Il est des choses que la Raison ignore [PV Ilhanne] [Terminé]

« Ma sœur, Valériane. »

Aucune hésitation, pas un temps de réflexion avant que ma réponse n’arrive. Val’ était, de loin, la plus grande inspiration, le plus grand modèle de ma vie. Sa force de caractère, sa droiture, sa détermination, tout ne pouvaient que me donner envie de lui ressembler. Derrière son abord un peu rêche, son armure protectrice, il semblait y avoir encore plus de force et cœur.

« Elle a une volonté impressionnante. Une résistance folle. Avec tout ce qu’elle a pris dans sa vie, elle a choisis de prendre encore, de risquer sa vie, presque sans hésitations, pour moi, pour tout le monde. »

Sans elle qui savait si j’aurais eu le courage de sortir des murs, de prendre enfin réellement ma vie en main, d’essayer de faire ce que je pensais juste et pas juste ce qu’il fallait faire pour survivre, pour ne pas avoir d’ennuis. Je regardais autour de moi, cette maison, elle avait vu des drames, des moments sombres où il ne semblait avoir que nous contre le monde entier, contre la bêtise humaine.

« Je trouve que tu connais un peu trop de chose sur moi … »

Je reportais mon attention sur Finn, mi-sérieuse, mi-amusée. Repensant au discours du prête à Traquemont. Peut-être que Finn n’était pas juste un ver luisant dans la nuit, peut-être qu’il était une des étoiles dont l’homme d’église avait parlé, quelqu’un de bien au milieu d’une masse d’idiots, mais il n’en était pas moins qu’il était un quasi-inconnu et on lui avait raconté une grande partie de ma vie. Sans raconter que j’avais moi-même réussit à me montrer assez stupide pour lui livrer le fond de ma pensée.

« Fin’, ça, j’peux m’en prendre qu’à moi-même. »

Après tout, personne m’avait forcé à l’ouvrir, je l’avais fait toute seule.

« Tu sais, te sent pas obligé de rester si t’as des choses à faire. Comme tu vois, je survis plutôt bien. »

Parce qu’après tout, il avait un travail, et sûrement mieux à faire que parler avec une inconnue de sa vie. J’avais une petite risette désolée. J’allais pas le retenir sans le vouloir en profitant juste de sa politesse.

Sa sœur... Finn eut un léger sourire tandis qu'il l'écoutait parler de cette femme milicienne qui semblait l'inspirer tout autant que Le Capitaine le faisait pour lui. Il n'avait jamais eu que ses parents et songeait parfois que cela devait être formidable d'avoir un autre membre de sa famille avec soi, quelqu'un sur qui l'on puisse compter en toutes circonstances, quoi qu'il puisse arriver... L'homme trouvait ça génial, pourtant lorsque Ilhanne affirma qu'il connaissait trop de choses sur elle, il eut un bref rire gêné et amusé à la fois : elle n'avait pas tort.

- Oh tu sais, si ce n'est que ça, je peux bien te raconter deux-trois choses aussi.

L'air de rien, elle savait déjà bien assez de choses pour l'atteindre si l'envie lui en prenait. Elle savait qu'il était membre de la Compagnie des Lames, au service du Capitaine, ce qui avec quelques recherches lui permettrait de découvrir non seulement où il vivait, mais ce qu'il faisait plus ou moins exactement, sans parler qu'elle connaissait le nom de son village d'origine. Tout ça n'était pas rien, surtout lorsqu'on était paré de mauvaises intentions, mais c'était sans doute également pour ça qu'elle ne s'en rendait pas compte : parce qu'elle n'avait pas de mauvaises intentions. On parlait de ce qu'on voulait bien parler, on gardait le reste secret, mais au final...

- Je ne serais pas là si je n'en avais pas envie tu sais.

Répondit l'homme avec un léger sourire en coin, haussant les épaules pour jeter un regard en direction de la fenêtre. Dehors le soleil semblait rayonner, de quoi donner envie de se balader, mais lui n'aspirait qu'à rester ici, dans cette petite maison confortable et qui lui inspirait chaleur et réconfort.

- Je vois ça, que tu survis bien et ça me fait vraiment plaisir.

Finn tourna la tête vers Ilhanne, son regard accrochant le sien l'espace de quelques secondes, yeux dans les yeux, avec comme une brève lueur qu'il chassa en détournant la tête, se forçant à le faire pour observer le mobilier, l'air de rien.

- Si jamais un jour tu avais besoin de réparer une porte ou un meuble, ou si t'as une poutre qui flanche, surtout n'hésite pas à me le faire savoir. Je suis artisan bois à l'origine et c'est une passion qui ne m'a jamais quittée, même encore maintenant j'adore la travailler.

