[Event] A une botte prêt ! [PV Alaïs]

4 juin 1167

Usson – Plateau du Labret, fin de journée



L’après-midi avait filée à une vitesse assez impressionnante et la soirée arrivait à grand pas. Je n’avais pas réussi à retrouver Ryn, malgré la taille somme toute modeste du village.
Cependant, les frangins m’avaient rassuré : si elle n’était pas en forme mentalement, physiquement ça allait. Aussi, le fait de la savoir en compagnie de Théophile, en plus de me faire sourire, achevait de me laisser serein.
Elle était bien accompagnée et, honnêtement, j’étais même content de la savoir avec l’archer. Théo avait mon entière confiance et je savais que, quoi qu’ils se disent ou qu’il se passe, ils seraient toujours suffisamment proches.

J’envisageais donc de trouver la taverne pour boire un coup et manger un morceau lorsque je croisais deux collègues. Surprenant leur conversation, je fus alarmé en entendant que la petite caserne était pleine et que plusieurs miliciens étaient à la recherche d’un logement. Les frangins avaient pris mes affaires lorsque j’étais passé mais je n’avais pas de toit. En effet, l’antre des Monclar était déjà bien pleine et il faut avouer que nous avions été séparés longtemps…Je me refusais donc à m’incruster.
J’irais récupérer mes affaires et je trouverais bien à me débrouiller !

Je réfléchissais, ne prêtant guère attention à ce qui m’entourait, marchant droit devant moi, mon regard se braquant sur une fillette qui dansait avec sa poupée.

‘TENTION !!! Il s’est échappé !!!!!

Un bref regard vers l’arrière, origine du cri et je pu voir un gros cheval gris lancé au galop. Quelque chose avait dû l’effrayer mais, pour l’heure, il fonçait droit sur la fillette qui, si personne ne bougeait, alors prochainement finir écrabouillée.
Je bondis alors, courant jusqu’à l’enfant que je ceinturais à la taille, exécutant une pirouette pour la sortir de la trajectoire de l’animal. La petite piaillait puis fit preuve d’une hilarité innocente, preuve qu’elle n’avait même pas remarquer le canasson.
Deux palefreniers passèrent en courant tandis que je reposais l’enfant pour reprendre mon trajet.

C’est alors que je glissais sur un cadeau, déposé par le cheval, ce qui me fit perdre l’équilibre. Depuis longtemps usées, la semelle de ma botte se déchira tandis que j’effectuais un splendide plongeon dans un abreuvoir. Je réussi malgré tout à ne me mouiller que partiellement, trouvant un semblant d’équilibre dans une position un peu acrobatique.

Tacaclop ! Tacaclop ! Tacaclop !

Oh non … !

Eh si !

Ce salopard revenait à la charge, fonçant cette fois droit sur moi. Je me jetais alors au sol et roulais dans la poussière pour l’éviter tandis qu’il passa au-dessus de l’abreuvoir pour poursuivre sa route vair les Dieux seuls savent.
Le nez dans la poussière, je ne ferais guère de commentaires.
Les orteils à l’air ne gâcheront pas mon regard fier.
J’ai l’air un mendiant diront les plus médisants.
Mais j’ai sauvé une enfant et j’en suis bien content !

Je poussais un long soupir avant de m’asseoir, couvert de terre, à moitié trempé, une botte sans semelle et quelques griffures anecdotiques. Fort heureusement, je n’avais pas fini étalé dans le crottin !
Tenant ma semelle à bout de doigts, je me redressais lentement, satisfait de constater que mon épée n’avait rien.

Après une nouvelle journée de travail intense sur ces fichues palissades, Alaïs était rentrée se rafraichir à l’auberge pour ensuite sortir prendre l’air. Le chantier avait de nouveau fait l’objet d’une attaque dans l’après-midi et bien qu’elle se soit trouvée suffisamment loin pour ne pas être victime ou témoin, les cris avaient douloureusement rappelé à son attention les événements de son premier jour à Usson. Un fond de nausée la dérangeait depuis lors et elle errait donc dans les rues du village, en profitant pour enfin apprendre à s’y repérer et prenant de profondes inspirations pour calmer son estomac. Elle gardait également son esprit en alerte, observant tout et tout le monde autour d’elle, le moindre répit étant récompensé par des réminiscences du fangeux écrabouillé.

Un frisson la parcourut alors qu’elle apercevait les écuries, au bout de la rue. Passer un peu de temps avec les chevaux serait peut-être un bon moyen de se distraire. Elle ne savait pas y faire mais peut-être la laisserait-on les caresser?

Des exclamations venant de son objectif la figèrent sur place et elle assista, abasourdie, à l’échappée d’un cheval, poursuivi par deux palefreniers et qui manqua de renverser une petite fille distraite par sa poupée. Heureusement, un passant s’interposa et écarta la petite du chemin juste à temps.

Bon, d’accord. C’était presque héroïque.

L’artisane avait donc toujours les yeux rivés sur le jeune homme aux cheveux noirs lorsqu’il glissa et plongea partiellement - beau rattrapage! - dans un abreuvoir. Elle amena une main abîmée devant le bas de son visage pour cacher son amusement, un sourire étirant ses lèvres. Les bruits caractéristiques de la folle cavalcade d’un cheval se firent soudain à nouveau entendre et Alaïs se plaqua contre un mur tandis qu’il passait à côté d’elle. L’animal se précipita alors sur le même jeune homme, le forçant à s’écarter dans une roulade. Décidément, pas de repos pour les braves. Il avait toutefois terminé sa cascade au sol et Alaïs accourut, un peu alarmée.

