[Event] Les Joutes Royales - Introduction

Je l’ai déjà dit plusieurs fois; contenter le peuple et ménager les grands, voilà la maxime de ceux qui savent gouverner. Plus le temps passait et plus la Comtesse de Rougelac avait l’impression que le duc – pardon – le nouveau Roi en était adepte. Il se tenait là digne, montrant à qui le voulait qu’il était l’homme de la situation, la lumière dans ce nuage noir qui les entouraient. Un geste passablement louable, et qui ferait en sorte que le moindre de ses sujets serait disposé à le servir avec tout le zèle qu’il pouvait. Adelaïde ne pouvait s’empêcher d’admirer le Roi. Peu importe ce que ce dernier préparait, cela semblait être un coup magistral. On fait la guerre quand on veut, on la termine lorsque l’on peut et pour le moment, et contrairement au Roi, la Comtesse n’avait pas les armes nécessaires pour combattre son fourbe de mari. Se jeter dans une guerre en ce moment même était un suicide. Il la tenait déjà en laisse… mieux valait ne pas lui laisser quelconque opportunité de prendre un peu plus le dessus. Et pourtant le Comte avait l’air d’un des époux les plus aimants en dehors des murs de leur résidence. Mais à l’intérieur, s’était un jeu de pouvoir dangereux qui se jouait, où les deux êtres cherchaient tant que mal à prendre le dessus. Pour le moment, Victor gagnait, mais ce tournoi et ce couronnement amenaient des opportunités à la Comtesse, des opportunités qu’elle ne laisserait pas passer. C’est dans cet esprit qu’elle l’avait laissé, une nouvelle fois, la parader devant la cour du Roi. Parée de ses plus beaux atours, la jeune femme avait apparu au côté de son mari, la tête haute, mais le regard vide, sans émotion. N’importe qui aurait pu voir qu’elle était loin d’être l’heureuse et rougissante nouvelle mariée qu’elle devrait être.

La cérémonie se termina rapidement, et les autres Nobles se dirigèrent rapidement vers leur nouveau Roi pour lui faire parvenir les plus magnifiques offrandes. Les Rougelac, quant à eux, avaient offert une des plus magnifiques arbalètes que l’on aurait pu produire, preuve du savoir-faire des ouvriers de Victor. Une fois la mascarade terminée, les Nobles se dirigèrent rapidement vers la place au Pendu, qui avait été transformé en véritable aréna pour l’occasion. Un aréna qui grouillait d’activité toute les plus impressionnante les unes des autres. Adelaïde se fraya doucement un chemin dans l’estrade. S’asseyant à un emplacement de choix, toujours en prenant bien soin d’éviter quelconque contact avec le Comte. Son cœur s’arrêta un instant lorsqu’elle vit Logan de Sylvecastel. Pour être complètement honnête, le fait d’être marié à un autre que ce dernier lui brisait continuellement le cœur. Elle regrettait un peu plus chaque jour les actions qui l’avaient mené jusqu’à l’autel. Et si elle avait évité le Comte? Et si elle ne l’avait pas menacé? Et si Alexandre de Terresang avait réagi différemment? Serait-elle mariée à son amant? Aurait-elle eu une vie un tant soit peu heureuse? C’était les questions qui la tourmentaient, et ce à chaque seconde.

Adelaïde se leva sans regarder son mari, puis descendit d’un pas élégant vers les participants qui commençaient à s’entasser dans l’arène. La jeune femme salua rapidement d’un sourire Ulysse de Sombreval qui s’entrainait, puis se dirigea doucement vers les Rivefière, non sans jeter un coup d’œil vers Victor qui était toujours dans l’estrade, en discussion avec l’ogre qui lui servait de garde du corps. Une fois devant la famille, la jeune femme baissa doucement la tête, saluant avec respect les Rivefière. « Vos Grandeurs. » Commença-t-elle avant de relever son regard azuré vers Roland, Sydonnie et Serena. « Permettez-moi de vous souhaiter la meilleure des chances pour ce tournoi. Je ne crois pas me tromper en disant que le blason de votre famille restera dans les annales de Marbrume. » La jeune femme savait pertinemment que les Rivefière avaient une dette pour son mari et elle espérait que l’amertume qu’ils avaient – probablement – pour le Comte n’avait aucune répercussion contre elle. « Lorsque l’occasion se présentera, j’aimerais bien avoir l’occasion de discuter avec vous. Je sais que le temps ainsi que la volonté nous manquent parfois, mais ne sait-on jamais les occasions qui puissent apparaître. » La jeune femme reporta doucement la tête vers son mari qui la fixait à ce moment précis avant de se retourner vers les Rivifière. « Mais je m’égare, pardonnez-moi, mon but n’était aucunement de détruire votre concentration. Si vous voulez bien m’excuser.. . Je.. » Et ce fut les cris du héraut qui vint interrompre la Baronne, signe que le tournoi commencerait sous peu. La jeune femme inclina respectueusement la tête, espérant avoir réussi à avoir convaincre la famille qui semblait tant détester son nouveau nom – à lui donner une entrevue dans un moment plus propice.

Puis, Adelaïde se retourna pour retourner dans les gradins, avant de croiser le regard de Logan. Cette dernière lui fit un léger sourire avant de murmurer de ses lèvres une « Bonne Chance ». Pendant une seconde on put voir la tristesse qui habitait la baronne avant qu’elle ne se ressaisisse pour retourner s’installer dans les gradins, au côté de son mari. La jeune femme ne dit rien pendant que ce dernier l’interrogeait du regard. Il savait très bien ce qu’elle venait de faire, Victor n’était pas dupe et il savait que son épouse était loin d’être conquise aussi facilement. Puis feignant l’innocence, elle lui fit un regard interrogateur; « Que se passe-t-il, Votre Grandeur? Je n’ai que salué nos confrères. Ils m’ont demandé de vous transmettre leurs plus sincères vœux de bonheur. » Dit-elle en faisant un sourire amusé. Puis, sans attendre sa réponse, elle se retourna vers le Roi qui venait de faire sa grandiose entrée.

Les Joutes Royales - Introduction

EVENT

Demain, c’est le grand jour attendu par tout Marbrume. Le jour du couronnement du Duc de Sylvrur. Ce jour censé apporter l’espoir à tout un chacun, mais qu’en sera-t-il réellement ? Toutes ces histoires ne m’intéressent pas et d’un côté, la situation pourrait difficilement être pire. La ville est méconnaissable, lavée et nettoyée entièrement de fond en comble et de partout raisonne la joie, l’espoir et les festivités. Et pourquoi cela n’a-t-il pas été fait auparavant ? Pourquoi cela n’est-il point fait régulièrement, au lieu de nous laisser vautrés dans la misère et la crasse ? Probablement parce que nous n’avons pas la même valeur que le futur roi, il va de soi. Tout le monde est en liesse et nombreux sont les arrivants venus des quatre coin du Duché pour assister au couronnement. Pour ma part et comme pratiquement tous les effectifs de la milice, je serai réquisitionnée pour veiller à la sécurité. Les portes seront fermées et les missions à l’extérieur ont été interrompues depuis quelques jours pour la plupart.

Alors que je me dirige rapidement vers la Chope Sucrée en ce réveillon, tendue et anxieuse, quelle ne fut pas ma surprise de me faire héler par mon prénom avec enthousiasme.
« Madelyne ! C’est vous, Madelyne ?! »
Je tourne la tête pour apercevoir un noble dont le visage me paraît étrangement familier mais dont je suis incapable de remettre. Mais qui est-il déjà... ? Je me frotte le front, mon mal de crâne me taraudant un tantinet et je lance rapidement des coups d’œil autour de moi pour vérifier que personne ne nous observe.

Il dit être ravi de me revoir et se présente rapidement ; Hector de Sombrebois ! Le voilà qui me fait le détail ; la roue, le vol de la bourse, la chute de cheval, et la mauvaise blague où il m’avait fait passer pour sa femme. Mais oui, cela est limpide maintenant ! Il me présente ses excuses pour un peu tout ce qui s’est passé cette soirée là, mais c’est plutôt moi qui devrait lui en présenter pour sa bourse que je n’ai ni su préserver du vol, ni retrouver.

Je me souviens alors du vœu qu’il avait fait sur son cheval et en profite pour le taquiner en disant qu’il me semblait bien que cela avait été là son vœu, nous faire choir à terre, mais l’intonation n’y est décidément pas là non plus et sonne un peu trop pince-sans-rire à mon goût. Mais Hector est un bon seigneur chaleureux, et je sais bien qu’il ne me tiendra pas rigueur d’être un peu bourrue.
Il s’enquiert de l’état de mon bras qui s’est très bien remis de la chute et je l’en informe. Ce n’est pas vraiment mon bras qui me chagrine actuellement… C’est quelque chose de bien plus douloureux. Il m’apprend qu’il est là pour participer aux joutes du tournoi et lorsqu’il me dit qu’il serait heureux de m’y voir, je lui explique que j’y serai pour sécuriser.

