[Quête] - [Terminé] - Pour qui sonnent les tambours

Alors que le Baron de Tourbière interrogea la Baronne sur son accord pour l’enquête, il fut supplanté par Patrice Leblé qui se permit une remarque plus que cocasse. Peut-être eut-il été poussé hors de ses gonds suite aux ripostes incessantes de la Baronne de Sombrebois, sans même avoir l’air d’être pour autant agacé. Il se plaignait désormais du fait qu’aucun des deux nobles n’avaient cherché à vérifier la véracité de son identité. Chiabrena ! Lui qui s’était demandé plus tôt, si la bonne femme s’était bel et bien assurée de l’authenticité de l’invité… Elle n’avait donc pas vérifié le pli après ces illettrés de miliciens ? Le Seigneur ne doutait plus de l’incompétence de la harpie, mais manquer de bon sens à ce point lui paraissait inimaginable. Il voulut frapper de son poing ganté sur son propre front, tellement l’embarras fut grand. Enfin, la remarque de Patrice Leblé lui semblait pertinente, car l’on savait les fanatiques capables de tout à présent en termes de perfidie. Néanmoins, son insulte s’avérait totalement inappropriée pour sa personne, et il n’allait pas rester silencieux sans faire valoir son point de vue.

« Je suis tout autant invité que vous en ces lieux. Je peine à voir où est ma part de responsabilité dans ce procédé négligé qui incombe à notre hôte. Je connais ma place, et il serait plus que discourtois d’agir de la sorte devant la Baronne de Sombrebois. », dit-il sèchement, plissant les yeux, visiblement agacé par l’injustice et la bêtise. Il l’aurait fait, s’il eut été maître des lieux, ce n’était simplement pas de son ressort actuellement.

Campant sur ses positions, le jeune noble observait à présent la Baronne de Sombrebois lire le morceau de papier. De toute évidence, il n’y avait rien de plus que celui-ci pouvait lui apprendre. L’homme se disait par ailleurs désintéressé de toute justification suite à ses remarques, que seulement leur défense face au juge l’importait... Aloys se tiendrait prêt à en découdre.

« Ainsi soit-il. », dit-il brièvement, haussant les épaules. « La situation est claire comme de l’eau de roche... », poursuivit-il calmement, pressé d’en finir avec cette conversation infernale. « Au risque de me répéter, il me faut seulement l’aval de Son Honneur pour la supervision de l’enquête. », conclut-il en portant de nouveau le regard sur la Baronne de Sombrebois.

Un sourire fleurit sur les lèvres de l’envoyé de la couronne alors que la Baronne semblait enfin prendre un peu plus au sérieux ses paroles.

« En effet, vous pourriez légitimement vous enquérir de mon identité, cela semblerait fort avisé. Pour le coup, je n’ai que ma parole. Et pour seule justification : je n’aurais eu aucun intérêt à me présenter de face alors que je ne suis qu’un messager et un observateur. Et j’aurais sans doute commandité quelque chose de plus indicible et bien plus grave. Mais comme le souligne si bien le Baron, c’est vous ici qui avez le pouvoir de décision. »

Il était temps de répondre à la dernière question qui lui était posée. En amont, il récupéra le précieux courrier indiquant à qui le voudrait, l’importante mission qu’il portait avec lui. Alors qu’il repliait le pan de sa veste, Leblé réfléchit au délai que pourraient prendre les choses, prenant des courtes pauses entre chaque bout de phrases.

« Et bien, le temps que le conseil royal soit avisé, qu’il étudie la question et que le juge vienne jusqu’ici, parce qu’on ne prendra pas de risque avec l’accusée, je pense que vous pouvez compter environ une semaine, sans que je n’ai de date précise à vous donner. Sans doute le Conseil vous contactera-t-il pour vous donner sa décision. »

L’agacement du Baron sonnait comme le glas de la conversation. Il était clair que les deux nobles avaient quelques inimités et il n’était pas le rôle de l’homme-lige d’attiser ces tensions. Il se releva, le soleil dans son dos rendant sa silhouette sombre, et usa d’un ton apaisant pour prendre congé. Ses yeux d’ardoise dardèrent chacun des deux noble, gravant une dernière fois leurs expressions dans sa mémoire.

