[TERMINÉ] Voyage de noces... ou la fuite d'un chaos intérieur [Rosen x Hector]

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

Hector se montre plutôt déçu – probablement frustré même – mais sommes nous des bêtes ? Pas que je sache… Ni des machines, d’ailleurs. Et ses sollicitations permanentes se révèlent de plus en plus épuisantes. Oui, j’ai envie de lui moi aussi. Mais pas à tout bout de champs.

Pas quand j’ai la tête ailleurs. Pas quand je suis tracassée… et finalement, faire ça pour le faire en cinq minutes, où est l’intérêt ? Je n’en vois pas. Mais peut-il seulement le comprendre ?

Nous rejoignons donc l’extérieur sur nos gardes, puis montons sur nos juments pour reprendre la route. J’espère vraiment que nous n’aurons plus d’autres déconvenues… Je crois que j’en ai assez eu pour la journée. Mais faut-il croire que cela n’a pas été suffisant pour Hector qui en rajoute une couche en me parlant d’instinct maternel et autre fariboles…

Je pourrais bien essayer de changer de sujet ou de simplement lui dire que je n’ai pas envie de parler de ça. Mais je sais très bien que ça va ne faire qu’empirer cette frustration que je ressens déjà chez lui. Que dire ou faire alors ? J’ignore bien que répondre à ça. L’instinct maternel…

Ai-je donc la tête d’une mère poule ?! Je n’ai jamais voulu avoir d’enfants… et aujourd’hui encore, je m’en passerais bien, si je le pouvais. Je ne vois pas comment je pourrais vouloir protéger quelque chose dont je n’ai pas envie…

La jument de Hector s’agite un peu et il la gratifie d’une petite tape. J’espère qu’il n’y a pas de danger…

« Je sais pas si je suis prête… pour ça… dis-je finalement. Avoir un enfant... »

Oh bien sûr, je n’ai plus vraiment le choix maintenant. C’est avant qu’il fallait y penser… Mais même si c’est un peu tard, ça ne change rien à cela. J’aimerais prendre une tisane abortive ou autre chose du genre, mais je ne crois pas que Hector me laisserait faire. Le faire dans son dos ? Il pourrait s’en douter.

Et après ?! Je retomberais bien enceinte un jour ou l’autre. C’est long, une vie… C’est sans issue. Hector serait-il prêt à faire en sorte que je ne tombe plus enceinte à l’avenir ?

Serait-il prêt à se contenter de préliminaires ou autre arrangements ? A mettre des protections viscérales ? Cela m’étonnerait. Et je ne voudrais pas qu’il court vers une autre pour se contenter sitôt que j’aurais le dos tourné…

Non, c’est sans issue.

« On a à peine à manger pour nous… le danger est partout… j’essaie tout de même d’argumenter. Je ne sais pas quel avenir il pourrait bien avoir. Et puis, je n’ai jamais voulu d’enfants. Ça va tout changer dans notre vie… Et c’est déjà assez compliqué comme ça. Je ne crois pas que ce soit… enfin, si c’était possible d’y remédier… ce serait peut-être bien mieux comme ça. Vous ne pensez pas... ? »

La question est posée. Certes de façon détournée, mais bien posée quand même. Bien entendu qu’il est toujours possible d’y remédier… encore faudrait-il qu’il le souhaite aussi et qu’il me le permette. Autrement, je pourrais toujours essayer sans le lui dire quand même. Les fausses couches, c’est courant après tout et il n’en saurait absolument rien avec un peu de chance. Il est tellement naïf...

Mais je ne sais pas comment je pourrais bien trouver ça. Je ne me vois pas demander ça à l’autre sorceresse. J’aurais bien trop peur qu’elle ne lui en parle… Je n’ai aucune confiance en elle.

En personne, d’ailleurs. Peut-être en Hector à la rigueur… et encore. C’est vite dit. Cette ‘confiance’ a bien failli me tuer. Non, je n'aurais que peu de chances de trouver une solution sans l'approbation de mon époux... Ah, que j'aimerais qu'il n'y ai que nous deux... juste nous deux... sans personne autour, sans enfants entre nous. Mais du reste, le choix est entre ses mains.

La décision lui appartient...