Ou comment en dévoiler un peu plus sur soi en faisant genre de ne pas le faire exprès, bien qu'en vérité le Mercenaire réfléchissait à toute vitesse pour amener au mieux la chose. Il en était cependant une qui lui semblait naturelle et qui lui arracha un bref soupir.

- Ça doit être bien d'avoir une sœur, j'avoue qu'en tant qu'enfant unique, je n'ai pas eu cette chance.

Il reporta de nouveau son attention sur Ilhanne et lui offrit un gentil sourire, mais qui ne monta pas jusqu'à ses yeux. Par les Trois, voilà qu'il se sentait soudain pris d'un peu de morosité, ça n'allait pas du tout, il se ramollissait. Où était donc passé le Finn enjoué et faussement peu grave dans ses propos ? Secouant la tête, il se leva de sa chaise et commença à faire le tour de la pièce pour observer tout ce qui était fait de bois, vérifiant en gros l'état des lieux comme le ferait un vrai professionnel. S'occuper, il lui fallait à tout prix s'occuper.

Je connaissais bien cette façon de regarder partout pour regarder nulle part, s’était ma façon de faire comme si de rien n’était alors qu’il était quelque chose et pas rien généralement. Il était sûrement juste gêner de se sentir un peu triste. Je savais pas ce que ça faisait de vivre sans fratrie, mais Val’ avait été autant ma sœur que ma mère, prenant le rôle qu’il fallait prendre, prenant la place qu’il manquait.

« C’est une vieille maison, elle doit bien avoir quelques problèmes, mais je doute que Val’ et encore plus moi ayons les moyens d’engager quelqu’un pour retaper le truc. »

Rien de plus vraie. Même maintenant que j’y vivais plus, ça restait un peu la mienne, cette maison, je n’aurais pas voulu qu’elle tombe en ruine comme ça. Mais il y avait plus important, et tant que rien n’était critique. Ce qui heureusement n’était pas le cas, elle était encore bien debout pour une ancienne bicoque.

« Fait pas cette tête. Avoir une grande sœur ça peut être horrible. Elle sait toujours tout mieux que toi, elle fait toujours tout mieux que toi et elle a toujours fait les conneries avant toi donc elle crame directe quand t’as fait un truc pas bien ou que tu vas le faire. »

Le nombre de fois où elle m’avait attrapé à faire une bêtise et que je l’avais senti passé, je les comptais plus. A chaque fois ça avait été des longs moments embrassassent à l’extrême accentué par une intense frustration.

Je m’étais rapproché de Finn et l’avait poussé de l’épaule pour le taquiner, le déranger dans sa fausse contemplation de la pièce. Restant à côté de lui après, il devait il y avoir quoi à vu d’œil un avant-bras d’écart entre nous, autant dire pas grand-chose. J’étais pas très à l’aise de cette proximité à vraie dire, ayant bien vu cette lueur bizarre dans son regard plus tôt. Elle m’avait pensé, toute proportion gardée, à la manière dont me regardait Aéris et il était maintenant impossible de ne pas comprendre ce qui allait pas chez mon ancien partenaire de chasse.

« C’est un peu comme un chien de garde, mais avec une caractère de cochon. Du coup suffit juste d’avoir aussi un caractère de merde et ça fait des étincelles spectaculaires. »

Les terreurs Barrowmer, un petit surnom qui nous avait été collé assez tôt.

Qui est-ce que j’essayais de distraire en fait ?

Finn se doutait un peu que Ilhanne allait griller sa tentative pour changer non seulement de sujet, mais également de centre d'attention, mais mieux valait faire ça que continuer sur cette pente glissante qui s'ouvrait devant lui. Ainsi inspecta-t-il la pièce dont les parties en bois semblaient anciennes, mais encore à peu près en état, même s'il faudrait songer à en changer dans quelques temps, peut-être un ou deux ans maximum selon les intempéries à venir. Entendre parler de paiement lui fit se retourner et secouer la tête, passant une main sur un chambranle de bois.

- Nan, j'vous ferais ça gratuitement, j'ai déjà mes propres outils. Par contre si jamais y'avait besoin de bois, là effectivement il faudra que vous l'achetiez, mais je connais un bon bûcheron qui fait des prix accessibles alors ça ira.

Il songeait déjà qu'il pourrait venir sur son temps libre, un peu comme aujourd'hui. Il travaillerait tranquillement pendant que la sœur ainée n'est pas là, avec la cadette pour vérifier son travail par-dessus son épaule et ainsi la Milicienne aurait-elle une belle surprise en rentrant. Bon, ça risquerait aussi de soulever pas mal de questions, mais la chasseuse trouverait bien quelque chose à dire, il lui faisait confiance pour ça. D'ailleurs la rousse parla justement de ce que cela faisait d'avoir une sœur ainée et il ne pu s'empêcher de rire en imaginant la chose.