« Vous allez bien? », s’enquit-elle en essayant de garder sa voix neutre. Son expression par contre oscillait sans cesse entre l’amusement et l’inquiétude. Il faisait certes peine à voir mais présentait aussi une scène très comique, sa semelle à la main.

Elle parvint toutefois à reprendre de son sérieux.

« Vous avez besoin d’aide? », demanda-t-elle, sa main pointant tour à tour ses griffures, sa semelle et puis… et bien… son état général, mouillé et couvert de terre comme il l’était.

Puis loin, les palefreniers avaient enfin réussi à remettre la main sur le cheval et le ramenait aux écuries.

« Qu’est-ce que vous avez fait à cette pauvre bête pour qu’elle vous cible ainsi? », ajouta-t-elle, toujours avec un doux sourire.

Alors que je me relevais péniblement, il ne faut pas oublier que je venais tout juste d’arriver de Marbrume, une voix doucement amusée me demanda si j’allais bien. Mes yeux tombèrent sur des jambes masquées par un pantalon et remontèrent, à mesure que je me levais pour finir par croiser deux pupilles bien bleues.
J’avisais brièvement le visage de mon interlocutrice qui demandait cette fois si j’avais besoin d’aide, pointant les différentes choses qui n’allaient pas sur moi.
J’affichais une moue profondément contrariée, presque sévère…
Puis j’éclatais de rire !

Ca va, oui, je n’ai rien ! Dis-je avant de m’observer brièvement en tous sens. Enfin, je ne ressemble plus à rien, mais bon…

Je brandissais ma semelle avant d’achever le descriptif.

Je dois avoir la même allure qu’un chariot qui aurait perdu une roue !

Je croisais alors les bras, faisant une grimace désapprobatrice et menaçant la demoiselle de mon résidu plantaire.

Pour votre gouverne, je n’ai strictement rien fait à cet animal, mis à part, peut-être, le priver de son repas et… Salir son abreuvoir ?

Je lui offrais alors un grand sourire, la détaillant brièvement. Bien charpentée, elle était plus grande que la frangine et semblait de bonne carrure. Ses épaules étaient larges et les quelques mèches blondes qui s’échappaient de son chignon venaient encadrer ses yeux limpides. Quelques fins rides à la commissure de ses lèvres et de ses yeux trahissaient son amusement, lui donnant un air charmant.

Je pense qu’il va me falloir une nouvelle paire de bottes…Et de quoi me décrasser ! Avouais-je. Je suis arrivé en fin de matinée, je ne connais pas trop les lieux. Vous savez où je pourrais me décrotter sans payer et sans affoler la place publique ? Un ruisseau peut-être ? Pour les égratignures, ça ira…Hmmm !

Je lui lançais un sourire taquin.

Cela dit, je n’ai rien contre vous laissez faire !

C’était évidemment une plaisanterie. Rien ne nécessitait plus qu’un peu de savon et d’eau claire. Mais je suis toujours un peu joueur ou taquin… Qu’y puis-je ?

Alaïs ne parut pas le moins du monde impressionnée alors que le jeune homme se relevait, l’air contrarié. Puis il éclata de rire et elle lui rendit son sourire, acquiesçant vigoureusement avec un air de fausse compassion sur le visage lorsqu’il mentionna son état. Oui, il ne ressemblait à rien à l’instant…

Le sourire de la jeune femme se fit un peu plus moqueur quand il répondit à sa petite boutade sur un air faussement vexé, avant de lui demander où il pourrait se rafraichir, ajoutant une petite plaisanterie à son tour. La distraction était bienvenue… Alaïs éclata donc franchement de rire et décida d’en rajouter une couche.

« C’est aussi ce que vous avez dit au cheval? », demanda-t-elle, en contenant difficilement son hilarité.

L’artisane reprit alors un peu de son sérieux en l’observant mieux. Des yeux bleus, encore. Décidément, ils la poursuivaient. Une figure de combattant, affirmée par l’épée qui pendait à son côté. Un mercenaire. Ou un autre milicien peut-être?
« Et bien, si vous ne voulez pas apeurer la populace en rentrant dans cet état à la taverne, il y a bien un ruisseau, par là. », fit-elle avec un vague geste de la main vers l’autre bout de la rue. « Sinon… », elle fit une petite pause, « il y a toujours l’abreuvoir. »

Elle haussa un sourcil dans une expression un peu comique puis reporta son attention sur la semelle qu’il tenait toujours à la main.

« Montrez-moi un peu votre botte… », dit-elle alors en lui faisant également signe de lui montrer la semelle. « Si elle n’est pas complètement déchirée, il y a peut-être moyen de faire quelque chose. »
Alaïs était plutôt créative et les quelques ateliers du village étaient encore en activité à cette heure.

« Alaïs, au fait. Belle intervention, avec la petite fille. », ajouta-t-elle, sans aucune moquerie cette fois.

Je ne la connaissais pas, mais elle me plaisait bien la demoiselle !
Moi qui aimait rire et éviter de prendre les choses trop au sérieux, la légereté avec laquelle nos premiers échanges se faisaient était rafraichissants. Je croisais tellement de personnes qui faisait le tronche que, voir un sourire était véritablement agréable !
Je répondais donc à se réflexion avec un sérieux absolu…

Gnagnagna ! Ne me parlez plus de ce fichu bourrin ! Grondais-je…hilare.

