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 Le voyeurisme de l'artiste [Irène]

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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptyMar 2 Juin 2020 - 21:23


6 octobre 1166,
Esplanade,
Début fin d’après-midi

- « Avez-vous remarqué quelque chose de particulier ? »
- « Non sergente, rien à signaler de la journée, on attend la relève pour rentrer à la caserne »
- « Mh, c’est tout de même étrange les disparitions. Il faut trouver le point d’entrée des voleurs, ils ne peuvent pas tomber du ciel. »
- « Franchement madame, un vase et deux babioles, ça a vraiment de l’importance ? »

Un bref soupir s’était échappé des lèvres de la noiraude, elle qui glissait ses doigts jusqu’à sa lame pour en tapoter le point d’attache de sa ceinture. Cela devenait une habitude chez les gardes de fermer les yeux sur ce qu’ils estimaient grave ou non. Cela ne l’avait jamais dérangé outre mesure, si les éléments restaient isolés et sans conséquence graves. Or, depuis quelques jours, les vols se faisaient réguliers, chaque fois des objets sans grandes importances pour les familles, mais suffisamment visibles pour être remarqués immédiatement. Cette répétition impliquait quelque chose, un danger, un murmure qui ne laissait rien présager de bon. Avisant celui qui gonflait déjà le torse, visiblement prêt à argumenter sa position dont elle connaissait les prises positions sur le bout des lèvres. Le détaillant avec plus d’intensité, de cette manière sévère, dure, afin d’éviter tout débordement. Sydonnie n’aimait pas être là, mais était-ce sa sanction pour sa maladresse sur les remparts. Son suicide raté était l’événement du moment dans le repaire des protecteurs de la ville.

- « Il ne me semble pas avoir demandé votre avis sur ce qui est grave ou non » rétorqua-t-elle « Peu importe que vous pensiez que la noblesse est bien trop protégée, bien trop avancé. Je n’ai que faire de cela. Ce qui devrez-vous préoccuper c’est que sous votre nez un voleur est passé plusieurs fois les bras chargés sans que jamais vous ne releviez quoi que ce soit. À moins que vous soyez complices ? »
- « Non…Non, sergente, non… Ab-absolument, j’vous le jure, par les Trois, jamais… Je, je vais trouver le responsable »
- « Vous avez plutôt intérêt. Je vais faire un tour à l’intérieur, vérifié. »

Déposant ses bras le long du corps, inclinant avec lenteur la tête, il ne put que regarder sa gradée passer devant lui, sans dire le moindre mot. Lui lançant un dernier regard avant de s’éloigner de la fameuse porte de l’esplanade. Naturellement, ses pas se dirigèrent d’abord avec celui où elle devrait se trouver : la demeure des Rivefière. Son cœur se serra, sa bouche avait semblé être soudainement sèche, immobile devant l’imposante bâtisse dont elle ne parvenait pas réellement à s’approcher. Son regard bleuté s’était fixé sur les pierres, la grille, entendait-elle encore le rire de Roland, percevait-elle encore dans un souvenir lointain sa silhouette écarquillée le rideau de sa fenêtre. Mordillant ses lèvres, semblant un instant comme étourdis par le propre battement de son cœur et son souffle saccadé. La sergente s’était éloignée, d’un pas rapide, fuyant, cherchant à oublier sans doute sa vie ici, la vie qu’elle aurait pu avoir. Une vie qui ne lui aurait sans doute pas véritablement convenu, mais difficile de dire pourtant qu’elle ne la regrettait pas.

Avec lenteur, la silhouette féminine avait continué de parcourir l’esplanade et sa pelouse entretenue, ses fleurs agréables et les discussions pleines de beaux mots qu’elle percevait ici et là en passant sous une fenêtre, ou dans une ruelle plus étroite qu’une autre. Ce ne fut qu’après trois passages devant la demeure de Valis et son jardin qu’elle devinait sans peine, que la femme d’armes s’était une nouvelle fois immobilisée. D’abord pour vérifier qu’il n’y avait rien d’inhabituel, puis sans doute par cette hésitation de toquer, de rentrer, d’imaginer surprendre la Valis dans une occupation, de la visualiser sans faux semblant, sans réflexion.

L’idée était aussi plaisante qu’effrayante, si bien que ce fut presque logiquement, qu’elle abandonna sa prise de racine pour poursuivre sa ronde. Vérifier les demeures du coin de l’œil, s’interroger sur la manière dont un membre du peuple pourrait atteindre l’endroit, à moins qu’il ne soit déjà à l’intérieur, juste là parmi les petites gens qui s’affairent pour offrir du plaisir à ceux qui ont la chance de pouvoir évoluer à l’intérieur de l’esplanade. Étrangement, après trois tours presque identiques, elle avait fini par pousser le portail de la Valis, se faisant silencieuse, elle longeait les murs, cherchant à observer l’intérieur de la demande par de discret coup d’œil traversant les fenêtres. Curieuse, Sydonnie le restait entièrement à son sujet, ne sachant jamais véritable si elle pouvait se fier à cette femme, si elle était honnête, si elle ne voulait qu’être une amie ou plus. Mais pouvait-elle lui offrir plus ?


Passant une main dans sa chevelure, la démêlant du bout des doigts avant de venir masser l’arrière de sa nuque, la noiraude eut ce sentiment étrange de voyeurisme, de gêne presque. Elle ignorait ce qu’elle cherchait, ni même ce qu’elle aurait voulu voir. Peut-être sans doute à tort, elle continua sa progression dans le jardin, sans jamais frapper, sans jamais se présenter. Sydonnie vagabondait dans un terrain semi-connu, terrain qui lui murmurait de se rendre dans l’atelier d’Irène, là, où finalement avait eu lieu la véritable première rencontre entre les deux femmes avec pour témoin feu son mari. Évidemment sur le chemin, elle avait réalisé une pause pour aviser les roses de la comtesse, belle, harmonieuse, mais dangereuse. Presque à l’image de la noble, avait-elle songé avant de pousser la porte de l’atelier. Ce ne fut sans doute qu’en percevant le silence malmené par quelques brefs mouvements, qu’elle comprit qu’elle n’était pas seule et que l’autre personne présente ne pouvait être que la maîtresse des lieux.

Par gêne sans doute, elle ne put que forcer une légère quinte de toux pour notifier sa présence, alors qu’elle pouvait pour l’instant aviser uniquement de dos, celle qui semblait concentrer. Sans pouvoir voir le modèle, qu’il soit, humain ou non, la sergente préféra s’arrêter, hésitant presque à retourner sur ses pas, alors que sa voix se faisait entendre pour la première.


- « Je ne sais pas pourquoi cela me surprend de te trouver là, Irène. Bonjour à toi… Je passais par-là, pour vérifier que tout allait bien, je me suis dit que j’allais en profiter pour voir tes fleurs… Et me voilà… Je ne te dérange pas au moins ? Navrée de ne pas être passée par la porte d’entrée pour me faire annoncer, je n’étais pas certaine… » de rester, de vouloir la voir, de savoir quoi lui dire « que tu sois là et que tu es du temps à m’accorder, déranger ce n’est pas trop mon truc. Et puis, je suis encore sur mon temps de travail, on a quelques soucis à corriger dans l’esplanade.»

Sur le pas de la porte, piétinant sur place de cette manière particulièrement hésitante. Sa place elle n’était pas vraiment là, c’est ce que la sergente n’arrêtait pas de se répéter, pour autant, le léger sourire qui avait pris la forme de ses lèvres indiquait qu’elle était contente de la revoir sur l’instant, même si elle n’avait pas grand-chose à lui dire, même si à cette distance, elle ne percevait pas encore ni vraiment la tenue d’Irène ni vraiment sa source d’intérêt.

- « Je ne vais pas te déconcentrer davantage… »

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Irène de ValisComtesse & Modératrice
Irène de Valis



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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptyMer 3 Juin 2020 - 20:05
Elle avait navigué sur un océan de sensations ces derniers jours. Pas certaine elle-même de comprendre quel port elle espérait trouver. Mais incapable d’arrêter le voyage. Alors elle s’était émerveillée devant les flots et leur infinie beauté. Crains les tempêtes lointaines et grondante. Entrevue des continents inconnus habités par des mystères.
Elle avait bien essayé de se plonger dans le travail, elle avait fait défiler les nombres et les mots devant ses yeux durant de longues heures mais finissaient immanquablement par se retrouver la tête appuyée sur une main à rêvasser et étudier ses sensations nouvelles qui glissaient dans ses veines. Si bien qu’elle finit par refermer son livre de compte avec agacement, incapable d’obtenir des résultats dépassant le “correct“.

Elle avait ensuite tenté de s’occuper de ses fleurs. Certains rosiers nécessitaient une taille pour l’hiver et plusieurs parterres de fleurs devraient être délimité à nouveau suite à la tempête si elle souhaitait les voir refleurir au prochain printemps. Bien sûr son jardinier lui avait assuré finir dans les temps. Mais elle avait toujours aimé l’entretenir de ses propres mains. Généralement…
Après s’être entaillée le pouce deux fois et avoir pris une pluie froide et vive sur ses épaules nues par ce qu’elle était trop perdue dans ses pensées, elle abandonna l’espoir d’être productive.
Elle fit donc ce qu’elle faisait toujours lorsque son esprit était trop chargé de pensées, même si habituellement elles étaient négatives et sombres. Pas juste… complexes.
Elle retrouva donc son atelier. La légère odeur d’humidité, celle plus entêtante de la peinture et du bois. Le paysage de toiles et de tréteaux parant le mur du fond.
Elle n’avait pas peint grand-chose depuis la mort de son époux. Un fait dont elle ne prenait conscience qu’à présent qu’elle était debout dans son atelier.

Elle avait pris sa liberté et en avait profité. Mais d’une façon ou d’une autre, la source d’inspiration qui l’animait c’était tarie… Une découverte désagréable s’il en est. Jusqu’à aujourd’hui. A peine assise sur son haut tabouret, elle avait senti ses doigts la guider vers un sujet qu’elle ne pouvait ignorer, qu’elle avait besoin de peindre.
Elle se demanda si elle avait bien raison d’exprimer si ouvertement cette image gravée au feu dans son âme. La concernée n’apprécierait peut-être pas de le savoir. Mais d’une certaine façon, elle trouvait pire de la refouler. De faire comme si cette chose n’existait pas. Cela aurait été un mensonge. Une chose qu’elle voulait s’interdire à ce sujet précis. Pas parce qu’elle l’avait promis. Simplement parce qu’elle se sentait plus forte, plus libre, plus vivante quand elle respectait cette règle avec elle.
Alors elle peignit, le jour, puis la nuit et continua jusqu’à ce que toute l’émotion qu’elle ressentait à cette image se soit exprimée. Elle sentit des larmes sur ses joues, un sourire sur ses lèvres. Et enfin elle vint au bout de la tâche. Aussi juste et intense qu’elle parvenait à s’en souvenir. Cette nuit-là, elle dormi d’un sommeil réparateur et calme.

Mais portée par son élan elle se décida à continuer à peindre après avoir pris un repas digne d’un ogre, ce qui amusa beaucoup Alice. Elle déplaça son œuvre en évidence, là où elle pourrait la voir simplement en tournant la tête depuis sa position de peintre. Et choisit de s’attaquer à une nouvelle peinture, moins importante, moins intense, mais qui lui donnait envie. Elle posa un simple vase sur un pilier de pierre et entreprit de laisser s’exprimer son imagination. Sur son œuvre, à mesure que les couleurs prenaient place, le vase se retrouva garni de rose, de pivoines, de tulipes de fleurs qui n’existaient sans doute même pas mais qu’elle travaillait avec tant de détails qu’on avait l’impression de pouvoir apprécier du bout des doigts la texture de leurs pétales. Bien au dessus d'elle, des corbeaux allaient et venaient en croassant.
Son esprit était perdu sur un tout autre thème et elle regardait régulièrement la grande toile posée non loin qui séchait doucement à l’air. Mais elle était bien, détendue, rêveuse, presque heureuse.
Elle entendit la porte s’ouvrir.

Qu’y a-t-il Alice ? » Demanda-t-elle d’une voix distraite.

Mais le timbre qui lui répondit, provoquant un fourmillement qui remonta dans son dos, n’avait rien à voir avec celui de sa gouvernante. Elle fit pivoter sa tête pour découvrir un peu plus loin une milicienne à l’air pas vraiment certain de savoir ce qu’elle faisait là. Elle l’écouta parler en clignant des yeux, se demandant si ses fantasmes et rêves commençaient à prendre un aspect si parfait qu’elle pouvait à présent les confondre avec la réalité.
Mais une chose ne la trompa pas. Son cœur se remit presque instantanément à tambouriner dans sa poitrine, comme il le faisait chaque fois. Elle était vraiment là. A quelques mètres, bien réelle et vivante.

Sydonnie ? » demanda-t-elle éberluée.

Elle se rendit compte alors de son apparence. Toujours cette même petite robe grise légère, presque nuageuse, usée. Qui remontait sur ses jambes croisées bien haut sur son tabouret. En dévoilant bien plus qu’il n’était courtoisement admis. Une bretelle encore plus lâche qu’à sa dernière visite tombant presque au niveau de son coude. Des tâches peintures sur les doigts et le tissu. Sa coiffure montée en un chignon grossier, et son visage sans même une touche de maquillage.
Autant dire qu’elle ne devait pas avoir fière allure.

hrp: le retour de l'image d'ambiance

Elle bondit si prestement de son tabouret qu’elle manqua le faire tomber et dut le rattraper de justesse. Elle tenta tant bien que mal de lisser le tissu de sa robe et de ranger une ou deux mèches rebelles dans sa coiffure, tout en remontant sa bretelle qui retomba aussi tôt. Elle tournait comme une poule sans tête en cherchant comment réagir à la présence de l’intruse qu’elle était pourtant si heureuse de voir.
Par pitié sans doute, Sydonnie, beaucoup plus maîtresse d’elle-même comme c’était presque toujours le cas, mais aussi parfaitement fidèle à sa nature de “courage, fuyons !“ face à ses propres ressenti, tenta de s’échapper, tout juste arrivée. Ce qui permit à la Comtesse de reprendre quelque peu pieds afin de s’y opposer.

Non, non, non ! » Dit-elle en la rejoignant, ses pieds nu glissant sur la pierre froide et lisse. « Viens, entre, tu ne me déranges jamais. »

De la même façon qu’à leur séparation, elle se dressa sur ses orteils et déposa un baiser sur sa joue. Tendre et sincère. Très loin de celui qu’elle avait volé à ses lèvres des semaines plus tôt. Un signe d’une affection honnête et qu’elle avait l’impression de pouvoir lui donner sans qu’elle ne se braque trop à son égard. Puis elle saisit sa main gantée entre les siennes et l’attira vers l’intérieur un peu comme on essaierait de faire entrer un cheval sauvage dans un enclos, avec douceur et détermination.

Il fait lourd aujourd’hui, tu as soif ? J’ai du jus de pomme frais. »

Elles s’arrêtèrent près d’une petite table où était disposé une grosse carafe de fer et heureusement pour elle, plusieurs verres puisque par soucis d’intimité, Alice venait rarement nettoyer l’atelier. Et que la petite Irène était nettement moins efficace dans son rangement. Elle servit deux coupes cabossées et en offrit une à sa visiteuse qui était bien là, même si elle avait du mal à en revenir. Même au détour d’une patrouille, c’était la première fois que la noiraude venait d’elle-même à sa rencontre, sans invitation, sans obligation, sans promesse. C’était une attention très agréable.
Elle porta la boisson à ses lèvres et avala une gorgée de travers alors que son regard glissait sur le tableau dont la taille le rendait impossible à ignorer un peu plus loin. Elle faillit bien recracher sa pomme par le nez tandis que ses oreilles et ses pommettes viraient au rouge pivoine. Elle toussota et essaya de chasser sa gêne par une question. La première qu’elle trouva.

Tu parlais de soucis sur l’esplanade ? Rien de grave j’espère ? »


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Sydonnie de RivefièreSergente
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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptyJeu 4 Juin 2020 - 18:01


À l’entrée de la pièce, Irène était un peu plus loin, perchée sur un tabouret, une tenue légère que la noiraude lui connaissait déjà. Une robe courte, grise, fluide, presque transparente qui dévoilait dans son ouverture ses longues jambes, une bretelle glissant sur sa peau, tombant au niveau de son coude, amenant le haut à se faire plus aguicheur que la tenue ne l’était, un chignon en guise de coiffure et des multitudes de mèches rebelles s’en extirpant. Affichant simplement un sourire, la sergente se surprit à la détailler dans son ensemble, sans avidité, sans attirance particulière, savourant principalement la beauté et le naturel qui se dressait devant elle. C’était amusant de voir la comtesse se faire plus pressante, plus hésitante alors qu’elle se hissait sur ses pieds, les yeux écarquillés en la découvrant, cherchant à trouver une posture qui lui semblait plus convenable. Penchant légèrement la tête sur le côté, son regard se détacha de la silhouette féminine pour aviser de loin la toile qu’elle était en train de réaliser, un vase fleuri dont la qualité de peinture n’était plus à prouver, était-elle convaincue que si elle commençait à vendre ses toiles, bon nombre de nobles viendraient frapper à sa porte. Serait-ce sans aucun doute un bon moyen de nouer davantage de liens. Y avait-elle pensé ?

La comtesse était pourtant là, maladroite, visiblement hésitante, bousculée dans sa maîtrise des situations. Elle cherchait à se faire plus présentable encore, comme si cela avait la moindre importance à ses yeux. Rapidement, une nouvelle fois, elle détacha son attention de la noble, pour se concentrer sur la toile, sa finesse, la douceur qu’elle pouvait dégager. En réalité, ce n’était pas la toile qu’elle avisait, mais son propre souvenir de sa présence ici, de Roland qui était là, de sa peinture qu’Irène avait réalisée la représentante, une larme sur la joue. Aujourd’hui, peut-être qu’elle aurait reconnu que ce sentiment de tristesse de l’époque était plus profond que ce qu’elle avait traduit, peut-être même qu’Irène lui expliquerait différemment.

