Schlangetrank (titre en construction)

La malapprise était bien mal apprise. Se sentait-elle vraiment en position de négocier quoi que ce soit ? Trinité, la garce ne perdait pas le nord, mais faisait preuve d'une obstination butée. Et à chaque fois qu'elle résistait un peu, qu'elle ne ployait pas, elle renforçait les élans mauvais du garde, qui réagissait en surenchérissant, comme pour faire comprendre à quel point, et littéralement, il avait la main sur elle. Sa voix trahissait cet état de fait, et elle exprimait, enfin, son affaiblissement. Le chêne casserait ou se plierait, il n'y avait pas de troisième option aux yeux du milicien, qui se ragaillardit de mauvaiseté en constant que la rétive enfant était au bord de la reddition.

"Kreidling !" cria-t-il comme seule réponse, du moins verbale, car d'un geste, il la ramena le nez dedans, mais cette fois-ci encore avec plus de force, et malgré l'inefficacité de la technique, lui faisait faire des allers retours dans cette mixture dégoûtante, indifférent, ou au contraire titillé, par les hoquets et les toussotements entrecoupées de la malheureuse. "Plus de mot, idiote, fais ton devoir, jette-moi ça ! Prends-le et renverse-le comme on t'a ordonné !" commanda-t-il, une voix enrouée par la rage et un plaisir étrange mélangés, tandis qu'une nouvelle fois, il tenait sa tête hors du pot de teinture, cet objet de torture.

Il semblait avoir visiblement mal pris la simple question. Denea n’en pouvait plus, l’odeur, le goût, la brûlure de l’alcool son cœur, sa respiration tout était pénible douloureux. L’humiliation avait trop duré. Sa façon de s’acharner touchait les bas-fonds du sadisme.

Avec sa relative possibilité de mouvement, elle poussa le bac jusqu’au bord de la table pour qu’il se renverse par terre, inondant le vieux parquet.
Il allait être content le gros porc, non seulement il avait foutu en l’air des heures de travail mais en plus elle devrait nettoyer et l’odeur du produit imprégnerait encore des jours et des semaines la petite pièce à vivre rappelant à la propriétaire ces douloureux souvenirs.

L’herboriste essaya de se débattre de se défaire de cette emprise. Maintenant qu’il avait ce qu’il voulait, il pourait bien dégager de là.

Avait-il vraiment eu ce qu'il voulait, notre soudard ? Etait-ce vraiment cette terrible, et très vague tout comme très relative, infraction à la charte de la guilde des teinturiers, ce grand pot de teinture après lequel il en avait, l'Anton ? Non pas. C'était juste la réification de la résistance de l'herboriste, de cette petite gaupe qui ne voulait pas céder, qui ne voulait pas se livrer à lui, ni entendre son autorité. D'homme, de milicien, de bürger. Elle, sorcière, célibataire, sans voix dans le gouvernement de la cité, qu'était-elle pour s'élever contre lui ? Rien, rien, rien !

Le pot se brisa sans poser de souci. De ses petites menottes, elle l'avait à moitié porté, à moitié poussé, l'orientant, dans un calme relatif qui prenait quelque chose de mystique, jusqu'au vide. Elle abandonnait. Elle abandonnait la teinture, après bien des combats ; elle rendait les armes, enfin. Le calme suivit le fracas de la chute, le borborygme de la mixtion qui se déversait entre les stries du parquet déjà usé. Pendant une seconde, elle se relâcha entièrement, appréciant certainement à son juste prix l'acte qu'il l'avait forcé à exécuter, les conséquences. Mais elle semblait avoir mal considéré la chose. Jugeant dans la panique, à la peur, elle s'était crue libre, comme le jeune Martin quelqu'une heure plus tôt, une fois qu'elle eut fait ce qui lui ait été dit de faire ; lui aussi s'était complètement relâché, quand il donna le nom de son employeur à Anton, heureux d'en finir avec la pression et la peur, le temps d'une seconde, espérant alors que tout revînt comme auparavant.

Mais ça, ça tenait de la rêverie naïve plus que d'autre chose, la vérité c'est qu'une fois le mécanisme enclenché, on ne savait pas jusqu'où ça irait. Et ça faisait bien la moitié de cette terrible manoeuvre. On était entré dans le jeu. Elle avait bien mal considéré la chose. Elle se débattit, pour le plus grand heur d'Anton, qui, de nouveau, fit savoir sa présence et son empire sur elle. Elle était plus douce, au niveau de cette main qui serrait ses cheveux, et la main sur son ventre devenait caressante. Le poids du reître néanmoins alourdit encore un peu l'entrave sous laquelle elle se retrouvait. De nouveau, il piqua au creux de sa gorge et de son épaule pour baiser sa peau, avant d'ajouter, d'une voix apaisée, quoique lourde de sous-entendus, pas agressifs, non, presque peinés.