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

J’expire doucement de lassitude. Comment ai-je pu être assez sotte pour espérer qu’il puisse seulement me comprendre et envisager une seule seconde de me laisser me défaire de cet enfant. De son enfant… Comme il le dit si bien, c’est dans l’ordre des choses. Je suis sa femme maintenant…

Et en tant que tel, mon devoir est de le satisfaire et de lui donner des enfants, que je le veuille ou non. Et visiblement, il y tient. Ah, je savais bien que je n’étais pas faite pour le mariage… Mais c’est ainsi dorénavant. Il y aura cet enfant, et puis un autre, et encore un autre. Beaucoup d’autres… Si j’y survie.

Il n’y en aura pas qu’un, non. Étant donné l’appétit insatiable de Hector, je peux m’estimer heureuse si je ne meure pas en couche… à y réfléchir de plus près, j’ai de grandes chances de mourir d’une grossesse ou d’un fangeux… disons que j’ai bien une chance sur deux de mourir de l’un ou de l’autre cas ! Ah, que c’est joyeux… Il faut que je fasse quelque chose. Mais quoi ?

Je ne peux visiblement pas compter sur la compréhension de Hector. Il estime que nous devons nous réjouir. Je ne me vois pourtant pas avoir un enfant déjà, mais je me vois encore moins en avoir un tous les un ou deux ans… La solution, je devrais la trouver seule. Comment pourrais-je ne plus être fertile ? Il doit bien y avoir une solution… Des tisanes préventives ? De la sorcellerie ?

Sinon, ne plus lui dire quand je suis enceinte, et m’enfiler de la belladone… Je devrais survivre à une ou deux baies… j’ai survécu à 4 ou 5 ! Est-ce que mettre ma vie en danger est une solution ? Vous me direz, de toute façon… accoucher me mettra certainement plus en danger qu’une simple baie toxique. Il faudra que j’y réfléchisse… Que je demande conseil à quelqu’un…

Je me souviens alors de cette herboriste des faubourgs. Peut-être que si je vais la trouver, elle saura m’aider... Mais ça fait plusieurs lunes que je ne l’ai pas vue, et elle n’était pas des plus débrouillardes. Si ça se trouve, elle est morte depuis longtemps.

« Oui, bien sûr que c’est normal. Je suis bien d’accord avec vous, comment pourrais-je ne pas l’être… c’est juste que tout va si vite… un peu plus de temps aurait été appréciable pour que je puisse me sentir prête. Il y a quelques lunes encore tout était si différent. Aujourd’hui, je suis mariée, baronne et je vais… et nous allons avoir un enfant. Ça fait beaucoup d’un coup. Avant… »

Je marque une pause. Un héron cendré passe soudain au dessus de nos têtes.

« Avant, ma vie était tellement différente. J’étais différente… » 

Comment pouvoir livrer ce que j’ai sur le cœur ? Il ne comprendrait même pas.

« Et puis je suis arrivée, et tout a changé. Vous savez à quel point j’ai du mal avec cette nouvelle vie, ce nouveau cadre. A quel point j’ai du mal avec les autres… Et puis, un accouchement, c’est tellement délicat comme vous dites. Il y a tellement de risques d’en mourir… Je survivrai peut-être au premier et au deuxième, voire au troisième. Mais après ? Chaque nouvelle grossesse sera un risque supplémentaire. Et une bouche de plus à nourrir si ça se passe bien. Et il faudra que tout se passe bien... Peut-être trouverons nous des solutions pour laisser un peu passer de temps avant le prochain enfant. Il y aura déjà assez à faire avec celui-là. »

J’essaie d’afficher un sourire. Ce sourire que je n’avais encore jamais arboré avant ce renouveau… Pas un sourire provoquant ou satisfait. Simplement un sourire spontanément dans le but de rassurer.