Elle fut sortie de ses pensées par la proximité d’Irène qu’elle n’avait pas vu venir à cause de son observation de son œuvre. Toujours dans cette méfiance relative, elle l’avait laissée approcher, déposer ses lèvres sur sa joue avant de retrouver sa taille normale. Durant ce bref moment de proximité, la noiraude avait glissé une main à son épaule afin de remonter la bretelle récalcitrante, sans pour autant laisser davantage traîner ses doigts sur la peau de la noble. Avisant sa silhouette féminine un peu plus petite que lui, elle lui offre un sourire hésitant. Elle réalise sûrement pleinement à ce moment-là qu’elle ne sait pas ce qu’elle fait là, qu’elle ne comprend pas vraiment, d’autant plus quand Irène l’incite à venir, à rentrer, qu’elle place les mains dans les siennes pour l’entraîner vers l’intérieur alors que son visage sans artifice la surveille, l’avise, alors qu’elle l’abandonne sur place pour lui servir un verre de jus de pomme. Entraîner à l’intérieur moyennement contre sa volonté, la femme d’armes fait quelque pas dans l’ensemble, reste silencieuse comme à son habitude, jusqu’à ce que ses lèvres s’entrouvrent un instant.

Son regard s’écarquille alors qu’elle contourne le tabouret, laissant ses doigts effleurer le dessus comme pour s’assurer de sa contenance. Les yeux de la noiraude détaillent la représentation qui la déstabilise fortement. C’est elle. Elle dans son entièreté, avec la marque déformant son dos néanmoins sans sublimé par le pinceau de l’artiste, sa tête se penche, ses cheveux cascadent un instant sur le côté. Les lèvres de la sergente se pincent, ses prunelles se teintent de ce sentiment alternant entre colère, curiosité et incompréhension. Irène l’a peinte. Elle l’avait déjà fait, néanmoins voir ainsi sa silhouette dénudée, endormie sans doute, percevoir enfin une ressemblance sans doute atténuée de la réalité de sa blessure… Offrait un aspect réaliste, réel à tout ça. Comme si le moment vaporeux dont elle avait souvenir trouvait soudainement ancrage dans la réalité. Une preuve, un témoin, un fait concret. Si quelqu’un le voyait ?

Pivotant vers Irène, la dévisageant un instant alors qu’elle tenait les récipients, qu’elle lui offrait un, ses joues roses, ses yeux dévoilant sa gêne, la noiraude ne sut pas lui faire de reproche, se contentant une nouvelle fois de faire silence. Avalant une longue gorgée, alors qu’elle l’a questionné sans aucun doute pour noyer le poisson sur les problématiques de l’esplanade.


- « Je ne sais pas encore » souffla-t-elle « Un élément vient de perturber ma réflexion à ce sujet » ajouta-t-elle dans un bref mouvement de tête en direction de la peinture « C’est…. Moi ? » l’interrogea-t-elle tout en ayant la réponse. « Je ne voyais pas… la griffure aussi belle, tu as amélioré l’ensemble… »

C’était tout ? Sa colère se faisait silencieuse, son incompréhension restait tapie dans l’ombre, alors qu’elle avalait une nouvelle gorgée, que ses doigts s’enroulaient sagement autour du récipient, que son regard ne se détachait aucunement de l’œuvre. Difficile d’accepter la preuve concrète, la vision de son corps qu’elle détestait.

- « Rassure-moi, tu ne vas pas exposer ton tableau dans ta demeure ? » tournant légèrement la tête, déposant le récipient sur la petite table, elle passa ses doigts dans sa chevelure pour remonter l’ensemble « Je dois admettre Irène, comme je t’ai promis de ne pas te mentir, que… si je trouve ta peinture très jolie, je ne suis pas certaine de l’apprécier. »

Elle l’avait dit avec une certaine douceur et douleur, ce n’était pas la toile qu’elle n’appréciait pas, mais bien la représentation, l’image que cela lui renvoyait : une femme désormais marquée profondément par la fange, qui se transformerait peut-être un jour. Peut-être même était-elle déjà en train de succomber, peut-être que les colères, cette sensation de perdre pied parfois en était l’origine ? Déglutissant, elle ne put que récupérer son verre, boire encore, le terminant. Cela n’était pas comme le vin, mais ça avait don de l’occuper un peu, de la faire se concentrer, elle offrit un regard à Irène simplement, offrant ce visage un peu renfrogné, en pleine réflexion, sans pour autant particulièrement violent.

- « Ne te méprends pas… Je ne te reproche rien, c’est juste que je ne m’attendais pas à voir… ce type de toile. Je n’arrive pas à définir si je l’apprécie ou non. Je n’ai pas l’impression de que ce soit moi. Est-ce sans doute ta main de peintre. » elle avait fini par détourner les yeux « Dis-moi Irène, te souviens-tu de la peinture que tu avais réalisée de moi ? Tu y avais ajouté une larme, pourquoi ? »

Tournant le dos à l’œuvre, pour venir s’appuyer contre un meuble, elle interrogeait la comtesse du regard. Elle y avait pensé en avisant la demeure, puis en voyant se définir l’atelier sous ses yeux, maintenant qu’une nouvelle toile se trouvait sous son nez, la question ne pouvait être conservée, pour autant, impossible de tolérer complètement l’ensemble. La sergente alternait entre la complexité de ses pensées, avant de finalement revenir au sujet principal de sa visite, les événements à l’esplanade.

- « Je ne sais pas trop pour l’esplanade, en soit, ce n’est rien de particulier, des vols d’objets sans grandes importances chez certaines familles, tu n’as rien à signaler de ton côté ou rien remarqué de particulier ? » elle avise l’ensemble des objets décorations, lève les yeux vers les volatiles sur les hauteurs « Je ne sais pas trop, ça me semble trop simple et à la fois trop complexe, je redoute un peu une nouvelle tentative des sectaires pour être honnête, tu devrais engager un garde ici, le tien est encore là ? »

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Irène de ValisComtesse & Modératrice
Irène de Valis



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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptyJeu 4 Juin 2020 - 20:44
Bien entendu, elle ne pouvait pas ne pas le voir, pourtant pendant un instant elle aurait voulu pouvoir la faire disparaître pas sa simple volonté, et se faire disparaître aussi par la même occasion afin d’échapper au regard que Sydonnie. Partir dans une volute de fumée et s’échapper pas une des hautes fenêtres, voilà qui aurait été un don des plus pratique à cet instant.
Mais après tout, elle l’avait fait pour ne pas le cacher à la principale concernée. Elle avait juste espéré pouvoir choisir le lieu et le moment où elle lui partagerait son art. Mais Sydonnie avait l’art et la manière de bousculer les choses établies. Ça faisait partie de son charme d’une certaine façon.

La comtesse dut réunir toute sa volonté pour ne pas rentrer la tête dans ses épaules alors qu’elle subissait le regard la noiraude tandis qu’elles se rejoignaient. Elle avait fait plier des gaillards bien plus impressionnant qu’elle juste par les mots. Mais ce regard bleu acier…
D’un certain point de vue, elle s’estimait chanceuse de ne pas déjà voir le dos de Sydonnie s’éloigner dans ses jardins. Résultat qu’elle aurait sans aucun doute obtenu il n’y a pas si longtemps que cela. De là à y voir un rapprochement en elles, elle n’aurait pas parié sa vie là-dessus.

C’est toi comme je te vois. » Dit-elle d’une voix calme, prête à assumer son acte. « Différente de ta vision, différente de la vision du premier venu. Mais a présent que la principale est recousue proprement, et les autres nettoyée, non je n’ai pas tant eu besoin que cela d’améliorer l’ensemble. Sauf si tu t’es décidée à faire des cabrioles ces derniers jours… »

Sydonnie lui prit avec précaution le verre des mains. Tellement doucement en fait qu’elle en pouvait qu’imaginer une sorte de colère sourde cachée sous la surface de ses traits inexpressif. Irène hocha la tête alors que la noiraude confirmait plus ou moins son impression, même si encore une fois la retenue dont elle faisait preuve pouvait laisser penser qu’elle n’était plus aussi certaine qu’avant de ne rien vouloir à voir avec la vision qu’avait d’elle la comtesse.
Peut-être bien qu’au fond, elle l’appréciait un peu.
Elle s’accroupi doucement face à la toile près de Sydonnie, son verre à la main. Elle suivit la cicatrice recousue du bout des doigts sans finalement jamais toucher la peinture humide.

L’inverse m’aurait surprit je l’admet. » Elle jeta un regard en coin à son invitée. « Tu as une vision si noire de ta personne que je ne suis même pas certaine que je pourrais la représenter avec mes pinceaux. Mais rassure-toi, personne ne la verra. Elle n’est que pour moi. A vrai dire, tu es la première personne à entrer ici sans y être directement invitée.
Qu’y vois-tu Sydonnie ? La corruption ? La preuve de ta déchéance ? La déformation romantique de la réalité ?
Je ne vois que beauté. Celle de la vie qui lutte et perdure, de la paix après une bataille. D’une amie qui dort avec confiance. De sentiments qui n’ont pas besoin d’être partagé pour être réel et puissant. J’y vois tellement de vie Sydonnie. J’aimerais te prêter mes yeux. Je pensais qu’il était impossible de voir la vie avec tant de force, de la croire assez vivace pour me permettre de rêver à un avenir. Aussi fou cela soit-il.
»

Elle rit pour elle-même, consciente qu’elle n’arrangeait pas vraiment ses affaires en le présentant ainsi. Mais honnêteté pour honnêteté, si Sydonnie ne l’aimait pas, l’inverse était faux. Totalement faux. Elle but une gorgée de son jus, et la fraicheur lui fut agréable, chassant, au moins facticement la chaleur que produisait en elle la présence de la milicienne. Elle avait bien assez de chose à lui faire accepter avec cette toile pour ne pas en plus lui lancer sans cesse des regards tendre et interrogatif. Elle prit quelques instants pour réfléchir à sa question, pas certaine de devoir répondre.

La vérité ? » Demanda-t-elle pour être certaine que Sydonnie voulait le savoir, et pas qu’on la rassure. Un questionnement stupide s’il en était, mais une amie se doit sans doute d’y penser. La noiraude approuva d’un mouvement de tête. Irène pris une inspiration.

Car tu portais alors déjà la tristesse d’une vie Sydonnie. Et Roland n’était pas celui qui changerait ce fait. Je crois que je voulais simplement que quelqu’un quelque part se souvienne de cela, même si tu acceptais de plier pour suivre son souffle, comme la branche d’un saule pleureur qui s’accommode au vent. Je ne suis pas certaine que tu l’… Que c’était là ta place. Malgré la force de votre lien, tu n’étais pas heureuse, et je ne voulais pas faire mentir ma toile. » préféra-t-elle reformuler, pas certaine d’être assez la bienvenue dans le cercle de Sydonnie pour pouvoir affirmer à voix haute qu’elle n’avait pas aimé Roland. Tout au plus voulu croire à la vie qu’il lui offrait. Non, sauf à ce qu’un jour qui n’arriverait sans doute jamais, Sydonnie lui demande directement. Elle ne se le permettrait pas.

Me voilà entrain de te comparer à une branche d’arbre ! » essaya-t-elle de plaisanter. « Je dois avoir un peu trop fait mon artiste ces derniers jours. Alice m’a affirmé avoir vu quelqu’un passer le mur d’enceinte il y a quelques nuits, elle a toujours l’œil pour cela. Je l’ai signalé à la milice mais rien ne manquait. Alors ils ont plus laissé entendre que son imagination et les ombres devaient être responsable. Mais elle sait ce qu’elle a vu, et son regard vaut bien celui d’un faucon. »

Elle-même n’avait aucun projet en cours sur l’esplanade. Une des autres cellules ? Ou les fanatiques du marais qui se décidaient enfin à faire parler d’eux ? Ce n’est pas de cela dont elles avaient discuté… C’était une question qu’elle allait devoir soulever. Mais pas avec Sydonnie, elle voulait éviter à tout prix de perdre le lien naissant qu’elles semblaient acceptées toutes deux de bâtir. Et cette part de sa vie y mettrait définitivement fin.
Elle ne voulait pas être la comtesse manipulatrice et certaine de sa fin avec Sydonnie. Elle voulait être Irène celle qui avait peur en découvrant que vivre était possible.

Il est encore là. Bien qu’il se rende parfois au Labret avec les convois. La journée les patrouilles de la milice sont suffisamment nombreuses pour que je ne m’inquiète pas. Reste les nuits. Il faudrait que je trouve quelqu’un qui a une épée et un caractère de cochon pour faire fuir les plus téméraires…hum… Tu travailles la nuit ? »

Cette fois-ci elle rit franchement de sa remarque, même si elle n’était pas vraiment contre l’idée. Mais juste d’imaginer d’Algrange grognant depuis une fenêtre sur les intrus, cela avait tout dur drôlissime selon elle. Même si la principale concernée ne devait pas le penser ainsi. Elle finit son verre et se redressa en s’étirant, prenant juste consciente qu’elle n’avait presque pas bougée depuis le matin. Ses os craquèrent et elle remit en place pour la énième fois sa bretelle discrètement. Sydonnie avait déjà bien assez à digérer dans leurs échanges pour qu’elle ne se dandine pas à moitié nue sous son nez. Elle répondit plus sérieusement tout de même.

Si j’apprend quelque chose qui puisse t’être utile, je te le ferais savoir. »

Elle posa sa main sur le cadre de bois, prenant garde à la peinture. Elle reprit d’un ton plus calme, intime.

Tu veux qu’elle disparaisse Sydonnie ? J’avais besoin d’exprimer ce que j’ai vu l’autre soir, c’est fait. Ça, ce n’est que de la toile et des couleurs. Ça ne changera rien à ce que je ressens en y repensant. Pas plus que ta conviction de ta propre noirceur ne changera la lumière que je perçois quand je te regarde. Mais si tu penses que l’absence d’une toile peut te faciliter la vie, je la détruirais, sans rancune. Tu étais mon sujet, sans le savoir, et comme toujours je laisse mon sujet choisir si l’œuvre qui le représente doit exister. Je pensais simplement choisir le moment où je te le demanderais. »

Elle regarda Sydonnie et lui sourit doucement.

Elle est à toi autant qu’à moi. Même si tu n’en as pas envie. »
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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptyJeu 4 Juin 2020 - 22:44


- « Aucune cabriole à notifier » murmura-t-elle « J’aimerais bien que la douleur s’estompe pour me permettre de retrouver la liberté de la totalité de mes mouvements. Je suis sergente, pas sergent, la moindre faille provoquerait ma fin aussi tragique que méprisable »

Sa voix conservait cette neutralité étrange, succombant parfois à ce grain de sincérité, de douceur qu’elle tâchait de mettre en avant. Néanmoins, n’était-ce pas aussi simple que ce qu’elle aurait voulu, elle qui essuyait les déceptions, les abandons avaient fini par construire des murs si hauts entre sa personne et le monde extérieur, que même en ayant la volonté d’entrouvrir une porte, celle-ci ne s’ouvrait que de quelques millimètres à peine, prête à se refermer au moindre faux pas afin de se protéger une nouvelle à l’aide de millier de verrou tous plus ingénieux les uns que les autres. Son regard parcourait la toile, alors que son visage se déformait parfois de cette contrariée, que son cœur tambourinait de colère à l’intérieur de sa poitrine. Qu’elle luttait aussi fort que possible pour ne pas refermer cette fameuse porte qu’elle avait entrouverte et dont Irène lui semblait soudainement avoir abusé. La lutte intérieure était violente, mais comment se résigner à fuir, alors que pour la première fois de son existence, elle a la sensation que quelqu’un souhaite la regarder elle, s’associer à sa personne véridique, sincère, dans toute sa représentation positive ou négative. Cette toile était pourtant trop, trop d’un coup, trop intime, reflétant trop la totalité de ses pêchés, elle qui se retrouvé moitié nue dans le lit d’une femme noble, elle dont la plaie ne cicatrisait pas, elle qui avait ce don de proximité pour oublier, juste oublier. Rien de glorieux, rien de gratifiant, rien n’ayant plus de valeurs qu’une fleur de trottoir.


- « Je n’y vois rien qu’une femme perdue attendant un miracle des Trois pour s’éteindre dignement » souffla-t-elle en se redressant, enserrant son emprise sur le récipient « Si tu cherches à dépeindre mes pensées, ce n’est pas très compliqué, il suffit de peintre l’ensemble en noir et d’y faire tenir une épée au milieu. Je suppose que cela ne serait pas bien loin de ma réalité. » rien de très jouasse ni de très amusant, mais tellement réaliste « Elle représente mon échec cette marque Irène, celle qui m’offre la possibilité de fuir les murs, mais qui me condamne sans aucun doute. As-tu eu seulement un jour eu peur de t’endormir par crainte de te réveiller tueuse et meurtrière en quantité de pauvres innocents ? »

Un détail que Sydonnie n’évoquait pas, avait-elle été sans doute surprise de voir Irène la soigner sans la questionner à ce sujet, sans avoir peur de la voir se transformer à la moindre émotion. La blessure fangeuse provoquait chez cette multitude de questions, si bien qu’elle tentait de se canaliser, de se contrôler par crainte qu’une émotion trop forte la fasse soudainement se transformer en monstre des marais. Le clergé avait beau signifier que pour l’instant seuls les mordus se relevaient, mais qui pouvait réellement certifiée que les milliers de fangeux se trimballant dehors avaient été bien mordus et non juste blessée, qui ?

