Une visite en armure

Sujet: Une visite en armure Dim 31 Jan 2021 - 16:57

10 décembre 1166 :

Dans la vie, ça va, ça vient, c’est ce que je me dis quand je vois le garde de Victor, tombé en se tenant le ventre, à cause de la douleur. Il faut dire que c’est mon nouvel exercice matinal, le combat à main nue. Je me suis rendu compte, après l’épisode du piège des bannis au soi-disant manoir hanté que j’étais quand même bien moins efficace sans mon épée.

Ce matin, j’ai donc décidé de m’entraîner avec les gardes de mon allié qui eux aussi, compte beaucoup trop sur leurs lames et qui, en cas de désarmement, se retrouve complètement surpris. Pour changer cet état de chose, j’ai demandé à certain de me combattre, mais le résultat n’est pas très brillant. Soit, ils sont trop lents, soit ils n’arrivent pas à se protéger, mais ils n’arrivent pas à esquiver mes coups.

Je continu comme cela pendant quelques heures pour me maintenir en forme et petit à petit, mes cibles commencent à avoir du répondant et c’est donc sur un résultat presque satisfaisant que je termine l’exercice. Je prends ensuite soin de bien me nettoyer, étant comme d’habitude particulièrement soucieux de mon hygiène, ayant vu lors de mes nombreuses campagnes militaires à quel point les maladies peux décimer les rangs d’une armée, bien plus que les forces ennemies.

Je pars ensuite vers la résidence du baron de Bransat situé sur l’esplanade, c’est une toute petite demeure et je comprends que cela doit les changer de leurs terres, aujourd’hui occupé par la Fange. Mais tous n’ont pas eu cette chance, pour moi, les choses ne se sont pas passé ainsi et c’est uniquement grâce à l’aide de mes cousins que je n’ai pas fini à la rue, j’ai pu avoir une minuscule chambre dans une auberge non loin d’ici.

Plus tard, j’ai eu la chance de rencontrer le comte de Rougelac qui est devenu mon allié et c’est ainsi que j’ai enfin réussit à accéder aux domaines des nobles. Et me voici maintenant devant l’édifice, frappant à la porte d’une des familles les plus connues de l’ancien royaume pour aller chercher une simple milicienne qui est également une ancienne baronne, comme quoi le monde est bel et bien devenu sens dessus-dessous.

Lorsque l’on m’ouvre la porte, je me présente aussitôt :

Je suis le chevalier Desmond de Rochemont, je viens parler à mademoiselle Maralina de Bransat.

Voilà, c’est dit, hier, nous sommes rentrés de patrouille et j’ai entendu distinctement son coutilier Charles Aubernard, leur donner à tous, trois jours de permission et c’est ainsi que je sais que la jeune femme est chez elle. Je suis en tenue pour combattre avec mon armure de plaque et mon épée dans son fourreau, car ce n’est pas une visite de courtoisie, la milicienne m’a indiqué qu’elle acceptait de m’aider dans ma chasse aux bannies et je suis là uniquement pour cela. Comme aurait dit mon père, il faut battre le fer tant qu’il est encore chaud.

Marie ne put s’empêcher de cacher sa surprise lorsqu’elle répondit à la porte pour voir le grand gaillard qui se tenait devant. Couvert de fer, il avait une mine effrayante! Pendant une seconde elle eut presque l’impression que ce dernier venait lui annoncer une horrible nouvelle puis il se présenta. Un chevalier? Qui demandait Maralina? La domestique se détendit un moment, non sans avoir un léger sourire en coin. « Entrez Messire, je vais allez vous la chercher de ce pas! » commenca-t-elle en ouvrant grand la porte pour laisser entrer le colosse.

«Bienvenue dans mon humble demeure Messire de Rochemont. »

Marie s’arrêta net et reporta son regard vers le Baron de Bransat qui venait de faire son apparition dans le hall. L’expression glaciale, le Baron observa le chevalier qui venait d’entrer dans sa demeure, analysant ce dernier. « Marie, ne fait pas attendre le chevalier, et va chercher ma fille. » Marie referma rapidement la porte derrière Desmond avant d’acquiescer, sortant de la pièce le plus rapidement possible pour aller chercher la jeune femme, qui a cette heure, devait s’entraîner dans la cour de leur minuscule habitation- du moins minuscule comparativement à leur résidence à Bransat. Ulric de Bransat s’approcha du chevalier, le pas confiant alors que son visage ne laissait transparaitre aucune émotion, qu’un bloc de glace comme sa fille. « Enchanté de faire votre connaissance, mon nom est Ulric de Bransat, et Maralina est ma fille. » Son ton était ferme, on pouvait sentir que ce dernier avait toujours géré ses affaires avec une poigne d’acier. « Puis-je vous demander pourquoi vous demandez sa présence? » Inutile de perdre son temps, Desmond avait l’air d’un homme qui ne passait pas par quatre chemin – tout comme le baron.

***

C’est à ce moment que la milicienne s’effondra au sol, roulant sur le dos avant de tenter de contrôler sa respiration. Son souffle était court, et une de ses boucles blondes lui colla doucement sur la figure alors qu’elle fermait les yeux. Cet entrainement était particulièrement éreintant, mais mieux valait être au sommet de sa forme si on était dans la milice extérieure. Au bout d’une minute, la jeune femme ouvrit doucement les yeux, savourant la fraicheur du vent sur son visage avant de se redresser. Elle avait mérité cette petite pause, cela faisait déjà quelques heures qu’elle s’entrainait sur l’un des mannequins de la cour. Des feintes, des roulades et puis une course interminable dans les jardins, tentant tant bien que mal d’être le plus rapide possible, et aussi le plus longtemps. D’un bond, la jeune femme se redressa avant d’entrer dans la cuisine, là, où une bassine et des linges l’attendaient. Sans attendre elle s’aspergea le visage d’eau avant d’attraper un linge, s’essuyant doucement le visage.