« Je vais retrouver la place par laquelle je suis venu, celle du maçon venu reconstruire votre village. Ne vous inquiétez pas si vous ne me reconnaissez pas, je suis habitué à me fondre dans la masse. Je saurais me représenter à vous si le besoin s’en fait sentir. En attendant, je vous laisse régler les derniers détails de cette enquête entre vous. Plus vite le Conseil sera informé, plus vite vous serez libérés de toute cette histoire. »

L’homme s’inclina et se dirigea vers la sortie. Sa mission à Sombrebois n’était pas terminée.

HRP:

Pour qui sonnent les tambours

Rosen feat Aloys et Larimar

Le sourire de Leblé me laisse l’impression d'avoir assez bien rattrapé ma gaffe. On va l’espérer…

Et voilà l’autre qui ouvre encore sa gueule. Mais je vous en prie, que quelqu’un le bâillonne, non, que quelqu’un l’assomme ! Voyez-vous donc de quelle manière il se permet de parler à un envoyé royal ?! Ne nous a-t-il donc causé assez de soucis comme ça pour se permettre de le prendre de haut ainsi ?

Seigneurs !

Un invité ?

Tiens ? C’est maintenant qu’il le réalise, ça ? Et attendez la suite c’est encore mieux, il ne voulait pas être discourtois à mon égard en demandant à vérifier l’identité de l’envoyé. Je sers les lèvres très fort pour ne pas éclater de rire. Vraiment très fort.

Il est vrai que ce n’était pas discourtois, hein, de me refuser son bras pour avancer alors que je tiens à peine debout – et que je me suis presque cassée la gueule par terre, mais passons – ou encore d’aller s’enfermer dans la chambre et de refuser de manger avec les autres.

Et de se faire servir le repas dans sa chambre comme un prince…

Oui, ce fut très courtois. Oui, vraiment très fort. Je sers les lèvres vraiment très fort.

Sa courtoisie me touche en plein cœur…

Leblé l’ignore alors royalement pour me répondre. Sans doute en a-t-il royalement marre de se faire snober. Ou est-il plus intelligent que ça. C’est possible, j’imagine que les hommes ne sont pas tous complètement débiles. Ne pas rire. Ne pas rire. Ne pas rire…

« Ce n’est effectivement pas au baron de faire cette vérification, même si je reconnais que son implication peut être admirable… dis-je en regardant Tourbière avec facétie. Ne lui imputez pas ce fait. »

Je me retiens toujours d’éclater de rire. Vaut mieux en rire qu’en pleurer n’est-ce pas ?

« Je vous souhaite un bon séjour Seigneur Leblé et je me tiens à votre disposition si besoin. »

Après lui avoir rendu son salut, je le regarde s’éloigner avant de me permettre enfin de relâcher la tension une fois l’individu hors de portée.

« Magnifique… nous sommes passés pour deux cons. »

Et de partir en fou rire. Avouez qu’il y a de quoi tout de même. Mais je n’ai plus vraiment la force de rire et je m’étouffe plus qu’autre chose, mon souffle restant comme coincé dans le bas de mon gosier.

Lorsqu’enfin je réussis à libérer ma cage thoracique, je prends une grande inspiration. Je me sens tremblante.

« Craignez-vous vraiment… d’être discourtois à mon égard ? »

Seigneurs. Je vais finir par m’étouffer pour vrai si je n’arrête pas de me gausser de la sorte. Je m’essuie les yeux. Diantre… je pleure de rire. Est-ce vraiment si drôle que ça ? Voilà une bonne question.

« Allons ! Je crois qu’une discussion s’impose avant que nous allions interroger cette gamine. Soyez gentil, venez vous asseoir. Vous voir debout m’épuise terriblement. »

Non je ne me moque pas de lui. J’essaie même de retrouver mon sérieux afin de mettre fin au conflit une bonne fois pour toute.

