L'oreille du milicien [PV Gaël de Conques] - TERMINE

C’est vrai, il l’avait déjà vue nue, c’était il y a un moment maintenant, les images lui revenaient parfois en tête, le faisant rougir seul, mais lui apportant une agréable sensation de chaleur.

«-Pourquoi me cherchiez-vous ? Vous avez des problèmes ?»

Il ne cherchait pas à cacher son inquiétude, pourquoi faire après tout, c’était tout à fait honorable de s’inquiéter pour Olga. Il mordilla sa joue de l’intérieur en la voyant galérer pour de simples boutons, le froid avait déjà bien engourdit ses doigts. La pauvre aurait sûrement mal fini si elle était restée plus longtemps dehors.

«-Je… Laissez-moi vous aider, vous voulez bien?»

Gaël s’approcha, pour remplacer les petites mains frêles, ses propres doigts assez nerveux de la tâche, mais il contrôla ses propres tremblements, les laissant se muer en rougeur sur son visage, il voulait simplement l’aider, rien d’autre.

Il déboutonna ses vêtements avec douceur, mais en essayant de se hâter pour qu’elle puisse enfin se réchauffer dans l’eau chaude, une petite envie lui fit chauffer les oreilles, celle de continuer à la dévêtir, et de faire glisser ses vêtements de ses propres mains, il préféra se raviser, se préparant à s’éloigner pour la laisser terminer le travail.

La question qu’il posa devait bien évidemment tomber. Alors, l’air embarrassé, je lui répondais avec franchise.

Non, je n’ai pas de problème, pas plus que beaucoup d’autres… Je… Je ne me sentais pas bien, j’avais… J’avais besoin de quelqu’un à qui parler et j’ai… J’ai pensé à toi… On… Je veux dire, tu es le seul auquel j’ai pensé…

Il s’approchait alors, me demandant si je voulais bien le laisser m’aider. Je reculais donc mes mains pour lui laisser le champ libre. Je ne quittais pas ses doigts des yeux, sentant naître en moi l’envie que ces phalanges glisse de nouveau sur ma peau en un doux contact rassurant.
Lorsqu’il eu terminé de déboutonner mon manteau, je relevais les yeux sur lui, distinguant la couleur de ses oreilles. Quelques souvenirs surgirent et je me mordis la lèvre.
Mon instinct agi alors à ma place… Ou du moins, je ne cherchais pas à l’entraver.
Je lui pris ainsi la main, la trouvant presque brûlante tant la mienne était froide. La suite, je l’assumais sans tabou et sans le mettre sur le compte de l’instinct ou du froid.

J’espère que je ne te fais pas perdre un temps précieux avec mes sottises enfantines…

Lâchant à regret sa main, je laissais choir mon manteau sur le sol avant de défaire le nœud qui fermait mon gilet élimé. Les nœuds, c’était quand même plus simple que les boutons.
Alors, je reprenais sa main pour y glisser la frange de tissu qui bouclait mon vêtement.

Tu veux continuer ?

Cette fois, le rouge de mes joues n’était plus lié au froid. J’avais cette envie qu’il me touche, même sans qu’il y ait quoi que ce soit. Simplement de sentir sa peau contre la mienne, comme une douce armure, comme un… comme un baume.

Je ne t’oblige pas hein ! Mais… Moi, je veux bien.

Mentalement, je me molestais. Comment pouvait-il avoir envie de toucher à mes vêtements crasseux ? Un frisson me parcouru et je pris conscience que je devais de toute façon me déshabiller. Abandonnant la cordelette dans sa paume, je levais les bras pour retirer la ficelle qui maintenait mes cheveux en un chignon complètement désordonné.

Son cœur oublia de battre pendant que les cheveux retombaient sur les épaules d’Olga, il relâcha la cordelette, trop perturbé par l'afflux soudain d’émotion. Elle n’était pas sous son meilleur jour, pourtant il savait très bien que sous cette couche boueuse et infortunée se cachait une jolie fille aux bonnes intentions.

Gaël fit demi-tour, lui tournant le dos pour la laisser garder un peu d’intimité, malgré son invitation, le doute à l’intérieur de sa tête persistait. Peut-être se sentait-elle redevable envers lui, et s’imaginait-elle depuis la nuit qu’ils avaient passé ensemble que c’était le paiement qu’il attendait.