Durant quelques secondes, nous nous observâmes mutuellement avant qu’elle ne reprenne un air un peu plus sérieux. Je l’écoutais me proposer un ruisseau non loin avant d’oser m’orienter vers l’abreuvoir dont je sortais. Je haussais un sourcil en même temps qu’elle devant cette proposition incongrue, pouffant comme un môme.

Je doute que de voir un milicien nu dans un abreuvoir soit du goût des gens alentours !

Je retirais la botte éventrée pour la lui donner en même temps que la semelle, oubliant complètement, et là, c’était honteux de ma part, que c’était celle dans laquelle j’avais mon couteau de secours.

Si vous arrivez à en faire quelque chose, je vous offre un verre !

Elle me fit alors l’honneur de me donner son prénom, me confiant son appréciation quand à mon intervention.

Merci, j’essaye de faire mon boulot ! Je suis Loghart, milicien de l’extérieur. Concluais-je en posant le pied dans la terre.

Vous pourriez me conduire jusqu’au ruisseau ? Enfin, je ne veux pas vous faire perdre votre temps ! Vous avez sans doute mieux à faire. Dis-je avant d’observer ma botte dans ses mains. A l’évidence, elle allait au moins passer avec moi le temps qui lui serait nécessaire pour tenter quelque chose…
Ses mains… Il paraissait évident que je n’avais pas à faire à une petite femme fragile. Elle était habituée au labeur éreintant et physique et, j’en étais persuadé, elle devait même mettre la pâté à nombre d’homme plus costauds.
Cela ne l’empêchait pas d’avoir du charme, bien au contraire.

Son sourire ne quitta pas son visage alors qu’il réagissait à sa petite plaisanterie sur le fameux cheval. Alaïs n’avait plus l’habitude de rire autant et ses joues commençaient à tirailler. Mais la bonhommie de leur échange était rafraîchissante.

Alors comme ça, il était bien milicien? Et il avait l’intention de terminer à poil dans le ruisseau? L’artisane eut un nouvel éclat de rire.

Elle reçut ensuite la botte et la semelle alors qu’il se présentait.

« Enchantée, Loghart… », répondit-elle d’un ton un peu absent en examinant la chaussure. Elle lui semblait bien lourde… Mais alors qu’elle la retournait pour en vérifier l’état, le manche d’un couteau lui tomba dans la main. Alaïs écarquilla les yeux de surprise et sortit l’arme de sa cachette. La prenant par la lame, elle la tendit à son propriétaire, sans un mot pour accompagner son expression un peu moqueuse.
Elle revint alors à la botte, retenant un froncement de nez à l’odeur qui émanait de l’objet. L’intérieur et la doublure s’étaient un peu décrochées, à l’avant, et la semelle s’était complètement désolidarisée mais dans l’ensemble, ça devait être raccommodable.

« Occupons-nous de votre botte, d’abord. Venez, suivez-moi… »
Elle remonta la rue, sans aller trop vite pour que Loghart puisse la suivre sans souci avec un pied déchaussé sur le sol inégal, jusqu’à atteindre la fameuse écurie. Dans une des petites annexes, Alaïs reconnut un établi et elle entra, saluant un homme qui se trouvait là et qu’elle avait déjà croisé sur les chantiers, pendant la journée. Il travaillait à réparer une selle et l’autorisa à utiliser le matériel à disposition.

L’artisane s’assit donc sur un tabouret, juste à côté de l’établi et de l’ouvrier, et proposa à Loghart d’en faire de même. Elle s’attela ensuite à repositionner les différentes parties de la chaussure.
« Voyons donc ce qu’on peut faire... Ça fait très longtemps que je n’ai pas travaillé avec du cuir et je serais bien incapable de recoudre le tout mais, avec de la colle », elle attrapa un pinceau délaissé par l’ouvrier et le plongea dans un pot de colle, de blé sans doute, « ça devrait tenir le temps de vous racheter une paire. »
Pendant qu’elle badigeonnait les deux parties de la chaussure, sans en mettre de trop pour que ça puisse sécher suffisamment vite, et assemblait le tout, l’ouvrier rebondit sur sa remarque.
« Le cordonnier est probablement fermé à cette heure mais demain matin… »
« Parfait… Espérons que ça tiendra jusqu’à demain matin! », fit-elle, en pressant la semelle contre le reste de la chaussure, en maintenant la doublure à plat par l’intérieur. Elle essayait vainement de faire abstraction de l’odeur persistante et de sa main au fond de la botte moite d’un inconnu. Elle avait de ses idées, parfois…

L’ouvrier s’éloigna alors et Alaïs reprit la conversation, histoire de meubler le temps de séchage, qui ne serait de toutes façons certainement pas adéquat. Loghart était milicien mais ne se semblait pas vouloir rejoindre la caserne, où il aurait probablement pu se décrasser. Alors que faisait-il à Usson?
« Vous êtes là pour les préparatifs des jeux? Ou pour une toute autre raison? », demanda-t-elle, toujours penchée sur son travail et les mèches de cheveux qui s’étaient peu à peu échappées de son chignon dans le courant de la journée encadrant son visage.

Oh ! Je l’avais oublié celui-là ! M’exclamais-je en prenant doucement le couteau qu’elle me tendait après l’avoir sortie de ma botte. Je l’observais brièvement avant de l’agiter lentement.