"Tu vois... Pourquoi me forces-tu à crier comme ça ?" Et comme il disait cela d'une voix qu'un cavalier emploierait pour amadouer son cheval, sa main glissa jusques entre ses cuisses, troussant laborieusement, car ils étaient collés, la robe simple de la boutiquière.

Avoir échappé au tapin pour se retrouver tripoté dans son arrière-boutique par un mâle en rut. Elle se l’était déjà dite quelque instant au part avant mais le sort était vraiment un gros enfoiré.

Elle avait pensé que sans régler le problème, cela aurait au moins arrangé en une certaine manière les choses. Que ça l’aurait suffisamment satisfait pour qu’il la lâche. Mais elle s’était lourdement trompée, comment avait-elle tu être aussi conne ?!

D’une main elle essayait de l’empêcher de remonter trop haut le long de ses cuisses, et de l’autre, elle essayait de le faire lâcher prise pour attraper la bouteille vide qui se trouvait là juste à l’autre bout de la table. L’objet contendant la narguait par sa simple présence. Il elle avait pu l’attraper, elle aurait pu … Elle aurait pu …. Elle aurait pu le frapper avec, mais avec sa petite force elle l’aurait pas fait grand-chose, au mieux elle l’aurait sonné quelque instants. Mais il l’aurait bien vite rattrapé pour lui faire quoi ? Pire que ce qu’il lui faisait maintenant ?

D’un coup la fatalité sembla la frapper. Elle avait déjà senti ce sentiment de faiblesse et d’impuissance, mais là il semblait lui revenir en plein visage comme une violente claque. Puis il avait cette voix, qui avait quelque chose de menaçant malgré un ton presque désolé.

La fouge, la colère, tout cela se mua en résignation. Elle essayait toujours de l’empêcher de s’emparer de son intimité. Mais elle semblait accablée par la fatalité d’un coup.

« Je ne sais plus … »

Murmura-t-elle soumise. Ça ne servait plus à rien de se battre de toute façon, son travail recouvrait déjà le sol.

Il contemplait sa proie se vider de ses forces. Il n'avait jamais été grand chasseur, bien que ce loisir, dans le très marécageux Morgestang, soit parmi les activités populaires. Il avait participé, contre solde, à quelques battues massives, et à autant de traques d'hommes. Mais la prédation n'était pas qu'une occupation de gentilhomme ou de braconnier. Au fond, chaque individu comprend de quoi il en retourne, et pour peu que les circonstances y soient favorables, chacun, dans son existence, ressentira, sans pour autant mettre un mot dessus, ce sentiment du prédateur. C'était sûrement dans ces moments-là, où la défaite, déjà plus tout à faire incertaine, se profile, s'établit lentement entre les deux parties, que la sensation se faisait la plus saisissante. Les heurts étaient passés, il ne restait, en fin de compte, que la curée.

Il contemplait la biche agripper d'ultimes espérances, puis y renoncer. Il voyait un bras trop court se tendre vers une arme, vers une gourde, vers quoi que ce soit qui rétablirait l'équilibre et ferait renaître le combat, constatant joyeusement que Denea, elle, constatait son impuissance. Même son autre bras, celui qui parasitait la main du garde Gunof remontant sa cuisse, appréciatrice, il le sentit faiblir, se faire plus raisonnable. La paix était revenue, elle s'offrait à une puissance supérieure. Les gestes d'Anton se firent plus lents, encore forts. Ses baisers s'apaisèrent. A dire vrai, il humait aussi le parfum confus et fort qui auréolait sa chevelure à moitié mouillée. En un mot, il s'emplissait d'elle. Elle était douce, cette peau qu'il avait sous les mains, des jambes à la nuque. Il bandait, il le faisait sentir contre ses fesses galbées. Malgré les parades d'une Denea résignée, il retroussa sa robe jusqu'à la taille, palpa ses fesses nues, plaquées contre la table. Elle put sentir que l'étreinte se faisait moins forte, comme s'il se relevait un peu, abandonnant la charge de sa captivité à une main plaquée contre sa nuque.

Le salaud avait décidé d'apprécier son butin avec la vue, en plus du tact. Et comme elle pouvait se demander ce qui se tramait derrière et comment elle pouvait en tirer un avantage, ses jambes furent écartées sous la force de celles du soldat. Elle entendit une succion, et quelque chose la pénétra, la fouissait, s'attela à des va-et-vient tandis que, plus tard, le baudrier du garde chut à terre dans un cliquetis, bientôt suivi de ses pantalons. Les doigts fuirent, l'écartèrent un peu tandis qu'Anton s'appsentissait de nouveau sur elle. Bientôt, avec un prolégomène salace déclaré au creux de l'oreille, Denea eut la sensation d'être soudainement prise, possédée.