- « Il n’y a rien de beau là-dedans Irène, ce n’est que souffrance et tourment, une sanction divine qui perdure presque éternellement et dont tu viens juste de souligner la réalité. »

La noiraude ne parvenait pas ni à voir autre chose ni à éloigner ce sentiment de trahison, alors que contre son gré son corps avait été ainsi utilisé. La désormais Rivefière ne parvenait pas à se détacher de cette idée douloureuse que si quelqu’un venait à tomber sur l’ensemble Irène serait en difficulté, elle aussi, mais elle était-ce sans doute moins graves à ses yeux. Prenant une inspiration, elle avait fini par se détacher de l’ensemble, avisant curieusement l’artiste qui semblait ne voir chez elle que le beau et pas le moindre défaut, qui s’autorisait à rêver d’un avenir, mais de quel type d’avenir ? Un instant, elle eut la sensation d’abuser de la naïveté d’Irène, elle qui venait, qui s’approchait tout en ayant conscience qu’elle ne pourrait probablement jamais lui offrir ce qu’elle désirait. Était-elle devenue à ce point égoïste pour ne pas percevoir la conséquence de ses actes ? Ou avait-elle à ce point besoin de réconfort pour essayer de s’accrocher à la moindre branche, aussi faible et fragile soit-elle. Qui était-elle devenue ?

Fermant les yeux pour inspirer ce mélange d’odeur, de peinture, d’humidité et de fraîcheur, elle opina quand la comtesse l’interrogea sur le fait qu’elle pouvait dire ou non la vérité. Bien que les paroles furent rattrapées, une nouvelle fois la femme d’armes eut quelques difficultés à encaisser, alors que la noble prétendait avoir vu de la tristesse chez cette femme mariée, alors qu’elle aurait tout donné sans aucun pour doute pour retourner à cet instant. Changerait-elle les choses, accepterait-elle encore de l’épouser, fuirait-elle ou tenterait-elle de le détourner. Chaque fois qu’elle tombait sur des connaissances à Roland l’ensemble tournait la tête, ou évoquait ce héros que chacun regrettait. Quel type de héros quitte la pièce principale sans avoir achevé l’œuvre finale ?


- « On c’était disputé avant de venir ce jour-là. » avoua-t-elle « Roland m’avait… » elle détourna le regard « Il avait fait le mort durant plusieurs jours, c’était la première fois qu’on se revoyaient devant la porte de ta demeure. C’est sans doute ça que tu as perçus, j’étais en colère, je ne voulais pas jouer le modèle et celui pour qui je le faisais avait préféré disparaître des jours durant juste après m’avoir… » sauté, elle avait manqué de le dire par colère, mais là encore, elle n’était pas prête à passer cette étape « Peu importe. J’étais plus certaine de vouloir devenir sa femme à ce moment-là et je crois que je rêvais aveuglé par colère, qu’il chute de ton balcon pour qu’il n’effleure juste qu’un peu la douleur que je pouvais ressentir. Ma branche elle aurait pu se briser à ce moment-là… Mais j’voulais honorer ma mère, Serena ne m’adressait plus la parole et puis j’aurais dis quoi hein ? Tiens au fait, ton frère est une ordure, sinon ça va ? »

Se rendant compte qu’elle avait parlé plus que de raison, sans doute énormément pour la première fois, alors qu’une légère amertume pointait le bout de son nez, si fortement qu’elle en avait presque oublié la toile. Pour autant, la noiraude avait été honnête, et tentait de se convaincre que ce qu’Irène avait perçu n’était que l’émotion furtive de l’instant. Rien que ça, juste ça, oui. Détaillant Irène, passant une main à l’arrière de sa nuque, avant de venir gratter nerveusement son avant-bras, la jeune femme préféra détourner le regard et faire ce qu’elle savait faire le mieux : fuir en détournant le sujet pour revenir à ce qui l’intéressait principalement : son enquête.

- « Tu me laisserais m’entretenir avec Alice ? Avec sa description, tu penses parvenir à faire un portrait de cette mystérieuse ombre ? J’ai vraiment un sentiment étrange…. Il ne m’a jamais trompé jusque-là, c’est comme… Je ne sais pas. Les vols, ça n’arrête pas d’augmenter dans les autres quartiers, c’est logique de venir s’essayer à l’esplanade, mais pourquoi chaparder des choses sans grandes importances, alors qu’en choisissant bien il y aurait possibilité de survivre un peu plus longtemps ? »

Vraiment, même en l’évoquant oralement ainsi, cela lui semblait bien trop étrange, bien trop… Trop à ses yeux. Prenant une inspiration penchant légèrement la tête en arrière, croissant les bras sous sa poitrine pour prendre cette expression de réflexion elle avait fini par rire, pensant à une plaisanterie d’Irène que de l’imaginer surveiller sa demeure ici. Elle secoua lentement la tête, roulant les yeux de cette manière bien à elle, avant de se pincer la lèvre inférieure. Sydonnie dans la demeure d’Irène, la pauvre Alice n’en dormirait plus la nuit.

- « Mh, je ne devrais pas dire ça, mais si les miliciens sont capables de ne pas remarquer des voleurs dans l’esplanade… Enfin, tu as sans doute raison, avec la fatigue je ne suis plus très claire d’esprit. « Sinon, je ne suis pas certaine d’être à ma place dans ta demeure, tu sais… Alice deviendrait folle avec moi… Et puis je ne dors pas très bien la nuit. Cela ferait tache une sergente qui tue quelqu’un par erreur parce qu’elle n’a plus l’esprit très net et précis. »

La conversation dévia une nouvelle fois lentement vers tout autre chose la peinture. Se pinçant les lèvres, hésitantes, elle ne savait pas réellement quoi demander vis-à-vis de cette œuvre. Même si dans son esprit il était très clair, plus que ça même qu’elle devait disparaître, pour elle, pour Irène, pour ne plus y penser.

- « Mh… Je préférerais que tu la fasses disparaître Irène. Brûle là, découpe-la avec ma dague, mais je n’ai plus envie de la voir pour l’instant. Ce n’est pas contre toi, c’est juste moi. »

La noiraude préféra s’éloigner pour ne pas observer la déception dans les yeux Irène, les bras toujours sous sa poitrine, parcourant simplement le lieu, hésitant. Elle n’étouffait plus vraiment, elle communiquait sans doute plus, pour autant, elle ne parvenait pas à se détacher de son passé, de ses doutes, de ses fantômes. Sydonnie pensait à Roland, à Chris et tous les autres… Elle ne put que soupirer, encore, davantage, toujours.

- « J’aimerais bien avoir un œil ici… dans l’esplanade j’entends… » elle se mordilla la lèvre, masse son menton du bout des doigts « Un œil qui ne serait pas dans des affaires louches… » elle imaginait bien Merrick Lorren qui verrait ça comme une fierté… Un moyen de se pavaner, peut-être « Dis-moi Irène, si j’affecte la coutilerie Lorren dans l’esplanade, tu accepterais de garder un œil de loin sur l’ensemble ? Quitte à le malmener un peu ? Je sais que je t’en demande beaucoup….»

Elle le réalisait et finissait par s’appuyer contre la table. La réalité c’est que la femme d’armes aurait véritablement voulu croire qu’avec Irène elle pouvait avoir confiance, qu’elle pouvait enfin diminuer sa garde. Elle n’y parvenait pas pour l’instant, un pas en avant, un pas en arrière, c’est tout ce dont elle était capable d’offrir.

- « Excuse-moi, parfois j’ai l’impression qu’il n’y a que la milice qui compte à mes yeux et c’est sans doute le cas… Je ne t’ai même pas demandé comment tu te portais ? »

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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptyVen 5 Juin 2020 - 7:32
Elle haussa les épaules, consciente de son impuissance en la matière. Tout ce dont avait besoin le dos de Sydonnie à présent, c’était du temps. Et ce point en particuliers, elle ne pouvait l’influer malgré tous les pouvoirs dont elle disposait dans la cité.

Triste cité où le sacrifice est récompensé par le mépris et le rejet. »

Elle secoua doucement la tête, consciente qu’elle ne gagnerait pas dans cette discussion, on ne changeait pas des années d’auto critiques et de condamnation personnelle en quelque mots sur la beauté intérieure. Sydonnie vivait seule avec son mal être, et tant qu’elle ne déciderait pas d’elle-même de s’offrir une chance d’y voir autre chose. De voir comment la nuit la plus noire était composée de millier de couleur splendide. Alors, rien ne changerait à ce sujet. Même en se saignant pour elle.
C’était comme pisser contre le vent aurait dit Jehan avec ce sourire à la fois triste et ironique qui le définissait si bien. Sans doute devait-elle à présent poser sur la noiraude le même genre de regards plein de peine et de patiente qu’elle avait surpris plusieurs fois sur le visage de son capitaine au fil des années. Ce genre de regard qu’on pose sur une bataille qui se livre sans nous mais que l’on voudrait voir à tout prix remportés.

J’ai cette crainte chaque jour que font les dieux Sydonnie… » Répondit-elle simplement. Trop honnête encore une fois. Mais elle ne se voyait pas vraiment faire celle qui ignore de quoi l’on parle. Elle avait nourri cette peut avant même que la fange ne vienne broyer le monde de sa cruelle présence. Cette crainte qu’éprouvait la noiraude, c’était simplement son quotidien. Un quotidien qu’une part d’elle-même s’empresser de réaliser. Tandis que l’autre se trouver là, à essayer de se sauver à travers une âme aussi perdue que la sienne. Deux combats qui s’opposaient, et que pourtant elle continuait de livrer sur chaque front, comme une guerre entre deux versions d’elle-même.

Si la transformation devait menacer tous les blessés, alors la cité serait déjà à feu et à sang. Sais-tu combien de gens ont été touché lors du dernier assaut ? Je ne te parle pas de ceux qu’à répertorié le temple. Je te parle de tout ceux qui trainent dans les rues, trop inquiet de finir banni pour aller voir le clergé. Ceux qui n’ont de toute façon pas confiance dans leur soin. Sans parler de ces gens là dehors qu’on a marqué comme des animaux et rejetés pour avoir eu le malheur d’être les premières victimes.
Je ne sais pas comment la fange sélectionne ceux qui se relèvent ou non. Mais je pense que si vivre était un facteur aggravant, Marbrume ne serait déjà plus debout.
»

Elle soupira pour elle-même.

Marteler tes arguments et ta conviction qu’il n’y a plus rien à sauver en toi ne t’apporteras rien avec moi Sergente. Je sais ce que j’ai vu l’autre soir. Et ce n’est pas une épée sur un fond noir d’encre. Ma réalité n’est peut-être pas plus juste que la tienne, mais je la défendrais. »

Elle tourna la tête vers Sydonnie et la toisa presque. Pas pour cet échange qu’elle venait d’avoir. Mais parce qu’une fois de plus, la milicienne choisissait le mensonge plutôt que le silence. Elle se permettait de tordre sa perception pour la faire coller à une vision plus douce du passé. Une ou elle n’avait pas besoin de reconnaître que les fondations de sa relation avec Roland n’étaient que sable. Ou sa peine trouvait justification dans un simple moment d’égarement. Une version du monde où Sydonnie d’Algrange était la petite épouse modèle incapable d’être complexe au-delà de son amant. Comme si tout pouvait se résumer à cela. Pour rendre les choses plus simples.
Pourquoi lui demander la vérité si elle lui servait par la suite une de ses tournures si rondement tournée et éculée qu’elle-même ne se donnait plus la peine d’y croire ?

Elle se souvenait encore de la façon dont elle avait décrit sa relation avec Serena, debout comme un animal en cage, répétant des phrases dont elle n’avait aucune foutue idée du sens ou de l’intérêt. Juste une fugue d’elle-même. A quoi bon se condamner si on ne se donnait même pas la peine d’affronter les moments qui selon nous définissait nos crimes ?

Si c’est ce que tu veux que je dise Sydonnie, je le dirais ainsi. Mais par égard pour mon intellect, je te demanderais de ne pas me faire passer pour plus bête que je ne le suis. » dit-elle d’une voix calme en observant sa compagne. « Je pratique la douleur et la solitude depuis bien assez longtemps pour ne pas mériter que tu me mentes sur la tienne et que tu tordes le passé pour y parvenir. Roland à peut-être était la goutte d’eau ce jour-là, mais il n’a pas rempli le vase. Si tu ne souhaites pas aborder ce sujet, alors ignorons-le. Roland et Serena sont tes souvenirs, tout comme Chris et ce que tu gardes encore par devers toi. Si tu ne tiens pas à les partager et en discuter, je ne suis pas celle qui t’y forceras. Cela ne fait pas partie de nos arrangements. Je suis là, pour toi. Ça ne t’oblige pas à te confier, si tu ne le souhaites pas. »

Elle haussa doucement ses épaules fines et reprit en conclusion.

Je pense que si tu revoyais Serena, tu devrais commencer par lui coller ton poing dans la figure. Et peut-être hurler un peu de ses sentiments de colère et de trahison que tu retiens en permanence. Discuter ensuite de ce qu’était vraiment Roland ou pas me semble plus secondaire. »

Elle regagna la petite table et déposa son verre, sans douceur, mais sans brutalité. Elle prenait rarement aussi directement le contrepied de Sydonnie. Et elle savait pourquoi. On ne pouvait approcher d’un animal battu en levant un bâton, même si c’était pour se défendre. Mais malgré la patience et la douceur dont elle faisait preuve, voir la milicienne lui jeter des mensonges qu’elle avait elle-même du mal à croire était une expérience douloureuse.
Elle savait qu’elle essayait, sa présence aujourd’hui en était la preuve, bien qu’elle aurait eu bien du mal à lui faire admettre. Mais pour chaque pas qu’elle faisait dans sa direction, elle enchainait toujours deux dans celle opposée. Si la majeure partie du temps la Comtesse s’y faisait, parce que c’était le choix qu’elle avait fait en voulant être proche de cette femme.
Il y avait des instants comme celui-ci où elle se sentait la nécessité de lui faire ressentir qu’elle n’était pas aussi naïve et douce qu’elle savait l’être en sa présence. Et s’il y a bien une chose qu’elle n’aimait pas qu’on insulte chez elle c’était son intelligence. Car c’était la seule chose qui n’appartenait qu’à elle. Elle le paierait sans doute au centuple. Mais elle ne pouvait pas laisser Sydonnie continuer à lui balancer des bribes de vérité noyées dans des flots de mensonges. Ce n’était bon pour aucune d’elles.

Alice vit ici au quotidien, alors il te suffit de toquer à la porte pour lui parler. Elle a sans doute dû te regarder venir jusqu’ici sans même que tu l’aperçoives. Elle sera ravie de te donner plus de détails que ceux que n’ont bien voulu écouter les membres de la milice qui sont passé. Et si tu le souhaites, oui je pourrais tenter de faire un portrait depuis sa description. » Dit-elle en reprenant d’un ton plus léger, sachant qu’elle avait sans aucun doute dépasser les bornes cette fois. Mais pas prête à céder du terrain pour cette bataille-ci. Elle avait la sensation que si elle accordait encore à la noiraude le droit d’esquiver ses propres ressentis par un mensonge éhonté, elle n’agirait pas comme il le fallait. Comme une amie ?

Tu penses qu’il s’agirait d’une diversion ? Juste assez voyante pour qu’une intrusion sur l’esplanade s’explique par des vols. Mais de trop petite envergure pour que la milice, ou du moins ses membres se mettent à courir partout pour trouver la faille. La question serait alors… que font-ils sur l’esplanade pendant ce temps qui mérite d’être couvert par de petits vols sans importance ? »

Elle parlait à voix haute suivant son esprit logique. C’était le genre de plan qu’elle aurait pu réaliser, agiter un chiffon rouge d’un côté, vif et coloré, pendant que l’autre main serre le manche d’une dague aiguisée. Une diversion classique et efficace, qui bien appliquée pouvait faire des ravages. Surtout selon la personne ou le groupe à l’origine de la diversion…

Je ne me souviens pas m’être réveillée avec une épée dans la poitrine. Et Alice arriverait parfaitement à gérer une tête brulée de plus. Mais c’est un choix qui te revient. Sache juste que tu aurais une place ici. Si tu en avais envie. De temps à autres. »

Elle hocha la tête à sa demande de se débarrasser de la peinture. C’est tout ce qu’elle put faire. Elle ne s’était pas vraiment attendue à autre chose. Mais peut-être qu’à un moment plus propice…
Trop tard ma foi.
Elle ferait avec, et continuerait de voir en esprit ce qu’elle avait pu observer ce soir-là. La demande de Sydonnie posa conflit en elle. Presque instantanément elle envisagea tous les avantages que lui fournirait la situation. Avoir accès à une coutilerie en pleine enquête au sein de l’esplanade. Une force qu’elle pourrait facilement incliner au service de ses objectifs.
Mais d’un autre côté, c’était une demande de Sydonnie. Un signe de confiance, ou du moins une tentative. L’idée même de la trahir lui donna la nausée. Ce conflit intérieur qui l’animait, ces deux facettes de la pièce qu’elle était… Cela finirait par devenir problématique.
Un jour elle devrait faire un choix. Elle observa Sydonnie longuement. Serait-elle à l’origine de ce choix ? Et de quel côté la ferait-elle penchée ?
Elle sourit tout de même doucement à sa remarque. Si d’Algrange n’avait pour seul soucis que d’être trop centrée sur son métier de milicienne, elles auraient déjà fait de net progrès.

Si tu veux que je garde un œil sur tes hommes et que je m’assure qu’ils ne flânent pas au lieu d’aller creuser là où il faut. Je le ferais Sydonnie. Tu es mon amie, pour ce que j’en comprend le sens et même si ce n’est peut-être pas encore réciproque. Si tu as besoin de mon aide, elle est à toi. Je n’aime de toute façon pas trop l’idée qu’il se trame sur l’esplanade des choses que je ne sais pas. » dit-elle avec son sourire de comtesse.

Je me porte comme un charme. Si on omet mon inquiétude pour toi, l’abandon de mes proches, l’incapacité de mon beau-frère à gérer correctement nos affaires, la menace de mort qui plane sur la cité, et l’idée que je doive me trouver un mari à peine le précédent parti… la routine en somme. » Gloussa-t-elle avant de reprendre d’une voix plus sérieuse et pourtant pas dénuée d’une certaine satisfaction.

