Dans la force de l'âge [Hector- Xandra]

Il fallait bien avouer que l’attaque du baron avait été parfaitement menée, avec toute la hargne qu’il fallait dans la voix, tellement que Xandra s’était demandé s’il n’allait pas la trancher en même temps le fangeux. Mais sans son intervention il était fort probable qu’elle ait fini avec le reste des hommes gisant au sol, alors elle n’allait pas se plaindre.

La rouquine était écarlate, pour une fois ce n’était pas parce qu’elle rougissait mais bel et bien à cause de l’effort qu’elle devait fournir pour ne pas se vautrer sous l’impact, sous le poids de leur adversaire. Xandra avait eut la primeur de voir la dernière étincelle de vie quitter les yeux de la bête colossale. Elle s’imaginait quel genre d’homme il avait été pendant qu’elle repoussait le cadavre. Soldat, forgeron, aimable, aussi mordant que ce qu’il avait été avant que nos trois compagnons ne le délivrent ?

Xandra appuyait sur son épaule ensanglanté plus par réflexe qu’autre chose. Elle avait mal, elle avait déjà eu plus mal, beaucoup moins aussi. La rouquine espérait ne pas se retrouver avec une nouvelle cicatrice à sa collection. Mais ce qu’elle rêvait surtout, c’était de nettoyer sa plaie, Hector en avait bien besoin lui aussi.

- Xandra, Capitaine... on a réussi !

-On dirait bien... répondit la rouquine d’une voix hachée alors qu’elle achevait de reprendre son souffle. Ses yeux parcoururent le corps du mercenaire. Le sang qui maculait son grand manteau n’était pas le sien et Xandra eu un soupire soulagé alors qu’elle admirait le désastre autour d’eux. Elle se pencha ensuite pour récupérer sa lame.

- Vous allez bien ?

- Oui, rien de bien méchant.

La rousse ajouta, tandis que les deux homme s’approchaient d’elle :

-Il faut terminer le travail. Ils sont trop prêt de ton domaine, on ne peut pas se permettre de laisser autant de corps en bons états. Et puis...ramasser ce que nous sommes venus chercher, évidemment. Je m’occupe des Hommes !

Sa dernière phrase avait été lâché avec un certain empressement, Xandra ne voulait plus revoir l’enfant, les marques sur son corps et ce ridicule bonnet, non, elle préférait s’occuper de décapiter les corps et de les fouiller. C’était presque devenu un geste routinier et sa lame principale parfaitement entretenue et aiguisée tranchait la chair aisément alors que sa main libre tenait leurs têtes. Les unes après les autres.

Sur l’un d’entre eux, Xandra trouva une broche, cette dernière retenant le foulard abimé de son propriétaire, elle représentait une tête de loup tenant une épée dans sa gueule. Elle fronça les sourcils alors qu’elle laissait tomber la tête de homme au sol. Un barbu aux yeux vides, aux traits figés dans une expression de douleur intense.

Hey ! Ca vous dit quelque chose ?

Elle la montra d’abord au Capitaine qui lui répondit par la négative avant de la présenter à Hector. Comme si le hiboux tenait lui aussi à répondre à la jeune femme, il se mit à hululer.

Hector comprit que Xandra ne voulait pas toucher le corps "abîmé" de l'enfant. La relative obscurité fut donc l'alliée d'Hector pour effectuer la tâche qui lui incombait. Il ne regarda qu'un instant le cou du petit avant d'y mettre un grand cou de hache. A présent une boule lui nouait la gorge. Il eut du mal à avaler sa salive et Xandra l'interpella, comme si elle pressentait qu'il fallait rapidement passer à autre chose. Elle lui montra une broche qui, à la lumière de la lune, était fort belle. Elle représentait un loup avec une épée en travers de la gueule.

- Non, jamais vu, dit le baron, tu peux la garder...

Il n'y avait tout de même pas de quoi s'y attarder plus longtemps.

- Prenons ce qui reste de leurs vêtements, faisons en des sacs et ramenons rapidement le trésor. Il est tard et mieux vaut rentrer au plus vite.