Il défit son fourreau de sa ceinture, le posant contre une des chaises, c’est vrai que la dernière fois, il ne l’avait pas eu avec lui, mais sortant tout juste de patrouille, il n’avait pas eu le temps de le laisser aux quartiers.

Son regard se posa sur sa besace, se demandant combien de sous lui restait-il maintenant, il grimaça, il repoussa les pensées radines, celles qu’on ne devait pas avoir quand l’on essayait simplement de venir en aide à quelqu’un de plus malheureux que soit, il préféra donc penser au petit cadeau, bien au chaud dans le sac de cuir.

«-Vous voulez m’en parler ? De vos soucis ? Je… Je ne sais pas si je suis très doué avec ça.» Il se massa la nuque, être l’oreille d’une femme, ce n’était pas une mince à faire, des fois Sixtine pouvaient lui confier des choses qui le paniquait. «Mais je veux bien y être attentif.»

Le milicien jeta un coup d'œil à Olga pour finir sa phrase, acte qu’il voulait innocent, mais inconsciemment, il espérait sûrement entrapercevoir un peu du corps nu présent dans la pièce.

Une légère déception traversa mon visage lorsque le jeune homme prit la décision de me laisser à mes habits. Je ne lui en voulais aucunement, ainsi que je l’avais pensé, leur état n’éveillait que peu de désir.
Aussi, je laissais tomber mon gilet sur le sol avant de retirer mes bottines. Alors que je soulevais ma chemise pour m’en défaire, j’observais son dos tandis qu’il se débarrassait de son arme. Finalement, je faisais glisser ma jupe pour n’être plus qu’en sous-vêtement, une fine bande de tissus retenant ma poitrine. C’est ce moment qu’il choisis pour me parler.

Je… Enfin, ce ne sont pas vraiment des soucis… J’ai été submergée de tristesse ce matin, les souvenirs de mon passé et de mon arrivée à Marbrume m’ont assaillies et je me suis rendu compte que j’étais une moins que rien.

Lorsqu’il se retourna, j’avais libéré mes seins de leur entrave et terminait de retirer le dernier arpent de tissu qui me couvrait.
Je me redressais donc, totalement nue devant ses yeux, un petit sourire timide aux lèvres. Ma peau était légèrement rougie par le froid mais, sans doute, pourrait-il remarquer la fine toison taillée que j’arborais en bas de mon ventre. L’espoir que je trouve grâce à ses yeux d’homme dans cette tenue, plus qu’avec mes habits souillés, me traversa brièvement l’esprit.
J’espérais lui plaire sans chercher à le convaincre de quoi que ce soit, j’avais simplement besoin d’avoir l’impression de compter pour quelqu’un, que l’on m’estime pour celle que je suis, avec mes qualités et mes défauts.
Je lui lançais un sourire avant d’enjamber le rebord du baquet pour glisser un pied dans l’eau chaude.

Je ne veux pas t'ennuyer avec mes histoires d’émotions de jeune femme perdue. Mais je serais heureuse de pouvoir te raconter un peu qui je suis.

Alors, je tirais une chaise à côté du baquet avant de plonger la deuxième jambe dans l’eau.
Une rougeur marquée envahie mes joues.

Je crois qu’être avec toi était encore plus important… Assieds toi, s’il te plaît. Dis-je, debout dans l’eau fumante.

Personne n’échappait aux tristes histoires ces jours-ci, elle avait éveillé sa curiosité, elle ne l’ennuyait pas, il aurait bien voulu savoir au contraire comment une jeune fille telle qu'elle finissait de cette façon.

Gaël lui obéit, prenant place sur la chaise, osant seulement la regarder à nouveau une fois qu’elle s’installa correctement dans le bain et que l’eau, bien que maigrement, permettait de camoufler un peu plus son corps.
Il aurait été difficile de se concentrer sans ça, il ne réalisait pas qu’elle en jouait un peu, se laissant totalement berné, ce qui lui convenait bien.

«-Je serais très heureux d’en apprendre plus sur vous Olga.»

Après tout, lors de leur première rencontre, ils n’avaient pas eu l’occasion de beaucoup parler, lui qui s’était toujours imaginer faire ce genre de chose avec une femme qu’il aurait prit le temps de connaître, quelque part c’était là l’occasion de se rattraper.
Il espérait que le corps, et la bienveillance qu’il avait déjà connus allaient de paire avec l’esprit. Pouvait-elle, comme dans les contes, cacher sous sa triste condition l’histoire d’une femme au noble coeur ? Dans ce cas, serait-il lui-même à la hauteur du protagoniste ?