J’ai récemment commencer à nouer une relation avec quelqu’un. Ce n’est pas tous les jours facile, loin sans faut. Elle est sans doute au moins aussi brisée que moi. Et je ne suis pas certaine d’avoir une chance de la sauver. Car je ne sais même pas si je peux me sauver moi-même. Mais quand je suis avec elle, même lorsque l’on se fait souffrir. J’ai envie de voir si c’est possible. S’il y a quelque chose à sauver. Alors… » Elle plongea ses yeux dans ceux de la noiraude tandis qu’elle s’approchait d’elle. « D’une certaine façon, cela va plutôt bien. »

Elle tendit la main paume ouverte à la milicienne.

Ta dague s’il te plait, sergente. »

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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptyVen 5 Juin 2020 - 21:06


- « Ce n’est pas si triste » osa-t-elle « Je n’aurais jamais réussi sans cette pression. On n’a rien sans rien. Je pense qu’on ne réalise pas la difficulté d’être milicien avant d’avoir tenté l’expérience, pour une femme c’est davantage complexe. Finalement, avec le recul, je suis reconnaissante de tout ça. »

Au début de sa carrière, il n’y a aucun doute sur le fait que jamais la noiraude n’aurait tenu ce genre de propos. Jugeant l’ensemble odieux, méprisable, injuste sans doute… Aujourd’hui, c’était différent, avec le recul et l’expérience, si elle ne trouvait pas tout justifier, la plupart lui avaient permis de se renforcer, de survivre. Les bandits, les brigands, les bannis, ils iraient beaucoup plus loin que de simple main volage, de simple attouchement, de simple crachat au visage ou tentative de viol. Oui, la milice était ordurière avec les femmes, mais cela n’aurait jamais le même niveau que ce que peut vous faire un ennemi qui n’a lui aucune limite. Si rien ne nous alerte avant la première rencontre dramatique, alors comment survivre, comment se défendre, comment réagir ? Était-ce sans doute parce qu’elle était convaincue que c’était bien tout ce qu’elle avait vécu qui lui permettait aujourd’hui de porter son grade avec fierté, qu’elle fermait les yeux, qu’elle entrait dans le jeu très masculin de la maltraitance des femmes dans la force gardée du Roi.

Immobile la sergente sentait ses muscles se contracter, puis se relâcher, alternant dans la panoplie de sentiment contradictoire qu’elle ressentait en cet instant. Son regard passait d’Irène et ce visage au sourire triste, sans qu’elle n’identifie la propre source de son ressenti. La décevait-elle ? Sans doute, entre vouloir accepter quelqu’un dans son ensemble et le faire réellement y avait-il sans aucun doute des royaumes entiers à surmonter. Pour autant, l’ancienne d’Algrange restait là, fixe, sans le moindre mouvement, hormis celui de ses lèvres se pinçant dans sa contrariété, hormis le mouvement de son bras relevant sa main pour lui permettre d’avaler une gorgée de jus.

Ses prunelles azurs avaient fini par se teinter d’interrogation, alors que la comtesse de Valis évoquait connaître son sentiment. C’était plutôt surprenant à ses yeux, ou peut-être pas, son souvenir ne lui permettait pas d’affirmer si sa peau était elle aussi marquée, bien que dans sa mémoire Irène ne l’était pas. Cette argumentation de raison, elle l’avait souvent entendu, néanmoins, ne pouvait-elle s’empêcher d’être effrayée, pouvait-elle offrir le moindre argument identique en contre argumentation. La vérité c’est qu’on n’en avait aucune idée, qu’il était bien évidemment plus rassurant de se dire que seuls les blessures graves, les morsures, ou tout autre élément dramatique provoquaient la transformation. Pour autant, était-ce un fait concret ? Une évidence ? Une affirmation prouvée ? Non. Elle avait dégluti et détourné les yeux, les bannis elle comprenait, tous n’étaient pas coupable –le pensait-elle ou voulait-elle le croire difficile à dire-, mais cette notion de protéger en expulsant elle comprenait, réellement.


- « Je n’aimerais pas être le Roi » avoua-t-elle en croisant les bras sous sa poitrine « On se fait détester pour des décisions pleines de bons sens…. L’intérêt du plus grand nombre doit toujours primer. C’est triste à dire, mais je comprends. Si on n’a pas la certitude qu’une blessure, qu’une marque, qu’une morsure ne représente aucun risque, alors il faut l’éloigner. Marbrume est la seule ville fortifiée ayant survécu, cela doit perdurer. »

C’était une conviction profonde, comprenait-elle que parfois, pour le bien commun, fallait-il en sacrifier certain. L’acceptait-elle ? Difficilement, pour autant, elle faisait ce qui devait être fait, sans faux semblant, sans fausse excuse. Elle était une arme, par choix, par devoir, puis plus récemment par véritable plaisir. Néanmoins, cela ne l’empêchait pas d’éprouver des regrets, des doutes, de craindre la mort qu’elle désirait pourtant avec ardeur. Sa première grimace vint finalement déformer son visage, sans même avoir encore conscience à cet instant que pire l’attendait. Sydonnie s’était contenté de détourner les yeux d’Irène et de la toile, percevant son soupir comme un signe d’agacement.

- « Je n’ai pas dit que ta réalité était fausse, si j’accepte la tienne, tâche juste de penser que la mienne n’est pas pour autant dans l’erreur… »

Ce fut sans doute là que Sydonnie prit sa première claque silencieuse venant d’Irène et la comtesse elle-même ne dut par le percevoir. Son regard sembla vriller un instant, alors que sa mâchoire s’était contractée de cette manière désagréable, douloureuse, dans le craquement de ses os qu’elle malmenait tant la totalité de son être venait soudainement de se fermer. Devait-elle ressentir la même chose qu’Irène, alors que celle qu’elle pensait être amie l’avait jugé de fréquenter une femme de petite vertu. Là, juste là, en plein milieu de l’atelier, Sydonnie se sentit défaillir, comme si elle venait de se prendre un coup, une lame dans les côtes, dans le ventre ou ailleurs. Elle qui avait évoqué un souvenir concret et gênant, se voyait déjà se le faire reprocher, pire, la comtesse prétendait qu’elle mentait. C’était violent, violent pour celle qui communiquait pour la première fois, qui évoquait des passages de sa vie, de sa vision, de se faire rejeter de cette manière, elle qui tentait de faire confiance et qui percevait la première déception poindre le bout de son nez. Ses lèvres s’étaient pincées, alors que ses sourcils se fronçaient.

- « Je ne recommencerais plus » articula-t-elle simplement « Je suis stupide… » souffla-t-elle plus pour elle-même.

Le choc était rude, blessant, elle en perdait presque contenance. Se maudissant, s’interrogeant sur ce qu’elle avait voulu croire, que ce qu’elle avait voulu imaginer. Irène était comme les autres, fallait-il être ce qu’elle imaginait, ce qu’elle pensait voir, si le reflet n’était pas celui attendu, préférait-elle prétendre qu’elle mentait. Ses doigts se replièrent sur eux même avec lenteur, se crispant, se serrant, ses articulations s’étaient mises à blanchir, elle avait été idiote, naïve. Comment avait-elle pu… Secouant doucement la tête, replaçant ses doigts dans sa chevelure qu’elle renouait convenablement.

- « J’y penserais, mais je n’ai pas dans mes projets proches l’idée de la revoir, je te remercie du conseil »

Il y avait une grande différence entre une noiraude qui fait des efforts et celle qui n’en fait plus, une grande différence entre celle qui veut être tolérante et celle qui se sent blessée. Comme un animal venant de se pendre dans un piège, elle se renfermait prête à lutter, quitte à faire mal en retour, avant de certainement se laisser agoniser dans un coin. Finalement, la déception avait fini par prendre le pas sur sa colère, alors qu’elle s’occupait l’esprit et les mains en effleurant quelques babioles. Silencieuse un moment, la conversation avait fini par se diriger sur la neutralité, évoquant la mission, sa problématique et puis cela s’arrêtait là. Dans le fond Sydonnie pensait déjà à repartir, disparaître de l’autre côté du portail, respirer et tenter de comprendre, comment, encore une fois, elle avait envisagé de laisser quelqu’un s’approcher. N’apprendrait-elle donc jamais ?

- « Oui je repasserais la voir plus tard, si ton talent peut-être mis à contribution je ne suis pas contre non plus. » Répondit-elle sans pouvoir s’empêcher de vérifier que la fameuse Alice ne se trouvait pas dans un coin, un soupir fuyant sur les lèvres, plus bruyant qu’elle ne l’aurait voulu, elle roula des épaules « Je ne sais pas… J’en sais rien dans le fond, je me fais peut-être des idées, peut-être bien que je n’ai plus les idées très claires dernièrement. Je me disais que si je voulais faire un bon coup, faire réagir, attaquer un membre de la noblesse serait une bonne idée, alors qu’en se concentrant sur des vols à droite… On ne verrait pas l’attaque à gauche »

De temps à autre. Le mot se répercuta dans l’esprit de la femme d’armes, elle qui aurait pu croire à ce type de propos, de paroles, mais qui ne parvenait plus à y croire ou lui offrir le bénéfice du doute. Qu’est-ce qu’il se passerait ? À chaque fois qu’elle ne dirait pas ce qu’Irène avait besoin d’entendre, elle serait une menteuse ? Sans doute. Encore une fois elle détourna le regard avec lenteur, sentant cette onde de tristesse et de colère se mélanger dans sa tête.

- « Ça ira, je dois revoir Jacob demain, je lui ai donné rendez-vous à la chope sucrée… Peut-être qu’après ça je regagnerais leur domaine ? Je n’en sais trop rien. Je ne sais plus trop ce dont j’ai envie de toute façon, alors je suis bien à la caserne, je risque d’être prochainement affecté à une enquête à l’extérieur. C’est plus propre de voir un sergent peut-être fangeux mourir dehors que dans les murs de la ville. »

Impossible pour la femme d’armes de se détacher du premier faux pas d’Irène, cela en devenait presque une obsession, une non alternative, une porte ouverte vers la fuite. Elle était terrifiée à l’idée de se tromper, d’être utilisé encore, manipulée comme une poupée de chiffon, terrifiée à l’idée d’apprécier celle qui ne faut pas, celle qui ne veut voir que sa propre normalité. C’était tellement plus simple quand il n’y avait pas de lendemain.

- « C’est un bon milicien… Si tu enlèves sa fainéantise, son envie d’être le plus beau, le fait qu’il doit sans aucun doute collectionner les dessous de sa future femme, qu’il pense à lui avant tout autre existant sur cette terre et qu’il attire la merde à des royaumes entiers d’éloignement. Hormis ça… Je pense qu’il pourrait devenir un bon sergent. » c’était la première fois qu’elle l’évoquait « Je me disais que si je devais mourir, c’est à lui que je léguerais ma place, mais je voudrais pour ça le former, ne pas avoir de regret, me dire que j’aurais pu faire quelque chose de bien…. Sauf qu’il n’est pas simple cet idiot. » elle roula des yeux « Merrick Lorren est un beau parleur et si il savait aussi bien manier sa lame que sa langue, ça m’arrangerait bien. Sauf que voilà, niveau bon à rien parfois il fait fort… Pourtant, en creusant, je suis certaine qu’il pourrait rendre bien »

Elle laissa un nouveau soupir fuir ses lèvres, elle croyait encore en les Trois pour parvenir à cet objectif, mais eux même devaient bien avoir à l’esprit que Merrick Lorren c’était un chantier de bien plus qu’une vie.

- « Il sera comme un poisson dans l’eau ici. La noblesse devrait l’apprécier et si j’ai vraiment l’idée aussi folle qu’insensée de le faire monter… Alors il faut qu’il s’adapte à ce milieu. »

Ses doigts roulèrent un instant contre son pantalon, le long de sa lame, simplement pour la sentir, la percevoir véritablement. Elle prit une légère inspiration cherchant à se détendre, alors qu’Irène se lançait dans le drame de sa vie, évoquant une multitude de fait plus désagréable que les autres. Un instant à peine son ressenti du disparaître, pour lui offrir un vent de culpabilité, était-elle à ce point égoïste pour ne pas s’en préoccuper jusque-là ? Cependant, elle ne lui avait pas vraiment laissé le temps s’approchant là où la sergente reculait, plongeant son regard dans le sien pour parler d’elle, pour parler des blessures, pour parler de cette accroche invraisemblable qu’elle ressentait à son égard. Ce fut un silence, alors qu’elle lui demandait sa dague, alors que la noiraude sentait ce frisson étrange remonter son dos et qu’Irène ne se trouvait pas si loin d’elle, son regard dans le sien hurlant cette sincérité qu’elle avait pourtant elle-même démenti en la traitant de menteuse.

Il y avait murmure à ce moment dans la tête de Sydonnie, celle qui aurait voulu la croire, voir une maladresse comme elle était capable elle-même de commettre et qui refusait de renoncer à la première déception et l’autre. Celle qui lui hurlait de lui donner ce qu’elle voulait, elle voulait simplement son corps, sa bouche, un instant de plaisir, une image à graver dans son esprit pour mieux disparaître, mais elle ne voulait pas de ses doutes, de ses souvenirs de ses débuts de conversation. La lutte faisait rage dans son esprit, entre lui donner sa dague, s’installer, conserver cette apparence boudeuse, peut-être froide et toute autre chose.

Alors, elle l’avait amené à elle simplement en glissant une main dans son dos, simplement pour la coller à sa silhouette, simplement pour lui faire comprendre à quel point elle aussi elle pouvait être plus complexe, dangereuse. Là, alors que les deux corps s’effleurent dans cette pression provoquée par sa main dans le bas de son, elle vient finalement la défaire pour la retirer, simplement pour la repousser, sans se distancer, sans pour autant se décoller bien au contraire.

Rapidement Irène fut contre sa propre représentation encore humide possiblement, alors que les doigts de la noiraude remontaient le long de ses jambes. Une main contre le mur, une autre effleurant ses jambes jusqu’à ce qu’elle n’atteigne l’emplacement de sa dague. Elle pouvait sentir son odeur, elle pouvait sentir son propre besoin de découverte, mais ce n’était que ça à ce stade, comme à chaque fois qu’elle s’était abandonnée dans des bras qui ne lui appartenait pas, un besoin de réconfort, une illusion d’exister dans les draps d’un autre, pourrait-ce une autre, serait-ce la même chose ? Elle approche ses lèvres des siennes sans les effleurer, sans les toucher simplement pour évoquer.


- « Je pourrais te donner ce que tu veux, mais ça n’aurait pas le moindre sens, si tu veux vraiment t’approcher Irène, alors ne me juge pas sévèrement lorsque j’évoque un fait dont j’ai honte. » souffla-t-elle « Je ne sais pas pourquoi je suis encore là »

Puis ce fut ce geste parfaitement maîtrisé, parfaitement cadrer, le bruit de la lame qui coupe une toile, puis qui s’arrête, alors que la silhouette armée se détache, alors que le contact s’estompe, alors que l’oppression qu’elle avait ressentie jusqu’à durant ce moment étrange de confrontation et de tentation. Irène la sentait-elle ? Immobile, plus loin, elle ne peut que glisser sa dague à son emplacement, alors qu’elle dévisage de son regard froid cette silhouette, celle qui souffle le froid et le chaud, celle qui prétend tant de choses. En était-elle seulement capable du tiers ?

- « Je n’ai jamais sous-entendu que tu n’étais pas intelligence Irène, il est manifeste que dans ce domaine tu me dépasses largement sans hésitation. Peut-être même ne suis-je qu’un jeu pour toi, mh ? » elle le pensait à cet instant, elle qui ne se détachait aucunement de sa blessure « Alors oui c’est vrai Irène, j’ai mentis, mais pas sur le fond, parce que tu vois, ce que je cachais, c’est simplement le fait que la raison de ce silence de plusieurs jours avant notre petit rendez-vous, c’est parce qu’il m’a sauté. Je n’en étais pas fière, ce n’est pas correct pour une femme, mais oui, si tu veux tout savoir, il m’a sauté dans les jardins du Duc et après ça POUF. Alors ce jour-là, quand je suis venue pour que tu me peignes, parce qu’il avait insisté je n’étais pas très à mentalement avenante à cette idée. » elle roule des épaules « Peut-être que je ne valais pas plus que ça, ne manquait-il que le pécule que tu donnes à la catin après coup. Était-ce une goutte d’eau ? Peut-être, qu’est-ce que j’en sais. »

Elle détourne les yeux, secoue la tête, elle est ridicule dans cette défense par l’attaque dans cette pression des mots qu’elle ne manie pas de la bonne façon.

- « Je suis navrée d’être un peu trop égoïste pour percevoir que ta vie ne doit pas être évidente… Si tu veux en parler…. Comme tu as pu le constater, ta sergente n’est pas la plus stable des femmes et tu as tendance à mettre mes sens en alerte. Tu es certaine, vraiment, que c’est ça que tu veux Irène ? Devenir amie avec ça ? Prendre le risque de souffrir perpétuellement aux moindre faux pas que tu vas commettre, ou au moindre trouble possiblement provoqué ma blessure ou par je ne sais quoi ? »



Dernière édition par Sydonnie de Rivefière le Dim 7 Juin 2020 - 0:39, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptyVen 5 Juin 2020 - 23:56
Elle ne répondit rien à l’argumentation de Sydonnie pour défendre la décision du duc. Non du roi présentement. Elle avait déjà argumenté mille fois à ce sujet et aurait pu se perdre des heures pour démonter chaque argument. Signalait l’horreur d’un choix précipité qui avait autant à voir avec un sens aigu de la politique qu’une réelle volonté de sauver ce qui pouvaient l’être.
Mais elle ne se voyait pas perdre de temps sur un sujet qui semblait à cet instant si anecdotique pour elle. Il se déroulait dans cette pièce une scène bien plus importante pour elle que la vie de tous les bannis réunis, et même de tous les habitants. De sa vengeance, de ses regrets.
Elle sentait en Sydonnie un point de rupture provoqué par ses mots. Ou plutôt, comme à sa dernière visite, un ensemble de situation qui venait déborder en réponse à un simple instant. Elle ne regrettait pas vraiment de l’avoir provoqué. Elle devait lui dire que pour elle, ses paroles étaient un mensonge. Teintées de vérités mais mensonges tout de même. Elle lui servait des excuses, des explications, de possibilités comme si cela pouvait tout expliquer.
Pour Serena, Pour Roland. Alors elle avait frappé en retour, pas pour lui faire du mal même si c’était inévitable. Mais pour essayer de lui montrer qu’elle voulait voir au-delà, qu’elle ne voulait pas se contenter d’une surface. Elle ne voulait pas de la fille voulant un mari et une vie rangée, pas celle non plus qui avait essayé de se faire pardonner par l’esprit de sa mère. Elle voulait celle qui s’était battu pour échapper à sa condition. Qui se sentait prisonnière même sans entrave. Qui semblait presque sur le point d’exploser de tristesse à cet instant, serrant convulsivement le poing, ses lèvres pincées et le visage livide.

