Marbrume


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 Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher

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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyMer 23 Nov 2022 - 22:15
Usson - Ferme Dumas
27 mars 1667

- « Archibald dit que ton colis serait dans un sale état mais arrivé quelque part en ville. Le problème c’est qu’il reste introuvable, probablement parce qu’il est passé dans les mains de plusieurs fournisseurs. Il est désolé et dit qu’il continue de chercher la caisse de panais dans laquelle sont tombés tes précieux dessins. »

Elle avait fondu en larmes avant de prendre dans ses bras le messager –qui ne comprenait rien ni au message, ni à l’émotion de la fermière- pour le remercier dans un murmure. Depuis qu’Isak avait passé, seul, la barrière marquant l’entrée de la ferme Dumas au début du mois de janvier, la vie de la fermière s’était arrêtée. Les cousins et leur équipage avaient affronté des rivaux, et pour une fois, ils n’avaient pas eu le dessus. Le bateau avait été amoché, les gars aussi, et Darius avait été fait prisonnier. Après des moments doux et beaux lors de chaque passage de son pirate, elle allait être dévorée par l’inquiétude durant de longues semaines.

Était-il blessé, la dernière fois qu’il l’avait entrevu? Qui était le capitaine ennemi? Pourquoi en étaient-ils venus à se battre? Dans quel état se trouvait l’adversaire? Où l’emmèneraient-ils? Et pourquoi lui? Mille questions, auxquelles Isak n’avait pas toujours su –ou pu- répondre durant les quelques jours passés à la ferme, le temps de se remettre sur pieds. Et puis…

- « C’est pas en restant ici que je saurai ce qui lui est arrivé. Je dois aller là où les marins se retrouvent. Là où je peux être abordé pour une rançon. Là où j’entendrai les ragots. Dès que j’apprends quelque chose, je te le fais savoir. Les messages viendront d’Archibald. »

Isak était parti à Marbrume, convaincu qu’il aurait tôt fait d’apprendre quelque chose, à condition de traîner au port et d’écumer les tavernes. Mathilde était restée à la ferme, ralliant fréquemment le petit port non loin du plateau, pour recevoir chaque semaine la même nouvelle : le paquet de dessins n’avait pas été retrouvé. Jusqu’à cette journée de la fin du mois de mars où, enfin, « Archibald » avait trouvé une piste. Darius était amoché mais vivant, et sans doute était-il contraint de changer de place pour éviter d’attirer l’attention. Pourquoi ne venait-il pas se réfugier à la ferme? Avait-il encore des ennuis? S’était-il échappé? Avait-il monnayé sa liberté contre… contre quoi? La nouvelle apportait finalement un flot de questions qui submergeaient complètement l’esprit de la jeune femme. Usée par l’attente, Mathilde se mit en route, non sans mettre ses affaires en ordre. Personne ne savait quand elle rentrerait.

*****

Marbrume
4 avril 1167

Marbrume n’avait jamais été aussi belle dans les yeux de Mathilde. Chaque pas la rapprochait de Darius, et même si la route avait été particulièrement longue, à cause des journées courtes, de la pluie qui l’avait retenue deux jours à l’abri à Sarrant et d’une nuit blanche dans les ruines d’une bourgade désertée depuis longtemps, non loin de Conques, la paysanne n’avait jamais été aussi heureuse que d’humer la puanteur de la ville.

- « On y est » murmura-t-elle en caressant son ventre, qui s’était à peine arrondi malgré une grossesse déjà avancée. Seul signe de sa présence, la ceinture qu’elle portait était moins serrée qu’à l’accoutumée. L’enfant avait commencé à remuer, lorsqu’elle s’allongeait, comme s’il cherchait à manifester discrètement sa présence à celle qui serait mère dans quelques mois. Bénie par Serus, la petite étincelle de vie s’était accrochée dans ses entrailles quelque part à la fin de l’automne. Il avait fallu le sourire approbateur d’une voisine pour confirmer l’impensable : Mathilde n’était pas stérile, et sa piété avait été récompensée par un cadeau infiniment précieux. « On va le trouver ».

Deux heures après avoir montré patte blanche à la porte sud, Mathilde avait remonté la Grande rue des Hytres. Elle avait fait un arrêt au Grand Temple, pour déposer une offrande aux Trois, prier pour la vie de son aimer et… poser quelques questions au sujet d’un éventuel marin blessé. Elle avait ensuite repris son chemin, pour bifurquer vers l’est en direction du port. Depuis son départ du Labret, son esprit avait retrouvé une certaine tranquillité. Les questions s’étaient tues, pour laisser place à l’action. Son plan était simple : rallier Marbrume, retrouver Isak –sans doute au port- et l’aider à remonter la piste de Darius. Elle pourrait peut-être inspirer la confiance de quelques personnes et recueillir des confidences… ou peut-être pas. Il fallait qu’elle essaie, pour ne plus se sentir impuissante, pour aider son mari, pour retrouver son aimé.

La nuit tombait quand elle poussa la porte de la quatrième taverne du port. Embrassant la salle du regard, elle finit par repérer la carrure de celui qui était devenu son cousin. Assis à côté de l’une des petites fenêtres, Isak la repéra tout de suite malgré le capuchon qui dissimulait partiellement le visage de la fermière, mais ne lui fit pas signe d’approcher. Il discutait avec quelqu’un dont Mathilde ne voyait que le dos, et qu’elle ne connaissait sans doute pas. Elle alla droit vers le bar, déposa une pièce et commanda une bière. Ça la détendrait.

-« T’aurais pas du faire le voyage Mathie. C’était pas prudent » fit une voix à sa droite, près d’une heure plus tard. Désormais installée à une table, elle regarda Isak prendre place face à elle, la mine inquiète.
- « Rien n’est prudent en ce moment, Archibald. Y a la Fange, les bandits, les bannis, et les fermières qui tournent en rond et qui crèvent d’inquiétude. J’ai besoin de voir la ville. Je suis venue le chercher et tu ne pourras pas m’en empêcher. »
- « Et tu comptes faire comment, exactement? »
- « Eh bien c’est toi qui va me le dire, Archi. Y a rien au Grand Temple. Y a rien dans les trois tavernes que j’ai visitées. Je pourrais retrouver un endroit dans les bas-quartiers, demain. Une intuition. Mais je veux surtout savoir tout ce que tu sais, parce que je ne quitterai pas Marbrume sans lui. A qui tu parlais? »

Isak/Archibald soupira. La petite fermière du Labret n'écoutait jamais. Il lui avait dit de rester chez elle, en sécurité, entourée de ses voisins et de ses amis. Il lui avait dit de prier et de faire ce que toute femme de marin fait : guetter les nouvelles. Pourquoi avait-il fallu que ce con de Darius s’entiche d’une femme aussi butée? Elle l'aimait, c'était indéniable.

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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyJeu 24 Nov 2022 - 3:20
Quand Isak repère la fermière du coin de l’œil, il retient simplement un soupir. Quelques mois auparavant, il se serait probablement étouffé avec sa gorgée de bière en l’apercevant. Mais depuis que son cousin a épousé Mathilde, il a appris à la connaître. Assez pour savoir qu’elle est parfaitement capable d’ignorer la recommandation la plus raisonnable – soit celle de rester en « sécurité » au Labret pour protéger son enfant – lorsqu'il est question de Darius. Assez pour savoir qu’elle ne décollera pas de Marbrume tant qu’elle ne sera pas accrochée au bras de son mari.

Isak ne précipite pas la conversation et attend que l’homme qui partage sa table sorte avant de rejoindre la fermière à la sienne. Sa bienveillance envers l’épouse de son cousin le pousse à lui répéter qu’elle n’aurait pas dû faire le déplacement et à lui reprocher son manque de prudence. Ses sourcils froncés trahissent son inquiétude tandis qu’il examine Mathilde. Elle ne semble pas blessée. Peut-être un peu fatiguée, mais le voyage a dû être long, surtout dans son état. Il soupire. Quelle femme bénie par le fruit de Serus se lance-t-elle dans un périple entre le Labret et Marbrume? Mathilde Vortigern. Voilà quelle femme.

Isak dépose son gobelet à moitié plein sur la table. Il balaie la taverne du regard avant de répondre à la question de Mathilde :

« À un pêcheur qui connaît un marchand qui connaît... qui connaît je sais plus qui, mais qui, ultimement, connaît le frère de l’épouse d’un aubergiste de Marbrume. Et l’épouse parle souvent aux serveuses. Ou quelque chose du genre. Bref, ça vient de loin, mais un type qui correspond à la description de notre ami commun aurait été aperçu tard hier soir dans une auberge de La Hanse. »

Isak reprend son gobelet et boit une gorgée de bière.

« Je transmis le message dès que j’ai commencé à entendre des rumeurs. J’ai remonté les pistes et j’ai visité plusieurs endroits jusqu’ici, sans succès. Il est quelque part ici. Mais il bouge, ce qui me laisse croire qu’il se cache ou qu’il veut juste pas être trouvé. »

Pourquoi Darius n’a-t-il pas donné signe de vie à Mathilde? Isak sait qu’ils ont tous deux convenu d’un système de rubans de couleur pour se donner des nouvelles en cas d’absence prolongée. S’il n’a rien envoyé à Mathilde, est-ce parce qu’il est toujours poursuivi? Sait-il que les membres de son équipage sont, pour la plupart, en vie, et que le navire a réussi à naviguer jusqu’à Usson malgré quelques dommages?

« T’aurais pas dû venir, répète-t-il. Qui sait dans quelle merde il est ou quelle idée il a en tête? »

Isak soupire de nouveau et secoue la tête. Il finit ensuite sa bière d’une traite.

« J’ai l’adresse, annonce-t-il finalement. On y va. Tu marches accrochée à mon bras et, pour l’amour des Trois, tu restes derrière moi s’il y un signe quelconque de danger. Je donne pas cher de ma peau s’il t’arrive quelque chose pendant que t’es avec moi... »

Sur ces paroles, il se lève et tend la main à Mathilde. Ils ont un pirate à trouver.

***


Occupée à nettoyer les dernières tables de la petite salle commune de l’auberge La Rose écarlate, Jasmine bâille et relève à peine la tête lorsqu’elle entend la clochette de la porte tinter.

« Vous arrivez trop tard pour un lit, c’est complet depuis le repas du soir, lâche-t-elle. Vous pouvez tenter votre chance au coin de la rue si vous voulez pas dormir dehors. Ils ont un gros problème de rats, par contre... Mais vous l’avez pas entendu de moi.

- C’est gentil, mais on vient pas pour une chambre, répond poliment Isak. Je m’excuse de vous déranger si tard, mais avec mon épouse, on cherche mon frère. On a entendu dire qu’il séjournait parfois ici... Il est arrivé quelque chose à notre mère et on a besoin de lui à la maison.


- J’aimerais pouvoir vous aider, dit Jasmine en se redressant, torchon à la main, mais je vois passer beaucoup de gens ici.

- Grand gaillard, yeux clairs, une cicatrice juste ici, précise Isak en laissant glisser son doigt à l’endroit où Darius est marqué. Il me ressemble. »

La serveuse détaille Isak. Elle marque un silence d’hésitation, puis pose son regard sur Mathilde un instant avant de se remettre à nettoyer les tables.

« Peut-être, peut-être pas. Comme je vous ai dit, beaucoup de gens viennent ici et c’est pas mon travail de suivre leurs allées et venues, et encore moins d’en informer des inconnus. Les clients aiment la discrétion. Et j’ai mauvaise mémoire. »

Jasmine hausse les épaules et ajoute, pour conclure :

« Je peux pas vous aider. Je vais bientôt fermer pour la nuit, alors... »

Isak jetta un coup d’œil à Mathilde. Serait-elle capable d’attirer la sympathie de la serveuse si elle se mettait à pleurer à chaudes larmes? Jasmine en sait plus qu’elle ne le dit. Elle a hésité. Elle a vu Darius, il en est certain. Peut-être est-il déjà parti, mais peut-être est-il aussi dans l’une des chambres de l’étage. Isak voit l’escalier à quelques pas de là seulement. La voix de la fermière s’élève.
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyJeu 24 Nov 2022 - 19:00
Isak était à peine plus avancé qu’elle, et les endroits qu’il avait visités ne lui avaient rien appris. Rien ne disait, d’ailleurs, que Darius n’y soit pas allé après le passage de son cousin. Silencieuse alors qu’elle écoutait le pirate, Mathilde regrettait de ne pas être allée voir la planque dans laquelle Darius avait décoché un crochet mémorable dans le nez du banni qui l’avait séquestrée.

