[TERMINÉ] Voyage de noces... ou la fuite d'un chaos intérieur [Rosen x Hector]

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

Parfois, tout pourrait aller bien, mais tout va mal. Parfois, tout va bien, mais il suffit d’un petit rien pour que tout s’écroule. Parfois, rien ne va sauf une chose. Et quand cette chose finit à son tour par s’effondrer, que nous reste-t-il alors ? Plus rien sinon qu’un tapis de cendre.

Et quand le pilier d’un univers ploie sous tant de poids, il n’y a probablement plus rien à faire, sinon se résigner à se voir enterrer vivant sous les décombres et à y succomber lentement en attendant son heure. Et quand plus rien ne va et qu’il n’y a plus rien à sauver, à quoi bon lutter ?

Quand celui pour qui on a changé, quand celui pour qui on a voulu faire tous les efforts possibles, celui qui vous a toujours porté et pour qui on a détruit sa vie, se décide à devenir impitoyable et à vous accabler au lieu de vous soutenir, que reste-t-il à faire ?

Comment ne pas se sentir totalement abandonnée ? Et lorsqu’il se met à dire que je ne fais aucun effort pour me faire accepter à Sombrebois, je tombe des nues. Comment peut-il seulement dire une chose pareille ? J’ai fait tout mon possible pour m’intégrer, mais ça n’a servi à rien.

D’accord, je n’ai pas toujours été intègre. Je n’ai pas toujours été bienveillante et j’avoue que j’ai toujours aimé jouer avec les autres. Et après ? Je suis comme ça ! Et malgré ça, je n’ai jamais cherché à nuire à quiconque ici. J’ai aidé ce putain de chef de la garde à se rapprocher de sa bûcheronne. J’ai essayé de me confier à lui. Le résultat ?

Il n’a même pas voulu être mon témoin parce qu’il ne me connaissait pas assez… comme si quelqu’un à Sombrebois pouvait seulement me connaître plus que lui ! Ensuite ? Le jour même de mon mariage, il a réussi à se montrer désagréable avec moi et à m’afficher devant Hector, alors que je ne lui avais témoigné d’aucune hostilité… Et sa bûcheronne, on en parle ? Elle m’a fusillée du regard sitôt qu’elle m’avait vue avec lui. Déjà qu’on ne se côtoyait pas vraiment. La prêtresse ? C’est le pompon ! La cerise sur le gâteau…

Le voilà maintenant qu’il m’intime de lui faire confiance et devenir son amie ?! Je suis en plein délire là ! Là aussi, parlons-en, tiens ! Cette sale garce qui a essayé de me supprimer. Qu’est-ce que j’ai fait en retour ? J’ai dû rester à son chevet pendant une semaine, le temps que Hector revienne.

Oh, je m’en souviens. Et vous dites moi ? Vous vous rappelez, comme j’ai fait de mon mieux pour prendre soin d’elle alors qu’elle, pendant ce temps, me méprisait ? Non. Ce n’est vraiment pas juste. Pas juste ! Et c’est tout ce que j’ai réussi à lui répondre, offusquée à m’en étouffer.

« Mais c’est pas juste ! »

Sans compter les rumeurs comme quoi je l'avais empoisonnée pour me venger. Oh bien sûr, je pourrais lui dire tout ça, mais à quoi bon ? Non, je n’ai pas envie de débattre ni de me justifier. Il y a un moment où les mots ne sortent plus et je suis en plein cœur d’une spirale infernale alors je lâche prise, il n’y a que ça à faire.

« C’est terriblement injuste ! j’ai rajouté indignée. J’ai fait mon possible ! »

A quoi sert-il de faire des efforts si c’est pour entendre de telles injustices ? Je crois que j’en ai bien trop fait. Et à quoi cela a-t-il bien pu servir, sinon à me causer tout ce tort ? Je peux tout endurer, ça m’est égal. Ça m’est égal parce que rien n’a d’importance. Mais à quoi bon si je n’ai même plus son soutien ? A quoi bon s’il rejette tout sur moi en bloc et si tout est de me faute pour lui ?

J’ai été stupide. J’ai eu un moment de faiblesse et j’ai lui ai dit que tout était de ma faute. Voilà le résultat ! Maintenant il m’affuble de tous les torts – et surtout de quelque chose dont je ne suis pas responsable. Ça m’apprendra. Ah, on ne m’y reprendra plus !