Si Denea n’avait pas compris ce qui allait lui arriver, le garde se chargeait très bien de faire passer le message en pressant son entrejambe contre le derrière de la jeune femme. Il avait la gaule putain, ça le faisait bander d’avoir réduit toute volonté de résistance à l’état de pensée futile dans l’esprit de l’herboriste.

Fataliste, elle n’essaya même pas de chasser ses mains qui s’étaient emparées de ses fesses. L’étreinte se fit moins forte, s’était le moment ! Il n’y avait plus qu’une main appuyée fortement contre sa nuque. Elle aurait pu au moins essayer, essayer de se dégager, attraper un objet lourd, ou même pas, n’importe quoi, pour le frapper, essayer de l’assommer. Pourtant, elle n’en fit rien, à quoi bon ?

Qu’est-ce qu’il attendait ? Une invitation ? Simplement faire sadiquement durer son plaisir ?
Denea priait qui pouvait bien l’entendre de faire que ça se termine. S’était bien la seule chose raisonnable qu’elle pouvait encore souhaiter.

Elle ne criait pas, ne se débattait plus, la jeune femme eut juste un geignement plaintif quand il força son intimité. La table tremblait agiter par les vas et vient du garde faisant bouger la bouteille, cette arme qui avait constitué un dernier espoir, jusqu’à la faire tomber, se brisant dans un bruit clair et aigue.
Essayant d’oublier cette chose en elle, Denea se dit que ce foutu flacon s’était une belle image pour sa détermination, elle s’était agitée, débattu, pour finalement de casser aussi définitivement que ce foutu bout de verre. Sur la table ses mains se crispaient de plus en plus laissant une légère trace d’ongle dans le bois fatigué du meuble. Elle se mordait l’intérieur de la joue jusqu’au sang pour ne pas pleurer, crier, geindre, elle ne lui ferait pas ce plaisir. Sa vue était troublée par des larmes, cependant, elle ne savait pas trop pourquoi. Etait-ce à cause de la brûlure de l’alcool, de sa dignité qui s’était fait la malle depuis un moment déjà ou encore du fait qu’elle était en train de se faire baiser, par un gros porc, sans son autorisation. Sûrement, les trois en même temps.

Elle allait presque craquer, le supplier d'arrêter lorsque d'elle senti un dernier tressaillement, s'était fini.
Il allait partir et, elle l’espérait, ne jamais revenir.
Qu’est-ce qu’il pouvait lui prendre de plus de toute façon ? Il avait brisé le plus important.

Denea avait envie de vomir, il la dégoûtait, elle se dégoûtait...

Au geignement de Denea se combina un râle de délice du garde Gunof quand il la prit. Des allers et venues difficiles s'initièrent, puis il se retira et cracha dans sa main, pour les rendre plus fluide, ou pour le simple plaisir de rentrer à nouveau. Un flux et reflux lent, long reprit, accompagné d'un souffle bruyant de volupté, d'autant plus sonore qu'il était tout contre elle, sa bouche enfoncé dans sa chevelure, près de son oreille, sa barbe se frottant à son visage. Denea s'était abandonnée, et l'étreinte prenait des airs plus urbains. Les mains, qui étaient de nouveau libres, parcouraient le corps capturé, longeaient les bras de l'herboriste, serraient ses mains pétrifiées avec force. La cadence s'accéléra, la respiration d'Anton se fit plus rauque, ses mains l'attrapaient à présent de façon plus possessive et violente. L'une d'elles, qui tenait le bord de la table, se plaqua sur le dos de la victime, et Anton se releva un peu.

La fréquence des coups s'intensifia de nouveau, comme leur puissance. Comme elle n'avait rien tenté quand il s'était remis debout pour changer d'angle et d'allure, il attrapa ses hanches brutalement, synchronisa les coups avec les mouvements du corps de Denea. Dreifaltigkeit, pensa-t-il, je suis amoureux de cette gaupe, quelques secondes avant que, suivant un pilonnage furieux, il ne poussa un cri et retomba de tout son poids sur elle. Essoufflé, grisé, il profitait encore de ce corps qu'il avait possédé par des caresses tandis que les effets de la jouissance se dissipaient peu à peu. Ses bras enfin la ramassèrent, la concentrèrent sous lui. Il l'embrassa une dernière fois, au cou, puis se retira avant de remonter les chausses que la boutiquière lui avait gracieusement prêtées.

Le calme qui suivit mettait en valeur le sordide de la situation.