« Seigneur Hector… ? je lui demande alors. J’ai une faveur à vous demander, s’il vous plaît. »

Je regarde à nouveau alentour mais je ne vois personne, et je prie pour qu’il n’y ait bien personne, ce qui me paraît loin d’être gagné d’avance. J’ai bien vite appris que de ne rien voir ne veut pas dire qu’il n’y a rien… Je me rapproche de l’homme qui s’est toujours montré amical envers moi et murmure à voix basse :

« Je cherche des nouvelles d’un chevalier… Un peu plus grand que moi, blond, les yeux bleus comme un ciel nuageux et le visage couvert de cicatrices, il a d’étranges manières... Il s’appelle Bérard et vient de Sombreval. Pourriez-vous quérir de ses nouvelles ? Je ne l’ai pas vu depuis une lunaison et il a disparu un jour alors que nous devions nous revoir. J’ai bien peur qu’il lui soit arrivé malheur... »

Toujours inquiète à l’idée d’être épiée, je m’assure une nouvelle fois de ne voir personne. Les larmes me viennent aux yeux et je lutte pour les refouler, attrapant alors discrètement les mains d’Hector qui est l’une des rares personne en qui je pense bien pouvoir avoir confiance bien que ce n’est que la deuxième fois de ma vie que je vois cet homme. Certains visages savent vous inspirer confiance à l’instant même où vous faite leur connaissance.

« Je vous en conjure, faites cela pour moi. J’ai besoin de lui… Si vous pouvez lui faire passer un message, dites-lui que je dois le voir au plus vite. Que c'est urgent... » Je m'arrête, ne voulant pas inquiéter Hector, bien que j'ai envie de le supplier de remuer ciel et terre pour retrouver cet espèce de malotru de chevalier de pacotille ! Éclairés à la faible lueur d’une auberge, nous sommes peu visibles et l’on ne pourrait logiquement pas nous voir très aisément.

« Mais ! Je connais cet homme ! s’étonne alors Hector. Il m'a sauvé la vie il y a quelques temps de cela... Mais je n'ai pas de nouvelles de lui... Ce Berard - "boucles d'or" comme je l'appelais - Un bon gars... Je pourrais voir si - comment s'appelle-t-il ? de Sombreval... de Sombreval... Ulysse ! voilà - si le seigneur de Sombreval est là, je lui demanderais s'il a quelques nouvelles... Je le connais lui aussi. J'insisterais pour qu'il demande autour de lui si lui même n'en a pas... Je comprends qu'en ces temps troubles vous soyez inquiète.
- Vous le connaissez ?! je m’exclame surprise. Boucles d’or… oui, ça lui va bien, je réponds en souriant le cœur au bord des yeux. Oui, c’est quelqu’un de bien. »

Je réalise alors que je crois bien que je connais ce Ulysse aussi ! Si je ne m’abuse, je l’ai vu il y deux lunaisons, lorsque j’ai voulu aider une prêtresse. Que le monde est petit. Ici, à Marbrume, tout le monde se connaît !

Hector connaît Bérard ! Bérard lui a sauvé la vie… Ah, ça ne m’étonne pas. C’est mon preux chevalier… Il l’a sauvé, il va me sauver aussi. Je le sais, il reviendra me voir. Il n’a rien pu lui arriver à mon fier guerrier. Je suis là, admirative. Puis le noble rajoute :

« Où pourrais-je vous retrouver ? Il n'est pas certain que je puisse avoir la chance de retomber sur vous comme ça, par hasard...
- Il faut que je vous confie quelque chose... moi aussi, il va falloir qu’il me sauve. »

La confidence m’a échappée, tant pis. Je répond à sa question dans la foulée pour éviter qu’il ne rebondisse sur ce que je viens de lui dire.

« Je viendrai vous retrouver demain après les joutes. Faites attention à vous surtout et merci infiniment... »

Je lui lâche les mains et le serre fort dans mes bras et tant que j’y suis, un peu plus ou un peu moins n’a pas d’importance, alors je rajoute :
« Vous savez… j’aime cet homme. Je sais bien que je ne suis personne, mais je l’aime. Il n’y en a pas deux comme lui dans tout le morguestanc, alors apportez moi de bonnes nouvelles. »

Je me recule et le regarde dans les yeux, puis m’éloigne rapidement. On va le retrouver. Oui, on va retrouver mon chevalier. Hector pourra se renseigner auprès de la noblesse et il connaît un Sombreval !

***

La place des pendus délestée de sa potence depuis déjà un bon moment a une toute autre allure aujourd’hui. Les préparatifs ont été une source d’angoisses importante pour toute la milice ; les supérieurs n’ont eu de cesses ces derniers jours de faire des allers-retours incessants afin de superviser les coutilleries épuisées par toutes les tâches à faire. Ce jourd’hui, l’angoisse est à son paroxysme et les coutilliers sont encore plus nerveux à l’idée d’un faux pas catastrophique de la part du moindre milicien et j’ai l’impression qu’Allart ne me lâche pas d’une semelle et joue l’inspection des travaux finis, plus qu’inquiet à l’idée que je fasse une connerie. Je l’ai constamment sur le dos et étant de plus en plus nerveuse, je dois rester vigilante. Mais tout est prêt et voilà que la cérémonie va commencer. Tout est bruyant, tout est propre, tout est coloré, tout est festif, tout est fatiguant. J’ai mal au crâne et je roule des épaules, ma nuque me paraissant un peu trop raide.

Comme une ceinture humaine en bas des marches du temple, nous nous tenons, nous miliciens dépêchés ici, solennellement en attendant l’apparition du nouveau Roi. Lorsque ce dernier sort enfin, c’est la liesse, les cris, la fanfare, la joie, et tout le monde s’écarte pour laisser passer le Roi fraîchement couronné qui vient de descendre les marches et sa suite de nobles venus le vénérer. Les genoux posés à terre se relèvent et tout le monde ou presque suit pour rejoindre les tribunes. J’en profite pour faire un tour et patrouiller afin de voir si Bérard ne serait pas quelque part en attendant que les combats ne commencent. Si ça se trouve, il fera parti des jouteurs…

Alors que je suis en train de patrouiller, les pleurs d’un petit gamin attirent mon attention et c’est tout naturellement que je m’approche de l’enfant pour comprendre ce qui lui arrive. Petit, les cheveux ébouriffés et la morve au nez, il est paniqué. Je me baisse pour me mettre à son niveau.

« Eh… qu’est-ce qui t’arrive petit ? »

Voyant qu’il pleure trop pour arriver à me dire quoi que ce soit, je me relève et le prends dans les bras pour l’apaiser.

« Je vois plus mes parents...
- C’est rien, on va les retrouver. Tu les as vu où pour la dernière fois ?
- Là-bas… », m’indique-t-il un endroit non loin de son doigt crasseux.

Quelle galère…
Je cherche du regard si je peux voir un couple inquiet ou cherchant et appelant, mais je n’en vois pas. Il y a une telle cohue ! Et alors que je cherche toujours les deux oiseaux qui ont réussi à perdre leur enfant dans la foule, c’est un tout autre oiseau qui vient me trouver. L’autre oiseau de malheur.

« Enfin, te voilà… »

Je pivote vers lui nerveusement, l’enfant toujours aux bras que je dépose alors à terre.

« Pourquoi tu es toute crispée, hein ? Tu as des idées en tête... ? »

Il faut toujours qu’il soit sur mes talons à un moment ou à un autre… Mais merde, il ne veut pas m’oublier un peu ?! Il a quand même mieux à faire en ce jour, avec tout le travail que nous devons fournir ces derniers temps dans la milice ! Il se montre suspicieux, hein… Bien. Qu’il attende un peu et il les verra, les idées que j’ai en tête.

- Je suis juste fatiguée, lui réponds-je en évitant son regard.
- Est-ce que tu penses à moi ? me questionne-t-il alors avec un sourire pervers. Moi, je peux t'assurer que tu es dans toutes mes pensées... Je te vois partout...
- Je suis un peu occupée, là. Je dois te laisser...
- Va-t-en alors. Mais n'oublie pas... Je serais jamais loin, Mady. Souviens-toi de ça...Où que tu ailles, je serais juste à côté... »

Quel cauchemar… Je sers les dents et m’éloigne en contenant mon dégoût, prenant l’enfant par la main et lui demandant une description de ses parents. Je vais trouver un coutiller pour lui demander ce que je peux faire.

« Et alors, tu veux qu’on en fasse quoi ?! qu’il me répond. On a pas le temps de s’occuper de ça alors fais-en c’que t’en veux ! »

Super… Me voilà avec un morveux sur les bras maintenant… le pervers monstrueux qui me harcèle nuit et jour et que je vais devoir épouser de gré ou de force, c’était pas suffisant. Il fallait que je me ramasse un mioche en plus ! Je fais le tour de la tribune, essayant de voir si je peux trouver les parents ou quelqu’un que l’enfant connaîtrait. Et je vais en faire quoi sinon ? Ce n’est même pas la peine d’espérer de le mener au temple pour l’instant. Je suis tellement lasse...

Où est mon amour ? Où est l’homme que j’aime ? Qui viendra me sauver avant qu’il ne soit trop tard ? Les jours passent et dansent dans leur grande farandole, défilent incisifs et menaçants. Bientôt, l’enfer va se resserrer autour de moi. Il est déjà en train d’avancer sournoisement, tapis dans l’ombre, pour étendre son souffle glacé dans mes veines. Je m’en suis sortie vivante comme je me l’étais jurée.

Je me suis promis de te retrouver dès lors, alors reviens !

J’avais espoir de le trouver ici, mais je ne le vois nulle part. Pourvu qu’Hector me donne des nouvelles de lui… pourvu qu’il en est…

Ce matin était un jour spécial. Et je m'étais levé tôt pour gagner la grand place des pendue.
Comme tout le monde, j'avais entendu les hérauts compter les magnificences de ce jour.
Et comme tout le monde j'avais tendu l'oreille, avide d'en savoir plus, impatient d'assister à pareil évènement !