Et alors que je l’ai promptement entraîné dehors et que nous nous sommes remis en route, j’ai fini par dire comme il m’a demandé de lui parler du blasphème dont j’ai été assez stupide pour lui en parler :

« Oh… j’ai parlé de blasphème ? Vous avez mal compris… c’est de ma faute, je me suis mal exprimée. »

Il est assez sot pour me croire, m’est avis. Et s’il capte que je me joue de lui, c’est pas plus mal. C’est fini. J’ai été trop faible par sa faute, mais aujourd’hui c’est fini. Il est temps que je redevienne celle que j’étais. Que je redevienne moi. Que je redevienne l’intouchable. Celle qui écrase les autres et non plus celle qui subit. La vie est tellement plus belle ainsi… Tellement plus savoureuse.

J’ai cru l’espace d’un instant qu’il avait fait de moi quelqu’un de meilleur. Foutaise. Il a gagné, je ne sais par quel moyen ni quel miracle, ma confiance. Mais c’est fini, il vient de tout détruire.

Non, il n’a pas fait de moi quelqu’un de meilleur. Juste quelqu’un de plus faible, comme je l’ai bien compris depuis un moment. Et plus faible, c’est plus con et vulnérable. On ne peut pas survivre en étant faible et vulnérable. Alors ma confiance, il peut bien l’oublier à présent. Il peut toujours courir pour avoir la moindre confidence dorénavant.

Et bien évidemment, il ne comprend toujours rien. Peut-être est-il temps de lui faire comprendre les choses. De lui faire comprendre à qui il a à faire une bonne fois pour toute.

« Encore une chose… je ne dois rien à personne. Ni à vous, ni à qui que ce soit. Tenez-vous le pour dit… Tout ce que je peux bien accepter, c’est parce que je le veux bien. Alors, votre prêtresse… vous pouvez retourner la baiser si vous voulez, mais n’attendez pas que je copine avec elle. Nul ne saurait me forcer à quoi que ce soit. L‘épouse est la propriété de son époux mais la Rosen n’est la propriété de personne. »

Et je talonne la jument pour la faire avancer plus vite de sorte à distancer Hector. Il veut que je sois blessante ? Il n’a encore rien vu. Il va être servi... C'est avec grand plaisir que je vais lui montrer de quelle manière je réduis les gens en miettes.

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

Je poursuis ma chevauchée sans plus accorder d’attention à mon époux. A aucun moment il ne cherche à revenir à ma hauteur et à aucun moment je ne me retourne pour regarder où il en est.

Le bruit des sabots me fait savoir qu’il est toujours là et c’est le principal. Je me concentre donc sur le chemin, perdue dans mes pensées. Le temps avance bien lentement, mais le soleil descend toujours plus bas vers l’horizon. La plaie sur ma pommette me démange affreusement et me laisse un arrière goût amer. Comme si j’avais besoin de ça…

J’essaie d’éviter de me gratter parce que c’est bien connu, plus on gratte et plus ça gratte. Et plus j’y pense et plus j’ai envie de gratter, et plus j’ai envie de gratter et plus j’y pense… vous voyez le cercle vicieux ? J’aimerais tellement que tout ça ne soit jamais arrivé.

Des fois, je me dis même que j’aurais aimé ne pas rencontrer Hector et être restée dans mon ancienne vie. Tout aurait été tellement plus simple. J’aurais sans doute raté plein de choses qui valaient la peine d’être vécues. Mais je n’aurais pas détruit ma vie comme je l’ai fait.

Je n’aurais pas ouvert les yeux sur ce monde et sur les autres. Je serais restée moi, la chasseuse et tavernière sans peur ni sentiment. Avec une petite situation et une certaine popularité. Certes, pas bien haute, mais toujours mieux comparé à ce que je vis à présent. Était-ce donc une erreur ?

N’importe qui dirait que oui, j’en suis sûre. Mais je ne veux pas penser ça. Je veux y croire quand même… C’est alors que le hennissement de Moto, derrière moi, me sort de ma torpeur. Je me retourne vivement pour comprendre ce qu’il se passe. Je trouve alors Hector étendu dans une flaque, inanimé.

L’arc rapidement en main auquel j’encoche une flèche, je cherche autours de moi, dans les arbres, mais je ne vois rien. Je suis totalement vulnérable. Je ne peux pas m’éloigner du chemin et garder l’arc, c’est l’un ou l’autre.

