Dans la force de l'âge [Hector- Xandra]

Hector pouvait sentir la détresse dans la voix de Xandra :

- [...] je peux te JURER que je n’ai jamais entendu un tel bruit...

Sa voix respirait la peur. Mais, malgré ça, en bonne aventurière, elle ajouta rapidement :

- Viens, il faut qu’on descende immédiatement.
- Immédiat'... ?! Commença Hector avant que la milicienne l'emmène sans lui demander son avis dans le couloir noir.

Il n'était pas le plus prude des barons mais tout de même, n'aurait-il pas été plus judicieux de rallumer leurs bougies, de passer quelques habits et, éventuellement, de prendre sa hache avant de descendre chasser les fantômes ? Visiblement, la milicienne ne l'entendait pas de cette oreille. A tâtons dans le grand escalier, ils descendirent jusque dans le hall. Là, les deux amis tendirent leurs oreilles et leurs yeux pour tenter de percevoir les preuves d'une présence étrangère en ce lieu. La porte du salon était restée ouverte mais la lumière qu'elle offrait était insuffisante pour voir précisément quoi que ce soit. Hector sentit Xandra se tourner vers lui mais avant qu'elle n'ait pu dire un mot, la porte du salon claqua. Hector sursauta et Xandra gémit.

- Tu...Tu as bien rendu le corps de la Fouine inutilisable ? Rassure moi ? Demanda-t-elle.
- Il a brûlé oui... son corps a brûlé... enfin... son corps et sa tête - Mieux valait préciser, n'est-ce pas ?
- Tu as fais une prière pour son âme ?
- Hum... tu sais, ça fait quelques temps que je ne prie plus que le soir, par habitude. Mais là, pour lui, je n'ai pas prié...

Il n'imaginait pas que quelques pensées oubliées aient pu damner l'âme du brigand au point qu'elle hante à présent le château de Sombrebois. Il devait y avoir une explication logique.

- Attends Xandra, ne panique pas... Il y a sûrement une raison à ce... à cette porte...

Le baron hésita. Pour explorer le salon il aurait bien aimé allumer une bougie mais... dans sa tenue, c'était un peu... gênant !

- Viens, s'il y avait quelqu'un dans le salon et qu'il a fermé la porte, sa seule issue possible c'est la cuisine !

Le baron avança, cul nu, vers la porte de la cuisine qui grinça légèrement lorsqu'il l'ouvrit. A l'intérieur, tout semblait calme. Hector posa sur la table son inutile bougie et un bruit métallique sous celle-ci se fit entendre. Hector tâta la table et sentit la froideur d'une lame sous sa paume. Il décala un peu sa main pour prendre cette arme de fortune dans sa main droite. Ses yeux, à peu près habitués à l'obscurité lui permettaient de distinguer quelques formes. Il ne semblait y avait personne d'autre que lui et Xandra dans la cuisine. Hector fit les cinq pas qui le séparaient de la porte de service qui joignait la cuisine et le salon. Si quelqu'un était à Sombrebois, il était sans doute de l'autre coté de cette porte.

- Prête ? Chuchota Hector en posant sa main gauche sur la poignée.

Au même instant, le corps sans tête du cambrioleur lui revint en mémoire. Le baron chassa ses affreuses pensées de son esprit en regardant la belle et obscure silhouette de son amie. Était-elle prête à se battre ? Hector, lui, n'attendait que ça. Un Sombrebois, pour défendre son territoire, a-t-il besoin d'autre chose que de sa bite et de son couteau ?

-Je crois qu’on aurait dû, c’est ce qu’on devrait faire d'ailleurs, si ce n’est pas trop tard…

L’alcool, l’ambiance peut être, quoiqu’il en soit, la rouquine n’en menait pas large. Les images un peu décousus, un peu flous, modifiés par sa perception des choses hantaient son esprit. Elle revit ses mains ensanglantés frotter les marches de bois de la cave, la tête de la Fouine rouler, son expression figée, se rappela ce bruit qu’elle avait entendu, préférant l’oublier.

- Viens, s'il y avait quelqu'un dans le salon et qu'il a fermé la porte, sa seule issue possible c'est la cuisine !

- Tu...Tu as raison.

Xandra lui avait répondu d’une toute petite voix. Cette dernière, douce, lui allait comme un gant, adaptée à sa taille et son poids plume, toutefois son timbre se faisait rarement aussi discret et fluet. Si Xandra avait été un homme, d’aucun aurait pu dire que ses parties s'étaient fait la malle avec sa virilité. Mais la rousse, pour l’heure, les bras serrés contre son torse, écrasant sa poitrine sous le tissus de la chemise trop grande qu’elle avait emprunté au Capitaine pour descendre, ne manquait pas de féminité, dont elle n’avait que faire.

Sa crainte que Sombrebois puisse à présent être hanté devenait de plus en plus envahissante. Il arrivait souvent au plus vieux de terroriser les gosses encore en âge de se montrer trop candide. Heureusement pour elle, à l’époque, Gondemar se débrouillait toujours pour que lui soit épargné la plupart des histoires de fantômes et autres créatures imaginaires. Le fait est que si on lui avait raconté quelque chose d’aussi ridicule que des morts qui se relèvent pour s’en prendre aux vivants, Xandra se serait moqué allègrement et pourtant, aujourd’hui !
Alors un fantôme, était-ce si ridicule ?

La jeune milicienne suivit à pas de loups jusqu’à la cuisine, lorgnant au passage le postérieur ferme et rebondi de son ami, perdue dans ses réflexions. Sacrées fesses qui n’avaient rien à envier à celles, sculptés, des statues. La nature ne s’était pas montré aussi clémente en ce qui concernait le nez du baron, mais tout ceci n’avait que peu de rapport avec la situation, avec le frisson qui parcourut soudain le corps de Xandra alors qu’ils entraient dans la cuisine et avec sa respiration en suspens quand un bruit métallique résonna dans l’obscurité. Plissant le visage, Xandra constata, rassurée, qu’Hector avait à présent une arme. Ce n’était pas un fantôme, non non et non, alors une lame c’était juste ce qu’il leurs fallait !

Dans sa précipitation, la jeune femme, en plus d’obliger son hôte à évoluer nu, n’avait pas songé le moins du monde à se munir de ses dagues. Elle se sentit soudain un peu ridicule alors qu’elle affirmait d’un signe de tête à Hector, qu’elle était prête. Ce qu’elle n’était pas le moins du monde, s’attendant à voir surgir à tout instant...Quoi d’ailleurs ? Une tête flottante ? Xandra s’insulta mentalement une énième fois et serra les poings quand la porte s’ouvrit.

Il ne se passa rien d’abord, strictement rien ne semblait avoir bougé dans la pièce, aucune voix, aucune plainte, aucun raclement ne venait troubler le calme de la grande salle à manger. Pourtant la porte ne s’était pas refermée toute seule ?

- Je vais allumer une bougie.

Xandra se rappelait du chandelier qui avait illuminé leurs dîner à tout les quatre et avança avec une assurance feinte jusqu’à la table. Bientôt une faible lueur baignait la pièce, chaleureuse, feutrée. La rousse recula jusqu’à se tenir à hauteur du baron, ses yeux bleus cherchant son regard. C’était étrange, non ?

La jeune femme ne sut jamais si Hector avait tourné son regard vers elle, car quelque chose tomba au sol dans un bruit sourd. Xandra tendit aussitôt le chandelier dans la direction approximative du bruit, deux lueurs rapprochées, jaunes, peut être vertes, ou blanches, la jeune femme n’en savait rien, elle lâcha le chandelier comme s’il était devenu brûlant. S’ensuivit de petits bruits rapides comme si quelque chose de ridiculement petit courait sur le parquet de bois. La rousse, farouche guerrière de son état se tenait à présent collée contre le dos du baron, telle une...victime.

- C’est….c’était quoi ? Juste un rat ? Aussi prêt de vos vivres ?

La porte s'ouvrit et aucun bruit ne se fit entendre. S'il y avait quelqu'un tapi dans le salon, il avait le sang-froid. Hector fit un pas dans la grande pièce noire et aphone. Il sentit un courant d'air froid lui caresser l'échine et il frissonna. Xandra rompit le silence.