Comment expliquer à Isak que venir à Marbrume était la seule chose qu’elle pouvait faire pour rester en vie? Chaque jour passé à se morfondre à la ferme était une petite mort en soi. Sa vie bien réglée, routinière, avait perdu tout son sens à l’instant même où elle avait appris que Darius ne reviendrait pas. Nourrir les animaux, puiser l’eau pour remplir les abreuvoirs, ramasser les œufs et bricoler quelques réparations ne suffisaient plus à son bonheur. Elle était celle qui jetait un œil chaque matin vers la barrière, guettant le retour de son mari. Elle était celle qui, régulièrement, s’en allait vers le petit port pour y chercher un ruban de couleur, et qui parfois revenait bredouille en ravalant ses larmes. Elle était celle qui courait sur le chemin pour sauter dans les bras de son époux, à chaque fois qu’elle reconnaissait sa silhouette, et qui se fichait bien des convenances alors qu’elle le couvrait de baisers. Elle était celle qui murmurait « Reviens-moi » à chaque fois qu’il tournait les talons pour partir sur son bateau. Elle était celle qui vivait avec cette inquiétude permanente de ne pas le voir revenir, inquiétude qu’elle dissimulait loin dans son esprit sous une couche d’optimisme. Pourtant, en épousant le maître des emmerdes, elle savait que ça arriverait… elle ne savait simplement pas quand. Lorsque la nouvelle était tombée, elle avait réussi à se montrer docile et patiente, mais près de trois mois s’étaient écoulés et sa patience avait atteint ses limites.

- « Je ne donne pas cher de la peau de celui qui se mettra entre Darius et moi. Mais c’est toi le patron. »

C’était tout ce qu’elle avait répondu à Isak avant de saisir sa main et de lui emboiter le pas. Elle avait envisagé tous les scenarios possibles et inimaginables. Darius était mort, ou grièvement blessé, ou s’était détourné d’elle pour tomber dans les bras d’une autre, ou était encore captif, ou fuyait une bande de pirates sanguinaires, à moins qu’il ne s’agisse d’une guilde de catins réclamant leur dû. Elle devait le trouver, elle devait savoir. Elle ne pouvait plus attendre sagement son retour.

***

En entrant dans la salle de la Rose écarlate, Mathilde se tait et s’applique à garder une attitude décontractée. En chemin, Isak lui a dit qu’elle se ferait passer pour son épouse, et qu’il prétendrait chercher son frère pour une histoire de famille. C’est lui qui mène, c’est lui qui parle et la fermière ne proteste même pas. Cette histoire est délicate, elle ne sait pas dans quoi elle met les pieds, et la prudence lui dicte de faire profil bas tant que cela est possible.

Pendant qu’Isak décrit l’allure de Darius, Mathilde observe la serveuse et la voit hésiter. Elle sait parfaitement de qui il parle, mais invoque le nombre de client, sa mauvaise mémoire et tente de les pousser poliment vers la sortie, pour la seconde fois. La fermière, incroyablement calme malgré la situation, jette un œil à son « mari » qui lui lance un regard entendu… et s’adresse à Jasmine.

- « Écoutez… je sais à quel point votre discrétion peut être précieuse pour vos clients, mais comprenez-nous, s’il vous plait. Nous avons fait une longue route pour que je puisse consulter des médecins au sujet de ma grossesse. Je vais devoir rester à Marbrume jusqu’à la naissance, pendant que mon mari repartira à la ferme où sa mère l’attend avec une jambe cassée. Les semailles ont commencé, il y a un travail monstrueux à accomplir et sans mon beau-frère pour l’aider, les récoltes seront mauvaises. Il n’est pas fermier mais il se débrouille bien quand on lui montre le travail. »

La serveuse regarde Mathilde, dont le visage se fait implorant.

- « C’est vital. Pour nous. Pour lui » ajoute-t-elle en portant une main sur son ventre, des larmes dans les yeux. « S’il ne peut pas nous aider, nous ne survivrons pas au prochain hiver » conclut-elle dans un souffle.

Jasmine pousse un long soupir. Visiblement, le couple ne lâchera pas le morceau, et les regards que l’homme jette vers les escaliers lui laissent croire qu’il est suffisamment désespéré que pour fouiller lui-même toutes les chambres… Les clients n’apprécieront pas. Le petit couple a réellement l’air désespéré, et la femme n’a pas du tout l’air d’être menaçante. C’est un bon point.

- « D’accord. Il était là il y a deux jours. Il est parti après que deux hommes - pas des habitués - soient venus prendre une bière ici. J'ai trouvé ça curieux. Je me suis demandée s'il les évitait. Je l’ai pas vu quitter, mais il a laissé de quoi couvrir son séjour. »

En vie. En vie il y a deux jours à peine, et capable de se déplacer librement. En fuite, peut-être, à moins que les deux hommes ne soient qu'une pure coïncidence. Mathilde s’accroche au bras d’Isak et, campant toujours son personnage, le regard avec inquiétude.

- « Par les Trois j’avais ce mauvais pressentiment qu'on le manquerait! Mon amour il faut le retrouver et le mettre en sécurité! » La fermière retient un Je t’en supplie qui sonnerait peut-être un peu trop intense.

- « Merci pour votre aide » répondit Isak, qui fit mine de tourner les talons avant de se raviser. « Est-ce que par hasard il aurait évoqué un endroit où on pourrait le trouver. On a déjà fait quelques auberges et mon épouse est fatiguée… »


Jasmine regarde le ventre à peine arrondi de la fermière, et songe qu’il faut vraiment être fou pour trainer une femme enceinte dans les rues de Marbrume, alors qu’elle a besoin de repos. Fou, ou fou d’inquiétude. Elle replace une chaise auprès de la table désormais plus que propre et met les mains sur ses hanches.

- « Je suis désolée, mais il était pas très causant et c’est pas mon genre de poser des questions à quelqu’un qui a pas envie de parler. Je suis là pour le service, pas pour les discussions philosophiques. »

- « Merci quand même. S’il repasse, dites-lui que son frère le cherche. Allons ma douce, tu dois te reposer maintenant » ajoute Isak en entrainant Mathilde vers la sortie.


***

Mathilde regarde les bâtiments alignés le long de la rue qu’ils arpentent en silence. Deux petits jours plus tôt, Darius était là. Elle aurait payé cher pour voir sa chambre, chercher des indices, s’allonge sur le lit qu’il avait utilisé pendant quelques temps. Où es-tu, Darius? Qui te suit?

- « Comment tu te sens? »
- « Exténuée. Ça me tue de le savoir si près, et complètement insaisissable. »
- « Je sais. Tu crois pas que ton enfant a besoin de repos? Et que sa mère prenne une bonne soupe? »

La fermière plissa les yeux. Isak commençait à la connaître. Lui imposer le repos ne servirait à rien, mais lui suggérer d’accorder un répit à son enfant, par contre…
- « Tu vas faire quoi, toi? »
- « Le tour de ses planques, encore une fois. Je vais voir si quelque chose a bougé. » Peut-être tomberait-il sur un indice, un objet qui lui indiquerait que Darius était là dans la journée.
- « D’accord. Je peux te demander un dernier service? »

Le « couple » a bifurqué vers une rue un peu plus large, au bout de laquelle se trouve une auberge dans laquelle Mathilde s’arrête à chacune de ses visites. La fermière est routinière, et donc prévisible, et elle mise là-dessus pour avoir la chance de retrouver Darius.

- « Parce que tu crois que je vais te laisser te promener dans les rues, seule, sans m’assurer que tu arrives saine et sauve à ton auberge? Je suis pas crétin. »
- « Je sais » dit-elle en riant doucement. Isak n’était pas aussi crétin que son crétin –mais adorable- cousin. « Je vais à la Rose Blanche, juste là-bas. Le propriétaire est un ami et un client, il a toujours une petite place pour moi. Non je te demande un autre service. Dans chaque planque que tu visites, laisse trainer ceci. » Elle sort un petit paquet soigneusement emballé dans un morceau de tissu. « C’est de la lavande. Si moi je ne peux pas le trouver, lui me trouvera… ne serait-ce que pour m’engueuler et me dire que je ne devrais pas être là. Un brin suffira. »

Isak lève les yeux au ciel. « Vous êtes épuisants avec vos codes. » Mais ce n’est pas bête. Pendant qu’il courrait après l’insaisissable, elle attendrait qu’il vienne à elle. Deux chances de le retrouver, chacun avec sa méthode.

- « J’ai appris ça en fréquentant des gens peu recommandables. On se retrouve ici, demain matin? »
- « D’accord. D’ici là, repose-toi, compris? »

Mathilde lui fait signe d’approcher et le serre dans ses bras. « Merci Isak. On va le trouver, je te le promets. »
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyJeu 24 Nov 2022 - 23:40
Isak laisse Mathilde parler. Il est à peine étonné de la facilité avec laquelle la fermière poursuit l’histoire qu’il a inventée. Même si elle est d’un naturel honnête, la jeune femme ne s’embarrasse pas de la vérité quand il est question de son mari. Ses mensonges ne font cependant de mal à personne. L’histoire de la pauvre femme désespérée de retrouver son beau-frère n’aura aucune répercussion sur Jasmine. Pour eux, par contre, les gains pourraient être importants. Pourraient.

Le témoignage de Mathilde a finalement raison des réticences de Jasmine, qui révèle alors qu’elle a vu Darius il y a deux jours. La réponse ne satisfait pas particulièrement Isak, car elle ressemble à toutes celles qu’il a reçues jusqu’ici. Le pirate remercie malgré tout la serveuse, qui n’a probablement pas de renseignements plus précis à leur fournir. Il la croit et ne l’embête pas plus longtemps, sortant en compagnie de Mathilde.

Une fois à l’extérieur, Isak insiste pour que Mathilde aille se reposer. Elle a fait un long voyage et accepte finalement d’aller s’allonger à l’auberge qu’elle visite chaque fois qu’elle débarque en ville. Isak la serre dans ses bras et lui recommande une ultime fois la prudence avant de la quitter, morceaux de lavande en main. C’est parti pour un énième tour des planques...

***


Le lendemain est à l’image des derniers jours : frustrant. Les informations qu’Isak et Mathilde parviennent à récupérer s’avèrent inconcluantes, soit parce qu’elles ne concernent pas l’homme qu’ils recherchent, soit parce qu’elles sont trop infimes pour véritablement les mener quelque part.

Isak suit Mathilde comme son ombre et ne la laisse jamais sortir de son champ de vision lorsqu’ils parcourent les rues de Marbrume. Hors de question qu’il lui arrive quoi que ce soit alors qu’elle est sous sa protection. Darius ne lui pardonnerait jamais. Il prétend même avoir besoin de s’arrêter tantôt pour boire ou manger, tantôt pour s’asseoir un moment, histoire qu’elle ne se tue pas à chercher son pirate de mari. Évidemment, il feint l’innocence la plus totale si elle lui reproche de la ménager. Elle n’accepterait pas de le ralentir, même si c’est la réalité.

Le soir venu, Isak abandonne encore Mathilde à l’auberge pour faire le tour des planques où il n’a pas eu le temps de déposer de la lavande la veille. Toujours pas de Darius en vue.

***


Même journée, même histoire. La routine reprend jusqu’à tard, trop tard. Isak ramène une fois de plus à l’auberge.

« Il m’en reste encore à faire, indique-t-il. Essaie de dormir un peu. Je te rejoins demain matin, même heure. »

Isak prend la main de la fermière et la serre entre les siennes pour l’encourager. Il lui sourit, puis s’éloigne sans rien ajouter. Il n’y a pas grand-chose à dire et ils le savent tous les deux.

***


La nuit est déjà tombée depuis plusieurs heures lorsque la serrure de la chambre Mathilde émet de légers cliquetis. Le bruit, de courte durée, est suivi du grincement caractéristique d’une porte que l’on ouvre doucement. Dans la pénombre, une silhouette pénètre dans la pièce dans un silence presque exemplaire, un silence uniquement trahi par le craquement du plancher de bois et le froissement des vêtements. La porte se referme. La serrure se reverrouille.

Le regard habitué à la noirceur peut distinguer une silhouette encapuchonnée. Différente, mais pas étrangère. L’oreille à l’ouïe aiguisée peut reconnaître une respiration familière. Le nez fin peut sentir un parfum de lavande auquel se mêle celui, salé, de la mer.