Il m’a sauvé et aidé dans bien des situations ! Raillais-je avant de le passer à ma ceinture. J’observais alors Alaïs qui scrutait ma botte, fronçant le nez. A l’évidence, le fumet était peu plaisant, détail auquel je n’avais pas pensé et qui me contrariait.
Non, parce que même si je suis assez souple avec les convenances, il y a tout de même mieux comme rencontre avec qu’une jeune femme que “Bonjour, moi c’est Logh et j’pus des panards !”

Hmm ! Désolé, elles aussi elles ont…vu du pays !

La bonne humeur règnait cependant et elle décida de remettre mon décrassage à plus tard, me conduisant à l’écurie. Je marchais à côté d’elle, d’un pas tranquille, veillant à éviter les cailloux pour épargner mon pied, jusqu’à arriver à destination. Je saluais l’homme qui oeuvrait sur une selle alors qu’elle négociait avec lui de pouvoir utiliser ses outils. Accord obtenu, elle s’installait sur un tabouret en m’invitant à faire de même. Je posais donc mon séan sur le meuble adéquat, face à la blonde, pour l’observer réparer mon atour.

Ce sera toujours plus solide que si je le faisais moi-même, je vous assure ! Avouais-je en hochant la tête à l’information de l’homme. L’artisan finit par quitter l’endroit, sa selle sur l’épaule, offrant à la femme l’occasion de relancer la discussion.

J’ai été affecté à une coutellerie de renfort. J’imagine qu’avec les jeux, il est préférable d’avoir un peu plus de monde, surtout avec les récents évènements. J’en profite pour voir de la famille qui est ici. Et vous ? Vous êtes d’Usson ? En tous cas, vous semblez savoir y faire avec les outils, je reviendrais vous voir si jamais l’envie me prenait de casser autre chose ! Lançais-je, hilare.

Je l’observais alors qu’elle était penchée à son ouvrage. Des cheveux, échappés de sa coiffure, coulaient le long de son visage, renforçant son air concentré et appuyant la grâce de ses traits.
C’était une belle femme, pleine de ressources et d’humour, une bien agréable rencontre.

J’ai de la chance d’être tombé sur vous ! Enfin, que vous m’ayez vu me ramasser, pour être exact… Pouffais-je.

Alaïs releva les yeux de son ouvrage pour observer encore un peu mieux son interlocuteur alors qu’il lui répondait. Il semblait de ces hommes à l’aise dans la plupart des situations, confiants et ouverts. À peine plus âgé qu’elle, elle reconnaissait toutefois en lui cette posture si commune aux combattants aguerris. Et puis, il la faisait rire. Une rare occurrence…

« Je suis arrivée à Usson il y a quelques jours, pour aider aux préparatifs. », répondit-elle à son tour. « J’ai un atelier, de poterie, dans la Hanse et j’ai pensé que les jeux pourraient être un événement intéressant. », compléta-t-elle. Oh, comme elle rêvait du jour où elle pourrait se targuer d’être revenue définitivement à la verrerie… Mais elle manquait encore de fonds pour ce projet qui demandait des outils et des matériaux devenus rares.

Elle hésita ensuite un instant. Elle avait remarqué, depuis quelques temps déjà, que tout le monde ne réagissait pas pareillement face aux immigrés. Pour certains, ils n’étaient que des fuyards venus voler le pain de la bouche de ces pauvres Marbrumiens… Mais Loghart avait l’air sensé, alors elle poursuivit:
« Je viens de Boétie. Je commence seulement à apprivoiser Marbrume et… me voila! »
Elle ponctua sa phrase d’un signe de tête, vu que ses mains étaient occupées, désignant les alentours. Depuis l’attaque du premier jour, il ne se passait pas une seule journée sans qu’elle regrette cette expédition. Vraiment, elle aurait mieux fait de rester à Marbrume.

Sa dernière remarque la fit à nouveau rire.
« Je ne sais pas si c’est de la chance mais certains apprentis de mon père travaillaient un peu le cuir. Il me reste quelques souvenirs. »
Rien à voir avec la fabrication de chaussures toutefois et, honnêtement, elle n’avait pas beaucoup d’espoir pour cette botte.

Elle reporta cependant son attention sur l’objet, vérifiant peu à peu la tenue de la semelle.

«  Ça fait longtemps que vous avez rejoint la milice? », interrogea-t-elle à nouveau. C’était l’éternelle question, pas vrai? Avant ou après la Fange?

Puis, satisfaite du résultat, elle tendit enfin sa botte raccommodée à Loghart.
« Tenez… Mais je ne vous promets rien. Si vous terminez les orteils à l’air, je décline toute responsabilité! », fit-elle avec une expression un peu farceuse.

‘Laïs se releva alors en se frottant les mains sur son pantalon.
« Et donc… Ruisseau? », demanda-t-elle, prête à montrer la route vers le petit cours d’eau.

Quelques jours ? Fichtre, ils y a des gens capables de se repérer à une vitesse effarante en ville, c’est fou ! Je lui servie un sourire franc et…espiègle.

Une potière ? J’ai définitivement du pot de vous avoir rencontré ! Pouffais-je avec fierté avant de continué, un peu plus sérieusement. J’imagine, oui, que pour un artisan, un évènement tel que celui-ci, surtout par ces temps, est une aubaine !

Un éclair d’hésitation traversa ses yeux avant qu’elle avoue être originaire de Boétie. Je levais un sourcil, ayant presque l’impression qu’elle avait honte, ou plus probablement, peur de me faire cette confidence. Un voile mélancolique traversait son beau regard bleu. Je suivais son mouvement de tête avant d’attraper son regard, un fin sourire complice aux lèvres.