« Maralina? » La jeune femme leva doucement la tête, rencontrant le regard de Marie qui la regardait d’un air gêné. « Oui, Marie? » La servante posa délicatement sa main à l’arrière de son crâne, grattant sa tête, tentant tant bien que mal de camoufler le malaise qui l’accompagnait. « C’est que… enfin. » commença-t-elle, alors que la milicienne haussa un sourcil. Cette dernière se leva de son siège et s’approchant doucement de la quadragénaire, croyant que quelques choses de malheureux venaient de se produire. « C’est qu’il y a un homme qui vous demande à la porte… Un chevalier. » Dit-elle en rougissant. Maralina haussa les yeux aux ciels avant de prendre la parole; « Ciel Marie! J’étais certaine que tu allais m’annoncer une mauvaise nouvelle! » Marie regarda soudainement ses pieds avant de continuer d’une petite voix; « C’est qu’il est avec votre père… » Maralina s’arrêta net, en regardant Marie. Et merde… Si elle venait la trouver ainsi, cela voulait forcément dire qu’ils se feraient des idées. Sans attendre, la jeune femme sortit d’un pas rapide du salon, allant directement au hall, où elle trouva le chevalier en compagnie que nulle autre que le Baron. Ce dernier détaillait de son air froid le chevalier, attendant probablement une réponse à une de ses questions, et c’est là que la milicienne arriva rapidement pour désamorcer la situation; « Bonjour Chevalier. » Commença-t-elle, interrompant volontairement la conversation des deux hommes. Elle fit une révérence, avant de redresser son regard glacial vers le colosse en armure. Visite de courtoisie? Elle avait un doute. Comment avait-il su qu’elle était en repos d’ailleurs?

La milicienne se redressa doucement, presque gracieusement, ne laissant aucun geste au hasard. Bref, une révérence des plus parfaites qui n’auraient laissé aucun noble indifférent. Faisant fi du regard glacial de son paternel, la jeune femme reprit le dessus de la discussion; « Comment puis-je vous aider, messire? Vous n’avez guère besoin d’un moment de répit après votre visite à l’extérieur. » Mais à quoi jouait-il au juste? Surtout venir à la résidence de son père, cela créerait forcément des discussions qu’elle n’avait nullement envie d’avoir avec le bloc de glace qu’était son père. La jeune femme replaça doucement l’une des boucles blondes qui tomba sur la figure, tentant tant bien que mal de faire bonne figure devant le noble.

Une domestique d’une quarantaine d’années et blonde comme les blés m'écoute en me souriant étrangement et m’indique que je peux entrer le temps qu’elle parte chercher la fille du maitre de maison, ce qui me surprend car je comptais attendre dehors. Mais elle ouvre grand la porte et comme je suis chez des nobles, je sais que ce serait impoli de refuser, ce pourrait même être pris pour un affront de la part de la maisonnée.

Je passe donc le seuil de la demeure et pénètre dans un hall, mais je n’ai même pas le temps de souffler qu’un homme apparaît, plutôt beau avec ses cheveux en arrière et ses yeux que je pense être marron, il se présente comme Ulric de Bransat et précise au cas où je n’aurais pas compris que Maralina est sa fille, d’un ton qui n’incite pas à la rigolade.

Je le salue comme il sied à un chevalier devant un baron et il me demande ce que je veux à sa fille, en gros. Je fronce les sourcils, car je n’ai guère l’habitude de devoir justifier de mes actes, mais comme il est chez lui, je ne peux guère l’envoyer balader et je lui réponds en toute sincérité.

J’ai croisé votre fille lors d’une patrouille avant-hier, car je suis chevalier affilié à la Milice à la demande du Roi.

Et voilà, tout d’abord bien mettre les bases, je ne suis pas un vulgaire soldat venu courtiser sa fille.

Elle a fait preuve d’une rare intelligence et d’un grand courage lors d’un affrontement avec des bannis, me permettant d’en occire un et de libérer une prisonnière.

Voilà, je n’ajoute pas que je n’ai pas tué celui que j’avais visé, ce n’est qu’un détail sans grande importance, je peux donc conclure :

Je lui ai donc demandé son aide pour lutter contre les cultistes et ainsi éviter un nouveau Chaudron. Elle a accepté, m’indiquant que ce serait pendant ses jours de permission, je suis donc venu la chercher et...

Je suis interrompu par la demoiselle qui arrive enfant et me dit bonjour, tout en faisant une parfaite révérence et je fais la même chose, en faisant bien attention au protocole, car je suis devant un baron quand même. Je souris, car elle semble avoir attendu ma venue, elle est déjà en tenue de combat, mais ses paroles me détrompent et je lui indique simplement :

Bien le bonjour Baronne, comme je l’annonçais à votre père, vous m’aviez indiqué que lorsque vous ne serez pas en mission, vous m’aideriez dans ma quête.

Et voilà, la balle est maintenant dans son camp, elle n’a plus qu’à finir de se préparer, prendre quelques provisions et me rejoindre, la journée vient à peine de commencer.

Son regard glacial fixait le chevalier alors que ce dernier lui révélait la raison de sa visite. Ainsi donc, ce dernier n’avait pas lésiné! Après seulement quarante huit heures, le chevalier était déjà de retour à demandé l’aide qu’elle lui avait promis. Non pas que c’était un mal en soi, mais jamais elle ne s’était attendue à le revoir aussi vite. À croire qu’elle avait réellement fait bonne impression! Qui plus est son attitude était bien différente en ce jour. Il était beaucoup plus poli, agissait tel le noble chevalier qu’il était. Peut-être était-ce la présence du rigide baron de Bransat? Chose est sûre, elle lui avait dit plusieurs fois qu’elle n’était plus noble, donc le vouvoiement et le titre lui paraissait superflu à moins que cela soit une technique quelconque pour mettre de côté Ulric de Bransat? Qui pouvait savoir? Sans attendre, Maralina fit un léger mouvement de tête affirmatif, avant de reprendre la parole; « Certainement, laissez-moi quelques minutes et je vous rejoins. » La jeune fille lança un regard discret vers le Baron. Ce dernier, croisa le regard de sa fille avant de retourner son attention vers le chevalier, le visage toujours inexpressif. Un regard qui ne dura qu’une minute à peine, mais qui était bien compris entre la paire. Ulric donnait son approbation, à contrecœur certes, mais avec un géant tel le chevalier de Rochemont, il avait moins de crainte. La milicienne ne perdit pas son temps, et tourna rapidement les talons pour aller chercher son équipement. Ulric, quant a lui, soutenait le regard du chevalier. Son air froid et sa prestance en avait rendu plusieurs malaises, mais ce n’était pas son but à ce moment précis.

