un chat attentif au mouvement d'un autre prédateur bien plus menaçant. Une voix intérieure, calme tempéra l'ardeur de l'obscure passion que cela faisait naître, l'excitation courrant dans ses veines tels le plus enivrants des torrents, son cœur battant un tambour de guerre.

« Pour Clay et le Père Altan… Vos doutes sont légitimes, votre mode de vie vous l’impose. » Médita-t-elle en plissant les yeux. « Ce ne sont pas des ressentis que je partage mais je n’ai pas eu votre vie… » Avoua-t-elle, « votre pensée vous est propre et votre instinct aussi. Aussi, ne muselez pas ce que vous ressentez mais ne condamnez pas non plus. »

Elles se faufilèrent vers une rue encombrée par les étals, un groupe de saltimbanque laissait fredonner une musique espiègle, mais Isolde restait insensible à l'agitation enfiévrée de Sombrebois. Un carrousel de préoccupations tournoyaient dans ses pensées depuis qu'Aeryn et elle avaient échangé. Le cheminement de réflexion acéré d'Isolde s'interrompit devant des battants inconnus, encadrés d'imposants questionnements.

« J’ai une très bonne… » Elle sembla hésiter, « amie, qui tient ses origines du peuple des routes. » Confirma-t-elle d’un hochement de tête discret. « Je lui poserai les questions à notre retour de Sombrebois, si vous m’autorisez à lui en parler. Je pense qu’elle nous sera plus utile que des livres. J’ignore s’il nous reste un héritage du peuple des routes. »

Kaïne s’y connaissait en mythes et superstitions, elles avaient tissé un lien fort bien que tacite, ou du moins avait-elle influé à Isolde un second souffle alors qu’elle était sur le point de s’effondrer.

« Dans tous les cas, je ne filtrerai aucune information avec vous… Qu’elles soient de bonne ou mauvaise augure, je serais transparente avec vous dans mes recherches. Vos histoires de rêves ne sont pas anodines, je pense qu’elles méritent d’être prises au sérieux. »

A nouveau un silence. Son regard erra sur les personnes, rebondissait sur chaque visage. En d'autres circonstances, elle aurait admiré la délicatesse des traits, se serait rebuté derrière des traits tirés, mais un malaise diffus l'empêchait d'apprécier réellement sa présence ici.

« Connaissez-vous le nom de votre mère ? Je regarderai également de ce côté-là. Les archives sont des grandes surprises… » Souffla-t-elle, ajoutant. « Mais parfois bouleversantes. »

Contrairement à ma visite précédente, le bourg semblait des plus animé. La vie grouillait dans les ruelles comme si les habitants, attirés par le mouvement des voyageurs, se voyaient incapables de rester dans leur bien modeste demeure. Ainsi, je ne pouvais que reconnaître qu'il devait être plutôt aisé et tentant de se laisser happer par la masse… Pour une fois qu'on leur donnait une occasion de s'amuser…

Lorsque je me retournais vers la prêtresse, ce ne fut que pour mieux l'observer. Ce sourire sur son visage, signifiait-il qu'elle se moquait de moi et de mon ignorance ? De mémoire, je n'ai même jamais tenu un livre dans mes mains. Si mon père savait déchiffrer ces sombres écritures, il ne s'est jamais donné la peine de nous l'enseigner. Apprendre à tuer était, vraisemblablement, bien plus utile à ses yeux. À dire vrai, je n'en avais que faire. Rester inactive me rendait folle, aussi il m'était impossible d'envisager de rester immobile avec l'un de ces trucs entre les mains… Cela ne faisait pas de moi une ignorante pour autant, même si je n'avais rien de l'érudite.

Incapable de pouvoir interpréter correctement son rictus, je décidais de m'efforcer à ne pas y accorder trop d'importance. Avec le temps et si les Dieux nous en laissaient la possibilité, j'apprendrai lui et à reconnaître ses attitudes… Pour l'heure, mieux valait ne pas y faire attention.

Néanmoins, s'il y en avait un qui resterait à jamais un mystère, ce ne pouvait être que le père Altan lui-même. Cet homme… Sa nature étrange le rendait purement indéchiffrable. Le clerc semblait lui aussi évoluer dans un autre monde… Enfin, c'était en tout cas ce qu'il m'inspirait et ce qui me dérangeait tant chez lui.

Comme si… Il n'avait rien à faire ici.