« Lâche ta dague, belle fermière, murmure une voix bien connue. C’est moi. »

Darius baisse sa capuche et fait un pas vers Mathilde. La faible lumière qui filtre entre les planches de bois de l’auberge éclaire son visage. Sa barbe, beaucoup plus fournie qu’à l’accoutumée, le rend difficile à reconnaître. Ses joues sont moins pleines, aussi, signe que les dernières semaines ont été bouleversées par la faim. Une nouvelle cicatrice qui monte dans son cou témoigne d’un coup presque mortel esquivé de justesse, d’une blessure guérie avec les moyens du bord. Le reste est invisible, dissimulé sous une longue cape noire, une tenue pour le moins inhabituelle pour le capitaine.

Malgré la pénombre, Darius commence à discerner les traits de Mathilde. Son cœur s’emballe aussitôt, débordant d’émotions contradictoires. Il ne l’a pas vue depuis des semaines, mais elle a occupé chacune de ses pensées, elle a habité chacun de ses rêves. Et pourtant, maintenant qu’il est devant elle, maintenant qu’il peut l’embrasser et la toucher, il reste là, immobile. Figé.

« Tu devrais pas être ici, dit-il dans un mélange d’inquiétude et de colère. C’est Isak qui t’a emmenée? Il est vivant? S’il est vivant, je vais lui défoncer la gueule, je... »

Il s’arrête et fait un pas de plus vers elle. Est-elle... Serus leur a-t-il retiré sa bénédiction? Darius ne voit pas le ventre arrondi de Mathilde. Fait-il trop noir? Sa robe de nuit est-elle trop ample? Ont-ils été punis à cause de lui, parce qu’il n’est pas revenu pour prendre soin de sa femme et de son enfant?

« Est-ce qu’il est... Est-ce qu’il est encore là? », demande-t-il dans un souffle, les yeux navigant entre le ventre de Mathilde et son visage.

Ses pensées se bousculent et traversent son regard clair à vive allure.

« Tu dois rentrer à la ferme, tu peux pas rester ici. »
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyVen 25 Nov 2022 - 16:47
Deux journées infructueuses. Deux longues journées à arpenter les rues, à scruter la moindre silhouette apparaissant à une fenêtre, à dévisager les passants, à ne rien trouver. Pourtant Mathilde ne perd jamais ni son calme ni sa patience. Elle semble sereine et heureuse, malgré ses inquiétudes, de pouvoir participer aux recherches. A quelques reprises, elle reprend le rôle de l’épouse d’Isak, pour essayer d’éveiller un soupçon de compassion dans le cœur de commerçants qui auraient pu croiser Darius, en vain.

Lorsqu'elle parle avec Isak, c'est de tout sauf de la piraterie. Il a la même ligne de pensée que son cousin : moins elle en sait, plus elle est en sécurité. Et ça la fait sourire, parce que maintenant qu'elle en a épousé un, ça sera difficile de faire gober à qui que ce soit qu'elle ne sait rien. Mais là encore, Mathilde ne dépasse pas la limite qu’ils ont instaurée. Pourtant, les Trois savent oh combien la moindre information pourrait éclaircir le mystère, et les aider à trouver celui qu’ils cherchent depuis longtemps maintenant.

Isak la couve plus que de raison, et elle n'hésite pas à le lui reprocher à plusieurs reprises. Mais il ne change en rien son attitude, et elle se plie à ses directives. Elle n’a pas le choix. Après tout, s'il décide de ne pas venir la chercher demain matin, elle se retrouvera toute seule pour continuer les recherches. Et si la lavande ne donne rien...

Au soir du deuxième jour, le regard qu’ils échangent avant de se quitter est lourd de sens. Ils crèvent d’inquiétude mais le fait d’être ensemble rend les choses plus supportables. C’est le premier coup dur qu’ils affrontent, en famille.

***

C’est la deuxième fois qu’elle se réveille, à cause d’une souris grattant le mur avec l’énergie du désespoir. Est-elle tombée entre les planches, dans le mélange de paille et de copeaux de bois sensé isoler le bâtiment du froid? Même les coups de Mathilde contre la paroi ne suffisent pas à l’effrayer. Résignée, la fermière se lève, sort de sa chambre, traverse le couloir plongé dans l’obscurité et descend sur la pointe des pieds dans la cuisine.

Fais comme chez toi, Mathie lui disait le propriétaire, à chaque fois qu’elle venait. Et c’est ce qu’elle faisait, à chacune de ses visites. Mathilde calmait généralement ses insomnies avec un bol de lait chaud. Honnête, elle le faisait ajouter sur sa note.

Les minutes s’écoulent dans le silence le plus total. Après une journée passée à croiser beaucoup trop de monde et à entendre beaucoup plus de bruits qu’elle n’en entend en un mois au Labret, la fermière savoure cet instant béni. Le lait une fois chauffé, elle regagne sa chambre, un bol entre les mains, referme soigneusement la porte derrière elle et s’installe sur le lit, seul meuble en plus d’une chaise en guise de table, de ce qui relève plus du placard que d’une chambre en bonne et due forme. Si la lavande ne fonctionne pas, comment lui signaler sa présence? Comment l’obliger à sortir de sa cachette sans alerter tout Marbrume?

Mathilde tique. La souris a recommencé son travail de grattage, ailleurs cette fois. Le bruit est… Non, ce n’est pas la souris. Quelqu’un est en train de crocheter la serrure de la porte! Les sens en alerte, aussi silencieusement que possible, la fermière pose son bol sur la chaise. Elle saisit sa dague pour la sortir de son fourreau, et s’allonge pour mieux surprendre l’intrus. Faites que ça soit lui. Pitié faites que ça soit lui. Une silhouette s’engouffre dans la chambre et referme la porte. Le cœur de la brune menace d’exploser dans sa poitrine, tant il bat fort. La silhouette verrouille la porte derrière elle. C’est lui. Oh bon sang ça ne peut qu’être lui! Le murmure qui suit le confirme aussitôt. Mathilde relâche sa dague et s’assoit sur le matelas.

Mille fois, elle a imaginé leurs retrouvailles. Mille fois elle a tempêté contre lui, l’a serré dans ses bras en riant, a pleuré contre son cadavre, a hurlé son nom depuis l’autre bout de la rue. Elle a prié les Trois de le ramener à elle. Et maintenant qu’il est là, elle peine à y croire. Debout, à deux pas d’elle, les joues creusées, la barbe négligée, un trait plus foncé sur le cou –sans doute une nouvelle cicatrice. Enfin l’odeur du sel et de la lavande lui parviennent. Le temps est suspendu. Les secondes semblent durer une éternité, jusqu’à ce que Darius rompe le silence en maugréant contre son cousin. Elle soupire. Ils ne valent pas mieux l’un que l’autre.

Nouveau silence. Elle ne l’a jamais vu aussi hésitant, aussi perdu. Qu’a-t-il traversé, dans les derniers mois, pour paraître si vulnérable? Il a fait un nouveau pas vers elle, et lui dit qu’elle doit rentrer. Nouveau soupir. Cette tendance à la surprotéger est épuisante.

Mathilde pose les deux pieds sur le plancher de bois. Elle n’aurait qu’à tendre la main…

- « Tu n’es pas le premier à me le dire. Isak a essayé de me renvoyer à Usson mais comme tu as épousé la plus têtue des fermières… Il te cherche depuis des semaines. Je suis venue lui prêter main forte. J’en pouvais plus de ne pas savoir. »

Sa voix tremble. En temps normal, elle lui aurait reproché son silence, son absence et aurait sans doute explosé en cris et en larmes. Peut-être se seraient-ils disputés au point de réveiller tous les clients de l’auberge, avant de se réconcilier en un regard et de finir la nuit ensemble en sirotant un alcool quelconque. Mais debout devant elle, il semble si fragile, si perdu, qu’elle en oublie ses angoisses passées. C’est un sentiment de profonde sérénité qui s’empare d’elle. Il est enfin là.

- « Donne-moi ta main » murmure-t-elle en faisant un pas vers lui, pour la poser sur son ventre à peine rebondi. « Notre enfant est encore là. Il adore se faire bercer par le pas de Marguerite, et remue à chaque fois que je me tiens tranquille un peu trop longtemps à son goût. Tu pourras le sentir, c’est tout léger mais c’est bien perceptible. »

Elle lui sourit et refreine une fois encore un sanglot. Maintenant toute proche de lui, elle constate que la blessure de son cou n’a pas été soignée par un professionnel. Elle ne pose pas de questions, même si elle brûle de tout savoir. Elle ne veut pas le faire fuir. S’il quitte la chambre maintenant, elle ne le reverra pas. Une chose à la fois.

- « Ton cousin est increvable. Il est venu à la ferme après la bataille. Tes gars vont bien, pour la plupart. Le bateau a morflé mais il a tenu jusqu’à Usson, et c’est réparable. Isak a été un bon patient et a gagné la ville dès qu’il a pu. Il m’a tenue informée dès qu’il avait du nouveau. Je suis là depuis quelques jours à peine, pour l’aider. C’est lui qui a parfumé tes planques, et il crève de trouille à l’idée que je sois blessée, parce que… » Mathilde feint la grosse voix d’Isak en fronçant les sourcils « … Je donne pas cher de ma peau s’il t’arrive quelque chose pendant que t’es avec moi ». Elle reprend sa voix normale pour continuer. « Merci d’être venu. T’es vraiment impossible à trouver tu sais. »

Mathilde sourit. Tout va bien Dar. Je suis là. Et je ne rentre pas sans toi. Ça prendra le temps qu’il faut. Elle pose une main sur la joue de Darius, enfonce tendrement ses doigts dans le poil dru de sa barbe et effleure du pouce les lèvres qu'elle a si souvent embrassées.

- « T’as pas regagné ton refuge, alors ton refuge est venu à toi. Je crois que tu as besoin de grignoter quelque chose. J’ai un demi bol de lait encore chaud et des petites choses dans ma besace. Tu veux retirer ta cape et t’installer un moment près de moi ? »

Des galettes, des noix, des biscuits secs et quelques tranches de viande de canard séchée. Un menu digne d’un banni qui doit survivre dans les marais. Elle paierait cher pour n’avoir qu’à déposer sa vieille marmite toujours prête à mijoter quelque chose sur la braise rouge, à la maison. Elle y réchaufferait un bouillon bon pour l'âme et le corps.

Sous la main de Darius, un léger mouvement se fait sentir malgré le tissu de la chemise de nuit. Comme s’il s’agissait d’une invitation à rester, l’enfant a remué exactement là où se trouve encore la paume de son père. La fermière rit doucement.

- « T’as senti ça? »

Délicatement, avec la même prudence qu’un homme essayant d’approcher un animal farouche, guettant la moindre réaction, le moindre recul, Mathilde enlace Darius. Loués soient les Trois. Vous me l’avez ramené. Donnez-moi le temps de prendre soin de lui, par pitié. Elle lui murmure :

- « Pour le meilleur et pour le pire, tu te souviens? Tu m’as tellement manqué, Dar. Et je t’aime tellement. La ferme est entre de bonnes mains. Tu es ma priorité. »

Elle n’ose même pas l’embrasser, mais il n’aurait qu’à se pencher pour cueillir ses lèvres ou simplement se blottir contre elle pour trouver un peu de calme et de réconfort au milieu de la tempête. Les dernières semaines ont été rudes pour lui, c’est une évidence. Et pour la première fois, Mathilde a l'impression qu'elle peut le protéger, quelle que soit la menace.
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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptySam 26 Nov 2022 - 22:03


Isak est vivant et il a déjà essayé de renvoyer la Mathilde à Usson. Darius sent un poids quitter ses épaules maintenant qu’il sait que son cousin est sain et sauf. Assez sauf pour être venu le chercher ici, à Marbrume. Et assez sain(t) pour avoir tenté de convaincre la fermière la plus têtue du Morguestanc de rentrer chez elle. Sans succès, mais on ne pourra pas lui reprocher d’avoir essayé.

La voix de Mathilde tremble. Elle est venue jusqu’à Marbrume parce que l’ignorance lui est devenue insupportable. Darius la regarde et acquiesce lentement. Il aurait pu lui donner signe de vie, lui envoyer un ruban pour lui éviter de croire au pire. Il ne s’excuse pourtant pas. Il a ses raisons de n’avoir rien fait.