J’attends mais je ne vois personne. Et si des malfrats attendaient juste le bon moment ? Que je range mon arme et que je me rapproche de Hector… Je ferais une cible bien plus aisée. J’observe ce dernier, il n’y a aucune flèche plantée dans son corps. J’observe Moto ;

elle boitille légèrement, sans pour autant s’éloigner bien loin. Je range alors mon arc et ma flèche et descends de ma jument pour me diriger vers mon époux. J’imagine que sa jument a dû faire un faux pas…

mais pourquoi ne se relève-il pas ? Et s’il s’était rompu le cou dans la chute ?! Quoi, on aurait vécu tout ça pour qu’il meure ainsi, comme un con ?! Ce serait tellement bête…

Alors je serais veuve, avec son héritier dans le ventre, sans aucune idée de comment annoncer aux autres ce qu’il vient de lui arriver et sans aucune idée de comment gérer son putain de domaine… Ni même aucun moyen de brûler son corps ! Et le pire dans tout ça, c’est d’avoir fini sur un dispute… Non, c’est trop ! Mais quand est-ce que tout ça va cesser ?! Je ne sais même plus comment on en est arrivé là... tout est tellement dément. Tout est tellement terrifiant.

« Hector ! », je m’inquiète en venant m’agenouiller au dessus de lui.

Je m’allonge contre lui et pose ma main puis ma tête sur son cœur pour voir s’il bat toujours, mon autre main sur son ventre. Il s’est peut-être juste assommé… ou il est en train de mourir. Je ferme les yeux. Son cœur bat toujours, mais pour combien de temps ? Là est la bonne question.

Tous les cœurs battent. Jusqu’au jour où ils cessent irrémédiablement. Je ne bouge pas. C’est pas grave… S’il doit mourir, je mourrais avec lui. A quoi bon repartir seule… Je me blottie contre son corps.

Avec un peu de chance, il se relèvera avant la nuit et tout sera fini de sa main, si je puis dire. Sinon, tant pis. Dans tous les cas, la fange m’emportera… Cette fois, ça ne prendra pas des jours avant qu’on ne me tire de là. Ce sera plus rapide. Cette fois, je ne survivrai pas à ma famille. Je partirai avec elle.

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

A quoi bon lutter quand rien ne va. Hector ne réagit pas le moins du monde à ma présence contre lui. J’osais espérer qu’il se réveille et me serre dans ses bras ou n’importe qu’elle autre réaction, mais il reste parfaitement inanimé.

Que suis-je donc censée faire ? Je ne suis pas soigneuse et à quoi bon s’acharner lorsque plus rien ne va ? Il vit peut-être ses derniers instants. Je reste donc moi même sans réaction, blottie contre lui.

Spoiler:

J’en ai assez de tout ça. A quoi bon dites moi ? Je le serre contre moi – ou je me serre contre lui ? Je crois que cela revient au même. Je sens le froid m’envelopper. Ce froid effroyable.

Non ce froid n’est pas extérieur, il vient de l’intérieur. Toute lumière a disparu. Je n’attends plus rien, si ce n’est l’heure de ma mort. Je me rends compte que je caresse le ventre de Hector par de légers mouvements de mes doigts glissant sur sa peau sans que ma main ne se déplace.

Combien de temps avant notre trépas ? Combien d’heure ? Je ne sais plus mais je me sens glisser vers un bien étrange sommeil.

Certainement vers le dernier sommeil, celui vers lequel on plonge lorsque l’on sait qu’il n’y a plus rien à espérer de la vie. Vers ce dernier sommeil qui s’annonce comme étant un sommeil permanent. C’est alors qu’un hennissement me fait émerger de mon état apathique…

et fait réagir Hector qui relève la tête comme si de rien était. Lorsque je relève la tête vers Hector pour comprendre ce qu’il se passe, ce dernier se contente juste de me repousser durement pour se lever.

Je ne comprends plus rien. Il n’était pas inconscient alors… il s’est juste joué de moi. Comment peut-il faire une chose pareille ? Mais il ne s’arrête pas là. Il se dirige vers sa jument et décide de repartir sans même me jeter le moindre regard.

Toujours à moité par terre, je le regarde totalement hébétée reprendre place sur sa monture et s’éloigner sans même chercher à savoir si je le suis.

