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 La croisière s'amuse [Darius]

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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyLun 30 Déc 2019 - 4:40
Darius regarde Mathilde un instant. Elle n'a rien. Enfin, façon de parler. Il peut voir qu'elle a peur même si elle ne crie pas ou ne pleure pas. Il peut aussi voir qu'elle se maîtrise et que ça ne tient probablement pas à grand-chose. Ainsi, quand elle propose d'aider Isak à finaliser une manœuvre, il se contente d'acquiescer. Il lui donne de l'espace et la laisse aider comme elle veut – il est plus ou moins étonné qu'elle le fasse, c'est une femme du peuple qui a l'habitude de trimer dur et qui ne regarde pas les autres bosser en gardant les bras croisés. Tandis qu'il tire lui-même des cordes avec d'autres matelots, il l'observe un peu. Il regrette étrangement que les choses se soient compliquées ainsi et qu'elle ait vu ce qu'elle a vu. Lui-même reconnaît que c'est probablement beaucoup pour une fermière qui fait pousser des légumes au Labret. Mais bon. Ainsi va la vie. Ça aurait pu être mieux, mais ça aurait aussi pu être bien pire.

Darius est en train de terminer un nœud lorsque Mathilde le rejoint. Il relève le regard vers elle, puis se redresse pour lui faire face. Elle le remercie et s'excuse avec une tête d'enterrement. Il secoue la tête.

« Pas la peine de t'excuser, c'est pas ta faute », répond-il simplement.

Il semble sincère aussi. Et il l'est. De ce qu'il a cru comprendre, Mathilde a fait pratiquement tout ce qu'il a demandé. C'est Ronald qui a désobéi aux ordres. Mais Ronald est un pauvre connard d'ivrogne qui le fait chier depuis des semaines et qui semble penser qu'il va devenir le capitaine du navire en faisant à sa tête et en montrant à tous les autres qu'il n'est rien d'autre qu'un pauvre connard d'ivrogne. Il a eu toutes les chances du monde de prouver qu'il peut être utile. Et au lieu d'aider tout le monde à foutre le camp comme exigé, il a préféré essayer de tripoter la fermière. Encore. Et il a atteint la limite de patience de Darius, qui n'est, disons-le, déjà pas très haute dans de tels cas...

Quand Mathilde lui fait remarquer qu'ils sont lourds, Darius se contente de hocher la tête. Il ne compte pas se débarrasser de leurs cargaisons, il est prêt à se battre pour les garder à bord. Des yeux, il suit la voile à l'horizon.

« Avec un peu de chance, oui... Sinon, Isak devrait trouver un moyen de nous sortir de là. Il a l'habitude. Et en dernier recours, on négocie ou on se bat. »

Darius hausse les épaules. Pour la fermière, tout ça est exceptionnel. Pour lui, c'est un jour comme les autres. Pas le plus tranquille, mais pas le plus catastrophique qui soit non plus. Jusqu'à présent, malgré les emmerdes, ils s'en sortent bien. Ils ont leur marchandise, ils sont en route vers Marbrume et le temps est clément. La seule ombre au tableau est ce bateau qui les suit. Ah, et la putain de dette qu'il a envers Adrian.

Le pirate reste silencieux un moment, occupé à suivre les mouvements du bateau au loin. Il lâche un vague « mh » satisfait quand il constate que ce dernier s'arrête auprès du navire qu'ils viennent de piller. Tant mieux. Quand ces pirates auront réalisé qu'il n'y a rien à voler à bord, eux seront déjà bien loin.
Du coin de l'œil, Darius voit Mathilde s'éloigner de quelques pas et retirer une flèche d'un tonneau. Il arque très légèrement un sourcil, l'air interrogateur. C'est à moi. Les paroles lui tirent un sourire en coin. Mathilde Dumas, fermière émérite, archère à temps perdu.

« On dirait bien que t'as raté ta cible, faudra faire mieux la prochaine fois », dit-elle moqueusement en se désignant.

Un homme s'approche alors et murmure à l'oreille de Darius que Ronald a succombé à ses blessures et qu'il a été jeté à la mer. Le pirate acquiesce un peu. La nouvelle ne lui fait ni chaud ni froid.

« Pas de femme, pas d'enfants, c'est ça? », se contente-t-il de demander.

L'autre confirme en secouant la tête. Darius opine de nouveau. Il n'y a rien de plus à dire, et l'homme s'éloigne comme il est venu. Darius fait quelques pas, s'approche d'Isak et échange deux ou trois phrases à voix basse avec lui. Il tapote amicalement l'épaule de son cousin, puis se retourne vers Mathilde. Il lui fait signe de le suivre et passe par le grand mât, où il voit par terre un arc. Il se penche pour le ramasser et le tend à Mathilde.

« Ça aussi, je pense que c'est à toi. »

Il la regarde dans les yeux, lui sourit en coin, et va ouvrir une caisse non loin. S'assoyant sur l'autre à côté, il fouille dedans et en sort une gourde en cuir qu'il donne à Mathilde, tout comme quelques morceaux de viande séchée. Il lui désigne une autre caisse pour qu'elle prenne place si elle a envie de s'asseoir aussi.

« Eau ou eau-de-vie, tu le sauras pas avant de boire, probablement. »

Il mord dans un morceau de viande séchée, puis désigne l'arc d'un coup sec de la tête.

« Je savais pas que les fermières apprenaient à tirer à l'arc, même au Labret. Qui t'a appris ça? »
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyLun 30 Déc 2019 - 17:32
En dernier recours on négocie ou on se bat. Mathilde ne peut s'empêcher d'afficher un sourire nerveux. Se battre. Mais bien sûr. Si elle avait des flèches, elle aurait pu envisager de s'installer en hauteur pour tirer quelques traits bien placés... qui auraient manqué leur cible, à cause de la houle. Comment peut-on vivre sur un truc qui tangue tout le temps? Comment peut-on y dormir sans rouler par terre? Manger sans que l'estomac ne se vide lamentablement sur le pont?

- ... Faudra faire mieux la prochaine fois. Mathilde hausse un sourcil. Il se moque? Elle fait mine d'encocher la flèche dans un arc invisible et le vise. Je tire mieux quand j'ai les deux pieds sur la terre ferme. Mais si vous vous proposez de me servir de cible pour me pratiquer sur la mer... Elle n'achève pas sa phrase. Démontrer une complicité, qui lui paraît pourtant naturelle, avec Darius n'est peut-être pas une bonne idée. Quoique... vu la démonstration de force qu'il a faite, les autres devraient se tenir loin d'elle un bon moment. Elle range la flèche, un sourire au coin des lèvres, sourire qui s'efface lorsque le pas de femme, pas d'enfants franchit les lèvres du grand brun. Bon.

Darius s'éloigne un instant, de quelques pas seulement, pour parler à son cousin, avant de faire signe à la fermière de le suivre, ce à quoi elle obéit docilement. C'est un peu étrange pour elle de ne pas faire valoir l'indépendance que la Fange lui a apportée. Elle n'a plus à obéir à qui que ce soit, personne ne décide de son sort, personne ne l'oblige à se marier, ou à porter un deuil, ou à enfanter. Personne ne lui dit à qui ne pas parler, pas un homme pour surveiller ses fréquentations ou pour la tenir prisonnière d'une chaumière qu'elle entretiendrait trop bien, par ennui. En emportant les hommes qui la couvaient, la Fange lui a offert sa liberté, liberté aujourd'hui mise de côté, à bord d'un bateau où presque tout lui est hostile.

Mathilde saisit son arc. Bingo. Près du mât. Elle se demande si l'un des hommes de ce bateau a ne serait-ce qu'été blessé par un de ses traits. Ça serait embêtant. C'est peut-être pour ça que le gros porc en avait après elle. De la vengeance plutôt qu'un véritable désir pour une fermière dont les mains sont bien loin d'être aussi douces que celles des catins bien installées. Faut vraiment être solide pour supporter l'idée permanente que n'importe quel client qui entre dans la couche peut se révéler être une grosse brute que ne veut que vous tabasser. Faut aussi être solide pour vivre avec le spectre d'une bataille à mort entre deux équipages. Verts. Ses yeux sont verts, elle les voit bien, maintenant, à la lumière du jour. Des yeux qui font tourner des têtes et qui brisent des coeurs. Mais pas le sien. Son coeur à elle est froid comme la mort. Il ne battra plus pour qui que ce soit, parce qu'à chaque fois qu'elle l'ouvre à quelqu'un, le quelqu'un disparaît sans crier gare et la laisse seule avec ses questions. Parfois elle se dit que c'est un coup de la Fange, et l'idée la réconforte plus que lorsqu'elle pense que c'est un pur et simple abandon.

- Eau-de-vie. Ça serait bien que ça en soit. Elle prend la gourde, la porte à ses lèvres en s'installant sur la caisse et grimace. PUTAIN C'EST FORT! Mathilde tend la gourde à Darius en toussant. Le feu descend, de sa langue à sa gorge, à son ventre, remonte dans ses narines. Elle souffle plusieurs fois, pour le chasser de son corps, alors que des larmes pointent aux coins de ses yeux. Eau-de-vie-de-pirates. lâche-t-elle en essuyant ses prunelles noisettes, maintenant pleines d'eau. Merde! C'est plus efficace que mon petit alcool de prunes. Vous buvez quand même pas ça à longueur de journée, si?! Elle part à rire. Vilain pirate. Mais ça a le mérite de lui remettre les idées en place.

- Surpris? Quelqu'un m'a récemment dit que certaines fermières étaient comme la mer. glisse-t-elle avec un sourire malicieux. C'est mon père qui m'a appris. On chassait ensemble. Petit ou gros gibier, elle se gardera bien de le dire. Certaines bêtes étant, autrefois, réservée à la noblesse dont elle n'a jamais fait partie, les chasser revenait à défier l'autorité et à s'attirer de gros ennuis. Il est mort, et avec la Fange je ne chasse plus les bêtes. Seulement les voleurs. Vous frapperez à la porte de la maison, quand vous viendrez. Si vous commencez par visiter la grange, y a des chances que vous constatiez à quel point je peux être précise quand je suis sur un sol stable. Et croyez-moi, ça sera la dernière chose qui vous traversera l'esprit. Autrefois elle ne faisait que les blesser, mais depuis le printemps, elle ne s'encombre plus de scrupules, elle n'est plus clémente, ne serait-ce que parce qu'un homme blessé est un homme qui revient se venger. Leçon apprise avec un de Terresang qui ne fait pas dans la dentelle.

- J'ai partiellement menti. confesse-t-elle. Je pose des questions, souvent. Mais j'oblige pas les réponses à sortir. Et comme j'ai deux questions très importantes à vous poser, je préfère vous prévenir. Elle refuse la viande d'un geste de la main. Si elle mange, elle vomit, elle en est certaine. Première question, qui va demander une réponse parce que vraiment, j'apprécierai de ne pas être tourmentée à ce sujet dans les prochaines semaines : l'homme sur l'autre bateau, il voulait une part de mes caisses, non? Ça veut dire que ma dette envers vous augmente. Vous lui avez promis quoi? Une caisse et la moitié des revenus que je pourrais avoir en tant que catin, parce qu'il est persuadé que c'est ce que vous allez faire de moi?

Elle tend la main pour reprendre la gourde, et un lampée plutôt sage cette fois. L'eau-de-vie lui arrache malgré tout la gorge, mais ça semble un peu plus supportable maintenant qu'elle sait à quoi s'attendre. Deuxième question, simplement pour alimenter la curiosité maladive d'une fermière qui sort rarement de sa routine et de son petit monde agricole : qu'est-ce qui vous a poussé à devenir Darius-le-vilain-pirate? Son sourire s'étire, il n'a rien de vilain, hormis la brutalité dont il a fait preuve et la balafre qui décore son front, ce qui, en soit, est déjà pas mal.
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyLun 30 Déc 2019 - 19:39
Mathilde fait mine d’encocher sa flèche dans un arc invisible et vise Darius, qui se contente de lâcher un « mh » amusé en souriant. Les autres marins les suivent des yeux sans intervenir. Personne ne pleure réellement Ronald, qui était une raclure de la pire espèce et une nuisance de première classe, mais personne n’a envie de finir comme lui non plus. Les hommes préfèrent donc vivre leur curiosité à distance, observer de loin — sans toucher, évidemment. Comme quoi certains pirates sont plus intelligents que d’autres.

Après lui avoir rendu son arc, Darius entraîne Mathilde près des caisses de provisions – enfin, leurs provisions, pas celles qu’ils viennent de piquer. Il lui tend une gourde de cuir, elle espère que c’est de l’eau-de-vie. Ses souhaits sont visiblement exaucés, puisqu’elle fait une grimace bien disgracieuse et se met à tousser. Darius ricane en reprenant la gourde. À son tour, il prend une gorgée. Il boit le liquide presque comme si c’était de l’eau. L’alcool est fort et pas très bon, mais il a l’habitude.