« Ca n’a rien avoir avec notre entente… expliqué-je en baissant les yeux sur le chemin lorsqu’il parle de la mésaventure de toute à l’heure. Mais il nous faudra nous en occuper toute la journée et une bonne partie de la nuit. L’allaitement, les langes, les pleurs à calmer, les douleurs… Nous serons bien trop fatigués pour faire quoi que ce soit d'autre. J'imagine que Pénélope ne pourra pas passer son temps à s’en occuper, elle a déjà la cuisine à faire et doit garder un œil sur les enfants. Elle s'en occupera lorsque nous aurons d'autres obligations surtout... La chasse, les affaires... »

Et je ne tiens pas à confier mon bébé à quelqu'un d'autre que Hector ou elle. Il n'y a personne d'autre à Sombrebois en qui j'ai assez confiance pour ça. Puis je conclus sur cette dernière phrase pour tenter de rattraper ce qui peut l’être :

« Je ne sais pas ce qu’il m’a pris tout à l’heure… je n’ai pas vraiment réalisé ce que je faisais avant de me retrouver l’arc en main. Je crois que je suis à cran, ces derniers jours et la matinée ont été éprouvants. Je vous avais dit que j’avais besoin de rester seule… Je ne me le serais jamais pardonné si je vous avais décoché une flèche, réalisé-je alors. Je ne voulais pas faire ça, je n’aurais pas dû réagir de la sorte... »

Il est certain que la panique n’a pas aidé. A présent, je me sens tellement… je ne saurais pas comment l’exprimer. Stupide ? Quelque chose comme ça. C’était vraiment nul… C’est étrange, cette sensation. Je fais tout de travers... Hector est si particulier à tout prendre à la légère. Il a cette désinvolture infantile, comme si rien n'avait d'importance... Mais je ne voudrais pas tout gâcher avec lui.

Le chemin se poursuit et enfin Piana se dresse devant nous. Ce n'est pas trop tôt... Nous nous hâtons de rentrer à l’intérieur au plus vite de nous installer pour grignoter un peu.

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

Le cadre de cette vieille auberge est bien plus agréable que la ruine miteuse de Balazuc, je dois bien le reconnaître, même si l’intérieur laisse à désirer par manque d’entretien.

Mais on ne va pas se plaindre ; Après tout, on est là que pour une nuit, alors qu’importe la poussière et les éclats de bois pourris jonchant le sol – c’est toujours mieux que des os, après tout.

Nous finissons de manger dans un silence plutôt opaque. Hector rompt finalement le silence pour reprendre la précédente discussion - et j’ai comme l’impression qu’il ne démordra jamais. Il est persuadé que tout se passera bien, qu’on sera heureux. Ce perpétuel optimisme devient déroutant. Nous verrons bien...

Nous verrons bien s’il reste aussi positif dans le temps.

« Oui, il y a toujours des solutions », réponds-je sans vraiment y croire, mais je ne veux pas le contredire.

Il a pris sa décision. Ca ne servirait à rien de ruminer ou d’essayer d’insister pour lui faire entendre mon point de vue. Ca ne sert à rien de lui dire que non, je n’ai vraiment pas envie d’avoir un chiard sur les bras, accroché continuellement à mes mamelles. Un putain de chiard qui va me déformer et me faire devenir un sac à graisse…

Que non, j’ai pas envie de devoir mettre les mains dans la merde en permanence, de me faire dégueuler au visage et d’entendre hurler toute la journée. Je supporte à peine les gosselins de Sombrebois… Mais à quoi bon, c’est perdu d’avance.

Il faut que je m’y fasse. Il faut juste que je me fasse à cette vie… Personne ne m'a forcée à l'accepter. Mais j'ai pourtant cette sensation d'avoir été un peu forcée. Cette idée de mariage... Il me l'a presque imposée sur la forme.

Comme il décide qu’il est temps d'aller se coucher, nous rangeons nos affaires et nous dirigeons vers l’échelle pour monter et il me tend la main pour m’amener à lui une fois que je suis presque arrivée.

« Qu'il m'est agréable d'être avec vous, seul à seul... »

Là, il m’embrasse, puis dépose ses affaires et se dévêt du superflue.

Seul à seul…

« A moi aussi... Si vous saviez. »

Mais dans quelques lunaisons, nous ne pourrons plus être seul à seul.

Il me prend par la main pour me mener jusqu’à la paillasse où nous allons dormir et je retire mes chaussures pour m’allonger contre lui et je pose ma tête sur son épaule, main sur sa poitrine.

« Me trouverez-vous toujours désirable après la grossesse ? Lorsque j’aurai pris du ventre, que je serai déformée et que ma peau sera fripée et détendue… Je serai bien moche… »

J’ignore comment sa réponse pourrait me rassurer. Au fond de moi, il n’y a rien de pire. Mon corps aussi va changer... et pas pour le mieux. Je n’ai même pas envie d’entendre sa réponse, même s’il disait que oui, il me trouvera toujours aussi désirable, je ne le croirais pas.