Tout le gratin de la ville y serait ! Le Roi y serait !
Il n'y avait bien qu'une seule fois dans ma vie où je pouvais supposer que j'aurais la chance de la voir. Et c'était bien ce jour.

Levé bien avant les aurores, je m'était paré de ma chemise la plus propre, de mes pantalons les plus onéreux. Manches retroussées pour ne pas gêner mes mouvements dans le maniement de la béquille, bracelets de cuirs aux poignets, j'avais décidé d'emporter avoir moi mon épée à une main. Mais pas mon plastron. Trop lourd. Et encombrant.

Les longs cheveux lâchés, l'épée au côté, j'étais donc sorti de chez moi avant les premières lueurs du jour, conscient que je mettrais un certain temps avant d'arriver sur la place, malgré mon domicile situé non loin.
Il fallait absolument que j'arrive parmi les premiers spectateurs pour avoir une bonne place.

Je voulais voir !

Les joute, le sport ! Ça, je n'aurais raté ça pour rien au monde normalement. Mon sang avait bouilli d'impatiente en entendant parler des combats. C'est que j'aimais ça moi ! Mais avec une jambe en moins...

Arrivé sur la place parmi les premiers, alors que le ciel se teintait de rose et d'orangé et d'or, l'endroit était pourtant en pleine effervescence. Des écuyers paraient leurs chevaliers, des tentes se dressaient, des cuisiniers montaient des victuailles dans des plats pour les invités de marques.

L'estrade sur laquelle le Duc et les grands de la ville siègeraient était bien visible. Quelques rangées de bancs étaient pourvus pour les nobles.
Et nous, ce serait la position debout.

Allant m'accouder contre les barrières en bois encerclant l'arène, je trouvais une place qui me permettait d'avoir une vue vers l'estrade.
Puis ce fut l'attente. Longue d'autant plus par la curiosité, la hâte, et l'inconfort de ma position debout.

Là-bas des ménestrels répétaient leurs morceaux, ici des nobles s'en venaient s'installer... Ici Serena...
Ma gorge se noua. Un saut périlleux de mon cœur me fit un pincement à la poitrine.
Elle paraissait heureuse et confiante aujourd'hui, et je ne savais pas trop par quelle malice de Rikni, cela me donnait le sourire au lèvres. Naturellement.

Autour de moi, les badauds s'accumulaient. L'évènement commençais enfin ! On annonça le Roi !
J'applaudissais, me tordant le cou pour le voir. C'était lui ! Et quelle prestance !
C'était grâce à lui que Marbume tenait encore face aux fangeux! A son expertise et ses troupes vaillantes !

-"VIVE LE ROI !!"

Partout des vivats montaient des gorges du peuple. Une petite voix fluette d'un minot m'étonna. En effet, la femme à ma droite avait un lardon. Dans les neufs ans, pas plus. Et avec les barrières, l'estrade, l'arène, il perdait bonne partie du spectacle.
L'attrapant de mes grosses paluches, je le hissais sur mes épaules.Ce poids supplémentaire me ferait payer ma générosité, mais un jour comme celui-là était trop rare ! On annonça le premier combat et je pariais avec l'enfant qui allait gagner.

J'étais content de se jour ! Tout allait se passer à merveille !

Aymeric, dont la nomination comme Comte reste récente, mais moins que son installation au Labret, est présent à Marbrume pour le couronnement et le Tournoi. Comment pourrait-il en être autrement ? C'est un noble guerrier, et il a servi par choix celui qui était encore Duc alors que lui-même était encore adolescent. Alors, même s'il a encore des travaux à faire pour son installation, des réparations dans la maison que le Roi lui a confiée, la Forge qu'il a achetée, les accords commerciaux à mettre en place et toutes ces joyeusetés qui prennent du temps, en plus de ses activités professionnelles habituelles, Aymeric n'a pas hésité l'ombre d'une seconde, voulant être présent pour le couronnement et voulant marquer sa présence par la participation au tournoi.

En tant que noble guerrier, sa présence au Tournoi n'est pas foncièrement surprenante. Mais Aymeric est un archer, qui a travaillé son art de la monte, principalement. Oh, bien sûr, il s'entraîne aussi à l'épée, mais c'est loin d'être son arme de prédilection. D'ordinaire, il opte plutôt pour les dagues et fait ici exception en prenant deux épées à lame courte. Mais il fera partie de ces rares qui ne combattront pas avec leur arme de prédilection. On se serait logiquement attendu à ce qu'il défende son nom et combattre pour le Roi en tant qu'archer ou cavalier et qu'il se fasse plus discret sur d'autres armes, mais non. Bref, ce n'est clairement pas confiant qu'il combattra. Peut-être son style atypique, fait de vitesse, d'esquive et de souplesse, avec peu de protection, lui attirera l'affection du public, étant forcément un style plus spectaculaire... mais il s'exposera clairement. Et il songe à cela durant la cérémonie du couronnement.

A l'énoncé du Serment de son Altesse, Aymeric frissonne. Ses peurs s'envolent un peu. Voilà l'homme pour lequel il a voué sa vie. C'est aussi un peu pour lui qu'il a quitté le confort de l'Esplanade pour le servir là où il se sentait le plus utile. Oh, bien sûr, c'est à peine si le nouveau Roi devait connaître son nom ou celui de sa famille, mais quelque part, être un noble qui ne pose aucun problème et dont il n'est pas nécessaire de parler. N'est-ce là source d'orgueil pour notre homme qui a fait de la discrétion une valeur de combat ?

Sa fille Alix est toujours source de joie et de fierté. Elle pote un regard neuf sur la noblesse et semble apprécier sa nouvelle vie, ce qiu pousse notre Comte a mieux accepté le fait d'être à nouveau de la noblesse, lui qui était si heureux dans la Milice il y a quelques mois encore. Elle porte si fièrement son nom, les valeurs de sa famille, qui sont Foi, Force et Honneur, apprend avec joie. C'est aussi pour elle qu'il est ici et qu'il espère sortir de ce tournoi vivant, et plus grand, bref qu'il soit pour elle une source de fierté. Et l'enthousiasme avec lequel elle salue le couronnement du Roi lui indique qu'elle porte à l'égard de ce dernier les mêmes sentiments qu'Aymeric lui-même. Et il la laisse présenter le cadeau qu'elle lui a fait préparer avec un sourire empli de fierté, confirmant que l'idée venait bien de sa fille seule, et qu'ainsi les de Beauharnais, via la nouvelle génération, renouvelaient leurs voeux envers leur Majesté.

- Sire, c'est avec joie et fierté que je combattrai à nouveau pour votre Gloire. Et si les Trois en décident ainsi, c'est avec joie que je vous offrirai ma vie.

Il est temps de se retirer et de se préparer. Sa tenue d'apparat, rouge, était idéale pour le Couronnement, mais pour le Tournoi, il préfère une tenue proche des couleurs miliciennes, plus ample et souple. Il laisse Célestine et Alix s'installer puis retourne rapidement se changer et prendre ses armes à la Chope Sucrée, son lieu de vie durant ce tournoi. Pour lutter contre son stress, il profite de la zone d'entraînement pour les archers pour leur prodiguer quelques conseils. Il évite de croiser les autres combattants. Il les jaugera sur pièce, comme eux le jaugeront, lui. Chacun lutte contre la peur comme il le peut, et s'il ne l'avouera pas, Aymeric n'est pas à l'aise. C'est que, mazette, c'est son premier tournoi. Et c'est le plus important que leur monde ait connu.

— Et je veux vous voir de retour avant la tombée de la nuit, c'est compris ? Vous n'avez pas quartiers libres ce soir ! gronda Madame Vesseur avec son air sévère tandis que la joyeuse petite troupe féminine de la Balsamine gloussait en se préparant.

On mettait des rubans dans les cheveux et on se pomponnait pour cette journée de fête où toute la ville serait rassemblée au même endroit. Depuis le couronnement du roi, les filles de joie de la Balsamine attendaient avec impatience le tournoi qui avait été annoncé, suivant les préparatifs tous les jours et demandant des nouvelles aux miliciens qui venaient le soir. La ville avait été nettoyée pour l'avènement du nouveau Roi et si depuis il y avait de nouveau un peu de boue sur les façades, tout le monde se sentait pourtant le cœur plus léger. Les réjouissances du tournoi étaient le sujet de conversation numéro 1 sur toutes les bouches et tout le monde y participait à sa façon : les commerçants avaient été sollicités pour fournir de quoi boire et manger, de quoi construire les estrades ou coudre les bannières. On prenait sa journée pour aller donner un coup de main sur la place des pendus et on prévoyait ses vêtements pour fêter dignement l'occasion. Les aubergistes et taverniers faisaient leurs comptes pour essayer d'anticiper quelques stocks d'alcool afin de régaler tout le monde et engranger une belle somme. On se mettait à dépenser un peu plus qu'on ne devait mais puisque c'était en l'honneur du Roi...
Une semaine auparavant, les sept fleurs sauvages de Madame avaient dilapidé leurs économies pour s'offrir chacune une nouvelle robe. Rien qui ne rivaliserait avec même la bourgeoisie, il fallait rester réaliste, cependant elles seraient à leur avantages dans de belles robes aux couleurs vives et fraîchement cousues. Ombeline s'en choisi une d'un rouge éclatant à la coupe corsetée dont le laçage se faisait à l'avant. Elle put même acheter deux nouvelles blouse et un jupon bleu sombre qui lui tiendrait chaud en hiver. Ce fut donc ainsi parée qu'elle dévala les marches de la maison close, suivie de près par Manon et Clothilde qui l'avait aidée à se coiffer. Lorsque tout le monde fut réuni, Madame Vesseur et Dom y comprit, ils quittèrent les lieux par la porte de derrière pour se joindre aux passants qui se dirigeaient tous vers la place des Pendus.