Et c'est ainsi que les trois héros remplir de nouveau le coffre de Sombrebois. Evidemment, la nuit et l'orage ne favorisèrent pas la fouille précise du champ de bataille et ils oublièrent sans doute quelques pièces d'or dans la forêt. Le baron se dit qu'il y retournerait le lendemain pour prendre les dernières pièces et pierres manquantes. Evidemment, c'était moins par avidité que dans un souci de ne pas attirer l’œil sur cette zone de la forêt, là où débouchait le tunnel secret de Sombrebois.

En rentrant pour la dernière fois dans le tunnel, Hector pensa bien, cette fois, à fermer à double tour le petite porte de métal. Il paya de grands verres d'eau à ses invités et leur offrit à chacun de prendre quelques pièces ou bijoux parmi ceux qu'ils l'avaient aidé à récupérer. Ensuite, les trois héros harassés retournèrent à l'étage pour finir leur nuit. Hector était si fatigué qu'il s'endormit d'un coup, d'un sommeil si profond et noir qu'il ne revit ni la tête du voleur qu'il avait tué dans l'après-midi, ni celle de l'enfant.

Le lendemain matin, il fut le premier debout - enfin, des trois combattants ! Lily, elle, était déjà debout depuis longtemps. Elle avait préparé un formidable petit-déjeuner et attendait qu'Hector descende pour partir s'occuper du potager. Hector la remercia... et Lily vit son visage ensanglanté !

- Oh Monsieur, votre joue ?!

Hector lui raconta son aventure nocturne - omettant les visions surnaturelles qu'il avait eu - et Lily nettoya ses plaies. Lorsque le baron fut de nouveau beau et propre, elle alla au jardin. Quelques instants plus tard, Hector entendit des bruits de pas dans l'escalier...

- Non, jamais vu, dit le baron, tu peux la garder...

En effet, la rouquine glissa la broche dans sa poche, se promettant de poser les bonnes questions à la caserne et à ses anciens contacts. S’il y avait un moyen de savoir qui avait voulu s’attaquer à Sombrebois, elle ferait tout pour le connaître. Il se fallait d’un survivant, d’un homme qui se soit fait la malle pour que ça discute de la petite fortune de son noble ami.

Ils avaient fait ce qu’ils pouvaient, à vue de nez ils n’avaient rien oublié mais il faisait nuit et ils n’avaient pas trainés. Hector, tout comme elle, avait été assez amoché mais ils en avaient vus d’autres et il avait suffit à la rousse de nettoyer la plaie, de faire un pansement propre pour passer à autre chose malgré la douleur lancinante qui avait rendu la fin de la nuit un peu difficile, tout comme ses habituels cauchemars. Un moyen comme un autre d’exorciser l’horreur de ce “nouveau” monde.
Xandra ne s’en remettait pas aux Dieux pour ça.

Ce fut le réveil du Capitaine qui la tira du sommeil. Si la rousse avait été heureuse de passer ses quelques longues heures en compagnie d’Hector et du mercenaire, avec qui cela est trop rare, elle n’avait pas passé une soirée des plus sereine et elle avait hâte de retrouver ses murs à elle. Les deux invités ne tardèrent pas à rejoindre le rez de chaussée ou Hector, toujours préoccupé par le bien être des autres leurs avaient fait préparer le petit déjeuner. Elle grimaça en voyant sa joue.

- Je suis désolé pour ça Hector, c’était mon idée que de crapahuter dehors, même si nous avons retrouvé votre or. C’est le plus important.

Xandra n’avait jamais possédé grand chose et peut être embellissait-elle un peu la valeur des choses. Celle de cette dague qui ne tranchait plus rien ou de ce bol ébréché dans lequel elle s'obstinait à boire.

- Merci pour tout, tu as été le meilleur des hôtes et je suis contente d’avoir pu partager ces repas et...ces...aventures avec toi.

Elle s’était penché pour serrer le baron dans ses bras une dernière fois après un petit clin d’oeil avant de quitter Sombrebois, se retournant une dernière fois vers la grande bâtisse isolée. Ils se reverraient, elle en était certaine. Puis il fut temps de dire au revoir au mercenaire alors qu’ils laissaient leurs montures respectives à l’écurie. Ils avaient parlé, peu, s’était comprit en silence, comme toujours, mais ses derniers mots l’avaient étonnés aussi. Il réserverait une vrai chambre pour eux, début du mois de Septembre.

- Du temps, juste pour nous deux.

Elle ne demandait que ça...