Je me redresse un peu pour l’embrasser - et l'empêche ainsi de répondre - et laisser glisser mes mains sous ses vêtements. S’il pouvait y avoir que lui et moi, le monde serait un paradis...

« J'aimerais oublier le passé... Seul le futur est important. »

Cette journée n'a pas été de tout repos. Sans même s'arrêter au voyage, la matinée m'a laissé un goût amer. Mais d'un autre côté, je comprends mieux certaines choses. Je comprends mieux mes angoisses nocturnes et pourquoi cette violence en moi. Pourquoi je ressens tout ça, ce besoin d'écraser le monde.

« Mais je vais devoir le voir en face et l'accepter. Je serais certainement différente si je n'avais pas vécu ce que j'ai vécu, j’explique en continuant de l’embrasser. Si je n'avais pas vu mes parents se faire tuer sous mes yeux. Si je n'avais pas fini dans ce manoir aussi, sans doute... »

Puis je repose ma tête sur son épaule pour réfléchir. Pourquoi ce souvenir me laisse-t-il tant d'aigreur ? Le "noble" individu qui y résidait - abject serait certainement bien mieux approprié - n'a jamais été réellement bon avec moi. Il y avait quelque chose de désarçonnant.

« Mais c'est comme ça. »

J’attrape la main de Hector.

« Je me souviens de... je n’aimais pas être près de cet homme. J’avais le ventre noué. »

Je continue de caresser le corps de Hector machinalement, mais je ne suis plus qu’à moitié là. A moitié perdue dans mes souvenirs...

« J’appréhendais sa présence. Je ne sais pas pourquoi… je ne crois pas qu’il m’ait frappée. Je crois au contraire qu’il était très caressant. Mais j’aurais donné n’importe quoi pour être ailleurs. Je n’aimais pas vraiment ce qu’il me faisait faire… Mais je savais que mon oncle ne reviendrait jamais. »

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

Au contraire de ma précédente tentative de communication que je ne pensais pourtant pas renouveler, Hector semble cette fois se montrer plus réceptif. Il n’en fallait pas moins pour que je puisse tenter de faire table rase de ce passé une bonne fois pour toute afin de tourner la page définitivement.

Repartir sur autre chose, m’approprier pleinement cette nouvelle vie et y trouver ma place. Je me rends compte que je ne pourrais pas y parvenir sans ça. Sans savoir, sans comprendre ce qui me tourmente et me hante depuis mon enfance. Tout ce qui me ronge. Ma vie n’a été qu’un long parcours chaotique ininterrompu...

Aujourd’hui encore ça ne s’arrête pas, mais si je veux faire en sorte que ça change, il ne tient qu’à moi de faire ce qu’il faut. Hector et moi traversons de nombreuses épreuves ensemble, les mêmes, et pourtant, rien ne semble l’affecter autant qu’à moi. Rien ne semble l’affecter du tout... J’étais un peu comme ça autrefois à un certain niveau.

Rien ne m’atteignait vraiment. Ni le danger, ni la moindre émotion. Je ne connaissais pas vraiment la peur… autre que celle du danger immédiat. Et quelle peur ! Ce n’était qu’un sursaut, un regain d’énergie euphorisant. Pas une trouille qui fait perdre tout moyen… Pourrais-je trouver le juste milieu entre ce que j’étais et ce que je suis devenue ?

Je continue de caresser Hector mais je remarque soudain qu’il ne réagit plus. J’aurais pu croire qu’il s’est endormi, s’il était seulement possible de s’endormir aussi vite. Mais pourquoi alors sa main dans la mienne s’est-elle soudainement relâchée comme s’il ne souhaitait plus la tenir ?

Ai-je dit quelque chose de mal ? En quoi aurais-je pu le léser ? Je ne comprends pas. Je sens que quelque chose ne va pas, mais je ne comprends pas. Et au moment où j’allais lui demander si j’ai dit quelque chose qui l’a mis en colère, il me devance en disant d’un ton étrangement sinistre :

« Mon amour... »

Il me sert dans ses bras et m’embrasse comme pour me réconforter. Je ne comprends pas ? Il ne semble pas être en colère finalement… Mais alors quoi ? Je ne sais pas ce que j’ai dit. Je cherche à comprendre ce qui cloche et alors, je me figure que, peut-être, il aurait pu mal comprendre ce que je lui ai dit.