Je ne suis pas originaire de Marbrume non plus vous savez ! Nombreux sont ceux dans ce cas là d’ailleurs. A vrai dire, je n’ai pas de souvenir de mes origines, c’était assez…secret. Nous avons beaucoup voyagé, je ne suis établi dans la cité que depuis la Fange en fait.

Fort heureusement, je réussissais à chasser cette ombre en lui arrachant un nouveau rire. Elle apporta quelques précisions sur l’historique de ses compétences, affirmant que si c’était de la chance, elle était limité, ce à quoi je haussais les épaules.

Les petites compétences sont toujours la base d’un grand talent Alaïs !

Un silence s’imposait alors qu’elle semblait vérifier la tene de son travail, silence que je gardais scrupuleusement, par respect pour son travail. Finalement, le nez toujours penché sur ma botte, elle m’interrogeait sur mon intégration à la milice. L’éternelle question, qui agite les lèvres des civils, comme un besoin impérieux de savoir si le type armé en face de vous est un vrai soldat ou une imposture.
Cette fameuse question qui…Ne m’a jamais fait ni chaud, ni froid.

Je suis milicien depuis l’arrivée des fangeux ici, après la chute de l’armée, donc cela doit faire quelque chose comme trois ans. Avant, j’étais mercenaire, comme toute ma famille. On peut dire que j’ai grandis une épée entre les mains. Un peu comme vous avez grandit dans l’artisana, si j’ai bien compris.

Ma confidence sur mon passé de mercenaire, je l’abordais avec confiance. J’escomptais que les gens que je rencontrais me juge pour ce qu’ils voyaient de moi et non pour un passé révolu et lointain.
Elle me tendait finalement ma botte avant de me sortir une phrase qui me laissait interdit une petite seconde, bras tendu. J’éclatais alors de rire en me saisissant de mon habit pour l’enfiler, un sourire taquin aux lèvres.

Est-ce une façon de me dissuader de vous inviter à danser ? Raillais-je en gloussant. Oui, je suis prêt pour aller à ce ruisseau, je vous suis. Confirmais-je en me levant.

Je la suivais alors hors des écuries, lui contant quelques anecdotes amusantes, notamment celle où, avec Théophile, nous avions sortis un gamin de sables mouvants Pour ce faire, j’avais sauté dedans, usant de ma cape pour m’étaler et répartir mon poids. Cela aurait pu mal finir, mais puisque la fin était bonne et que nous étions tous vivant, je la rangeais maintenant dans les moments drôles.
Finalement, nous arrivâmes au ruisseau dont-elle avait parlé. Mes vêtements, encore partiellements mouillés, n’étaient pas agréables mais je n’avais rien pour me changer.

C’est parfait ! Dis-je en débouclant le ceinturon de mon épée pour la poser contre un rocher. Je n’en ai guère pour longtemps, je veux juste retrouver visage humain ! Poursuivais-je, en frottant la poussière sur la moitié de mon visage comme si j’avais besoin de prouver mes dires.

J’allais donc m’agenouiller au bord de l’eau pour m’asperger la figure et les cheveux, frottant énergiquement. Une fois suffisamment rincé à mon goût, je fis une grimace espiègle à mon reflet. Alors, une petite gerbe d’eau fusa droit sur la jeune femme, traitrise aisément effectuée du fait que j’étais toujours accroupis au bord.
Je m’esclaffais comme un môme turbulent !
…
Oui, bon, je suis un môme turbulent parfois…

Alaïs répondit à sa petite blague facile sur le coup de pot d’une moue mi-désabusée, mi-amusée. Comme si c’était la première fois qu’on la lui faisait, celle-là…

Le sourire complice du milicien se refléta ensuite sur ses propres lèvres. Entre expatriés, il n’y avait certes pas de gêne. Cela paraissait quand même un peu différent pour Loghart. Il semblait avoir voyagé, avant tout ceci, alors qu’elle avait été arrachée à son foyer pour recommencer à zéro, ailleurs, sans rien ni personne. Enfin, sans rien… Ce n’était pas tout à fait vrai, mais ça, c’était un de ses petits secrets.

Il lui confia alors son parcours et Alaïs n’y trouva de toutes façons rien à redire. Louer ses compétences de guerrier au plus offrant n’était pour elle qu’une relation commerciale comme les autres, et la morale était souvent absente de ce genre de décisions, elle était bien placée pour le savoir. Et il avait quand même choisi de rejoindre la milice dès l’arrivée de la Fange au lieu de rester mercenaire. Ça en disait long.
« Oui, mon père était forgeron. », confirma-t-elle, presque nostalgique. Fut un temps où elle aurait bien étrangler ses parents de ses propres mains… Maintenant, il arrivait même qu’ils… lui manquent.

Il réagit ensuite à la réception de sa botte avec une plaisanterie sur une éventuelle invitation à danser, et Alaïs renchérit. Elle n’avait plus danser depuis l’arrivée du Fléau… et ça n’avait jamais été son point fort.
« Si vous tenez à danser, je crains que votre botte ne devienne rapidement le cadet de vos soucis! », fit-elle, avec un sourire amusé et un regard entendu, avant de se mettre en route vers le ruisseau.

Pendant le court trajet, Loghart la divertit d’un récit amusant dépeignant l’un de ses collègues, un gamin et des sables mouvants, qu’elle ponctua d’exclamations et de rires aux moments opportuns.