« Je ne crois pas que l’on est le plaisir de s’être déjà rencontré, Messire. Mais je dois être honnête avec vous. » Le baron mit rapidement les mains dans son dos, se redressant alors que son regard ne bougea pas d’un millimètre. C’était un homme fier et direct, et sa prestance reflétait bien sa force de caractère. « La situation est déjà tendu avec tous ces cultistes. Je vous demanderais de ne pas mettre ma fille dans une situation inconfortable. Par-là, j’entends de mettre sa vie en danger ou ruiner à sa réputation. Si un malheur lui arrivait, je ne crois guère que quiconque ne pourrait vous protéger. Me suis-je bien fait comprendre? » Il s’arrêta un moment, fixant le colosse de ses prunelles cendrées; « Vous la voyez peut-être comme une simple milicienne, mais rappelez-vous que c’est la fille non-mariée d’un baron. » Il était bien sérieux, si Desmond tentait quoique se soit envers sa fille sans son consentement, il ne le prendrait définitivement pas à la légère. Par chance Maralina avait toujours été très droite et n’avait jamais eu de relation avec un homme et le baron souhaitait que cela restait ainsi. Il avait peut-être arrêté de faire pression sur Maralina, mais cela ne voulait pas nécessairement dire qu’il perdrait tout espoir. On ne savait jamais ce que les dieux avaient en réserve. Cela prit quelques minutes avant que la jeune femme revienne dans le hall, épée dans son fourreau, une dague bien en évidence, et une armure de cuir légère avec un petit sac en bandoulière contenant quelques provisions et bandages si nécessaire. Voyant le visage de son paternel elle n’eut pas besoin d’un dessin pour comprendre de quoi les deux hommes parlaient. « Allons-y. » Sans jeter un coup d’œil à son père, la jeune femme sortie de la maison, avant d’accéder à la rue, tentant tant bien que mal de mettre le plus de distance entre elle et le baron. Une fois que le chevalier l’eut rejoint, la jeune femme reprit la parole, s’excusant pour commencer; « Désolé pour les agissements de mon père, disons que le fait de trouver la statuette de serpent dans notre maison ne le rassure guère. Il croit que je serais peut-être une éventuelle victime de la purge… » Après tout, d’innombrables miliciennes avaient déjà donné leur démission par peur de finir morte. Maralina haussa les épaules, avec son éternel air neutre avant de continuer; « Je vais supposer que vous avez une quelconque piste? Qu’avez-vous récolté comme information? »

La milicienne accepte de me rejoindre et repart aussitôt, me laissant seul avec son père. Celui-ci ne m’a pas lâché du regard et m’indique qu’il va être honnête avec moi. Je n’aime pas vraiment entendre cette formule, c’est le plus souvent le signal annonciateur des ennuis et encore une fois, cela ce vérifie car il me demande plusieurs choses et je l’écoute sans l’interrompre jusqu’au bout, avant d’avancer d’un pas, comme pour montrer ma détermination et signifier à mon interlocuteur que je mets les pieds où je veux, avant de lui répondre d’une voix ferme :

Votre fille a choisi la voix des armes, tout comme moi. Vous l’avez laissé faire ce choix et suivre des leçons. Elle est donc préparée à ce qui va arriver, mais même avec mon expérience, j’ai été blessé de nombreuses fois et je vais continuer à l’être, peut-être même est-ce que je vais mourir aujourd’hui, mais j’aurais accompli mon devoir envers le Roi et c’est le plus important.

Bon, je ne compte pas être tué, surtout par des cultistes mal dégrossis, mais le risque est quand même présent et je préfère être clair. Je fais ensuite un autre pas, toujours dans la direction du baron et je lui indique :

Quant au deuxième point, je ne doute pas qu’il s’agisse d’une mise en garde, mais je suis chevalier et je protégerai sa réputation de fille de baron, c’est mon devoir envers les Trois.

C’est vrai qu’à partir du moment où je lui ai demandé son aide et qu’elle a accepté, je lui suis redevable, un peu comme un serment. C’est le genre de chose qui peut mettre en danger mon âme si je brise le pacte. Il reste maintenant une dernière chose à éclaircir :

Je suis le chevalier Desmond de Rochemont, si un malheur arrivait à votre fille, je viendrais en personne vous le dire, ne vous inquiétez pas pour cela.

Voilà, je ne compte pas me laisser intimidé par son papounet d’amour et s’il me répond, je me prêt.
Au bout d’un certain temps, la jeune femme revient, armée et équipée de pied en cap et part, sans dire au revoir à son père. Quant à moi, je le salue comme il sied et je quitte le batiment avant de presser le pas pour rejoindre Maralina qui commence à s’excuser pour son père et me demande si j’ai une piste, je lui réponds donc en souriant :

Si j’ai une fille comme vous, je pense que je serais aussi très protecteur. Pour la statuette, je ne savais pas, et vous devriez faire attention à vos domestiques, je sais de source sûre que certains ne sont pas fiable.

C’est le moins que je puis dire, une de mes connaissances à failli se faire aussi par son propre personnel de maison ! Mais je ne m’attarde pas sur ce sujet et précise à ma nouvelle acolyte ce que j’ai appris :

Le sergent suspecte une taupe dans les rangs de la Milice et m’a demandé d’interroger une prostituée qui aurait été empoisonné par une personne se présentant comme une noble. Il pense même que cette affaire est en lien avec celle que nous avons vu lors de notre patrouille.

Le baron ne répondit rien à l’homme. Les prunelles cendrées fixèrent le colosse. Il n’avait pas besoin de rajouter quoique ce soit, il avait promis sur son honneur, c’était bien assez pour lui. Néanmoins, Ulric regarda sa fille sortir de la maison sans rien dire, et malgré son air glacial, il sentit son cœur se serrer à la vue de cette dernière en armure. Ah! Comme il aimerait lui dire à quel point il était fier! Mais ce n’était pas le moment. Sans dire un mot, le baron tourna les talons et sortit de la pièce, laissant Marie refermer la porte derrière l’homme alors que ce dernier allait complimenter Maralina.