- Je vais allumer une bougie.

Hector pensa - bêtement - à sa nudité. Il éprouva un mélange de gêne et de honte à l'idée de se montrer nu devant son amie... Et puis il se dit que ce n'était pas une si grande affaire comparée à celle que constituerait la présence d'un intrus dans la pièce !

Xandra passa devant Hector et alluma le chandelier qui se trouvait sur la table. La pièce était encore un peu en désordre mais toute la chaleur de l'amical dîner avait disparu. Tout semblait froid et en suspend. Xandra, habillé d'une chemise bien trop grande pour elle, laissait voir ses jambes galbées et finement musclées par des heures et des heures de cavalcades et de dangereux combats. Elles étaient incontestablement belles et le baron, malgré tout le tragique de la situation, ne put s'empêcher de les imaginer entourer sa taille dans un moment bien plus plaisant que celui qu'ils vivaient en ce moment ! Rougissant, il sentit poindre un début d'érection mais, par chance (!), un bruit sourd raisonna dans le grand salon - la chute d'un objet sans doute - et son excitation chuta de concert. D'où venait le bruit, deux yeux gris regardaient Hector... Le baron serra le couteau dans sa main et le chandelier chut dans un second bruit sourd puis les ténèbres revinrent. Les petits bruits de la course d'une souris sur le parquet se firent entendre mais le baron ne les entendit pas. Il entendit, à la place, un rire lointain.

Hector rêvait-il ?

Il sentit la belle Xandra se blottir contre son dos.

- C’est… c’était quoi ? Juste un rat ? Aussi prêt de vos vivres ?

Ignorant la question de la jeune femme, le baron, d'une voix grave et forte lança :

- Qui est là ?!

Et un rire tonitruant résonna dans l'esprit d'Hector ; le rire du mort ; ses yeux gris juste devant les siens le regardait du même air mauvais que lorsqu'ils étaient dans la tête détachée du corps. Hector tout entier se crispa. Il ferma ses paupières mais les yeux gris étaient toujours là. D'un geste brusque il tenta d'enfoncer son couteau dans ce regard omnipotent mais rien n'y fit, il le regardait toujours. Pire même, le rire continuait de tournoyer dans l'esprit d'Hector. Il était hanté. Il le savait et rien ne semblait pouvoir faire repartir l'esprit malsain qui s'était insinué dans le sien !

- Xandraaaaaa ! Cria Hector. Rallume les bougies, j't'en supplie ! Rallume les ! Viiiiiiiiiiiiite !!!

Il devait sembler bien fou aux yeux de Xandra, le pauvre baron. Le silence régnait bel et bien dans le salon depuis le départ de la petite créature gourmande. Mais l'atmosphère n'était plus froide dans la salon. Elle était glaciale.

- Qui est là ?!

Xandra sentit le corps du baron se contracter sous les paumes de ses deux mains qu’elle avait posé à plat contre son dos. Elle se maudissait de s’être montrée aussi peureuse et pour faire bonne figure, mais pas trop tout de même, elle pencha simplement la tête de côté pour voir par dessus son épaule, et en l'occurrence...et bien il n’y avait pas grand chose à voir, puisqu’elle les avait replongé dans l’obscurité. Même en plissant les yeux, la jeune milicienne ne décela toujours rien d’anormal. Le mouvement brusque du baron et le sifflement soudain du couteau dans l’air la firent sursauter et la persuadèrent en une fraction de seconde du contraire,

Aussi, avec promptitude, Xandra se jeta en avant pour se saisir à tâtons du chandelier et le rallumer aussi vite que ses mains à présent tremblantes d’appréhensions le lui permettaient.

- Je fais ce que je peux...

Qu’est ce qu’elle allait découvrir ?
Enfin la lumière se diffusa à nouveau dans la pièce, rassurant peut être Hector ? Xandra ne s’était pas trompée, il n’y avait absolument rien ici. A moins que le quelque chose soit déjà parti sans qu’elle ne le remarque ? Peu probable...La rousse frissonna pour la énième fois depuis qu’elle s’était réveillée, il lui semblait qu’il faisait de plus en plus froid et la chemise du Capitaine ne suffisait pas à la réchauffer. A moins que cette froideur envahissante ait une toute autre origine ?

- Hector ? Tout va bien ? Tu es tout pâle. Qu’est ce que tu as vu ? C’était...c’était pas ce que je pense ?

Xandra leva les bougies devant elle et balaya la pièce des yeux une nouvelle fois avant de reporter son attention sur son ami, toujours aussi troublé. Au fond d'elle, la jeune femme savait très bien que ça ne pouvait pas être un rongeur qui avait fait utiliser sa lame au baron.

Non, faites que ça ne soit pas ce que je pense vraiment, reprend toi Xandra c'est tout sauf rationnel..

- On dirait que tu...as vu un fantôme.

La rouquine avait tenté de faire de l’humour mais rien que d’imaginer que ça puisse être vrai l’avait fait lamentablement échoué. Elle murmurait, comme si quelqu’un ou quelque chose pouvait l'entendre à tout instant. Pourquoi avait il fallu qu’elle joue les curieuses une fois de plus ! A présent elle ne désirait qu'une chose, retourner dans ce lit, le plus confortable du monde, s’y blottir et faire comme si elle n’avait rien entendu. Non, c’était pathétique, pathétique et trop tard. Il aurait fallu y penser avant de traîner son hôte au rez de chaussé les attributs à l'air.

- Ecoute. On va remonter là haut, je vais prendre mes vêtements, mes armes, tu va pouvoir...te couvrir et ensuite nous nous occuperons de...prier ? Tu ne pense pas que c'est ce qu'on devrait faire ? Je devrais peut être aussi...Non oublie.

Réveiller un quarantenaire terre à terre pour une souris, un rat ou un fantôme ? Non, mauvaise idée. Surtout qu'elle n'aurait pu s’empêcher de lui raconter ce qui c'était passé et elle n'avait pas du tout envie de l'évoquer à haute voix...

La lumière revint et le baron se calma un peu.

- Hector ? Tout va bien ? Tu es tout pâle. Qu’est ce que tu as vu ? C’était... c’était pas ce que je pense ?
- Je... quoi ? Qu'est-ce que...

Le rire lointain continuait de résonner dans sa tête... Xandra leva le chandelier et le fit passer autour d'eux pour examiner la pièce... mais ils ne virent rien.

- On dirait que tu...as vu un fantôme.
- Je... Je ne sais pas... J'ai vu... ton... J'ai vu le mort.

Hector marqua une pause pour regarder son amie.

- Et je l'ai entendu rire...

Hector n'était plus terrorisé comme l'instant d'avant, dans le noir. Là, il savait que tout ce qu'il avait vu ou entendu était un effet de son imagination, le résultat du choc psychologique qu'il avait subi en donnant la mort au vile cambrioleur. C'était, en fait, la première fois qu'il faisait justice à Sombrebois. Il était devenu baron lorsque son père était mort, lors de la catastrophe de Sombrebois, au moment où il fuyait ses terres pour rejoindre la ville-refuge de Marbrume. Il avait déjà vu son père condamner des malfaiteurs, les mener, par le tranchant des lames de sa hache, vers l'au-delà. C'était l'une des tâches qui incombaient au baron de Sombrebois. Mais là, sans préparation, faire cela l'avait traumatisé. Restait à savoir combien de temps ce traumatisme durerait...

- Ecoute. On va remonter là haut, je vais prendre mes vêtements, mes armes, tu vas pouvoir... te couvrir et ensuite nous nous occuperons de... prier ? Tu ne penses pas que c'est ce qu'on devrait faire ? Je devrais peut être aussi... Non oublie.

Hector se regarda et, effectivement, vit qu'il était dans le plus simple appareil ! Rougissant, il cacha son sexe de sa main libre.

- Tu peux passer devant, s'il te plait ?