« Je crois qu’il y a eu un problème de communication entre nous. J’ai certainement manqué de tact hier et je m’en suis excusée, mais cela n’a visiblement pas suffit. Dites-moi ce que je peux faire pour me faire pardonner... Des excuses en public vous irait-il mieux ? »

Ce qu’il ne faut pas faire quand même j’en reviens pas… je me retiens de soupirer pour ne pas paraître désagréable ou de mauvaise foi. Seuls les mots avisés de Roxanne ont de l’importance à cet instant là. Je me souviens de cette fois où elle me disait d’éviter de me faire des ennemis. Ah, Roxanne… Roxanne.

Pourquoi…

Mon attention revient bien vite sur le noble. Je me demande bien pourquoi j’essaie encore de faire un pas vers lui alors qu’il n’arrête pas de mordre et qu’il ne fait aucune concession.

« J’essaie de faire un effort, Tourbière. J’aimerais que vous en fassiez un aussi pour que nous arrivions à enterrer la hache de guerre. J’imagine ne rien vous apprendre, mais j’ai déjà bien assez d’ennemis comme ça pour en vouloir d’autres. Après tout, vous êtes venu apporter votre aide... il est ridicule et contre-productif de se tenir tête comme ça. Alors… voulez-vous bien que nous oublions tout cela et que nous travaillons ensemble ? »

J’arbore ensuite un autre sourire malicieux.

« C’est drôle… vous avez remarqué ? Le seigneur Leblé semblait presque vous considérer comme le baron de Sombrebois. »

Je laisse planer un lourd silence. Le baron de Sombrebois… je me demande bien quel sera le prochain.

« Peut-être estime-t-il que vous feriez un bon parti. Vous avez la fibre... vous vous en sortiriez certainement bien mieux que moi. D’ailleurs, alors ces lettres ? Avez-vous trouvé une prétendante qui vous sied ? »

Ah, c’est du grand art, signé Rosen. C’est... chaotique. A l’image de ma vie. Ah, le remariage… je ne suis pas tellement pressée d’y être. En fait, je crois même que cela me fait peur. D’un autre côté, peut-être qu’il pourrait me libérer de ces chaînes. Enfin… Qui sait.

Le Baron de Tourbière était là, immobile, observant le présumé Patrice Leblé se diriger vers la sortie. Ses yeux faisaient des aller-retours entre l’individu et la maîtresse des lieux. N’allait-elle donc pas enquérir sur sa personne, comme il fut d’ailleurs suggéré par celui-ci ? Enfin, ce n’était pas le problème du jeune noble, comme l’eut si bien soulignée la Baronne de Sombrebois précédemment. Quand l’homme fut assez éloigné, elle se permit une remarque déplacée suivie d’un rire plus que grossier. C’était l’hôpital qui se payait la tête de l’hospice…

Rosen a écrit:: « Magnifique… nous sommes passés pour deux cons. »

Il ne se souvenait pas partager une telle proximité avec son interlocutrice et ces mots lui semblaient manifestement être une insulte à son égard. Il répondit alors sèchement : « Vous, certainement. Pas moi. Je vous prie de ne point vous exprimer en mon nom. »

L’attitude blasée d’Aloys trahissait un profond ennui. Son regard vide ne laissait rien transparaître, seulement une indifférence totale face à la bonne femme depuis le départ de Patrice Leblé. Pour la seconde fois, sa question concernant la supervision de l’enquête venait d’être ignorée, et désormais, il avait l’air d’être là par obligation, plutôt que par choix.