La foule dense et le bruit eurent tôt fait de séparer la bande, chacun s'en allant de son côté en se promettant de se retrouver plus tard. Ombeline demeura accrochée au bras de Bérangère qui l'entraîna d'abord vers un petit étal de fortune où l'on vendait à la criée des fruits enrobés de sirop durcit puis elles assistèrent à un tour d'acrobates avant que l'aveugle ne demande à s'arrêter un instant pour écouter un barde raconter une histoire. C'est qu'elle appréciait plus ce genre de spectacle que celui des acrobates qu'elle ne devinait qu'à moitié.
Les deux jeunes femmes, aussi enjouées et excitées que des enfants, se trouvaient juste à côté du tir à l'arc lorsque le Roi fut annoncé. Comme tout le monde elles se turent et comme tout le monde elles acclamèrent l'ouverture des joutes. Enthousiastes à l'idée de pouvoir assister à cette démonstration de force et de dextérité, elles filèrent vers les gradins dans l'espoir de trouver une place. L'endroit grouillait de monde mais Bérangère savait jouer des coudes comme personne et sa cadette n'avait alors plus qu'à suivre. Elles parvinrent par miracle à trouver un endroit tout au bord de l'arène, près de là où se préparaient les prochains participants. Serrées l'une contre l'autre, elles étaient aux premières loges, une aubaine pour Ombeline qui pourrait au moins distinguer les couleurs des participants.

— Hé, c'est pas ton sauveur là-bas qui bénit les participants ? demanda la grande blonde en pinçant le bras d'Ombeline pour attirer son attention.

Curieuse, cette dernière leva la tête en faisant un effort de concentration pour capter une voix et finit par reconnaître celle de Cesare. Telle deux gamines, les filles firent de grands gestes envers le prêtre pour attirer son attention et le saluer, la malvoyante comptant sur sa comparse pour la prévenir lorsqu'elles auraient été repérées. Elle l'entendit cependant s'excuser auprès d'une personne dans leur dos, une jeune femme qui avait trouvé une place assise sur un tonneau.

— Oh pardon, on doit vous cacher la vue, s'excusa Ombeline en baissant la main. Est-ce qu'ils ont annoncé les participants déjà ?

Et tandis que toute la ville cheminait vers la tristement célèbre place des pendus, la tension était montée d'un cran. L'allégresse était à son comble, le quartier de la Milice résonnait du chant des ménestrels et des rires de la populace. L'on assista au cortège de la noblesse qui avait rivalisé d'imagination pour offrir à son souverain le plus Royal des présents. Tout était véritablement sublime et Sigfroi, dans toute sa Royale gravité acquiesça solennellement devant chaque trésor déposé à ses pieds.

Il avait été décidé que les deux Chevaliers qui ouvriraient les festivités combattraient à pied sous le regard du Roi. Il s’agissait d’un véritable duel entre deux guerriers rompus à l’art du combat et vêtus d’armures somptueuses et rutilantes, de quoi offrir un spectacle grandiose au peuple qui pour la plupart voyait pour la première fois un chevalier en armure d’aussi près.

Et les deux preux n’en étaient pas des moindres, véritables légendes dans le monde de la Chevalerie, ils brillaient tous deux par leur Piété et leur droiture. Deux parangons de justice dont le sens de l’étiquette n’était plus à prouver, pas plus que leur habileté au combat. La vérité est qu’ils étaient tous deux beaux, grands et forts au port altier, peut-être légèrement arrogants mais quel mal y avait-il à se targuer de figurer parmi les meilleurs quand c’était véritablement le cas?

Maric Pardieu, fils de Senoc Pardieu était le plus jeune des deux. Agé de vingt-deux Printemps il est moins expérimenté que son aîné mais n’en avait pas moins combattu la fange aux portes de Marbrume lorsque celle-ci s’était soulevée. Peu de ses hommes ont survécu ce jour mais tous ceux qui virent le jour se lever purent témoigner de la bravoure de leur commandant avec une admiration dans la voix qui ne laissait pas de place au doute. C’était un véritable héros, un valeureux comme la Chevalerie aimait à en produire. Nul doute qu’il se battrait en ce jour jusqu’au bout.

Enguerrand de Hautevoie lui était plus expérimenté, plus âgé également, peut-être un petit peu plus sage. Il compensait la fougue de son adversaire par l’expérience acquise au combat. Du haut de ses vingt-sept ans il avait combattu avec l’Ost Royal lors de campagnes lointaines et en était revenu, non pas toujours victorieux mais aguerri, moins prompt à la précipitation que les jeunes coqs qui paradaient devant ces courtisanes énamourées. C’était un brave, un hardi. Et sa sagesse lui intimait de craindre cet adversaire plus fougueux et athlétique que lui.

Un prêtre et sa retinue s'avancèrent en une Sainte procession, nul besoin de prévenir ou bien d'élever la voix, l'aura qui se dégageait de ses hommes aurait suffit à foudroyer un fangeux sur place, terrassé par la grâce des Trois. L'homme à leur tête prononça de très justes paroles qui achevèrent de galvaniser la foule, de mystifier cet événement historique, les Trois eux-mêmes assisteraient aux joutes et porteraient les combattants. Le symbole ne pouvait pas être plus fort, plus vibrant.

Tous deux à genoux et tête baissée les preux chevaliers reçurent la Sainte onction, la protection des Dieux qui réchaufferait leurs âmes et endurcirait leurs bras, raffermirait leur volonté et fermerait leurs coeurs à toute peur, chasserait tout doute pour ne laisser de place qu'à l'honneur qui leur était fait de combattre en si haut lieu. Ce fut certainement le moment le plus émouvant de la cérémonie, et l'on vit plus d'une courtisane baisser la tête avec humilité et le regard humide.

De nouveau le héraut s’avança et cria de sa voix grave et profonde, presque trop solennelle se dit Maric, mais le ton et les apparences se devaient d’être préservées.

“Chevaliers! Songez qu’autour de cette lice, un peuple entier vous contemple! Vous combattrez à pied sous le regard des Trois sans aucune autre assistance que votre épée et votre égide! Soyez braves! Pour le Roi!”

Les deux hommes saluèrent leur roi et appelèrent leurs écuyers pour qu’ils soient coiffés de leurs heaumes. Désormais c’était deux montagnes d’acier brillant poli comme le verre qui se contemplaient, lame au clair et tournaient l’un autour de l’autre dans un silence que même une mouche aurait eu du mal à briser.

Ce fut Enguerrand qui porta le premier coup. Avec une vitesse et une précision qui prit son adversaire de court, Maric eut à peine le temps de lever son bouclier et encaissa le gros de l’attaque en grognant sous son heaume. Par chance il fut le seul à l’entendre tant la foule qui était restée jusque là coite s'époumonait à présent.

Désorienté, l’attaque qu’il porta ne rencontra que de l’air et la foule siffla tandis qu’Enguerrand se préparait à frapper. Emporté par son propre fois Maric ne vit pas le coup venir. L’acier vint frapper durement son harnois juste sous l’épaule droite et bien l’armure eut encaissé la majorité de l’impact le bruit qu’elle produisit parlait de lui-même.

Profitant de son momentum Enguerrand frappa de nouveau, cette fois-ci en pleine tête, sans prendre la peine d’orienter son épée afin qu’elle frappe du plat. Sans quoi Maric eut été assommé net. Le chevalier roula sous les cris d’effroi d’une assistance qui ne souhaitait - à quelques exceptions près - ne voit triompher ni l’un ni l’autre, mais se régalait d’un spectacle rare et de toute beauté.

Magnanime, le Sieur de Hautevoie laissa le temps à son adversaire de se relever et se regagner ses appuis. Une victoire sans risques était une victoire sans honneur, lui avait-on enseigné depuis le plus jeune âge. Les deux hommes se connaissaient et se respectaient, à la manière de co-religionnaires mais cela allait plus loin. Ils étaient tous deux chevaliers oints, adoubés devant la lumière des Trois. Aucune faute et aucun déshonneur n’était acceptable, celui d’entre-eux qui remporterait ce duel ne le devrait qu’à son propre talent et pas à quelconque bassesse ou fourberie. Surtout en la présence du Roi de Sylvrur.

Sur un signe de tête les deux combattants s’élancèrent. Enguerrand frappa le premier, surpris par une esquive somptueuse qui le laissa pantois, ouvert à une contre-attaque fulgurante. L’acier de Pardieu rencontra le bras droit de Hautevoie et ce dernier recula tandis que des cris s’élevaient des tribunes.

C’était véritablement un spectacle extraordinaire, le cumul de deux vies d’efforts et de labeur à l’oeuvre sous le regard glacial du dernier Roi du monde. Nul doute que l’on parlerait de ce combat pendant des siècles. Et la cohorte de bardes qui observait la scène n’en manquait pas une miette et tissait à chaque estoc les lignes de fables et de chansons qui traverseraient les âges. Des sommes folles étaient misées au même instant, et chacun y allait de son pronostic pendant que les parieurs serraient les dents, voyant leur or grandir puis vaciller à chaque revers inattendu.