« Pas à longueur de journée, non, répond-il à la question de Mathilde. Enfin, ça dépend qui. Certains picolent du matin au soir et sont étrangement plus fonctionnels que quand ils sont sobres. »

Il désigne d’un vague coup de tête un pirate plus loin, qui est justement en train de vider sa gourde d’un seul trait. Le type semble parler de façon cohérente et marche sans tanguer alors qu’il n’en est clairement pas à sa première rasade de la journée. Son foi ne le remercie pas, mais il a visiblement développé une grande tolérance à cette eau-de-vie que l’on tâche normalement de prendre à petites doses.
Darius repose son attention sur Mathilde, qui lui explique comment elle a appris à tirer à l’arc. Il sourit à sa remarque et à son sourire malicieux. Elle n’en laisse passer aucune, prouvant une fois de plus qu’elle a l’esprit aiguisé. Il apprend alors qu’elle a appris à chasser avec son père et que, ces jours-ci, son arc lui sert plutôt à faire fuir les voleurs qu’à abattre des bêtes. Logique. Partir en forêt pour chasser est loin d’être sécuritaire avec la Fange qui rôde et, comme les désespérés sont de plus en plus nombreux, les voleurs doivent l’être aussi. Darius ne serait même pas surpris d’apprendre que des bannis font le voyage jusqu’à Usson pour tenter de dérober des provisions. Dans tous les cas, Mathilde l’avertit tout de même de venir frapper à la porte s’il se rend à la ferme. Autrement, il pourrait finir une flèche entre les deux yeux, selon elle.

« T’inquiète, si j’entre par moi-même parce que t’es pas là, tu sauras avant de passer la porte que je suis là, prévient-il à son tour. Et quand tu vas passer la porte, qui sait, peut-être que j’aurai laissé quelques panais sur la table en guise de message subtil au cas où tu aurais manqué mon premier message subtil. »

Darius lui offre un sourire railleur et étend tranquillement ses jambes en mordant dans un nouveau morceau de viande. Elle refuse la nourriture qu’il lui tend, soit parce qu’elle n’a pas faim, soit parce qu’elle a le mal de mer ou soit parce que voir un mec se faire tabasser à mort sous ses yeux ne lui creuse pas particulièrement l’appétit. Toutes des raisons légitimes. Il lui tend malgré tout la gourde quand elle la réclame, tout en écoutant ses questions. La dernière le fait sourire. Darius-le-vilain-pirate. On dirait presque le nom que l’on donnerait à un méchant dans un conte pour enfants. C’est là qu’apparut Darius-le-vilain-pirate, et les hommes s’empressèrent de cacher leur femme et leurs enfants à défaut de pouvoir sauver leurs richesses... Pas mal. Il prend.

« Puisque, apparemment, une fermière tourmentée, c’est pas bon pour les récoltes, première réponse, même si t’as assez bien répondu toi-même : oui, ta dette augmente parce que j’ai une dette envers ce con maintenant. C’est à peu près ce qu’il voulait : une de tes caisses, ou une caisse de façon générale, et un passage entre tes cuisses, probablement, puisqu’il semblait croire que je te gardais pour moi. On n’a pas tellement eu le temps de discuter de ce dernier point, mais je lui ai promis une caisse et quelques parties de jambes en l’air dans un bordel où j’ai des contacts. Ça devrait le faire. Il va falloir que je règle ça une fois à Marbrume. Ça me fait chier, mais je suis pas tellement étonné. C’est pas la première fois qu’on a une altercation de ce genre. »

Darius balaye le navire du regard. Le vent les pousse et les hommes profitent de l’accalmie pour boire et manger. Certains jouent aux cartes assis sur des caisses, d’autres scrutent l’horizon. L’ambiance est redevenue calme, plutôt bonne, même.

« Quant à ta deuxième question... Te répondre, ça serait briser le mythe. Et ça serait dommage, non? »

Darius fixe le regard noisette de Mathilde et laisse son sourire s’étirer lentement à son tour. Il se penche ensuite un peu vers elle et reprend tranquillement la gourde pour y boire à son tour.

« On va juste dire que ça courait dans la famille. Je suis pas vraiment devenu “Darius-le-vilain-pirate”, comme tu dis. Je l’ai toujours été. Et je vais toujours l’être. »

Il le dit avec certitude, sans honte aucune, en regardant cette femme honnête droit dans les yeux. Il dit la vérité. Il n’essaie pas de prétendre, n’a pas l’hypocrisie de prétendre qu’il va un jour devenir une meilleure personne. Il sait que ça ne va pas se faire. Il a ses bons et ses mauvais côtés, il est capable du meilleur comme du pire, et ça ne va pas changer.

« À ton tour, belle fermière. Quel genre de vie as-tu vécue jusqu’ici pour penser que c’est une bonne idée de monter à bord d’un bateau bondé de pirates sanguinaires pour livrer deux caisses de panais à Marbrume? »

Il a prononcé le mot « sanguinaire » d’un air malicieux, en glissant un regard vers un pirate en train de ronfler en bavant, une moitié de pain encore dans la main.

« Et, le plus important : ton petit caractère effronté à la limite du suicidaire, ça te vient plutôt de ton père ou de ta mère? »

Il ricane, l’œil pétillant. lls ont à négocier, mais ça peut attendre. La traversée sera longue et Mathilde est de bien meilleure conversation que le reste de l’équipage en général. Et elle est pas mal plus jolie à regarder, aussi.
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyLun 30 Déc 2019 - 21:49
- Arrange-toi pour ne pas être trop subtil, j'ai des hommes qui travaillent sur ma ferme. Ils n'ont pas l'habitude de m'offrir des bouquets de panais, mais s'ils te voient les voler dans mes champs, il se peut qu'ils oublient de t'avertir avant de te rosser.

C'est vrai qu'il y a du monde sur la ferme. Des travailleurs, des miliciens qui passent fréquemment, des visites, des bannis qui se planquent parfois. C'est un peu ce qui garantit la sécurité de ce drôle d'écosystème. Les travailleurs sont formés pour l'Ordre, les miliciens veillent au calme en échange de quelques denrées supplémentaires, les visiteurs font du troc, les bannis n'attaquent pas leur lieu de repos. Il faut juste que chacun arrive au bon moment pour ne pas trouver un indésirable. Les protégés de Mathilde le sont jusqu'à ce qu'ils soient découverts par la milice. Jusqu'ici, ça n'est jamais arrivé, mais son discours est déjà prêt : je n'ai rien à voir là-dedans, il m'a menacée de mettre le feu à la maison si je n'obéissais pas.

Mathilde écoute attentivement Darius qui parle tranquillement. Comment peut-on passer d'une telle violence dont il a fait preuve tantôt à une sérénité pareille? Elle l'aurait imaginé en charpentier, jadis, revenant le soir dans sa petite maisonnée où résonnaient les rires des enfants. Jamais elle n'aurait pensé qu'on puisse naître pirate et le demeurer toute sa vie. Pour la fermière, sillonner les mers pour piller les marchands est un choix que la vie nous impose, pas une carrière honorable. Je vais toujours l'être. Étrangement cette vie lui convient. Piller, tuer, trahir, ça lui convient. Ce constat la trouble.

Les questions qu'il lui pose la font presque rire. Elle tend la main pour reprendre la gourde mais laisse son geste en suspend. Elle boit peu, rarement. Être ivre sur un bateau d'hommes n'est pas du tout une bonne idée. Elle ramène ses jambes pour s'installer en tailleur, appréciant la liberté de mouvements que lui offre son pantalon. Pas besoin de veiller à la pudeur, chaque centimètre de sa peau est couvert. Une tenue parfaite pour les voyages, surtout lorsque ceux-ci vous mènent sur un bateau pirate.

- J'avais la vie paisible de toute honnête femme qui se respecte. Un père qui m'a tout enseigné, un mari que je n'aimais pas vraiment, peu de responsabilités hormis celle de procréer, chose que je n'ai pas su faire. La Fange a tout changé. Je suis la dernière Dumas dans la ferme que nous tenons depuis cinq générations. Ma vie ordinaire s'est tout à coup compliquée, mais c'est le prix de cette liberté que j'apprends à chérir. Quant à la raison qui m'amène à tutoyer un vilain pirate... dit-elle, en laissant tomber pour de bon un vouvoiement aussi encombrant qu'hypocrite ... c'est que je vois plus loin que ce service que tu me rends. Je crois... qu'on s'apprivoise, là. Qu'on s'analyse. Qu'on s'évalue. Et que cette situation catastrophique m'a prouvée que je pouvais te faire confiance, pendant que toi tu réalises que j'ai une audace qui peut passer pour de l'inconscience, mais qui, finalement, est un peu calculée. Elle sourit. La vérité c'est que je n'ai rien à perdre, à part ma terre. J'ai survécu au Goulot, aux bannis dit-elle en levant la main gauche pour montrer la cicatrice de sa brûlure, rougie à cause des cordes qu'elle a maniées plus tôt à la solitude. Personne ne m'en croyait capable et pourtant je suis toujours là. Alors pourquoi ne survivrais-je pas à une poignée de pirates sanguinaires, après tout, je suis armée de panais! Elle rit doucement. Toi-même tu n'as pas pu leur résister.

Cette fois, elle tend la main pour de bon, attrapant la gourde pour y prendre une petite gorgée. Les espacer est sans doute un bon truc pour mieux anticiper l'ivresse. Manger est encore un meilleur truc, mais son estomac semble lui chuchoter que c'est une mauvaise idée.

- Je ne suis pas effrontée, je suis libre. Je n'ai personne pour me dire quoi faire ou quoi penser. Mon père hurlerait s'il m'entendait, mais c'est ma réalité depuis presque un an. Et puis l'avantage c'est que ce petit caractère tout à fait charmant a tendance à faire fuir la gente masculine qui convoite ma main et donc ma terre. ajoute-t-elle d'un ton léger. N'importe quel homme pourrait se sentir insulté, mais Mathilde n'est plus la douce femme docile et obéissante qu'elle était avant. Pour survivre, elle s'est transformée en une femme décidée, voire même butée, dont le seul objectif est de faire tourner sa ferme à plein rendement.

Elle garde le silence un instant, observant les réactions de Darius. Tiens c'est amusant, elle devait se marier aujourd'hui. Elle le réalise à peine. Aurait-ce été une erreur? Peut-être, peut-être pas. Le fiancé ayant disparu, elle ne le saura jamais. Mathilde hausse les épaules. Une vie "normale" n'est de toute évidence pas pour elle. Les Trois en ont décidé autrement.

- Je vais devoir te demander un autre service, Darius. reprend-t-elle, cette fois la mine sérieuse, les sourcils légèrement froncés. Être kidnappée par des pirates sanguinaires et arriver comme une fleur avec ma marchandise intacte à Marbrume risque d'éveiller des soupçons. Si je suis interrogée, il arrivera bien un moment où je finirai par lâcher ton nom, des descriptions de visages de pirates, des informations sur ce bateau... et je n'ai pas envie de te trahir. Ta vie est peut-être diamétralement opposée à la mienne, mais je préfère te savoir mon allié que mon ennemi. Garde mes caisses. Donnes-en une à ton partenaire, vends l'autre. Retiens ce qu'il faut pour couvrir les catins, et le temps que tu perds à chercher quelqu'un pour remplacer ton homme. S'il reste quelque chose, tu me le ramèneras. Nouvelle gorgée. Elle tend la gourde pour l'éloigner d'elle. C'est qu'on s'y habituerait à cette petite merde qui vous réchauffe le corps et l'âme. Sans marchandise et avec quelques hématomes, je suis plus crédible dans le rôle de la victime qui a été assommée sitôt arrivée sur ton bateau. Quelques larmes bien placées, un regard de biche apeurée et un "j'aimerais tellement pouvoir vous aider un peu plus" devraient suffire. Je reste l'innocente veuve Dumas, et ma ferme demeure le refuge que je t'ai promis. Ça te semble équitable?
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyMar 31 Déc 2019 - 1:02
« Je peux venir avec mes propres panais. Je suis pas un animal. »

Darius sourit moqueusement, mais il prend tout de même l'avertissement de Mathilde au sérieux. Si la ferme peut être un refuge, elle n'est pas pour autant un endroit isolé où nul ne se rend jamais, et il faut le garder en tête. Elle offre un toit et une certaine sécurité, mais pour en profiter, il faut réussir à ne pas se faire remarquer et à se fondre dans la masse. Darius n'est pas inquiet sur ces deux points. Il n'est pas exactement le genre à se cacher, à essayer d'être tellement subtil qu'il en devient encore plus visible. La milice, il tente de l'éviter au possible pour ne pas chercher les ennuis plus qu'il le faut, mais ce ne sont pas tous les miliciens qui voyagent à bord des convois – et il commence à en reconnaître plusieurs -, alors n'en fait pas une maladie non plus. Et le plus important : il a toujours une histoire à raconter, une histoire avec un personnage principal, des personnages secondaires, un début, un milieu et une fin, une histoire avec juste assez de vérité pour berner ceux qui l'entendent et détourner leur attention. Il en aura donc une pour les types qu'il pourrait croiser à la ferme de Mathilde, c'est sûr et certain.