Enfin, comme la dernière après-midi passée ensemble, malgré lui, il se laissa aller à la détente, il y avait quelque chose de reposant à être ainsi seul avec Olga, au-delà de l’intimité charnelle, il y en avait une plus naturelle, sur laquelle il ne pouvait poser de nom.
Gaël laissa ses épaules tomber, alors qu’il s’appuyait sur ses jambes, l’oreille attentive à la moindre anecdote qu’elle pourrait vouloir partager.

Je pris place dans l’eau tandis qu’il s’asseyais sur la chaise, affirmant qu’il serait content de m’écouter.
Rien que le fait de savoir que m’écouter lui faisait plaisir me réchauffait le cœur, faisant renaître un petit nœud dans mon ventre. De plus en plus, j’étais convaincue que quelque chose nous liait, une proximité, une confiance. Comme un accord silencieux, passé inconsciemment ensemble.
Je me tortillais un peu dans l’eau, appréciant la chaleur de l’eau sur ma peau, avant de m’appuyer contre le bord.
Et je sentais son regard se poser sur moi, après que l’eau ai dissimulé une grande partie de mon corps. Je savais que, malgré moi, j’en jouais… Bon, j’en jouais délibérément aussi, mais j’aimais sentir ses beaux yeux bleus venir lécher ma peau.
Je lui décochais un petit sourire.

Peut-être qu’en apprenant un peu qui je suis tu réussiras à te décider à me tutoyer !

Je lui lançais un clin d’œil pour m’asperger le visage, laissant l’eau couler sur mes traits. Alors, je me tournais dans le bac pour lui faire plus ou moins face.

Peut-être t’en es-tu aperçu par toi-même, mais je suis hendoise. Je suis arrivée il y a peu, par la mer comme beaucoup. Si tu as entendu parler du naufrage d’un navire, le Firmament, et bien j’étais à bord…

Je changeais brusquement de ton et je sentais mon visage se tirer. Je baissais la tête, la douleur revenant au galop.

Mes parents étaient de bons commerçants, nous avions une vie de qualité et relativement faste. Nous ne manquions de rien et pouvions profiter de certains plaisirs recherchés. Puis la mort qui marche est arrivée et nous avons dû fuir. Mon père et moi avons embarqué sur le navire mais ma mère n’a pas réussi à l’atteindre. Alors, tous les deux, nous avons survécu pendant plus d’un an sur le bateau, jusqu’à ce que la maladie n’emporte Père…

Je n’avais pas sentis mes larmes se remettre à couler, venant inonder mon visage pour se perdre dans le bain.

Puis nous avons échoué ici et cela s’est aggravé… Étrangère parmi les étrangers, je n’ai réussi à trouver personne qui accepte de me confier un travail. Malgré mes connaissances en gestion, que je sache lire, écrire et compter, que je connaisse les ficelles du commerce… Personne ne fait confiance aux étrangers. Alors…

Je m’étranglais, refusant presque de laisser sortir les mots qui suivaient.

Alors par nécessitée de survie, je n’ai eu d’autre choix que de vendre la seule chose qu’il me restait et je suis devenue une prostituée. Aujourd’hui, je me sens inutile, minable et inférieur à tous ces gens qui œuvrent pour le bien commun. Les miliciens luttent chaque jour pour notre sécurité, d’autres bataillent pour nous fournir des denrées. Moi…

Je relevais le regard vers le sien, cherchant un point d’accroche. A peine l’éclair bleu de ses pupilles fût-il visible que je fondais en larme.
Inutile, dispensable, sans intérêt… Je n’étais qu’un rebus, une charge.
Je fis disparaitre mon visage dans mes mains, prise de hoquets et de sanglots.
Mais, au fond de moi, un soulagement d’avoir enfin pu partager cela à quelqu’un se faisait sentir.

Désolé…Je… J’ai… De t’embêter avec cette histoire… Je… Je n’en avais…Jamais parlé avant… !

Je me recroquevillais dans mon bac d’eau fumante, les cheveux devant le visage, honteuse.

Bien sûr qu’il en avait entendu parlé, le naufrage avait bien agité la ville pendant des jours, il se rappelait avoir enchaîné les missions de surveillance avec sa coutillerie.
La pauvre jeune fille avait donc tout perdu, un peu comme lui, mais contrairement à Gaël pour qui la pente avait été longue et lui avait laissé des occasions de se ressaisir, Olga, elle, n’avait rien pu y faire, et tout lui était arrivé en si peu de temps.