- Ça a l'air génial au contraire, j'adorerais voir ça.

Elle le poussa gentiment du bras et il recula d'un pas sous l'impulsion, non pas parce que le geste l'y avait obligé, mais parce qu'il s'était laissé porté par le mouvement, en profitant pour ainsi éviter d'être trop proche de la jeune femme. Ils n'étaient pas séparés par grand-chose, à peine une trentaine de centimètres, ce qui était peu, trop peu pour ne pas qu'il se sente étrange. Finn sourit en entendant la suite, avec le caractère de cochon prétendu, riant encore un peu, mais avec moins d'entrain, troublé par Ilhanne dont il percevait la chaleur émanant de sa peau.

- J'avoue que j'étais à peu près sage étant enfant. A part grimper aux arbres près de ceux que coupaient les bûcherons, je n'ai jamais vraiment affolé mes parents.

Le Mercenaire fixa son regard dans celui de la jeune femme, sentit quelque chose le traverser, eut un bref sourire gêné et recula de deux pas, déglutissant discrètement avant de reprendre.

- Je crois que j'aimerais bien rencontrer ta sœur à l'occasion, si elle n'a rien contre les Mercenaires bien sûr. Si vous vous ressemblez, elle doit être vraiment sympathique.

Sympathique, ou dangereuse, tout dépendait du point de vue, mais l'homme essayait de gagner un peu de temps dans leur conversation pour repousser la sensation qu'il sentait lui étreindre le thorax, la chassant à grand renfort de pensées assurées et de propos légers sans incidence aucune. Tout était toujours bon pour garder le contrôle.

La seule chose que m’avait arrachée sa remarque sur le fait qu’il aimerait bien rencontrer Val fut une moue dubitative. Tout homme dans mon entourage faussement ou prétendument proche ne devait pas avoir envie de voir ma sœur, si seulement ils savaient qu’ils allaient passer un test à la sauce milicienne protectrice endurcie…
Tant pis pour eux, tant que moi on me laissait tranquille. Pourtant j’avais cette sale impression que je serais jamais plus tranquille de ma vie.

D’ailleurs, ce n’était pas tellement sa phrase qui m’interpellait, que son attitude, il avait l’air mal à l’aise et s’était écarter assez prestement.

S’était moi, ou mes mots qui l’avaient mis dans cet état ?

Si jusqu’à présent j’avais complètement refusé de voir l’effet que je pouvais faire sans le vouloir sur les autres, surtout sur les hommes. Maintenant, je voulais voir comment ça marchait, pour peut-être espérer l’éviter, le contrôle ou je ne savais quoi. Je voulais savoir, comprendre. Donc, j’avais fait un pas vers Finn, puis un deuxième, l’air de rien.

« J’ai aucune foutue idée de ce qu’elle pense des mercenaires. Sûrement qu’ils seraient mieux dans la milice, mais c’est que ce que je pense qu’elle pense donc absolument rien d’certain. »

S’était fondé sur rien, juste histoire de parler.

« Alors comme ça, on était un gentil garçon ? C’est mignon. »

Un peu moqueuse, mais pas vraiment railleur. Je me demandais comment on pouvait en venir d’un gamin sage qui se passionnait pour le travail du bois a un mercenaire qui pouvait égorger un vaut-rien sans en éprouver apparemment un le moindre remords.

Est-ce qu'elle le faisait exprès ? Jusqu'à présent Ilhanne avait toujours clairement montré qu'elle ne voulait pas qu'on l'approche, limite aurait-elle pu montrer les dents et grogner que Finn aurait eu l'exacte même impression que lorsqu'elle marquait un écart entre elle et quiconque entrait dans son périmètre. Mais là ? L'homme avait volontairement reculé de deux pas et voilà qu'elle en faisait deux autres pour rester à proximité, lui faisant brièvement hausser un discret sourcil tandis qu'elle continuait de parler comme si de rien n'était.

- J'ai été dans la Milice, mais ça n'était pas pour moi.

Répondit le Mercenaire du tac-au-tac, avant de froncer visiblement les sourcils cette fois à la phrase qui suivit. Hey, est-ce qu'il se faisait des idées ou bien cela ressemblait clairement à une tentative de... de quoi d'ailleurs ? D'approche ? De gringue ? Est-ce qu'elle réalisait seulement la tournure que risquait de prendre les choses ? Non, probablement pas, non pas qu'elle soit stupide ou naïve, mais plutôt inconsciente des risques. S'il n'était pas lui, s'il n'avait pas certains principes, il aurait déjà pu vouloir lui sauter dessus et ne pas se retenir de le faire. Faut dire qu'elle était belle la chasseuse et pas qu'un peu.