Rosen a écrit:: « Craignez-vous vraiment… d’être discourtois à mon égard ? »

Ironique, de la part de celle qui avait éludé à plusieurs reprises sa question. Les railleries et les gloussements de la harpie lui étaient insupportables à son oreille. Dégoût et haine à son égard étaient à présent enracinés profondément en lui. Ses mains crispées le démangeaient, et pendant un seul instant, il les imagina autour de son frêle cou. C’était la première fois qu’il ressentait une profonde envie de meurtre envers un être humain. Jamais il n’avait rencontré d’individu aussi perfide et répugnant que le monstre qui se tenait en face de lui. Le cœur serré, la cage thoracique compressée, il réussit finalement à se contenir.

« Tant que cela (la crainte d'être discourtois) est réciproque. », lâcha-t-il simplement. Ce n’était pourtant point réciproque, puisque la vipère avait déclaré la guerre depuis son arrivé. De toute manière, il se fichait bien d’obtenir son respect, car ce dernier n’avait aucune valeur à ses yeux. Cette chose, presque femme, ou plutôt une injure pour les femmes, était tout bonnement insignifiante. Au fond de sa chaise, la faiblarde au dos rond gaussait, riait comme une goujate. Pathétique. Quelle tenue pour une régente et Baronne. Inconcevable.

Rosen a écrit:: « Allons ! Je crois qu’une discussion s’impose avant que nous allions interroger cette gamine. Soyez gentil, venez vous asseoir. Vous voir debout m’épuise terriblement. »

Une fois de plus, elle lui adressait la parole avec ce ton paternaliste, presque hautain. Le Baron de Tourbière ignora sa provocation, mais s’approcha toutefois de la table pour s’emparer de quelques amuse-bouches laissés par Patrice Leblé. Ce dernier semblait après tout être reparti de l’endroit en vie.

Rosen a écrit:: « Je crois qu’il y a eu un problème de communication entre nous. J’ai certainement manqué de tact hier et je m’en suis excusée, mais cela n’a visiblement pas suffit. Dites-moi ce que je peux faire pour me faire pardonner... Des excuses en public vous irait-il mieux ? »

Il écoutait la mégère jacter, et entre deux bouchées, il répéta de manière lasse : « Nenni. Pour la troisième fois, donnez-moi votre aval pour la supervision de l’enquête. »

Rosen a écrit:: « J’essaie de faire un effort, Tourbière. J’aimerais que vous en fassiez un aussi pour que nous arrivions à enterrer la hache de guerre. J’imagine ne rien vous apprendre, mais j’ai déjà bien assez d’ennemis comme ça pour en vouloir d’autres. Après tout, vous êtes venu apporter votre aide... il est ridicule et contre-productif de se tenir tête comme ça. Alors… voulez-vous bien que nous oublions tout cela et que nous travaillons ensemble ? »

« Baron de Tourbière », se permit-il de corriger avec froideur. Un effort ? Rien que d’être seul dans une pièce avec la peau de vache, représentait un effort incommensurable. « Alors répondez à ma requête. », dit-il avec insistance.

Rosen a écrit:: « C’est drôle… vous avez remarqué ? Le seigneur Leblé semblait presque vous considérer comme le baron de Sombrebois. »

Le Baron de Tourbière ne réagit point à cette remarque, et dans le silence total, il en profita pour se servir une coupe de vin. Qu’était-il censé répondre après tout ?

Rosen a écrit:: « Peut-être estime-t-il que vous feriez un bon parti. Vous avez la fibre... vous vous en sortiriez certainement bien mieux que moi. D’ailleurs, alors ces lettres ? Avez-vous trouvé une prétendante qui vous sied ? »

Il regarda Rosen du coin de l’œil, avant de lui adresser ces quelques paroles, coupe à la main. « Qu’entendez-vous par là, Baronne ? Êtes-vous en train de me courtiser ? », demanda-t-il en haussant le sourcil. « Cela ne vous concerne en rien. Toutefois… Plusieurs dames ont su retenir mon attention. », poursuivit-il. La patience d'Aloys avait volé en éclat depuis bien longtemps, et en ces heures si chaotiques, le chit-chat n'arrangeait en rien la situation. Ils avaient bien mieux à faire.