Arrivés au cours d’eau, Alaïs suivit le milicien jusqu’au bord de l’eau, s’accroupissant également pour se rincer rapidement les mains. Elle s’était toutefois déjà relevée, à quelques pas de lui, quand il décida… de l’asperger.

L’artisane resta un bref moment interdite, les yeux écarquillés par la surprise, à fixer le jeune homme certes maintenant un peu plus présentable. Elle n’était pas trempée, d’accord, mais elle sentait l’eau qui transperçait sa chemise de travail pour se coller à sa peau et les quelques gouttelettes qui ruisselaient le long de son visage.
« Mais! », fut tout ce qu’elle parvint à dire à travers son effarement.

Puis, presque comme un réflexe, son pied balaya la surface de l’eau, envoyant à son tour une gerbe d’eau sur le farceur. Sauf qu’il était beaucoup plus prêt de la surface qu’elle et qu’il n’écopa donc pas que de quelques gouttes. Elle recula de quelques pas, en prévision de représailles, en retenant très difficilement son hilarité. En fait, elle n’y parvint pas du tout et éclata de rire.

Bon, je pouvais remballer ma fierté, cette plaisanterie de “pot” semblait …

Bon, ma blague sentait le réchauffé hein ?

Cela n’empêchait pas de faire le trajet dans une bonne humeur toujours aussi joviale. Elle m’apprenait alors que son père était forgeron, avouant par la même occasion que j’avais bien cerné cette transmission pour l’artisana. Je n’allais pas chercher plus de détails car, comme beaucoup en ces temps, il était fort à parier qu’il ne soit plus de ce monde.
Aussi puéril que je pouvais me montrer, je n’étais pas dénué de bon sens pour autant. Nous vivions une époque où il était préférable de laisser les gens parler d’eux même plutôt que de les questionner.
Alors quand en plus vous êtes avec une jeune femme qui ne rechigne pas à la plaisanterie, qui est de bonne humeur et avec qui vous passez un moment amusant, ce serait particulièrement stupide de faire remonter trop de souvenirs.

Et dire que Alaïs ne rechigne pas à plaisanter, c’est peu dire ! En effet, elle réagissait immédiatement à ma remarque quand à la résistance de ma botte lors d’une danse. Je riais de bon coeur, notant cependant qu’elle n’avait pas envoyer promener l’hypothèse d’une danse.

Je pourrais prendre cela comme un défi ! Méfiez-vous ! Gloussais-je sans faire une véritable proposition, ni en écartant cette possibilité. Disons que c’était plutôt une option qui n’était ni spécialement envisagée, ni spécialement inenvisageable.

Nous rigolions donc de bon coeur jusqu’à arriver au ruisseau où je me débarouillais et qu’elle se rinça les mains.
C’est là que les choses…dérapèrent complètement et ce… Par ma faute !
Et j’en suis parfaitement fier !

De fait, je riais, toujours accroupi au sol, devant l’air estomaquée de la blonde. Sa surprise avait été totale et j’eu même un doute quand au fait qu’elle trouve cela drôle. Je l’observais en contre-bas, voyant sa chemise mouillée coller à sa peau, des gouttes tombant au sol. Un simple mot, complètement chargé de cette surprise et de cette incompréhension, s’échappait de ses lèvres, me poussais à rire plus encore.

Alors, je me pris une gerbe d’eau en pleine figure, gerbe qui m’aspergea complètement pour le coup, tant lié à ma position et à ma proximité avec le ruisseau que par le fait qu’elle ai usée de son pied là où je m’étais contenté de ma main.
J’étais mi surpris et mi…content.
Oui, content ! Content qu’elle réponde à mon enfantillage avec hilarité et entrain. Cela faisait un bien fou de voir qu’une personne rencontrée depuis, aller, une demie-heure, était capable, encore de nos jours, de se laisser aller de bon coeur à la légereté.
Evidemment, elle se repliait de quelques pas avant de craquer et de rire a son tour. Il ne m’en fallait guère plus.

Profitant de ma position, et de son hilarité, je bondissais pour lui saisir l’avant bras avec pour objectif de l’envoyer dans le ruisseau.
Hélas, à l’instant où je fermais la main sur son poignet, l’un de mes pieds glissa sur une pierre trempée, me faisant basculer en arrière.
Je n’eu qu’une fraction de seconde pour réfléchir et faire un choix : la lâcher et finir seul dans le court d’eau ou, conserver ma prise et l’embarquer avec moi.
…
Oui, vous commencez à me connaître !

Oups !

J’entrainais donc la jeune femme à la flotte avec moi, nous envoyant tous deux en immersion dans un “plouf” magistral.
Me redressant rapidement, je sortais la tête de l’eau, guidant Alaïs vers l’air libre, avant d’éclater de rire.

Alaïs comprit immédiatement à quoi Loghart voulait en venir mais elle n’eut pas le temps de réagir qu’il lui avait déjà attrapé le bras. Elle sut toutefois à son expression que quelque chose ne s’était pas passé comme il l’avait prévu. La surprise marquant toujours ses traits, elle se sentit attirée, puis basculer. Et quand le corps de Loghart suivit le sien, elle saisit où était le problème. Il n’avait certainement pas prévu de terminer à l’eau avec elle.

Par réflexe et anticipation, elle ferma les yeux et se prépara à l’impact. Elle détestait l’eau. Enfin, les grands espaces d’eau et les cours d’eau en tous cas. Elle ne savait pas nager et ça l’avait toujours terrorisée.
Elle eut donc un moment de panique en se sentant immergée mais deux mains l’agrippèrent et l’aidèrent à refaire surface.