S’il ne veut plus de moi, à quoi bon le suivre ? A quoi bon lui infliger ma présence et à quoi bon devoir endurer tous ces gens qui n’ont aucune sympathie pour moi ? A quoi bon endurer ce putain de château aussi sombre que la mort ? Il peut bien repartir seul alors. Je n’ai plus ma place là-bas…

L’ai-je seulement déjà eue ? Non, jamais. Et c’est de ma faute n’est-ce pas ? Parce que je n’ai pas voulu me rabaisser à me rapprocher d’une femme qui m'a toujours haïe et qui a voulu me tuer ?

Parce que je n’ai pas réussi à me faire accepter par des gens qui n’éprouvent au mieux que de l’indifférence à mon égard, au pire du mépris ? Oui, d’accord, c’est de ma faute, s’il y tient. Mais à présent, j’abandonne tout.

Qu’il rentre seul alors. C’est sans doute mieux comme ça. Il n’y a pas besoin que l’on soit deux à mourir, je suis la seule de trop de toute façon. Et alors que je le vois disparaître sous le soleil qui descend toujours plus bas à l’horizon, je m’allonge à terre et je regarde le ciel.

Combien de temps avant la nuit ? Quelques heures. Peut-être deux ou trois. Si je parviens à m’endormir, avec un peu de chance, je ne verrai même pas la mort arriver. Je soupire. C’est pénible, cette pression dans la poitrine... et cette envie de me lever pour me défouler sur tout ce qui m’entoure.

Je me ramasse sur moi même. Que ça vienne vite qu’on en finisse une bonne fois pour toute. Voilà, ça sera ça mon destin. Je mourrai seule avec mon enfant. Je pose la main sur mon ventre. Je crois que c’est la première fois que j’ai ce geste… C’est étrange.

Ça pourrait même être agréable et apporter un certain réconfort, dans une autre situation. Je souris malgré moi. Il me restera au moins un petit bout de lui avec moi, jusqu’à la fin. Je ferme alors les yeux et m’endors doucement.

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

Alors que je somnole recroquevillée à côté de la flaque d’eau dans laquelle mon époux est tombé précédemment, c’est sa voix retentissante, comme un mirage, qui me tire du sommeil vers lequel je plongeais. Mais non, ce n’est pas un mirage.

Il me prend dans ses bras et me demande de le pardonner. Il me dit qu’il faut qu’on se soutienne, qu’on se pardonne, qu’on reparte, que la nuit va tomber… Ouais.

Moi je le regarde à moitié endormie et lui m’embrasse et me relève en me soulevant par la taille. J’ai du mal à comprendre… je ne comprends plus. Comment a-t-on pu en arriver là ?

Je regarde le ciel. Le soleil est en train de disparaître. C’est bien beau de m’abandonner en plein milieu des marais et de revenir s’excuser comme si de rien n’était. J’en ai assez de tout ça.

J’ai tellement de choses que j’aimerais lui crier pour le faire réagir. Mais j’abdique parce que je ne veux pas empirer la situation. Il n’y a pas le temps de se disputer et je n’en ai plus l’envie.

Je suis juste à bout. Je remonte alors en selle et l’on repart au plus vite vers Ménèrbes. Je ne sais même pas où l’on va dormir. Si on va pouvoir trouver une chambre à l’auberge, si on va devoir retourner chez l’affreuse Marie. En attendant je reste silencieuse.

Une fois dans le village, je suis Hector sans parler. Je crois qu’on va devoir retourner chez notre hôtesse Marie… Ce serait sans doute le plus judicieux. Autant éviter les auberges le plus possible. Je me débrouille donc d’aller me laver rapidement et je rechange ma robe en passant. L’odeur des marécages est tenaces…

Et, une fois fait, je vais me coucher sans attendre. Je n’ai envie de voir personne. Je veux juste dormir et tout oublier. Je ne sais pas à quoi ressemblera l’avenir, mais il me paraît terriblement incertain. Terriblement inquiétant. Quand il n’y a vraiment plus rien qui va, y a t-il seulement une chance de pouvoir se relever ?

Pourquoi aurais-je envie de me battre si plus rien ne va et si je n’ai plus aucune raison de le faire ? Dans le noir, je joue avec mon alliance pensivement, la faisant tourner dans un sens puis l’autre.

Si seulement tout pouvait aller bien… Je reste tournée de mon côté du lit et me tiens tranquillement immobile en attendant le sommeil, le regard rivé dans le vide.