Pour qui sonnent les tambours

Rosen feat Aloys et Larimar

Et blablabla… on dirait juste un enfant boudeur. Ce que c’est pénible. Je reprends mon verre pour prendre une gorgée de vin.

« Vous êtes mignon, vous savez, quand vous me regardez comme ça ? »

Non, c’est pas ça qui va l’apaiser non plus. Ça devient compliqué… l’enquête ? Et pourquoi je lui ferais cette faveur alors qu’il ne fait aucun effort de son côté ? En tout cas, j’aurais essayé d’arranger les choses.

Je pourrais éclater de rire au mot « courtiser » mais je suis bien trop fatiguée pour rire encore. Comme si je lui faisais du charme.

« Courtiser, quel grand mot… mais seriez-vous intéressé ? Vous auriez plus qu’une enquête à charge, si vous m’épousiez… qui sait. Vous pourriez même être le celui qui redresse la situation et qui reprend le bourg en main. Vous pourriez peut-être même briller aux yeux de la Couronne... c’est bien ce que vous voulez, n’est-ce pas ? Les faveurs de la Couronne… »

Mon regard se rembrunit alors comme il se plonge dans le sien et si j’avais plus de force, j’aurais probablement brisé le verre au vu de la crispation de ma main. Je dessers un peu ma prise, me rendant compte que je suis en train de me laisser submerger par mes humeurs.

Bon parti, pas bon parti… voilà la bonne question. Ce n’est sûrement pas le parti idéal, ni celui qui remplirait les caisses de Sombrebois. Mais j’ai surtout besoin d’un soutien. Ça devient de plus en plus difficile de devoir tout gérer toute seule.

« L’envoyé de la Couronne a raison, j’aurais bien besoin d’aide. De conseils, de personnes de confiance habilitées à pouvoir me seconder. Je n’ai plus mon capitaine et je ne me vois pas demander à la cuisinière ou la prêtresse de me représenter… votre venue aurait pu être providentielle, si vous ne vous étiez pas mis à me mépriser aussi stupidement juste parce que j’ai voulu tempérer vos directives. »

Je secoue la tête d’un air dépité. Non, j’ai plus vraiment envie de rire. Je suis fatiguée ! Putain de merde. Je suis épuisée et j’en ai marre de ces conneries !

« Il y a la coutillère Eilyn de Chantebrume qui pourrait très bien se charger de cette enquête. On dit qu’elle a été admirable pendant l’attaque. Une femme de confiance et d’expérience. Et puis, c’est le boulot de miliciens, ça. »

Je soupire en le regardant.

« Alors pourquoi voudrais-je vous faire cette faveur alors que vous me méprisez et me calomniez devant un envoyé de la Couronne royale, alors même que je vous ai présenté des excuses à deux reprises ? »

Je le regarde avec sévérité, ni haine ni moquerie aucune dans le regard. Dans la vie, il y a un temps pour tout. Pour le rire et les larmes. Pour la dérision et le sérieux.

« Si nous ne sommes pas capable de nous entendre et de nous faire confiance, il me paraît peu probable que je vous confie cette enquête alors que j’ai déjà quelqu’un de fiable tout indiqué pour cela. Je le déplore, mais c’est du bon sens, vous en conviendrez. »

Tout être normalement constitué mentalement devrait comprendre ça…

« Mais je vous l’ai dit. J’aurais bien besoin d’aide pour la gestion du bourg et nous aurions tout deux à y gagner à collaborer sérieusement. Je ne vous demande pas de m’apprécier, juste d’arrêter de fomenter ce conflit qui n’a pas lieu d’être. Alors il ne tient qu’à vous de faire un effort afin que ces futilités cesses. J’ai fait un pas vers vous à deux reprises, maintenant c’est votre tour. Mais je n’ai pas l’impression que vous y êtes disposé. »

Non, il n’y a qu’à voir son regard. Mon ton est ferme, point d’amusement ou autres légèretés. S’il ne veut pas comprendre ce que je lui dis, tant pis pour lui.