Ils se tournèrent vers la porte qui joignait le salon et la cuisine quand l'une des portes du buffet de chêne du salon s'ouvrit en grinçant. Hector sursauta et se retourna d'un coup ! Un petit être, une sorte de farfadet au sourire machiavélique sortit du buffet en traînant derrière lui un sac en toile de jute qui semblait presque aussi lourd que lui. Le petit avait des yeux noirs comme la nuit et des cheveux blanc comme la lune. Il portait un manteau vert, des bottes noires et - malgré la saison - un bonnet du même vert bouteille que son manteau, surmonté par un pompon blanc. En voyant les deux humains de l'autre côté du salon, le petit bonhomme se mit à courir avec une étonnante célérité ! Le sac traînait derrière lui dans un bruit d'argenterie qui s'entrechoquait. En sautant, il ouvrit l'autre porte du salon et s'enfuit vers le hall. Hector s'engagea sans attendre à sa poursuite, oubliant d'un coup son postérieur offert au regard de Xandra.

Lorsqu'il déboucha dans le hall obscur, le baron entendit les pas du farfadet qui descendait vers la cave. Le bruit des couverts qui martelaient les marches de pierre était à peine assourdi par l'épaisseur de la toile de jute.

- Vite Xandra, vite ! Cria-t-il.

Lorsqu'elle le rejoint dans l'entrée - illuminant un peu la plus grand pièce du château - l'étrange petit être avait déjà disparu au sous-sol. Hector tendit la main pour prendre le chandelier et se rua dans l'escalier récemment nettoyé. Couteau en avant, il déboucha dans la cave voûtée et explora chaque recoin de celle-ci. D'abord la partie des salaisons, ensuite la partie des bouteilles de vin et, enfin, comme il n'avait pas trouvé la trace du petit être - d'ailleurs les bruits d'argenterie avaient cessé - il se dirigea vers le coin des alcools fort. Mais là aussi il fit chou blanc. Il ne restait que la porte de fer qui bloquait l'accès au trésor et à l'entrée du tunnel. Mais...

C'est impossible...

- Bons Dieux ! Fit Hector en rendant le chandelier à Xandra et en secouant la tête de droite à gauche et de gauche à droite d'un air dépité. Il n'a pas pu disparaître ?! tu l'as vu comme moi ?!!

Sans vraiment y croire, il tourna la poignée de la porte de fer... et, sans un bruit, celle-ci s'ouvrit !

- Parbleus !!!

Et il pénétra lentement dans l'étroit tunnel sombre et humide. A droite, le coffre renfermant le trésor de Sombrebois était grand ouvert ! A gauche, l'autre porte, celle qui prolongeait le tunnel sous la forêt, l'était tout autant ! Hector sentit ses jambes trembler... puis défaillir. Il tomba à genoux sur la terre humide. Il posa la paume de sa main libre contre la parois de bois beige qui soutenait la gallerie. Sa tête frappa le dos de sa main. Il resta un moment là, prostré, vaincu. Il n'osait porter son regard vers le coffre. Il n'osait regarder l'intérieur de celui-ci. Il avait si précieusement gardé l'or de sa famille depuis la catastrophe de Sombrebois...

- Ce n'est pas vrai ?!! Xandra... Dis-moi qu'il n'est pas vide...

Et, pourtant... Plus aucune pièce, plus aucun bijou, plus aucune pierre précieuse, pas même un pauvre caillou n'était dans le grand coffre de frêne !

[justify]- Je... Je ne sais pas... J'ai vu... ton... J'ai vu le mort.

- Oh non pas ça…

Xandra avait soufflé ça d’une toute petite voix. La jeune femme aimait les choses rationnelles, explicables. Non, en réalité sa cousine avait simplement eu la mauvaise idée de lui raconter un jour une histoire absolument terrifiante de fantôme quand elle n’était encore qu’une petite fille et depuis la simple évocation de ce mot suffisait à lui coller des sueurs froides.

- Et je l'ai entendu rire…

Xandra avec secoué la tête de gauche à droite avec lenteur en soupirant.

Même mort, il trouve le moyen de faire le malin...

Une partie de la jeune femme trouvait tout cela parfaitement ridicule et avait conscience que c’était cette demeure inconnue, l’obscurité et le meurtre qui la perturbait, mais une autre était soumise à cette peur enfantine et la “guerrière” continuait d’avoir peur. S’il était vraiment ici, s’il réclamait vengeance. Xandra réaffirma sa prise sur le chandelier parce que ses mains tremblaient un peu plus.

En voyant Hector rougir et caché ce qui ne devrait pas être offert à sa vue, la rouquine leva la main face à lui.

- Promis, je...je n’ai pas regardé.

C’était un demi mensonge, la curiosité instinctive avait joué son rôle et la jeune femme par deux fois, s'était retrouvé à baisser les yeux sur la virilité du baron mais elle ne s'était pas attardée. C’était particulièrement incongru comme état de fait, encore plus si l’on considérait qu’elle était une simple milicienne, mais ce soir, la normalité semblait s’être fait la malle.

- Tu peux passer devant, s'il te plait ?

- Bien sûr !

Xandra n’avait pu cacher un petit sourire amusé et un regard pétillant face à la gêne de ce pauvre homme qu’elle avait traîné jusqu’ici dans le plus simple appareil avec son consentement tout relatif.
Contrairement à son hôte, la jeune femme vivait plutôt bien sa nudité partielle, n’y prêtant, pour ainsi dire, aucun intérêt. Mais ce n’était clairement pas la tenue la plus adaptée pour affronter...un fantôme. Quoiqu’il en soit, Xandra n’était pas prête d’enfiler sa tenue de cuir...

Poussant à nouveau un cri ridicule quand la porte du buffet s'était ouverte à la volée sans raison, Xandra avait reculé brusquement, écrasant le pied du pauvre baron au passage. Cette fois, elle avait réussi à ne pas paniquer, tenant vaillamment son chandelier devant elle comme un bouclier contre...Rien.

- J’en ai marre...

La rousse ouvrit de grands yeux étonnés en voyant le baron se mettre à courir, fixant son fessier musclé un instant, avant de se lancer à sa suite. La pauvre milicienne ne savait guère après quoi ils courraient.

- Je suis juste derrière toi !

La petite course avait prit fin et comprenant ce qui l’attendait, Xandra frissonna en tendant le chandelier à Hector. Il fallait vraiment redescendre ? Elle ne savait même pas pourquoi ! Xandra s’en voulait un peu, si elle n’avait rien dit pour la fenêtre, peut être seraient ils tous les deux couchés au lieu de courir après les Dieux savaient quoi. Oui, par sa faute, le baron semblait avoir perdu l’esprit.

Par réflexe Xandra essuya ses mains pourtant propre sur la chemise du Capitaine, il n’y avait pourtant plus la moindre gouttes de sangs sur elle, la moindre trace sur les marches et pourtant, elle avait l’impression de le sentir. Lui et La Fouine.

Xandra avait bien trop peur pour demander la moindre explication à Hector mais elle comprenait aisément qu’il fallait chercher quelqu’un, ou quelque chose. Aussi, l’aida elle à explorer la cave de fond en comble.

- Il n’y a rien ici, nous devrions remonter…

Vite, s’il te plait...

- Bons Dieux !. Il n'a pas pu disparaître ?! tu l'as vu comme moi ?!!

- Non...Je n’ai rien vu. De qui tu parles ?

Sans l’écouter, Hector ouvrir la porte qui aurait dû être fermé. Xandra reprit instantanément ses esprits, fronçant les sourcils et oubliant toute peur irrationnelle. Le suivant à l’intérieur, la jeune femme découvrit le tunnel et son odeur de bois, d’humidité. Une porte et un gros coffre ouvert. Instinctivement, l’ancienne voleuse lorgna sur le coffre plutôt que sur le reste. Pourtant, le moindre détail aurait eu son importance mais la curiosité était trop grande. Qu’est ce qu’elle aurait aimé tombé là dessus…

D’ailleurs parlant de tomber, elle entendit un bruit sourd et se désintéressa de ce dernier en voyant son ami désemparé. Étonnamment la jeune femme n’était guère matérialiste et la détresse soudaine de son ami accaparait toute son attention.

- Oh...Hector...