Ne fait pas cela Sydonnie. Ne fait pas comme si cela ne t’atteignait pas. Pleure, hurle, balance-moi ton verre. Mais s’il te plait, exprime-toi. Si j’ai tort de dire que tu ne me dis pas la vérité. De penser que la tristesse qui t’habite ne vient pas que de cet instant, alors dis-le. Dis-le sans détour, sans essayer de noyer le sujet.
Je ne veux pas que tu me serves une idée préconçue pour que je puisse comprendre facilement les choses. Je veux que tu me parles, ou que tu m’ignores lorsque je n’ai pas encore mérité le droit de savoir ce que tu ressens, ou si tu ne le sais pas toi-même. Mais ne me sers pas cette voix froide, ce rejet dans tes yeux que tu ne m’exprimes pas. S’il te plait. Je peux être dans l’erreur, mais je ne peux pas m’améliorer ni te comprendre si tu installes ce fossé entre nous.
»

Elle baissa les yeux doucement, pas certaine de pouvoir vraiment atteindre Sydonnie avec ses mots. D’ailleurs la milicienne avait déjà enchainé sur l’évocation de ses hommes. Encore ce nom de Lorren. Il devait avoir bon fond et être brave pour laisser une telle impression sur une femme comme elle malgré tout les reproches qu’elle semblait avoir à lui faire. Mais tout ce que pouvait retenir Irène, c’est que Sydonnie évoquait encore une fois l’idée de mourir, de son ton détaché, comme si c’était normal. Obligatoire même. Partir en mission à l’extérieur pour être oublier de tous à cause d’une blessure et de la conviction d’être devenue un poids pour la société qu’elle défendait.
Si cela devait arrivait…
Marbrume aurait commis là son dernier péché, elle en fit le serment.

Je ne te parle pas de là où on veux te voir jouer un rôle ou un lieu reculer où on pourra t’oublier Sydonnie… » dit-elle d’une petite voix en se triturant les doigts plein de tâches de peinture, les yeux baissés. « Juste d’un endroit où une personne qui tient à toi pourrait t’attendre quand tu décides de rentrer. Mais je veillerais sur ton homme, et à ce qu’il ne se laisse pas berner par le spectacle de la noblesse. »

Elle glapit alors que la haute silhouette de la milicienne l’attirait à elle dans un geste presque brusque. Elle n’aurait pas eu la force de la repousser même si elle l’avait voulu. Comme d’habitude, son corps s’émerveilla de la sensation ressentie. Comme si un fleuve d’énergie tarit retrouvait de puissants flots. Elle n’avait jamais désiré si ardemment quelqu’un. Tant voulu que des lèvres se penchent pour voler les siennes. Pourtant, en regardant les yeux de Sydonnie tandis qu’elle la repoussait lentement contre la toile qui la représentait, étalant de la peinture sur sa robe et son dos nu. Elle se dit que ce serait mal qu’un baiser survienne à cet instant, car si son corps suppliait pour cet instant, rien dans son esprit ou celui de sa compagne ne semblait sincèrement vouloir que ça arrive. Ce n’était qu’une pulsion, sans douceur, sans envie, sans complicité. Le genre de fougue qu’avait du ressentir son géniteur à son égard.

Tu crois que c’est ça que je veux ? » put-elle simplement répondre rendu nauséeuse par l’idée qu’elle ne pouvait être que cela. Une simple copie féminine de son père. Prête à tout pour satisfaire un appétit malsain. Comme avec Flore dans les jardins. Rien de plus qu’un animal. Elle se demanda aussi pourquoi Sydonnie restait si tout ce qu’elle parvenait à lui faire ressentir c’était ce désir incontrôlable et creux. Alors en effet, elle n’avait rien à lui apporter…

La sensation n’alla pas décroissante, s’agrandissant comme l’entaille dans la toile tandis qu’elle s’éloignait d’elle et qu’elle lui racontait avec force détails et ressenti la raison de cette sensation d’abandon par Roland. Malgré elle, elle se mit à haïr l’homme qui au plus elle le découvrait au moins lui semblait digne de sa Sydonnie. Et elle eut honte de se rendre compte que par son désir peut-être donnait-elle à Sydonnie l’impression de ne pas être différente de ses hommes qui font le nécessaire pour obtenir la récompense et ensuite abandonner leurs compagnes.
Elle eut d’autant plus peur qu’elle n’avait aucun moyen de lui prouver l’inverse. Cela voulait-il dire qu’il y avait une part de vérité dans cette idée ?
Elle secoua la tête, incapable de trouver les mots pour exprimer à quel point elle avait peur et honte de n’être que ce que Sydonnie semblait finalement voir en elle. Elle sentait son regard froid et sur qui la condamnait, la jaugeait. Elle avait un gout de bile dans la bouche.
Elle ne put qu’exploser. Pas de colère, mais de tristesse. Elle fondit sur la milicienne avec toute l’énergie dont son gabarit était capable, parcourant la distance qui les séparait presque en courant.

Tu es vraiment stupide ! » Dit-elle presque en hurlant, tapant de ses petits poings sur le buste de Sydonnie, encore et encore sans même pouvoir vraiment déséquilibrer la guerrière. « Stupide, stupide, stupide, stupide, stupide. » Répéta-t-elle encore et encore jusqu’à ce que ses muscles et sa voix faiblisse et quelle finisse par se retrouver le visage posé contre la poitrine de Sydonnie, ses joues couvertes de larmes comme elle n’en éprouvait plus depuis longtemps. Ses bras glissèrent autour de la taille de Sydonnie, ses mains se posant bas sur ses reins, là où naturellement elle savait qu’elle n’appuierait pas sur les blessures de la créature aux cheveux noir de jais. Elle la serra contre elle aussi fort qu’elle en était capable.

Pourquoi tu devrais être seule Sydonnie ? Pourquoi tu ne veux pas croire que peut-être il y a encore du bonheur quelque part pour toi ? Pourquoi je n’aurais pas le droit d’être ton amie ? Pourquoi je ne peux pas te dire que je t’aime sans que tu ne te sentes menacée et blessée ? Pourquoi tu crois si profondément qu’il n’y a rien à aimer en toi ? » Dit-elle en pleurant dans le tissu de la chemise d’un vert sombre. Elle avait l’impression d’être redevenue une enfant innocente à qui l’ont refusait d’expliquer le fonctionnement du monde qui l’entourait. Elle voulait juste être à coté de Sydonnie, elle voulait avoir envie vivre et lui donnait envie de vivre. Pourquoi l’une comme l’autre, n’auraient pas le droit à quelques instant de paix et de joies si tout devait finir ?

Elle enfonça un peu plus son visage contre celle qu’elle voulait voir dans sa vie, car avec elle la vie semblait avoir un sens dépassant le simple mot. Même si elles ne partageaient jamais rien de plus qu’un peu de tranquillité et de joie, elle s’estimerait chanceuse. Mais sa vie comme celle de Sydonnie semblaient en permanence leur refuser cela. Mais elle se battrait, pas pour la fin comme elle faisait toujours. Pas pour la vengeance ou pour le pouvoir. Pas parce que la comtesse et la bête en elle ne souhaitaient que cela.

Non, uniquement parce que la jeune femme qui portait le nom d’Irène semblait vivre encore, là quelque part, et qu’elle voulait être avec Sydonnie. Qu’elle voulait être avec quelqu’un qui résonnait à son appel. Une chose que malgré toutes se rebuffades, la noiraude semblait parvenir à faire presque involontairement. Elle releva ses yeux perlés de larmes pour observer Sydonnie avec une détermination nouvelle.

Je prends le risque. J’encaisserais la souffrance. Je vais être ton amie. Non, pas seulement. Je vais t’aimer Sydonnie, comme une sœur, comme une compagne, comme une amie, comme une amante comme tout ce que mes sentiments me feront ressentir pour toi en acceptant que peut-être, jamais tu ne partageras cela. Tu n'es pas un corps que je veux posséder sergente, tu es toi, et je te veux dans ma vie. J’apprendrais de mes erreurs, j’accepterais les tiennes. Et je me battrais pour te faire sourire, pour planter une graine d’espoir dans ton être et te donner envie d’avoir un endroit où revenir. J’essaierais encore et encore même si je dois échouer à la fin. »

Et plutôt que de la laisser s’éloigner comme elle avait tant l’habitude de le faire, elle serra encore plus la milicienne habitée de désespoir contre elle. Non, elle n'était pas son père. Elle n'était pas sa mère. Et peut-être, qu'au fond, elle n'était pas la comtesse qu'elle se plaisait à être depuis des années.
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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptyDim 7 Juin 2020 - 0:59


- « Qu’est-ce que j’en sais… » souffla-t-elle simplement.

Au fond, que pouvait-elle en savoir, oui. Il y en avait des mots prononcés, des intentions évoquées, mais que pouvait-il lui prouver que c’était vrai ? Qu’est-ce qu’il pouvait réellement définir que cette situation, cette relation n’était ni manipulation, ni moment d’égarement, mais le début d’une véritable amitié ou de plus, qui sait. Que pouvait-elle savoir, penser, imaginer réellement ? Ses prunelles bleutées avisaient celle qui était en arrière, dont le visage semblait avoir été heurté par les mots de la noiraude, dont l’expression dévoilait un certain dégoût, dont les yeux hurlaient sans doute cette nouvelle incompréhension. Sydonnie aurait voulu entendre cet contre argumentation, la sergente aurait sans doute apprécié de la voir rire, se moquer, lui dévoiler le contraire. Ce ne fut que ce silence, cette condamnation sans bruit, cette attestation que sans doute, n’était-elle pas dans le faux. Un soupir avait fui ses lèvres, alors que la comtesse triturait ses doigts, ne s’offusquait pas de la peinture recouvrant son dos, sa tenue, ne s’emportait pas de cette violence dont elle faisait parfois preuve, aussi maîtrisée soit-elle.

Sa réflexion se tournait encore vers les paroles d’Irène celle lui demandant de ne pas agir ainsi, de ne pas se fermer, de ne pas parler, mais au contraire d’exprimer le plus fortement possible son ressenti. Sydonnie avait conscience d’être incapable de réagir ainsi, avait-elle appris avec le temps, qu’elle n’était pas ce genre de femme très communicant, non. Au contraire. Avait-elle toujours été ainsi, ou l’était-elle devenue ? C’était difficile à dire, elle-même ne le savait pas vraiment et puis elle fut sorti de ses pensées par une Irène se précipitant sur elle, frappant de ses poings refermés sur son buste, frappant encore et encore, si bien que la noiraude fit néanmoins ce pas en arrière, sans chercher à l’arrêter, à la contenir, ne put-elle que la capturer dans ses bras alors que le visage Irène semblait s’effondrer contre elle, que les forces devaient la quitter alors que sa propre colère la rongeait. Ses yeux étaient brillants, ses joues humides de ce mélange de tristesse et d’incompréhension. Sa voix était montée dans les tonalités plus aiguës, alors qu’elle l’avait traité de stupide. Étaient-elles au moins d’accord sur un élément la concernant.

- « Je sais… » souffla-t-elle simplement en réajustant ses bras autour de la silhouette féminine.

Immobile, Sydonnie restait ainsi, la contenant sans chercher à la libérer où se libérer de ses mains au niveau de ses reins, de cette pression qu’elle ressentait autour de sa taille, de cette respiration rapide qu’il ne lui appartenait pas, où même de ce tambour battant à un rythme bien trop rapide pour qu’elle ne puisse le suivre. S’excuser, elle n’en était pas capable, avait-elle une raison de le faire ? Peut-être, peut-être pas. Penchant légèrement la tête pour détailler la chevelure indisciplinée de la comtesse, elle ne put retenir un doigt de s’y perdre, de replacer les mèches rebelles avant que sa main ne retourne dans son dos émettant cette légère pression silencieuse. Pourquoi. Un mot répété encore et encore déformant le visage de la sergente en une grimace désagréable, elle aussi s’était souvent demandé pourquoi. Pourquoi était-elle encore en vie alors que tous ceux qui avaient fait partie de son existence étaient morts ? Pourquoi s’était-elle sentie soulagée et triste à la perte de son enfant ? Pourquoi avait-elle le don d’être toujours dans des situations délicates ? Pourquoi avait-elle fini par détester la vie et son existence ?

- « Parce que les gens meurent Irène, parce qu’ils meurent toujours et que je ne veux plus devoir survivre à qui que ce soit. Parce que je ne suis pas digne d’Anür pour qu’elle m’accorde l’accès à son royaume et que je suis fatiguée de ne jamais parvenir à me détacher de cette douleur dans ma poitrine. » elle tourne la tête, observe un peu plus loin « Je n’ai rien à offrir hormis de la souffrance Irène, je te vois être là, je vois ton regard, mais je ne suis pas certaine d’avoir autre chose qu’à t’offrir que ce je suis aujourd’hui. »

Son regard se perdit un instant sur le tableau entaché de ce coup de dague, elle vit les morceaux et le trouva soudainement si réaliste, reflétant parfaitement ce qu’elle était. Juste une cicatrice béante qui n’arrivait pas à se refermer, ou qu’elle ne voulait pas refermer pour ne pas en découvrir une autre. Laissant ses doigts parcourir le dos d’Irène avec cette douceur étrange, serrant doucement son emprise au même rythme que les mains se refermant davantage sur ses hanches. Sa main avait fini par venir remonter le menton d’Irène, simplement pour pouvoir plonger son regard dans le sien, espérer sans doute trouver autre chose que les mots que la comtesse avait démontré maîtrisé, elle lui offrit un demi-sourire sincère. Dans le fond, elle aurait aimé la croire, elle aurait aimé retrouver le goût de tout, ressentir autre chose qu’en plongeant dans une bouteille d’alcool, ressentir autrement que s’abandonnant dans des lits au propriétaire bien souvent différent, elle aurait voulu, vraiment parvenir à se retrouver, retrouver son insouciance, sa naïveté des débuts. Retrouver l’âme de celle qui voulait devenir de chevalier et qui tenait tête à sa mère. La réalité aujourd’hui lui semblait si loin de celle qu’elle aspirait à devenir par le passé.

- « Je serais ravie d’avoir une amie comme toi Irène et si je pouvais t’éviter quelques douleurs cela ne pourrait qu’être convenable, mh ? » elle réajusta un nouveau sourire en deux temps « Je n’ai pas envie de te voir pleurer, il y a mille et une raison plus justifiée aujourd’hui pour ça, comme par exemple mh…. » elle fit mine de réfléchir « Le départ de ton garde, la trahison de ton amie, la mort de ton mari t’obligeant à retrouver homme dans ton lit… » elle s’était mise à rire « Plus sérieusement Irène… As-tu déjà pensé à Jacob ? » elle l’avait dit un peu comme ça, mais dans le fond « Moi-même y avais-je pensé… Mais. Épouser le frère de feu mon mari, finalement…. Tu as de l’expérience, tu aurais beaucoup à lui apporter. Lui aussi avec la fougue de la jeunesse. Vos âges ne doivent pas être si éloignés» elle laissa un soupir « Mais bon, tu as encore le temps d’y penser, n’est-ce pas ? » puis elle reprit avec cette conviction « Marbrume ne tombera pas et l’esplanade non plus Irène, moi vivante, cela n’arrivera jamais, c’est pour ça que je suis devenue sergente, je refuse que des innocents, des femmes, des enfants, des pères de famille succombent encore. Plus jamais on ne vivra tout ça, plus jamais, je te le promets, je traquerais tous ceux qui tenteront de s’en prendre à la ville et ses occupants. Tu seras toujours en sécurité entre les murs de l’esplanade. »

Cette une promesse aussi folle que criante de sincérité. S’il y avait bien un élément fondateur et qui ne semblait jamais fléchir dans l’esprit de la jeune femme, c’était bien sa fidélité à son roi, aux gens habitants Marbrume, sa capacité à croire qu’elle était en mesure de sauver tout le monde, son besoin extrême de sauver tout le monde. Sa voix était remplie de cette assurance si rare, de cette certitude, de cette sévérité. Oui, la détermination de la noiraude à ce sujet ne connaissait aucune frontière, aucune limite, aucune barrière.

- « Si tu me parlais de ce beau frère incompétent et après ça, j’aurais une proposition à te faire, si tu me promets de ne pas penser que je t’utilise… J’ai sans doute une idée pour mon enquête, mais je vais avoir besoin de ton influence dans l’esplanade… »

Elle finit par se détacher, descendre ses mains le long de la taille d’Irène pour l’éloigner un peu, pour la décrocher sans violence, l’accompagnant par la suite pour venir retrouver le confort de son tabouret d’artiste, ses lèvres se pincent alors qu’elle vient simplement servir deux verres de jus de pomme pour lui en apporter un, pendant qu’elle s’appuie simplement contre un meuble. Prenant une inspiration, elle réalise qu’en ayant touché Irène, elle s’est elle-même barbouillée de peinture par endroit.