Darius mange un dernier morceau de viande séchée et tend la gourde à Mathilde, qui renonce finalement à la prendre. Il boit finalement une gorgée lui-même en l'écoutant lui parler de sa vie, une vie normale, probablement assez ennuyante. Jusqu'à l'arrivée de la Fange, qui a tout changé et qui a fait d'elle celle qu'elle est aujourd'hui. La pirate se dit vaguement que la Fange aura peut-être été étrangement bénéfique pour Mathilde, même si « bénéfique » est sans doute un mot un peu fort. Elle n'est plus cette paysanne prise dans un mariage malheureux et incapable de donner des enfants à son époux. Elle est une fermière vaillante et déterminée qui ne s'en laisse pas imposer. Elle sait mener sa barque et quelque chose dit à Darius qu'elle est sûrement plus douée que ne l'a été ou que ne l'aurait été son défunt mari. Le Goulot, les bannis, la solitude et, maintenant, les pirates ont forgé son caractère, et elle se sent capable de survivre à tout ce que la vie va lui jeter au visage. Elle a des cicatrices, visibles et invisibles, mais elles de l'empêchent pas d'avancer. En la regardant, Darius n'a aucun doute que Mathilde Dumas serait la dernière femme debout si la Fange venait décimer sa ferme. Surtout si, par le fruit du hasard, elle était armée de panais à ce moment-là...

Darius répond au rire de Mathilde d'un sourire en coin amusé et lui tend la gourde. Elle boit avec précaution et elle a raison, notamment parce qu'elle risque de se retrouver ivre bien plus rapidement que n'importe quel homme à bord de ce bateau. Elle ne semble toujours pas avoir envie de manger, même si ce serait une bonne idée. Darius n'essaie pas de la convaincre des bienfaits d'avaler quelque chose pour atténuer la puissance de l'alcool. Ce ne sont pas ses affaires et Mathilde semble être assez en contrôle de sa vie pour savoir ce qui est bien pour elle ou non.

Le pirate rit un peu quand elle mentionne que son petit caractère a tendance à faire fuir la gent masculine. Vraiment? Il est étonné. Enfin, à moitié. Il sait que beaucoup d'hommes veulent une femme soumise à leurs désirs, qui ne dit jamais un mot de trop, qui se contente de tenir la maison et de faire des enfants. Darius n'a jamais compris cet attrait. De son vivant, sa femme était douce, aimable et généreuse, mais cachait aussi un sale caractère capable de faire trembler la duché entier. Elle ne s'était jamais gênée pour l'engueuler de façon magistrale quand il faisait le con – et il avait toujours aimé chaque seconde de cette longue série de reproches fondés et infondés. Il l'avait aimée, elle, au complet, sûrement très mal, mais elle l'avait aimé en retour pour le meilleur et pour le pire – souvent pour le pire.

Darius fait le vide. Il ne veut pas penser à Catharina. Il bloque de nouveau son visage, son nom, leur vie ensemble. Ça n'a jamais existé.

« Si ce petit caractère tout à fait charmant fait reculer les prétendants qui convoitent ta main et ta ferme, ils ne méritent ni l'un ni l'autre, répond-il finalement après un bref instant d'absence. Ce sont des faiblards qui te nuiraient plus qu'autre chose dans tes entreprises et qui ne réussiraient jamais à comprendre le grand pouvoir des panais. »

Il lui sourit en coin, presque complice. Il sent que cette histoire de panais va être une source inépuisables de blagues qu'ils risquent d'être les seuls à trouver drôles.

« Contrairement à d'autres, t'as visiblement pas besoin d'eux pour gérer ta ferme ou pour survivre. Pour la solitude... C'est un état d'esprit temporaire plus qu'une réalité. Et pas besoin d'un mari pour pallier à la solitude. »

Et pas besoin d'en dire plus pour qu'elle comprenne, même si elle est, selon ses dires, une femme qui se respecte et qu'elle semble tenir à sa vertu. La vertu, c'est bien, c'est bien, mais ça ne rend pas moins seul.
Darius la regarde un peu, puis reprend la gourde pour une petite rasade d'eau-de-vie avant de la lui rendre. Mathilde lui demande alors un autre service et, tandis qu'il l'écoute, il ne peut qu'arquer un sourcil. Pour éviter d'attirer les suspicions et de le trahir, elle veut lui donner ses caisses de panais. Son raisonnement tient la route, mais il ne peut s'empêcher de penser : Bordel, tout ça pour ça. Mais au fond, il sait que, d'une manière ou d'une autre, Adrian aurait trouvé le moyen de lui chercher des emmerdes et que l'altercation aurait eu lieu sans cette cargaison somme toute insignifiante comparée au reste. Il sait aussi que la traversée est ce qui a vraiment de la valeur aux yeux de Mathilde – les caisses, les propriétaires des auberges ne lui en parleront sûrement plus après avoir appris que des terribles pirates l'ont kidnappée. La traversée, elle, lui permet de rejoindre Marbrume et de recruter les bras dont elle a besoin pour faire fonctionner sa ferme, ce qui est bien plus important.

« Ça me va, mais si j'étais toi, je préparerais une histoire pour expliquer pourquoi et comment tu as été libérée. C'est le minimum. »

Trouver une raison pour expliquer comment sa vertu est restée intacte sur un bateau bondé de pirates serait une bonne idée, mais Darius ne prend pas la peine de lui dire. Si elle veut protéger sa réputation à ce niveau, elle risque d'y penser seule.

Darius prend quelques secondes pour réfléchir en silence. Ils s'apprivoisent, c'est vrai. Ce serait dommage d'en rester là. Ils peuvent s'apporter beaucoup plus l'un l'autre.

« Je peux t'aider à trouver des recrues vite fait, bien fait, reprend-il. Des types qui n'ont rien à perdre, des gars avec assez de bras et de volonté pour t'être utiles sur ta ferme, j'en connais. Ce sont pas nécessairement des fermiers, mais ils sont pas plus cons que d'autres et peuvent apprendre. Je t'en trouve quelques-uns, tu les rencontres et tu choisis ceux que tu veux, et tu rentres chez toi t'occuper de tes légumes. Et je t'offre le voyage du retour pour éviter que tu te fasses bouffer par des Fangeux, même. Juste à toi, par contre. Tes recrues, elles passeront par la terre. Et si elles crèvent en chemin, je t'en dénicherai d'autres. »

Darius prend une gorgée et lui retend la gourde.

« Je peux t'aider comme ça et de toutes sortes de façons, belle fermière. Si tu as besoin de quelque chose à Marbrume, je peux te le trouver. Ça peut être n'importe quoi ou presque. Mais je veux quelque chose en échange. Ça n'a pas à faire partie de ta production. Ça peut être de l'information sur les mouvements des convois, des miliciens. Des noms de miliciens. Des renseignements sur ce qu'ils savent de nous, sur ce qu'ils comptent faire pour nous attraper. Usson, c'est petit, les gens parlent. Je suis sûr que tu entends toutes sortes de choses. Et tu attires la confiance, alors je sais qu'on doit te raconter toutes sortes de choses. »

Il se redresse vaguement et se réinstalle contre la caisse qui lui fait dos.

« Ça peut être des opportunités d'affaires. Tu serais surprise de voir le nombre et le type de gens qui nous font parvenir des offres. Je sais ce que je fais. Je sais quoi prendre, comment le prendre, où le prendre et, surtout, où et à qui le revendre. Et la clientèle, ce n'est pas que des gros porcs de nobles qui se roulent dans leur or. Ceux-là pensent souvent que l'argent, c'est toujours ce qu'on veut, mais c'est loin d'être le cas. L'argent, ça ne vaut plus grand-chose pour la plupart des gens. Tes panais peuvent alors autant se retrouver sur la table d'une grande famille de nobles que d'une pauvre apothicaire. Ça varie en fonction des besoins et des envies. »

Darius se tait, prend le temps d'étudier le visage de Mathilde, de sonder son regard noisette.

« T'en penses quoi? »
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyMar 31 Déc 2019 - 3:18
Ce sont des faiblards qui te nuiraient plus qu'autre chose dans tes entreprises. Mathilde ne peut qu'être surprise de la réaction de Darius, elle qui reçoit plutôt des commentaires acerbes lorsqu'elle exprime ses réticences à se remarier. Pourtant, qui a encore le temps de se marier en ces temps où la moindre sortie devient un jeu avec la mort? Elle sourit à sa remarque sur la solitude, d'un air entendu. Elle ne s'envoie pas en l'air avec tous ses visiteurs, non. Mais elle s'est laissée embarquer dans des histoires d'amour qui se sont finies abruptement, mais qui ont en commun d'avoir commencé comme une simple aventure, une romance entre deux personnes qui se plaisent mutuellement et qui ont envie de se revoir. Elle voulait savoir ce que c'était qu'être aimée, elle le sait. Elle sait aussi que c'est fini, que l'amour blesse autant qu'il fait du bien et qu'elle n'a plus le temps d'être blessée.

- Des histoires, j'en ai, avec un début, une fin, un milieu et des personnages relativement assez proches de la réalité que pour ne pas tout à fait mentir. Le mort m'aura terrorisée jusqu'à ce que je crache les informations dont il avait besoin concernant un truc dans lequel je trempe, et j'aurai profité d'une bagarre générale au sujet de ma vertu pour m'enfuir. Et je fais de vous les honnêtes marchands qui m'ont repêchée alors que je dérivais en m'accrochant à une bouée. Ce qui expliquera pourquoi elle n'a ni baluchon, ni marchandise, rien avec elle. Facile. En quelque sorte, Darius l'a sauvée des potentiels pirates qui les suivaient.

Elle écoute attentivement la suite, qui ne manque pas de la surprendre. Elle plaisanterait bien sur le fait qu'il est en train de tomber amoureux d'elle, au vu du retour en bateau et de la protection qu'il lui offre, mais elle évite. C'est la deuxième fois qu'il lui dit qu'elle est belle, et elle est certaine que c'est un charmeur passé maître en la matière. Les marins ont la réputation d'avoir une femme dans chaque port... Combien de femmes attendent-elles son retour? Ce n'est pas ce qu'elle désire. Elle, elle est exclusive. Elle ne partage pas. Alors pas la peine de tenter le Quatrième, parce que ça se finira mal, comme avec Lisbeth. Elle hoche de la tête, de temps en temps, acquiesçant à certaines choses, faisant une mine plus dubitative sur d'autres. Il va falloir qu'elle lui parle de l'Ordre. Et qu'elle parle de cette aide providentielle à Alexandre.

Prudence est mère de sagesse, Mathilde, prends ton temps.

Mathilde est de toute évidence en pleine réflexion. S'il s'informe à son sujet, Darius saura très vite qu'elle fait partie de l'Ordre, alors autant ne pas faire de mystère à ce sujet. De toute façon, elle joue cartes sur table depuis le début, et c'est probablement ce qui fait en sorte qu'elle parle avec lui au lieu d'être bâillonnée à fond de cale. Gros soupire. Pour une fermière habituée au calme de sa chaumière, c'est beaucoup d'informations à absorber en peu de temps et après de grosses émotions.

- Je ne savais pas qu'offrir un refuge pouvait m'ouvrir tant de possibilités. Elle sourit, calmement. C'est mon dernier voyage pour Marbrume. Je recentre mes activités sur Usson et les environs, où je trouve tout ce dont j'ai besoin. Et j'ai de l'aide pour le recrutement. Un résumé qui a le mérite de dire à quel point les pirates vont, de moins en moins, être un souci pour les affaires personnelles de Mathilde. Mais... Je travaille pour l'Ordre de l'Astre d'Azur, tu en as probablement entendu parlé, ils travaillaient à reconstruire des bâtiments au Goulot récemment. J'ai un marché avec eux, ils ont investi dans ma ferme, m'offrent un support logistique et je forme leurs recrues qui iront cultiver d'autres terres du Labret. Le but est d'augmenter le rendement général. L'Ordre reçoit une partie de ma production en retour, c'est distribué aux familles dans le besoin. Elle fronça les sourcils. Et avant que tu imagines des choses, ma valeur pour eux n'est pas extraordinaire. Des bannis ont essayé le chantage, ça n'a rien donné. Rien de rien. J'ai plus de valeur pour toi libre que captive. Ils m'ont relâchées parce que j'étais beaucoup trop insolente et que ça les emmerdait. Sourire de gamine fière de son coup. Bon, évidemment elle passera sur le fait qu'elle a négocié son intégrité contre son aide en semences, mais il ne faut pas être devin pour le savoir. Mais si Rowan l'a laissée partir, c'est aussi parce qu'elle lui tapait sur les nerfs.

- J'ai envie de parler d'un convoyeur rapide et finaud à l'Ordre. Pour le moment, il y a des envois qui se font depuis Marbrume vers le Labret. Le problème est que plusieurs sont interceptés, peut-être même par tes bons soins et que ça ralentit les travaux au Labret. Tu crois que tu pourrais supporter l'idée de travailler honnêtement, pirate? Elle rit. Elle est en train d'offrir une superbe couverture à une bande de pirates, en plus de leur proposer des gains. Bravo Mathilde, pour tes valeurs on repassera.