L’artisane reprit son souffle, se stabilisa et se tourna vers Loghart, agenouillée sur le fond rocailleux du ruisseau.
« Vous...! »
Il riait, le gaillard!

Elle hésitait entre la vexation et l’amusement et diffusa son début de colère en envoyant un coup de poing dans l’épaule du milicien. Elle ne savait pas frapper, elle n’en avait jamais eu besoin, et n’y avais pas mis beaucoup de volonté donc le coup fut léger mais il lui permit de relâcher toute frustration et… de rire avec lui. Sérieusement, quel gamin! Qui avait l'idée de balancer une personne qu'on venait de rencontrer à la flotte?!

Alaïs se releva alors et évalua les dégâts. Elle était trempée, de la tête aux pieds. Son chignon était défait, ses vêtements détrempés et collants.

Elle sortit de l’eau et attendit que Loghart la rejoigne.
« Nous voila tous les deux aussi peu présentables, bravo! Vous qui ne vouliez pas créer une panique…! »
Il faudrait maintenant retraverser le village et elle devrait rejoindre la taverne dans cet état. Paulin allait encore en profiter pour se moquer d’elle pendant une éternité…
« Vous avez des vêtements de rechange quelque part? », demanda-t-elle enfin, ayant déjà remarqué qu’il n’avait pas de paquetage avec lui.

Je ralentissais mon rire en voyant son expression confuse lorsque je lui sortais la tête de l’eau. J’y étais peut-être allé un peu fort… A la réflexion, il était vrai que ce genre de farces, on les faisaient plutôt à des amis que l’on connaissait bien. Hors là, j’avais plongé la pauvre Alaïs dans le ruisseau alors même qu’elle ne me connaissait que depuis peu.
Un mot à la sonorité accusatrice s’échappait de ses lèvres avant qu’elle ne me donne un coup de poing à l’épaule, sans me faire grand mal. Cela ressemblait plus à un geste de remontrance qu’à un désir réel de frapper.
Alors que je doutais de l’amusement de ma gaminerie, elle se mit finalement à rire avec moi, me libérant du poids de la crainte d’avoir été trop loin.

Je me relevais en même temps qu’elle, établissant le même constat. Nous étions trempés, complètements imbibés et dégoulinants. Je l’observais alors qu’elle quittait le cours d’eau. Son chignon était de l’histoire ancienne et ses habits lui collaient à la peau, à l’instar des miens. Cet accoutrement mettait en valeur la carrure de la jeune femme, confirmant ce que j’avais déjà noté : elle est large d’épaules et sa musculature est bien marquée pour une femme.
Je la rejoignais hors de l’eau tandis qu’elle dressait un constat de la situation. Je rabattais mes cheveux sur l’arrière pour me dégager le visage en posant les yeux sur son visage. Ses longs cheveux blonds, collés à son visage suggéraient qu’elle devait être très belle lorsqu’elle n’avait pas la tignasse emprisonnée dans un chignon.
Je haussais les épaules à sa première phrase.

A la base, vous deviez être la seule à être trempée… Mais j’ai glissé… Gloussais-je avant de lui servir un grand et radieux sourire. Enchanté, moi c’est Loghart, je suis milicien et toujours enfant dans l’âme ! Avouais-je, comme si besoin était.

Elle me demandait alors si j’avais des vêtements de rechange, insistant sur le “quelque part”. Je fis une petite moue à cette question. J’avais en effet un pantalon et une tunique de remplacement, avec mon bardat…Chez mes frangins et ma soeur… Mais, l’idée de débarquer, accompagnée d’une femme, tous deux trempés, cela ne m’enchantait que peu. Je sentais poindre les railleries d’ici.
Choses que je préférais éviter car, si je savais à quoi m’en tenir, je ne savais pas si Alaïs allait apprécier les nombreux sous-entendus graveleux de ma fratrie.
Cependant, il fallait bien que je me change.

Moui, j’ai de quoi me changer chez mes frères, mais…

C’est alors qu’un détail me sautait aux yeux…Un détail particulièrement cocasse mais terriblement…Hum !
Je décrochais mon plastron de cuir en vitesse, détournant le regard pour ne pas paraître grossier. J’aurais pû penser à cela, aussi, avant d’envisager de la plonger à l’eau… Si sa chemise claire qui collait à sa peau mettait en valeur sa carrure bien charpentée, elle collait également à son ventre et à sa poitrine… Hors, le tissu fin et clair, une fois mouillé, devenait passablement transparent.
La jeune femme est décidément très…harmonieuse.

Laissez-moi vous enfilez-ça ! Lui dis-je en levant mon plastron au dessus de sa tête. Votre chemise…Elle à un peu perdu en opacité…

Pour le coup, j’étais gêné. J’espérais qu’elle avait d’autres habits, sans quoi je l’avais placé dans une situation beaucoup moins amusante que prévue.

Et vous ? Vous aussi vous avez de quoi vous changer j’espère !

Je posais la question, imaginant qu’elle devait bien habiter quelque part et, de fait, avoir quelques solutions. Dans le cas contraire, je trouverais une idée chez les frangins, même si je préférais éviter d’y aller dans ces conditions.
Pour le moment, j’attendais qu’elle passe la tête dans mon armure pour que je la lui attache, afin que cela masque complètement son buste. Je venais déjà de lui annoncer que j’avais vu bien plus que ce que j’aurais dû, je voulais éviter qu’elle ne se fasse dévisager par tout le village. Proche d’elle et tout aussi trempé, j’avais au moins l’avantage de la couleur noir de mes habits.
Je souriais en la regardant.