- « Navrée d’avoir gâché ta robe, j’espère que la peinture s’enlèvera facilement »

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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptySam 20 Juin 2020 - 6:57
La tête posée sur la poitrine de la noiraude, la comtesse à la coiffe d’argent et au cœur de ténèbres se contenta de remuer la tête en signe de dénégation face aux paroles de sa compagne. Pas qu’elle les remettait en cause. Elle était intimement persuadée au contraire que la milicienne dont le cœur était tout aussi sombre que le sien, était convaincue de ses dires.
Convaincue de n’avoir rien à offrir d’autres que de la peine et des regrets. Il était juste impossible pour elle de l’accepter, parce qu’elle percevait par-delà ce voile, le feu ardent qu’était Sydonnie d’Algrange.

J’essaierais encore et encore. » Répéta-t-elle une fois de plus. « Je ne peux t’accorder ces paroles Sydonnie, car je ne peux pas y croire. Nous serons encore nombreux à tomber, et beaucoup d’entre nous n’aurons sans doute pas de place attribuée sous la voute. L’homme a fait tant de mauvaises choses. Toi comme moi avons sans doute perdu le droit à espérer une fin et un accueil chaleureux. Mais avec toi, je ressens moins ce vide que je pensais être devenu définitif en moi et je crains moins de découvrir ce qui m’attendra ensuite. Alors envers et contre tout, je me battrais à tes côtés, même si parfois cela veut dire que c’est toi que je devrais affronter. Jusqu’à ce que toi aussi tu puisses un jour te sentir moins seule en ma présence. Si je dois échouer, que ce soit en ayant tout tenté. »

L’odeur de la guerrière entre le cuir et la peau avait quelque chose d’apaisant, et la noble se rendit compte que ce parfum singulier lui avait manqué, pourtant elle l’avait expérimenté il y a quelques jours seulement. Elle sentit les doigts puissant et pourtant délicat dans leurs actes, se glisser sous son menton pour soulever doucement son visage face au sien. Elle la gardait aussi étroitement serrée contre elle que l’inverse, même si sans aucun doute l’affection ainsi exprimée n’était point la même. Elle se demanda fugitivement si la milicienne allait encore l’embrasser, mais savait que c’était là un espoir qui n’avait pas grand-chose à voir avec la réalité de leur situation. Elle se contenta de lui envoyer pas son regard humide toute la détermination dont elle était capable. De lui montrer qu’elle ne la laisserait plus être seule.
Sans doute en vain, car un regard n’est qu’un regard.
Au moins lui accorda-t-elle à demi-mot le droit d’espérer devenir son amie, réellement. Et cet accords était déjà pour elle bien plus qu’elle ne pouvait vraiment espérer, après tout, elle n’était rien pour cette femme, à part celle qui voulait rester dans sa vie presque malgré sa volonté.

Nous éviterons celle qui peuvent l’être, je chasserais les autres. » Se contenta-t-elle de répondre tout d’abord avant de reprendre. « C’est à mon cœur et à lui seul de choisir pour qui il verse des larmes Sydonnie. Et celles-ci sont pour toi, aussi peu justifiée te paraissent-elles. »

Elle lui sourit, comme pour la mettre au défi de la contredire. Certes, elle était seule et abandonnée par ses rares proches. Veuve d’un monstre et obligée de se remarier pour convenir à des règles de bienséance stupide et pensées par des hommes pour des hommes. Mais elle n’avait pleuré pour aucune de ses raisons. Elle avait senti sa gorge se serrer quand elle avait compris que Flore la quitterait, puis voulut se vider sa peine quand elle avait vu Jehan si heureux à l’idée de l’emmener loin d’elle. Mais les larmes n’avaient pas coulé alors. Non. Si elle pleurait pour Sydonnie, c’était parce que ça lui était possible, naturel. Parce que Sydonnie rendait la vie à des choses mortes en elle.
La noiraude devait être bien en peine d’accepter cette possibilité, et la comtesse ne voulait pas l’accabler de responsabilités qu’elle ne voudrait pas elle-même prendre. Cependant elle ne lui accorderait pas non plus le droit de penser qu’elle n’était pas celle à qui elles étaient destinées.
L’arrivée de Jacob dans la conversation et de l’idée d’un mariage la prise de court. Mais moins tout de même que le rappel brutal que si Sydonnie et Irène étaient entrain, maladroitement et douloureusement de devenir des sortes d’amies, la milicienne et la comtesse étaient des ennemies mortelles pour leur part.
Si Sydonnie tenait sa promesse, un jour ou l’autre c’est sur sa gorge que glisserait la lame de la noiraude. Ou peut-être finirait-elle dans les geôles à subir ce pourquoi elle était selon elle si douée. Une terrible possibilité qui, aussi surprenant cela soit-il, ne la secoua pas autant qu’elle l’aurait crû. Pourtant elle avait peur, elle le savait. Mais si jusque là elle s’était demandée qui des deux devrait détruire l’autre à la fin, à présent elle savait qu’elle avait fait un choix. Elle se battrait pour Sydonnie et elle ne lui ferait pas de mal, du moins pas volontairement. Et si un jour cela devait la conduire sur sa table de torture, elle était maintenant prête à l’accepter.
Ne plus avoir à s’inquiéter de ce futur affrontement avait quelque chose de rassurant.

Commence par voir comment se passera ta rencontre avec lui. Si après cela tu peux me dire que je devrais encore y penser comme un parti probable, et ce, sans que tu en profites pour t’éclipser de ma vie. Alors j’y réfléchirais. Et je ne doute pas un instant de la volonté que tu mettras à chasser ceux qui doivent l’être. »

Elle était de ceux-là. Ainsi était faites la vie. On trouvait ce qui nous rendait différente, et cela avait de bonnes chances de nous détruire. Sydonnie la repousse avec douceur, bien assez pour qu’Irène ne s’agrippe pas de peur de la voir fuir. Assise sur le tabouret elle la regarde servir des verres, aussi peu à l’aise dans cette proximité qu’elle partage qu’un faucon dont on aurait attaché la patte.
Elle se saisit du gobelet et boit une gorgée qui lui permet de soulager sa gorge après ses émotions.
Répondre, elle finit par le faire après avoir réfléchit au fait que son oncle et frère doit pourrir dans un fossé quelques part et que, comme d’habitude, cela ne provoquer aucune émotion chez elle. C’était un homme ingrat et profiteur, qui comme d’autres a vu les crimes sans s’y opposer.

C’est un dépensier, il l’a toujours été et le sera toujours. Feu mon mari avait déjà bien du mal à l’empêcher de nuire à l’image de la famille à l’époque où il était en pleine forme. Mais parce qu’il a une queue entre les jambes, c’est lui qui hérite de tout, et non moi qui ait passé des années à gérer les biens de cette famille. »

Elle soupira. Même si la situation était à relativiser. Après tout, une bonne partie de son empire commercial n’apparaissait même pas dans les bien de la famille Valis suite à ses nombreuses affaires via des prêtes nom. Même en se mariant avec un gueux et en transmettant au roi tout les titres familiaux comme il en était aujourd’hui la coutume, elle resterait propriétaire ad fallacia d’une fortune matérielle assez conséquente.
Elle y avait d’ailleurs pensé. Fuir cette famille pour de bon, briser la chaine qu’elle portait au cou depuis un temps qui semblait une éternité. Mais elle avait trop souffert et fait pour accepter de se séparer de tout cela. Non, elle n’en laisserait pas même les miettes aux vautours. Elle sourit, en espérant sincèrement que son mari et père pouvait la voir depuis l’endroit damné où il était à présent, qu’il s’aperçoive comment il avait déjà perdu tout pouvoir bien avant qu’elle ne le tue. Comment elle l’avait blessé autant qu’il l’avait fait avec elle.

Heureusement, c’est aussi un froussard. Il fuit les responsabilités plus vite qu’un pigeon chie par terre. Il a trouvé assez commode l’idée de s’installer au labret et de me laisser tenir les comptes tandis qu’il s’enfile du vin à longueur de journée. Surprenant de se dire qu’il préfère être séparé de la fange par une barricade de bois plutôt que de devoir s’occuper de la paperasse. Non ? »

Elle ne mentait même pas. Si à présent il était mort par ses ordres, elle n’avait eu aucune peine à le convaincre de profiter de leur retraite au Labret et de la laisser s’occuper des affaires de la famille. Le plus dur avait été de le convaincre d’attendre que sa femme soit prête et que l’aube soit levée.

Tant qu’il a nourriture et alcool, sans effort, il ne fait pas trop de vague, et signe même les papiers officiels. Parfois on pourrait presque croire qu’il les lit. » Elle se contenta de hausser les épaules. Il n’y avait pas grand-chose à dire sur le sujet. Pas sans parler de sa prise de contrôle agressive.
Elle se rendit alors compte à son tour que Sydonnie s’était souillée de peinture en l’enlaçant, et que ses gants et avant-bras de chemise étaient mouchetée, et qu’une petite trainée colorée c’était faite aussi sur sa hanche jusqu’à son ventre par-dessus la chemise verte.
Elle sourit, car d’une certaine façon elle trouvait que ça lui allait bien.

Ce n’est pas la première fois que je la couvre de peinture, par contre si on ne s’occupe pas de toi tu va traverser la ville avec une tenue d’arlequin ! Vient donc. »

Elle lui prit la main le plus naturellement du monde, sans paraître se soucier des nouvelles traces de peintures que le gant étalait sur sa peau. Elle l’emmena jusqu’à la porte et se retourna pour fermer celle-ci. Ses yeux se posèrent sur la toile déchirée. Sans doute aurait-elle dû être triste devant ce spectacle. Mais ce n’était pas le cas. Elle avait pourtant tout mis dans cette œuvre, mais au fond… ce n’était que du tissu et de la peinture. Elle se retourna pour regarder Sydonnie qui l’observait de son regard profond et pourtant plein de doute. Cette souffrance toujours débordante et muette.
Voilà ce qui était important.
Si elle devait faire des efforts pour réparer quelques choses. Ce serait les blessures de cette femme. Elle ferma la porte et n’y pensa plus.
Elles traversèrent les jardins à un pas tranquille, sans que la comtesse ne lâche une seule fois la main de sa compagne.

ça ressemblerait presque à une promenade ! » la taquina-t-elle alors qu’elles arrivaient à l’escalier arrière. Irène lui fit traverser la demeure sans s’arrêter sur quoi que ce soit, consciente que la noiraude n’était pas vraiment dans son environnement ici et ne voulant pas lui jeter du faste aux yeux inutilement.
Elle gagna la salle d’eau en entrainant la milicienne à sa suite et elle rentraire dans la pièce étonnamment chaude et humide. Pas que c’était désagréable au contraire dans cette journée fraîche. Mais plus parce qu’elle avait déjà fait ses ablutions le matin même, et que Alice n’avait aucune raison de lui faire chauffer un bain en plein après-midi alors qu’elle n’en prenait jamais. La seule différence aujourd’hui était que Sydonnie était là.
Alice était prévoyante au-delà du possible, presque magique. Mais ce que sous-entendait la prévision d’un bain chaud avec bien plus d’eau que quand elle le prenait seule… cela lui fit chauffer les oreilles et monter le rouge aux joues. Franchement Alice !
Elle toussota et détourna ses yeux de l’immense bain que des braises maintenaient chaud. Comme si c’était un détail sans importance dans la pièce.
Elle se dirigea plutôt vers une bassine dans laquelle flottait une éponge.

Donne-moi tes gants. » Dit-elle d’un petit ton autoritaire mais affectueux qu’elle ne se souvenait n’avoir utiliser qu’avec une seule personne avant aujourd’hui.
Joignant le geste à la parole, elle défit les boucles de cuir et dégagea les mains de Sydonnie qu’elle effleura naturellement. Assise sur un petit tabouret de bois proche du sol, elle se mit à briquer le cuir avec son éponge.
Sa nourrice lui avait fait plus d’une fois nettoyer les affaires couvertes de peintures qu’elle ramenait de l’atelier. Dans ces moments-là, son titre de comtesse semblait sans aucune importance aux yeux de la bonne femme. Et Irène avait finit par prendre gout à cette liberté de ton.
Elle indiqua un autre petit tabouret qui semblait encore plus ridicule face à la haute stature de Sydonnie. Un tabouret de bain n’avait en effet pas grand-chose à voir avec un trône royal. Mais c’était toujours mieux que de ne rien proposé à une invitée et amie pour son séant.

Je m’occuperais de ta chemise après. Alors parle moi donc de ce plan. Et au contraire de ce que tu redoutes, n’aie pas peur de m’utiliser. Il n’y a rien de mal à utiliser mes talents comme un outil. Du moment que c’est avec mon consentement. Je sais très bien que ce n’est pas pour cela que tu me fréquentes. »

En réalité elle n'en savait rien, elle en était juste intimement persuadée. Elle se concentra sur les tâches de peinture et tendit l’oreille. Elle aurait bien voulu dire qu’elle était parfaitement à l’écoute, mais il aurait été inutile de se cacher la vérité. A savoir que l’idée de partager un bain avec la noiraude n’était pas pour lui déplaire, même si Alice allait très vite à tirer ses conclusions. Cela la fit sourire et elle se reporta sur la conversation.
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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptyDim 30 Aoû 2020 - 13:12


Il y avait beaucoup de choses à dire, à faire, à penser ou à repousser. Pour autant, la noiraude préférait conserver le silence, il était inutile de débattre, d’argumenter, d’essayer de convaincre. Pour une raison obscure, Irène était convaincue de voir en Sydonnie quelque chose de bénéfique. Inutile d’insister sur cette question, le sujet ne serait enrichissant pour personne, les deux femmes campant fermement chacune sur leur position respective. Peut-être que dans le fond, ni l’une, ni l’autre n’avait véritablement tort ou raison ? Les corps si proche et pourtant si loin, ses doigts soulevant le menton de la noble avec une délicatesse et une maladresse absolue lui tirèrent un frisson étrange. Irène était là, restait là, malgré les mots, malgré son instabilité, malgré le fait qu’elle s’applique à la repousser encore et encore. L’incertitude ainsi persistait, sans que la noiraude ne puisse jamais effleurer ne serait-ce que d’un battement de cil un instant de compréhension, une raison. Un fin sourire avait fait son apparition sur les fines lèvres de la femme d’armes, alors que ses doigts se refermaient dans une certaine délicatesse sur la peau de la comtesse. Irène avait toujours eu ce don de la déstabiliser, depuis le point de départ de leur rencontre, jusqu’à aujourd’hui. Accepter de la voir pleurer pour elle était quelque chose d’effrayant, de révoltant aussi. Peu importe l’image intouchable, d’insensibilité que Sydonnie tentait de maintenir devant qui osait la regarder, elle ne pouvait tolérer ne serait-ce qu’un infime moment blesser une personne innocente.

Innocente, Irène l’était-elle réellement ? La question resta un long moment dans l’esprit de la sergente, alors que ses doigts venaient rouler le long des cuisses de celle qui lui semblait si fragile et si forte à la fois. Pas de baiser, pas de caresse, simplement ce regard plein de questions, plein d’incompréhension et ce souffle chaud venant effleurer les peaux.


- « Soit » conclut finalement la sergente en rompant finalement l’instant de proximité et laissant courir ses doigts sur les quelques taches de peinture qui recouvraient désormais sa tenue « Tâchons d’éviter que cela se reproduise, les larmes sont sacrées après tout, elles ne devraient jamais couler pour autre chose des moments heureux. »

Immobile, la jeune femme ne pouvait que détailler cette silhouette, cette brindille qui lui semblait parfois être en mesure de se plier en usurpant bien des formes sans jamais se rompre, se briser. Mobile, souple, mais si fragile. Ses dents vinrent malmener un instant sa lèvre inférieure, alors que sa tempête intérieure continuait à s’animer, se révolter, s’interroger. L’idée même d’une relation Jacob/Irène était à la fois déstabilisante et rassurante. Rassurant parce que cette femme qui mettait tout en œuvre pour s’approcher, pour se faire une place dans sa vie, ne pourrait plus avec un tel engagement en sortir. Elle porterait le même nom, ferait partie de sa famille, un piège sans doute, un sentiment purement égoïste. Déstabilisant, parce que jamais la noiraude n’avait fait preuve de manipulation, du jeu de la noblesse, elle ne réalisait aucunement des liens avec intelligence, ne plaçait pas de pion, Sydonnie était Sydonnie aussi complexe et simple à la fois. Ses épaules s’étaient mises à rouler, presque indignement, alors que ses sourcils s’étaient froncés.


- « Ma relation avec Jacob, ne devrait aucunement impacter tes plans » souffla-t-elle « Et je n’ai pas l’intention de sortir de ta vie, ce n’est pour l’instant pas dans mes projets en tout cas. »

Ses bras avaient fini par se croiser sous sa poitrine, alors que ses doigts s’enfonçaient dans ses avant-bras avec une certaine maladresse et douleur. Elle bougonna, comme elle savait le faire, marmonnant quelques choses d’indéchiffrables au sujet de tous ceux qui devaient être traqués et de sa volonté de faire payer le moindre mort, la moindre perte d’innocents qui n’avaient rien demandé, tout en ayant parfaitement conscience que cette traque mènerait sans doute à sa propre fin. Était-ce grave après tout ? Comme pour détourner la conversation, la femme d’armes était venue récupérer deux verres, remplir l’ensemble pour en confier un à Irène et pour se noyer dans le second. Elle l’écoutait, attentivement parlée du dernier lien de parenté qui restait, sans pour autant comprendre, entendre réellement ce qu’Irène ne s’autorisait pas à formuler.