Gaël l’écouta avec patience, n’osant pas interrompre la jeune femme qui avait l’air d’enfin pouvoir se libérer d’un poid, intérieurement il maudissait ces fous de commerçants incapables de tendre la main à leur prochain.
Alors qu’il était plongé dans sa colère, il aperçut quelques larmes glisser le long des joues d’Olga, avant qu’elle ne les masque en plongeant sa tête dans ses mains.

Il n’était pas trop sûr de ce qu’il était censé faire, il posa une main hésitante sur son épaule, massant et caressant gentiment l’endroit, pour essayer de l’aider à faire passer le chagrin.
Le jeune homme essayait tant bien que mal de s’adapter, se demandant ce que sa chère petite sœur, plus douée que lui pour ces choses-là, aurait fait.

«-Ce n’est rien mademoiselle, je vous assure.»

Délicatement il se mit à nettoyer ses oreilles et son cou, pour la débarrasser de la boue alors qu’elle se reprenait de ses émotions, il voulait son geste calme.

«-J’ai… J’ai moi même perdu ma mère et mon ancienne vie… Je ne sais pas si je peux me permettre de dire que je comprends mais… C’est ce que j’ai à vous offrir.»

Sa voix était basse, pour cacher l’émotion tremblante sur les mots, parler de sa mère était toujours difficile, encore aujourd’hui. Pourtant il n'était pas sûr de pouvoir comparer sa situation à la sienne, lui il avait un travail dans lequel il se sentait utile et honorable, du moins la plupart du temps, et plus important encore, il avait toujours sa petite soeur adorée.

Ne pas être interrompue, ne pas se faire chasser, ne pas s’entendre dire qu’il est futile de remuer le passer, ne pas se prendre en pleine figure que l’on est juste bonne à écarter les cuisses pour deux sous.
Rien de tout cela n’avait eu sa place dans cette pièce.
Parce que j’étais dans un cocon. Une fois de plus.
Ce jeune homme, sans que je sache ni comment, ni pourquoi, ni même s’il en avait conscience, ouvrait pour moi un morceau de lui. Il m’avait écouté avec patience et, tandis que je fondais en larme en dissimulant mon visage étiré de douleur, ses premières paroles furent pour me rassurer.
Non, je ne l’embêtais pas.

Entendre cela fit rouler le nœud de mon ventre et calmait la souffrance de mon cœur, tout comme sa main sur mon épaule nue.

Mer… Merci, Gaël… ! Dis-je d’une voix chevrotante.

La tête toujours dans mes paumes, je fus parcourue par un puissant frisson lorsque je sentais ses doigts sur mes oreilles. Après quelques instants, j’ouvrais des yeux ronds derrière mes mains. Je dus m’y reprendre à plusieurs fois pour être certaine de comprendre qu’il faisait.
Je ne rêvais pas, il était en train de me laver les oreilles avec une douceur qui laissait croire à de douces caresses.
Quelque chose bougea dans mon esprit et dans tout mon être. Il m’avait vu nue, nous avions fait l’amour et je lui avais partagé ma douleur. Alors, je laissais retomber mes mains, libérant mon visage. La honte que j’avais qu’il me voit pleurer venait de disparaitre.
Aujourd’hui, il était, dans le monde des hommes, celui qui me connaissait le mieux !
Je lui lançais un mince sourire.

Merci d’être là pour moi…

Ce que je ne savais pas, c’était qu’il était plein de surprises. Je frémissais quand il me frotta le cou, comme si des picotements me parcouraient la peau au contact de la sienne.
Si ma surprise c'était arrêté là ! Mais non !
A son tour, bien que succinctement, il évoquait ce que lui avait perdu et lorsqu’il eu terminé, je plantais mon regard dans le sien.

Tu m’offres mieux que de la compréhension Gaël, tu m’offres ton temps et, par-dessus tout, tu m’offres ton oreille sans me juger… Chaque perte est douloureuse, mais trouver quelqu’un avec qui partager cette douleur, c'est ce qui permet de la rendre supportable, alors… Merci d’avoir été ce quelqu’un !