C’est définitif, je vous dois un verre Alaïs !

Passant l’armure à son cou, j’inclinais la tête.

Et je vous invite à dîner ! Pour ma botte et, pour le plongeon, je vous dois bien cela.

L’artisane avait entrepris de mettre de l’ordre dans sa chevelure - de longs cheveux mouillés et emmêlés étant la pire combinaison possible - quand elle remarqua le manège de son interlocuteur, interloquée.
Elle ne comprit pas tout de suite pourquoi Loghart commençait à retirer son plastron mais son air soudain gêné et son regard fuyant lui mirent la puce à l’oreille. Ainsi n’osa-t-elle même pas baisser les yeux sur son propre corps pour vérifier l’étendue de sa honte, tétanisée par l’embarras.

Elle n’avait aucune idée de la façon de mettre un plastron, aussi laissa-t-elle le milicien lui enfiler la pièce d’armure en bafouillant un faible « Merci… ».

La jeune femme était tout bonnement mortifiée et son faisceau de réflexion s’était considérablement rétréci, sa gêne prenant toute la place dans son esprit. Elle n’arrivait plus qu’à répondre aux questions directes.

« Oui… Des vêtements… Dans ma chambre… A l’auberge… »

Elle évitait sciemment le regard de Loghart mais quelque chose dans son ton, toujours aussi léger et confiant, lui fit enfin relever les yeux. Bon, il n’avait pas l’air d’en faire toute une histoire. Ni de se moquer, d’ailleurs.
Un verre… et à diner. Franchement pas une mauvaise idée.
« Les vêtements de rechange… Et puis un verre. Surtout un verre… », fit-elle en réponse à l’invitation, se rendant compte en cours de route qu’elle n’arrivait même pas à faire de phrases complètes.

Elle baissa enfin les yeux vers le plastron, un peu trop large aux entournures. Au moins, il faisait le travail et masquait tout ce qui devait l’être. Le milicien, par contre, était bien plus à découvert maintenant, les contours de sa silhouette de guerrier soulignés par le tissu noir trempé de sa chemise. Sauf qu’on ne voyait rien à travers! C’était décidé, elle allait teindre toutes ses chemises en noir…

« L’auberge… Par là… », fit-elle ensuite, en se mettant mécaniquement en route pour retourner au village.

En chemin, elle se raisonna un peu et secoua la tête comme pour essayer de remettre physiquement ses idées à place. Allez, ce n’était pas sérieux.

« Paulin devrait avoir quelque chose à vous prêter, certainement. », réussit-elle enfin à dire de manière cohérente.
Il n’y avait plus qu’à espérer que le milicien garderait cette mésaventure pour lui.

Alors que je tendais le plastron vers la jeune femme, je remarquais son visage se transformer. Elle était totalement décomposée, le teint presque pâle et elle ne bougeait plus d’une oreille.
L’annonce de la transparence de sa chemise l’avait carrément bouleversée, ce qu’il me fallut une bonne seconde à comprendre. En effet, j’ai été élevé à la dur avec mes frères et ma sœur et, malheureusement parfois, la pudeur n’avait pas fait parti de notre éducation guerrière. C’est pour cette raison qu’il me fallut un court instant pour comprendre quelle était la raison de ce changement brusque d’attitude.

Aussi, je gardais mon regard pour moi, ayant vu largement plus qu’elle n’avait besoin de savoir. Je passais mon plastron en douceur autour de sa tête avant de me décaler sur son flanc, posant son bras sur mon épaule pour fixer les attaches. Rapidement en place, l’armure masquait parfaitement tout ce qu’il y avait à dissimuler. Je me reculais pour le vérifier avec un hochement de tête satisfait tandis qu’elle me bredouillait un remerciement.

Je vous en pris, c’est tout de même de ma faute. Avouais-je, gêné pour elle. Vous n’avez pas de honte à avoir, il n'y a rien dont on pourrait se moquer !

Elle était toute chose, énonçant ses réponses avec un minimum de mots, comme si elle était particulièrement choquée par la situation. Fort heureusement, elle m’informait qu’elle disposait de quoi se changer à la taverne avant d’accepter mon invitation, non sans répéter qu’il lui fallait changer d’habits.
Elle observait le rendu de mon plastron sur son buste avant de lorgner son regard sur moi, m’indiquant le chemin à suivre et m’annonçant qu’un certain Paulin aurait peut-être de quoi me dépanner.

Ce serait fantastique qu’il puisse me prêter quelque chose, oui. Allons-y ! Dis-je en essayant de demeurer enjoué. Je ne voulais pas qu’elle se sente plus mal que cela, aussi gardais-je le silence durant les premiers pas. Finalement, marchant à côté d’elle, je rouvrais la bouche.

Cela restera entre-nous Alaïs. Je cherchais son regard, affichant un grand sourire. Voyons le bon côté des choses, ce plastron vous va plutôt bien, honnêtement ! Affirmais-je sincèrement. Cela lui donnait une allure farouche assez intéressante.

En entrant dans l’auberge, un homme en tablier jeta un regard en biais à la jeune femme avant de croiser mes yeux qui lui faisaient comprendre que garder la bouche fermée était un gage de sureté. Je me contentais de suivre l’artisane dans la bâtisse qui était assez calme en cette fin de journée. Le calme avant la cohue du soir, sans doute.
J’espérais que retrouver des vêtements secs lui ferait retrouver sn sourire !