- J'ai accès à certaines informations. Des horaires de convois, par exemple. Je n'ai plus d'amis dans la milice d'Usson mais je passe à la caserne régulièrement pour améliorer leur gamelle avec des paniers de légumes. On sait que je ne pose pas de questions, ça deviendrait louche que tout à coup je m'intéresse à ce qu'on fait des pirates, même après que j'en ai été l'une des récentes victimes. Le seul qui aurait pu m'en dire plus est porté disparu, probablement mort. Je l'espère pour lui en tout cas. Alcide. Elle l'a aimé au moins autant qu'elle le déteste maintenant de l'avoir abandonnée. Avec lui aussi, elle jouait franc jeu, au point de lui parler des bannis qui auront peut-être eu sa peau. A moins qu'il n'ait pris peur et soit parti, comme Lisbeth. Elle ne le saura jamais. Elle en est au stade du deuil où elle s'en fiche, elle se contente de le détester. Propose un bon prix à l'Ordre, en disant que tu le fais par charité, et je compense en t'informant, dans la limite de mes capacités. Je ne me mettrai pas en danger, je ne prendrai pas de risques inutiles et si ça commence à sentir mauvais, j'arrêterai, quitte à trouver autre chose à te fournir. Et si nous ne trouvons pas d'entente satisfaisante, nous cesserons de faire affaire, tout simplement.

Tout simplement... C'est là qu'elle devrait se méfier de lui. Est-il du genre à cesser des affaires sans tuer son ancien partenaire afin de s'assurer de son silence? Peut-être pas. Tout dépend du partenaire, imagine-t-elle.

- Quant à la croisière que tu me proposes, il va me falloir une fichue bonne raison pour que je remonte sur ton navire, Darius. Tu as beau être joli garçon et d'agréable compagnie, l'un de tes gars était moins fréquentable qu'un Fangeux... alors, pourquoi une fermière embarquerait-elle à nouveau avec de vilain pirates, hm?
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyMar 31 Déc 2019 - 5:12
Mathilde a réfléchi à l'histoire qu'elle raconterait et Darius se contente d'acquiescer en en entendant les grandes lignes. Le récit lui paraît plausible, enfin, assez plausible pour être cru sans trop de problèmes. Tant que la fermière ne se contredit pas, tout devrait aller. De toute façon, qui oserait demander trop de détails à une pauvre demoiselle traumatisé par une mésaventure avec une bande de terribles pirates?

Darius expose ensuite à Mathilde quelques idées et propositions. La jeune femme semble partagée. En tout cas, elle prend le temps de réfléchir à tout ce qu'il vient de dire. Il la regarde un moment et, pendant qu'elle pense, vide la gourde d'eau-de-vie d'une traite. Il ouvre ensuite la caisse d'un geste désinvolte pour la lancer dedans. Après avoir refermé la caisse, il repose son attention sur la fermière. Elle commence en refusant son aide, en laissant entendre qu'elle n'aura plus à venir à Marbrume. Elle lui dit ensuite travailler pour l'Ordre de l'Astre d'Azur et c'est avec une perplexité qu'il ne prend pas tellement la peine de cacher qu'il l'écoute. ll connaît un peu l'Ordre, qui est un organisme à but non lucratif, et il ne voit pas trop pourquoi elle lui en parle même si elle en fait partie. ll rit un peu quand elle lui mentionne qu'elle a plus de valeur libre que captive, que la kidnapper ne sert à rien.

« Si je voulais obtenir quelque chose ou faire du profit en tenant une personne captive, sans vouloir t'offenser, je miserais sur plus gros qu'une fermière du Labret », ricane-t-il moqueusement.

Mais bon, ce banni qui avait enlevé Mathilde n'avait probablement pas eu l'embarras du choix... On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, dit-on.

La jeune femme poursuit et en vient finalement au cœur du sujet. Un travail honnête. Un travail honnête qui pourrait leur donner une bonne couverture... ou les exposer. C'est au tour de Darius de réfléchir. Il sourit en coin quand Mathilde lui demande s'il pourrait supporter de verser dans des affaires non criminelles, mais ne répond rien, signe qu'il pense. Elle continue, mentionnant ce qu'elle pourrait faire pour lui et son équipage, elle parle d'un type disparu ou mort et qui a intérêt à rester disparu ou mort. Il lève les yeux vers elle et n'a pas besoin qu'elle lui fasse un dessin pour comprendre qu'elle a vécu une histoire amoureuse qui s'est mal terminée. Des histoires, même. Elle n'a pas besoin de le dire. Ça se sent dans son ton, ça se voit dans son regard. On ne déteste pas ainsi après un premier chagrin.

Le pirate rit un peu quand elle parle de proposer un bon prix à l'Ordre en donnant la « charité » comme prétexte. Juste s'imaginer le dire suffit à l'amuser. Darius-le-vilain-pirate devenu Darius-le-bon-samaritain. Ça aurait de quoi donner un conte pour enfants ennuyeux à mourir.

Darius continue d'acquiescer aux paroles de Mathilde sans y répondre encore, puis rit de bon cœur à sa dernière intervention. Le premier voyage en compagnie des pirates était une mauvaise idée, alors pourquoi accepterait-elle de monter une deuxième fois à bord de leur navire?

« Parce que le capitaine joli garçon et d'agréable compagnie peut assurer à la fermière que les autres pirates ne l'embêteront plus. Et parce que la fermière semble avoir un étrange goût inavoué et plutôt prononcé pour l'aventure, le danger et les emmerdes. »

Il sourit en coin avec amusement, puis hausse les épaules.

« Tu fais comme tu veux, Mathilde, mais tes chances sont pas meilleures en partant avec un convoi terrestre. Ceux-là aussi sont attaqués. Par des bandits, par des bannis, par des Fangeux, et parfois même par des pirates qui s'ennuient en mer. Au moins, par voie maritime, t'as quelques emmerdes en moins. À moins que ça soit ça, le problème : c'est pas assez d'action pour toi. »

Il ricane en l'avisant d'un air amusé avant de continuer :

« Pour ton histoire avec l'Ordre de l'Astre d'Azur, je sais pas trop. Ça pourrait être une bonne couverture, mais ça pourrait aussi nous attirer pas mal de problèmes si on doit commencer à accoster de façon légitime à Marbrume et à Usson un peu trop souvent. On évite les ports officiels pour une bonne raison : ne pas croiser trop souvent les marins et les miliciens qu'on a tendance à terroriser, à attaquer et à dépouiller. Ça risque d'être compliqué si on doit passer là constamment. À moins que j'utilise de nouveaux gars juste pour l'embarquement et le débarquement des cargaisons de ces voyages. Mh... »

Darius réfléchit de nouveau. Ça pourrait se faire... Il ne craint pas tellement que son navire soit reconnu puisqu'il ressemble à pas mal d'autres bateaux commerciaux génériques et légitimes.

« Parle à ton Ordre ou, enfin, à celui qui prend les décisions. Regarde avec lui si ça l'intéresse de voir ses marchandises arriver à bon port pour une fois... Je peux lui faire un bon prix. Je peux prendre tes informations. Mais il faut que ce que je gagne soit supérieur à ce que je perds, Mathilde. Alors il faut que le prix soit tout de même satisfaisant et que les informations soient bonnes. Sinon, il n'y a plus d'entente. Je mettrai pas en péril ce que j'ai pour la charité. »

Il se lève et s'étire un peu, se délie les jambes. Il la regarde un instant et a un petit rire.

« J'espère que t'as une grosse réserve de panais parce que si tu commences à me fournir en informations, ton refuge va servir plus souvent que tu l'as d'abord cru. »

Il lui tend la main pour l'aider à se relever et, d'un geste de la tête, l'invite à marcher un peu, histoire qu'il puisse faire un tour d'horizon des activités sur le navire. Sous leurs yeux, la côte défile paresseusement et, ainsi, le Morguestanc a presque l'air beau, normal, dépourvu de Fangeux. Le vent souffle, fait voler un peu les pans de leurs vêtements, vient jouer dans leurs cheveux. Le soleil fait briller leurs yeux comme il fait scintiller la mer.

« Même si la ferme est dans ta famille depuis des générations, t'as jamais voulu ou pensé à faire autre chose que de l'agriculture? T'as clairement un talent criminel pour négocier et gérer plusieurs problèmes à la fois. »
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyMar 31 Déc 2019 - 16:09
Il y a quelque chose de plaisant à négocier avec ce grand brun aux yeux clairs qui ne cessent de vous dévisager, guettant la moindre réaction de votre part. Lui-même ne boude pas son plaisir, ricanant de bon coeur de temps à autres, tendant des perches pour poursuivre la discussion. Soit il a une passion dévorante pour les négociations, soit il aime jouer avec elle, soit c'est tout simplement un opportuniste très ouvert d'esprit. Rares sont les hommes qui prennent le temps d'écouter une femme, surtout quand elle est du peuple. Est-ce pour cela que Mathilde envisage que l'Ordre puisse travailler avec une bande de pirates sanguinaires? Il faudra qu'elle présente la chose sous un angle tout autre à Alexandre.

Elle aurait pu répondre Je suis une grosse fermière dans un sursaut de fierté, mais s'abstient. Si Mathilde paraît se débattre avec les bannis et les nobles, en réalité elle fait tout pour leur être indispensable. Si un jour quelque chose devait tourner au vinaigre, elle pourrait faire appel à l'un de ses alliés, pas toujours très honnête, pour venir à son secours. Chaque accord s'est conclu indépendamment des autres, sans qu'elle ne pense à bâtir un réseau de sécurité, mais en un an, c'est exactement ce qu'elle a construit. Des miliciens soudoyés par l'estomac, des bannis qu'elle fournit en semences et en nourriture, des nobles avec lesquels elle travaille. Il ne manquait plus que les pirates pour finir le travail.

Elle n'aime pas les emmerdes, elle les attire, c'est pire. Et ça a quelque chose d'exaltant. Le petit rush d'adrénaline et la sérénité qu'il laisse, lorsqu'il se retire, pourrait être grisant. Alors pourquoi ne pas remonter sur le bateau, au retour?

- C'est la deuxième fois que je mets le pied sur un bateau. Le premier était une barque de pêcheur, alors cette traversée est une grande première. Et une aventure. Elle sourit et ferme les yeux un moment, savourant l'odeur de l'air chargé d'eau et de sel. Elle est certaine qu'en descendant, sa peau en sera imprégnée. Avec un carquois bien rempli, je serai sans doute plus à l'aise. Pourquoi tu m'offres une autre traversée, pirate? C'est par amour pour les panais? Elle rit. Lorsque l'ombre qu'il était alors avait descendu les marches, elle se croyait perdue. Et voilà que non seulement il lui sauvait la peau, mais en plus il proposait de réitérer son geste en plus de conclure un accord avec elle.

- Si tu utilises de nouveaux gars, tu vas devoir les payer. Donc plus de frais. Ça va me coûter cher en informations... Petite moue, alors que son regard se porte maintenant sur les voiles. J'ai besoin d'un peu de temps pour y penser. Je dois en parler à l'Ordre, et penser aux aspects logistiques. Ça doit être gagnant pour tout le monde, sinon ça ne vaut pas la peine.

Elle sourit alors qu'il s'étire. Sur la terre ou sur la mer, la loi est la même : rester immobile engourdit le corps et l'esprit. A moins que ce ne soit l'alcool. Elle s'étire à son tour, les épaules pleine des tensions vécues plus tôt. Elle éclate de rire lorsqu'il annonce ses passages fréquents.

- Mais ma parole, j'ai trouvé le point faible de Darius-le-Sanguinaire! Des panais! Elle murmure, sur le ton de la confidence J'emporterai ce secret dans ma tombe, c'est promis!

Cette fois, elle saisit la main gantée qui l'aide à se relever et fait quelques pas pour se dégourdir les jambes. Les pirates manoeuvrent comme les marins avec lesquels elle était quelques heures plus tôt. D'honnêtes marins, travailleurs, même ivres. Des regards perçants scrutant l'horizon, les cordages, les voiles, l'état du pont. Tantôt nerveux, Is incarne maintenant le visage de la sérénité, les mains mollement posées sur le gouvernail. Quelle drôle de vie. Elle s'en va s'accouder au bastingage pour regarder la côte, bénissant son idée de tresser ses cheveux qui, libres, balaieraient son visage à cause du vent.C'est beau. Maintenant elle comprend, le bateau les berce, comme le vent, comme le bruit de l'eau contre la coque du navire, comme les oiseaux dans le ciel. Le bateau permet aux marins de retrouver un semblant de sérénité avant une autre bataille. Elle aussi se sent plus calme.

- L'agriculture est toute ma vie. C'est ce que je fais de mieux. Je suis à ma place, les deux mains dans la terre. Je regarde le temps qui pousse, je travaille avec la nature pour faire naître de la nourriture. Chaque saison a ses défis, chaque jour a ses petites emmerdes. Je n'ai jamais envisagé de faire autre chose que ça. Si un jour je devais quitter ma terre, j'en trouverais une autre pour y plonger mes mains, jusqu'à la mort. Mathilde-la-gentille-fermière.