J’avais senti la légère vibration de sa voix et, je me prenais à penser que le peu qu’il venait de me dire était déjà énorme pour lui. Alors, à voix tout aussi basse que lui, j’ajoutais :

Si tu veux raconter ce qu’il t’est arrivé, je t’écouterais. Si tu ne le souhaites pas, je te comprendrai et ne te jugerai pas plus. Mais lorsque tu le voudras et que tu sera prêt, je serais là !

Je refermais les yeux, me laissant aller contre le rebord, profitant de ses soins.

C’est très agréable ce que tu fais, ne t’arrête…

Je ne pouvais finir ma phrase, craignant de lui demander de continuer, ne me fasse passer pour la prostituée que j’étais. Je ne me voyais pas comme telle pour lui, mais je craignais une mauvaise interprétation de mes désirs.

J’aimerais que tu continues… J’aime ta douceur quand tu me touches, c’est… bon !

Je sentais mes joues rougirent, mais j’avais décidé d’assumer mes réactions face à lui, de ne rien cacher à celui de tous qui me connaissait le mieux.

Gaël rougissait à vue d'œil sous tous ces compliments. Il était sincèrement heureux d’avoir réussi à être un bon compagnon.

«-Ce… Ce n’est rien Olga. Je t’assure.»

Il continuait doucement ses mouvements, voyant le corps de la jeune femme se détendre sous ses mains, il remonta ses manches pour éviter de les mouiller.

Il resta pensif à son offre, il aurait bien voulu partager avec elle, mais il y avait tant de choses dont il avait encore honte, et étrangement, il voulait apparaître sous son meilleur jour pour elle.

«-C’est très généreux de votre part… Peut-être un jour. J’aimerai profiter de ce moment surtout.» Il réalisa ce qu’il venait de dire après, et son visage devint écarlate.

«-B-bien sûr !» Bégaya-t-il alors qu’elle l’encourageait à continuer ses caresses.

C’était presque devenu un massage désormais, il profita de la position nouvelle pour continuer dans son dos, c’était un autre genre de contact que la dernière fois, il pouvait prendre plus de temps pour découvrir son corps à elle. Plus elle frissonnait, plus il sentait ses muscles se détendre sous ses doigts, et plus lui-même se surprenait à se laisser entraîner dans la douceur.
Olga semblait avoir besoin de ce touché innocent, et lui aussi bien qu’il n’en avait pas conscience.

«-Vous êtes très belle Olga.»

Osa-t-il dans un souffle, alors qu’il remontait dans sa nuque, chaque mouvement possédait une certaine retenue pour ne pas la blesser, il accordait une grande attention à chaque caresse qu’elle appréciait et tentait de les varier.
Il lui laissa un moment pour qu’elle puisse apprécier, mais le bain finirait par refroidir à son grand regret.

«-Vous devriez terminer de vous laver avant que l’eau ne soit trop froide.»

Malgré sa suggestion, il continuait le massage.

C’est peut-être rien pour toi, mais c’est précieux pour moi.

Voici comment je répondais lorsqu’il affirma ne pas avoir fait grand chose. Alors, comme je m’y attendais un peu, il remettait à plus tard sa propre histoire. J’en étais certaine maintenant, il n’était pas prêt. Je sentais que ce n’était pas un problème de confiance mais je cessais là ma réflexion, surprise par la deuxième partie de sa phrase. Il voulait profiter de ce moment.
Je clignais des yeux, ébahis.
Ne se faisant guère prier pour poursuivre ses caresses, je comprenais qu’il parlait de ce nouveau moment que l’on était en train de voler à l’humanité. Seuls tous les deux, dans une intimité pleine de douceur, de sensibilité et de naturel.

Je laissais filer un son, proche d’un ronronnement, lorsqu’il s’attaqua à mon dos. Je me sentais frissonner et gigoter sous ses doigts qui me parcouraient. C’était bien la première fois que l’on me touchait ainsi, dans un massage approximatif, mais plein de bienveillance.
Je m’autorisais même à croire qu’il y avait dans sa gestuelle, un peu de désir.
J’aimais qu’il me touche et, j’espérais qu’il aimait me toucher.
Il déplaçait ses doigts en fonction des réactions de mon corps et il m’abandonna même un compliment qui me fit rougir. J’eus toute la peine du monde à prononcer ma réponse qui s’échappa dans un souffle rauque.