Sa Masjesté elle-même semblait apprécier le spectacle, ces deux combattants étaient véritablement hors pair, de toute beauté. Et il ne regrettait pas d’avoir fait ouvrir les joutes par ce duel si spectaculaire. Certes des combats à cheval auraient été tout aussi grandioses, mais il n’y avait rien de plus parlant que le fer frappant l’armure, le bouclier qui contrait l’attaque. Les deux Chevaliers étaient majestueux et Sigfroi se promit à lui-même d’offrir quelque récompense aux deux combattants une fois le tournoi terminé.

Maric rendu confiant par son succès frappa de nouveau, pour échouer, son adversaire était trop vif, trop preste pour se faire ainsi cueillir. Ce contrecoup offrit au premier une contre-attaque rêvée. Enguerrand frappa à gauche tandis que Maric levait son arme. Une erreur somme toute pardonnée car le second eut le temps d’ajuster sa posture et de présenter son épée à celle de son adversaire. Le choc n’en fut pas moins rude et profitant de ce temps mort Enguerrand tenta de frapper à nouveau, en vain.

Ne s’en suivit qu’une succession d’échecs et d’esquives. Au grand damn de la presse qui n’attendait que de voir le sang couler. Certes les lames n’étaient pas aussi affutées qu’elles auraient pu l’être lors d’une véritable bataille, le but était d’offrir du spectacle, pas de s’entretuer. Mais les coups sonnaient et résonnaient d’une manière sourde, et chacun pouvait s’imaginer la violence et la douleur des chocs. Pourtant aucun des deux combattants ne faisait mine de souffrir, ils étaient tous deux bien au-delà de ça.

Après quelques instants à se tourner l’un autour de l’autre, à jauger son adversaire et chercher une ouverture, Enguerrand frappa de nouveau. Plus frais et alerte que son rival malgré les coups reçus. Maric esquiva subtilement et tenta de contre-attaquer tout aussi vainement, l’acier de son épée ne mordit que le sable de l’arène. De contre-attaque en contre-attaque Enguerrand manqua lui aussi son coup et failli presque trébucher, emporté par son élan, mais se redressa de justesse. Mais ne se retourna pas assez vite pour éviter le coup qui visait sa cuisse gauche, du haut vers le bas. Les mailles de ses jambières sautèrent et pour la première fois l’un des deux grogna de douleur et ploya sous son propre poids.

Les deux hommes se retrouvaient à quasi-égalité en terme de coups reçus et commençaient à accuser le coup du combat et du poids de leurs armures. La foule n’était pas un problème, ils avaient tous deux combattu devant des spectateurs plus belligérants et plus enclins à les étriper qu’une multitude de citoyens émerveillés. À vrai dire ils se sentaient tous deux fiers. Fiers de porter les couleurs de leurs familles et d'honorer leur Roi de leurs prouesses. Et fiers de prouver à la populace que la noblesse n’était pas bonne qu’à s’engraisser dans des palais luxueux. C’était une bonne chose. Chacun se voyait déjà en nouveau seigneur d’un domaine à reconquérir et l’honneur qui allait avec le titre. Et ils se sentirent chacun revigoré avant d’entamer ce qui devrait probablement être leurs dernières passes d’armes pour la journée.

De nouveau, plus sage et plus patient, Enguerrand se déplaça d’un pas sur le côté et frappa de taille en direction de l’épaule. Son adversaire ne put parer mais leva légèrement le buste de façon à recevoir le coup dans le haut du bras, là où ses spallières le protégeait au mieux.

Puis tournant sur lui-même et profitant de la fougue de Hautevoie le Chevalier frappa non pas une mais deux fois, aussi fort qu’il le put. Le premier coup vint heurter son bouclier tandis que le deuxième le cueillit en pleine épaule gauche, dans un bruit sourd qui témoignait des ecchymoses à venir.

Sans perdre une seconde Enguerrand arma son épée et visa la cuisse, dans une frappe quasi-circulaire qui ne laissait aucune chance à son adversaire. Celui-ci s’écroula et c’est un Chevalier victorieux qui vint en signe de victoire désigner la gorge de son adversaire de la pointe de son épée.

La foule hurlait et en redemandait, mais pour les deux hommes il était temps de déposer armes et armures et de panser les plaies. De Hautevoie tendit une main secourable à son adversaire et l’aida à se relever, l’un et l’autre toujours noble et digne même dans la défaite. Et saluèrent leur souverain avant de quitter l’arène.

Le héraut s’avança devant son monarque satisfait et entonna d’une voix toujours aussi sonore.

“Gentes dames, nobles seigneurs damoiselles et damoiseaux. Saluons ces deux preux qui n'ont aucunement démérité et on fait honneur à leur Souverain! Et maintenant, place aux joutes chevaleresques!”

Citation :: Bonjour à tous!

Les combattants vous pouvez maintenant vous présenter pour être bénis et tirés au sort, ce tour-ci est encore un peu calme et les choses sérieuses commenceront au début du tour 3! Pour information les combats ont bien lieu à pied et pas à cheval!

Pas d'ordre de passage pour ce tour non plus!

Pour rappel nous vous demandons de poster avant samedi prochain à minuit, pour nous permettre de préparer le post le lendemain!

Date limite de post : le 20/04/19. Prochain tour le : 21/04/2019

Victor de Rougelac avait fait ce que tout bon noble devait faire et après offrande d'une arbalète d'exception, il avait donc suivi, la foule de moutons jusqu'à la Place du Pendu où serait donné les plus belles joutes que le Duché j'ai jamais connu depuis l'apparition de la Fange. Discret, il avait rejoint les tribunes non sans choisir une place de choix qui lui permettait d'avoir une vue imprenable à la fois sur le terrain en contre bas où les jouteurs allaient exprimer leur talents que sur les loges où son Roi allait s'installer avec sa Cours. L'espace d'un instant, le mondain regretta de ne point pouvoir participer surtout lorsqu'on connaissait la récompense qui était à la clef de cette compétition. Mais voilà, il était différent des autres hommes au sang bleu et si nombre d'entre eux ne se gênaient pas de lui "chier dessus" si l'on pouvait se permettre l'expression, il avait su toutefois trouver d'autre ressources que le fer pour se faire une place dans l'Esplanade.

Conscient donc de ne pouvoir s'offrir le luxe de parader comme certains de ses alliés tel que Terresang, Sombreval, Rivière et Sombrebois ou comme ses détracteurs ou ennemis tel que ce maudit Beauharnais qu'il respectait pourtant en un sens, Victor n'avait de choix que d'assister à l'événement et qui sait peut être, jouer ensuite de ses propres armes en intrigues pour alors poser un énième jalon dans sa quête incessante d'influence. Dans une atmosphère encore tendue, le Comte laissa Adélaïde de Rougesoleil oeuvrer à sa guise non sans surveiller chacun de ses faits et gestes jusqu'à ce qu'elle ne daigne regagner sa place à ses côtés. Provoquante comme il la connaissant, elle ne manqua pas de chercher à le tourmenter après ces quelques mots échangé avec les membres de la Maison Rivefiere. Elle faignait si bien l'innocence et pourtant loin d'être dupe, Victor la gratifia d'un léger sourire entendu.

- C'est tout à leur honneur.

Déclara-t-il sèchement et simplement avant de reporter son attention sur la Lice en contre bas tandis que le Hérault débutait sa prestation. Pourtant, la Baronne de Nerra put distinguer dans l'azur du regard du Comte une lueur de sérénité, comme si la manœuvre qu'elle avait exécuté ne l'atteignait point et pour cause, durant ses dernières semaines, certaines éléments de son échiquier avaient bougé et non des moindres, certains forcé et contraints par d'anciennes intrigues ayant eut le malheur de refaire surface ce qui le forca à observer tour à tour les Rivefiere puis Aymeric de Beauharnais, un mal pour un bien, un dénouement encore inavoué à la demoiselle de Rougesoleil.

Se faisant et comme l'ensemble de l'assemblée ici présente, il assista au combat d'ouverture du tournoi entre deux chevaliers de renom. Un duel épique qui laissait pourtant Rougelac de marbre qui préférait d'autres passe-temps et jeu bien plus lucratif, mais il se devait de s'afficher comme un honnête vassal devant ce Roi nouvellement intronisé. Le dénouement de ce duel ne le surprit guère et ce fut l'expérience qui triompha de la fougue et de la jeunesse, provoquant un sourire en coin satisfait chez l'atypique mondain qui y voyait un certain parallèle avec sa propre existence. Suite à la seconde intervention de l'Hérault, Victor imita la foule, saluant la bravour des deux chevaliers avant d'attendre les futurs réjouissances équestres, sans mot dire éternellement mystérieux et insondable, que dis-je, insaisissable par l'esprit. Il tenait sa place sans autre forme de procès ni fioriture d'aucune sorte.

* Cécilia Valclair *

- Bon... jour ? La joute ? Ah oui, le tournoi. Je crois que c'est par la-bas.. J'ai vue bien des gens allez la-bas. Moi aussi, je ne viens pas d'ici. Je ne suis pas de Marbrume.

Le baron emboîta le pas de la chasseresse. Elle portait à son dos un arc usagé. Elle n'était pas d'ici. Elle était, pour résumer, bien plus intéressante que le baron l'avait cru de prime abord.

- Sombrebois n'est pas un coin mort ? Je croyais bien avoir vue seulement qu'une terre déserte la dernière fois que j'y suis été.