« Je n’ai pas de temps ni d’énergie à perdre avec ça. Aux heures les plus sombres de l’humanité alors que notre race s’éteint, je constate tristement que le cœur de l’homme reste gorgé de haine et préfère se saboter dans sa haine au lieu de voir ses intérêts. Et vous savez quoi ? »

Je repose mon verre que je finis d’une traite brusquement sur la table.

« Puisque vous n’êtes visiblement pas capable de voir les vôtres – il n’y a qu’à vous voir prendre de haut un envoyé Royal d’ailleurs ! Vous croyez vraiment que ça va vous aider ? Et puisque vous préférez déverser votre bile sur moi, je vous en prie, continuez tout seul ! J’abandonne. Revenez me voir quand vous serez mieux disposé à mon égard. En attendant, j’ai mieux à faire. »

Et toujours trop peu de temps.

Oui, du temps, trouver du temps… le temps. La denrée la plus précieuse de mon univers, celle qui me manque le plus.

Je me relève brusquement, trop brusquement et je retombe assise dans un éclair de douleur. Je devrais me reposer au lieu de passer mon temps à courir partout… bordel !

Je me relève à nouveau, m’appuie sur l’accoudoir du canapé pour me maintenir… dans une position ridicule, à moitié vautrée en arrière. Je me redresse finalement dans un grognement rageur pour me remettre debout.

« Votre enquête, vous pouvez vous la foutre au cul ! Sur ce, je vous laisse votre honneur, Monsieur le baron de Tourbière. J’ai du travail. Bravo, vous avez réussi à me mettre de mauvaise humeur ! »

Je sors de la pièce et balance un grand candélabre par terre. Il en a vu d’autres avec moi celui-là… Ça y est, je suis en train de vriller.

« Vous deux, là, bande de crétins ! j'alpague les miliciens aux portes du fort. Ramassez-moi ça tout de suite. Un ouvrier, hein ?! J’vous en donnerais, moi, des ouvriers ! Vous ne savez pas reconnaître le sceau royal quand vous l’avez sous les yeux ?! Attendez que je vois vos supérieurs vous allez voir comme ça va barder ! »

Pénélope s’approche, inquiète de m’entendre m’énerver de la sorte. Mon cœur me fait tellement mal.

« Rosen... ? Que se passe-t-il ?
- Rien, tout va bien ! Le panier à provisions je te prie. Rempli. Vite. »

Je vais défaillir c’est pas possible. J’essaie de reprendre mon souffle, ça tourne. Pénélope se hâte de m’amener le panier. Bien, et maintenant, la gamine. Après, le type, et après, je ne sais plus. A chaque heure sa peine.

Citation :: Rosen n'est pas partie bien loin, elle est toujours dans le hall et il est facile de la rattraper pour lui parler le temps qu'on lui apporte le panier demandé. S'il ne le fait pas, elle partira seule voir Margaux.

Le Baron de Tourbière écoutait pour la dernière fois les paroles de la maîtresse des lieux, d’une oreille partiellement attentive. Il attendait seulement une réponse à sa question, ni plus, ni moins. Le regard rivé sur son récipient, plutôt que sur son interlocutrice, il tournait lentement le liquide rougeâtre dans le verre pour en admirer la couleur. Le parfum riche et boisé du vin lui emplissait les narines. Enfin, il leva le verre à sa bouche, inspirant profondément avant de prendre une petite gorgée. La Baronne de Sombrebois continuait de parler inutilement. Toutefois, elle ne l’empêcherait pas de savourer le goût intense du breuvage. Tandis que la saveur fruitée et légèrement épicée inonda sa bouche, il posa calmement le verre sur la table. Enfin, il venait d’avoir la réponse à sa question. Alors que la démente tentait difficilement de se lever de son canapé, le Baron de Tourbière lui adressa un dernier regard impassible. Prenant appui sur la table, il lui glissa à l’oreille, d’un ton immuable, ces quelques paroles fluides et résolues.