« Oh! » lâcha la milicienne en baissant soudainement le regard au sol, clairement gêné. Venait-il réellement de lui faire un compliment? Ou révélait-il seulement un fait? Après tout, les pères étaient toujours surprotecteurs. Le Baron de Bransat n’était pas une exception à cette règle. Elle sentit le rouge lui monté sur les joues alors qu’elle écoutait le reste de la phrase du chevalier, ne prenant la parole qu’une fois qu’il eut terminé. « J’ose espérer que les trois ne vous donneront pas une fille comme moi. » La jeune femme releva doucement son regard vers son interlocuteur, reprenant son air neutre; « Bon nombre de familles croient que je suis une honte à ma maison. » Elle haussa les épaules, semblant perdue dans ces pensées pendant un moment. Maralina n’était pas dupe, elle les entendait les ragots que l’on racontait sur elle. Elle les entendait les murmures sur son passage et les regards d’envie de ses confrères de la milice ne laissaient rien au hasard. La milicienne était un paria. Mais au fond d’elle-même elle savait qu’elle ne pouvait s’enfuir, combattre la fange était sa destinée. La blonde relava doucement son regard cendré vers le chevalier, avant de répondre; « Nous n’avons qu’une domestique, Marie. Elle est avec nous depuis bien des années et a toujours pris soin de nous d’aussi longtemps que je me souvienne. Il n’y a aucune raison que cette dernière nous veuille du mal. Je placerais ma vie entre ses mains. Penser qu’elle nous voudrait du mal est surréaliste. » Oui, elle avait changé rapidement de sujet, mais le compliment du chevalier l’avait complètement déstabilisé. Elle savait pertinemment que c’était un de ces points faibles et était incapable de cacher son inexpérience devant les autres.

Il faut dire que le reste de la mission ne s’annonçait pas nécessairement des plus faciles non plus. Les documents qu’ils avaient rapportés de leurs missions semblaient en effet des plus capitales; « Vous croyez réellement que l’un de vos pairs se promène dans l’esplanade en commettant des crimes? » Non ce n’était pas l’innocence, mais un noble qui agit avec un tel sobriquet se mettait forcément à risque s’ils venaient à être découvert. Après tout, la liste des nobles n’était pas infinie, et tout le monde se connaissait à l’esplanade.

La réponse de Maralinna me surprend, elle est jolie, intelligente et sait se battre, ce qui dans le monde actuel est la seule chose qui compte, en tout cas, le jour où j’aurais des enfants, je veux qu’ils soient de véritable guerrier et non des femmelettes, incapable de soulever une épée, même si leur vie dépendait.

Je suis rassuré par le fait qu’elle a confiance en son unique domestique, même si j’ai du mal à croire qu’une famille comme la sienne puisse avoir si peu de gens à leur service, le nouveau Roi ne semble pas avoir été tendre à leur égard. Lorsqu’elle me demande ce que je pense de mon hypothèse, je lui réponds en lui souriant :

C’est une excellente question et avant l’arrivée de la Fange, j’aurais dit que c’était impossible, mais de nombreuses familles nobles ont été déclassé par le dirigeant de Marbrume et obligé de côtoyer le peuple. Je sais à quel point, il peut être difficile de passer du jour au lendemain de personnes ayant des privilèges à la plèbe, il y a alors deux solutions, la plus dure passe par travailler pour ceux qui ont gardé leur influence et se montrer loyal.

Je m’arrête un moment, pour ressasser mes souvenirs, car c’est comme cela que j’ai été embauché par le comte de Rougelac, avant de continuer :

La seconde, la plus simple est de se plaindre et au lieu de se remettre en cause, de comploter pour renverser l’ordre établi. Pour ma part, je pense bien qu’un ancien noble est impliqué, il y a bien quelqu’un d’intelligent, sachant lire, écrire et diriger qui a monté une organisation capable de créer les documents que nous avons saisis.

Tout en discutant, nous arrivons devant le lieu où loge la prostituée, c’est une indépendante, ce n’est donc pas une maison de passe, mais le quartier situé près du port est mal famé et est très loin de sentir la rose. Sans prendre garde au décor extérieur ni au regard des petites frappes locales, j’entre dans le bâtiment qui fais deux étages et arrivé au dernier, je frappe à la porte du fond. J’entends alors, une petite voix derrière la porte me dire :

Tu es en avance.

Le battant s’ouvre et je vois une femme de mon âge, nue avec une petite poitrine, svelte et plutôt jolie. Elle semble surprise de me voir et je lui indique d’une voix dure :

Mireille Turlutte, nous enquêtons sur ce qu’il vous est arrivé, alors allez mettre un vêtement pour répondre à nos questions.

Je rentre sans faire de manière dans sa petite chambre et je prends deux chaises, une pour moi et une pour mon acolyte, tandis qu’après avoir enfilé une vieille robe de chambre très transparente, la prostituée s’assoit sur le lit. Je laisse la milicienne poser les premières questions, je suis sûr qu’entre femme, ce sera plus facile.

Maralina écouta sans interrompre le chevalier, avançant à ses côtés vers le port. La milicienne nota rapidement les regards que les gens lui lançaient, semblant beaucoup trop intéressé par l’étrange duo armé qui traversait l’esplanade en parlant d’un possible complot dans la noblesse. Ne laissant rien paraître, ses sens étaient aux aguets, consciente que cette situation faisait d’eux des cibles importantes. Mais cela ne semblait pas embêter le chevalier, qui, lui, décrivait en détail ses pensées, mettant en avant l’hypothèse que cela soit réellement un noble qui était la source de tout ses problèmes. « Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas seulement les nobles qui sachent lire et écrire. Peut-être que le soi-disant noble essaie de faire passer le chapeau sur quelqu’un d’autre. Ne fermons pas toutes les portes tout de suite. » Non pas qu’elle n’était pas d’accord avec Desmond. Elle connaissait que trop bien la noblesse de Marbrume. Toujours à vouloir l’ascendant sur son voisin, toujours à manigancer l’un contre l’autre! C’était d’ailleurs surprenant que les Bransat soient les seuls à ne pas être dans quelconques entourloupe politique. Il faut dire que le Baron était beaucoup trop droit et direct pour faire une telle chose. « Et s’il était réellement intelligent, il n’aurait pas utilisé un tel sobriquet. » Car en effet, se faire appeler le noble ne signifiait rien de bon.