- Ce n'est pas vrai ?!! Xandra... Dis-moi qu'il n'est pas vide...

S’approchant à pas rapide, elle se pencha en avant, rien ne se refléta dans son regard. Le coffre était vide, le ou les voleurs n’avaient rien laissés. Xandra se tourna à nouveau vers le baron, posant le chandelier délicatement à côté d’eux et s’agenouillant face à lui. Elle leva une main jusqu’à l’épaule d’Hector qu’elle serra délicatement dans sa paume.

- Ne t’inquiète pas, je te jure que nous allons retrouver ceux qui nous ont volés !

La rouquine n’avait pas réfléchi un seul instant à ce que pouvait comprendre le baron à la manière dont elle avait tourné sa phrase. Pour elle, il s’agissait d’une manière maladroite de dire qu’elle en faisait une affaire personnelle. Xandra n’avait pas l’intention de laisser quelqu’un profiter des biens, de l’héritage des Sombrebois ! Elle se sentit coupable de certains larcins d’autrefois, voyant les choses sous un angle nouveau…

- Il nous faut nos vêtements et nos armes. Ensuite nous nous lancerons à leurs poursuites. Il serait sûrement plus sage d’attendre demain matin mais je n’ai guère envie de leurs laisser trop d’avance !

Xandra se remit debout prestement, récupéra le chandelier et tandis sa main libre au baron.

Quoiqu’il en soit, ne restons pas ici.

La main de Xandra sur l'épaule d'Hector produisit chez lui un agréable effet. Il se sentait aidé, aimé, soutenu. Il se dit même que la perte de son trésor n'était pas si importante que ça. Il pourrait survivre sans... Il s'auto suffisait presque depuis qu'il était revenu à Sombrebois. Il ne dépensait qu'un peu d'argent pour acheter du sel, du matériel de construction et quelques autres choses qu'il ne produisait pas. Rien de vital, et rien qu'il ne pourrait pas, à terme, produire ici même. Finalement, c'était peut-être la jolie milicienne qui semblait la plus embêtée par cette perte.

- Ne t’inquiète pas, je te jure que nous allons retrouver ceux qui nous ont volé !

"qui NOUS ont volé ?!"

Se sentait-elle si proche d'Hector pour oser ces mots ? Le baron nu sourit et posa sa main sur la nuque de Xandra. Il approcha lentement son visage de celui de demoiselle, ses lèvres de celles de la petite rouquine, et, dans un étrange élan sentimental, posa sa tête dans le creux de l'épaule de celle-ci.

- Merci Xandra, c'est gentil...

Fut-elle gênée ?

- Il nous faut nos vêtements et nos armes. Ensuite nous nous lancerons à leurs poursuites. Il serait sûrement plus sage d’attendre demain matin mais je n’ai guère envie de leurs laisser trop d’avance !

Hector n'était pas si pressé et surtout, la jeune femme semblait inconsciente de la dangerosité de son idée ...

- Non, non, non. Il ne faut pas sortir en pleine nuit, c'est bien trop dangereux ! Les fangeux rodent autour du château... Si vous le souhaitez, nous partirons à la chasse demain à la première heure. Là, c'est... impossible. Ne risquons pas notre vie pour quelques pièces d'or. Peut-être que le nain se fera prendre par la fange de l'autre coté du tunnel et, alors, nous n'aurons qu'à récupérer l'argent une fois le soleil levé. Ses traces seront aussi bien plus visibles lorsqu'il fera jour.

Il se redressa et aida Xandra à se lever.

- Par contre, il faut que je referme les portes, que je verrouille l'entrée secrète...

Hector laissa une nouvelle fois Xandra passer devant pour remonter à l'étage. L'esprit du baron fut parcouru par une frénétique série d'images plus ou moins étranges et sanglantes...

- Je vais m'habiller et prendre les clefs. Et tu...

Il n'était pas aussi rassuré qu'il le montrait. Sa voix se fit un brin hésitante.

- Et toi, tu peux retourner d... dormir... Je... Je retournerais dans le tunnel pour tout... tout b.. bien fermer.

Il se serait senti idiot de demander de l'aide pour simplement fermer des portes ! Il laissa Xandra devant la porte de la chambre qu'elle partageait avec Le Capitaine et alla rapidement dans la sienne pour s'habiller et prendre son trousseau de clefs. Sur le seuil de sa porte il s'arrêta net, hésita, et finalement, fit demi-tour pour récupérer sa hache de guerre.

On n'est jamais trop prudent...

- Allez, c'est juste des portes à fermer, chuchota-t-il tout haut pour se rassurer.

Mais ses mains crispées sur son bougeoirs et le manche de sa hache montraient bien à quel point il était anxieux. Il avait vu un corps décapité, un fantôme, un rat et un lutin malin... Il était presque sûr qu'un autre être maléfique l'attendait quelque part sur le chemin qui le mènerait tout au bout du tunnel, sous l'épaisse et ténébreuse forêt de Sombrebois...

Spoiler:

Les joues de Xandra reprennaient doucement leurs teintes laiteuses. La jeune femme était persuadée, à tort ou à raison, que le Baron avait été tenté de l’embrasser. Elle avait de fait rougi et malgré la gravité de la situation. cette pensée prit le pas sur le reste. L’alcool bu en quantité quelques peu déraisonnable durant le repas devait encore lui jouer des tours, oui, ça devait être ça.

Remise sur pied, Xandra fixa Hector avec de grand yeux étonnés, pour ça, mais plus encore pour la réponse qu’il venait de lui donner, avant de se décider à se remettre en route, dépassant son hôte. La rouquine était un peu bougonne à présent.

-Je suis milicienne Hector, affilée à l’exploration de terres, je sais bien ce qui rôde dehors, mais...On parle tout de même de votre fortune, de votre héritage, peut être même y aviez vous quelques bijoux ayant appartenu à vos ancêtres, n’importe quoi qui ait une valeur sentimentale ?

La rousse n’insista pas davantage, pour le moment, mais elle avait bien vu dans quel état tout ça avait mit son compagnon, ce qui était normale et elle bouillonnait intérieurement. Elle se sentait frustrée, impuissante, pire ! On l’avait berné.

La Fouine...

Xandra jeta un regard circulaire autour d’elle, prête à insulter le fantôme de ce sale type si ça ou quoi que ce soit d’autres ne se décidait à se montrer.

- Je vais m'habiller et prendre les clefs. Et tu... Et toi, tu peux retourner d... dormir... Je... Je retournerais dans le tunnel pour tout... tout b.. bien fermer.

Ce n’était pas le genre d’Hector de bafouiller. Elle l’avait vu tuer des fangeux, survivre à une pneumonie certaine et garder son sang froid quelque heures plus tôt. Le Seigneur de Sombrebois avait peur, ce qu’elle pouvait comprendre puisqu’elle même n’était guère plus rassurée. Avec ce qu’ils avaient vécus cette nuit, avec tout ce qu’il avait vu, ou plutôt fantasmé, Xandra n’avait pas le cœur de le laisser seul. Ce n’était de toute façon pas raisonnable après tout ce qui s’était produit cette nuit.

Sans mot dire, Xandra, plantée sur le seuil de la porte, suivait du regard sa silhouette alors qu’il entrait dans sa propre chambre. Elle n’avait rien dit car elle était certaine d’être prête avant lui et peut être parce qu’il aurait voulu la dissuader de faire ce qu’elle allait faire. Elle entra précipitamment dès que son ami disparu à l’intérieur. S’approchant du lit aussitôt, elle secoua énergiquement l'épaule du mercenaire.

Comme tous les combattants, comme tout ceux habitués aux situations d’urgences, le Capitaine se réveilla aussitôt. Il la fixa sans mot dire alors que déjà, la rousse déboutonnait à la hâte la chemise qu’elle lui avait emprunté un peu plus tôt.