Quand Mathilde s’approche, Darius tend sa main droite pour toucher du bout des doigts le ventre légèrement rebondi dans lequel grandit son enfant. Tandis qu’il trace la courbe de son index, il ferme brièvement les yeux et soupire longuement. Un nouveau poids abandonne ses épaules. Le bébé va bien et gigotte dès que sa mère se pose trop longtemps. L’ombre d’un sourire vient effleurer ses lèvres à ces paroles. Il n’est pas étonné que cet enfant ne tienne déjà pas en place.

Les nouvelles que Mathilde apporte d’Usson son meilleures qu’il a pu l’espérer. Isak et les gars vont bien, pour la plupart, et le bateau a été endommagé, mais reste réparable. Darius hoche de nouveau la tête. De quoi auront-ils besoin pour que le navire puisse reprendre la mer sans danger? Ont-ils toute les ressources nécessaires pour faire les réparations? Isak s’est-il déjà penché sur la question ou a-t-il employé toute son énergie à le retrouver? Darius espère que son cousin n’a pas perdu de temps à essayer de prendre les arrangements nécessaires pour repartir sur les flots. Les matériaux sont difficiles à trouver et l’équipage ne patientera pas éternellement. Ils vont devoir parler. Mais pas maintenant.

Merci d’être venu. T’es vraiment impossible à trouver, tu sais. Le pirate sort de ses pensées et pose son regard dans celui de son épouse. Elle a réussi à le trouver, elle. Un brin de lavande a suffi pour le faire sortir de sa cachette du jour. Il aurait pu trouver un moyen de lui transmettre un message pour lui demander de partir de Marbrume sans se montrer, mais il la connaît trop pour savoir qu’elle n’aurait rien écouté. Et en réalité, il ne serait pas parvenu à se convaincre d’une telle solution. Malgré toutes ses pensées contradictoires, même s’il reste pratiquement figé face à elle, il avait envie de la voir. Elle lui manque. Et là, tandis qu’elle l’invite à se restaurer et à s’installer près d’elle, tandis qu’elle lui fait sentir son enfant à naître en riant, il n’a qu’à une envie : la serrer contre lui et ne jamais la lâcher.

Quand Mathilde l’enlace, Darius referme finalement ses bras contre elle et glisse ses doigts dans ses cheveux.

« Mathilde... , murmure-t-il en appuyant son front contre le sien. Tu me manques, et je t’aime comme un fou, tu le sais... »

Il cueille un premier baiser contre les lèvres de Mathilde, puis un autre.

« Je peux juste pas revenir maintenant. Pas comme ça, pas sans avoir trouvé de solution, et pas sans leur avoir fait payer. C’est un “pire” que je veux pas pour toi. »

Darius se détache de Mathilde, puis se recule d’un pas. Il ravale avec colère et se détourne un moment avec hésitation. Après de longues secondes, il détache finalement la cape et la retire pour la laisser tomber par terre. Il est habillé à peu près normalement, même si ses vêtements et sa cuirasse ont vu de meilleurs jours. Son épée pend à hanche comme à son habitude. Mais là sa main gauche devrait se trouver, il n’y a rien. Son bras se poursuit jusqu’à un moignon qui, par un miracle des Trois, semble avoir guéri à peu près correctement malgré la gravité de la blessure. Il a perdu une main.

La mâchoire serrée, Darius met quelques secondes avant d’être prêt à reposer son attention sur Mathilde.

« Je vais foutre quoi comme ça? dit-il, la voix tremblante de colère. Je vais servir à quoi à la ferme, ou sur mon propre navire? Comment je vais prendre soin de toi et de notre enfant, vous protéger? J’ai du mal à m’habiller et à me torcher comme un con! »

Darius donne soudainement un coup de pied sur la pauvre chaise de bois, qui se renverse avec le bol de lait chaud. Il se recule et lève lentement une main vers Mathilde. Il respire de façon saccadée et tente visiblement de retrouver son calme.

« Je peux pas revenir comme ça, je peux pas. C’est pas moi, c’est pas l’homme que t’as épousé, Mathilde. Tu mérites pas ça. Et c’est pas vrai qu’on va regarder la fermière du Labret en disant qu’elle est courageuse d’être avec un infirme qui sait rien foutre. Je vais défigurer la première personne qui me regarde avec pitié. Enfin, si je suis encore capable. »

Il a un rire jaune avant de continuer :

« Tu m’aurais rencontré comme ça, t’aurais voulu regarder les étoiles avec moi sur le navire, belle fermière? Laisse-moi en douter. »

Darius s’éloigne et se penche pour ramasser la chaise. Le bol de lait chaud n’est pas brisé, mais le liquide a éclaboussé le plancher de bois.

« Ils vont payer. Je les lâcherai pas. »

Il relève la tête vers Mathilde.

« Tu vas faire quoi maintenant? »
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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyDim 27 Nov 2022 - 4:17
Des baisers. Enfin. Darius murmure des mots qui n’ont aucun sens. Pas comme ça. Bien sûr que si, il peut rentrer à la ferme. Dès demain, ils pourraient quitter la ville et regagner le Labret. Dans une semaine, ils passeraient la barrière de la propriété et…

C’est un long, un très long silence qui accueille la révélation. Darius a perdu une main dans l’aventure. Bouche bée, les pensées se succèdent dans l’esprit de Mathilde. Il a dû endurer une souffrance innommable. Il a dû avoir peur pour sa vie. Il a craint de devenir facilement identifiable. Il… se sent diminué. Si elle tenait le connard qui a osé faire du mal à son époux, la fermière l’étriperait avec une fourche rouillée.

Darius est en colère, et Mathilde fait même un pas en arrière lorsqu’il donne un coup de pied sur la chaise, d’où le bol dégringole, mais elle ne le quitte pas des yeux. Il est une montagne d’émotions et d’angoisses depuis des semaines, une marmite qui ne demande qu’à déborder. Si ça se trouve, il ne fuit personne d’autre que sa propre épouse, parce qu’il a peur du regard qu’elle va porter sur lui. Elle le sait, parce qu’ils sont fait du même bois : il préfère mourir que d’inspirer la pitié.

- « Ce qui je vais faire? Tu me demandes ce que je vais faire? » A quoi s’attend-il? A ce qu’elle plie bagages pour rentrer au triple galop à Usson? A ce qu’elle reprenne une vie presque normale, si cela est seulement possible, loin de lui? A ce qu’elle porte le deuil, pour donner le change, jusqu’à ce qu’elle rencontre un homme –ou une femme, ça ne serait pas une première- qui lui permette de passer à autre chose?! Le souffle de Mathilde s’accélère. Elle est fâchée. Qu’est-ce qu’il peut être con parfois!

- « Ce que je vais faire, Darius Vortigern, c’est commencer par t’obliger à t’asseoir sur ce lit. Et ne t’avise pas de dire non à une femme enceinte, parce que crois-moi, je suis capable de déplacer des montagnes, et c’est pas ta petite carcasse amaigrie qui va faire le poids ce coup-ci. » Joignant le geste à la parole, elle le saisit ferment par les épaules. Tous deux pivotent pour échanger de place et permettre à Darius de s’asseoir, de gré ou de force. Mathilde se tient devant lui, les poings sur les hanches, et de toute évidence elle fait de gros efforts pour ne pas exploser de colère.

- « Tu as parfaitement raison quand tu dis que tu n’es pas l’homme que j’ai épousé » reprend-elle, sur un ton sec. « L’homme que j’ai épousé est un homme qui a traversé les tempêtes sans jamais abandonner. Il est capitaine du navire à bord duquel des gars s’appuient sur lui et sur ses connaissances des mers pour survivre. Il négocie des tas de trucs comme personne, et s’arrange pour que tout l’équipage travaille dans la même direction. Il commet des erreurs et trouve toujours des façons d’y remédier, parce qu’il ne se laisse pas abattre et qu’il est de toute façon beaucoup trop fier que pour admettre qu’il a merdé. Il aime la mer plus que de raison, et ne peut pas survivre décemment plus de quelques jours sans retourner naviguer, parce que c’est toute sa vie. » Et les Trois savent ô combien la mer est la première maîtresse de Darius, et qu’aucune femme ne pourra le retenir sur terre.

- « J’ai pas fini. L’homme que j’ai épousé a eu le courage d’ouvrir à nouveau son cœur, même s’il a perdu des êtres infiniment chers et que c’est bien plus facile de ne plus s’exposer à ce risque. Il a le don de me faire vivre des émotions qui vont de la joie immense de le retrouver à la tristesse infinie de le voir quitter notre maison. Il trouve toujours une façon de me protéger, même s’il n’est pas là. Il est surprenant et attentionné, et c’est un compagnon idéal pour siroter de l’alcool de prunes avant de faire l’amour comme si c’était la dernière fois et que la fin du monde était prévue pour le lever du soleil. » Mathilde a toujours ce même ton sec qui énonce des vérités, ses vérités, et même si des larmes coulent maintenant le long de ses joues, sa voix ne tremble pas.

- « J’ai pas pris le temps de compter le nombre de doigts que tu avais, ni de vérifier si tes deux jambes étaient fonctionnelles avant de m’asseoir à côté de toi pour t’écouter me raconter les étoiles. Je me suis assise parce qu’en peu de temps, j’avais vu en toi un homme plein de contradictions, fort et doux, grave et drôle, nonchalant mais si profond, magouilleur mais tellement droit. Et c’est ce que tu es. Et c’est pas une main en moins qui changera ça. » Mathilde semble se radoucir. A bout de souffle, elle tire la chaise à elle pour s’asseoir face à Darius et se penche vers lui pour saisir doucement sa main. Tout dans son visage indique qu’elle n’a pas terminé, mais qu’elle doit simplement prendre quelques respirations pour se calmer… et c’est ce qu’elle fait, alors que ses doigts s’entremêlent à ceux de son époux.

- « Le Darius que je connais ne se laissera pas abattre pour une main perdue. Il va prendre le temps de soigner ses blessures, et avoir l’intelligence de s’adapter à la situation. Il va se fâcher de ne pas réussir tout du premier coup, mais il va utiliser cette rage pour se surpasser. Le Darius que je connais va demander à son cousin de l’aider à s’entrainer à l’épée dès qu’il le pourra, et ne se souciera même pas de ce qu’on peut dire autour de lui, parce que c’est un homme fier et qu’il fera taire les mauvaises langues d’un seul regard. Le Darius que je connais va guérir, et sortira de sa tanière pour aller étriper ceux qui lui ont fait ça d’une façon tellement spectaculaire que plus personne n’osera le défier. » Les larmes continuent de couler. La peur de le perdre a été immense. La colère de le voir si vulnérable à cause d’un autre est infinie. L’amour qu’elle a pour lui continue de déborder.

- « Je suis venue pour te retrouver, Darius, et je suis là avec toi. Je traverserais une mer de fangeux si c’était le seul moyen d’être avec toi. J’ai envie d’arracher à mains nues le cœur de ceux qui t’ont fait ça. Je pleure parce que je sais que tu as souffert, et que tu souffres encore. Je vais faire les seules choses que je peux faire : t’aimer et prendre soin de toi. Et toi Darius, tu vas faire quoi? Continuer à te comporter comme un infirme incapable ou relever la tête et redevenir l’homme que tu as toujours été? » Mathilde se penche pour attraper, au bout du lit, le linge qu’elle a utilisé pour sécher ses cheveux après sa toilette dans la soirée. « Parce que je t’annonce qu’il n’est pas né le gars qui m’obligera à ramasser ses dégâts, que t’es droitier, et que t’es tout à fait capable d’éponger le lait que t’as fichu à terre avant que ça ne sent le caillé dans toute la chambre. »

Elle sourit enfin. « Je t’aime, Darius. T’as pas idée à quel point je t’aime. T’es pas tout seul mon amour. T’as une épouse particulièrement butée qui va te remplumer, un cousin infiniment patient qui va se faire un plaisir de te rosser jusqu’à ce que tu lui bottes le cul à l’épée, et un équipage qui attend un seul ordre pour combattre aux côtés de son Capitaine. » Elle lui tend le linge -parce qu'elle s'attend à ce qu'il éponge le sol-, et songe que la personne qui a recousu la plaie de son cou mériterait aussi une paire de claques pour ce travail clairement improvisé.
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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyDim 27 Nov 2022 - 18:03
Le temps semble s’étirer après la révélation et l’éclat qui s’ensuit. Tu vas faire quoi maintenant? En posant cette question, Darius ne sait même pas quelle réponse il attend, ou s’il attend une réponse. S’il en veut une. Un instant, il songe juste à ramasser sa cape par terre et à planter son épouse là pour redisparaître. Qu’y a-t-il à dire de plus?