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

Alors que je me repose, perdue dans mes pensées, j’entends le parquet craquer, puis la porte s’ouvrir. Je lève rapidement les yeux pour regarder Hector refermer la porte avant de venir vers moi pour me mener à manger. J’ai déjà assez envie de vomir comme ça, si en plus il me met de la nourriture sous le nez… Je soupire et cesse de triturer mon alliance.

Je me redresse pour m’asseoir, et lui, il me remet encore toute cette histoire sur le tapis. J’ai tellement de raisons de lui en vouloir. Tellement de raisons de lui vouloir du mal. Pourtant, je n’arrive pas à être méchante avec lui. Je me demande bien à quoi ça sert lorsque je vois le résultat…

Il dit me trouver blessante et me délaisse dans les marais… Mais m’a-t-il seulement déjà vu méchante ?! Non… bien sûr que non. Et je gage que cela lui ferait tout drôle. Je pourrais lui dire ou lui faire tellement de choses qui le détruiraient. Et pourtant, je n’en ai encore rien fait. A quoi bon dites-moi ? Aussi, lorsque je l’entends clôturer par :

« C'est le seul moyen pour que notre couple survive... »

Je crois que c’est la goutte de trop. Je suis très patiente, mais même ma patience à ses limites. Aussi encore une fois, si l’on doit passer par là et qu’il n’y a plus rien à faire, tant pis, à quoi bon lutter ? Je dépose les armes.

« Pour que notre couple survive ? répété-je en récupérant la gamelle en bois où s’y battent quelques pauvres morceaux de légumes. Allons… je vous en prie. Je ne vous force pas à me supporter plus longtemps si vous n’en pouvez plus. Pourquoi ne me répudiez vous donc pas ? »

Et je le regarde dans les yeux en prenant une première bouchée de panais me semble-t-il, que je mâche bien lentement.

« Non ? C’est que je ne voudrais pas être un fardeau. Voyez-vous… Si c’est pour m’abandonner à votre tour dans les marais… autant en finir promptement. Vous pourriez même m’occire si le cœur vous en dit. Des fois, c’est encore plus simple et rapide. » 
 
Je souris en avalant ma bouchée.

« Je sais, vous allez dire que vous ne voulez pas… que vous ne vouliez pas… n’est-ce pas ? Mais les fait sont là. Il aurait pu m’arriver n’importe quoi. Des bandits, un fangeux insomniaque… que sais-je ! Y avez-vous seulement penser une seule seconde lorsque vous êtes parti sans même un regard ? Moi au moins lorsque j’avançais devant vous, je faisais attention à toujours entendre les pas de votre jument. Mais vous, vous… vous m’avez abandonnée alors même que j’étais pourtant venue dans vos bras. »

Je récupère un autre morceau de légume avant de poursuivre : 

« Pourquoi êtes vous revenu ? Laissez moi réfléchir… vous avez finalement eu pitié ? Il ne fallait pas... ou bien, vous êtes vous souvenu que je portais votre enfant ? »

Je souris encore.

« Il ne fallait pas revenir pour si peu, Hector. Vous savez... dans un monde pareil, de toute façon, il mourra bien assez vite. » 

Je prends une autre bouchée que je mâche toujours précieusement.

« Peut-être que je le perdrai en cours de grossesse. Ou que nous mourrons tous deux pendant l’accouchement. Peut-être un manque de lait… peut-être une maladie. Peut-être un accident… Ou encore la famine. »

Je ne lâche pas son regard.

« De toute façon, je ne voulais pas de cet enfant et il ne m’aura attiré que des ennuis. Il aurait mieux valut qu’il ne soit pas là. Ce n’est pas un monde pour un enfant. »

Je dérobe mon regard un instant du côté de ma maigre pitance, joue rapidement avec de la fourchette.

« Vous voyez, à quoi bon vous en soucier. Vous pouvez bien me laisser mourir… Vous êtes incapable de me protéger de toute façon. Vous serez tout aussi incapable de le protéger. C’est comme quand nous étions là-bas… Vous m’avez fait terriblement honte. Vous m'avez humiliée. On vous a demandé de vous battre. De vous battre pour me sauver. N'avez-vous donc aucun honneur mon cher époux ? Si vous vous étiez vu avec votre insecte… C’est cela que je représente pour vous ? Un misérable insecte ? »

Je prends une dernière bouchée et repose le contenant sur la table de chevet.