- Tu ne devrais pas faire ça.

Lâcha soudain le Mercenaire sur un ton un peu plus froid qu'il ne l'avait voulu, reculant de nouveau, cette fois non pas d'un ou deux pas, mais battant clairement en retraite de plusieurs mètres, allant s'adosser au mur opposé en croisant les bras, la fixant d'un regard un peu plus dur, quoique sans méchanceté aucune. Elle ne le laissait pas indifférent, mais il la soupçonnait de le tester ou quelque chose du genre. Croyait-elle vraiment qu'il était comme ceux qui l'avait agressé ?

- Ça peut paraitre mignon, mais cette époque-là est révolue, depuis le jour où le Fléau a tout emporté et a décimé ma famille, comme celle de pratiquement tout le monde dans cette cité. Je ne suis pas devenu quelqu'un de mauvais pour autant Ilhanne, mais je pense que tu as déjà pu constater que je n'étais pas non plus sans tâche.

Il suffisait, justement, de repenser à ce qui était arrivé dans la ruelle et, bien qu'il ait laissé partir les deux autres agresseurs, il aurait tout aussi bien pu leur trancher la gorge proprement et n'en aurait pas été plus affecté que ça. Les morts, au bout d'un moment, ça finissait par ne plus vous hanter quand on rêvait surtout des Fangeux et de ce qu'ils avaient fait. Mal à l'aise, Finn eut une moue entre mécontentement et gêne, regardant ailleurs après avoir finit de parler, réfléchissant rapidement à ce qu'il devait faire si jamais la rousse se montrait plus... entreprenante. Cela ne lui ressemblerait pas, même s'il ne la connaissait pas vraiment, cela lui paraitrait trop étrange pour céder à quelques pulsions passagères.

Le froid incisif dans sa phrase et son geste de recul m’avait à la fois étonnée et un peu effrayé, il fallait bien l’avouer.
J’étais partie me rasseoir sur la table levant les mains comme si je voulais calmer une bête que j’avais blessée sans le vouloir. Ma compréhension des rapports humains allait attendre encore un moment on dirait. C’était ma faute, je n'avais pas assimilé son malaise était due au fait de pas présence si proche. Du coup cela soulevait une autre interrogation. Si le simple fait que je sois un peu proche physiquement de lui l’embêtait, pourquoi restait-il ? Ou plutôt pourquoi était-il resté quand je lui avais offert une occasion en or de s’en sortir ?

« Je comprends pas pourquoi tu’me dis ça, mais j’avais déjà compris… »

Oh ça, pour comprendre, j’avais compris. Des choses me passaient souvent au –dessus de la tête, principalement parce que'au fond, je savais ne pas avoir besoin de les comprendre, que ça me prendrait juste du temps pour rien, m’apportant que des tracas pour rien. Mais ça j’avais bien appréhendé l’espèce de dualité étrange qui se trouvait en lui. Il m’en avait d’ailleurs donné un parfait exemple à l’instant.
Plus rien ne semblait logique d’un coup dans sa manière d’agir et dans ce qu’elle avait d’apparemment semblable avec d’autres agissements.

Le silence, long, trop long, gênant, trop gênant. Qu’est-ce que je pouvais bien dire, bien faire de toute façon ?

Posant une main sur mon épaule la faisant tourner. J’avais glissé sur la boue détrempée des marais et ramassée contre un arbre. Quelques petites griffures est peut-être un bleu. Ça ne m’empêchait en rien de faire quoi que ce soit, même si parfois je sentais mon articulation un peu grippée. Le geste m’arrache un petit grognement d’inconfort.

« Qu’est-ce que je dois pas faire au juste ? Pour être sûre de pas le refaire . »

Si ma garde avait été baissée quelque peu les derniers instants, elle était relevée et bien relevée maintenant. D’ailleurs la rudesse dans ma voix devait bien faire passer le message. S'il voulait la jouer comme ça, pourquoi le contrarier ?

Personnellement, je retrouvais un terrain connu, une certain de confort.

Elle disait qu'elle avait compris, pourtant elle avait tenté une sorte d'approche, mais qui s'avérait donc être une sorte de test. Quelque part Finn regrettait que ça n'ait pas été une véritable tentative, cependant ça aurait été trop beau pour être vrai : la princesse ne tombe jamais dans les bras du prince parce qu'il l'a sauvée, comme dans les contes pour enfants. Ainsi Ilhanne était-elle retournée s'asseoir, le laissant appuyé dos au mur à l'observer avec un mélange de regret et de résignation, plus le léger soupir qui va bien lorsqu'elle se massa l'épaule tout en lui demandant ce qu'il fallait faire. On y était, c'était donc ce que la rousse cherchait à faire, le comprendre et savoir comment procéder. Était-il donc si différent, si compliqué comparé aux autres hommes ? C'était là une chose à laquelle il allait falloir songer.