Mathilde en a long à dire, elle. Elle est en colère et se lance dans un long discours pour lui faire valoir sa manière de pensée. Et elle a bien l’intention de se faire écouter du début à la fin, car elle ordonne à son mari de s’asseoir et joint le geste à la parole. Darius la fixe dans les yeux et résiste à l’impulsion qu’elle donne sur son épaule. Il refuse d’obtempérer, pour la mettre encore plus en colère, pour qu’elle dise quelque chose qu’elle va regretter et dont il pourra se servir pour partir. C’était sans tenir compte de la ténacité de la fermière, qui n’abandonne pas son idée et qui le fait asseoir de force. Darius soupire profondément avec frustration et lève finalement « les » mains pour lui signaler qu’il va rester tranquille. Il ne résiste plus.

Tu as parfaitement raison quand tu dis que tu n’es pas l’homme que j’ai épousé. Le coup est plus dur à accuser que tous ceux qu’il a pu recevoir durant les événements qui l’ont mené à ce jour-là, dans cette chambre d’auberge. Il le sait, mais l’entendre de la bouche de Mathilde ne fait que grandir la honte et la colère qui l’habitent depuis les dernières semaines. Mais il ne dit rien. Cette fois, il écoute.

Le ton sec, les larmes roulant sur ses joues, Mathilde rappelle à Darius qui il est et pourquoi elle l’a épousé. Il ne la quitte pas des yeux et la laisse se saisir de sa main. Elle n’a aucune intention de le laisser être quelqu’un d’autre que celui qu’il a toujours été, et encore moins de se détourner de lui. Et toi Darius, tu vas faire quoi? Continuer à te comporter comme un infirme incapable ou relever la tête et redevenir l’homme que tu as toujours été? Le pirate grommelle. Je me comporte pas comme un infirme incapable, marmonne-t-il.

Mathilde se penche et lui tend un linge. Il a fait un sacré dégât avec le bol de lait chaud et il est hors de question qu’elle passe la nuit dans une chambre qui sent le lait caillé. Elle ne compte pas ramasser non plus. Le pirate jette un coup d’œil au torchon, puis au visage de son aimée. Le silence dure de longues secondes.

« Parce que j’ai le droit de me lever, maintenant? », lance-t-il en donnant un coup de menton vers le linge.

De sa main droite, il se saisit du torchon tendu par Mathilde. Il regarde ensuite son épouse dans les yeux, une lueur de défi dans le regard.

« Je suis droitier, pas femme de ménage », dit-il en laissant tomber négligemment le linge par terre – et en sachant pertinemment qu’il devra éponger tôt ou tard le lait.

Le linge abandonné, Darius glisse ses doigts dans les cheveux de Mathilde et ramène son visage vers le sien pour l’embrasser avec passion. Rien n’est réglé, mais à cet instant précis, c’est sans importance.

« J’y ai cru, cette fois, murmure-t-il en détachant ses lèvres de celles de son épouse. Que j’allais crever. J’y ai cru, mais c’est pas pour autant que j’ai abandonné, Mathilde. J’ai essayé de me casser d’un navire avec une main fraîchement amputée en moins. C’était un plan suicidaire, mais c’était le seul qui me donnait une chance de te revoir un jour. Et j’ai réussi. C’était pas comme ça que je voulais crever. Loin de toi. C’est juste... »

Son torse se gonfle d’une colère renouvelée, mais maîtrisée. Sous ses doigts, Mathilde peut le sentir tremblant. Ses blessures sont profondes et il enrage.

« C’est pas comme ça que je voulais te retrouver non plus, poursuit-il finalement. Une main en moins et encore en train d’essayer de faire avec. Je veux pas que vous m’aidiez, toi, Isak ou les gars. Je veux... »

Darius se tait. Elle sait ce qu’il veut, au fond, nul besoin de lui expliquer. Il veut être le Darius d’avant, celui qui peut diriger un navire, faire des réparations à la ferme, prendre sa femme dans ses bras et caresser chaque parcelle de sa peau du bout de ses doigts. À court terme, tout cela lui semble impossible. Enfin, pas impossible, mais il sait qu’il risque d’essuyer un nombre beaucoup trop important d’échecs pour sa fierté.

« J’ai pas eu assez de temps encore. Ça fait pas si longtemps que je suis arrivé à Marbrume. J’ai passé pas mal de temps à jouer à cache-cache avec les Fangeux et à espérer que je t’avais écoutée me parler des sortes de champignons comestibles et toxiques. »

Darius sourit finalement en coin. Ces champignons se ressemblent tous.

« Je dois faire quoi pour que t’acceptes de rentrer sans moi à la ferme avec le prochain convoi? », demande-t-il en posant sa main contre le ventre de Mathilde.
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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyLun 28 Nov 2022 - 0:31
Droitier mais pas femme de ménage. Elle hausse un sourcil devant le regard défiant qu’il lui lance, mais elle n’a pas le temps de lui répondre que déjà, ou enfin, il l’embrasse… et dans ces moments-là, elle ne peut plus être en colère. Même s’il l’emmerde avec son attitude, même si elle voudrait lui dire qu’elle n’est pas là pour le torcher, même si elle a furieusement envie de le secouer pour le ramener à lui. Ce petit con l’embrasse, peut-être parce qu’il en a envie, peut-être parce qu’il sait que ça va la calmer, et elle ne peut pas y résister. La preuve, c’est lui qui rompt le baiser pour admettre qu’il a cru qu’il ne survivrait pas.

Mathilde l’écoute. Ce morceau de l’histoire, elle ne l’a pas. Elle sait pour l’attaque, et le récit s’arrête au moment où Isak et les gars réussissent à retraiter sans Darius. Elle leur en a voulu, de ne pas avoir tout essayé pour récupérer leur capitaine, même si elle les comprend : blessés, largement inférieurs à l’adversaire, ç’aurait été du suicide. Mais quand même.

La main de Mathilde se resserre légèrement sur celle de Darius, qui tremble de colère. Une marmite prête à déborder… et ça va prendre du temps avant qu’il ne s’apaise. Du temps et une vengeance. Elle ne lui en voudra même pas de ramener une guirlande de mains sanguinolentes à la maison. Au contraire, elle l’accrochera au-dessus de la porte. Parce qu’à mesure que les minutes passent, un désir de vengeance s’anime doucement dans le cœur de la fermière.

- « Dar… C’est pas ça qui t’empêchera de naviguer en tant que Capitaine, ni de bercer cette petite chose quand elle viendra à la vie. Ça ne change rien. Ça va te demander des ajustements, c’est tout. Et je m’en fous de te voir ramer pour y arriver. Tu seras mon héros à chaque progrès. »

Elle sourit. C’est bien qu’il l’ait écoutée radoter sur les champignons. Qui sait combien de maux de ventre il s’est évité en choisissant avec soin ce qui ferait l’objet de son repas? Elle regarde la main qu’il pose sur son ventre et fait une petite moue.

- « Tu me le demandes. Tu me dis de partir et tu acceptes que je m’en aille en pleurant toutes les larmes de mon corps parce que le Darius que je quitterai est un Darius qui ne va pas bien. Si c’est pour lui que tu t’inquiètes, par contre, il faut que tu considères deux ou trois petites choses. »

Elle y a réfléchi durant le voyage. Certes elle déteste copieusement Marbrume, mais c’est un endroit idéal compte tenu de son état.

- « Si je reste ici, je peux travailler dans la cuisine de l’auberge pendant quelques semaines. Ça aidera le propriétaire, ça paiera ma chambre et ça me permettra de prendre deux repas par jour. C’est bébé qui profitera. En plus, je mettrai cet enfant au monde dans un endroit un peu moins sujet aux attaques de fangeux, et un peu plus garni de prêtres soigneurs. S’il y a un problème, je ne mourrai pas en attendant que le prêtre d’Usson daigne traverser la campagne pour arriver à la maison. Et cerise sur le gâteau, son père ne sera peut-être pas loin et pourra passer du temps avec lui pendant que sa mère se remet de la délivrance. Ça me parait presque idéal, même s’il faudrait que tu supportes mes râleries quotidiennes sur le manque d’horizon et la puanteur des rues. »

Le tableau ne peut pas être parfaitement idyllique après tout, mais elle s’y fera et n’en sera que plus heureuse de quitter la ville pour regagner sa maison au milieu de l’été.

- « Ou bien je reprends la route », ce qui n’est clairement pas sa solution préférée. « Si nous survivons aux fangeux, aux bandits et aux bannis qui poussent comme de la mauvaise herbe, nous arriverons dans une semaine au Labret pour trimer aux champs. Évidemment je ne serai pas la première femme enceinte à le faire, mais plus le temps va passer, moins j’aurai de chance de prendre mes jambes à mon cou en entendant l’alerte indiquant une attaque. Tout comme ça va devenir compliqué de botter le cul à un banni mal intentionné en ayant la souplesse de… euh… un sanglier? Et lorsque je mettrai notre enfant au monde, ce n’est pas toi qui sera là mais bien Jehan, ou Marcus dont le bras est parfaitement remis et qui m’a dit de te passer le bonjour si je te trouvais. »

Mathilde se lève, pivote et s’installe à côté de Darius. Contre lui, très exactement, parce qu’il est là, et qu’elle ne supporte pas la distance qu’il y a entre eux, si infime soit-elle. Sa chaleur, son odeur, sa respiration, tout de lui lui a manqué.

- « Réponds pas tout de suite. » Elle le regarde un instant, scrutant le moindre trait, même amoché, du visage de son amoureux. Elle finit par prendre doucement son menton pour l’attirer à elle et l’embrasse. Elle l’a cru mort, et a refusé de porter le deuil seulement parce qu’elle n’acceptait pas cette éventualité. L’embrasser, le toucher, c’est prendre conscience qu’elle ne rêve pas, au beau milieu de la nuit. Lorsque leurs lèvres se détachent, elle murmure un Je t’aime, un autre. Elle lui en dirait mille que cela ne suffirait pas à combler le vide qu’il a laissé durant son absence. Elle finit par poser une main sur le bras blessé.

- « Je veux savoir ce qui s’est passé, Darius. Qui t’a fait ça, et pourquoi? J’ai pas besoin de tous les détails, fais le tri, mais s’il te plait, explique-moi ce qui s’est passé. Pourquoi vous avez été abordés, et pourquoi ils t’ont embarqué? Pourquoi ils ont pris ta main, et comment t’as réussi à leur échapper? Et surtout, pourquoi tu m’as pas envoyé un message, Dar. Tu le sais que si j’avais reçu le code convenu, j’aurais pas fait la route. »

Elle aurait attendu. Un chiffon de la couleur appropriée lui aurait indiqué qu’il avait besoin de se cacher quelques temps et qu’elle devait rester tranquille. Ils avaient ce code, parmi tant d’autres, mais il ne le lui avait pas transmis, faute de moyens, de messager ou… parce que quelque chose en lui espérait, malgré la situation, qu’elle le rejoigne?

- « Mais avant, mon amour, il va vraiment falloir que tu éponges le lait. Je suis devenue très sensible à certaines odeurs, et je suis pas certaine de réussir à ne pas vomir tu comprends… »

Battement de cils. Impossible de dire, malgré ce regard malicieux qu’elle lui lance, si elle dit vrai ou si elle ment. Mais qui a envie de prendre le risque de se faire vomir sur les pieds?
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyLun 28 Nov 2022 - 4:01


Ça ne change rien. Darius sourit vaguement en coin à cette déclaration. Il aimerait croire Mathilde, être aussi convaincu qu’elle, mais il en est pour l’instant incapable. Certes, il a réussi à se sortir d’une situation où d’autres seraient morts trois fois, mais chaque journée reste remplie de mille et un gestes banals devenus étrangers. Remplie de frustrations. Et il n’a pas essayé de tirer sur les cordages des voiles d’un navire encore. Il n’a pas menacé ses ennemis de la pointe de son épée. Il n’a pas offert son aide pour aider les gars de la ferme. Il n’a pas tenté de séduire sa femme pour se sortir du pétrin. Il n’a rien fait d’important et tout a changé pour lui.