-On a un gros problème…

Xandra lui fit part de tout ce qui c’était passé ce soir jusqu’à la disparition des biens, sauf ce qui tenait de l’irrationnel. Hors de question de lui avouer qu’elle avait peur des fantômes. Elle évoqua surtout ce qu’elle lui avait caché, à savoir la mort de La Fouine. La probabilité qu’il y fasse allusion était minime. Pourtant elle se sentait un peu coupable de trahir un secret, même si c’était pour la bonne cause. La milicienne savait à présent que ce sale petit rat avait au moins un complice, surement pas un gnome, et elle était persuadée que le Capitaine n’aurait pas beaucoup apprécié qu’on lui cache ce genre de choses. Elle ne put s'empêcher d’ajouter alors qu’elle posait la chemise sur le lit pour aller enfiler ses propres vêtements :

-Pour ce qui est du meurtre, j'aimerais que ça reste entre nous.

Tournant à présent le dos au Capitaine, la jeune femme acheva son récit.

-Hector va descendre une dernière fois pour vérifier et fermer toutes les portes, je vais l’accompagner. J’imagine qu’on est en sécurité à présent qu’ils ont eu ce qu’ils voulaient, mais je me voyais mal ne pas te prévenir.

Elle le pensait, c'était logique, mais elle espérait quelque chose de plus.

Les yeux rivés sur son torse, Xandra achevait de resserrer les dernières boucles de son armure et d’ajuster son épaulette. C’est qu’elle ne comptait pas retourner se coucher.

-Il préfère attendre demain matin pour les poursuivre. Je ne suis pas stupide, je sais très bien que ce n’est pas raisonnable et qu’il a raison mais..On ne parle pas de quelques pièces ou de bibelots, on parle de TOUT son..trésor. Si je ne parviens pas à le convaincre, j’irais fouiner un peu aux alentours, discrètement. De toute façon je n’arriverais pas à fermer l’oeil et ni toi ni lui ne pourrez m’en dissuader.

Trop occupée à déblatérer, elle n’avait pas prêté attention à ce qui se passait dans son dos. Xandra se retourna, fin prête, pour découvrir que le mercenaire l’était tout autant. Un sourire satisfait, soulagé surtout se dessina sur son visage alors qu’elle posait les yeux sur lui. La rouquine imprudente n’était pas pour autant immunisée à la peur.

Deux sur trois, allez soit convaincante Xandra…

La jeune femme ouvrit la porte et entendit des bruits de pas. Jetant un œil dans le couloir elle devina les lueurs des bougies à l’entrée des escaliers. De peu !

-Hector ! Attend ! Allons y tous ensemble, c’est plus prudent. On ne sait jamais.

Alors qu’ils descendaient les escaliers, Xandra ne put s'empêcher de tâter le terrain.

-Quitte à s’aventurer jusqu'à l’entrée du tunnel on pourrait peut être pousser un peu plus...

Spoiler:

Hector connaissait bien la valeur de Xandra au combat. Elle lui avait déjà sauvé la vie une fois ou deux... mais, là, partir en pleine nuit, dans la forêt de Sombrebois, à trois, c'était du suicide ! C'est pourquoi il ne fut qu'à moitié heureux de voir Xandra et le Capitaine dans le couloir armés de leurs épées de combat. Alors que la petite équipe descendait l'escalier, le baron eu la confirmation que ses deux amis ne l'avaient pas accompagné que pour fermer les portes.

- Quitte à s’aventurer jusqu'à l’entrée du tunnel on pourrait peut être pousser un peu plus...

Hector soupira légèrement. La fatigue qui commençait à le gagner et la motivation de la milicienne eurent raison de sa résistance :

- Si vous ne craignez pas la mort, pourquoi pas...

Et le baron passa le premier dans le petit escalier de pierre qui menait à la cave. Il marchait d'un pas lourd et lent. Il avait presque l'impression d'aller à l'abattoir ! La seule bonne nouvelle dans tout ça, était qu'il n'avait plus de visions. Comme si l'imminence de sa propre mort avait réduit celle de l'ex-partenaire de brigandage de Xandra à néant.

Les trois amis traversèrent la cave jusqu'à la table qui jouxtait la porte métallique du fond. Hector y prit deux torches qu'il alluma avec sa bougie. Il en passa une au Capitaine et garda la seconde. Ensuite, il passa le seuil de la porte et fit signe à ses amis de le suivre dans le tunnel. Mais, avant de s'y engager réellement, le baron se pencha au dessus du coffre avec le secret espoir que la magie du lutin s'était envolée et que l'or de ses aïeux avait retrouvé sa place... Malheureusement ce n'était pas le cas. Il n'y avait pas plus d'or ou de pierres précieuses que tantôt. C'est à dire qu'il n'y en avait pas du tout. Le barbu soupira de nouveau et lâcha sans enthousiasme aucun ces quelques mots :

- Et allez, c'est parti...

Le couloir était étroit et bas de plafond. Le sol était resté en terre et seuls les murs et le plafond avaient été renforcé par des planches et des étais de bois. Hector, grand homme, touchait presque le plafond et les trois étaient obligés de marcher en file indienne à cause de l'étroitesse du tunnel. Le couloir faisait environ cent mètres de long et l'odeur d'humus y était prégnante. C'était exactement le but recherché. Il ne fallait pas qu'à la sortie de celui-ci, une quelconque odeur humaine, voire celle de la nourriture entreposée dans la cave, soit détectable.

Alors qu'il marchait, Hector vit quelques traces de pas dans la terre meuble. Il ne semblait s'agir des pas que d'une seule personne... et une personne avec de fort petits pieds. Il n'en dit pas un mot à ses amis, craignant de trop les encourager dans leur folle idée. Lorsqu'il arriva au bout du tunnel, il vit quelques pièces d'or au sol. Sans doute le lutin avait-il laissé échappé quelques pièces de sa besace en montant l'échelle qui menait à la trappe de fer et qui, elle, donnait directement sur l'extérieur.

- Nous sommes sur la bonne piste, fit-il aux deux combattants.

D'avoir vu cet or donnait plus de vérité à ses visions. Il savait que le leprechaun qu'il avait vu n'était pas un mirage onirique et que son trésor n'avait pas disparu par magie. Il avait même envie d'ouvrir la trappe métallique et d'aller voir dehors, si le voleur n'était pas dans les parages !

- Toujours partant ? Ajouta-t-il avec un sourire en coin.

Voyant que ses deux amis semblaient aussi - voire plus - motivés que lui - allez savoir pourquoi ! - le baron grimpa à l'échelle, tendit l'oreille vers l'extérieur et, n'entendant pas un bruit suspect, poussa la trappe qui, logiquement, n'était pas fermée à clé !

Hector fut donc le premier à sortir du tunnel et à fouler la terre sèche et couverte des épines des sapins de la forêt. Seule la lumière de sa torche éclairait autour de lui car le ciel était couvert d'une couche épaisse de nuages. En outre, le vent soufflait, faisant vaciller la flamme de la torche et l'ombre du baron. Xandra et le Capitaine rejoignirent Hector. A l'époque où il avait construit ce tunnel, le baron avait rassemblé tout autour de la trappe la terre que les tunneliers avaient sorti du tunnel, si bien que l'entrée était à présent dissimulée par une colline circulaire de 50 cm de haut en pente douce et d'environ cinq mètres de diamètre. Hector désigna le ciel noir.

- Un orage se prépare... Il serait sage de ne pas rester trop...

Hrrrgggrrraaaaannnnnttttttthhchhchchchchhkraaaaaaaa !

Ce cri, lointain, effrayant, reconnaissable entre mille, venait de loin, du nord, du plus profond de la forêt. Hector se tourna vers ses partenaires. Il vit dans leurs yeux qu'eux aussi avaient reconnu les hurlements si caractéristiques des fangeux. Ils devaient être à un kilomètre environ de là, d'après l'écho de ces bois. Et les fangeux ne criaient qu'en présence directe d'humain... autant dire que les trois aventuriers avaient là un formidable moyen de retrouver la piste de l'or de Sombrebois... et de mourir !

Une étincelle illumina les yeux du baron. Cela faisait finalement longtemps qu'il n'avait pas combattu ces monstres au corps à corps... longtemps qu'il n'avait pas risqué sa vie pour une noble cause. Il se retourna vers la trappe de fer et enclencha la clé à l'intérieur de la serrure. S'ils devaient mourir cette nuit, autant laisser la vie sauve et le domaine de Sombrebois à la belle et gentille Lily. Il verrouilla la trappe, se redressa et mit un pied sur la petite colline de terre, en direction du nord.