« Vous me trouviez blessante, vous disiez ? », demandé-je en lui souriant.

Pour sûr, il n’a encore rien vu de ma cruauté. Il me trouvait blessante ? Peut-être verra t-il à quoi je ressemble quand je le suis réellement. J'ai toutes les raisons du monde à présent.    

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

Je n’ai pas eu le temps de terminer de l’accabler que le voilà déjà qui se jette dans le lit. Et alors que j’ai tranquillement terminé de dire ce que j’avais à lui dire, il m’a supplié à trois reprises d’arrêter. Cela pouvait-il m’arrêter ? Non. Non, car il fallait que ça sorte. Il fallait qu’il l’entende.

Il fallait qu’il comprenne ce qu’il me fait vivre. Mais le comprend-il seulement ? Non, encore une fois puisqu’il ne comprend jamais rien. C’est bien de sa faute si nous en somme là actuellement. De sa faute et de celle de personne d’autre.

« Ne me tuez pas… a-t-il alors lancé comme je me suis enfin arrêtée.
- La seule personne qui a failli tuer l’autre, c’est vous », ai-je simplement répondu.

Puis après un court instant de silence, je termine enfin :

« Regardez-vous… vous n’êtes même pas un homme. Vous n’êtes… vous n’êtes rien, vous êtes seulement la chose la plus pitoyable que je n’ai jamais vue. »

J’aurais voulu qu’il me frappe. Qu’il me réponde quelque chose de cinglant, qu’il quitte la pièce, même. N’importe quelle réaction un peu plus honorable. Mais non, il s’est effondré sur la couche comme une loque. C’est ça que j’ai épousé… une mauviette. Je soupire en me retournant à nouveau de mon côté du lit. 

« Dormons, cela vaut mieux. »

Et je souffle la bougie après avoir déposé la gamelle. Là dans le noir, je me gratte de temps à autre la joue. Cette maudite plaie n’arrête pas de me démanger depuis hier et je dois me faire violence pour ne pas arracher la croûte. J’ai déjà dû le faire sans même m’en rendre compte, je crois. M’enfin...

Je reste attentive à ce qui se passe derrière moi, mais Hector ne semble plus bouger. Je reste attentive à sa respiration un long moment en attendant le sommeil qui a du mal à venir à présent. Je fixe le plafond les yeux ouverts, puis je fixe le plafond les yeux fermés. Cela revient au même à vrai dire dans ce noir d’encre.

La respiration de Hector semble se faire de plus en plus lourde, de plus en plus bruyante, de plus en plus inquiétante. Bien vite, elle finit par devenir caverneuse et peu humaine. J’essaie de me redresser mais je n’y parviens pas. Je suis plongée dans le noir total et je sens que tout vibre autour de moi. Je voudrais crier mais là encore je n’y arrive pas. Je sens mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine et la respiration devenue angoissante ressemble à présent à un râle bestial.

Dans une faible lueur, j’aperçois soudain Hector au dessus de moi. Hector ?! Je me rends compte que nous sommes dans les marais. Le soleil se lève et défile dans le ciel a une vitesse folle.

Une journée qui ne dure que quelques secondes… Hector est sur sa monture et me toise, puis se détourne de moi et s’en va, me tournant le dos.

Et le soleil se meurt, me vouant à une mort certaine. Les monstres se font entendre et se rapprochent et déjà je suis seule.

« Hector ! » m’écris-je paniquée en me redressant.

Je suis de nouveau dans le noir.

« Hector ! Revenez... Hector ?! »

Mais il est déjà loin. Je ne sais plus où je suis. Je sais juste que je suis dans le noir et que Hector m’a encore abandonnée.

« Ne me laissez pas encore ! »

Je cherche ma lame mais elle n’est plus dans son fourreau. Je cherche alors de la lumière. Je tâtonne autour de moi, ma main rencontre une gamelle puis une bougie. Je cherche le briquet, l’allumette et l’amadou pour l’allumer, mais je vous laisse imaginer toute la complexité de la manœuvre lorsque l’on est plongé dans le noir et en pleine détresse. Je fais plusieurs étincelles avec le silex sur l’acier, mais impossible d’allumer l’amadou. Est-ce bien l’amadou que j’essaie d’allumer au moins…

Non, je crois que c’est un morceau de panais. Je tâtonne dans le lit toujours aussi angoissée, cherche d’un côté puis de l’autre cette foutue matière fongique. Mais où est-t-elle donc passée ?!