Mathilde est prête à repartir pour le Labret s’il lui demande. Elle a cependant quelques points à soulever, et Darius l’écoute, les sourcils froncés par la réflexion. Elle qui meurt d’envie de repartir de Marbrume dès qu’elle y met les pieds normalement songe à y rester jusqu’à la naissance de l’enfant. Le pirate masque à peine sa surprise. Elle a de bons arguments, mais il a toujours imaginé que leur bébé naîtrait dans leur refuge, au Labret, et qu’il parviendrait à être là juste à temps pour le voir arriver. Le Labret n’est certes pas l’endroit le plus sécuritaire qui soit, mais que dire de Marbrume? La ville est peut-être protégée des Fangeux, mais elle regorge de criminels et autres crapules de toutes sortes. Il est bien placé pour le savoir.

« Je vais y réfléchir, dit-il. Mais si tu repars, ce sera pas par la route. Et ce sera avec Isak. »

Ou moi, songe-t-il malgré lui, alors que Mathilde s’installe près de lui, contre lui.

Darius n’ajoute rien. Même si, pour l’instant, il penche pour renvoyer Mathilde au Labret, il veut peser le pour et le contre de chaque option à tête reposée. Trop de pensées se bousculent dans son esprit depuis quelques semaines. Et avec son épouse à ses côtés, il pense de moins en moins clairement. Elle lui a manqué. Ses lèvres, qu’il goûte de nouveau le temps d’un baiser, ses yeux, ses cheveux, sa peau, sa voix, son parfum... Il l’enlace de son bras et la ramène contre lui, se demandant, comme chaque fois, comment il fait pour se passer d’elle lorsque la mer l’appelle.

Quand Mathilde rompt le baiser et pose une main sur son bras blessé, Darius réprime un mouvement de recul. Un étrange sentiment s’éveille en lui, mélange de honte et de dégoût. Il frissonne. Mathilde est la première à véritablement toucher son membre infirme.

La fermière a beaucoup de questions et veut des réponses, même vagues. Elle veut savoir ce qui s’est passé, qui l’a blessé, pourquoi on l’a embarqué, comment il a réussi à s’échapper et, surtout, pourquoi il ne lui a pas donné signe de vie. Le visage de Darius se ferme, comme il l’a fait tant de fois auparavant à leurs débuts, quand il peinait à s’ouvrir, quand il refusait de parler de sa vie d’avant.

L’histoire du lait chaud revient sur la table et, cette fois, le pirate la prend comme une distraction bienvenue. Il se penche pour reprendre le linge abandonné par terre et se détache de Mathilde pour se lever.

« Pas certain que tu aies assez testé l’odeur de lait caillé pour savoir si ça te fait vomir ou non, mais je vais te laisser le bénéfice du doute pour cette fois... entre autres parce que j’ai pas envie de découvrir ce que t’as mangé aujourd’hui en regardant mes bottes. »

Sur ces mots, Darius s’accroupit et nettoie le sol d’un geste nonchalant. Il ne dit rien pendant de longues secondes. À quoi pense-t-elle tandis qu’elle le regarde?

« J’ai mis du temps à regagner la ville, dit-il finalement. Je pouvais pas envoyer de morceau de tissu. Et après, quand je suis arrivé ici... J’aurais pu, mais je l’ai pas fait. J’ai voulu, souvent, mais j’ai pas pu m’y résoudre. Pour toutes les raisons que je t’ai dites. »

Il hausse les épaules et se relève. Il dépose le linge loin du lit pour éviter que les odeurs parviennent à Mathilde et pivote vers elle.

« J’ai jamais voulu te faire du mal. J’ai juste cru que c’était mieux. »

Darius s’assoit sur la chaise et retire lentement une botte, puis l’autre, signe qu’il compte rester au moins pour la nuit.

« C’est ma main qui est tombée, mais ça aurait très bien pu être n’importe quoi d’autre, explique-t-il en détachant son épée de sa hanche pour la déposer à son tour. Il y a une lame que j’ai pas réussi à parer pendant qu’on se battait sur le navire. Plus qu’une, en fait, mais c’était la pire. »

Le pirate détache les sangles de sa cuirasse. Le geste est moins fluide qu’à l’accoutumée, mais Darius tente de se faire méthodique pour pallier à l’absence de sa main gauche.

« Ils étaient forts et préparés. La tempête a par contre surpris tout le monde. Les deux navires ont morflé, ils auraient jamais dû être aussi proches dans de telles conditions. Les vagues étaient violentes, les bateaux tanguaient et s’entrechoquaient. Il pleuvait des cordes et la visibilité est vite devenue mauvaise. Quand j’ai vu le coup arriver, c’était trop tard. »

Débarrassé de sa cuirasse, Darius revient s’asseoir auprès de Mathilde sur le lit.

« Mes blessures ont peut-être pas guéri aussi bien que si tu les avais soignées toi-même, mais elles ont guéri, la rassure-t-il. Je risque plus rien. Si j’avais eu à crever, ce serait déjà fait depuis longtemps. »

Darius pose une main contre la joue de Mathilde et la caresse de son pouce. Il raconte l’histoire dans le désordre, par bribes, mais elle n’en sera pas étonnée. Il se révèle rarement d’un seul coup.

« T’as pris soin de toi pendant que j’étais pas là? demande-t-il. Les gars sont venus te voir? Et ton ami le comte et son épouse? J’espère que t’es pas restée seule à te morfondre pour un pirate même pas mort. Ça serait le comble. Et panais-cessaire. »
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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyLun 28 Nov 2022 - 16:02
Repartir par la mer, et avec Isak. Voilà une perspective qui ne l’enchante pas du tout : Isak est devenu ses yeux, à Marbrume, et la personne en laquelle elle a toute confiance pour s’assurer que Darius ne déconne pas trop. Isak est le plus réfléchi des deux, il est celui qui tempère les élans du pirate… enfin il fait de son mieux pour le faire. Si Darius décide de se débarrasser de Mathilde et de son cousin, qui sait ce qu’il lui arrivera?

Savoure-t-elle sa petite victoire, en voyant que Darius se penche finalement pour ramasser le lait répandu sur le sol? Bien entendu. Après tout, leur relation est un éternel combat pour savoir qui aura raison de l’autre. Baisse ton arme. Rends-moi mes panais. Te fais pas remarquer. Arrête de faire le con. Ne tue pas mon ouvrier. Pas de gamin adopté. Tu peux pas rester ici. Ils négocient depuis le jour de leur rencontre. Ils se disputent depuis le jour de leur rencontre. Ils se réconcilient depuis leur premier baiser. Et elle sourit à l’idée de remplir les bottes de Darius.

- « De la soupe et du pain » se contente-t-elle de répondre, un demi-sourire en coin.

Mathilde le regarde se débarrasser de ses bottes et de son épée. Un poids discret mais bien présent quitte sa poitrine : il va rester. Il ne va pas s’enfuir comme un voleur. Et il raconte. La lame, qu’elle voit comme un éclair tranchant sa main ; la tempête et les conditions impossibles ; l’ennemi qui ne s’en est pas sorti si facilement. Le récit est un peu décousu, un peu vague, mais elle a l’habitude. Darius a des secrets qu’elle creuse petit à petit, et d’autres qu’elle respecte pleinement. Elle ne l’aide pas à ôter sa cuirasse, même si elle le fait d’ordinaire. Il s’en sort très bien tout seul et elle ne veut pas qu’il prenne son aide pour de la pitié. Mais elle s’appuie légèrement contre lui et lui prend la main lorsqu’il revient s’installer à côté d’elle.

- « J’aurais sans doute fait une meilleure couture dans ton cou, mais pour ta main… je dois admettre que je me serais probablement évanouie… » Qu’aurait-elle pu faire d’autre? Elle n’a jamais eu à soigner ce genre de blessure. Même pas un doigt sectionné. La seule amputation qu’elle a connue est celle d’un voisin, dont la blessure s’était infectée. Il n’avait pas survécu à l’amputation malgré les bons soins du temple d’Usson. Les hommes et les femmes ayant perdu un membre sont un peu plus fréquents depuis l’arrivée de la Fange, et elle sait que souvent, on cautérise pour arrêter le saignement. Le soin est plus violent que la morsure.

- « Beau travail, pirate » conclut-elle dans un murmure, alors qu’il lui dit que les blessures ont guéri. Il a une chance incroyable… peut-être parce que les Trois ont entendu ses suppliques?

- « La ferme continue de rouler. On a fait des exercices de calcul après ton départ, et on pense qu’on devrait réussir à rouler avec trois ouvriers malgré la dissolution de l’Ordre. Ça ne sera pas de trop pour deux champs. Marcus revient, Jehan aussi, et Philippe continue d’être mon homme de confiance. On s’est séparés une partie des provisions pour l’hiver, et on se répartira les revenus des ventes des surplus. C’est pas l’abondance mais ça suffira à faire vivre les familles. » Arthur n’avait pas encore pris de décision. Il était le quatrième compère, dans l’attente du retour de Mathilde, et puis aviserait. Sa mère était morte durant l’hiver et, orphelin, il hésitait à rester au Labret.

- « Les gars sont venus, évidemment. Deux fois par semaine, en se relayant, parce que même s’ils ne le disent pas, ils refusent de laisser Ma’ toute seule. Surtout qu’elle est enceinte et gnagnagnaaaa. » Mathilde grimace. La solitude? Seulement dans sa tête, parce qu’il y a toujours quelqu’un à la ferme. Tou-jours. Tous. Les. Jours. Et elle ne compte pas le nombre de fois que ça l’a sauvée d’une crise de larmes. « Ils ont même pris soin de hisser Isak à l’étage quand il est arrivé. » Elle ne le dira pas à Darius, mais en voyant Isak passer, seul, la barrière de la ferme, elle était tombée à genoux, sûre d’avoir à entendre une nouvelle funeste. Il s’en était tenu aux faits, laissant à la fermière l’espoir infime qu’il s’en était tiré.

- « J’ai été à notre cache tous les jours, au début. Et puis devant ton silence, j’ai espacé les promenades. Isak se fiait sur notre code pour avoir de tes nouvelles… alors dès qu’il a été sur pieds, il est parti. Et j’ai continué à guetter ton message. Ça serait mentir que de te dire que je ne me suis pas morfondue, Dar » avoue-t-elle. Elle ne veut pas le culpabiliser, mais c’est la vérité. « Les activités de la ferme m’ont obligée à me bouger, bébé m’a obligée à manger… mais c’était de la torture de ne pas savoir. Alors tu comprends bien que dès qu’Isak m’a fait savoir qu’il avait une piste, j’ai pris mes dispositions et je suis partie. Et je sais que tu ne voulais pas mal faire » conclut-elle avant de déposer un baiser léger sur ses lèvres.

- « Tu sais que j’ai cru un instant que t’étais encore assez amoché que pour ne pas relever ma mauvaise blague » reprend-elle, en gloussant de rire. Il est toujours amoché quand ils se retrouvent. Des bleus, des nouvelles cicatrices, une épaule fatiguée, une lèvre fendue… Elle l’a épousé avec un coquard violet autour de l’œil. « Pourquoi ils t’ont gardé? Est-ce qu’ils cherchent à te retrouver? »

Ils. Une bande de pirates sanguinaires, dans l’imaginaire de Mathilde qui n’a aucune idée de qui ils peuvent être, mais s’ils le suivent encore, ça veut dire qu’il est en danger et qu’elle l’est aussi, par extension.

- « Faut vraiment que je te fasse la barbe, Dar. Un tout petit peu, au moins pour raffraichir ça, parce que c’est vraiment négligé tu sais. » Elle sourit. C’est un détail, parce qu’il est beau quand même. « Tu veux que j’aille farfouiller en bas pour te bricoler un petit truc à manger? Je peux, tu sais, je suis un peu comme à la maison ici. C’est pas pour rien que Tom n’est pas gêné de me refiler la chambre qu’il ne loue pas à ses clients. » Elle hausse un sourcil. « D’ailleurs, t’as essayé combien de portes avant de trouver la bonne? »
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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyMar 29 Nov 2022 - 0:15
Darius sourit vaguement en coin aux paroles de Mathilde. Elle se serait évanouie si elle avait vu la scène : sa main sectionnée, le sang, la cautérisation, les hurlements. Ses hurlements. Les images lui reviennent, tout comme les sons. Le souvenir est à la fois flou et terriblement ancré dans son esprit. Il frissonne et se concentre sur Mathilde. Il ne veut pas revivre ce moment.