- Prêts ?

Un sourire mauvais éclairait son visage. Sa hache de guerre réclamait du sang, le sang verdâtre et puant de la fange. Hector le lui offrirait... quitte à y laisser la vie.

- Si vous ne craignez pas la mort, pourquoi pas...

Malgré la sérénité qu’elle affichait, la rousse n’avait pas envie de mourir, mais c’était surtout de voir les autres y passer encore et encore qui ternissait un peu son âme. Parfois lui venait l’idée furtive que mourir serait en fait une libération, mais cette sombre pensée s'évanouissait aussi vite qu’elle apparaissait. Un regard en coin plus tard au mercenaire à l’air serein et la rouquine souriait comme si de rien n’était, comme s’ils n’étaient pas en train d’aller au devant de potentiels ennuis, d’ennuis meurtrier.

- Je suis sûre que toi aussi tu n’as pas envie de prendre le risque que le ou les voleurs quittent Sombrebois sans être inquiété. On a pas vraiment le choix.

Elle avait tapoté le grand coffre tristement vide pour appuyer ses propos.

Ils avançaient, silencieux, concentrés, inquiet. Xandra eut un petit sourire satisfait et dépassa les deux hommes courbés comme des vieillards d’une démarche légèrement provocante, se faufilant entre eux avec une agilité enviable dans le tunnel. Contrairement à eux elle n’avait aucun mal à se tenir droite. Elle ne fit toutefois aucune blague parce que l’ambiance ne s’y prêtait pas, cet endroit lui filait la chair de poule, parce qu’il faisait humide, parce qu’elle s’attendait à nouveau à voir survenir un événement inexplicable. hantée à l'idée de couiner comme la pucelle qu'elle n'était plus devant celui qui était justement responsable de cet état de fait.

Si Hector avait espéré que ses camarades ne voient pas les traces sur le sol il n’en fut rien. Xandra avait bel et bien remarqué les minuscules empreintes. Si c’était un enfant -et ça ne pouvait pas être un lutin, n’est ce pas ? - il travaillait avec, pour d’autres. Combien d’autres crapules avaient mit les pieds dans le château ? Xandra essayait de se remémorer les noms et les visages de ceux qu’elle avait vu traîner avec la Fouine en dernier. Sur qui pouvaient-ils tomber ? Qui faisaient bosser des gosses pour leurs comptes ? Tellement de monde…
Xandra ne pouvait pas tuer un enfant, elle était certaine qu’Hector non plus, qu’en était-il pour le mercenaire ? Quelles étaient ses limites à lui ?
L’image d’un petit enfant se faisant dévorer par les fangeux s’imposa à elle alors qu’ils voyaient enfin le bout du tunnel.

- Nous sommes sur la bonne piste.

- Ils ne s’en tireront pas comme ça…

L’idée qu’un enfant soit utilisés, comme elle l’avait été, ne faisait qu’accentuer son sentiment que cette affaire, était SON affaire. Avec ou sans les hommes elle serait là, accroupis prêt des pièces qu’elle se retenait de ramasser.

- Toujours partant ?

Un signe de tête lent du Capitaine, un sourire joueur sur le visage de Xandra dont le regard puait la détermination répondirent muettement à la question du baron. Se saisissant de la main tendu du mercenaire, la rouquine se laissa hisser en haut, s’épargnant les dernières marches. Elle tendit l’oreille, d’abord la jeune femme n’entendit rien d'autre que le sifflement rageur du vent dans les arbres, les bruits de la nature, qu’elle n’appréciait pas beaucoup. Encore moins depuis la fange, Xandra était et resterait un rat des villes. Elle écarta inutilement ses mèches rousses que le vent ramenait son cesse contre son visage.

Sursaut, sueur froide, échine qui chatouille, fangeux. Même formule à chaque fois, la jeune milicienne commençait à être rodé et elle empoigna ses lames par réflexes même si la menace semblait encore loin.

- Je crois qu’on touche au but. Ils ont l’air déjà occupés, c’est l’occasion de jouer la carte de la surprise. C’est rare d’y parvenir mais c’est du vécu. On a nos chances, s’ils ne sont pas trop nombreux. Si c’est le cas, nous n’aurons qu’à revenir demain matin chercher l’or, les fangeux auront fait le travail à notre place. Hâtons- nous !

Le sourire du baron, la main du Capitaine qu’elle devinait reposer contre ses armes sous le lourd manteau, tout ça, il fallait l’admettre, excitait et enthousiasmait quelque peu Xandra. Elle aimait se battre, la cause était juste et elle espérait secrètement pouvoir sauver l’enfants des griffes des fangeux, si bien que sans répondre, elle se mit en route d’un bon pas, suivant la bonne direction présumée.

Ils ne tardèrent pas à entendre de nouveaux cris, l’un d’entre eux, tout aussi puissant fut toutefois celui d’un humain, d’un homme en l'occurrence. Celui de la douleur. Ils se rapprochaient de ce qui était un combat. Des chevaux hénissaient furieusement, surement attachés à un arbre sans possibilité de se détacher, Xandra entendait des pleurs et des jurons mais elle ne parvenait pas à deviner davantage, c’est ce moment que choisit l’orage pour redoubler. La rouquine jeta un œil au Capitaine puis au baron, alors qu’elle se couchait pour progresser plus discrètement à présent. Les choses sérieuses allaient commencer.

Ils avaient prit sans le vouloir de la hauteur, la scène se déroulant en contrebas. La rouquine était à la fois pressée et anxieuse à l’idée de se pencher, de voir l’ampleur des dégâts, le nombre d’adversaires, le petit corps sans vie ?

Étonnant comme, la nuit, l'esprit croit en des choses qui, au grand jour, lui paraîtraient incroyables. Le combat qui s'annonçait en cette orageuse nuit d'été ne dérogeait pas à la règle. Aucun des trois aventuriers n'eut la clairvoyance de dire "stop" aux deux autres. Ils s'élancèrent tête baissée dans la mêlée ! Il y avait là, entre les hauts sapins, une petite vingtaine de fangeux et une demi-douzaine d'hommes. Parmi ceux-ci, certains étaient déjà tombés mais il était difficile d'évaluer leur nombre. La pluie, dans ses yeux, noyait les décomptes mentaux du baron. Et puis ils avaient chargé. Peu importait finalement... C'était la nuit et ils tueraient tous leurs ennemis, n'est-ce pas ?

La hache du baron, l'épée du Capitaine et les dagues de la milicienne fendirent le vent, prenant par surprise des fangeux déjà bien affairés. Hector avait foncé sur un groupe de trois fangeux qui venait de tuer un homme. Trois contre un donc et une hache qui dans un fabuleux arc horizontal se planta dans les côtes du premier fangeux, le blessant gravement. Le cri de la bête touchée raisonna à l'unisson de ceux des autres blessés... Mais ce n'était pas fini. Hector était en forme. Dans le même mouvement, presque, il envoya une seconde fois sa hache en direction de la bête qu'il venait de toucher, espérant lui porter le coup de grâce. Son coup toucha de nouveau le buste de son adversaire qui tomba dans la boue et les épines de sapins. Il n'était pas mort... mais vraiment mal en point !

Le baron se retourna vers les deux autres fangeux qui l'attaquaient à leur tour et, au prix d'une formidable défense, parvint à parer ces deux attaques. Le combat s'engageait bien pour le baron. Levant sa hache vers le ciel, il allait tenter un coup de maître... Choisissant le fangeux le plus près de lui, il abattit sa double lame en direction de l'horrible crâne boueux. Le fangeux n'eut pas la rapidité nécessaire pour éviter ce coup qui lui fendit la tête, aspergeant ses alter-ego et le baron, lui-même, de ce si répugnant sang verdâtre.

La chance souriait à Hector. Le dernier fangeux debout semblait même surpris par la force de son opposant ! Le propriétaire de ces terres profita de cette seconde d’hébétement de son adversaire pour regarder comment s'en sortaient ses deux amis...