« Écoutez-moi bien, Rosen. Vous n’êtes qu’une putain impure, une chiure de merde. Une gueuse, qui a trainé ses robes dans les pires tavernes du Royaume, une honte pour votre sexe et pour votre espèce. Que la maladie vous frappe, et que la mort vous emporte, vile truie. »

La harpie venait de choisir son camp, et elle serait désormais dans celui de l’ennemi. Sur ces mots assumés, le Baron de Tourbière tourna le dos à son interlocutrice, avant de la prévenir de son départ du château-fort.

« Je vais chercher mes affaires. »

Il était hors de question, pour lui, de loger une nuit de plus dans l’enceinte du château-fort. Il s’installerait donc à l’auberge pour les temps à venir. Une fois qu’il eut récupéré ses biens personnels, il quitta la demeure féodale pour partir en direction de son nouveau logement temporaire. Sur son chemin, il interpella l’un des nombreux miliciens sillonnant la zone.

« Abandonnez les recherches et l'arrestation du prénommé Almère. Allez-y, faites passer le mot à vos confrères. », ordonna-t-il fermement.

Une fois ses affaires déposées à l’auberge, il irait veiller sur les réparations du bourg.

HRP - Almère:

Pour qui sonnent les tambours

Rosen feat Aloys et Larimar

Après que je lui ai gueulé de se foutre son enquête au cul, il m’a alors chuchoté sa pauvre insulte ridicule – soyons honnête, il aurait pu trouver des choses réellement blessantes pour le coup, ce n’est absolument pas ce qui manque.

Le regard inquiétant et le sourire malsain que je lui ai lancé à ce moment-là ont sans doute été tout autant éloquent que sa diatribe. A vrai dire, cette dernière était même excitante. S’il savait…

Un flottement d’ivresse. Un errement ardant où mon regard s’est décroché du sien pour lentement se porter plus bas, au niveau de sa jugulaire, là où la chair semble toujours si tendre. Du sang.

Le goût de son sang… Il fut si près que je suis sûre que j’aurais pu l’atteindre et l’arracher d’un coup de dents. J’en aurais eu la force, l’exaltation a été incommensurable. Oui, j’aurais pu le vider de son sang, lui aussi. Oui, j’aurais même pu m’en abreuver.

J’ai alors mordu ma lèvre inférieure si fort en replongeant mon regard dans le sien que le goût du maquillage a bien vite laissé place à celui si grisant du sang que j’attendais tant, mon sourire dément ne faiblissant pas.

Ma langue a pourléché le liquide carmin qui a légèrement perlé et s’il n’est pas aussi con qu’il veut bien le montrer, il aura compris que mon faciès arborait tout autre chose que de l’obscénité. Mon cœur bats si vite... et même s'il me fait mal, je crois pouvoir dire qu'il n'y a nul autre moment que ce genre-ci pour se sentir vivant.

Finalement, et bien heureusement, je suis sortis de mon état lorsqu’il a quitté le salon pour aller chercher ses affaires, évitant de commettre l’irréparable. Fuis, oui, mon petit lapin… fuis… C’est là que je me suis alors précipitée pour m’en prendre au candélabre et aux miliciens.

La retombée est terriblement vertigineuse et j’ai l’impression de ne plus avoir la moindre force.

« C’est ça, prenez vos affaires et allez donc réclamer ma mort ailleurs ! », m’écris-je.

Pénélope m’amène le panier en trottinant, ayant fait au plus vite.

« Conseil de guerre. Je veux Jürgen, Eve, Carla et Charline ici à mon retour. Envoie Mérédith les chercher au plus vite, c’est urgent. En attendant, relayez-vous pour surveiller la nourriture en permanence, que personne ne s’en approche et qu’aucune assiette ou verre ne soit laissé sans surveillance. Du poison traîne dans le coin et il est passé dans beaucoup de mains… »

Non, je ne fais sûrement pas confiance à la milice pour ce coup-là. On va se débrouiller nous même. Mais en parlant de milice... j'ai un entretien à avoir avec la coutillère Chantebrume en urgence.