Mathilde raconte les dernières semaines à la ferme. Jehan, Marcus et Philippe vont revenir travailler sur les terres. Ils ont rendu visite à la fermière deux fois par semaine, ce qui rassure Darius. Ils ont même hissé un Isak en mauvais état à l’étage. Le pirate acquiesce lentement. Il est reconnaissant de la bienveillance des ouvriers et il ne manquera pas de trouver un moyen de les remercier. Ils ne sont après tout pas obligés d’être aussi présents. S’il ne les connaissait pas, il crèverait de jalousie et les mettrait dehors à coup de pied dès la première occasion. Il a cependant appris à connaître les gars et ils s’entendent en général plutôt bien. Surtout après quelques verres d’alcool.

« Ils ont bien raison de pas vouloir te laisser seule, intervient-il. On sait jamais ce qui peut arriver, surtout avec la reine des emmerdes. »

La fermière avoue être allée à leur cache tous les jours. Elle a guetté son arrivée. Elle a attendu, en vain. Et elle s’est morfondue jusqu’à ce qu’Isak lui envoie des nouvelles. Darius caresse sa joue avec tendresse. Il est incapable d’être désolé, pas avec tout ce qui s’est passé, mais il aurait clairement souhaité que les choses se passent autrement.

Un sourire malicieux effleure les lèvres du pirate lorsque Mathilde admet avoir cru qu’il n’avait pas relevé son trait d’humour, plus tôt. Lui, rater une blague de panais? Impossible.

« Pour qui tu me prends, belle fermière? J’attendais juste le bon moment pour réagir. C’est pas pareil. »

Mathilde revient à la charge avec ses questions. Elle veut savoir pourquoi ses ennemis l’ont gardé et s’ils cherchent à le retrouver. Il la regarde dans les yeux. Elle veut savoir s’il est en danger, s’ils sont en danger. Il ne répond rien et laisse son épouse continuer. Elle parle de sa barbe, de trouver quelque chose à manger, de ses talents de crocheteur. Il sourit un peu moqueusement. Elle a un véritable don pour passer d’une idée à une autre en un temps record, et il l’aime un peu plus chaque fois qu’elle saute ainsi du coq à l’âne sans même s’en rendre compte.

Sans prévenir, Darius enlace Mathilde de son bras droit et l’entraîne plus loin dans le lit, s’allongeant auprès d’elle. D’un geste, il l’attire contre lui pour qu’elle soit légèrement surélevée et puisse le regarder.

« T’aimes pas ma barbe? s'offusque-t-il faussement. Franchement, tu connais rien à la mode. Le style négligé est de saison. »

Il passe ses doigts dans sa barbe et grimace quand ceux-ci s’empêtrent dans un nœud.

« Tu la tailleras demain matin si ça te fait plaisir que ton mari soit dépassé. Mais en attendant... »

Pour embêter Mathilde, Darius vient frotter sa barbe drue contre son visage. Avant qu’elle puisse protester, il lui vole un baiser. Un long baiser.

« Je mangerais bien un truc, mais ça peut attendre au matin. Il est déjà tard. Ça fait un moment que la nuit est tombée. Je vais pas mourir, et je préfère nettement que tu restes avec moi. »

Il caresse sa joue du dos de son index et lui vole un autre baiser.

« J’ai pas eu besoin de tester d’autres portes. Tom te refile pratiquement tout le temps la même chambre. D’ailleurs, il faudrait vraiment commencer à se demander pourquoi c’est toujours la seule chambre qui reste libre. Elle doit être hantée ou quelque chose du genre. Peut-être qu’elle abrite une araignée mutante et ses petits. »

Pour appuyer son hypothèse, il fait marcher ses doigts contre Mathilde, ne les arrêtant qu’une fois qu’ils ont atteint le ventre de la fermière. Là, il pose sa paume contre l’arrondi et reste à l’affût du moindre mouvement.

« [b Je suis sûr qu’il te protège déjà et que c’est pour ça que l’araignée mutante te laisse en paix,[/b] murmure-t-il. Elle a bien trop peur de la terrible vengeance de notre petit pirate. Il se pratique déjà à l’épée là-dedans, je le sens. Et peut-être qu’il donne quelques coups de fourche par-ci par-là pour te faire plaisir. »

Darius marque une pause, de celles que Mathilde peut reconnaître et qui indiquent qu’il va parler, même rien qu’un peu.

« Je sais pas s’ils me cherchent, mais moi, je les cherche, chuchote-t-il après un moment. Et en attendant, je recueille toutes les informations que je peux sur leurs activités ici pour trouver comment leur enlever tout ce qu’ils ont. Pour leur faire payer. Pour les détruire. »

Sa mâchoire se serre. Sa colère est moins bouillante au contact de Mathilde, mais elle n’en demeure pas moins présente et prête à exploser.

« Ils espéraient un échange en me gardant. C’est pour ça qu’ils m’ont pas laissé me vider de mon sang, aussi. Ils savent qu’Isak est mon cousin et qu’il est plus... “malléable” que moi, si on peut dire ça comme ça. Ils voulaient reprendre le terrain qu’ils ont perdu à cause de nous, et ils croyaient pouvoir négocier. Avec Isak. Avec moi aussi, mais j’étais pas d’humeur à négocier. J’ai préféré me foutre à l’eau dès la première occasion légèrement moins suicidaire et prendre mes chances. Qu’ils se mettent leurs négociations dans le cul. »

Darius hausse les épaules. Rien de plus normal pour lui. Au moment où il s’apprête à continuer, il sent du mouvement sous sa paume. Il arrête alors de respirer, comme si son souffle allait perturber l’enfant.

« Ça fait combien de temps qu’il bouge comme ça? demande-t-il à voix basse. Est-ce que ça t’empêche de dormir? »
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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyMar 29 Nov 2022 - 18:01
Lorsque Mathilde ose une autre salve de questions, elle l’accompagne d’une guirlande d’échappatoires à laquelle Darius peut s’accrocher, s’il souhaite ne pas répondre aux sujets sérieux. Ça aussi, c’est une habitude qu’elle a prise pour qu’il ne se sente jamais piégé, obligé de répondre ou contraint de fuir. Et comme prévu, il s’y agrippe pour parler de sa barbe et d’un repas à grignoter, peut-être au lever du jour.

- « … » Elle ne peut rien dire, elle ne peut pas protester, parce que Darius, qui l’a entrainée sur le lit pour lui tendre un piège d’une fourberie sans nom, ce même Darius qui s’est appliqué à lui lacérer la joue avec sa barbe négligée –elle exagère à peine-, celui-là l’embrasse longuement avant de lui inventer une histoire abracadabrante d’araignée mutante qui lui grimpe dessus. Elle pouffe de rire, avant de rectifier malicieusement : « Ça pourrait être UNE petite pirate. Méfie-toi, elle pourrait te surpasser. »

Darius se tait, et a ce regard tout à coup grave qu’il prend à chaque fois qu’il s’apprête à parler de quelque chose de plus pénible, ou de plus intime. Il revient sur les questions de Mathilde, apportant des réponses au compte-goutte. Elle se sent légèrement soulagée qu’il ne soit pas ouvertement traqué. La situation est un peu moins grave que ce qu’elle envisageait il y a quelques heures à peine. Il sait qui ils sont, évidemment, et se garde bien de dévoiler leur identité. Isak a gardé lui aussi ce secret. Qu’en ferait-elle, après tout? Interroger toute la ville pour les trouver? Les suivre pour les empaler l’un après l’autre sur sa fourche? Ce n’est pas l’envie qui lui manque… mais ce n’est raisonnablement pas de son ressort.

Son beau pirate lui explique qu’il aurait pu être une monnaie d’échange contre un terrain perdu, une zone d’influence ou de trafic croit-elle comprendre, et qu’il a flanqué les négociations à l’eau. Littéralement. Isak aurait-il réellement flanché face à un chantage? Elle n’en a aucune idée, et elle n’a même pas l’occasion de lui faire part de ses questions : une petite étincelle de vie s’applique à détourner l’attention des futurs parents pour les ramener à l’essentiel.

- « Je dirais que ça a commencé il y a un mois environ. D’abord des gargouillis, comme si j’avais faim, et puis c’est devenu des petits coups. C’est plus net depuis une semaine à peu près, mais seulement quand j’arrête de bouger. C’est un peu bizarre, mais c’est pas dérangeant. » Elle sourit tendrement. C’est rassurant, en fait. Comme si l’enfant à naître lui indiquait, de temps en temps, qu’il était bien là, en vie, en santé, prêt à être aimé. La voisine lui a dit que c’était bon signe, et qu’elle ne devrait s’inquiéter qu’en cas de douleurs ou de contractions. « J’espérais que tu puisses sentir la présence de ce petit miracle avant qu’il ne vienne au monde. Et je me suis dit que vu sa propension à me couver, Isak ferait un bon parrain, qu’en penses-tu? Ça détournera son attention quand je me lancerai dans de nouvelles aventures rocambolesques. D’ailleurs, je te signale que la reine des emmerdes a épousé l’empereur des plans foireux, alors évite de me faire la morale, parce que parfois, les histoires qui commencent mal connaissent des développements heureux. » Elle ricane. Il ne pourra définitivement plus dire qu’il mesure les risques qu’il prend. « T’as le droit de respirer, tu sais » ajoute-t-elle en pouffant de rire. Ce n’est pas la première fois que Darius devient père, mais il en donne pourtant l’impression. Était-il auprès de son épouse enceinte ou a-t-il disparu pendant de longs mois au point de ne pas vraiment avoir connaissance de ses grossesses?

Amusée, elle l’embrasse du bout des lèvres et passe une main dans ses cheveux qui, eux aussi, mériteraient un petit coup de peigne. « Si tu savais à quel point la nouvelle de ma grossesse a fait le tour du village… Serus est populaire en ce moment à Usson, les offrandes affluent, et c’est pas uniquement pour les champs. » Elle rit. Personne n’a eu l’idée de suggérer que le premier mari de Mathilde était éventuellement stérile, et qu’elle n’avait aucun problème de fertilité. Même pas elle. Plusieurs femmes de la région avaient redoublé de ferveur en apprenant la nouvelle, espérant recevoir, elles aussi, la bénédiction de Serus, même en ces temps difficiles.

- « Bonjour, beau pirate » finit-elle par murmurer tendrement après un long silence passé à le regarder en soulignant chaque trait de son visage d’une légère caresse. La ferme se porte bien, l’enfant est présent, Darius est en vie, tout va bien. Au lever du soleil, elle enfilera une robe décente et s’en ira fouiller dans la cuisine pour préparer de quoi remplumer son époux. Ensuite, ils attendront qu’Isak arrive, et elle laissera sans doute les cousins se retrouver tranquillement. Mais en attendant, sereine, elle s’installe dans le creux de l’épaule de son époux et glisse une main sous sa chemise pour la poser sur sa peau. « T’as pas d’autre nouvelle couture hein? » Pas là où d’ordinaire le torse est protégé par sa bonne vieille cuirasse, qui méritera elle aussi un peu d’amour et un bon graissage.

- « Dar, je pense à quelque chose. Ils ont pris la peine de t’embarquer et de te maintenir en vie pour essayer de négocier un truc avec ton cousin, mais ils n’ont pas cherché à te retrouver ou à tenter un coup de bluff avec Isak pour obtenir ce qu’ils voulaient… c’est trop beau pour être vrai, non? Je suis pas pirate, mais il me semble que j’aurais tenté le coup de la rançon et que j’aurais disparu avec le butin. » Mathilde fait une petite moue. Elle ne compte pas sous-estimer l’adversaire, même si c’est tentant. Est-ce qu’Isak s’est fait aborder? Est-ce que c’est comme ça qu’il a su que Darius était en vie? Est-ce que le type avec lequel il discutait, quand elle est entrée dans la taverne, était l’un d’eux? « On t’a manqué de peu, tu sais. Il y a trois jours, la serveuse de la Rose écarlate nous a dit que tu avais quitté après que deux gars se soient arrêtés dans l’établissement. Des nouveaux clients, d’après elle. Tu les as vus ou c’est juste un hasard? Et… il s’est passé quoi entre le moment où tu te fiches à l’eau et celui où tu pousses la porte de la chambre hantée par l'araignée mutante de la Rose Blanche? »

Cette fois, pas d’autre sujet auquel se rattraper. Mathilde tente de recoller les morceaux de l’histoire pour en comprendre les grandes lignes et décider si oui ou non elle suivra Darius dans sa décision de l’éloigner de lui ou de la garder près d’elle.
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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyMer 30 Nov 2022 - 23:09
Darius écoute les explications de Mathilde en restant à l’affût du moindre signe de mouvement de leur enfant. Le ventre de Mathilde lui semble si petit. Un instant, il repense à Catharina, se demande si le sien avait gonflé plus rapidement. Il chasse cependant rapidement ces questions, car elles mènent à d’autres. D’autres questions, mais aussi d’autres pensées, d’autres souvenirs parfois encore douloureux. Il préfère rester dans le présent et profiter avec Mathilde du cadeau que Serus leur a offert pour bénir leur union.