Au bout de quelques minutes le duo arriva finalement au port. Maralina détestait profondément cet endroit. C’était si glauque, si apathique, mais Desmond ne semblait pas s’en formaliser, au contraire, il entra dans la chaumière de son pas confiant avant de cogner à une porte. La milicienne porta son regard aux alentours, s’assurant qu’on ne les avait pas suivis avant de se retourner alors qu’une femme nue ouvrit la porte.

Et là, elle sembla perdre complètement ses moyens.

La milicienne sentit une nouvelle fois le rouge lui monter aux joues avant que son regard ne se porte au sol, clairement gênée, chose que la dénommée Mireille remarqua immédiatement. Un grand sourire vint orner ses lèvres alors qu’elle s’approcha de la jeune milicienne, lui passant doucement le doigt sur le menton pour rencontrer son regard. « Ah mais je fais affaire à une pucelle. » Maralina recula d’un pas, se libérant de l’étreinte de la fille de joie, avant de passer à côté d’elle pour aller rejoindre Desmond. Sans jeter un regard à Desmond, cette dernière s’assit à ses côtés, fixant à nouveau le sol, clairement gêné par la situation. La catin enfila rapidement une robe de chambre avant de s’asseoir devant la milicienne qui la fuyait toujours du regard. « Mais allez, ma jolie. Tu n’as pas à être gênée! Je peux même vous faire un prix d’ami. Je suis certaine que ton acolyte se fera un plaisir de t’éduquer en ma compagnie! » La milicienne fronça les sourcils avant de remonter finalement ses prunelles argentées vers la fille de joie qui avait un beaucoup trop grand sourire à son goût. « Non, merci. Maintenant vous allez répondre à nos questions… » Mais avant même qu’elle ne puisse continuer son interrogatoire, cette dernière laissa s’échapper « Oh, elle est féroce celle-là ! » se retournant vers Desmond, sourire aux lèvres; « Tu en as pour ton argent avec celle-là! »

Maralina est vraiment intelligente et m’indique que le surnom de notre adversaire est peut-être juste là pour brouiller les pistes, voir même qu’il n’aurait pas utilisé le qualificatif de noble, mais je ne dévie pas de mon idée. Beaucoup de géants du crime veulent être reconnus, que l’on parle d’eux, ce qui flatte leur ego, un peu comme moi d’ailleurs et où est le plaisir d’avoir dû pouvoir si personne ne le sait ?

Pour changer complètement de sujet, la réaction de la jeune femme qui m’accompagne me surprend lorsqu’elle voit la femme nue. Ce n’est que lorsque la prostituée la traite de pucelle que je comprends, une noble élevée dans un cocon et n’ayant jamais connu les plaisirs de la vie ! Je reste stoïque devant la scène, ne sachant pas comment réagir, devant cette véritable pièce de théâtre.

En tout cas la fille de joie semble prendre du plaisir devant cette situation, proposant même de faire un plan à trois ! Même si la milicienne essaye de reprendre le contrôle de la situation, la jeune catin la tourne en dérision et me prend à témoin, je lui réponds donc :

Je vois que pour une personne qui a failli mourir, tu as le verbe haut ! Maintenant, tu vas te taire et nous montrer un peu plus de respect, sinon, on te laisse là et on verra bien si tu survis à une autre attaque.

Je la vois frissonner un peu comme si elle se souvenait de ce qu’il s’est passé et mettant les mains sur ses cuisses comme un enfant qui vient d’être grondé, elle me répond d’une petite voix :

Désolé, c’était trop tentant et votre copine est si jolie.

Je lève les yeux au ciel, d’où elle a trouvé cette idée saugrenue que moi et Maralina, nous sommes ensemble ? Mais le débat n’est pas là et je préfère me concentrer sur la raison de notre visite :

Tu as déclaré à la Milice qu’une femme se présentant comme une noble, t'a fait boire une boisson qui t'a rendu malade pendant plusieurs jours, que peux-tu nous dire à ce sujet ?

Mon interlocutrice sourit de nouveau et m‘indique :

Oui, je travaillais à l’époque dans un autre bâtiment, j’ai reçu une femme que je n’avais jamais vue auparavant, elle avait les yeux de deux couleurs différentes et était très petite. Elle était venue avec une bonne bouteille de vin, disant qu’il venait de ses terres, c’est pourquoi j’ai immédiatement pensé à une noble. J’étais persuadé qu’elle était là à cause de ma grande souplesse, vous voulez voir ?

Sans même que j’ai le temps de répondre à sa question, elle réussit à mettre ses pieds derrière la tête, son geste ouvrant sa robe de chambre par la même occasion, avant de reprendre sa position en seulement quelques secondes, prouesse tout à fait impressionnante, mais complètement hors de propos, je lui indique donc d’un ton sec :

Je te répète que nous ne sommes pas venus pour cela, mais pour retrouver celle qui t'as empoisonné.

Mireille me regarde en clignant des yeux de manière langoureuse et me répond :

Bien sûr, j’y viens, elle m’a dit de boire à la bouteille, mais j’étais trop pressé et je n’ai bu qu’une gorgé avant de lâcher la bouteille qui s’est brisé sur le sol. Je me suis senti mal quelques secondes plus tard et la femme est partie sans dire un mot, ni jeter un seul regard en arrière.

Cela ressemble fort, en effet à une tentative de meurtre et je tourne vers la milicienne pour lui demander :

Avez-vous des questions à lui poser ?