- Et bien pour commencer, si tu ne veux pas te rapprocher de quelqu'un, évite de trop le faire physiquement.

Le Mercenaire eut un bref sourire amusé, retrouvant un peu de légèreté.

- Je sais que ça semble stupide, mais pour la plupart des hommes, la proximité avec une jolie femme agit comme un catalyseur et on plus de mal à être maitres de nous-mêmes.

Chose pour laquelle il avait conscience de s'en sortir mieux que la moyenne, mais ça n'était pas une raison pour tenter le loup, bien au contraire.

- Ensuite, un homme que tu vas qualifier de "mignon" pourrait le prendre pour une invitation. Les filles de passe l'on bien compris, quand on est à proximité de leur lieu de travail, c'est comme ça qu'elles le disent : "Hey mon mignon, ça te dirait de te payer du bon temps" ?

Finn eut un rire à la fois gêné et grave, un peu amusé aussi, un rire d'homme qui se sent flatté dans son égo, qu'il le veuille ou non.

- Qu'on soit ou pas mignon ne change rien à l'affaire, entend-le bien, c'est juste que ça nous caresse dans le sens du poil.

Ce qui revenait à se comparer à un vulgaire animal agissant par instinct, mais au final le Mercenaire n'était pas certain que nombre d'hommes soient si différents que ça. Se décollant du mur, il attrapa la chaise et s'y installa de nouveau après l'avoir retournée, croisant ses avant-bras sur le dossier pour y caler son menton, ses yeux clairs observant Ilhanne avec une lueur au fond de leurs prunelles.

- Si tu ne veux pas que l'on te fasse des problèmes, montre-leur que tu trancheras tout ce qui s'approchera de toi, en général ça en dissuade plus d'un. Et si l'un d'entre eux brave ton interdiction, alors...

Il haussa les épaules, mais la réponse était l'évidence même, elle devrait mettre sa menace à exécution, chose qu'il mima d'un geste de la main dont le plat fut comme une lame qui fendit l'air à l'horizontale, ce à quoi Finn ajouta un petit "couic" sonore, avant d'éclater de rire, amusé par sa façon de traiter le sujet. Pourtant une pensée lui traversa l'esprit et, voulant la mettre au clair, il la fixa de nouveau avec un peu plus de sérieux.

- Rassure-moi... j'espère que tu ne me met pas dans le même panier que ce genre de types.

Bien sûr il en serait vexé, peut-être même blessé il lui fallait le reconnaitre, mais il ne pensait pas que la jeune femme le songea vraiment. Tout du moins était-ce ce qu'il espérait.

Voilà, j’étais vexée, très vexée. Me comparer à une prostituée de bas étage s’était pas pour me faire plaisir, en même temps, je connaissais par une seule fille à qui ça faisait plaisir. Même Margaux qui était plutôt du genre à minauder ça le mettait hors d’elle. Je me souvenais du dernier qui lui avait lâché ce genre de joyeuseté avait mal fini.

Ça, elle savait le fait menacé la virilité d’un importun un peu trop entreprenant. Comme ceux qui étaient un peu trop de sceptiques ou un peu trop machos pour ne pas me prendre au sérieux ou pour s’amuser à me rebaisser un peu plus que je pouvais le supporter.

Je me laissais tomber le dos sur la table regardant le plafond.

« Quels types ? »

Le ton était laconique, j’étais toujours aussi contrariée.
Une prostituée…. Tsss

Je voyais bien de quel type il parlait en fait, le genre de loque qui pensait que les femmes n’étaient là que pour les servir et leur servir comme bon leur semblait. Il était évident que non, sinon il ne serait pas là, pas dans cette pièce, pas dans cette maison pas si près et je serais certainement pas si calme. Mais bon, je n’avais réellement envie de lui répondre alors autant lui poser la question pour meubler.

Les mains sur mon ventre, je les sentais se soulever au rythme de ma respiration. Le bois dur de la table était pas très confortable pour mon épaule meurtrie, je m’étais tortillé un peu essayant de trouver un endroit, une position qui me était plus confortable. Un peu en vin.

Finalement s’était trop désagréable comme façon de se tenir. Je me relevais avec un petit souffle contraint. Regardant par la fenêtre, le soleil brillait.

Ça devait être plutôt agréable et facile de chasser dans les marais aujourd’hui les fangeux se tapissant dans les coins les plus reculés et les plus sombres. Le vent qui faisait frémir les feuilles, les bruissements de la nature, le bruit de la vase sous nos pas. Encore un peu et ça me manquait.