Elle se tourne vers Darius. Des questions, elle en aurait des centaines. C'est un drôle d'énergumène, ce grand gaillard. Il a beau rire et plaisanter, il lui fait tout de même un peu peur. Il ne donne pas l'impression de vouloir la laisser prendre ses distances. Ton refuge va servir plus souvent. Est-ce que c'était vraiment une bonne idée? D'où vient cette balafre? A-t-il une famille? Au moins un cousin. Tiens... elle pourrait investiguer de ce côté, si Darius lui en laisse l'occasion.

- Et toi, marin, t'as jamais pensé à te reconvertir en milicien pour sauver les fermière en détresse? A quoi elle ressemble ta vie d'homme des mers?
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyMar 31 Déc 2019 - 18:00
Pourquoi une autre traversée? La question tire un nouveau sourire amusé à Darius.

« Exact, c'est pour les panais, répond-il. Et accessoirement, quand je passe une entente avec quelqu'un, j'aime bien maximiser les chances que cette personne crève pas deux jours après. Enfin, pas si je l'ai pas prévu. »

Son sourire amusé devient plus carnassier. Blague-t-il? Est-il sérieux? Il ne laisse pas entrevoir la réponse dans son regard ou son expression.

« Je veux voir ta ferme, aussi, continue-t-il, plus sérieux cette fois. Je veux savoir comment m'y rendre, de quoi elle a l'air et où entrer. La base pour éviter d'avancer à l'aveugle. Bref, je veux une visite guidée, Mathilde Dumas. »

Il secoue vaguement la tête quand elle dit qu'il va devoir payer les nouveaux gars qu'il utiliserait pour l'Ordre. Échanger deux marins contre deux autres, ça ne coûte pas plus cher. S'il n'y a pas un gros roulement dans son équipage, il y a moyen de s'arranger avec d'autres pirates du Dauphinat qui font profil bas et qui prennent moins souvent la mer. Ses mecs aiment bien avoir congé aussi, de temps en temps, prendre quelques jours de repos sur l'île de Saint-Vespate. Darius n'est pas inquiet. Il trouvera une solution qui profitera à tout le monde. S'il acquiesce aux paroles de Mathilde, qui veut s'accorder un moment de réflexion, il semble confiant pour sa part.

Le pirate rit quand Mathilde dit avoir trouvé le point faible de Darius-le-Sanguinaire (pas mal ce nom) : les panais.

« Personne ne doit savoir », murmure-t-il en retour d'un ton presque dramatique.

Il l'entraîne ensuite avec lui sur le pont. Il marche tranquillement, d'un pas décontracté. Ses yeux clairs naviguent entre ses hommes, le paysage et Mathilde. Tout le monde vaque à ses occupations. Les tensions se sont dissipées comme elles se dissipent toujours une fois les batailles terminées et le butin embarqué. Les esprits tantôt enflammés se contentent maintenant de crépiter doucement. L'attaque et la vie à bord sont deux choses complètement différentes, et la fermière peut désormais le constater.

Mathilde s'arrête pour s'accouder au bastingage et admirer le paysage, et Darius l'imite, s'appuyant plutôt dos à celui-ci pour pouvoir la regarder pendant qu'elle parle. C'est beau. Il sourit un peu à ces paroles. Elle découvre un nouveau monde, une nouvelle perspective, elle qui ne connaît réellement que la terre, qui vit entièrement de la terre.

« Oui, c'est beau. »

Il a vu ce paysage défiler devant ses yeux des centaines, voire des milliers fois, et pourtant, il lui paraît chaque jour différent. Il offre toujours de nouvelles subtilités, dévoile constamment des secrets enfouis. Ce jour-là, il voit ces subtilités et ces secrets se révéler dans le regard d'une belle fermière du Labret. Et c'est beau.

Mathilde lui parle de l'agriculture comme elle parlerait de son propre enfant. C'est toute sa vie et elle ne se voit pas faire autre chose. On l'a faite fermière et elle restera fermière jusqu'au bout. Pardon : elle restera
Mathilde-la-gentille-fermière jusqu'au bout.

« Il va falloir retravailler ton surnom, il est un peu réducteur pour ce que tu es vraiment », commente-t-il avec une pointe de taquinerie.

Elle se tourne vers lui et lui pose à son tour une question. Comme lui, elle est curieuse. Cette curiosité n'est probablement pas une bonne idée ni pour l'un ni pour l'autre, mais pourtant, une question finit toujours par entraîner une réponse qui, elle, entraîne toujours une nouvelle question. S'ils étaient sages, ils sortiraient rapidement de ce cercle « vicieux ». S'ils étaient sages.

« Tu me vois vraiment en milicien, en train d'obéir aux ordres d'un sergent à la con? rétorque-t-il en arquant un sourcil. Jamais de la vie. C'est pas pour moi et je peux sauver les fermières en détresse en étant pirate aussi. Il faut juste que j'en aie envie. »

Darius retire ses gants de cuir et les range dans son armure. Il croise ensuite les bras en se redressant quelque peu contre le bastingage et repose son regard dans celui de Mathilde.

« Ma vie d'homme des mers ressemble en partie à ça. Il y a des jours plus tranquilles que d'autres. Aujourd'hui, c'est pas mal. Je passe aussi du temps à terre, à Marbrume, principalement. Je m'occupe de mes affaires. Et je repars. »

Il hausse les épaules.

« De temps en temps, je me pose. Parfois, c'est volontaire, d'autres fois, il faut juste refaire le plein d'énergie, guérir d'éventuelles blessures, faire des réparations sur le navire. Je repars vite en général. Les choses sont beaucoup plus compliquées depuis la Fange. Piller les villages côtiers, c'est plus une option. Les convois sont moins nombreux et je suis pas le seul à vouloir les arrêter. Être au bon endroit, au bon moment, c'est un art, et c'est pas en restant des semaines sur terre qu'on peut y parvenir. C'était différent avant. »

Darius se redresse et se tourne pour s'accouder au bastingage à près de Mathilde. Il regarde un instant les vagues venir se briser contre la coque du navire, puis se tourne de nouveau vers la fermière pour la regarder. Sous cet angle, à cause du soleil, il a l'impression que le regard de la Mathilde cache de petites pépites d'or.

« La mer est sûrement pour moi ce que la terre est pour toi. J'ai fait mes premiers pas sur un bateau. J'espère que c'est là que je ferai mes derniers. »

Il la fixe dans les yeux, sourit un peu. Du coin de l'œil, il voit un peu la cicatrice dans la main de Mathilde, celle qu'elle lui a montrée plus tôt en parlant des bannis et qui est rougie à cause de la manipulation des cordes. Sans rien dire, il prend cette main de la sienne, l'observe. Il passe un pousse sur la brûlure.

« Ils t'ont fait quoi, exactement, les bannis? Ils sont venus te kidnapper directement sur ta ferme? Je pensais que tu ne ratais pas ta cible avec ton arc. »

Il lui rend sa main, curieux de savoir comment Mathilde-la-gentille-fermière-qui-veut-juste-faire-pousser-des-légumes s'est retrouvée dans un tel pétrin.
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyJeu 2 Jan 2020 - 2:54
Darius la regarde dans les yeux. Encore. Tout le temps. Mathilde soutient ce regard aux couleurs changeantes. Tantôt gris, tantôt vert. Insaisissable. Pénétrant. Puis elle reporte son attention sur les contours de la côte si tranquille, vue de loin. Elle soupire de bien-être. Il y a quelque chose de grisant, sur ce bateau qui vogue sans encombres sur des flots calmes et sous un vent clément. Une impression de liberté. Plus de fange, plus de taxes, plus de responsabilités. Il suffit de se laisser porter. Dénouer ses cheveux, étendre les bras et s'offrir toute entière à la brise enveloppante. Avec ses jambes, suivre les mouvements du géant de bois pour ne plus tanguer, comme elle le fait lorsque elle chevauche sur les routes poussiéreuses. Savourer le temps, suspendu. Vivre. Mathilde soupire encore, les yeux clos. Puis entend la voix grave de l'homme qui se tient juste à côté d'elle. Retour à la réalité, celle d'une femme de la terre entourée d'hommes de la mer, au beau milieu d'une étendue d'eau dans laquelle elle ne pourrait pas nager. Le vaisseau, libre, est une prison, même si le geôlier semble bien intentionné. Semble.

Darius partage sa vie entre Marbrume-la-puante et les flots qu'il parcourt à la recherche de marchands et de convoyeurs à piller. Parfois avec facilité, comme aujourd'hui, parfois non sans blessures, qu'il doit alors soigner avant de repartir à l'aventure. A-t-il une famille? C'est peu probable. La fange a pris tant de vies qu'avoir des proches relève du miracle. C'est une question qui a tendance soit à fâcher, soit à plonger les gens dans la mélancolie. C'est une question taboue. C'est une question qu'elle ne posera pas. Pas à lui.

Elle sourit. Un homme de la mer, né dans son écume, destiné à y mourir. Résolument son opposé, elle qui ne parle que de terre. Mais elle peut comprendre cet appel, elle ressent le même lorsqu'elle pense à ses champs. C'en est un peu triste, parce qu'elle a l'impression que quelque chose, déjà, les lie. Pas ce drôle d'accord, pas cet échange de services. C'est autre chose. Mathilde a écouté le grand gaillard qui lui parle, elle l'écouterait des heures durant pour mieux se figurer la vie de pirate des mers. Pour mieux se figurer sa vie à lui. Le jeu des questions est trop tentant avec lui, trop intéressant. Sa vie est bien différente de celle de la fermière qui se pense honnête, droite, dévouée, généreuse. Est-ce que son goût pour le danger la pousse à s'intéresser à lui? Elle n'en a aucune idée. Le fait est qu'ils sont là, tous les deux accoudés au bastingage, à parler comme s'ils étaient alliés depuis toujours.

Les familiarités qu'ils se permettent l'un envers l'autre. Voilà le problème. Elle aurait dû maintenir le vouvoiement, pour garder une distance. Le tutoiement implique des confidences, des rapprochements. Pourquoi flirterait-elle avec un assassin, pilleur et violeur de femmes? Parce que tu saisis le bon qui réside en chaque être humain, Mathilde. Parce que tu crois en l'humanité. Même le banni qui t'as brûlée, tu le comprends et tu le pardonnes. Et voilà que Darius s'en permet une autre, de familiarité. Il lui prend la main. Mathilde a envie de fermer le poing et de cacher la cicatrice qui lui rappelle à quel point son empressement aurait pu lui coûter cher. Mais le geste est doux, la caresse est tendre, alors elle garde la main ouverte et contemple elle aussi cette grosse marque disgracieuse. Ironiquement, la lame chauffée au rouge a effacé les lignes de sa main, lignes que les chiromanciennes interprètent habituellement pour prédire l'avenir. Que faut-il y voir? Une mort imminente, ou bien la formidable opportunité de pouvoir décider de son destin, maintenant que celui-ci n'est plus écrit?

- Attaquée par derrière. C'est lâche hein? J'avais baissé la garde. Je voulais rentrer à la ferme, après l'invasion de Marbrume. J'avais besoin de voir du beau après ce cauchemar. Je voulais mettre de la distance entre la ville et moi et j'ai commis l'erreur de partir seule. Et de ne pas faire attention. Mais si ça n'avait pas été sur la route, ils seraient venus me chercher chez moi. C'était moi qu'ils voulaient, pour faire chanter l'Ordre. Le meneur l'a un peu regretté quand il a découvert que je n'étais pas aussi précieuse qu'il le pensait. Son visage jusqu'alors grave se fendit d'un sourire moqueur. Pauvre Gaston. Non seulement elle l'avait affublé d'un nom qu'il détestait, à défaut de connaître son véritable nom, mais en plus, non contente de lui lancer des piques et de le provoquer, elle lui avait collé sur le dos le seul type capable de le tuer. Il s'en est bien mordu les doigts. Et je n'ai pas fini de lui en faire baver. Elle sourit. Pardonner est une chose, se venger en est une autre.

- Je commencerai à me méfier de toi quand tu cesseras de me protéger, alors. glissa-t-elle, espiègle, pour changer de sujet et protéger ses petits secrets. Elle ferait en sorte que ce jour n'arrive pas. Pour cela, il lui suffisait de se rendre indispensable, une fois encore. N'avait-elle pas un don pour ça? Pourquoi as-tu eu subitement envie de me sauver, pirate? Tu aurais pu faire n'importe quoi dans la cale, mais tu as choisi de me sauver. Ne me dis pas que c'est à cause des panais. J'aurai du mal à gober ça. J'ai entendu ton petit ton moqueur et méprisant lorsque tu m'as vue. Et il était maintenant doux comme un agneau. Pas que ça lui déplaise, au contraire c'était très arrangeant, mais elle voulait comprendre le point de bascule. Elle plissa les yeux. Au fait, quel est ton prix, pour le trajet du retour? Rester pragmatique, en tous temps. Mathilde ne veut pas oublier à qui elle a affaire et préfère éviter de faire une confiance aveugle à un homme qui a bâti sa vie en volant les autres. En la volant, elle. Si tes gars n'y voient pas d'inconvénients, je profiterai peut-être du trajet. Mais ça implique que je vois des ports qui ne sont pas nécessairement ceux que fréquenterait une honnête femme. Est-ce que c'est un problème ?