Elle n’eut pas le temps de rétorquer ou de tenter de reprendre ses esprits, Desmond prit rapidement le dessus de la conversation, menaçant de ne pas aider la prostituée si cette dernière continuait son petit spectacle. Cela sembla faire effet, car elle se calma, non sans faire un dernier compliment à la jeune femme qui ne répondit rien, le regard toujours au sol. Tout de façon qu’aurait-elle pu répondre à cette dernière? Qu’elle n’était pas l’amie du chevalier? Quel avantage cela aurait-elle pu avoir? Rien qui ne les aurait aidés. Au moins Desmond inspirait l’autorité, recentrant à nouveau la conversation, et le regard cendré de la milicienne se porta à nouveau vers la prostituée. Grave erreur en soi, étant donné qu’elle montra toute sa… disons grandeur en mettant son pied derrière sa tête, dévoilant beaucoup plus que nécessaire. Maralina soupira avant de baisser le regard une nouvelle fois, alors que le rouge remontait discrètement à ses joues. Non mais dans quel bourbier s’était-elle incrusté encore une fois?

« Oui, j’ai plusieurs questions. » commença-t-elle avant de poser une nouvelle fois son regard vers la fille de joie; « Ce vin que vous avez bu, il n’avait pas un gout particulier? » La prostituée eut un sourire charmeur en remarquant qu’elle avait l’attention de la jeune femme avant d’ouvrir la bouche. Elle sembla vouloir dire quelques choses, mais le regard de Desmond sembla la refroidir avant qu’elle ne soupire en levant les yeux au ciel. « Si, il était très amer. J’ai seulement pensé qu’il était bouchonné. » Silencieuse, la milicienne observa son interlocutrice, alors que cette dernière semblait de plus en plus ennuyée. « Et vous dites que vous vous êtes sentie mal. Quels étaient vos symptômes? »

« Vous? » Mireille se mit à rire à gorge déployée comme si la milicienne venait de dire la plus fantastique des blagues. Elle prit un éventail et se mit à faire des petits mouvements avec avant de jeter un regard langoureux à Desmond. « Vous! Tu es trop polie ma jolie. Je ne suis pas si vieille que ça. Je vois avoir quoi? À peine une dizaine d’années de plus que toi. Au grand maximum et je… »

« Ce n’est pas une réponse à ma question. »

La prostituée s’arrêta net en attendant la voix ferme de la milicienne. C’était bien la première fois qu’elle l’entendait ainsi! À croire que cette dernière avait finalement réussi à trouver son courage! Mireille ferma d’un coup sec son éventail avant de soupirer; « Mon ventre s’est mis à gargouiller et j’ai perdu connaissance. Voilà. »

« Et vous avez déjà vu cette femme auparavant? »
« Comme j’ai déjà dit; non. Je ne connais pas son nom. »
« Donnez-nous une description physique de cette dernière. »

Mireille se mit à pianoter les doigts sur ses genoux, l’air ennuyée, avant de reprendre la parole; « Une rouquine d’environ de la même taille que moi, assez potelé. Des attributs énormes! Et je vous dirais qu’elle avait à peu près de mon âge. » Maralina hocha la tête, l’air perdue dans ses pensées. Analysant soigneusement l’information que son interlocutrice lui avait donnée.

« Et vous avez encore cette bouteille? »
« Non, quand je me suis réveillée, elle n’était plus là. »
« Et qui pourrait vous en vouloir? »

Un nouveau rire vint emplir la pièce alors que cette dernière fit un clin d’œil. « Crois-moi, ma belle. Beaucoup de gens. Qu’est que tu dirais si je te volais ton homme? » La jeune fille haussa un sourcil, ne comprenant pas trop la référence. Ce qui sembla amuser la prostituée qui se leva finalement du lit pour aller s’asseoir sur les genoux de Desmond! Elle passe doucement les doigts dans son coup, attirant doucement son visage près du sien en soufflant; « Lui aussi c’est une belle pièce d’homme. Je doute que tu puisses le satisfaire totalement… »

Maralina posent de nombreuses questions, réussissant même à faire preuve d’autorité, nous permettant d’avoir plus de renseignements sur le physique de sa visiteuse. La prostituée croit s’agit simplement d’une vengeance, liée à son métier de prostitué et je ne la détrompe pas, ne voulant pas l’inquiéter davantage.

Alors que j’étais en train de réfléchir si j’avais déjà croisé cette personne, à un moment ou un autre, je suis surpris par Mireille qui s’assoit directement sur mes genoux me susurrant des compliments. Cela me fait évidemment plaisir et surtout, elle ne s’arrête pas là, car elle indique, avec un grand sourire :

Je suis même prêt à le faire gratuitement, si le paquet est proportionnel à la taille et mon expérience me dit que oui, je vais passer un très bon moment. Ta copine pourra même participer, avec sa gueule d’ange, je suis sûr que je pourrais lui apprendre plein de trucs très sympa.

Je sens même sa main aller plus bas et je l’arrête gentiment, mais fermement, en lui prenant la main et en la soulevant sans difficulté avec mon autre bras autour de sa taille, la reposant sur le lit doucement, avant de lui signifier :

Je doute que les Trois soient d’accord avec cela.

Bon, cette phrase n’est pas très correcte, car j’ai déjà utilisé à de nombreuses reprises les talents de filles de joie, mais je ne suis pas seul et je ne veux pas paraître pour un obsédé sexuel envers la milicienne qui m’accompagne. Je reste toutefois debout pour éviter toutes nouvelles mauvaises surprises, et je lui indique :

Pour ma part, je n’ai plus qu’une seule question, car tu nous as bien aidés. Sur cette bouteille, il devait y avoir un symbole en surimpression, au niveau de l’épaule, c’est entre le col et le fût, est-ce que tu t’en souviens ?

Je la vois réfléchir intensément, puis elle me dit :

J’ai le souvenir de deux traits et au-dessus une sorte de couronne. Mais je ne l’ai pas tenu longtemps en main, j’ai plus l’habitude de vous savez quoi.

Sur ces derniers mots, elle commence à faire des gestes obscènes avec sa main et je lui dis :

J’ai bien compris, tu peux arrêter.

Je me retourne ensuite vers la jeune milicienne pour lui demander :

Je n’ai plus de questions à lui poser, dès que vous aurez terminé, nous pourrons partir d’ici.