« C’est ridicule… »

Avais-je fini par lâcher à mi-voix, s’était moi qui étais ridicule ? Cette situation ? Les fangeux ? La vie ?
Sûrement, un peu de tout ça.

On avait pas idée de se laisser tomber sur le dos comme ça, allongé sur une table, presque à la merci au final de quiconque se trouvait à proximité. Finn regarda faire Ilhanne avec une certaine surprise, notant la question comme une façon détournée de ne pas vouloir repenser à ce qui avait pu lui arriver comme mauvaise expérience avec les hommes, de manière générale. Quels types, comme si ça n'était pas évident. Il soupira discrètement et profita quelle soit en train de fixer le plafond pour l'observer, elle. Ses courbes, bien que légères, n'en demeuraient pas moins féminines et harmonieuses, sa ligne fine et ses longues jambes semblaient comme des appels à s'en saisir, ses longs cheveux roux donnaient envie d'y passer la main, quant à son visage et ses lèvres, ils appelaient aux caresses autant que tout le reste. Le Mercenaire se sentit à l'étroit dans son vêtement et se força à penser à autre chose avant que cela ne devienne irréversible, se fustigeant mentalement, s'obligeant à se rappeler comment elle avait faillit être "souillée" et l'agresseur qu'il avait tué, ce qui eut le mérite de faire diminuer cette envie qu'il chassa dans un recoin sombre de son esprit. Elle ne méritait pas qu'il lui expose quoi que ce soit d'amoral, pas avec la confiance qu'elle lui avait accordé en le faisant entrer ici. Finn la regarda se redresser finalement sur la table et sourit légèrement en scrutant son profil tandis qu'elle jetait un coup d’œil en direction de la fenêtre. Oui, clairement, il allait devoir réfléchir sérieusement à tout ça et ne pas commettre d'impair en quoi que ce soit, ignorant qu'il était de la vexation quant à la comparaison avec une prostituée.

« C’est ridicule… »

Finn se redressa sur sa chaise, attentif et étonné d'une telle phrase.

- Qu'est-ce qui est ridicule ?

Il ne pouvait décemment pas se lever de son assise pour la rejoindre, ne pouvait décemment pas agir comme il le désirait, comme par exemple en tendant la main pour pouvoir éprouver le contact de sa peau, sentir sa chaleur ou même se pencher extrêmement près pour détailler la couleur de ses yeux. "Merde, mon pauvre vieux, t'es vraiment mal barré si tu commences à penser ainsi." lui souffla une petite voix dans son esprit, ce qui eut pour tout effet de faire naitre un léger sourire sur ses lèvres alors qu'il fixait Ilhanne dans l'attente de sa réponse.

Prenant un instant pour réfléchir comment formuler ma phrase, j’avais regardé encore un peu par la fenêtre où quelque silhouette floue se dessinait, des passants dans la rue.

« Un peu tout. Les fangeux sont ridiculement fort. On est ridiculement faible. Cette situation est bizarre et un peu ridicule aussi, enfin c’est surtout le pourquoi je suis ici au lieu d’être à Traquemont qui est risible. »

Je passais ma main sur ma nuque sentant mes cheveux glissés, frottée dans mon dos, ils étaient trop longs, il faudrait penser à les raccourcir un jour, quand j’y penserais. Quelle était la probabilité que tout cela arrive de cette manière, que quelques actes isolés finissent par arriver à un tel degré de drame sans importance et grotesque. Tant pis, de toute façon ce n’était pas réellement comme si j’avais pu y changer quelque à ce moment, s’était passé, s’était passé, fin’ ça ne m'empêchait pas de noter la bizarrerie de la chose.

Dans tous les cas s’était loin, s’était pas encore pour demain. Même si les circonstances qui avaient abouti à ce moment au fait d’être seule avec Finn ici à parler de chose un peu étrange m’avait l’air invraisemblable, ça n’en rendait pas ce moment moins plaisant au fond en passant sur le fait qu’on ne semblait pas forcément se comprendre.

« Et c’est ridicule de m’avoir comparé à une prostituée. »

Une grimace un peu contrarié avait accompagné le geste de ma main qui venait tenter, sans expectative de succès, de bousculer la chaise sur laquelle se trouvait Finn. Vu son gabarit, j’avais peu de chance de la faire bouger, peut-être vaguement bouger.

Constatant ma propre inefficacité prévue j’avais fini par rire, pas un gros éclat de rire, juste un petit ricanement discret. Tellement prévisible.

« Si on reprenant avant qu’on se mette à pas se comprendre ? »

A moitié ironique, à moitié sérieuse j’avais glissé sur le bord de la table pour le mettre face à lui.