Je suis incapable d’allumer cette foutue bougie et je ne vais jamais y parvenir sans le combustible... je lance le briquet par terre en proie au désespoir et je m'accoude sur mes genoux, la respiration rapide et le cœur battant la chamade.  

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

J’aimerais qu’il me prenne dans ses bras. J’aimerais que tout s’arrête. J’aimerais qu’il réagisse une bonne fois pour toute. J’aimerais être normale, comme tout le monde. Mais je crois que ce ne sera jamais possible. Ai-je vraiment changé ? Je ne sais plus. Oui sûrement, mais chassez le naturel et il revient au galop. Il n’y a qu’à voir… Je n’ai peut-être pas tant changé que ça au fond.

« Hector... »

Je ne sais même pas ce que je veux lui dire. Je crois qu’il n’y a rien à dire. Juste que de ne pas sentir son habituelle étreinte rassurante au détour de mes cauchemars me laisse totalement désemparée. J’essaie de poser ma main sur lui dans le noir, mais elle ne rencontre que le lit.

« Hector ? »

Je tâtonne rapidement mais il n’y a personne à côté de moi. Où est-il passé ? Quelle heure est-il ?! Serait-ce possible que ce soit déjà le jour et qu’il soit reparti sans moi ? Je me lève rapidement pour descendre.

« Hector ! »

 Je croise les enfants qui montent et je manque rater une marche mais je me rattrape de justesse et finis ma course dans la pièce de vie où je peux apercevoir la maîtresse de maison et Hector.

Je fais un ou deux pas et je m’arrête. J’ai du mal à avoir l’esprit clair. Et alors que je le regarde, je remarque sa hache qui dépasse de son dos. Je fronce légèrement les sourcils en penchant la tête sur le côté.

Non, ce n’est pas le jour. Hector me regarde. Je crois qu’il n’est pas très content de me voir. Bien sûr, pourquoi serait-il content de me voir après toutes les horreurs que je lui ai dites… et pourquoi a-t-il pris sa hache en plein milieu de la nuit ? Mes lèvres s’écartent mais il ne sort aucun mot.

Je n’arrive pas à parler… Je ne sais pas quoi dire. Je ne comprends plus rien. Tout est flou… une fois de plus. Je veux juste que tout aille bien… Je n’ai jamais voulu autre chose. Voulait-il encore une fois partir loin de moi ? Partirait-il en plein milieu de la nuit ? Je ne sais pas, tout est si confus.

Alors je me précipite vers lui pour le serrer dans mes bras. Quand les mots ne sont plus d’aucun secours, il ne reste plus que les actions. Je le sers fort et je ferme les yeux. Un jour viendra où je ne pourrai plus le faire. Que ce soit à cause de l’abandon ou de la mort de l’un de nous.

« Ne me laissez pas… », finis-je par articuler la gorge nouée.  

Voyage de noces...

Rosen feat Hector

Si seulement tout ça n’était pas arrivé. Si seulement je n’avais pas dit tout ça. Si seulement il avait pu me soutenir mieux que ça… me comprendre, au lieu de m’accuser de ne faire aucun effort et de m’abandonner dans les marais ! Pourquoi tout ça ? Comment en est-on arrivés là ? Quelque chose m’échappe.

Je le sers contre moi et la seule chose que j’attends c’est de sentir ses bras se refermer sur moi dans une étreinte réconfortante. Seulement, ce sont des mains hésitantes qui se posent bien timidement sur ma taille. Il n’a sans doute pas envie de m’avoir contre lui après ce qu’il s’est passé, c’est logique… Sa tête se laisse aller sur mon épaule. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est toujours ça.

Il ne m’a pas repoussée. Je sens soudain quelque chose mouiller mon épaule. Mais… il pleure ? C’est pas possible… Un homme ça ne pleure pas ! Je le regarde désemparée. Lui, il me demande comment pourra-t-on repartir après ça.

« Je vous demande pardon… je regrette tout ce que je vous ai dit tout à l’heure, je n’aurais pas dû ! j’étais… c’était… » 

Je ne sais pas comment finir ma phrase, tout se mélange.