Et elle connaissait Sombrebois ! Décidément, elle avait tout pour plaire, cette petite ! Hector lâcha un petit "Ha !" joyeux et intrigué. Il marchait à côté d'elle, l'aidant à se faire un chemin à travers la foule. Avec un cheval, une tenue noble et un corps large comme celui d'un ours - ou presque - c'était plus aisé.

- Vous connaissez Sombrebois ? J'en suis bien heureux ! Sachez que nous avons repris le contrôle d'une partie de cette terre. J'habite actuellement le château avec quelques hommes. Hector de Sombrebois ! enchanté, mademoiselle chasseresse ! Puis savoir - outre votre prénom - dans quel coin vous avez l'habitude de tirer vos flèches ?

Il aimait faire connaissance et cela se voyait. Il parlait avec les mains autant qu'avec la bouche, souriait, cherchait le contact des yeux de son interlocutrice et n'hésitait pas à offrir quelques anecdotes de sa vie pour se montrer comme un semblable.

- Avez-vous remarqué comme le gibier est plus nombreux... et moins méfiant depuis quelques temps ? J'arrive moi-même à tirer un faisan une fois de temps en temps, rendez-vous compte ! Moi qui n'ai pas touché un arc plus de cinq ou six fois dans ma vie !

C'était évidemment faux, il était loin d'être mauvais archer - surtout depuis qu'il était retourné au château ! - mais il espérait seulement fait rire ou sourire la jeune femme. Le chemin fut ainsi agréable et, arrivé au plus près de la place des Pendus, sous les immenses gradins installés là pour l'occasion. Le baron conclut la petite discussion par ces mots :

- Et bien je suis heureux d'avoir fait votre connaissance. J'espère que vous passerez une bonne journée... et surtout que j'aurais su faire de ma personne votre favori ! N'hésitez pas à envoyer quelques flèches sur mes adversaires ! Et si je m'en sors, sachez que les portes de Sombrebois vous seront ouvertes pour une partie de chasse ou tout autre requête !

* Alexandre de Terresang *

Les derniers mètres pour rejoindre le parc aux héros furent moins agréables, surtout lorsque Sombrebois croisa le regard du serpent Terresang. D'un coup, l'esprit du baron s'obscurcit et le sang, les larmes, les lames, tout cela lui revint en tête. Il n'était pas là que pour le plaisir des rencontres ou pour l'amour des joutes... Il avait un honneur à laver, et une disparition à venger. Son regard sombre se fixa dans celui du vicomte et, même ainsi, à trente ou quarante pas de son ennemi, ses intentions étaient mille fois plus claires que toute parole eut pu l'être.

*

- Hector !

C'était la voix de son cousin et écuyer, Florian, qui l'interpellait. Le visage d'Hector s'adoucit un peu et les deux habitants des terres forestières échangèrent quelques mots sur leurs matinées respectives et l'organisation des joutes. Si Florian avait eu quelques difficultés pour atteindre la place des Pendus, il était finalement arrivé, ainsi que tout l'équipement du baron. Hector lui tapota l'épaule, lui laissa Moto et le remercia. Ensuite il bailla et s'étira, mains en l'air, et vit passer près de lui un visage pas vraiment familier mais sympathique ; un visage qu'il reconnut instantanément ! Il l'avait vu de très près en une très différente circonstance !

* Ulysse de Sombreval *

- Ulysse de Sombreval ! Fit le baron au baron d'un air ravi.

Il se demandait, en outre, si ce dernier allait le reconnaître sans son déguisement de sorcière. Joueur, il n'ajouta pas un mot, attendant une réaction de sa part.

Spoiler:

Les présentations faites, Hector ajouta ces quelques mots :
- Comment allez-vous depuis l'autre fois ? J'espère que vous êtes en forme. La journée, je le sens, va être longue. Pour ma part, j'ai hâte d'en découdre... Mais si je pouvais éviter de vous avoir face à moi dès le départ, j'en serais satisfait ! Enfin, les Dieux ont leurs raisons que la raison ignore, n'est-ce pas ?

Il était vrai que dernièrement, les Trois avaient donné aux Hommes des raisons de douter de leur bonne volonté... Ce qui amena Hector à se souvenir de l’événement de la veille. Madelyne l'avait touché avec sa terrible requête : elle lui avait demandé - presque implorante - de retrouver la trace de son amoureux, leur connaissance commune : Bérard, le mercenaire aux cheveux blonds. Selon Madelyne, il était de Sombreval. Aussi, lorsqu'Hector lui eut dit qu'il connaissait le seigneur de ce domaine, tout avait semblé évident. En ce début d'après-midi, cela ne le semblait plus autant. Bérard était-il bien connu par Ulysse ? Ce n'était pas certain. Et puis, c'était là la requête d'une pauvre milicienne. Et puis, Ulysse n'était peut-être pas l'heureux personnage du bal hivernal. Le contexte change souvent les hommes, n'est-ce pas ? Malgré ces doutes, Hector se souvint de la douce étreinte de Madelyne et de son émotion. Il ne la laisserait pas tomber.

- Connaissez-vous un homme blond du nom de Bérard ? assez grand et costaud ; barbe blonde, aussi. Il aurait disparu. Savez-vous ce qu'il en est ? Je... si vous n'en savez rien, pourriez-vous demander à vos hommes s'ils en savent plus ? Il viendrait de Sombreval apparemment...

L'air grave d'Hector donnait du sérieux à sa demande. Il espérait bien une réponse du grand baron aux cheveux de feu, tout de suite ou après quelques investigations...
Après cette discussion il lui souhaita bonne chance et s'en retourna auprès de son cousin.

*

- Florian Baldric, qu'as-tu pensé du premier duel ? On dirait que le sieur Hautevoie sait se battre.
- C'est clair, ouais... Mais face a un adversaire aussi faible, y a pas grand enseignement à tirer...
Le baron approuva du chef. Comme un seul homme, les deux sombreboisiens allumèrent leurs pipes, allongèrent leurs jambes, et attendirent tranquillement, sous l'agréable soleil printanier, la suite des festivités.

Bérard se souciait bien peu ce jour là que l'on se soit enquis de lui non-loin. En effet, tandis qu'on prononçait son nom par delà la foule, l'homme maudissait sa faiblesse qui lui avait fait accepter de risquer une fois de plus sa vie dans cette pareille pantomime qu'était le tournoi du Roi. Du Roi, rien que ça! Levé un matin duc, son humblissime Altesse Sigfroi se coucherait ce soit bombardé Majesté, rien de moins. La belle affaire! Il aurait bien pu se donner de l'Impérialissime mugnificience qu'il n'en aurait été pas moins le même homme, pondant des étrons autant méphitiques que le dernier loqueteux du Goulot. Or si la Fange avait bien appris une leçon en zigouillant le précédent roitelet et sa puissante armée, c'est qu'elle se riait des titres.

On l'aura compris, le grand blond ne pensait guère de bien de cette singulièrement ascension décidée par le seigneur de Marbrume. En d'autre temps, il se serait certes laissé gagner par la liesse ; néanmoins, pour son grand malheur, Bérard avait cédé aux sirènes de ses compères et s'était résolu à célébrer lui aussi l'avènement du nouveau monarque. C'est à dire qu'il s’apprêtait à rejoindre la cohorte de bretteur désireux de se saigner à blanc pour le bon plaisir du roi. Ses dernières frasques, quelques jours plus tôt, n'y étaient pas pour rien, quand lui et les siens avaient été bien ébaudis par la profession de foi d'Hector, le grand gaillard défiant à lui seul quatre malandrins et annonçant son intention d'en découdre dans la lice. Ce vibrant portrait avait surtout, du reste, convaincu les compagnon de Bérard, qui eux ne se battraient pas mais jouiraient de l'éventuelle récompense.

Car celle-ci méritait que l'on s'appesantisse un peu dessus, certes oui! Au triomphateur du glorieux tournoi, son Altesse le roi duc n'avait-elle pas promis un titre de noblesse, si tant est que l'heureux élu l'arrache à la pointe du glaive ? Autant dire que tout cela n’enthousiasmait guère notre héros du jour, guère enclin à aller risquer sa peau au delà des murs de Marbrume si par quelque chance il survivait déjà ce tournoi. C'est la promesse d'un accord juteux, encore tout hypothétique, qui avait convaincu Bérard de concourir. Avec un peu de veine, il lui serrait possible de trouver, en cas de triomphe, un imbécile un peu trop enhardi pour lui racheter son droit à se suicider pronto dans les mains de la Fange.

Autant dire que ça relevait du scénario improbable ; adonc, le grand blond n'avait cessé de trainé les pieds ce jour là, se tenant d'abord au plus loin qu'il pouvait du temple lors de la grande cérémonie sacrant le nouveau monarque, puis restant également en marge du cortège qui mènerait son Altesse Sigfroi jusqu'au lieu de l'algarade à venir. Enfin, après un combat d'introduction que Bérard ne put hélas bien voir, le bâtard d'Ergueil s'était avancé, armé de pied en cap, au centre des lieux. Quoiqu'il eût relevé sa visière, le chevalier n'avait pu déceler dans la foule aucune tête connue, sinon celle de son compère Aymon qui lui faisait pour l'occasion office d'écuyer. C'était du reste un travail modeste qui attendait l'archer, à qui Bérard avait scrupuleusement stipulé de brandir ses armoiries au seul cas d'un succès. Après tout, le grand blond faisait son métier en louant sa lame ; autant dire que se prendre une fessée d'entrée de jeu amenuiserait sa clientèle.