Xandra se sentait un peu ridicule de s’être offert un bain de boue pour rien puisqu’ils avaient choisi la méthode bourrin, ne se donnant pas la peine de se montrer aussi discret et elle jeta un coup d’oeil contrit au Capitaine en essuyant ses mains sur l’arrière de son pantalon en se relevant. Elle avait sauté à son tour quelques mètres plus bas sans hésitation, retombant, comme ses compagnons, armes en mains et dos aux fangeux. Un avantage qu’il aurait été ridicule de ne pas mettre à profit et c’est ce qu’ils avaient fait.

La rouquine était moins gourmande que son noble ami, ou du moins, elle n’avait pas eu l’occasion de choisir ses cibles avec soin. A peine avait elle achevé l’une d’entre elle d’un coup rapide et précis dans la nuque que deux autres fangeux, délaissant l’humain qui avait réveillé leur appétit et qui achevait de s’étouffer dans son sang, se précipitaient sur elle, ne lui laissant guère la possibilité de choisir.
Il y avait toujours un petit temps mort, deux, trois secondes peut être, chaque fois qu’une telle situation se produisait ou la rousse se posait cette même question : eux ou moi ? A la quatrième ou cinquième seconde elle obtenait en général un semblant de réponse. L’un des deux fangeux n’aurait jamais l’occasion de la toucher, le mercenaire en avait fait son affaire, quand au second il fut contraint de reculer, un coup de pied de la jeune femme dans le torse l'arrêtant dans son élan avant que le métal ne tranche la chair comme il revenait à l’assaut. C’était bien engagé. A la dixième secondes en général, la rousse était fixé. Ce fut le cas, la chance lui avait sourit et elle ne tarda pas à achever son coriace adversaire.

C’est le visage couvert de sang et d’eau qu’elle sentait ruisseler le long des courbes de son visage qu’elle releva les yeux, cherchant à évaluer la situation à travers le rideau de pluie et d’écouter malgré le grondement du tonnerre au loin. A vue de nez, d’humains et de vivant il ne restait plus qu’eux, mais il lui était difficile de l’affirmer, quand aux fangeux, elles entendaient encore leurs désagréables cris gutturaux, en devinait quelques uns dans la pénombre mais ça braillait bien moins fort à présent, les hommes avaient fait du bons travail. D’ailleurs Xandra se demandait à qui elle avait affaire ? Le gamin était il là, en vie ? Ses yeux se posèrent sur l’une des lames du Capitaine, dague, épée courte elle aurait été incapable de le dire. Si ce fait ne manquait pas de l’intriguer, tout comme la dextérité avec laquelle il les maniait, seul comptait pour le moment qu’il aille bien, tout comme le baron. Ils étaient debout, pour le moment c’était le mieux que Xandra pouvait espérer.

Son pied se posa sur le torse du fangeux et elle retira non sans effort la dague profondément enfoncé entre deux côtes du mort, à présent vraiment mort, faisant gicler un peu de liquide verdâtre. Si le Capitaine n’était pas loin d’elle, le baron était un peu plus loin et comme le mercenaire ne faisait face qu’à un nouvel adversaire, Xandra se hâta de rejoindre Hector, qui lui aurait bien davantage besoin d’aide, criant pour couvrir le vacarme ambiant.

- Hector ! Tu vas bien ?

- Oui, ça va, ça va ! Cria Hector pour répondre à son amie qui avait l'air - tout comme le Capitaine - de s'en sortir parfaitement.

Le dernier fangeux qu'affrontait le baron ne lui laissa pas le temps de parler d'avantage. Il se jeta sur lui, crocs en avant en direction de son cou. Hector voulu esquiver le monstre mais celui-ci fût trop rapide et il parvint à le mordre à la joue. Hector, dans un mouvement réflexe, écarta son visage et les crocs du monstre déchirèrent sa peau.

Cette fois ce fut son cri qui réveilla la forêt. Avec le manche de sa hache, comme il en avait l'habitude lors des combats au corps à corps, il tenta de repousser son adversaire. Malheureusement, la vivacité de ce dernier et sa rage en faisaient une cible mouvante difficile à viser. Hector rata son coup. La bête avait mis son bras en travers, parant le premier coup du baron... mais ce dernier enchaîna avec un second coup au corps qui fit choir la bête dans la gadoue. Hector passa une main sur sa joue blessé et s'aperçut qu'il saignait "raisonnablement". La blessure n'était sans doute pas mortelle.

Le fangeux fonça de nouveau sur Hector qui réussit à le repousser avec le manche de sa hache

- Aaaaaaarrière, monstre ! Hurla Hector, plein de rage à son tour.

Lorsqu'il attaqua de nous, la bête sauta sur le coté et le hache du baron ne fit que siffler dans le vent. Un horrible sourire s'afficha sur le visage putride. Qui attaqua de nouveau, envoyant son bras et sa main griffue avec tant de force sur le buffet du baron que l'épais gilet de cuir d'Hector fût lacéré de quatre profondes entailles... et la chair même du baron fût touchée. Le baron ne put s'empêcher de crier de nouveau en sentant ces griffes glacées lui ouvrir le ventre.

Une chouette hululait au loin, indifférente à ce combat nocturne. Elle attendait dans son trou d'arbre, dans sa maison, que la pluie cesse, pour partir à son tour à la chasse.

Le baron leva sa hache et l'abattit avec force sur le bras que le fangeux lui opposa pour se défendre. Il avait mis tant de force dans son coup que le bras fut tranché aussi sec. Hector voulu achever le monstre blessé mais celui-ci, se tordant de douleur, échappa à sa seconde attaque. Pire encore, elle revint à la charge, mettant un coup d'épaule dans le ventre blessé du baron. Bien campé sur ses appuis, le baron ne recula point. Son ventre le fit souffrir un peu mais pas suffisamment pour l'empêcher de lancer une fabuleuse attaque, la fameux coup de la guillotine : un coup latéral en direction du cou de son adversaire. Et si ce coup ne fût pas d'une force extrême, il fut suffisamment précis pour trancher la jugulaire qui éclaboussa le baron pendant deux secondes, le temps que le fangeux se vide de son sang et de ses forces. Dans un gargouillis infâme il tomba, laissa tout loisir à Hector d'achever le premier fangeux.

Une éclair éclaira la scène de guerre et pendant ce court instant de lumière blanchâtre, l'on fût ébloui par l'or et les pierres qui gisaient, désordonnées autour d'un grand sac de toile déchiré au pied d'un enfant allongé dans une flaque de sang frais... accroupi à ses cotés. Le dernier fangeux vivant s'en faisait son dîner. Lorsqu'il entendit le silence se faire, après un effroyable coup de tonnerre, le dernier fangeux se retourna... et vit nos trois héros qui s'approchaient de lui. Dans leurs yeux se lisaient la colère, la haine et l'indignation extrême.

Manger ainsi un frêle enfant... c'était une vision insupportable pour nos trois héros. Quand bien même était-il un voleur... c'était un enfant. Un enfant qui sans doute n'avait connu que la misère. Hector, les yeux humides et rougis regarda le fangeux se redresser. Celui-ci était impressionnant ; c'était sans doute le plus grand et le plus fort fangeux auquel le baron n'ait jamais fait face. Il devait presque mesurer deux mètres de haut et ses bras, comme des troncs de chênes, semblaient, à eux seuls, capable de broyer n'importe lequel de nos trois aventuriers.

Hector serra sa hache de guerre dans ses mains et se mit en position défensive. Il jeta un regard encourageant à ses compagnons. Un nouvel éclair, accompagné d'un coup de tonnerre à déchirer les tympans, fit luire les canines et les griffes géantes du monstre.

- Par les Trois... soupira Hector, toujours à l'arrêt.

L'énorme fangeux, avec la rapidité d'un tigre, se jeta sur le Capitaine... Son attaque était parfaite : rapide et précise, il chargea, tête en avant, crocs en avant, en direction de l'estomac du militaire !