« Mais… Non, c’était pas... il n’a jamais été violent… J’avais à manger et une chambre, une éducation… C’est juste que… »

C’est pas ça, je le sens… mais quoi ? Qu’est-ce qui m’échappe… Ça a soudain l’air de prendre des proportions bien plus terribles que ce que je peux dire… Et je n’ose plus rien dire.

 « que… qu'il... »

Je crois que…

Je me perds alors un moment dans mes souvenirs. Qu’est-ce qui peut bien paraître si tragique dans ce que cet homme faisait ?

Je n’aimais pas sa façon de sourire… de me parler. Je n’aimais pas sa façon de mettre les Trois en avant quand il me demandait de faire ce qu’il voulait. Je n’aimais pas tout ce qu’il m’imposait ni la moitié de l’éducation qu’il m’enseignait. Je n’aimais pas sa façon de me donner le bain, sa façon de me tenir contre lui ni de me traiter de bonne ou vilaine fille. Et les souvenirs remontent, et je réalise alors, comme un soufflet en pleine face.

Tout cela bien que terriblement désagréable me paraissait presque naturel. Je devais avoir huit hivers… Que connaissais-je donc du monde ?

Un souvenir me revient alors, peu après mon arrivée à la Bonne Fortune. Combien de fois Marie et les autres m’avaient dit de ne pas déambuler à moitié nue dans l’établissement quand j’allais me laver ou venait de terminer, ou quand j’allais aux latrines ? Je ne sais plus… Je ne comprenais pas vraiment pourquoi c’était quelque chose de tellement naturel et normal dans un foyer et tout le contraire dans l’autre…

« Ce n’était pas normal… ? » dis-je alors d’un ton légèrement interrogatif.

Non, ce n'était pas normal... Je le sais bien maintenant.

Je crois que Hector a compris plus vite à mes mots que les souvenirs ne me sont revenus. Des souvenirs étranges, brumeux, légers et fragiles, imperceptibles mais inextricables.

Des souvenirs qui là encore, me paraîtraient pourtant presque naturels. Mais non, ça ne l’est pas. J’ai le recul nécessaire pour le comprendre à présent, et le cheminement s’est fait avec une rapidité inexplicable. Si c’était normal, Hector n’aurait pas réagi ainsi. Mais tout reste confus…

Sur son ventre, mes doigts se crispent un peu sans que je ne le remarque sur le coup.

Le passé restera le passé. Je dois aller de l’avant.  

Je sers fort Hector contre moi. Tant qu'il est là, tout ira bien...

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

C’était pourtant si loin. Perdu dans un gouffre d’oubli. Tout ce qu’il a pu se passer, tout ce que j’ai pu ressentir. La peur, le malaise, l’incompréhension, le dégoût. Tout ce que j’ai enduré, tout ce que j’avais archivé au plus loin de mon âme. Maintenant tout est ressorti. Tout est remonté en surface.

Je ne saurais décrire ce que je peux ressentir. C’est une sorte de confusion indicible.

Hector me confirme bien évidemment l’évidence, non, ça n’avait pas à arriver. Ca paraît logique, mais j’ai l’impression d’avoir l’esprit embrumé. Il faut que je pense à autre chose.

Que je passe à autre chose. J’ignore si c’était une bonne idée que de vouloir déterrer ces souvenirs. Est-ce que je me sentirais mieux ? Je l’ignore. Il faudra sans doute du temps. Peut-être même que c’est perdu d’avance.

J'aimerais comprendre ce qui déconne chez moi. C’est comme si on me disait que tuer est immoral. Que tuer n’est pas normal. Je le comprends, je le conçois. Mais j’ai déjà tué.

Est-ce que cela m’a choqué ou paru terriblement indécent ? Pas le moins du monde. Et prise dans un tourbillon troublant, je me blottie contre Hector qui pose sa main sur la mienne en me disant qu’il m’aime et que ça va aller.

« Oui, tout va bien », je lui confirme.