C'est donc au sein d'une populeuse cohorte anarmurée que le bâtard d'Ergueil se portant au devant d'un des prêtres chargés de bénir les malheureux désireux de se mettre sur la tronche - comme si ça les aiderait!

Les Joutes Royales - Introduction

EVENT

« Mes parents sont bruns et ma maman elle a une robe claire », décrit le gosse, les yeux toujours mouillés.

Avec une description aussi précise, c’est sûr, je vais vite les retrouver… Je soupire en rassurant de mon mieux ce pauvre mouflard.
Quelle idée aussi de venir avec son enfant à un endroit pareil ! C’est inconscient.
Le Roi arrive, s’installe et encore des acclamations festives qui résonnent, amplifiant ce mal de crâne lancinant qui me tracasse depuis si longtemps. C’est insupportable. Un homme s’écrit à côté :

« Vive le Roi ! »

Au centre de la place, deux chevaliers ne tardent pas à démarrer les joutes. Les gens s’agitent, s’esclaffent, ne savent plus où ils sont. S’ils veulent du sang, ils ont qu’à quitter Marbrume en procession, un soir de pluie, et ils auront tout le loisir de voir leur sang couler à flots ! Ah, je ne comprendrai jamais ce qui plaît tant dans la violence et les combats, quel monde débectant. Un monde définitivement pas fait pour moi. Un monde écœurant qui ne voit que par le sang. Donnez-lui du sang !

Je regarde un instant la joute d’un œil réprobateur. Cette violence que je ne supporte pas. L’enfant semble vouloir regarder, se hisser, trépigner. Regardez le résultat ! Même les enfants innocents veulent voir le sang couler. Quelle horreur. Il ne faut pas s’étonner après, si on laisse un tel spectacle à la vue des marmots, qu’une fois adultes ils en redemandent. Après tout, ce n’est que le berceau de leur enfance. Un berceau de violence banalisée.

« Sois sage, je lui dis gentiment. C’est pas un spectacle pour un enfant. »

Il ne comprend pas, proteste en disant que ses parents l’ont emmené regarder les joutes.
Je soupire de lassitude, la journée va être longue. A ma senestre, un homme se penche alors pour attraper l’enfant qui cherchait encore à voir quelque chose et le juche sur ses épaules. Je crois que c’est l’homme qui a acclamé le couronné. Il porte une écharpe sur le visage et je trouve cela surprenant étant donné la saison.

Bon… eh ben très bien, ce n’est pas mon gamin après tout. Moi, de toute façon, je n’en veux pas. Pensée qui claque dans mon crâne et qui descend le long de mon ventre. Pensée cuisante, pensée hurlante que j’aurais aimé ne pas avoir. Je sens ma tripaille se tordre violemment dans mes entrailles. Non, je veux pas d’enfants dans un monde aussi pourri où la survie a remplacé la vie et où la mort vous attend à tout endroit pour vous tomber bien gentiment sur le coin de la gueule. Et encore moins maintenant que je sais que bientôt, je n’aurais pas le choix que de porter l’enfant de l’enflure que je vais devoir épouser.

Un peu d'errance sanglante:

Oui, je veux voir le sang couler. Beaucoup de sang. SON sang ! Mais n’ai-je donc point de bonnes raisons ?

« Cet enfant ne retrouve plus ses parents », j’explique à l’homme qui l’a récupéré et qui semble fasciné par le combat.

A peine plus petit que moi, il n’a pas l’air bien solide sur ses assises. Peut-être devrait-il reposer l’enfant au sol.

« Je vous le confie un moment. »

Je vais faire un tour puisque après tout, je suis en faction et point là pour regarder ces combats ridicules. Finalement, je n’ai pas fait trois pas que j’entends une femme crier :

« Guillaume ! »

Et l’enfant s’agite sur les épaules qui le portent.

« Mère, père ! »

Je m’approche du couple qui se saisit de l’enfant – qui est conforme à la brève description ceci dit en passant - et histoire d’éviter de paraître trop effrontée, je m’adresse à la mère en particulier :

« Faites plus attention à votre enfant la prochaine fois. Il se pourrait que vous n’arriviez plus à le retrouver dans la foule ou qu’il se fasse piétiner. »

Et je repars faire un tour, ayant la désagréable impression d’être observée. Le combat prend fin et on annonce le début des joutes chevaleresques. Je soupire en continuant de patrouiller dans les tribunes pour vérifier que tout aille bien.

Haussant vaguement un sourcil alors que je marchais lentement pour me frayer tranquillement un chemin au travers des badauds, je fixai l'homme avers une attention toute particulière alors qu'il avouait être le seigneur de Sombrebois. Un seigneur nobliaux a Sombrebois ? Vraiment ? Je me rappelais avoir vue un désert fantomatique a Sombrebois la dernière fois que j'y étais passée. Alors, j'étais vaguement dubitativement sur le coup. Levant vaguement une de mes mains pour replacer une mêche dorée, ma tête s'inclina légèrement sur le coup tandis que je ne pouvais que sourire légèrement au répondant du sieur de Sombrebois. Il avait bien raison sur bien des points. L'endroit était un terrain de chasse palpitant et génial, mais bien dangereux pour un novice qui ne s'y connaissait pas assez. Mais voila, même si ce dernier vantait ses maigres réussites a la chasse, je sentais que ce n'était qu'une demi-vérité, ou un demi-mensonge... Qui sait..

'' J'ai visité Sombrebois. Oui, il y a plusieurs années de cela. Un coin... fort intéressant. Enchanté Hector, c'es un plaisir. Et je vous souhaite bien du courage pour tenir cet endroit. Je suis Cécilia... Cécilia Valclair, pisteuse et guide... Itinérante en quelques sortes... Je n'ai pas vraiment d'endroit ou vivre sur une base régulièrement. Je me promène dans la nature, changeant toujours d'endroit et de lieux en me fiant aux animaux, au temps qu'il fait et ce genre de choses.''

Je lui offre un petit sourire en coin alors que je fais mine de m'incliner vaguement pour esquiver le bras d'un homme qui ne regardait pas. Je le suis encore un peu du regard avec attention.

'' Cela sera un plaisir de voyager éventuellement jusqu'a Sombrebois. Cela pourrait etre fort agréable. Quand j'aurai le loisir de faire cela j'y ferai une escale, promis. Je ne manquerai pas de tenter une petite partie de chasse avec un novice tremblotant comme toi, Hector ! Surtout si le gibier est aussi foisonnant qu'il n'y parait.'' Suis-je un peu trop familière ? Peut-être ! Mais j'y peux rien si je parle ainsi. Je ne suis pas une habituée du vouvoiement et je ne parle pas beaucoup. En vrai, c'est peut-être la conversation la plus longue que j'ai depuis quelques semaines. Au pire, il s'emportera et m’engueulera... Sinon, tant pis !

'' Bonne chance pour ce tournoi ! Et une agréable journée ! '' Disparaissant a mon tour au travers de la foule, je fouillai pour pouvoir me trouver un petit trou sur les estrades pour pouvoir bien voir la scène qui allait se dérouler.

Un duel de combattants en arme et armures... Plissant vaguement mon front, j'observai avec attention le spectacle qui se déroulait. C'était effrayant comme moment. Deux combattants bien entrainés, ça faisaient affreusement peur... Alors que moi, je n'étais qu'une vulgaire pisteuse sachant vaguement se battra. Soupirant un peu, je suivis le combat de mon regard tandis que j'étais tout de même aux aquets. Il y avait tant de monde que je ne pouvais pas me permettre de ne pas être sur mes gardes. Ça me faisait quand même un peu peur qu'il y ai tant de gens autour de moi...

Marbrume recelait encore quelques sangs de guerriers au sein de ses murs. En témoignait ce combat épique que le suspens ne semblait pas vouloir quitter. Enguerrand s’était pris au jeu, et remarqua qu’à chacune des esquives ou attaques de son homonyme, il ne pouvait s’empêcher de mimer le geste discrètement. Alors il se força à rester immobile jusqu’à la fin du combat.

Ces combats avaient-ils un but purement spectaculaire pour rassembler la foule et lui faire changer d’état d’esprit vis-à-vis de ce qui se déroulait à l’extérieur ? Possible, et cela fonctionnait. Que diraient les bannis s’ils savaient la liesse déversée dans les rues et l’oubli total de leur existence le temps d’un événement purement divertissant ?
Ou bien le nouveau Roi – le simple fait de le penser lui fit serrer les dents – avait dans l’idée de filtrer les bons des mauvais combattants ? Auquel cas, qu’adviendrait-il des perdants ? Ou au contraire… Qu’adviendrait-il des gagnants. Non pas l’unique vainqueur, mais les autres ?
Le duel prenait fin sous des airs de franc-jeu et le prêtre applaudit également, favorisé davantage par leur esprit que leur technique.

Il ne jugea pas utile de procéder plus encore à quelconques bénédictions, son Frère s’en étant chargé parfaitement. Il contourna donc l’arène pour se diriger vers l’endroit où se préparaient les nobles, curieux de connaitre leur état d’esprit en l’instant.
De près comme de loin, il les reconnut pour la plupart. Certains le surprirent même par leur présence. Mais qu’à cela ne tienne quand il s’agissait de se pavaner devant leur Roi. Verrait-il s’accomplir l’un d’eux avant que les blessures n’aient raison de leur témérité ?