- « C’est étrange pour un peureux de s’installer au Labret, s’il y a bien un endroit instable et dangereux, c’est là-bas… » cette pensée fut formulée à voix haute, sans que Sydonnie ne le réalise pleinement, elle se contenta d’afficher un demi-sourire avant de reprendre, plus normalement « Un brave homme dis-moi, ta famille semble savoir s’entourer de chic personne. » Piqua-t-elle avec un brin de malice avant de boire une nouvelle gorgée « Enfin, de l’alcool, ça ne coulera pas à flot éternellement, les dernières attaques de la fange on fait des dégâts et… » et elle parlait finalement encore de boulot, des monstres, de la souillure de l’homme… « Et peu importe » conclu-t-elle finalement « Qui sait, avec son choix de vivre au Labret, peut-être que tu en seras plus vite libérée que ce que tu penses ! Avec mes excuses d’avoir ce genre de propos, bien évidemment. » Évidemment.

Elle n’eut de toute façon guère le temps de se soucier davantage de son manque de courtoisie, de tact ou même encore de savoir-être. Irène était venue glisser sa main dans la sienne, visiblement bien décidée à la briquer jusqu’à ce que la moindre parcelle de tissu recouvrant sa peau brille de mille et une étoiles. Dans une légère grimace, la femme d’armes l’avait suivi, tendant bien évidemment de lui notifier à de nombreuses reprises que cela n’était nullement nécessaire. La pause pour la fermeture de la porte sembla la perturber un peu, peut-être y avait-elle été trop brusquement avec la toile, là encore, guère le temps d’y songer, puisque la comtesse semblait bien décider à l’emmener à une destination qu’elle avait en tête.

- « Irène ce n’est vraiment pas… » nécessaire ? Bien essayé. « Oui presque à une promenade, si tu me disais au moins où tu nous emmènes. »

Bien évidemment, la femme d’armes avait suivi, traversant la demeure sans réellement avoir le temps de distinguer la décoration, la place des meubles, la couleur des tapis ou quoi que ce soit. Montant les marches, passant les portes, elle avait fini par se retrouver dans la salle d’eau, là où un bain fumant était déjà prêt. Inévitablement, elle ne put retenir un léger fronçant de sourcils, de contrariété sans doute, de curiosité peut-être. Son regard c’était tourné vers l’arrière, comme si elle s’attendait à voir l’ombre d’une gouvernante lui offrir un sourire. Mais rien. Quand son regard s’était de nouveau porté sur la comtesse, celle-ci toussotait légèrement, elle n’eut pas vraiment le temps de réfléchir, que déjà elle retirait ses gants pour lui remettre.

- « Alice est vraiment très prévoyante » souffla-t-elle en prenant place sur le petit tabouret, avisant la comtesse frotter ses affaires avec une telle volonté qu’elle n’osa aucunement lui demander de ne pas le faire « Je peux t’aider, tu sais… Je sais laver aussi surprenant que cela puisse paraître. »

Un petit silence s’installa entre les deux femmes, la noiraude avisant Irène frotter encore et encore comme si sa vie en dépendait les gants en cuir de la sergente. Sydonnie de son côté ne pouvait s’empêcher de se questionner, était-ce véritablement une bonne idée que d’entraîner Irène dans ses projets un peu fous ? L’enquête de la vérité avait un prix, elle n’était pas certaine de vouloir toujours débourser le prix le plus fort pour arriver à son objectif. Pensive, elle dut rester un moment sans offrir le moindre mot, avant de tousser pour tenter de se reconcentrer.

- « Eh bien, je ne sais pas si tu es au courant, mais le baron Veronia organise une petite soirée très privée ! Bien évidemment, je ne suis pas conviée et il me serait fort difficile de me faire inviter directement… Mais toi, tu pourrais peut-être me faire cette proposition ? » cela voulait dire pour la comtesse parvenir à obtenir une invitation, pour ensuite venir accompagné d’une femme… femme pas forcément bien vu de la noblesse –forcément pour celle qui avait quitté son rang de noble pour devenir milicienne- « Enfin, je ne t’oblige à rien, mais je suis certaine que cet homme touche à des affaires sombres ! Je ne serais pas surprise qu’il organise les vols dans l’esplanade pour attirer l’attention d’un côté afin de pouvoir faire ses magouilles de l’autre ! »

Oh, Sydonnie avait bien sûr consciente que ce n’était pas en une soirée qu’elle obtiendrait des informations, tout comme il était très peu probable qu’elle trouve le moindre indice dans la demeure du baron. MAIS, si elle n’essayait pas, elle ne pourrait jamais en avoir la certitude et sans aide d’une personne de la noblesse, elle n’aurait jamais accès à ce type de soirée très privée.

- « Bien évidemment, tu peux refuser, je ne voudrais pas te mettre mal à l’aise vis-à-vis de la population noble si agréable de l’esplanade… » piqua-t-elle avec lenteur en se redressant pour plonger un morceau de tissu dans l’eau chaude, avant de s’agenouiller devant Irène pour effacer quelques traces de peintures sur son visage « Tu sais Irène, la peinture, c’est sur la toile qu’elle doit se retrouver, pas sur ton corps. » tenta-t-elle maladroitement de détourner l’attention « Et puis… » poursuivit-elle en laissant ses doigts longer son bras jusqu’à son poignet pour l’immobiliser dans son mouvement « tu n’as pas besoin de nettoyer mes vêtements, ce n’est pas grave et ce n’est pas ton rôle, tu sais ? »

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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptySam 5 Sep 2020 - 14:26


Irène souriait doucement tandis que la noiraude lui remettait ses gants plus ou moins volontairement, son regard perçant glissant du bain à la comtesse avec une expression indéchiffrable. Ça remarque la fit rougir un peu plus bien entendu, et elle haussa les épaules pour dédramatiser quelque peu la situation. Elle répondit d’une voix légère.

Prévoyante au point d’en balayer les convenances parfois. Je ne prends même plus la peine de me surprendre de sa capacité à prévoir mes allées et venues. » Son regard se posa furtivement sur la baignoire qui dégageait une chaleur douce. « Tout juste puis-je me questionner sur l’objectif qu’elle suit par certain choix. »

Elle secoua la tête tandis qu’elle attaquait les dernières tâches récalcitrantes sur les gants de sa partenaire. Alice la comprenait parfois mieux qu’elle-même, et semblait lutter à sa façon pour la rendre heureuse. Cependant des choses aussi évidentes que ce bain assez rempli pour deux, même en sachant ses inclinations, cela lui semblait un peu trop audacieux comme message.
Car sa gouvernante ne connaissait pas Sydonnie, et la noble n’était pas certaine que la milicienne apprécie l’invitation ainsi formulée. Aussi continua-t-elle à ignorer ostensiblement l’éléphant dans la pièce comme la plus parfaite des aveugles.

Je ne doute pas une seconde de ta capacité à t’occuper de toi et de tes affaires, très cher. » dit-elle d’un ton teinté d’amusement. Elle prit tout de même la peine d’y penser. En vérité elle n’avait pas vraiment de bons arguments à lui fournir pour expliquer son geste, cela lui semblait juste… naturel ? Drôle de constat. « Tu es mon invitée, tu es mon amie, tu es… J’apprécie de m’occuper de tes affaires, aussi étrange cela puisse paraître. »

Elle écouta la sergente qui semblait enfin avoir pris la décision de lui confier son tracas, ainsi que le plan qu’elle avait esquissé malgré elle dans son esprit. Sans doute n’était-il pas dans sa nature d’exploiter une de ses relations dans son travail. Du moins fut-ce ce que la comtesse en déduisit en percevant le léger malaise dans sa voix, ainsi que sa rétractation presque aussi soudaine.
La noble se leva en réfléchissant à sa demande. Pas vraiment qu’elle envisageait de refuser. Mais plutôt comme à son habitude, d’envisager les conséquences de cette décision. Après le scandale localisé qu’avait provoqué Sydonnie par sa tentative de… Oui il était évident qu’on se demanderait pourquoi une comtesse se donnait la peine de la fréquenter au risque de salir sa réputation.
Mais c’était un problème qu’elle pouvait régler, et même peut-être tourner à son avantage ainsi que celui de la noiraude si elle s’y prenait correctement en avançant ses pièces.
Deux veuves en plein deuil, une noble aidant une autre s’étant déchue par ses actes, faisant repentance devant les trois et la noblesse Marbrumienne.
Sydonnie n’apprécierait pas de jouer l’affligée repentante, mais elle était bien assez intelligente pour voir la couverture que celui lui fournirait, et l’influence positive que cela pourrait avoir sur sa réputation à termes.

A condition qu’elles ne se fassent pas prendre à farfouiller dans les affaires du baron, du moins sans avoir trouver une chose accablante à son sujet. Veronia était tout au mieux un insecte agaçant dans les meilleurs jours, une plaie dans les pires. Loin d’être un adepte de la méthode douce, il aimait à régler les choses dans la précipitation et souvent la brutalité. Il fut un temps où sans le savoir, il avait combattu la comtesse par un de ses nom d’emprunt pour la possession de certains lieux sur les docks. Lui qui voulait se contenter de trouver de nouveaux lieux de stockage et de distribution pour sa contrebande n’avait pas vu le potentiel de ces rachats, et s’était contenter d’envoyer des sbires pour les obtenir par la force après avoir échouer à surenchérir sur ses offres.
Cela avait couté un surcout à la comtesse de soudoyer suffisamment de milicien et de juriste pour écarter ces perturbateurs. Et elle avait dû offrir un autre projet en pâture aux dents longue du baron pour enfin lui faire détourner les yeux des docks. Bien sûr, à son insu, il restait un outil efficace. Elle avait depuis cet événement régulièrement orienté le noble vers des plans plus ou moins boiteux mais suffisamment important pour gêner des adversaires plus problématiques que ce petit poisson.
Mais même ainsi, elle n’avait rien contre l’idée de faire sortir cet énergumène du plateau de jeu. Il y avait beaucoup de marteau à disposition, un de moins n’y changerait rien, et laisserait plus d’espace aux outils plus précis et délicat.

Elle-même n’était pas certaine d’apprécier l’idée de se servir de Sydonnie. Tout en étant consciente que ce n’était qu’en lui rendant service en retour que cela pouvait se produire. Elle n’était simplement pas au courant que faire son travail de milicienne faciliterait celui de l’intrigante qu’elle était.
Ce n’était pas de la manipulation, mais pas non plus de l’innocence pure. Pendant cette réflexion elle avait déposé la paire de gant sur la pierre un peu plus froide jouxtant la seule lucarne de la pièce afin de les laisser sécher. Puis elle était revenue s’agenouiller devant Sydonnie. En levant les yeux elle s’aperçut une fois de plus comment la noiraude était grande par rapport à elle. Grande et magnifique. Elle sentit un agréable frisson la parcourir et se contenta de baisser les yeux sans vraiment s’en cacher. La milicienne savait à quoi s’en tenir la concernant, et il aurait été stupide de jouer le jeu de l’ignorance face elle.
Elle déboutonna la première manche de Sydonnie et glissa sa main dans l’entrebâillement du tissu, glissant sur la peau de la jolie brune afin de tendre les zones mouchetées de peinture. Bien sur il aurait été bien plus pratique de lui demander de l’ôter afin de la laver à grandes eaux. Mais après le coup du bain, elle aurait difficilement pu lui faire croire que ce n’était pas juste pour la dénuder. Elle sourit malgré elle, car malgré ça réelle volonté d’aider, ce n’était quand même pas tout à fait faux.

Elle allait répondre quand Sydonnie caressa son visage, soudain tout près d’elle, agenouillée elle aussi. Maudit cœur qui se mit instantanément à battre plus vite tandis que sa peau se couvrait de chaire de poule en suivant le tracer des doigts de cette créature terriblement enjôleuse avec le tissu humide. Elle du déglutir pour lutter contre sa bouche soudain sèche avant de pouvoir prendre la parole. Elle pouffa malgré elle, à la fois de nervosité et en réaction à la touche d’humour de sa compagne.

Ne suis-je pourtant pas charmante ainsi colorée ? » Taquina-t-elle, ses yeux perdus dans la glace bleue du regard en face d’elle.
Elle sentit sans vraiment l’avoir décidé, ses propres doigts, toujours coincé dans la manche de chemise de la noiraude, s’enrouler doucement autour de son poignet fin et muscler, sans l’emprisonner, juste en faisant perdurer ce contact, cette chaleur typiquement humaine. Ce mélange de tendresse, d’affection, de respect teinté d’un désir réel et naturel. Sans doute que la peau ne pouvait pas transmettre tant d’information, mais elle en eut tout de même l’impression.

Je ne me sens obligée de rien avec toi Sydonnie. J’ai peut-être juste envie de le faire pour toi ? Envie que ce soit mon rôle ? »

Pour éviter de forcer la milicienne à réfléchir à ses paroles, ou à devoir y répondre au risque de créer une gêne entre elles, elle laissa son poignet échapper au contact si délicieux et appuya son éponge humide sur le nez retroussé de la belle, y étalant quelques gouttes avec un regard malicieux. Elle reprit le nettoyage des tâches sur la manche en ne tenant pas du tout compte de sa remarque. Elle aimait s’occuper d’elle, c’était ainsi.
Elle reprit sur le même ton léger.

Je dois avoir son invitation quelque part dans ma pile des choses à ignorer. Ses soirées sont d’un ennui mortel, et son vin vaut à peine d’être nommé ainsi. Mais si tu m’accompagnes, je pourrais bien choisir de changer d’avis. »

Le tissu humidifier de la chemise collait à la peau du bras de Sydonnie, en dévoilant sa teinte pâle par un léger effet de transparence. C’était une vue… intéressante. Pour ainsi dire. Cependant c’est pour une toute autre raison que son sourire s’élargit, plein de taquinerie et qu’elle conclut d’une voix à l’innocence feinte que trahissait son expression amusée…

Tu as conscience que tu ne pourras pas y aller en uniforme si c’est en tant que mon invitée ? »




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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptySam 5 Sep 2020 - 21:21


N’était-elle pas charmante ainsi coloré ? La question resta un instant suspendu dans l’esprit de la noiraude, qui détailla sans doute un peu trop le visage de la comtesse. Si sans doute, c’était difficile de le dire, la question sembla la préoccuper un peu, comme si trouver une réponse était une obligation, mais qu’elle n’avait jamais vraiment su comment regarder une femme et estimer ou non de sa potentielle beauté. Ce sont les doigts de la dame de Valis qui avaient fini par sortir la femme d’armes de ses pensées, les doigts de la noble s’enroulant autour de son bras humide, dont le tissu de la manche commençait à venir lui coller à la peau. Détaillant une nouvelle la comtesse, avant de s’appliquer et de se concentrer uniquement sur le fait de retirer la peinture de son visage, la sergente avait fini par sortir de son mutisme –très bref- pour rebondir sur la première question, avant d’être rapidement décontenancé par la suite de la conversation.

- « Il existe du maquillage tu sais, pour colorer dignement ton visage » … les lèvres de la milicienne se pincèrent une nouvelle fois, ramené à son mutisme à une gêne étrange.

Elle aurait pu notifier à Irène qu’il fallait arrêter ce jeu, qu’elle-même n’avait aucune idée de ce qu’elle était en mesure ou non de lui apporter. Le tourbillon de ses pensées, qui commençaient à s’imposer à elle, malgré son envie et son besoin inconscient de ne pas voir l’ensemble des signaux que lui lançait la comtesse. Un peu d’humidité sur le nez et voilà la noiraude qui affiche un sourire avant de rire légèrement, se retenant de justesse de ne pas plonger sa main dans la baignoire pour éclabousser la noble dame et ainsi transformer cette ambiance étrange qui avait de temps en temps entre elles. La conversation et le sérieux de l’échange n’avaient cependant pas tardé à se réinstaller, alors que déjà les vêtements humides par endroit venaient offrir une impression de fraîcheur à celle qui face à Irène ne savait jamais véritablement comment se positionner. Les prunelles de la noiraude s’étaient écarquillées sous la satisfaction de savoir qu’Irène acceptait, puisque oui, cette phrase ne pouvait sonner que comme un oui et pas autrement. Un sourire sur les lèvres, elle ne pouvait donc qu’ajouter avec un brin de malice :

- « Je te donne même ma parole d’essayer d’être de bonne compagnie, de faire un petit effort de conversation, même si je n’ai guère rien de croustillant à offrir à une mondaine comme toi. » Quoique, la noiraude n’avait jamais véritablement évoqué sa survie durant la tempête, ni Alaric, ou sa rencontre avec une étrange bonne femme rousse qu’elle aurait volontiers poussée des remparts « Enfin, presque pas » ajouta-t-elle en levant les mains innocentes.

Sa bonne humeur sembla néanmoins rapidement s’effacer lorsque le visage d’Irène teinté de malice indiqua qu’elle ne pouvait nullement se rendre à ce type de soirée…. Dans sa tenue de travail. Le visage de la noiraude se teinta presque immédiatement d’une forme de contrariété/gêne, elle qui luttait plus que de raison pour ne pas se retrouver coulé sous montagne de jupons, de froufrous, de chaussettes longues, de corsets, chemises et autres joyeusetés qui lui avaient toujours semblé douloureuses. Sa bouche s’entrouvra pour laisser un souffle chaud s’enfuir, alors qu’elle secouait la tête négativement, retrouvant cette âme d’enfant, qu’elle n’avait finalement jamais vraiment perdue.

- « Et comment vais-je devoir me parader pour te faire honneur, Irène ? » finit-elle par questionner en plongeant une main dans la cuve d’eau avant d’éclabousser tout sourire –et fortement- la noble « Tu avais une grosse tâche sur la tête, j’étais obligée pour retirer la peinture ! » ajouta la sergente en riant légèrement.

Passant son éponge sur la fameuse tache imaginaire de la noble, elle avait fini par se reculer dans un léger sourire avant de se relever pour éviter de subir la vengeance de la noble. Reculant légèrement, main innocente devant elle, la femme d’armes conserve un sourire amusé, avant de rebondir sur les dernières informations que la comtesse avait bien accepté de lui fournir.