Elle le regarde un moment, en silence, écoutant sans doute sa réponse d'une oreille distraite. Elle en sait déjà trop, elle en est convaincue, que pour pouvoir s'en sortir indemne si leur complicité naissante devait cesser d'être. Je ne pose pas de questions avait-elle dit. Sa façon bien à elle de se protéger. Moins on en sait, mieux on se porte, non? Mathilde avait su préserver l'idée qu'on se faisait d'elle : une fermière travaillante, isolée, ignorante des choses du monde. On pouvait tout lui confier, elle ne pourrait rien faire des informations parfois précieuses qu'on lui glissait à l'oreille. Même Darius, qui comptait bien utiliser ses précieuses indications à son avantage, se laissait aller au jeu des confidences.

- Tu aurais pu finir sergent à la con, tu sais. Mais tu as raison, la milice c'est peut-être un peu trop d'ordres et pas assez de liberté de jugement. Tu es un grand gaillard, tu sembles fort. Tu as un regard qui saisit les détails aussi bien que l'ensemble des choses qui t'entourent. Tes mains sont celles d'un homme qui travaille. Tu pourrais être charpentier. dit-elle en l'examinant de haut en bas, énonçant son diagnostic avec un sérieux mal contenu. Elle sourit. Dommage pour l'armure, par contre. Ça te va bien. Son petit rire complice s'éteint alors qu'elle se redresse. Son regard s'obscurcit, trahissant un malaise face à une évidence à laquelle elle n'avait pas songé.

- Si je t'informe des mouvements de bateaux, des convois intéressants, je condamne des hommes à mort, hein?
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyJeu 2 Jan 2020 - 5:21
Attaquée par derrière. C'est lâche, oui, mais l'honneur, ce n'est pas pour tout le monde. Ce n'est souvent même pas pour lui, en fait, pas si la solution déshonorable lui rend la vie moins compliquée. Les bannis l'ont assez difficile, alors Darius n'est pas étonné que celui qui s'en est pris à Mathilde n'y soit pas allé par quatre chemins. Elle était partie seule, en plus. Quoi de plus imprudent pour une femme, en particulier en ces temps troublés? Il n'est pas surpris lorsqu'elle lui dit ça non plus. Il est, après tout, face à une fermière qui a accepté de monter à bord d'un navire rempli de marins et de miliciens, d'un navire rempli d'hommes qui courait le risque d'être victime d'une attaque. Non, vraiment, Mathilde et les consignes de sécurité de base, ça fait deux. Et c'est tant mieux, se dit étrangement Darius tandis qu'il l'écoute lui relater sa mésaventure.

« Mh, moins précieuse qu'il l'espérait, plus insupportable qu'il pouvait se l'imaginer, alors, répond-il d'un air moqueur. De quoi regretter ses choix de vie. »

Puisque Mathilde compte de nouveau en faire baver ce banni, Darius en déduit qu'elle doit le revoir tôt ou tard. Elle mentionne le tout avec nonchalance, comme on parlerait d'une éventuelle rencontre amicale autour d'une chope de bière. Il s'agit pourtant d'un homme qui l'a kidnappée et, visiblement, torturée. Et, malgré les dangers que cela représente, elle est prête à l'emmerder de nouveau. Les lèvres de Darius s'étirent en un léger sourire en coin à cette idée. Il n'a jamais rencontré une femme aussi culotée et audacieuse que Mathilde – et aussi suicidaire. Mathide-la-gentille-fermière. La bonne blague...

La fermière délaisse le sujet des bannis pour revenir sur le début de l'attaque des pirates et sur la potentielle nouvelle traversée. Darius ne répond pas immédiatement. Un sourire toujours un peu amusé au coin des lèvres, il se contente de la regarder alors qu'elle le fixe en retour. Elle pose toutes ces questions, comme si les réponses allaient peser dans la balance de sa décision, mais il sent qu'elle a envie d'accepter son offre. En fait, il sent qu'elle risque de l'accepter peu importe ce qu'il va dire, qu'elle l'interroge par principe plus qu'autre chose. Peut-être que, de son côté, elle comprend parfaitement qu'il n'est pas obligé de se proposer pour la ramener au Labret, qu'il aurait probablement été plus facile pour lui de la laisser se débrouiller pour rentrer à Usson après leur arrivée à Marbrume. Oui, il lui offre la traversée pour éviter de voir sa nouvelle alliée et ses opportunités d'affaires s'envoler après une stupide attaque de Fangeux... mais il lui offre surtout la traversée parce qu'il a envie de la revoir.

« J'ai pas tendance à attaquer un navire en me montrant aimable, d'autant plus que je ne me qualifierais pas vraiment d'aimable de base, explique-t-il simplement. J'ai décidé de te "sauver" parce que j'ai vu des hommes mouiller leur pantalon devant moi et que tu étais là à me tuer du regard et à me faire la leçon au lieu de pleurer toutes les larmes de ton corps en me suppliant de te laisser la vie sauve. Ça m'a amusé. Ça m'a plu. »

Il marque une pause et la regarde. Dans les yeux. Toujours.

« Et tu avais quelque chose à dire, à proposer. Je sais écouter quand j'ai le sentiment que la suite va être intéressante. J'a eu raison : la suite est intéressante. »

Mathilde semble un peu distraite, perdue dans ses pensées. Darius aurait aimé être télépathe pour connaître la teneur des réflexions qu'il voyait défiler mystérieusement dans le regard noisette de la fermière.

« Quant au prix de la traversé, il est déjà payé. Négocier n'aura servi à rien si tu te fais dévorer par un Fangeux. Et je te l'ai dit : je veux débarquer et voir ta ferme. Plus tôt que tard. Mes hommes n'y verront pas d'inconvénients. »

Darius le dit avec certitude, presque comme un avertissement s'adressant à quiconque songerait à s'opposer à sa décision.

« Pour le reste, t'en fais pas. Je suis un homme plein de ressources. On peut débarquer plus loin et finir le trajet à bord d'une petite embarcation. On peut aussi accoster à nos endroits habituels et te bander les yeux. Je te dirigerai. Franchement, c'est pas un problème. J'y avais déjà pensé. »

Il hausse les épaules et termine :

« Tu me diras quand tu comptes repartir de Marbrume et on se donnera un point de rendez-vous pour que je t'emmène jusqu'au navire pour l'embarquement. »

Il parle au futur. Pour lui, c'est arrangé : Mathilde sera du voyage du retour. Il ne peut en être autrement.

Darius écoute ensuite la fermière lui parler de ce qu'il aurait pu faire s'il n'avait pas été pirate. Milicien. Non, charpentier... mais ça aurait été dommage pour l'armure. Ça lui va bien, selon elle. Le commentaire ne manque pas de lui tirer un sourire en coin, un sourire un peu plus charmant, même, qui ne s'éteint tranquillement que lorsque la jeune femme semble s'inquiéter des conséquences de ses actions. À son tour, Darius se redresse. Il reprend son appuie dos au bastingage pour faire face à Mathilde, qui s'est redressée.

« Je te signale que le seul type qui est mort aujourd'hui est un de mes gars, Mathilde, lui fait-il remarquer. On tue en dernier recours, même les miliciens. C'est pas tout le monde qui sait naviguer et si on commence à faire tomber comme des mouches tous les mecs qui savent prendre la mer, il n'y aura plus de navires sur la mer, et donc plus de marchandise à voler. C'est logique. Mais c'est une logique qui échappe à certains pirates. C'est pas tout le monde qui est né avec quelque chose entre les deux oreilles. »

Il se défait de son appui et se rapproche un peu d'elle pour se retrouver à moitié entre elle et le bastingage. Ils sont proches, presque autant que lorsqu'il s'est penché à son oreille dans la cale du navire marchand, mais, cette fois, il peut le regarder. Dans les yeux, oui, mais il laisse aussi son regard parcourir ses traits, qui sont plus doux maintenant qu'elle n'est plus en colère, sa chevelure, un brin plus désordonnée à cause du vent marin. Il croit sentir son parfum dans cette proximité, un mélange unique qui rappelle indéniablement qu'elle est une terrienne, et une subtile odeur florale quelconque dont il ne saisit ni la nuance ni la provenance. Il s'attarde sur ses lèvres avant de retrouver son regard noisette.

« Je sais que je suis Darius-le-sanguinaire, mais au risque de ruiner ma réputation, sache qu'il y a des jours où je tue personne. Choquant, mais vrai. Il y a même des jours où j'ai un peu la flemme d'être terrorisant. »

Darius retrouve son sourire moqueur un instant avant de continuer :

« Quand il y a des morts, c'est qu'il y a eu beaucoup de résistance, qu'il y a eu une bataille importante. Ça arrive, mais pas toujours, et on s'en sort en général avec des blessés, d'un côté comme de l'autre. C'est sûr que s'ils avaient sur leur navire une fermière et qu'elle était habituée à tirer à l'arc à bord d'un bateau, les choses seraient bieeen mieux pour eux et bieeen plus compliquées pour nous, mais on dit que c'est un mythe, alors... »

Il lui sert un sourire carnassier et demande :

« Rassurée, belle et gentille fermière? »
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyJeu 2 Jan 2020 - 15:56
Mathilde hoche de la tête. Il l'a sauvée parce qu'elle s'est montrée effrontée. Parce qu'elle lui a montré qu'elle ne se laisserait pas faire. Parce qu'elle l'a ouvertement méprisé, lui le pirate, alors qu'il avait fait de même envers elle. C'est un joueur, il aime être défié. Elle ne le faisait même pas exprès. Fière, trop fière, la fermière mordait quand on cherchait à la rabaisser. Elle avait mordu, à sa façon, et elle avait poussé Darius à changer ses plans, à l'écouter, à trouver l'intérêt de la garder saine et sauve.

Je te signale que le seul type qui est mort aujourd'hui est un de mes gars, Mathilde. Non mais qu'est-ce que c'est que ce petit air moralisateur qu'il prend? Elle hausse un sourcil. Monsieur-le-pirate s'offusque qu'elle émette la possibilité qu'il fasse d'autres morts parmi les rangs des précieuses vies humaines? Elle entrouvre la bouche pour lui relancer une vacherie, mais se retient in extremis. Il est doté d'une logique intéressante. Tuer en dernier recours pour économiser les derniers matins qui restent en vie, afin de garantir le passage régulier des convois.

- Alors promets-moi juste de travailler avec des gens qui partagent ta réflexion. Parce que je pourrai difficilement vivre avec l'idée que les derniers Hommes tombent comme des mouches par ma faute.

Le voici qui réinstaure cette proximité complètement indécente entre eux. Elle le regarde droit dans les yeux avant de baisser le regard et le visage, pour laisser s'évanouir le rouge qui lui montait aux joues, fixant maintenant son armure de cuir. Elle l'écoute encore. C'est vrai que l'attaque a été rapide, efficace, et qu'il ne semble pas y avoir eu de morts. Et qu'il a prit le temps de libérer un des hommes avant de filer. Rassurée, belle et gentille fermière? Elle rit doucement.

- Au risque de ruiner ta réputation, tu ne me terrorises pas, pirate.

Coup d'oeil vers le haut et sourire taquin. Mathilde ricane. Il s'impose à elle par la logique, pas par la peur. Pense-t-il qu'elle n'a peur de rien, ou a-t-il compris que le meilleur moyen de la faire plier est de simplement lui exposer les choses? Un sifflement retentit sur le pont. Is donne des ordres pour que les marins manoeuvrent une fois encore les voiles, à l'approche des îlots. La discussion s'interrompt pour faire place au travail quasi militaire des hommes, qui obéissent à des consignes auxquelles Mathilde ne comprend pas grand chose. Les marins connaissent la manoeuvre par coeur, le pont s'active avec la même organisation que des fourmis défendant leurs oeufs. Chacun connait sa place. Les mots désignent des cordes, des noms de voiles qu'elle ne connait pas, mais rester plantée au milieu du pont sans rien faire n'est pas dans son idée. Elle suit, imite, questionne, se fait parfois rabrouer. Dégage la fermière. Mais elle est têtue, et sait qu'il manque un homme, par sa faute, alors elle aide de son mieux, tire avec les autres sur les haubans pour faire pivoter les bômes des mâts. Elle n'est plus ni avec Darius ni avec Is, mêlée à l'équipage dont elle n'a pas peur. Les hommes sont trop occupés que pour penser à lui faire quoi que ce soit.

Le navire ralentit, pivote. Pendant de longues minutes, ça court dans tous les sens pour jouer avec les voiles et louvoyer entre les îles. Finalement, plusieurs hommes montent dans les cordages pour relever les voiles. On finit par jeter l'ancre. Pourquoi? Mathilde cherche Darius du regard et finit parle repérer au gouvernail. Elle le rejoint sans jeter un regard aux marins, faisant des mouvements d'épaules pour les dénouer. L'activité retombe, il faut à nouveau faire profil bas.