Enguerrand ne pouvait réellement détacher son regard de la tribune royale. Si près, et si loin à la fois… Comment l’approcher ? Comment entrer dans son cercle ? Son esprit voguant comme le faisaient ses pas, il salua de la tête quelques combattants, quand il ne prêchait pas la bonne parole pour en rassurer d’autres. Son avis sur cet événement au regard des Dieux ? De la pure manipulation, bien sûr. Mais cela, il le conserverait pour lui derrière son sourire immuable.

Scarocci s’immobilisa et regarda Alexandre, plissant les yeux derrière son masque. Qui était cet homme ? La mémoire de Scarocci n’était pas particulièrement performante, et les souvenirs passaient dedant ses yeux. Mais oui ! Il aurait reconnu ce crâne chauve entre mille ! Alexandre de Terresang ! Les deux s’étaient affrontés en demi-finale du tournoi des Preux, un combat qui avait marqué les annales ! L’estime qu’il avait pour le noble s’était désagrégée après son comportement lors de l’assaut du Fort de la Tourbière, alors capturé par les bannis.

Mais qui était-il pour juger les gens sur le bien-fondé de leurs comportements ?

- ALEXANDRE DE TERRESANG ! CA FAISAIT LONGTEMPS ! s’exclama t-il avec force, faisant sursauter une demi-douzaine de personnes autour d’eux. Il se leva, posant une lourde main sur Merrick, avant de se saisir de ses deux longues épées.

- Au revoir mon brave !

Il rejoignit donc Alexandre, les deux hommes se saluant d’une poignée de main virile. Ils regardèrent ensuite l’affrontement, commentant les faits et gestes des deux chevaliers, avant d’applaudir à tout rompre. Puis, lorsque le combat pris fin, vint le moment pour les combattants de descendre dans l’arène afin de se faire bénir.

- Allons y ! Une petite bénédiction divine ne fera de mal à personne ! s’exclama Scarocci. Même si c’est un peu de la triche ! Enfin…

Ils durent passer devant beaucoup de personnes afin de rejoindre les escaliers descendant dans l’arène.
Vraiment beaucoup de personnes.

- Pardon, pardon, excusez moi, merci, pardon, merci madame, attention, pardon, pardon, merci, chaud devant ! désolé pour votre pied monsieur, pardon, pardon, non, pas touche à mon épée, pardon, merci !

Dernier obstacle, une jeune femme blonde, debout sur l’estrade, semblait se remettre de ses émotions après avoir assisté au combat. Scarocci attira l’attention de Cécilia Valclair.

- Mademoiselle ! J’aimerais passer !

Elle le regarda, lui et tous les autres soldats derrière, et s’écarta.

- Merci ma brave !

Il continua son chemin en boitant, sa grande cape blanche derrière lui. Scarocci Corbera attacha ses deux épées à sa ceinture, une de chaque côté, avant de se présenter en face d’un prêtre et de s’agenouiller.

- Oh pardon, on doit vous cacher la vue! Est-ce qu'ils ont annoncé les participants déjà ?

Les jeunes femmes qui s'était agitées devant elle semblaient aussi excitées que la plupart des spectateurs installés dans les gradins. A la différence de la fermière, elles portaient des robes neuves, aux couleurs vives. Le tissu était de qualité, et la coupe soulignait joliment leur silhouette. Du beau travail, comme Mathilde n'en avait jamais vu de près. Sa mère lui avait appris à coudre ses propres vêtements, et à récupérer les tissus pour les exploiter au maximum. Toutes les pièces de linge qui se trouvaient chez elle avaient été créées par sa mère ou par ses propres mains. Jamais elle n'avait eu les moyens de s'offrir les services d'une couturière... mais dans les faits, Mathilde savait qu'elle n'aurait jamais l'utilité d'une robe telle que celle que portait la jolie dame aux cheveux noirs. Elle, elle ne portait que la robe de lin qu'elle gardait toujours pour les grandes occasions. Une robe d'un gris perle parfaitement propre, visiblement un peu vieillotte mais tout à fait présentable.

Mathilde sourit aux deux jeunes femmes. Avaient-elles cherché à attirer le prêtre, occupé à bénir les combattants? Que c'était curieux!

- Y a pas de mal! Ils n'ont pas été annoncés mais j'ai entendu en arrière quelqu'un dire que c'était Messire de Hautevoie. Je ne suis pas d'ici, je ne connais pas vraiment les blasons de la noblesse, désolée! Oh mais...

Même de dos, Mathilde avait le don de reconnaître ceux qu'elle avait rencontrés par le passé. Elle avait l'habitude d'observer les gens plus que de leur parler, aussi leurs gestes, leur démarche, leurs mimiques lui étaient-ils plus familier que leur voix. Elle avait reconnu Aymeric de Beauharnais, et ne manquerait pas d'essayer de se faufiler jusqu'à lui pour... pour quoi, en fait? Lui donner une grande claque dans le dos et lui souhaiter bonne chance? Il n'en avait peut-être pas besoin. Elle le fixa un instant, persuadée qu'il se retournerait vers elle en sentant un regard peser sur lui. Puis elle se concentra sur l'arène où deux chevaliers avaient fait leur entrée. La fermière ne put masquer une petite moue déçue.

- Je m'attendais à des combats avec des lances et des chevaux, pas à un duel à l'épée. Avez-vous déjà assisté à des joutes? demanda-t-elle aux jeunes femmes en se penchant vers elles.

Les combattants furent coiffés de leur heaume. Mathilde décréta que l'aîné des deux devait l'emporter. D'abord parce qu'il était le plus beau des deux, mais aussi parce qu'il était sans doute le plus expérimenté. Le combat commença, et très vite, Mathilde réalisa que le spectacle serait de qualité, avec ou sans chevaux. A plusieurs reprises, elle enfouit son visage dans ses mains pour ne pas voir les coups. Captivée par le combat, elle laissa échapper un cri de joie lorsque "son" chevalier porta le coup final, remportant une victoire durement, mais honnêtement, gagnée. Elle se leva pour l'applaudir avec un enthousiasme non feint, et entendit dans la foule le nom de Hautevoie crié ça et là.

Roland sourit à la réplique de sa sœur, ils seraient deux à lutter pour les couleurs de la famille Rivefière.

- « Rien ne me ferait plus plaisir ! »

Il était de bonne humeur, comme presque toute la cité en ce jour, qui était un jour d’espoir, un renouveau. Le couronnement, la beauté retrouvée de Marbrume et un peu de joie dans le cœur de ses habitants, avec l’ouverture des réjouissances.

Il vit alors s’avancer la dame de Rougesoleil, qui s’appelait d’ailleurs à présent changer de nom, suite à son union avec le comte Victor de Rougelac. Roland n’avait pas participé à leur mariage, qui s’était déroulé apparemment à huis clos, et non sans quelques rebondissements. Mais cela n’était guère ses affaires, il s’inclina simplement devant elle.

- « Il est regrettable que votre époux ne participe pas au tournoi. Néanmoins, merci pour ces mots d’encouragement. Et nous espérons bien évidemment vous voir bientôt, nous vous recevrons avec plaisir prochainement. » Dit Roland. Bien entendu, il savait pertinemment que le chevaleresque était mis de côté par Victor, il aurait néanmoins apprécié le voir essayer.

« Nous restons évidemment à votre disposition, si un jour vous ressentez le besoin d'avoir une quelconque compagnie, êtes-vous la bienvenue chez nous. » Ajouta Sydonnie.

Le héraut coupa ensuite la dame, qui s’en retourna certainement vers son époux dans les tribunes des spectateurs.
L’héritier avait ensuite salué les personnes qu’il rencontrait avec politesse et même avec entrain pour certains, tel qu'Ulysse de Sombreval. Puis il s’éloigna un peu, afin d’observer le premier combat, qui s’apprêtait à avoir lieu devant les yeux ébahis de toute la foule.
Le combat fut passionnant, chacun des guerriers ne semblait pas en démordre, pourtant l’un deux réussit à prendre l’ascendant sur l’autre. Il le marqua à la cuisse et le vaincu s’écroula. Roland applaudit le combat, se soldant sur la victoire du dénommé De Hautevoie.

Le héraut marqua la fin de cette première lutte, puis annonça le début des joutes chevaleresques, un magnifique spectacle à suivre également.
Puis, il s’avança alors vers le prêtre Cesare, qu’il connaissait mieux maintenant, ayant célébré leur mariage, afin d’obtenir la grâce des Dieux.

- « Merci mon Père. »

Dit-il après avoir reçu la bénédiction. Puis, il s’éloigna après un dernier regard empli d’humilité.
Il attendait patiemment alors le verdict du tirage au sort, restant peut être proche de Serena. Ils sauraient tous deux bientôt dans quel groupe ils seraient placés, qui devaient-ils affrontés, en espérant évidemment ne pas se retrouver face à face. Ce serait fort dommage. Même s’il se doutait que sa cadette ne le ménagerait pas, lui aurait sans doute énormément de mal à faire abstraction de son statut.
Les combattants se rassemblaient peu à peu, attendant eux aussi le tirage. Les spectateurs restaient concentrés sur les festivités. Le blond n’était pas inquiet, simplement l’excitation le gagnait. Il n’avait pas participé à des joutes en tant que lutteur depuis bien longtemps. Il se confrontait davantage aux créatures du dehors qu’à des hommes, hormis pour les entraînements. Cette journée allait être intéressante, à plusieurs point de vue. Et sans doute riche en surprises.