Merci Gaël…

Je fermais les yeux, profitant sans honte de ce traitement délicieux.
Finalement, après un temps qui parut bien court, il me conseilla de finir ma toilette avant que l’eau ne soit trop froide. Pour autant, il n’arrêtait pas ses gestes et j’avais l’impression qu’il me transportait.
Cependant, il avait raison. Même s’il me trouvait belle, il m’avait assez vu sale. Alors, un petit sourire en coin, je glissais lentement dans l’eau pour m’immerger complètement. Je frottais mes cheveux pour les nettoyer avant de ressortir la tête de l’eau.
Je fis passer un doigt mouillé sur sa joue avant de lui caresser le cou.

Les joues roses, je me levais alors pour me montrer pleinement à lui, un doigt sous son menton pour guider son regard. Ses caresses me manquaient déjà, mais savoir son regard sur ma peau m’électrisait tout autant.

Maintenant que je suis enfin présentable, si tu… Si tu continuais dans le lit ?

Mes joues chauffaient à cause de cette demande mal dissimulée. Je voulais qu’il continue ! Mon corps le voulait et moi aussi.
D’une douce pression sous le menton mal rasé, je le fis se lever, ne quittant pas ses prunelles bleues.
Alors, je déposais un baiser léger sur ses lèvres.
Ce baiser, je ne l’avais pas vu venir, mais il était venu avec un naturel affolant. Comme si c’était LA chose à faire en cet instant précis.
J’enjambais le rebord du bac, venant pratiquement contre lui. Je croisais son regard, lui laissant tout le loisir de voir l’envie qu’il y avait dans le mien. Je frôlais sa joue de la mienne pour murmurer à son oreille.

J’aime vraiment beaucoup comment tu me touches Gaël.

Gaël resta bouche bée, du moment où le doigt se déposa sur sa joue, y glissant quelques gouttes, en passant par la proposition qui se voulait scandaleuse, et devant la grâce dans le mouvement de ce corps nu sortant du bain, jusqu’au baiser si naturel qui se déposa sur ses lèvres.

Plus rien ne pouvait sortir de sa bouche, ni même un son, tant mieux car sinon il aurait sûrement bégayé. Cette femme lui faisait tourner la tête, il était incapable de lui dire non, cette décadence, cette aisance, couplé à sa timidité et à son innocence, donnait un mélange qu’il était improbable de ne pas vouloir gouter.

Il se ressaisit, peut-être ne voulait-elle que prolonger le massage, rien de plus, certes, une fois elle lui avait donné son corps, cela ne voulait pas dire qu’elle voulait recommencer.
Pourtant il ne pouvait s’empêcher d’en avoir envie, ce n’était pas raisonnable, lui qui d’habitude était justement si raisonné, les femmes ont bien des talents.

Alors que la joue douce frôlait la sienne, et que les mots se glissaient dans son oreille, il se sentit déborder d’émotion, c’était plus fort que lui, il l’enlaça entièrement, se serrant contre elle, dans un plongeon contre la peau mouillée.
C’était tout ce qu’il aurait pu désirer, la serrer contre lui, il la souleva du sol, ce qu’elle pouvait être légère, pour la tenir encore plus et juste profiter de l’instant.

Gaël sentait son coeur battre à tout rompre, il se demandait si elle pouvait l’entendre, ou le sentir à travers ses vêtements, il aurait dû en être gêné, mais après tout, qu’est ce que cela changerait ?
C’était spécial, comme la première fois.

«-Vous allez attraper froid mademoiselle Olga.» Rit-il dans son cou, ne la lâchant pas pour autant.

Oup !

Je laissais échapper un petit cri de surprise lorsqu’il me souleva après m’avoir enlacé. J’enroulais mes bras derrière sa nuque, passant mes jambes autour de sa taille tout en lui souriant. Contre lui, je sentais une cavalcade dans sa poitrine qui semblait se communiquer à la mienne. Mon cœur, comme le sien, avait soudainement accéléré aussi.
Je ne pus me retenir de rire avec lui lorsqu’il m’annonçait que j’allais avoir froid.

Je compte sur toi pour m’éviter cela mon beau Gaël… !

J’avais laissé la phrase m’échapper dans un soupir. J’étais terriblement bien contre lui. Encore une fois, les choses se faisaient naturellement entre nous et, même si une légère gêne toujours aussi étrange semblait nous étreindre, cela n’en rendait l’instant que plus puissant.
Je tournais la tête pour regarder le lit avec insistance avant de plonger dans son regard, les joues roses.

Tes habits vont être mouillés…

Alors, pour essayer de ne pas dire le fond de ma pensée, pour ne pas sembler quémander, je capturais ses lèvres, mes serrant plus fort contre lui.