« Isak est bien capable de vous couver tous les deux, se moque-t-il en recommençant à respirer. Il faut pas sous-estimer ses capacités de poule protectrice. »

Il répond au baiser et sourit en coin en entendant que la grossesse de Mathilde a fait le tour d’Usson. Il n’est pas étonné. Les villageois sont friands de nouvelles de ce genre et celle-ci a de quoi réjouir et encourager, la fermière n’ayant eu aucun enfant de son mariage précédent. Les plus superstitieux voient sûrement la venue prochaine d’un bébé sur la ferme Dumas comme un bon signe pour la fertilité des terres. Serus veille sur eux et sur les futures récoltes.

« Tant mieux, il faudra bien quelques mômes pour jouer avec notre terrible pirate », dit-il, amusé.

Un silence s’installe et Darius le laisse se prolonger. Les dernières semaines ont été difficiles et, même s’il aurait préféré que Mathilde reste en sécurité à la ferme, il ne peut qu’admettre que la retrouver lui fait un bien immense. Lorsqu’il l’a ainsi contre lui et qu’elle le regarde avec cette tendresse qu’elle seule sait lui donner, il en oublie presque tout le reste : ses mésaventures, ses blessures, son navire à réparer, ses ennemis, sa vengeance... Presque, parce que Mathilde a encore des questions et des suppositions. Il ferme les yeux, pousse un long soupir et grommelle quelque chose d’incompréhensible. L’espace d’une poignée de secondes, il se concentre simplement sur la main chaude de son épouse qui traîne contre son torse, sous sa chemise.

« Caresses et interrogatoire, un combo mortel, marmonne-t-il en ouvrant un œil pour regarder Mathilde. Ce qui s’est passé entre le moment où je me suis foutu à l’eau et celui où je suis arrivé ici, c’est que... »

Darius dépose un baiser contre la tempe de Mathilde et murmure dans son oreille :

« …j’ai rejoint la côte en pensant à toi. Et après, une fois les deux pieds sur terre, j’ai foutu le camp sans me retourner parce que je me doutais qu’ils allaient probablement essayer de me trouver après avoir réalisé ma disparition. J’ai aussi prié pour trouver des endroits où me cacher des Fangeux. Et j’ai pensé à toi. »

Darius laisse traîner quelques baisers contre la joue et la mâchoire de son épouse.

« Quand j’ai finalement réussi à m’orienter, j’ai commencé à me mettre en route vers Marbrume en pensant à toi. C’était pas la porte d’à côté et, on va pas se mentir, je pétais pas la forme. Les jours de mauvais temps, j’ai pas fait de route parce que je savais pas où je pourrais me réfugier si jamais je croisais des Fangeux. Alors j’ai attendu en pensant à toi. »

Il lui vole un baiser.

« Quand j’ai rejoint Marbrume, je me suis planqué un moment pour récupérer. Manger, dormir, guérir. Penser à toi. Et à ce que j’allais faire, mais surtout à toi. Une fois sur pied, j’ai commencé à bouger et à chercher des informations pour la suite. »

Darius ponctue sa conclusion d’un long baiser. Le résumé est certes grossier, mais il devra faire. Il ne compte pas se perdre dans des détails qui ne lui apporteraient rien. Il ne lui parlera pas de ses souffrances et de sa détresse, des instants où il a vraiment cru que c’était la fin pour lui. À quoi cela servirait-il, après tout? C’est le passé. Il est là, avec elle, bien en vie malgré les traces visibles et invisibles que les événements lui ont laissé.

« Je m’attends à ce qu’ils essaient quelque chose, murmure-t-il en s’éloignant à peine des lèvres de Mathilde. Je sais pas où ils sont, ce qu’ils font et ce qu’ils ont prévu faire. Par contre, j’ai pas l’intention que ça reste le cas. Ils ont pas dit leur dernier mot, Mathilde. Leur plan s’est soldé par un échec et je connais aucun pirate qui accepte aussi facilement la défaite. Aucun. C’est la guerre. »

Il fixe Mathilde dans les yeux, plus sérieux. C’est la guerre et il n’attendra pas qu’ils poursuivent les hostilités pour les relancer.

« J’ai vu les deux gars à la Rose écarlate, et c’est à cause d’eux que j’ai préféré changer d’endroit sans attendre, même si je m’assure de bouger souvent. Ils travaillent au port et ils brassent des affaires avec les types qui m’ont embarqué. On se connaît vaguement. Je pense pas qu’ils m’ont repéré et j’ai pas vu le navire de ces salopards amarré à Marbrume encore, mais j’ai pas voulu prendre de risques. Je sais être prudent, de temps en temps. »

Darius sourit en coin et caresse la joue de Mathilde de son pouce.

« Je sais pas ce qui va se passer, Mathilde. Les prochaines semaines ou les prochains mois seront pas un long fleuve tranquille. Mais peu importe ce que je vais faire et ce qu’on va décider pour toi, je vais te protéger. J’espère que tu le sais. »

Darius laisse son épouse assimiler les informations avant de réclamer doucement :

« Dis-moi ce que tu penses. »
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Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher   Quand le chat n'est pas là, la souris va le chercher EmptyJeu 1 Déc 2022 - 21:26
- « J’ai appris avec le meilleur » répond-elle alors qu’il souligne la fourberie de son interrogatoire. Elle lui sourit, et ferme les yeux pour l’écouter. Mettre de la distance entre lui et ses ennemis, louvoyer entre les repères de fangeux, retrouver un semblant de foi parce que c’était à peu près la seule chose qui pouvait le sauver, et s’accrocher à la vie. Il n’avait pas abandonné, il n’avait jamais abandonné. Alors pourquoi ne pas s’orienter vers la ferme? Sans doute parce qu’il est bien plus facile de se noyer dans la masse à Marbrume qu’à Usson, où tout finit par se savoir… ou presque. Sans doute aussi parce que l’idée d’inspirer la pitié à Mathilde suffisait à le faire fuir aussi loin d’elle que possible. Crétin de pirate!

Elle l’embrasse, longuement. Il a pensé à elle chaque jour, comme elle a pensé à lui. Peu importe les douleurs, le désespoir, les incertitudes ou l’interminable hiver, ils se rejoignaient chaque jour dans leurs pensées, jusqu’à se retrouver réellement, dans une petite chambre d’auberge au milieu d’une ville dans laquelle ils ne sont personne.

Dans un geste protecteur, elle l’étreint lorsque le mot guerre est prononcé. Mathilde comprend que ce sera l’ennemi ou Darius, Isak et leur équipage. Il n’y a désormais plus de place pour les deux bateaux sur la même mer et tous les coups sont permis : chantage, enlèvement, abordage… la guerre, la vraie. Les inconnus de la Rose écarlate font sans doute partie des taupes chargées de retrouver un homme avec une seule main et une méchante cicatrice dans le cou. Le beau Darius est facilement reconnaissable.

Mathilde assimile les informations et les digère silencieusement. Elle s’en fiche bien d’être protégée. Elle ne veut pas être la veuve Vortigern. Elle ne veut plus pleurer sa disparition. Plus jamais. Elle l’a cru mort, et a goûté aux mille regrets qui viennent avec cette pensée : il ne verrait pas leur enfant. Il ne l’embrasserait plus jamais. Il ne murmurerait plus des mots à son oreille entre deux baisers jusqu’à la faire frissonner. Il ne passerait plus la barrière. Il ne ferait plus partie de sa vie… Elle avait compris, durant l’hiver, qu’elle n’en avait pas assez profité. Elle voulait encore vivre les bonheurs quotidiens. Et puis Isak avait retrouvé sa trace, et la perspective de vivre des moments intenses aux côtés de son beau pirate était revenue dans sa vie. Adieu, veuve Vortigern.

- « Je pense que c’est la première fois qu’on discute si gravement de ton métier et que les fangeux passent pour des saltimbanques à côté de tes embrouilles. » Elle rit doucement… et pousse un grand soupir en le regardant. Il aurait pu être un honnête fermier aventurier, ou un soldat escortant les convois du Labret vers Marbrume… ou simplement pêcheur, et revenir chaque jour après une matinée de labeur. Mais non, il avait choisi la piraterie et elle l’avait pris tel qu’il était, en sachant qu’il courait mille dangers et qu’elle le perdrait tôt ou tard… parce qu’un pirate ne fait pas de vieux os. « Je pense que tu peux pas faire la guerre tout seul. Je ne sais pas si c’est ta première guerre, mais si tu as une bande de pourris à tes fesses, qui te sait assez fou que pour avoir survécu à une baignade et à une balade parmi les fangeux, je crois que tu as tout intérêt à t’entourer un minimum, même si ça ne t’enchante pas. »

C’est peut-être leur dernière nuit ensemble. A-t-il déjà pris sa décision? Elle scrute son regard perçant sans y trouver de réponse. « Ils connaissent trop bien ce beau visage, tu ne peux pas rassembler toutes les informations sans t’exposer. T’as beau mesurer le risque, t’étais sur le point de te faire avoir à la Rose écarlate. Isak aussi, ils le connaissent. » Il va détester ce qu’elle va dire, mais elle ne le quitte pas des yeux pour autant. « Je ne sais pas à quel point je peux réellement être utile, mais peut-être que je peux attirer la sympathie de quelques serveuses dans les tavernes… ou simplement me promener et me servir de mes yeux pour repérer des choses? Ou encore ouvrir grand les oreilles pendant que je cuisine ici, ou que je fais le marché pour Tom? » Elle fait une petite moue. Elle-même peine à se croire suffisamment efficace que pour traquer des pirates. C’est une fermière, et même si elle s’est acoquinée avec des personnes peu recommandables, le monde des pirates, tout comme celui des bannis, reste nimbé de mystères. « Et à la minute où ça devient dangereux pour moi, je pars, pour ne pas devenir ta faiblesse. Parce que s’ils apprennent que le gars qu’ils recherchent a épousé une fermière du Labret, c’est à mes trousses qu’ils seront… pour te faire sortir de ta cachette. Et ma ferme sera aussi sure qu’une nuit pluvieuse dans les marais.» Une évidence. Ne l’avait-elle pas fait pour qu’il sorte de sa planque? Il fallait les prendre de vitesse pour ne pas avoir à vivre terrés comme des rats. Couler leur bateau. Tuer leur capitaine. Ou s’allier à quelqu’un qui trouverait un intérêt à supprimer de la concurrence peut-être?

- « Je pense que quelle que soit ta décision, je ne me sentirai pas en sureté. Je vais redoubler de prudence jusqu'à ce que ça soit réglé... et te laisser prendre les décisions, même si elles ne m'enchanteront pas toutes. C'est ton monde, pas le mien. J'ai pas les codes », finit-elle par admettre. Isak l'a gardé dans son ombre, lui a demandé de faire profil bas dès son arrivée. Elle n'est même pas sure d'être reconnue par qui que ce soit qu'elle ait croisé, tant elle s'est appliquée à garder le silence ou à être la plus banale des belles-soeurs inquiète pour son beau-frère. Elle reprend : «Et moi qui pensait que les querelles de clôtures de champs étaient les pires guerres qui puissent exister… Tu mets la barre très haute en matière d’embrouilles, pirate. Je suis pas sure de pouvoir faire mieux tu sais? Et les Trois savent que je tiens à mon titre de reine des emmerdes ! »

Elle sourit, l’air taquin. Sa main quitte le torse de Darius pour s’aventurer sur son flanc, cette fois pas dans le but de l’étreindre mais bien pour le chatouiller. Juste un peu. Près de trois mois sans l’entendre rire. C’est beaucoup trop. Et peu importe le sérieux de leur discussion et la gravité de la situation, l’ennemi ne pourra pas atteindre le refuge qui se crée à chaque fois qu’ils sont ensemble, refuge dans lequel de temps en temps, on s’autorise des blagues de panais ou des assauts impitoyables. Absolument ravie d’être, pour une fois, dans une position propice qui pourrait lui permettre d’avoir le dessus –après tout, calée qu’elle est contre lui, il lui sera difficile de se redresser-, elle guette la réaction de Darius… et repart à l’attaque à la seconde où il esquisse un sourire.
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