Je ne tiens pas en effet à rester plus longtemps que nécessaire dans ce lieu, d’une part, car nous avons une affaire à résoudre et d’autre part, car mon acolyte risque d’avoir un malaise devant cette prostituée très entreprenante.

Maralina fronça les sourcils alors que la femme s’installait sur les genoux de Desmond. Mais à quoi jouait-elle? Et surtout pourquoi son estomac s’était serré ainsi alors que la prostituée devenait autant entreprenante? Si elle avait éprouvé de la gêne au départ, maintenant cela ressemblait beaucoup plus à de la colère. On aurait dit qu’elle cherchait à provoquer une réaction chez la milicienne… Une réaction qu’elle ne connaissait même pas elle-même. Pour être honnête, elle détestait le sentiment qui lui serrait la poitrine en ce moment. Un mélange de déception, mais aussi de honte… Honte de ne pas être aussi dégourdie, et honte de se laisser emporter par des sottises pareilles! Était-elle jalouse? Oui, peut-être. Mais de quoi exactement, elle n’en savait rien. Son visage resta de marbre alors que le colosse soulevait la catin pour la remettre sur le lit avant de se retourner vers elle pour lui demander si elle avait d’autres questions. Sa réponse fut glaciale, probablement plus qu’elle l’aurait voulu. « Non, je n’ai plus rien à lui demander. » Son visage était devenu de marbre, comme si elle s’était à nouveau refermée sur elle-même.

Sans attendre, la jeune femme se leva pour sortir de la pièce non pas avant que la prostituée les interpelle à nouveau. « Si j’étais toi Chevalier. Je ne la laisserais pas partir. C’est toujours les plus timides qui nous surprenne le plus. » La milicienne porta son regard cendré sur la prostituée avant de secouer la tête avant de sortir. Cela ne valait même pas la peine de répondre à de telle réplique. Une fois à l’extérieur, la milicienne rabattit son capuchon sur sa longue chevelure platine, tentant de se protéger de la morsure de l’hiver, attendant patiemment que le chevalier ne vienne la rejoindre. Une fois que le colosse la rejoignit, ce fut Maralina qui brisa la glace; « Désolé pour mon attitude. C’était bien la première fois que je rencontrais une femme aussi entreprenante… Je ne crois pas que j’ai apprécié l’expérience. » En réalité, c’étaient ces sous-entendus qu’elle n’avait pas appréciés et pourquoi la pensée de disons – partager Desmond avec cette femme la dérangeait autant. Maralina secoua la tête, comme pour reprendre ses esprits, avant de lever son regard cendré vers le chevalier; « Nul besoin de dire quoique ce soit, elle a été empoisonnée. J’ignore par quoi, mais le gout amer est un indice. Ce que je ne comprends pas, c’est que les meurtres ont été incroyablement violents, alors pourquoi empoisonner cette dernière alors que les autres ont servi d’exemple? » Maralina regarda le sol pendant un moment, complètement absorbé par ses pensées, avant d’observer au loin un groupe d’hommes qui s’approchaient d’eux en se bousculant et en riant. « Il y a quelque chose de louche qui ne tient pas debout dans cette histoire. » Relevant son regard vers le chevalier, elle prit rapidement ses gants avant de les remettre alors que les flacons tombaient doucement du ciel. « Une noble rousse, cela te dit quelque chose? » La milicienne ne s’informait pas assez des ragots de la noblesse pour avoir une quelconque idée de qui cela pourrait être. Mais une chose est sûre, pour le moment, ils naviguaient à l’aveugle avec très peu d’indice.

La réponse de la jeune ne me surprend pas, elle est certes assez sèche, mais elle doit être mal à l’aise et je comprends tout à fait qu’une pucelle est horrifiée par les paroles et les gestes d’une catin aussi entreprenante. Elle quitte donc rapidement la pièce, malgré une dernière boutade et la prostituée en profite aussitôt pour se relever et se coller à moi, me promettant monts et merveilles si je reste.
Je la repousse sans beaucoup de ménagement, maintenant que je ne suis plus observé et je quitte la pièce sans un mot pour rejoindre rapidement Maralina qui m’indique qu’elle n’a pas trop apprécié cette entrevue, ce qui n’est pas vraiment une révélation pour moi, je lui réponds simplement :

Pour être honnête avec vous, je n’ai pas non plus apprécié l’idée d’être considéré comme un bout de viande. Je comprends donc parfaitement votre réaction.

C’est vrai que je préfère largement dominer, raison pour laquelle, malgré sa souplesse, je ne retournerai pas la voir. Elle me pose ensuite une question sur l’enquête et je lui indique :

D’après mon expérience, il y a deux types de meurtriers, ceux qui veulent assouvir leurs pulsions et ceux qui ont un plan en tête. Pour moi, il s’agit de la seconde catégorie, cette prostituée a du entendre quelque chose qu’elle n’aurai pas dût et on a décidé en catastrophe de la supprimer, ce qui expliquerai pourquoi elle s’en est sorti.

Lorsqu’elle me demande si la description de la jeune femme me dit quelque chose, je prends le temps de réfléchir, le nombre de jeunes filles sur l’Esplanade étant fortement limité, surtout que j’ai déjà pas mal cherché depuis que je suis à la recherche d’une femme. Je peux donc lui répondre en toute connaissance de cause :

J’ai pas mal voyagé mais sa description ne me dit rien, alors que c’est quand même un profil atypique que l’on recherche. Je pense que l’on devrait maintenant aller chez un marchand de vin, pour lui demander si le symbole sur la bouteille lui dit quelque chose. Il n’y a plus beaucoup de caviste, mais le comte de Rougelac a un contact. Qu’en penses-tu ?

Je la tutoie puisqu’elle a commencé à le faire, mais à peine ai-je fini ma phrase que je vois un des hommes qui avançait dans notre direction, tomber brusquement en direction de la milicienne, je lui crie donc :

Attention !

Puis je me dépêche de récupérer le gars, évitant de justesse que la jeune femme ne soit touchée, je le remets facilement sur pied et il repart en bougonnant avec le reste de sa bande, comme si la rue leurs appartenaient. Si je n’étais pas en mission, je leur aurais montré qu’il ne fait pas bon de croiser ma route, mais là, je ne suis pas seul, je me contente donc de les regarder d’un air méchant puis je me retourne vers mon acolyte :

Tu vas bien ?