Rien de cette ampleur ne devrait arriver aussi vite, c’est ce que tout les sages du monde vous dirait, un baiser ne se devrait pas d’être partagé, le corps dévoilé, pas après seulement quelques instants.
Et pourtant qu’est ce qui retient les malheurs de s'abattre en surnombres avec une violence extrême et en si peu de temps ?

Le bonheur avait possiblement sa part à jouer dans les moments inattendus, qu’importe au final, les deux imbéciles étaient bien sincères dans leurs intentions, pas d’échange, pas de promesse, un simple baiser et plus si affinité.

Certainement ce qui lui donnait ce goût si particulier, le goût de sourires non réprimés sur les lèvres de deux amants imprévus.
Les lèvres ralentirent dans leur passion, laissant le calme s’interposer, Gaël souriait à un point que ses yeux s’en plissaient, il frotta son nez contre celui d’Olga.

«-Je ne plaisantais pas…» Il posa ses lèvres sur les siennes brièvement, avant de l’asseoir sur le lit et d’enfin l’enrouler dans la couverture.

Gaël prit son temps, essayant presque de l’emprisonner dans un petit cocon de tissu, satisfait de son travail et toujours autant amusé de la situation, il la tint par les épaules accroupit devant elle, un peu narquois mais bienveillant.

«-De la soupe ? Elle est sûrement un peu froide maintenant, mais il faudrait vous nourrir.»

Il détourna son regard pour le poser sur les deux bols oubliés à côté de sa besace.

La tendresse dont il faisait toujours preuve à mon égard était un régal. J’avais libéré mon cœur d’une pression énorme et non seulement il m’avait aidé à le vider, mais il était en plus en train de le regonfler. Son baiser fugace me prit aux tripes alors que je le laissais me déposer sur le lit pour m’enrouler dans la couverture. Mon sourire ne s’estompait pas.

Moi non plus, je ne plaisantais pas. Je savais que je pouvais compter sur toi pour ne pas avoir froid…

Alors, il s’accroupissait devant moi, les mains sur mes épaules et j’étais comme sa prisonnière, dans une entrave de tissu. Je posais un baiser sur son nez, comme pour répondre à frottement qu’il m’avait fait. Il me parla alors de la soupe, que j’avais complètement oublié. Je hochais doucement la tête, taquine.

Emballée ainsi, je crois qu’il ne te faille me nourrir toi-même…

J’eus un frisson en imaginant cette image de Gaël me donnant la cuillère. Il y avait un tel…Une telle intimité dans ce genre de gestes que j’en rougissais d’avance.
Je savais que je devais manger un peu, aussi je me faisais violence pour taire la petite voix en moi qui hurlait tout autre chose.
J’avais envie de lui, de son corps, de sa peau contre la mienne, de ses doigts, de ses lèvres aventureuses, de sa douceur et de sa tendresse.
Je me contentais de fermer les yeux pour délicatement frotter ma joue à la sienne avec un léger soupir.

Avec attention il avait ramené les deux soupes, il ne voulait pas faire preuve de maladresse et risquer d’en renverser, non seulement l’aubergiste risquait de ne pas en être heureux, mais Olga venait tout juste de se laver.

Gaël reprit place à côté de son amie, posant en retour à son frottement de joue sa tête contre la sienne. Il la laissa se réinstaller pour pouvoir manger comme il lui convenait, ce n’était pas que l’idée de la nourrir le dérangeait, il avait surtout peur de tâcher quoi que ce soit.

«-Je ne pense pas que cela soit une très bonne idée avec quelque chose d’aussi… Instable ? Que la soupe.»

Il se montrait amusé de la proposition, esquissant un sourire tout en commençant lui même à manger, la soupe n’était pas fameuse, surtout tiède, mais elle n’était pas à recracher pour autant, et c’était agréable de sentir son ventre se remplir un peu par cette journée froide.

«-J’espère que la soupe est à votre goût. Vous pouvez être honnête, j’imagine bien que vous avez goûté à des plats plus… Enfin je pense.»

Après tout, si ses parents avaient été de bons commerçants comme elle avait dit, alors certainement avait-elle eu l’occasion d’avoir une vie plus riche, avant, un peu comme lui.

«-Oh ! Puis-je vous demander votre avis de femme sur quelque chose?» Demanda Gaël sous l’impulsion d’une soudaine réalisation.