Spoiler:

Xandra n’avait pas traîné pour rejoindre le baron, courant aussi vite que la raison et sa rapidité le lui permettait. Tomber au sol c’était signer son arrêt de mort. Si les fangeux se faisaient de moins en moins nombreux ils avaient toujours cette rage, cette détermination à réduire les hommes en bouillie d’os et de sang quelque soit la situation et celle-çi était on ne peut plus propice à cette saine activités. Si la rouquine avait une chance de cocue, et oui, on ne pouvait pas en dire autant de son ami et Xandra se décomposait à mesure qu’elle voyait sa peau et ses vêtements se teinter de rouge.

La rousse arriva trop tard, trop tard pour aider Hector et trop tard pour achever la créature, c’était frustrant mais surtout elle culpabilisait parce que c’était bel et bien son unique faute s’ils se retrouvaient dehors, trempés, s’ils avaient dû affronter ça. Mais ces pensées furent balayées comme Xandra suivait le regard du baron. L’enfant n’avait définitivement pas grand chose à voir avec un lutin, si ce n’est cette jolie tenue colorée à présent lacérées, dévoilant une peau douce et détrempées couverte d’écorchures et l'épaule dévorée. Après la décapitation de la Fouine, après avoir frotté son sang longuement sur les marches de bois s’en était un peu trop pour Xandra qui porta sa main un peu tremblante à sa bouche, fixant, les larmes sur le point de dévaler ses joues le corps de ce pauvre gosse utilisé par des Hommes qui auraient pu lui éviter une telle mort. Si seulement ils avaient attendu l’aube, si seulement elle n’avait pas mit autant de temps à arriver ici alors peut être serait-il encore en vie. Elle pourrait songer à des milliers d’autres “si seulement”. Au lieu de ça elle resta silencieuse, s'efforçant de faire taire son esprit troublé alors qu’ils s’approchaient un peu plus du corps, du trésor de Sombrebois éventré, éparpillé, comme s’il avait trop saigné lui aussi.

Instinctivement, Xandra s’était rapproché du mercenaire, juste assez pour l’effleurer, espérant y puiser un semblant de réconfort qui ne vint jamais, parce que sa large main l’avait repoussé avec une force contenue mais suffisante pour l’écarter efficacement. La rousse avait été déséquilibré et elle comprit la raison de son geste quand elle retrouva ses appuies.

- Par les Trois...

Ses mains se crispèrent sur ses armes.

- Je crois que…

Dans sa tête deux réflexions se battaient la première place. Celle qu’ils ne pouvaient pas espérer défaire un tel monstre, celle que cette chose n’avait pas pu être humaine. Un nouvel éclair lézarda le ciel comme la bête fonçait sur le Capitaine. Il lui sembla que la brève lumière avait fait apparaître deux orbites vides, brillants, surnaturel. Xandra se demandait comment une bête aussi massive pouvait se mouvoir avec cette grâce féline, roulant de ses épaules comme elle arrivait au contact. Deux, peut être trois secondes, au maximum.

- J’ai jamais vu un monstre pareil...

La rouquine n’avait rien trouvé de mieux que de lancer l’une de ses lames sur le fangeux, elle n’eut guère le temps de s'émerveiller de son lancé, de sa lame qui acheva sa course dans la chair humide du monstre ou elle s'enfonça profondément, faisait jaillir ce sang impur, verdâtre et pourpre. La larme avait atteint son but au moment ou les crocs de la bête se refermaient sur...l’une des armes du mercenaire. Ses dagues. Xandra les connaissaient bien pour les avoir manié cette fameuse nuit dans la scierie mais elle n’avait pas souvenir d’avoir vu l’homme s’en équiper à Marbrume. Décidément, les hommes étaient pleins de surprises.

Quoiqu'il en soit, un grognement sourd, frustré et mécontant s’échappa de la gorge morte du fangeux et ses yeux se posèrent sur la rousse. Ni Hector ni elle n’aurait eut le temps de réagir. Elle aurait peut être eut une chance de parer, si ce n’était pas son arme principale qu’elle avait lancé d’instinct. Ce fut son tour de lâcher un cri déchirant qui incommoda suffisamment le hibou, paisible spectateur pour qu’il renonce à ce singulier spectacle. La monstre avait changé de cible en une fraction de seconde et sa main griffue s’enfonçait avec facilitée dans l’épaule de la milicienne, le cuir se teintait déjà de rouge. Elle voulut répliquer immédiatement mais sa poigne l'empêcha de relever le bras, sa main libre se plaqua sur le torse du fangeux, dans l'espoir de le repousser le laps de temps suffisant pour que ses compagnons puissent réagir. Xandra sentit qu’elle ployait sous le poids de son adversaire et elle ne tarderait pas à mettre un genoux à terre…

Xandra eut de la chance, qu'il n'y ait plus qu'un seul fangeux, que dans un bel ensemble les deux hommes furent réactif, profitant de ne pas -plus- être la cible du monstre pour lui tomber dessus.

- Je crois que ... j’ai jamais vu un monstre pareil...

Hector, intérieurement, se dit que lui non plus n'avait jamais vu de fangeux aussi grand et aussi fort. Heureusement qu'ils étaient trois contre lui car seul à seul, n'importe lequel de nos trois héros finirait en bouffe à fangeux.

Mais revenons en au combat : le fangeux géant s'était jeté sur le Capitaine, crocs en avant... Et bien, figurez-vous que le Capitaine parvint à interposer entre son corps et les crocs du monstre l'une de ses deux épées courtes ! Evidemment avec la force du fangeux, le Capitaine se trouva tout de même projeté en arrière mais il avait déjà, n'ayant pas peur des mots, réussi à sauver sa vie dans cette formidable parade. Au même instant, la redoutable Xandra avait également envoyé l'un de ses lames dans les côtes du fangeux. Et si le fangeux avait sans doute perdu un peu de son énergie vitale dans ces deux blessures, il n'en perdait pas sa vivacité pour autant : se jetant sur Xandra, il lui lacéra l'épaule de ses longues griffes aiguisées ! Il voulut ensuite venir au corps à corps avec elle - comme bon nombre d'hommes dans d'autres circonstances, évidemment - mais la demoiselle ne se laissa pas faire, elle mit sa main en travers de sa route.

Et notre cher baron me demanderiez-vous ? Et bien, figurez-vous qu'il profita de ce moment de lutte intense entre la belle et la bête pour foncer sur cette dernière hache de guerre bien en main. La priorité d'Hector était de mettre un maximum de force dans son coup. Il visait le milieu du dos de la bête pour être sur de la toucher.

- AAAAAAAAAAAArrrrrrrrrrrrrrrrrrgh ! Cria le baron en sautant en l'air pour donner encore plus de force à son énorme coup vertical.

La hache de guerre de Sombrebois percuta avec une violence inouïe la colonne vertébrale du monstre, déchirant sa peau verte et brisant ses vertèbres comme s'il n'eut s'agit que de vulgaires croûtons de pain. Un craquement horrible se fit entendre tandis que, déjà, le sang éclaboussait Hector. Du coté de Xandra, la pression de la bête additionnée à la force du coup d'Hector dû la mettre à mal mais elle semblait avoir encore assez d'énergie pour résister à cette force car la bête s'effondra non pas sur elle mais à coté, après avoir perdu son équilibre en même temps que ses dernières forces.

Un long râle grave et puissant se fit entendre dans la forêt endormie. Le hibou retourna sur son perchoir et nos héros, à bout de souffle, se regardèrent avec surprise. Tous trois étaient en vie... Quel soulagement ! Hector n'aurait pas parié beaucoup sur un tel succès.

- Xandra, Capitaine... on a réussi ! S'exclama Hector.

Certes il y avait des morts, beaucoup de morts... mais eux trois étaient vivants et presque en parfait état. Hector avait une blessure à la joue et une autre au ventre mais elles ne semblaient guère profondes. La seule mauvaise nouvelle était la mort de l'enfant. Certes ce n'était pas le premier à périr sous les crocs des fangeux mais cela faisait toujours un choc de voir un âme si jeune ainsi trépasser...

Le baron s'approcha des deux autres.

- Vous allez bien ?