Maintenant debout, il observait le corps violé, toujours étalé contre la table, engourdis, aux mouvements lents, essaya un instant d’imaginer, sous la frondaison de sa chevelure chaotique, l’expression qui pouvait remuer les traits de Denea. Il balaya ce projet triste de son esprit, il ne lui apporterait aucune joie, bien au contraire, et s’attela à ceindre son baudrier. Elle, elle s’anima un petit peu. Peut-être le cliquetis des armes lui signalait-il la fin de son épreuve, et le départ prochain de son bourreau. Elle se releva, le visage inaccessible au regard du garde, qui oscillait entre la boucle de sa ceinture et l’observation de l’herboriste meurtrie. Elle se retourna, pas assez pour qu’il la vit de face, et s’éloigna d’un pas sans allant. Elle flottait un peu comme un fantôme, glissait dans le monde matériel sans parvenir à interagir avec lui. Une once de scrupule attaqua la gorge d’Anton, qui subissait la descente qui suivant généralement un pic de plaisir ; il racla sa gorge. Il ne pouvait pas laisser tout cela comme ça, sur ce serrement.

« Hé ! » Elle se retourna un peu, par un réflexe d’animal vulnérable plus que par intérêt pour ce que pouvait avoir à dire la source de menace qu’avait dû devenir Anton Gunof dans son cerveau. Celui-ci put voir un bout de son joli minois, maintenant si morne, et pourtant sculpté par un effort presque ineffable pour un œil extérieur qui tâchait de dissimuler une avalanche d’émotions. A ce spectacle, Anton prit son parti en pensant que de ces sentiments en fusion, c’était la haine pour lui qu’elle ressentait le plus intesément. Ce postulat grava un rictus dur sur le visage du milicien. « Je viendrai te visiter parfois. Pour m’assurer que tu ne désobéis pas aux lois. »

Il s’était retourné au milieu de cette sale déclaration, incapable peut-être de supporter le regard qu’elle lui aurait lancé à ces mots, et se dirigeait déjà vers la boutique. Mais quand il fut devant l’encadrement de la porte qui séparait la boutique de l’arrière, il s’arrêta, trifouilla dans sa bourse et puis des pièces churent contre le bois sur une note métallique. Enfin, il disparut.

Il y avait cinq pièces, deux de plus que ce qu’il lui avait promis.
Parce qu’il n’était pas chien.

Le corps du garde qui retomba lourdement sur elle lui arracha un bref râle de douleur. Cette respiration forte en rauque qui résonnait dans ses oreilles lui était insupportable. Complètement anesthésié, plus en rapport avec ce monde, elle ne fit même pas attention à ce baiser qu’il avait déposé dans son cou. De toute manière ce genre de tendresse avait-elle un sens ?

Le silence se fit à nouveau dans la pièce, il fallut un moment à Denea pour reprendre pied, pour réaliser réellement que s’était fini. Elle se releva lentement, encore fébrile de ce qui venait de lui arriver. Tellement de choses passaient dans son esprit, le choc, l’indignation, la colère, n’étaient que les principales. S’éloignant de quelque pas de la table, elle se sentait engourdit, plus vraiment dans son corps, s’était étrange. Cependant, ce sentiment disparu bien vite quand elle remit sa robe en place.

Lui avait remis son baudrier, il allait partir, vraiment ?

Elle avait juste entendu le bruit qu’il avait fait en remettant des armes en places, elle ne le regarderait pas, faisant tout pour éviter de croiser son regard. Peut-être craignait-elle de voir la satisfaction dans son regard, ou pire, une sorte de gêne, un air d’être désolé. Elle aurait presque pu se sentir mal, coupable, d’avoir des envies si brutales et furieuses à son égard. Elle voulait pouvoir le haïr en paix après lui être passé dessus comme ça…

Lorsqu’il l’appela elle tourna à peine la tête, cachée derrière ses cheveux en désordre. Est-ce qu’il voulait quelque chose de plus ? Mais quoi ? Un léger accent de panique anima à nouveau la jeune femme, qui s’accentua rapidement entendant ce qu’il déclarait.

Il allait revenir ? Vraiment ?

Non ! Non ! Non !
Pourquoi ?!

Restant pétrifié un instant Denea ne vit pas son bourreau partir. En revanche, elle entendit très distinctement le bruit des pièces tombant sur le sol.

Elle s’effondra, à genoux sur le sol mouillé, agité par ses sanglots furieux. Il l’avait payé, comme une pute au rabais. S’était insultant, condescendent, rageant.

D’un geste tremblant, mais déterminée elle essayant ses yeux, puis se releva s’appuyant sur le table. Ses jambes ne furent pas très sur le premier pas son corps accusait encore le coup de ce qui venait de se passer.

Après avoir ramassé la bassine ayant à un moment contenu de la teinture, elle la posa sur la table pour la remplir d’eau et y plongea un savon.
Il fallait tout nettoyer, tout ranger, qu’au moins en apparence, il ne se soit rien passé…