- Pourq... Quelque chose attire le regard de Mathilde plus loin, derrière l'homme qui joue avec elle, et avec qui elle joue. La lumière a changé, elle s'est réchauffée, et baigne les reliefs de la côte d'oranges flamboyant tirant vers le rose. Trop occupée à chercher une place à laquelle aider, elle n'a pas vu le soleil qui amorçait sa descente sur l'horizon.

- Le soleil se couche, il faut rentr... Elle s'interrompt. Rentrer? Non. Ils sont au milieu d'une mer d'eau salée dans laquelle, c'est ce qu'on raconte, les fangeux ne tremperaient pas un orteil. Is les a emmenés à l'abri des reliefs, là où aucun autre bateau pirate ne les verra. Plus aucun feu à partir de maintenant! Une consigne élémentaire afin de ne pas être vu par un potentiel ennemi qui prendrait le risque de naviguer de nuit, guidé par la source de lumière. Plusieurs hommes se dirigent vers les victuailles pour grignoter quelque chose et prendre quelques rasades d'eau ou d'eau-de-vie. Pour eux, la journée est finie. Bientôt, ils attraperont une couverture dans laquelle ils s'enrouleront pour se coucher quelque part sur le pont, alors que d'autres veilleront pour un dernier quart avant d'être relevés. Mathilde les voit à peine. Tournée vers le couchant, elle regarde avec émotion le soleil embraser l'horizon, muette devant le spectacle qu'elle n'a pas admiré depuis trop longtemps.

A cet instant précis, Mathilde donnerait n'importe quoi pour que le temps se fige, pour qu'elle puisse s'imprégner de l'image encore et encore, et ne jamais l'oublier. Les larmes lui montent aux yeux. La fange lui a pris sa famille, ses amis, sa sécurité et ce spectacle, si simple, si beau. La lumière rougit, le disque solaire touche l'eau et semble s'y diluer, s'y fondre. Quelques minutes de magie dans un silence parfait.

- Merci murmure-t-elle à l'intention de Darius. Il aurait pu la laisser sur l'autre bateau, mais il l'a embarquée, lui permettant de faire la traversée et de voir ce spectacle époustouflant. Ça vaut toutes les caisses de panais du monde. Le disque rouge disparaît derrière la ligne d'horizon, alors que plus haut, dans la voûte céleste, s'allument les premières étoiles.

- Je comptais partir dans deux ou trois jours. Si tu me bandes les yeux, ne me lâche pas. Parce que je deviens nerveuse et que je risque de faire n'importe quoi. Elle fera la traversée, c'est entendu. Il le considère comme acquis, il a raison, il le sait, mais elle ne lui concédera jamais une victoire trop facilement. Jamais.
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyJeu 2 Jan 2020 - 18:34
« Je fais pas de promesses que je peux pas tenir. Je travaille avec des gens qui pensent comme moi parce que ce serait contre-productif de faire le contraire, mais si un con d'un autre équipage décide subitement de trancher toutes les gorges qu'il voit, à part séparer son corps de sa tête une fois qu'il a commencé, je peux pas faire grand-chose. Ça ne sera pas ma faute et encore moins la tienne. »

Darius hausse les épaules. Il a mis cartes sur table avec Mathilde et a dit la vérité. Il n'a rien à cacher là-dessus de toute façon. Ça ne le gêne pas spécialement d'avoir des cadavres sur les bras – il n'a qu'à les jeter à l'eau -, mais voilà, ce n'est pas productif et quand une partie d'un équipage est tuée, il faut la remplacer. Ça ralentit l'envoi des marchandises et, ça, ça n'avantage personne.

Darius se rapproche de Mathilde, l'observe. Elle baisse les yeux et le visage, sans pourtant remettre de la distance entre eux. Un sourire amusé aux lèvres, il attend. Il attend qu'elle relève le regard vers lui et qu'elle lui donne la réplique de son ton à la fois taquin et fier. Il sait que ça vient. Au risque de ruiner ta réputation, tu ne me terrorises pas, pirate. Il ricane d'un air trop confiant pour qu'elle ne le trouve pas insupportable d'une façon ou d'une autre. Il ne la terrorise pas. Il la croit, même s'il sait que ça pourrait changer. Mais les choses lui conviennent ainsi. Il n'a pas envie que Mathilde ait peur de lui. Pas trop.

Un coup de sifflet retentit. Après un dernier regard à la fermière, Darius brise leur proximité. Il a à faire. Il ne lui dit pas de le suivre ou de rester près d'Isak par sécurité, car il sait très bien qu'elle peut circuler sur le navire sans risquer quoi que ce soit maintenant. Et à vrai dire, il est curieux de voir ce qu'elle va faire.
Avec le reste des hommes, il manœuvre les voiles sous les instructions d'Isak. La nuit approche et ils vont se terrer parmi des îlots pour prendre du repos et éviter les potentielles attaques. C'est plus prudent que de risquer à naviguer de nuit ou d'accoster n'importe où sur la côte. Là, au milieu de la mer, ils sont probablement plus en sécurité que n'importe où ailleurs dans le Morguestanc, y compris entre les murs de la cité.

Pendant de longues minutes, le navire n'est que mouvement. Celui des hommes, celui des voiles, celui du vent, celui des vagues. Coordonné avec son cousin, Darius crie des ordres, et marins, même les plus ivres d'entre eux, bougent avec force et précision. Du coin de l'œil, il voit Mathilde participer comme elle peut à l'effort commun. Il entend parfois un matelot lui lancer de dégager, mais il ne dit ou ne fait rien pour la protéger. Elle a décidé de les aider en connaissance de cause, après tout. Tant que personne ne touche à la fermière ou ne commence à se montrer graveleux avec elle, il ne fera rien. C'est une grande fille.

Avec d'autres hommes, Darius monte dans les cordages pour replier les voiles. Il fait ça avec aisance, semble à peine devoir réfléchir à la manœuvre. C'est réglé plutôt vite, et il redescend pour parler avec Isak près du gouvernail. Il balaye du regard le navire, voit Mathilde en train de terminer une manœuvre avec d'autres matelots et la laisse faire, retournant à sa conversation. Lorsqu'elle le rejoint, il pose son regard sur elle et sourit un peu quand elle dit que le soleil se couche et qu'il faut rentrer. Elle n'a pas l'habitude d'être en mer, de pouvoir être à l'extérieur sans inquiétude la nuit. Pour elle, une nuit dehors est désormais synonyme de danger et de terreur. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, le crépuscule et la nuit sont beauté et liberté. Si les matelots ont plutôt en tête de manger et de dormir et ne prêtent pas attention au paysage, Mathilde, elle, le découvre avec émotion sous le regard de Darius et d'Isak. Le pirate la regarde un instant, et décide d'admirer ce qu'elle contemple dans un mutisme ému. Isak sourit un peu en voyant la fermière se plonger corps et âme dans le spectacle de la nature, puis tapote l'épaule de son cousin : il a faim, il est fatigué, c'est à Darius de prendre la relève. Il ne veut pas non plus s'interposer entre lui et Mathilde. C'est la première fois depuis longtemps qu'il voit son cousin tisser un vrai lien avec quelqu'un – il le connaît assez pour savoir que quelque chose de plus fort qu'une simple entente est en train de naître entre lui et la fermière - et il n'est pas celui qui va le briser. Tout le monde a besoin d'un peu d'humanité et de bonheur en ce bas monde.

Darius acquiesce vaguement au départ d'Isak, puis repose son attention sur Mathilde quand elle le remercie. Il se contente de lui sourire en coin sans lui répondre. Il n'y a rien de plus à dire. Le paysage parle pour lui, pour eux.

Mathilde accepte finalement officiellement de faire le voyage du retour à bord de son navire. C'était déjà une affaire conclue pour lui, mais il aime quand même entendre de sa bouche qu'elle sera là. Il hoche un peu la tête et la fixe un instant.

« Je te lâcherai pas, Mathilde. »

Il n'ajoute rien de plus et reporte son regard sur la voûte céleste. Le ciel continue de s'assombrir et de nouvelles étoiles viennent tenir compagnie à la lune, qui apparaît timidement. Les vagues qui viennent se briser contre les îlots et la coque du bateau bercent les marins qui tentent de fermer l'œil. La nuit promet d'être calme et belle.

« Je dois rester éveillé pour le moment, finit-il par dire après un long moment de silence. Isak va venir me relever dans quelques heures. Si tu as envie de dormir, sens-toi libre de t'installer pas trop loin de lui. Il y a des couvertures et des couches assemblées sommairement, pas très confortables, mais suffisantes pour éviter de dormir directement sur le sol. Si tu es plus à l'aise, tu peux rester avec moi. Peut-être manger un truc, surtout que tu as bu sur un estomac vide et que tu as joué au marin avec mes hommes. Il y a des provisions là-dedans. »

Il désigne d'un petit mouvement de la tête une caisse à proximité.

« On va repartir aux premières lueurs de l'aube. Si les conditions restent bonnes, on sera à Marbrume quelque part dans la matinée. »

Darius s'installe sur une caisse. Il reste éveillé pour faire le guet, mais il n'est pas nerveux. Il a assez parcouru la mer pour savoir qu'ils sont en sécurité et qu'ils ne seront pas inquiétés. Il sort un petit jeu de cartes et le montre à Mathilde.

« Es-tu intéressée à perdre lamentablement contre moi aux cartes? », demande-t-il d'un ton moqueur.

Bientôt, ils ne verront plus grand-chose, mais la lueur des étoiles et de la lune devrait être suffisante pour leur permettre de jouer – et de mieux tricher! Darius accompagne son sourire d'un regard à la fois provocant et invitant. Allez, ne va pas dormir tout de suite. Reste avec moi, belle fermière.
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyVen 3 Jan 2020 - 14:18
Je te lâcherai pas, Mathilde. Ce qui devrait être une promesse emplie de bienveillance sonne aussi comme une menace. A son regard, la fermière comprend qu'il choisit ses mots et qu'il les pèse avant qu'ils ne franchissent sa bouche. Elle hoche de la tête, c'est entendu, compris, enregistré. Elle pourrait partir sur un long monologue, pour lui expliquer qu'elle ne le trahira pas, qu'elle lui fait confiance et qu'il peut s'appuyer sur elle, mais elle n'en fait rien. Le temps sera son meilleur atout. Elle est la première à dire qu'on ne gagne pas la confiance par les mots mais par les actes. Elle fera ses preuves, tranquillement, au fil du temps.

Darius s'installe sur une caisse après avoir indiqué à Mathilde ce à quoi elle pouvait aspirer. C'est bien plus qu'elle ne l'espérait, elle qui s'apprêtait mentalement à passer une nuit éveillée à lutter contre le sommeil. Es-tu intéressée à perdre lamentablement contre moi aux cartes? Elle esquisse un sourire. Le petit air supérieur qu'il se donne devrait la faire fâcher - elle déteste ça, mais elle trouve ça drôle.

- Non. Pas ce soir.

Elle tourne les talons et se dirige vers l'une des caisses désignées par Darius un peu plus tôt pour en sortir un bout de pain, une gourde et deux morceaux de viande séchée. Elle va tenter de convaincre son estomac de garder la nourriture qu'elle va lui proposer. Avec un peu de chance, se dit-elle, la gourde contient de l'eau. Ça l'aiderait beaucoup à garder les idées claires tant qu'elle se trouve à bord du navire. Tout est calme, si calme. Elle referme la caisse avec précaution, essayant d'atténuer le moindre bruit pour ne déranger personne. A pas de loup, elle poursuit son exploration pour trouver les couvertures. Elle saisit l'épais tissu de laine et le jette sur ses épaules. Sur la pointe des pieds, la fermière revient vers Darius en longeant le bastingage auquel elle se raccroche in extremis alors que la houle soulève la coque un peu plus que d'habitude. Mathilde bougonne. Comment peut-on vivre là-dessus? Avoir le pied marin signifie donc avoir une démarche d'alcoolique notoire?!

- Je veux manger. Ensuite je te battrai à plate couture. Je te préviens, je ne joue pas pour perdre. Et je ne joue pas pour rien.

Sourire malicieux aux lèvres, elle lui tend l'une des couvertures qu'elle a attrapées. Tiens. C'est mignon ton armure mais ça tient pas chaud. Tu partage un souper avec moi?

Elle agite une demi miche de pain devant lui et s'installe sur la caisse voisine. Ses yeux, maintenant habitués à l'obscurité, s'accrochent un instant à la voûte céleste. La Grande Ourse, la Petite, le Guerrier, les trois petites alignées... combien d'histoires a-t-elle entendues au sujet des étoiles? Des dizaines. Petite, elle aimait passer du temps avec son frère le plus vieux. Allongés dans l'herbe qui leur faisait un matelas confortable, ils inventaient des constellations et les histoires qui allaient avec. Maintenant adulte, et privée du spectacle, elle n'a plus envie d'imaginer des histoires. Seulement de pleurer devant tant de magie.