« Et là, c’est trop près ? »

Là, je me moquais ouvertement. Évidemment s’était trop près, même moi je l’avais remarqué. Du coup finalement, j’avais fini par descendre de mon perchoir interdis pour m’asseoir sur la chaise d’en face. Les coudes sur la table, une main qui tenait ma tête.

Elle n'avait pas tort, tout cela était ridicule. Terrible aussi, pour certaines choses, mais ridicule malgré tout car cela n'avait pas lieu d'être. Et pourtant... Quand la mention de la prostituée tomba, Finn cligna des paupières, une lueur de compréhension traversant alors son regard autant que son visage en afficha l’expression : c'était donc ça ! Bordel, il n'avait fait que donner un exemple, il ne voyait pas en quoi cela avait été une comparaison, cependant par expérience il savait qu'il ne valait mieux pas contrarier une femme déjà remontée contre soi, aussi se contenta-t-il d'acquiescer légèrement. Ilhanne poussa sa chaise sans grande motivation et son rire eut un écho avec celui du Mercenaire qui apprécia de voir la situation se débloquer enfin. Revenir comme avant ? Pourquoi pas, cela sonnait comme une excellente idée tout en lui mettant la puce à l'oreille sur certaines idées qui ne manquèrent pas de faire leur chemin quand elle vint se placer face à lui.

- Un peu trop oui.

Souffla l'homme en la regardant se moquer gentiment de lui, la suivant des yeux quand elle alla s'assoir plus sagement sur la chaise en face de la sienne, avant de secouer légèrement la tête avec un sourire irrépressible au coin des lèvres.

- T'es quand même terrible, tu le sais ça ?

Ce fut au tour de Finn de se lever, contournant chaise et table pour se rapprocher de Ilhanne qu'il fixa brièvement, hésitant sur ce qu'il pouvait et ne devait pas faire, ses yeux clairs emprunts d'une gravité brillante.

- Tu m'fais confiance ?

Lâcha-t-il tout à coup, une idée germant dans son esprit. Une mauvaise idée, probablement, mais une idée quand même qui lui rappelait celle qu'il avait eu le jour où il l'avait sauvée.

- J'aimerais que tu fermes les yeux un instant, juste quelques secondes.

Et pourquoi pas lui décrocher la lune tant qu'on y était ? Mais Finn tentait sa chance, au moins pour cette fois. Si le refus était catégorique ou si elle s'offusquait de la suite, alors il ferait en sorte qu'elle ne soit plus jamais inquiétée de sa présence.

Maintenant que la situation était redevenue plus détendue, j’avais regardé, je l’avais détaillé, son air charmant, son petit sourire en coin. Etrangement j’avais pensé que si était passé à l’auberge du vieux Charles, Margaux lui avait sûrement sorti son numéro le plus convaincant, battant des cils avec plus de conviction que la moyenne. Mais elle m’en avait pas parlé.

Je le regardais se lever, suivant ses mouvements. Qu’est-ce qu’il était en train de faire ? Pourquoi il était en train de se rapprocher alors qu’il avait ouvertement trouvé que j’étais trop près tout à l’heure ?

Et j’en étais pas peu fière d’être terrible ! S’était ma marque de fabrique même si elle me valait des réflexions et quelques baffes méritées. Au moins, je n'étais pas une fade petite chose qui acceptait tout sans broncher, sans protester.

« C’est ce qu’on dit … Et j’espère bien le rester ! Mais généralement on le dit après que j’ai fait une connerie ou que je l’ai un peu trop ouvert. »

A bien y réfléchir …

« Ce qui est sûrement le cas… »

Question intéressante. Qui demanda un instant de réflexion pendant qu’une mèche de les cheveux qui s’était échappé du lien qui les tenait venait me chatouiller la joue.

« Tu s’rais pas là, si j’avais pas un temps soi-peu confiance. »

Ce qui n’était que la vérité, si je n’avais pas eu un minimum la conviction qu’il n’avait aucune mauvaise intention il ne serait jamais rentré, il ne serait jamais resté, et il ne serait pas ici qui plus était. Je le jaugeais, avec une risette indécise au visage. Ça sentait la mauvaise idée à plein nez. La mauvaise idée qui me semblait très, très mauvaise.

Pourtant, j’avais fermé les yeux, au début juste une seconde, en rouvrant juste une pour regarder Finn et contenir un rire un peu amusé, un peu embrassé, peut-être même un peu angoissé.

« Fait attention à ce que tu vas faire. »

J’avais AUCUNE FOUTUE IDEE de ce que j’étais en train de faire, du coup, me moquer, raillé son idée m’aidait à me dire que finalement j’étais en train de faire quelque chose d’anodin. Quelque chose qui ne serait pas dangereux.