Hector se lève pour remonter l’échelle, chose qu’il m’explique avoir oublié de faire. Je l’entends soupirer, râler même et alors que je le regarde confuse, il finit par me sourire.

Pester puis sourire… ? Cela a-t-il quelque chose de logique ?

« Pourquoi souriez-vous ? », je lui demande alors qu’il revient s’allonger contre moi.

Un sourire… à quoi cela peut-il bien rimer ? A de l’amusement ? Que trouve-t-il donc de drôle ? Se moquerait-il encore de moi ? Non, ça n’a aucun sens. Pas ce soir… Ce serait bien trop cruel et Hector n’est pas cruel. Sourire pour autre chose que de l’amusement…

Ne lui ai-je pas souri plutôt ? Je me sentais... penaude… de l’avoir menacé avec mon arc. Je voulais le rassurer. Mais il n’a pas à s’en vouloir et je n'ai pas à être rassurée, alors je ne sais pas.

Est-ce que cela a une réelle importance après tout ? Je me blottie à nouveau contre lui et je le prends dans mes bras pour l’embrasser. Qu’importe, rien n’a d’importance au fond.

Tant qu’il y a lui et qu’il y a moi, tout va bien. Et je me remets à caresser son corps aux nombreuses cicatrices avant de finalement monter sur lui pour l’embrasser avec plus de vigueur.

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

J’ai écouté Hector me donner ses explications que je comprends à peine. Il a parlé, il a parlé… il parle trop pour dire si peu de choses, et moi j’ai perdu le fil. Mais il a l’air content… Content que je lui parle et que je m’ouvre à lui. il a l’air bien, il a l’air de vouloir me rassurer. Mais je vais bien moi aussi. Seul l’avenir compte, le reste n’a plus d’importance. Et puis les mots ont enfin laissé place aux gestes embrasés.

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

Lorsqu’il a terminé et que vient l’heure de dormir, je me relève doucement pour souffler la bougie et me rallonger contre lui. Je n’ai plus besoin de ça… Je ne veux plus avoir besoin de ça. Je peux m’habituer au noir et en haut, nous sommes en sécurité.

 Je ferme les yeux et je m’endors apaisée en quelques secondes.

Au matin, Le bruit de la porte secouée me réveille brusquement. Je crains sur le coup que ce ne soit quelqu’un ou quelque créature, mais il semblerait au souffle que j’entends qu’il ne s’agisse que du vent.

Je me redresse, étreinte par une forte sensation d’inconfort gastrique. J’ai une de ces envies de vomir… Je me lève, à moitié dépenaillée, tourne un peu en rond le temps de réaliser où je suis - sur la mezzanine de cette auberge d’un autre temps – afin de chercher un endroit où vomir.

Non évidemment, il n’y a pas de latrines à l’étage et je finis par me rendre dans le coin le plus éloigné de la couche pour, en tenant mes cheveux, recracher des humeurs. Bon, pas grand-chose le ventre vide, juste un filet… juste un filet de bile douloureux. J’essaie de respirer calmement pour calmer mon estomac. Quelle merde… Je me retourne vers Hector pour voir si je l’ai réveillé.

Je m’étire un peu et lui souri. Hormis les troubles de mon estomac, je me sens bien.

« On devrait y aller. »

Je laisse Hector replacer l’échelle pendant que je refais mon chignon et nous redescendons. Je me sens de bonne humeur ce matin, je ne saurais pas dire pourquoi. Les troubles de la veille semblent plus légers, presque envolés. Et ces images si éprouvantes de sang, de cris et de mort ne semblent à présent qu’un lointain souvenir. Dehors, je prends mon outre pour me rincer la bouche et recrache l’eau par terre.

« Il y a du vent, non ? je questionne mon époux. Il fait assez froid ce matin... »

L’automne approche à grand pas. Mais quand même… Le ciel semble assez gris, l’air frais et le vent souffle avec une certaine vigueur. Ca va pas être une journée de voyage agréable de toute évidence. Étrange, comme l’a dit Hector, le temps semblent assez détraqué. M'enfin... Nous nous remettons rapidement en route pour Ménerbe, les juments renâclant et semblant assez tendues.

« J’espère que ça ne durera pas et que le soleil va revenir. Je n’aimerais pas que l’on se reprenne la pluie. »