- « Je te préviens Irène, il me faudra du vin et du bon si tu veux me transformer en une femme digne de ton rang…. Pour notre cher futur ami, n’est-ce pas un crime contre l’humanité de posséder pour un noble de l’alcool médiocre ?! Comment pourrais-je tenir dans ce type de soirée sans…. Bon vin, c’est un drame ! »

Sydonnie plaisantait bien évidemment, sans pour autant en avoir la certitude, l’ambiance des soirées mondaines ne lui avait jamais convenu, elle avait fait un effort pour Roland, sans que cela ne lui soit bénéfique. Cette pensée lui offrit un goût d’amertume, comme pour lui rappeler que son mariage n’avait peut-être pas été aussi heureux que ce qu’elle aurait voulu croire. Son visage avait dû se teinter de cette réflexion un peu triste.

- « Bien, alors, par quoi on commence et dis-moi où on peut trouver cette fameuse invitation ! C’est fou, tu es vraiment invité partout, tu es trop demandé Irène ! » elle lui tendit les mains, comme pour lui indiquer qu’elle acceptait de la suivre « J’accepte de te suivre et d’être ta marionnette à habiller, mais par les trois Irène rien de trop voyant ! »

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Irène de ValisComtesse & Modératrice
Irène de Valis



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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptySam 5 Sep 2020 - 22:50


La comtesse secoua la tête avec amusement, consciente que Sydonnie ne devait pas avoir pleinement la sensation d’être la chose et la personne la plus intéressante qu’elle ait rencontré depuis bien longtemps. Leurs échanges, bien que douloureux bien souvent, restaient pour elle une bouffée d’oxygène alors qu’elle avait en permanence l’impression d’étouffer.
Si Flore avait été une fenêtre sur une vie différente, la milicienne prenait parfois des allures de chemin y menant.

Je crois que j’arriverais à me satisfaire de nos échanges, même si ce sera terriblement dur ! » répondit-elle sur un ton si amusé, qu’il était impossible de la prendre au sérieux. « Je sacrifierais quelques années de mondanités pour nos échanges Sydonnie. » conclut-elle d’une voix plus calme et honnête.

Elle allait réagir, lui assurait qu’elle ne lui ferait pas porter une chose qu’elle ne pourrait supporter et qui ne respecterait pas qui elle était. Mais elle ne put que pousser un petit cri aigu rappelant un couinement de souris tandis que la noiraude l’aspergeait avec quantité d’eau chaude qui vint lui détremper les cheveux et s’imprégner dans sa robe fine.
Elle voulut lui lancer un regard assassin, mais ne put que rire dans un éclat sincère alors que Sydonnie se mettait prudemment hors de portée d’une revanche qui n’aurait pas tardée c’était certain.
Elle ne payait rien pour attendre. Avec une maitrise digne de son rang, elle souleva son menton et dit d’un petit air hautain.

Merci ma chère pour votre aide.»

Ton qu’elle désamorça aussi tôt en pressant une de ses mèches particulièrement imbibées qui fit couler des grosses gouttes sur son bras dans un bruit humide. Soudain, elle s’ébroua comme un chien mouillé, très loin la tenue correcte de son rôle, du moins tel qu’on l’attendait générale d’elle. Elle envoya de nombreuses gouttes en tout sens, arrosant légèrement sa compagne comme le tout environnant. Son sourire se fit encore plus grand et un peu triomphant.
Il était étrange de constater qu’un peu d’insouciance, pourvu qu’elle soit vécu avec la bonne compagnie, pouvait avoir un effet presque salvateur sur son esprit. Elle avait échangé avec Sydonnie des rires, des larmes et des cris. Et malgré la douleur que certains de ces souvenirs évoquaient chez elle, elle était à peu près certaine qu’elle ne les échangerait pour rien au monde, si ce n’est plus encore de moment en sa compagnie. Vivre, même dans la douleur, avait bien plus de gout que ce qu’elle avait pratiqué ces dernières années. Elle agita la main comme pour balayer distraitement le problème de boisson que soulevait Sydonnie.

Voyons sergente, nous allons en mission ! Pour le bien de la cité ! L’enivrement n’est pas une condition nécessaire à nôtre réussite. C’est notre devoir de citoyenne que d’être exemplaire ! » Dit-elle en parodiant un ton militaire avant de reprendre aussi tôt avec un clin d’œil pour sa congénère. « Ou alors on s’ouvre une bonne bouteille ici pendant qu’on trouve quelle genre de tenue tu voudras bien porter sans trop te plaindre. C’est un plan aussi… Veronia n’a jamais su choisir d’alcool, il pense que le degré fait tout. Heureusement ce n’est point mon cas. »

Elle vit un voile de tristesse sourde glisser sur les traits si délicats de la noiraude et ne put s’empêcher de s’avancer d’un pas et de lui prendre la main. Elle retint un « ça va ? » quelque peu ridicule. Elle savait par la pratique que ce n’était pas le genre de question que Sydonnie appréciait entendre, et encore moins devoir y répondre. Généralement, si elle souhaitait se confier sur son état, ou qu’on la questionne, elle le faisait savoir. Aussi se contenta-t-elle de lui montrer sa présence pour elle, son soutien, même muet.
La noiraude préféra enchainer sur des choses qu’elles pouvaient influer. Et accepta même de se sacrifier à sa cause. La comtesse sourit à pleine dent et pris les mains offertes.

Rien que du voyant c’est d’accord ! »

Elle tira la langue à sa partenaire et s’empressa de l’attirer à nouveau dans le reste de la maisonnée. Elles n’eurent que peu de chemin à faire pour atteindre son bureau de travail. Irène hésita un instant à la faire entrer avec elle. Elles avaient partagé un lit, presque nues. Mais d’une certaine façon il y avait dans cette pièce une grande partie de l’intimité de la comtesse, peut-être la majeure partie. Les tas de paperasse, les pots d’encre, les plumes usées, l’odeur des couvertures en cuir. Les calculs, les missives, les sceaux, les actes de propriété. Tout cela la définissait bien plus que ses jolies robes et sa belle demeure.
Bien sûr, en l’état, cela n’aurait pas grand sens pour la noiraude, et elle n’aurait rien à retirer de cette découverte qu’elle ne savait déjà. Mais si par ses aveux autant que ses sous-entendus elle avait fait comprendre à la milicienne qu’elle dirigeait d’elle-même les affaires de la famille. Le dire et le voir restait très différent.
Mais après tout… à qui pourrait-elle le montrer si ce n’était à elle ? Elle inspira un grand coup et ouvrit la porte d’une main tandis qu’elle pressait nerveusement les doigts de Sydonnie de l’autre.
Comme d’habitude, la pièce était des plus simple. Un grand bureau de travail couvert de papier et de tablette de cires, un fauteuil large et confortable dans lequel elle passait des heures, ce qui pouvait se voir à l’usure du cuir. Un secrétaire encombrer lui aussi, mais d’un tas de missive. Et un meuble plus bas ressemblant à une table de chevet avec des rangements. Dessus était déposé une carafe de vin bouchonnée et des verres.

Prends-nous donc la carafe, ça nous évitera de passer par la cave à vin. »

Elle relâcha sa prise sur la main de sa compagne, la laissant libre de se déplacer dans la pièce, et entreprit de fouiller un des tas de missives visiblement à part des autres et nettement moins bien organisé. Ce qui généralement n’était pas un problème puisque c’était là qu’elle accumulait les courriers qu’elle ne comptait pas consulter et encore moins répondre.

Et en effet, je suis invitée à la plupart des soirées de la noblesse et de la haute bourgeoisie. Encore plus depuis que je suis bonne à mariée avec une fortune potentielle. Etonnant n’est-ce pas ? » dit-elle d’un petit ton plein de dérision. « Aaaah ah ! »

Elle se retourna en levant bien haut un rouleau un peu écrasé dont pendouillé au sceau de cire un ruban rouge vif bien trop long pour être élégant ou pratique. Elle déroula le papier et entreprit de lire le courrier qui était bien une invitation à la soirée du baron, mais qui était un exemple confondant de manque de sérieux dans les cours d’écriture qu’avait du recevoir un jour le noble.

On dirait qu’une armée de vers de terre couvert d’encre se sont battu sur ce papier mais c’est bien une invitation. Par les trois j’avais oublié comme il aimait le mot “courtoisement“. » commenta-t-elle en lisant ce terme pour la septième fois en quelques phrases. « Bon plus qu’à trouver notre armure pour la bataille ! On monte ? »

Elle tendit de nouveau sa main à la noiraude pour l’emmener dans sa chambre, réfléchissant déjà à la tenue qu’elle pourrait bien faire porter à la milicienne qui irait autant dans son monde que dans le sien.




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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: Le voyeurisme de l'artiste [Irène]   Le voyeurisme de l'artiste [Irène] EmptyDim 6 Sep 2020 - 12:43


- « À votre service, comtesse de Valis » souffla une sergente dans une tonalité malicieuse.

Irène avait ce charisme naturel, que la noiraude était convaincue de ne pas avoir, rester digne dans n’importe quelle situation, même lorsqu’on est trempé de la tête au pied, ce n’était pas donné à tout le monde. Offrant un sourire amusé à son interlocutrice principale, la femme d’armes se contenta de s’incliner dignement –avec un brin de provocation taquine sans doute-, comme l’aurait fait une domestique saluant son intendante, voir sa maîtresse de maison. La posture d’Irène se muta néanmoins rapidement en un comportement presque immédiatement moins noble alors qu’elle s’ébrouait pour recouvrir de gouttelette la sergente qui tenta de se protéger de la paume de ses mains. Sydonnie s’était mise à rire, sans que cela ne soit particulièrement bruyant, se demandant si elle aurait pu croire il y a quelque temps en arrière que la comtesse de Valis était ce type de femme. Glissant une main sur ses hanches, elle prenait cette mine contrariée comme si la révélation d’Irène au sujet de l’incompatibilité de la mission et de l’alcool ne lui convenait pas.

- « Par les Trois, Irène, te voilà bien trop sérieuse, un verre n’a jamais fait de mal à quiconque et au moins avec le vin, pas besoin de vérifier sa texture, sa couleur ou son odeur avant de l’avaler ! » tenta-t-elle d’argumenter le sourire au coin des lèvres « Ah, je préfère cette idée » affirma-t-elle finalement en se déplaçant sur le côté et l’invitant à passer devant « Si madame veut bien se donner la peine de m’indiquer le chemin »

S’écartant un instant, son visage avait du se teinter de cette tristesse non feinte, celle qui venait lui rappeler que son mariage n’avait été même pour elle, qu’un mensonge, qu’une comédie. Roland n’avait jamais su la comprendre, ni même lui accorder cet intérêt pour ce qu’elle aimait ou non faire. Ce constat de plus en plus présent apportait toujours dans la bouche de la noiraude, cette amertume, qui bien que passagère, faisait remonter la douleur de la perte, de la double perte. La main d’Irène sur la sienne sembla néanmoins avoir l’efficacité de la ramener dans l’instant présent, presque immédiatement, se drapant de se sourire de circonstance, elle ne put que secouer la tête et rouler des yeux alors que la comtesse évoquait sa volonté humoristique de la vêtir avec du voyant.

- « Même pas dans tes rêves les plus fous ! » protesta la femme d’armes avant de se laisser entraîner.

Les couloirs se ressemblaient pour la sergente qui n’avait jamais vraiment été habituée à tant de grandeur –hormis récemment avec son mariage, mais il était complexe de prétendre qu’elle était l’épouse modèle, loin de là- . Elle suivait Irène, la laissant évoluer dans sa propriété avec une aisance presque envoûtante. Les deux jeunes femmes avaient fini par arriver devant une porte fermée, porte qu’Irène semblait hésiter à ouvrir. Loin de s’en offusquer –plus à même que personne d’autres à comprendre ce besoin de vie privée-. Sydonnie s’éloigna d’un pas, silencieusement, comme pour notifier à la comtesse qu’elle pouvait attendre dehors si elle le souhaitait. Il serait bien évidemment mentir, en prétendant que ce –premier- besoin de discrétion d’Irène n’attirait pas la curiosité de la femme d’armes, celle-ci était néanmoins en mesure de le respecter. Après un temps d’hésitation, Sydonnie fut finalement autorisée à rentrer, ce qu’elle fit, non sans rester dans un coin pour ne pas paraître intrusive. Une nouvelle fois, la curiosité de la noiraude fut mise à rude épreuve et si son regard avait bien balayé la pièce avec un soupçon d’interrogation, il s’était rapidement re-fixé sur une peinture, laissant le soin à Irène de farfouiller dans ses affaires.

Déformation professionnelle oblige et aussi brève avait été l’observation, la sergente en avait bien conclut qu’Irène devait gérer bien plus que ce que le dernier membre de sa famille refusait de faire. Serait-elle-même qu’à moitié surprise de découvrir que ce fameux membre –qu’elle n’avait jamais vu-, n’existe pas, ou soit une Irène déguisait un homme. Est-ce que cela la dérangeait ? Difficile à dire. Sydonnie était toujours tiraillé entre sa propre vision des choses et celle de son éducation, celle du royaume entier. Elle tût bien évidemment ses pensées, préférant sans doute se mordiller la lèvre inférieure de cette manière pensive. La voix de la comtesse la fit sortir de ses pensées et relever le nez en sa direction.


- « Tu sais me parler Irène, il n’y a pas à dire » plaisanta-t-a une nouvelle fois en s’approchant du meuble plus bas pour récupérer verres et carafe « Je vais finir par croire que tu as du vin dans chaque pièce de ta maison, n’aimerais-tu pas ça encore plus que moi ? »

La main d’Irène qui était restée dans la sienne la relâcha, lui permettant de réaliser son action et de revenir vers celle qui farfouillé dans une pile de documents…. Encombrants. Si Irène retrouvait l’invitation dans toute cette quantité, cela serait sans aucun doute surprenant.

- « Très étonnant » rajouta la noiraude à l’évocation des invitations depuis son état de veuvage « Je suis certaine que tu y vas quand même à certaine, du moins chez ceux qui ont du bon vin ! » tenta-t-elle d’ironiser un instant « Ne penses-tu pas que ton incompétent décide de te marier au premier qui lui offrira ce qui l’intéresse ? » avant son propre mariage Sydonnie était indépendante complètement, depuis que Roland était mort, elle craignait les choix de Jacob « Jacob m’avait accordé de ne pas me vendre en épousailles, mais de me laisser du temps. Néanmoins, si l’envie lui prenait de claquer des doigts et de me vendre au plus offrant, je ne pourrais rien y faire. C’est effrayant. »

D’autant plus quand la décision appartenait à un beau-frère, beau-frère qui ne s’entendait pas avec son frère, qu’elle ne connaissait donc pas réellement et qui ne la connaissait pas. Roland avait toujours évoqué Jacob en des mots plutôt négatifs, sa jeunesse inquiétait aussi celle qui n’avait pas de lien de sang direct avec le nouvel héritier. Celle qui c’était retrouvée rapidement indépendante et en deuil sa famille, appréhendait maintenant la découverte de la condition de la femme et de cette marionnette qu’elle était pour nouer des relations. Sydonnie espérait que sa rencontre à venir soit positive, mais même en ayant une parole, dans ce milieu-là –et ne connaissant pas suffisamment Jacob-, elle ignorait la valeur que cela pouvait avoir. Un mariage pouvait parfois arranger bien des choses financières.

- « Enfin ne parlons pas des choses qui fâchent ! » fit-elle en avisant la victorieuse découverte d’Irène « Surtout maintenant que tu as trouvé notre fameux passe-droit d’entrée et si cela peut te rassurer, je pense que la tête du baron en découvrant que tu m’as invité, vaudra sans doute tout l’or du monde ! »

Sydonnie lui tendit sa main en guise de réponse pour suivre la comtesse vers l’étage et découvrir le confort sa chambre, elle ne put néanmoins que s’autoriser une brève taquinerie :

- « Si madame veut bien avoir le courtoisement de m’accompagner jusqu’à son imposante collection de vêtements. » elle s’inclina légèrement « Je suis prête à affronter cette épreuve, maintenant que je suis armée pour et presque prête à partager ce magnifique cadeau » ajouta-t-elle en montrant le vin dans le récipient.

La sergente avait bien évidemment suivi Irène jusqu’à sa chambre, non sans servir deux verres une fois sur place –pour se donner du courage vis-à-vis de l’épreuve qui l’attendait-. Un c’était retrouvé sur un meuble pour Irène, avec la carafe, l’autre dans sa main et rapidement vidé de moitié, était-ce sans doute sa nervosité qui l’obligeait à parler, notamment à l’idée de se retrouver noyé sous une panoplie de tissu, jupon et autres joyeuseté.

- « Me voilà donc ta poupée à habiller, tu peux être fière, hormis mon mari, je crois que personne n’a jamais eu gain de cause sur ce sujet… » elle se pinça les lèvres, puis ressentis cette amertume qui la fit avaler une nouvelle gorgée avant de changer drastiquement de sujet « Dis-moi Irène, que penses-tu de Sombrebois ? »

Sydonnie était loin d’être cette femme parfaite, surtout depuis la fin de son mariage. Elle avait tendance à boire beaucoup, parler fort, rire fort –pour se donner l’illusion d’être heureuse sans doute-, alternait-elle entre ce vent de pessimisme et ce besoin d’y croire encore pour donner un sens à sa vie. Souvent ivre, il lui arrivait dernièrement régulièrement de se réveiller dans la couche d’inconnu, d’où elle ne se souvenait ni du nom, ni même de la manière dont elle avait atterri là. Elle disparaissait généralement avant leur réveil et bien souvent recommençait le lendemain. Oui, Sydonnie allait mieux, faisait son deuil sans doute à sa manière, mais n’en restait pas moins une femme à la dérive dans sa vie chaotique personnelle. Fort heureusement pour elle que la discrétion restait une de ses qualités, sans quoi, après son suicide et la moult aventures qu’elle possédait… Enfin. Ses pensées la firent un instant froncer les sourcils, débattant sans doute de son état de dignité ou de moins que rien, afin qu’elle ne se reconcentre sur Irène verre en main.

- « Tu dois être la femme qui réussit le mieux son veuvage ! » finit-elle par conclure oralement « Tu devrais donner des cours, de nos jours y a plus de veuves que de jeunes pucelles ! »

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