Elle était fière d'être terrible, fière de son tempérament, fière de son caractère... Et à bien y réfléchir, lui aussi trouvait qu'il y avait de quoi être fier d'être quelqu'un qui savait s'en sortir par ses propres moyens, c'était même tout à fait honorable. Sa question sur la confiance reçue une réponse aussi directe que logique : évidemment, il ne serait pas là sinon. Se rapprochant, Finn lui demanda de fermer les yeux et il ne pu retenir un sourire en la voyant tricher l'espace d'une brève seconde, se doutant qu'elle ne devait pas être rassurée par une telle situation.

« Fait attention à ce que tu vas faire. »

L'hésitation le saisit, alors qu'il se trouvait face à la jeune femme, la gorge étrangement nouée, appréhendant lui aussi la suite, se demandant s'il ne devrait pas revoir à la baisse ce qu'il s'apprêtait à faire... Ses mains vinrent se poser sur le dossier de la chaise, de par et d'autres de la tête de la chasseuse, à qui il répondit à l'oreille d'une voix faussement calme.

- Je ne te veux aucun mal Ilhanne, mais si tu veux bien, après ça, je voudrais t'inviter à manger comme cela se fait.

Il en avait déjà bien trop dit et, ne voulant pas lui laisser la seconde de réflexion nécessaire pour qu'elle rouvre les yeux et se lève en le repoussant, le Mercenaire approcha ses lèvres des siennes et l'embrassa délicatement. Le contact fut doux, ni trop appuyé, ni trop léger, ses propres lèvres étaient un peu sèches sous l'angoisse de ce baiser volé, mais ses mains restèrent où elles étaient et aucune autre partie de son corps ne s'approcha du sien. Cela ne dura que quelques secondes, trop brèves à son goût et qui parurent durer une éternité, avant qu'il ne s'écarte et ne recule, indécis, prudent, songeant qu'il venait soit de signer son arrêt de mort -ou quelque chose d'approchant- soit qu'elle allait le mettre à la porte en lui hurlant les pires insanités et en menaçant de le lui faire payer. Finn demeura ainsi planté au beau milieu de la pièce, à quelques pas de la rousse, guettant sa réaction alors que dans son esprit tournait une alarme hurlante avec une voix braillant qu'il devait recommencer sans attendre.

Ce n’était pas non premier baisé, non, non. Je dirais pas loin de là, ça serait faux. Pourtant, dans ma tête, s’était comme toute s’était effondré d’un coup.

Sentir la chaleur qui irradiait doucement de Finn à cause de la proximité de sa joue de la mienne avait déjà provoqué un certain émoi, j’avais senti mon cœur s’accélérer, très peu, juste quelque battement de plus. Soit s’était ça, soit s’était ses bras de chaque côté de son cou que je sentais appuyer contre le dossier de la chaise cette légère sensation de na pas avoir d’échappatoire, juste un instant.

Avec sa phrase difficile de douter de ses intentions véritables, qui restaient ce qu’elles étaient même enveloppées dans un couche de prudence, ce bienveillance et de douceur.

Surtout de la douceur comme la caresse de ses lèvres sur les miennes qui avait mis tout en désordre dans mon esprit. Plaisant, angoissant, déconcertant, tout ça ensemble. Bref, presque trop bref si on croyait la fugace frustration qui avait pointé pour s’évaporer presque aussitôt étouffer par la masse de les autres émotions qui se bousculait la dedans.

Que faire ? Que dire ?

Ça avait l’air si innocent comme ça, alors que ça pouvait avoir tant de répercussions tant d’impacts.

« C’est … »

… Pas une bonne idée parce que, manger avec un inconnu, me terrifie plus qu'évoluer en territoire fangeux ?

« … Pas une bonne idée, j’repars dans quelques jours à peine et j’sais pas quand je reviendrais. »

Excuse bancale si il en était. Mais moins honteuse à mes yeux que la vérité. Se cacher derrière le « travail » pour excuser ses propres faiblesses, ça valait pas mieux que les affronter, mais on ne pouvait faire face qu’a une chose à la fois.

Je lui aurais bien dit que j’étais désolée, mais, je l’étais pas vraiment, et un gros mensonge ça suffisait largement.

Tout de même, je m’étais levée, m’appuyant sur la table, ne jetant que des furtifs coups d’œil à Finn n’en menant pas spécialement large. Cette fois, s’était moi qui étais ridicule, bravo moi …
Je frottais assez compulsivement la paume de ma main avec mon pouce, signe que j'étais nerveuse. Il y avait des tiques qu'on arrivait pas à contrôler parfois.