Je ne fut guère étonnée de la réponse de sœur Isolde. J'ai toujours eu ma propre façon de penser, de voir le monde ainsi que les gens qui le composent. Je n'affirmais strictement rien le concernant d'ailleurs, rien de plus qu'une impression qui ne tenait qu'à moi.

-Il s'agit de mon propre jugement, ma soeur, affirmais-je en souriant. Je n'en suis pas encore à la condamnation….

"Mais j'y viendrai", avais-je envie d'ajouter.

Quant à Clay, je ne savais que penser à son sujet. Je m'en méfiais, évidemment… Comme je me méfiais de tous les inconnus et plus particulièrement ceux m'abordant avec une histoire pour le moins … Rocambolesque. Je verrais bien, avec le temps… Ou pas.

Quoiqu'il en soit, il m'était tout bonnement impossible de prendre en compte les conseils de la jeune prêtresse. Pas encore, du moins. Trop de choses me tombaient dessus simultanément pour que je puisse seulement comprendre ce qu'elle me racontait.

Mais, heureusement, nous ne nous attardîmes pas sur ce sujet. Mes interrogations, toujours plus nombreuses, se portaient déjà ailleurs. Lorsque je la questionnais au sujet du peuple des routes, elle m'affirma connaître l'un de ces membres… Intéressant..

-Je ne sais rien de ma mère hormis le fait qu'elle serait issue d'une famille importante et qu'elle avait une sœur… Mon père m'a dit qu'elle se prénommait Arianne, mais … avec le recul, je me demande s'il ne s'agirait pas d'un mensonge de plus. Ce ne serait pas étonnant, j'ai grandi dedans… J'ai moi-même été modelée pour en devenir un, c'est dire ...

Loin de moi l'idée de lui raconter toute mon histoire, mais peut-être comprendrait-elle mieux pourquoi la vie de ma mère m'était tout bonnement inconnue.

-Apparemment, je lui ressemble beaucoup… Elle était rousse elle aussi. Je suis même la seule de ma famille à l'être, le détail importait probablement peu… Vous pouvez bien évidemment en parler à votre amie. Vous avez dû constater par vous-même que je n'avais rien à cacher puisque… et bien, j'ignore à peu près tout.

Je lui offris un sourire amer avant de baisser légèrement la tête.

-Quoiqu'il en soit, je vous remercie, ma sœur. Je ne sais pas si vous pourrez réellement m'aider, mais je vous suis reconnaissante d'au moins vouloir essayer. C'est déjà beaucoup ..

Comme cela pouvait l'être pour moi qui détestait avoir à demander de l'aide à qui que ce soit.

Isolde hocha sobrement la tête aux paroles d’Aeryn ; elle ne souhaitait pas que la mercenaire raccroche tous ses espoirs en elle. Un froid glacé rampa sur sa peau et hérissa sa chair d’un frisson instinctif. Son regard l’enroba entiérement, pourvue d’une compassion silencieuse. Elle semblait comprendre la confusion qui entourait Aeryn d’une brume épaisse, puisqu’elle murmura lentement.

« — Je ferais de mon mieux pour vous aider. Ne vous-ai je pas dit que vous pouvez me compter parmi vos appuis ? » Sourit-elle discrètement.

Elle se recula à nouveau d’un pas, la dévisagea d’un air indéchiffrable, comme si elle pouvait lire au-delà des simples apparences de ses mots, puis hocha la tête d’un air lent et attentif. Ses pensées s'ordonnaient à toute vitesse, avec un ordre et une logique implacable, comme des pièces de puzzles.

« — Je prends note de ce que vous jugerez utile pour mes recherches, Aeryn. » Affirma-t-elle d’une voix calme et posée, ajoutant dans un murmure. « Nos échanges ne sont pas passés inaperçus. Il n’est pas exclu que l’on m’interroge. »

Sa tête bascula élégamment sur le côté, comme si elle observait un point par-dessus son épaule. Un ressenti d'une intensité à couper le souffle se déversa dans ses veines au travers de leur échange.

« — Je viendrais à vous si j’estime avoir des informations capitales. Prenez le temps de vous reposer, la route a été longue. »

Ses yeux se posèrent sur le dos de Lucian Altan, il s'avança d'un pas, puis s'immobilisa, comme si ses sens étaient en alerte. Comme si, instinctivement, il sentait le point de pression de son regard, puisqu’il pivota vers elle, semblant l’attendre avec une sage patience.

« — Je dois aller au Temple. » Ajouta-t-elle tandis qu’elle la contournait, sembla hésiter avant de s’arrêter de murmurer par dessus son épaule. « Retrouvons-nous demain matin, voulez-vous ? »