« Venez, remontons nous coucher... »

Je le prends par la main et nous remontons. Une fois au lit, je me blottie contre lui. Pourra-t-il me pardonner ?

« Je ne voulais pas… »

Je ne voulais pas, mais ce qui est fait est fait et il est bien trop tard pour les regrets. S’il n’est pas capable de l’accepter… de me voir comme je suis réellement, ne serait-ce que le temps d’une dispute, alors que va-t-il se passer ? Il finira par se débarrasser de moi d’une façon ou d’une autre, ou il finira le restant de ses jours à n’être plus que l’ombre de lui même comme il l’est en ce moment. Pourrai-je le supporter ? Un cas comme l’autre me paraît pourtant inconcevable.

Mais qu’ai-je donc fait ? D’accord, je suis allée trop loin. Mais il fallait bien que cela arrive un jour. Qu’il voit mon être intérieur. Peut-être pas comme ça, peut-être pas contre lui, mais je n’ai rien pu contrôler, ça s’est fait naturellement à force de tensions.

J’ai pu tout supporter ; le malaise avec ses gens, celui avec cet étouffant château ténébreux. Mais le temps passant, je me suis certainement sentie de plus en plus mal, et voilà la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Mais je crois que le temps est venu de lui expliquer et qu’il sache. Il mérite d’avoir des explications après ça, et c’est mon mari. Il doit comprendre. Ça devait bien arriver qu’il finisse par voir mon vrai visage. Un jour ou l’autre, les masques tombent...

Mais comment lui expliquer sans tout détruire ? Si je lui explique, c’est prendre le risque qu’il ne m’accepte pas. Si je ne lui dis pas, il ne comprendra pas. S’il ne comprend pas, il ne pourra pas passer à autre chose ni même me faire confiance. Qu’est-ce qu’un mariage sans confiance ? Même moi, je suis en train de la perdre. Je donnerais tout ce que j’ai pour que tout cela ne soit pas arrivé… Mais ça l’est.

« Oubliez ce que j’ai dit. Le problème ne vient pas de vous... Vous êtes la plus belle chose qui ne me soit jamais arrivée… la seule personne que je n’ai jamais aimée. Le problème, il vient de moi. Je ne suis pas quelqu’un de bien… j’ai essayé de vous le dire plusieurs fois ! Je suis comme ça… J’ai toujours eu tendance à faire ça. »

 Je marque une pause pour rassembler mes pensées.

« Mais vous, vous êtes bon… Vous êtes la meilleure personne que j’ai jamais vue de toute ma vie et c’est pour ça que je n’ai jamais voulu vous faire de mal. J’ai changé avec vous. J’ai essayé de vous le dire aussi… Vous souvenez-vous ? Vous m’avez appris à aimer Hector et je pourrais donner ma vie pour vous, dis-je en prenant ses mains. Mais j’ai besoin de vous maintenant. Que vous soyez fort et que vous me protégiez… Que nous soyons unis et que vous arrêtiez de voir notre fin ou de vouloir m’abandonner. Ce n’est pas comme ça que nous pourrons avancer… Et je ne me vois plus vivre sans vous. »

J’ai la gorge serrée et je ne sais plus vraiment quoi ajouter.

« Cet enfant… c’est vrai que je n’en voulais pas et qu’il nous aura attiré des ennuis. C’est vrai que j’ai pensé que nous en défaire serait le mieux. Mais c’est le nôtre… C’est vous et moi réunis. Et maintenant que j’en ai pris conscience je ne veux pas le perdre. Alors il faut que l’on se batte pour lui, tous les deux. Parce que si vous me laissez seule… je ne vois pas comment je vais y arriver. Je ne vois même pas comment je pourrais vivre. J’ai tout quitté pour vous, je n’ai plus rien nul part… et même si par moment je repense à mon ancienne vie, je ne le regrette pas. Vous m’avez rendue humaine… alors pardonnez moi si j’ai pu retomber dans mes anciens travers. Je ne veux plus que ça arrive avec vous, vous méritez tellement mieux que moi… » 

Je prends sa tête entre mes mains pour essayer de lire dans son regard, mais je ne m’en sens même pas capable, alors je me contente de l’embrasser doucement puis je me recule pour le regarder à nouveau.

« Pourquoi se fait-on tant de mal... ? »

Je me blottie à nouveau contre lui pour fuir son regard et, de ma main, je glisse doucement le long de son dos jusqu’à ses reins.