Ce serait quand même dommage que la fille du Baron soit blessée ou choqué, car je risque de finir mal vu de la noblesse et je devrais en plus faire une croix sur notre enquête.

Maralina ne put s’empêcher de laisser s’échapper un léger sourire alors qu’elle entendit la remarque du chevalier. Un bout de viande? N’était-ce pas ce que les femmes étaient pour les hommes? Eux qui tentaient de trouver le meilleur bout sans réellement se soucier des effets que cela entraînait sur les jeunes femmes? C’était plutôt comique que les rôles soient inversés pendant un moment. « Parce que t’aimes que cela soit le contraire? » La milicienne haussa un sourcil non sans jeter un regard amusé à Desmond. Aucune idée ce qui l’avait pris à ce moment-là, mais la question était trop tentante pour être laissée de côté. Puis lorsque ce dernier lui lança ces pensées, la jeune femme ne put s’empêcher de se mordiller la lèvre inférieure, analysant les paroles de son compagnon de fortune. Deux types de meurtriers? Peut-être, mais l’un ou l’autre n’était pas difficile à attraper. Qui plus le motif de ce meurtre ne lui semblait pas bénin. Si la prostituée croyait que c’était la femme de l’un de ses amants, elle semblait complètement discréditée le fait que cela soit quelque chose de plus grands. « Je crois que l’on a affaire à quelques choses de beaucoup plus grand que l’on peut imaginer… » La milicienne leva son regard cendré pour reporter son attention sur Desmond, l’observant silencieusement alors qu’elle repassait en tête tout ce que Camille leur avait dit.

Soudainement, Desmond cria avant de la contourner rapidement pour arrêter un homme qui chutait dans sa direction. D’un bond, la milicienne se déplaça, se mettant hors de la portée de ce dernier. Puis, son expression sembla changer alors que ce dernier se retournait vers elle pour s’assurer qu’elle allait bien. Venait-il réellement de la sauver? Surprise, la jeune femme ne put s’empêcher de baisser légèrement la tête en murmurant; « Oui, je vais bien. Ne t’inquiète pas. » Elle n’aimait pas réellement cette attention. Peut-être qu’il n’y avait aucun double sens, mais elle savait pertinemment que ses frères d’armes n’auraient jamais agi de la sorte. Ne suffisait qu’à penser aux blessures que Riparia lui avait laissées… « Merci. » Sans attendre plus longtemps, la jeune femme releva la tête, tentant tant bien que mal de laisser cet épisode derrière elle. « Allons voir le caviste. Cela me semble la meilleure piste que nous avons en ce moment. » Elle fit un pas de côté, lui laissant la place pour que ce dernier ne montre le chemin. Il fallait réellement qu’elle reprenne le contrôle d’elle-même! Pourquoi cette prostituée l’avait autant dérangé avec ces propos ratoureux? Ce pourrait-il que…? Maralina leva discrètement le regard vers Desmond, l’observant silencieusement avant de se reconcentrer sur la route. Non… c’était impossible. Quelle sottise de penser quelques choses de la sorte!

Heureusement, Maralina n’a pas été blessé lors de cet incident, ce qui est une chance et me remercie même de l’avoir aidé. À son invitation, je prends la tête de notre petite troupe et après quelques minutes de marche, je lui indique :

Pour répondre à ta question, je ne considérerais jamais les miliciennes ou les femmes nobles comme des bouts de viande. Les premières, parce qu’elles ont autant de courage que moi et les secondes parce qu’elles sont souvent plus éduquées que ma personne, mes études ont porté presque exclusivement sur le métier des armes.

Je lui précise pour pas qu’elle se fasse des idées que je regrette cette orientation :

Bien sûr, ce n’est pas un mal, car cela m’a permis de survivre à la Fange, mais parfois, je ne me sens pas vraiment en phase avec les autres nobles, je ne sais pas si tu me comprends.

Évidemment qu’elle ne me comprend pas, elle est la fille unique d’un grand nom de la noblesse et a toujours obtenu tout ce qu’elle veut. Mais je n’ai pas vraiment réfléchi et comme d’habitude, je me suis laissé emporter par mes émotions et j’ai baissé la garde, il faudrait vraiment que je fasse plus attention, sinon ça va finir comme l’histoire avec Apolline de Pesant et je vais devenir personne no gratta dans la résidence des Bransat.

Il faut un peu de temps pour arriver à notre objectif, mais finalement, l’établissement est en vue et je passe rapidement la porte, content de profiter d’un peu de chaleur après le froid qu’il fait dehors, le vendeur me reconnaît aussitôt et m’accueille avec un grand sourire :

Messire de Rochemont ! Ça me fait plaisir de vous revoir, comment allez-vous ?

Je lui réponds en souriant également :

Je vais très bien Julius, je vous présente dame Maralina de Bransat, une connaissance à moi.

Après tout, même si nous sommes en armure, nous ne sommes pas censés travailler pour la milice et toujours enquêter discrètement, je lui demande ensuite :

J’aimerais commander une nouvelle bouteille aujourd’hui pour une occasion spéciale, si vous voyez ce que je veux dire.

En disant ces derniers mots, je désigne, pas très subtilement la jeune femme. Le sourire de mon interlocuteur, lui s’élargit et il me fait un clin d’œil de connivence, me précisant même :

Bien sûr, je comprends tout à fait, messire, avez-vous déjà une idée en tête ?

Il me connaît bien, car au fur et à mesure des mois passé au service de Rougelac, j’ai goûté nombre de ses vins et j’ai maintenant une solide culture œnologique, je peux donc lui glisser mine de rien :

Et bien, j’ai essayé un jour, un vin dont je ne me souviens plus le nom, mais le symbole de la bouteille était de deux traits et au-dessus une sorte de couronne.

Je décris exactement l'image dont nous a parlé la prostituée, espérant que nous aurons une réponse positive, et peut-être même un exemplaire que je pourrais gouter, puisse les Trois répondre à mon appel.