- J'espère qu'on aura un ciel aussi dégagé pour le retour dit-elle en revenant à Darius. Sait-il seulement à quel point elle apprécie ce cadeau qu'il lui offre involontairement? Elle s'installe en tailleur, et dépose ses trouvailles dans le creux de ses jambes avant de défaire la ceinture de sa jupe, dont les pans retombent mollement sur son siège improvisé. Elle saisit une petite besace et en sort deux petits paquets. Quand je pense que tu ne fouilles même pas les étrangers que tu invites à bord. Tss tss. Elle glousse de rire. Tu aurais pu garder un délicieux fromage de chèvre tout entier pour toi, ainsi que sa petite marmelade de prunes fraîchement cuisinée par mes bons soins. explique-t-elle sur un ton très noble.

Mathilde découpe deux tranches de pains avec sa dague, les tartine généreusement du fromage frais à moitié épargné dans sa chute, plus tôt, ouvre un petit pot de céramique scellé à la cire et en répend le contenu sur les tartines qui tiennent en équilibre sur ses cuisses. Elle prend le temps de ranger les choses inutiles avant de tendre une tartine et un morceau de viande séchée à Darius. J'espère que ça sera à ton goût. L'attend-elle pour prendre une bouchée? Absolument pas. Elle réalise à quel point elle meurt de faim et ne perd pas un instant pour croquer dans sa tartine.

En silence, les yeux rivés sur le ciel, elle mange aussi lentement que possible. C'est pourtant elle qui, des deux, termine son repas improvisé en premier. Elle débouche alors la gourde, invoque les Trois pour qu'elle soit remplie d'eau et goute. L'eau est fraîche et follement agréable à boire. Elle en profite pour en prendre quelques gouttes dans la paume de sa main avant de se la passer sur le visage et dans le cou. Ablutions très sommaires du soir.

Un long silence s'est installé entre eux. Un silence agréable et complice dans lequel deux êtres ne communiquent que par les regards et les gestes. Mathilde apprécie ce moment de recueillement et de contemplation, perdue au milieu de nulle part, avec pour seul compagnon un pirate bien trop proche, bien trop beau, bien trop humain. Il est attachant, le sait-il? Le décor magistral qui les entoure disparait pour céder la place à celui de la ferme, dans l'esprit de Mathilde. Il y sera bien, tout aussi serein qu'à cet instant précis. Arrivera-t-il blessé, pour se faire soigner et reprendre des forces? C'est possible. C'est pas grave.

- Bien. Le silence qui s'était installé entre eux est rompu par son murmure. Alors quelle est ta mise, Darius? Quand je gagnerai, voyons... Elle plisse les yeux et fait une petite moue en le regardant. Tu me devras... ah je sais! Je veux tout savoir des constellations. Et s'il n'y connait rien, ce qui est peut probable, il sera assez créatif que pour imaginer des histoires.

Mathilde écoute la mise de Darius et approuve d'un hochement de tête amusé. Elle se débarrasse des miettes de pains et attrape la couverture, restée à terre, pour la passer autour de ses épaules pendant que Darius bat les cartes d'une main experte. Elle perd les premiers plis mais ne se laisse pas démonter, ni par le sourire assuré ni par les remarques destinées à la taquiner. Puis elle comprend. Il triche, elle en est certaine. D'une main autoritaire elle réclame le paquet de cartes. Donne-moi ça, tu les bats comme un pied. En réalité c'est elle qui n'est pas habile mais en prenant cette étape en mains, elle l'empêche de sélectionner les cartes. La partie retrouve un équilibre. Parfois elle perd la manche, parfois c'est lui qui s'incline. Au décompte final, Mathilde affiche néanmoins un sourire triomphant.

- Ainsi fut-il forcé de s'admettre vaincu par Mathile, la gentille fermière! lance-t-elle sur un ton théâtral avant de se rendre compte qu'elle a parlé à voix haute et qu'elle a peut-être dérangé le sommeil d'un homme. Non, ils sont trop loin. Elle pouffe de rire. J'espère que c'est une grande première. Tu t'es bien défendu. ajoute-t-elle, soucieuse de ne pas le vexer. Est-il bon perdant? Elle ramasse les dernières cartes et les tend à Darius. Ses longs doigts de femme de la terre sont glacés. La fatigue et la nuit font leur effet, mais comme une enfant, elle n'a pas envie de dormir. Pas encore. Le pourra-t-elle seulement, à bord de ce bateau? Elle rapproche les pans de la couverture pour s'y emmitouffler.

- Alors... ces étoiles? Je connais celle du Nord, y en a-t-il d'autres que tu utilises pour t'orienter? Les rayons de la lune caressent délicatement les traits du visage de Darius. Ils lui semblent plus doux. Mathilde s'est trompée,il ne pourrait pas être un charpentier. C'est ici, dans cette vie de piraterie qu'il a consciemment choisie, qu'il est heureux, à sa place. Son regard demeure, lui, troublant, sans doute à cause de l'astre illumine ses yeux lorsqu'il la regarde et leur confère un éclat froid et envoûtant. C'est un pirate, pas un assassin à plein temps. C'est quand même pas si grave.
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Darius VortigernPirate - Capitaine
Darius Vortigern



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MessageSujet: Re: La croisière s'amuse [Darius]   La croisière s'amuse [Darius] - Page 2 EmptyVen 3 Jan 2020 - 18:55
Non, pas ce soir. Un refus clair et net, puis des pas qui s'éloignent. Darius n'est cependant pas inquiet. Elle sourit, alors elle va revenir. Et elle va même revenir avec une petite réplique de son cru, quelque chose de savamment réfléchi et effronté. Il le sait et il l'attend avec une certaine impatience, bien curieux de voir comment la belle fermière va l'étonner une fois de plus.

Darius suit Mathilde des yeux en brassant tranquillement les cartes. Comme prévu, la jeune femme revient. Son programme de la soirée est cependant bien différent du sien, car elle compte manger d'abord, puis le vaincre, et remporter quelque chose dans le processus. Un sourire clairement amusé au coin des lèvres, il prend la couverture qu'elle lui tend et la dépose contre ses épaules. Il la remercie d'un geste de la tête pour cette attention plutôt agréable qui a quelque chose de typiquement féminin à bord de ce navire rempli d'hommes qui s'apprécient plus souvent à coups de poing amicaux qu'à coups de couvertures de laine tendues.

« Volontiers, répond-il à sa question. Mais ne te fais pas d'illusions : tu vas perdre même si tu essaies de m'amadouer par l'estomac. »

Mathilde prend place près de lui et lève le regard vers le ciel. Il suit son mouvement et s'attarde aussi brièvement sur ces étoiles qui ont veillé sur lui d'innombrables nuits. Elle espère que le ciel sera aussi dégagé lors du voyage de retour, dit-elle. Il répond d'une vague « mh ». Il espère qu'il le sera pour elle. Il a vu son regard se remplir de larmes lorsqu'elle a contemplé le spectacle de la nuit qui se dessinait devant elle plus tôt. La voûte céleste l'émeut, la rend heureuse, la plonge probablement dans un passé beaucoup plus simple que le présent. Il veut lui offrir ce cadeau une deuxième fois. Sans rien demander en retour.

Darius regarde Mathilde s'installer et défaire les pans de sa jupe pour pouvoir s'asseoir confortablement en tailleur. Il découvre alors une petite besace qui contient un fromage de chèvre et une marmelade de prunes qu'elle a cuisinée elle-même. Il pouffe un peu, en particulier devant l'air supérieur qu'elle prend pour lui indiquer qu'il est presque passé à côté d'un monde de merveilles à cause de sa négligence.

« Ça m'apprendra à me laisser aveugler par de beaux panais », ricane-t-il.

Darius n'ajoute rien et se contente d'observer Mathilde tandis qu'elle prépare le repas. Il y a quelque chose de fascinant à la regarder faire, à la voir tartiner ces morceaux de pain qui tiennent en équilibre contre ses cuisses avec la même attention que si elle cuisinait dans le confort de son foyer. C'est étrangement apaisant, peut-être parce qu'il n'a pas pu contempler une scène aussi anodine depuis près de deux ans maintenant. Il sourit même un peu en la voyant ranger tout ce qui doit l'être avant de lui donner sa tartine. Elle aime l'ordre. L'ordre ne l'aime cependant pas toujours en retour vu les situations dans lesquelles elle se retrouve empêtrée, par contre...

Darius saisit sa tartine et croque dedans. Il laisse échapper un grognement approbateur. Oui, c'est à son goût. Comment quelque chose d'aussi simple peut-il être aussi bon? Il tente de ne pas dévorer trop rapidement le repas, de le savourer, mais il a faim et le tout est englouti assez rapidement. Mathilde finit cependant avant lui, ce qui en dit long sur la faim qui devait la tenailler.

Aucun mot n'est échangé pendant cet instant de calme presque domestique. Darius laisse son regard vagabonder sur le pont et sur le paysage, puis revient à Mathilde. Elle se passe de l'eau sur le cou et sur le visage. La belle fermière a un côté coquet, même là, parmi une bande de pirates pour qui un bain ne serait probablement pas de trop. Encore une fois, il la regarde faire. Il l'admire faire.

Mathilde brise le silence d'un murmure. Elle donne sa mise : elle veut qu'il lui parle des constellations. Il acquiesce et donne la sienne :

« Je veux d'autres petites marmelades aux prunes cuisinées par tes soins. Une réserve à vie, même. »

Il sourit moqueusement et bat les cartes avec aisance. Il aurait pu demander n'importe quoi, quelque chose de plus sérieux, quelque chose de plus utile, quelque chose pour bonifier leur entente. Cette fois, il veut jouer pour le plaisir. Et il veut vraiment de la marmelade aux prunes.

Darius distribue les cartes et gagne plusieurs parties. Triche-t-il? Absolument. Le fait-il subtilement? Absolument. Il ne le fait pas par envie particulière de gagner à tout prix. Il veut voir si Mathilde va s'en rendre compte et s'en indigner. Chaque fois qu'il remporte une manche, il lui lance une réplique pour la provoquer, le tout en arborant son air le plus confiant, le plus chiant et le plus charmant. Et il redistribue les cartes.

Quand Mathilde se rend compte qu'il triche et réclame qu'il lui donne le paquet avec autorité, sous prétexte qu'il lest « bat comme un pied », son sourire amusé s'élargit. Il obéit et la regarde peiner avec les cartes moqueusement.

« Oh, oui, tu fais ça beaucoup mieux que moi... Enfin, si on oublie les douze cartes que tu viens de laisser tomber par terre. »

Maintenant qu'il ne triche plus, Mathilde parvient à gagner quelques manches et même à remporter le jeu. Darius rit de bon cœur en la voyant aussi triomphante.

« Je t'ai laissée gagner, évidemment », dit-il avec une pointe de fausse fierté mal placée.

Darius récupère les cartes, effleurant alors les doigts de Mathilde. Elle a froid, et elle est fatiguée, aussi. Il éprouve également une certaine fatigue, mais il peut tenir encore longtemps. Il a l'habitude des nuits courtes, voire des nuits blanches où personne ne peut baisser sa garde. Mathilde, elle, pourrait aller se reposer, mais elle souhaite plutôt profiter immédiatement du prix qu'elle a remporté. Craint-elle de dormir sur ce navire ou veut-elle simplement rester avec lui? Un mélange des deux, peut-être? Quoiqu'il en soit, le pirate rapproche sa caisse de la sienne pour être plus près d'elle et pouvoir lui pointer les étoiles qu'il connaît dans le ciel. Elle connaît les étoiles du Nord, mais il lui en montre d'autres. Ça, c'est le Bélier. Ça, c'est la Petite Chèvre. Celle-là, les Cornes du Taureau. Il lui parle tranquillement, en murmurant, et agrémente la leçon d'astronomies de petites histoires, parfois. Des récits populaires, mais des faits vécus, aussi. Des faits vécus par lui, parfois, même s'il les attribue à quelqu'un d'autre par habitude.

Quand Mathilde ne voit pas ce qu'il lui pointe, il prend sa main de la sienne et se penche vers elle pour voir ce qu'elle voit et la diriger. C'est ainsi qu'il lui montre une constellation bien particulière et, surtout, inexistante :

« Tu vois, ça, c'est la constellation de la Fermière. Je l'ai jamais suivie, celle-là. On raconte qu'elle mène à pas mal de trésors... dont une foule de panais et des pots de marmelade aux prunes à l'infini. »

Il rit un peu, une lueur taquine dans le regard.

« Elle est belle et mystérieuse. Je vais investiguer. »

Darius ramène la main de Mathilde vers lui et prend l'autre. Malgré le froid, les siennes sont plutôt chaudes, signe qu'il est en général une véritable fournaise. Sans rien dire de plus, il les frictionne un peu. La leçon d'astronomie est terminée, mais il continue de la regarder.

Du coin de l'œil, il voit apparaître Isak plus loin. Déjà? Le temps a passé rapidement.

« Isak vient me relever, dit-il à voix basse. On se partage un coin à l'écart sur le pont, à l'abri du vent. On peut aller là si tu veux. Sinon, il y a la cale. Pas spécialement plus agréable... Moins de vent, mais un peu plus humide. Moins d'étoiles, mais plus de tranquillité. »

Il ne lui propose pas de rester avec Isak parce qu'il ne veut pas qu'elle reste avec lui. Et il ne parle pas de dormir parce qu'il ne veut pas dormir. C'est, en réalité, la dernière chose qu'il a envie de faire.
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